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Commentaire de l'arrêt de Cassation de la Chambre Commerciale

rendu le 13 juillet 2006

I- Une confirmation des jurisprudences Chronopost antérieures.........................2


A- La mise en échec des clauses limitatives de responsabilité contradictoires
avec l'obligation essentielle du contrat...........................................................2
B- La nécessité d'une faute lourde dans le cas de l'application supplétive
d'un plafond légal de réparation institué par décret........................................3
II- La confirmation d'une appréciation subjective de la faute lourde...................3
A- La nécessité d'un « comportement grave »................................................3
B- Les conséquences probatoires....................................................................4

En application des principes du droit de la responsabilité contractuelle


présentés aux articles 1134 et 1147 du Code civil, celui qui a commis une faute
entraînant un préjudice est tenu de réparer intégralement ce dernier.
Toutefois, dans de nombreux contrats, les parties ont la possibilité d’insérer
une clause limitative de responsabilité. Cette clause a pour objet de limiter la
réparation par un plafond. Ainsi, si le préjudice subi est supérieur au plafond
indiqué dans la clause, la partie victime ne pourra obtenir une réparation
intégrale de son préjudice et ne sera indemnisée qu’à hauteur du plafond.

Dans ses conditions générales, la société de transport rapide Chronopost a


inséré des clauses limitatives de responsabilité en cas de perte du bien ou
retard de la livraison.

En cas de perte, cette société indemnise à hauteur de la valeur d’origine de la


marchandise, le montant de la réparation ou les frais directs de reconstitution
des documents. La clause limitative de responsabilité en cas de retard est celle
qui pose le plus de difficultés puisqu’en application de cette clause, le client de
la société de transport ne sera indemnisé que du coût du service. Or, l’objet du
contrat signé avec le transporteur n’est pas seulement de livrer le bien mais
aussi de le livrer dans les délais.

Cette difficulté juridique a donné lieu à un véritable feuilleton jurisprudentiel.


La Cour de Cassation dans son célèbre arrêt en date du 22 octobre 1996
relevait comme non écrite la clause limitative de responsabilité insérée dans le
contrat du transporteur fixant l'indemnisation en cas de retard au montant du
prix du transport car s'opposant à la cause essentielle du contrat.

Cette solution fut néanmoins à relativiser quelques années plus tard avec
l'apparition d'un nouvel arrêt. En effet, la Cour de cassation dans son arrêt en
date du 9 juillet 2002 relevait également que la clause conventionnelle
limitative de responsabilité est non écrite car elle caractérise un manquement
à une obligation essentielle, toutefois, en raison de l’existence d’un décret
prévoyant un plafond d’indemnisation, l’absence de faute lourde faisait échec
à la dérogation de cette limitation indemnitaire.

L'arrêt de Chambre Mixte en date du 22 avril 2005 vient compléter cette


jurisprudence en précisant les caractères de la faute lourde. Celle-ci se
caractérise par une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et
dénotant une inaptitude du débiteur contractuel à l’accomplissement de sa
mission.

L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du


13 juin 2006 vient se placer comme un nouvel épisode de ce feuilleton
jurisprudentiel.

En l'espèce, une entreprise confie à la société Chronopost l'acheminement d'un


pli contenant une soumission d'offre pour un marché d'équipement. La société
spécialisé dans le transport rapide ne remplit pas son obligation contractuelle
de célérité et livre le pli après l'heure limite, empêchant son client de participer
au marché d'équipement.

L'entreprise lésée se retourne contre le transporteur en lui demandant de


l'indemniser de son préjudice. Celle-ci se voit opposer une clause limitative de
responsabilité résultant d'un contrat type fixé par une loi en date du 30
décembre 1982.

Devant le refus du transporteur, la société lésée porte l'affaire devant les


juridictions civiles.

La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 2 décembre 2004 condamne


la société Chronopost au paiement d'une indemnité au titre de dommages-
intérêts. Pour exclure l'application de la clause limitative, elle qualifie de faute
lourde le fait pour Chronopost de n'avoir pas su tenir ses engagements sur une
très courte distance.

Le seul manquement d'une société de transport à une obligation essentielle du


contrat et ce, dans des conditions particulièrement évidente, est elle
assimilable à une faute lourde ?

La Cour de cassation répond à cette interrogation par la négative et rappelle,


dans cet arrêt en date du 13 juin 2006, que le manquement à une obligation
essentielle n'est pas assimilable à une faute lourde peu importe le caractère
évident de la mission. Seul le comportement du transporteur doit être
considéré pour caractériser l'existence ou non d'une faute lourde.

I- Une confirmation des jurisprudences Chronopost


antérieures

Conformément aux jurisprudences Chronopost antérieures, la Cour de


cassation retient la mise en échec des clauses limitatives de responsabilité
contradictoires avec l'obligation essentielle du contrat (A). Cependant, dans
l'existence d'un plafond légal de réparation institué par décret, la mise en
évidence d'une faute lourde demeure nécessaire (B).
A- La mise en échec des clauses limitatives de
responsabilité contradictoires avec l'obligation essentielle
du contrat

La solution retenue ici en l'espèce est celle appliquée avec régularité par la
Cour de cassation depuis le premier arrêt Chronopost en date du 22 octobre
1996. La Haute juridiction considère que la société de transport rapide en ne
délivrant pas à temps le pli qui lui a été confié ne remplit pas l'obligation
essentielle de son contrat, c'est en effet la célérité du service qui incite
l'expéditeur à choisir les services de la société Chronopost plutôt qu'un envoi
par des modalités plus classiques et moins onéreuses.

La clause limitative de responsabilité vient contredire l'obligation essentielle du


contrat qui ainsi se retrouve dépourvu de cause. Les tribunaux ont donc retenu
de réputer non écrite toute clause qui viendrait s'opposer à l'obligation
essentielle du contrat.

Toutefois en l'espèce, l'existence d'un plafond légal vient relativiser la portée


de cette solution sans toutefois l'invalider.

B- La nécessité d'une faute lourde dans le cas de


l'application supplétive d'un plafond légal de réparation
institué par décret

Comme vu précédemment, il est possible pour les juridictions d'écarter une


clause limitative de responsabilité à la condition que celle-ci s'oppose à
l'obligation essentielle du contrat.

La présence en l'espèce d'un plafond légal résultant d'un décret du 30


décembre 1982 empêche cette mise à l'écart de la clause litigieuse.

La encore, la Haute juridiction va employer une méthode à présent rodée dans


différentes espèces précédentes. Elle retient la nécessité d'une faute lourde
pour pouvoir écarter ce plafond d'indemnisation.

Traditionnellement la faute lourde repose sur des critères objectifs, par


exemple ici la Cour d'appel retient la faible distance ainsi que le temps qui était
imparti à la société de transport rapide afin de qualifier sa carence, d'une
négligence d'une extrême gravité confinant au dol.

En effet, la société, pleinement maitre de son action, ne pouvait en l'espèce


que difficilement faillir à ses obligations contractuelles. Aucune circonstance
particulière ne permettait à l'entreprise de transport d'invoquer la force
majeure afin de se libérer de ses obligations.

Pourtant la Cour de cassation ne retient pas cette qualification objective de la


faute lourde et vient y substituer une conception subjective.
II- La confirmation d'une appréciation subjective de
la faute lourde

La Cour de cassation opère à une requalification de la faute lourde, exigeant


notamment un « comportement grave » (A), ce qui entraine de lourdes
conséquences probatoires pour les expéditeurs lésés (B).

A- La nécessité d'un « comportement grave »

La Haute juridiction en cassant l'arrêt rejette les arguments fournis par la Cour
d'appel afin de retenir la faute lourde.

Cette dernière avait cherché à caractériser la faute lourde du transporteur en


s'attachant à qualifier la gravité du manquement par rapport aux circonstances
de l'exécution.

La Cour de cassation rejette cette interprétation objective de la faute lourde et vient y


substituer une interprétation subjective. Pour les magistrats du haut, la faute lourde est
caractérisé par un « comportement grave » du débiteur.

Cette notion particulièrement floue emporte de lourdes conséquences en matière probatoire


pour l'expéditeur lésé.

B- Les conséquences probatoires

Première conséquence de cette requalification de la faute lourde, l'expéditeur


doit assumer la charge probatoire. C'est à lui que revient de prouver que le
débiteur de l'obligation, de part la gravité de son comportement n'a pas
exécuté correctement le contrat.

On imagine aisément la difficulté que cela peut représenter dans l'hypothèse


ou l'entreprise refuse de divulguer les raisons du retard effectif sur la livraison.

En l'espèce, la Chambre commerciale fait preuve d'une grande sévérité.


L'évolution jurisprudentielle en faveur des expéditeurs, puisque permettant
l'annulation des clauses limitatives de responsabilité semble ici en net recul.

Seconde conséquence, la définition de la faute lourde retenue par la Haute


juridiction s'oppose à la définition classiquement retenue dans les matières
autres que le contrat de transport. Il est possible de constater dans cette
jurisprudence un morcellement de la notion de faute lourde qui ne va pas dans
le sens d'une simplification du droit objectif.

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