EN
CLINIQUE > CAS CLINIQUE
Yersinia
Choc septique à
pseudotuberculosis
chez un Sharpeï
A. BRUNET, DV, Interne VetAgro Sup
A. NECTOUX, DV, Résident ECVECC
C. POUZOT-NEVORET, DV, Dip. ECVECC,
PhD, Maître De Conférences
A. BARTHÉLEMY, DV, PhD, Ingénieur de
Recherche
Campus vétérinaire de Lyon, Unité SIAMU
1 avenue Bourgelat - 69280 Marcy L’Étoile
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
Être capable mettre en place les
mesures de réanimation médicale
adaptées en cas de choc septique.
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs : Néant
CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE
La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC.
La déclaration de lecture, individuelle et
volontaire, est à effectuer auprès du CFCV
(cf. sommaire).
20
Très souvent mortel, le choc septique doit être rapidement
reconnu et pris en charge précocement par des mesures de
réanimation médicale bien définies.
u
ne chienne Sharpeï de 1 an est présentée pour l’investigation de masses pyo-
granulomateuses associées à une perte de poids, une dysorexie et un abat-
tement.
Depuis deux mois, les propriétaires rapportent la présence de masses sous-cutanées
mandibulaires et préscapulaires droites ne régressant pas après un traitement corti-
costéroïde.
Des cytoponctions et biopsies réalisées par le vétérinaire traitant révèlent un contin-
gent pyogranulomateux sans agent pathogène ou atypie cellulaire.
Malgré la mise en place de traitements antibiotiques et de soins locaux, l’aggravation
progressive de la taille et de l’aspect des masses ainsi que l’apparition de troubles di-
gestifs, d’un abattement et d’une dysorexie motivent un deuxième avis. 
Cas clinique
Examen clinique
A l’admission, l’examen clinique révèle
un abattement, une cachexie, une hypo-
volémie (tachycardie à 200 battements
par minute, pouls filant et extrémités
froides) et un souffle systolique basal
gauche de grade II/VI.
L’examen dermatologique met en évi-
dence deux masses sous-cutanées de
plusieurs centimètres, indurées, suin-
© Vetagro-Sup Lyon – Unité SIAMU
tantes et peu mobilisables, mandibu-
laires et préscapulaires droites (PHOTO 1).
Examens complémentaires
Parmi les anomalies des examens san-
guins, sont considérées comme signifi-
catives : une leucocytose neutrophilique
marquée associée à une déviation à
gauche de la courbe d’Arneth, une hyper- Photo 1. Masses sous-cutanées ulcérées et
lactatémie marquée, une hypoglycémie suintantes en région mandibulaire et
et une hyperglobulinémie (TABLEAU 1). préscapulaire droites avant cicatrisation.
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Tableau 1. Résultats des

analyses sanguines.
Paramètres mesurés
Résultats
(valeurs usuelles)
Hématies (5,5 – 8,5 M/mm3) 4,6 M/mm3
Hémoglobine (12 – 18 g/L) 9 g/L
Hématocrite (37 – 54 %) 26 %
Leucocytes (6 – 17 m/mm3) 22 m/mm3
Polynucléaires neutrophiles 18,8 m/mm3
(3,9 – 13,6 m/mm3)
Polynucléaires neutrophiles non 1,6 m/mm3
segmentés (0 – 0,2 m/mm3) 2A 2B
Lymphocytes (1,1 – 5,3 m/mm3) 0,2 m/mm3
© Vetagro-Sup Lyon – – Service d’Imagerie Médicale

Monocytes (0,3 – 1,6 m/mm3) 0,9 m/mm3

Polynucléaires éosinophiles 0,7 m/mm3
(0 – 1,4 m/mm3)
Polynucléaires basophiles 0 m/mm3
(0 – 0,1 m/mm3)
Réticulocytes (0 – 80 m/mm3) 16 m/mm3
Plaquettes (140 – 600 m/mm3) 167 m/mm3
Glucose (3,5 – 6,5 mmol/L) 2,8 mmol/L
Lactate (< 2 mmol/L) 4 mmol/L
Urée (2 – 7 mmol/L) 6 mmol/L
Créatinine (60 – 125 μmol/L) 106 μmol/L
Protéines totales (50 – 69 g/L) 98 g/L
Albumines (23 – 24 g/L) 28 g/L
2C 2D
Globulines (24 – 39 g/L) 70 g/L
ALAT (12 – 80 U/L) 36 U/L Photos 2A à 2D. Echographies du foie (A), de la rate (B) et des nœuds lymphatiques hépatiques (C) et
PAL (1 – 200 U/L) 111 U/L mésentériques (D). Mise en évidence d’un foie très hypoéchogène, une rate diffusément et très
Temps de céphaline activée 11,5 s hétérogène avec de multiples nodules hypoéchogènes millimétriques lui conférant un aspect en nid
(9,7 – 15,0 s)
d’abeille, ainsi qu’une adénomégalie généralisée.
Temps de Quick (5,9 – 8,4 s) 8,9 s
Troponine I (0 – 0,11 ng/mL) 0,38 ng/mL

Une mesure de la pression artérielle ré- tieux bactérien, fongique ou parasitaire,
vèle une hypotension nette réfractaire à associé à une endocardite sigmoïdienne.
la prise en charge initiale par fluidothé- L’échographie abdominale révèle un
rapie. foie nettement hypoéchogène, une rate
diffusément et très hétérogène avec de
Diagnostic
multiples nodules hypoéchogènes mil-
Un choc septique est alors diagnostiqué. limétriques lui conférant un aspect en
nid d’abeille, ainsi qu’une adénomégalie
Traitement généralisée (PHOTOS 2A À 2D).
Une prise en charge d’urgence associant L’ensemble des anomalies échogra-
des bolus de cristalloïdes, des vasopres- phiques visibles sont compatibles prio-
seurs (noradrénaline à 0,1 µg/kg/min et ritairement avec un processus infectieux
systémique compte tenu du contexte,
dexmédétomidine à 0,5 µg/kg/min), une
ou moins probablement une infiltration
antibiothérapie large spectre (ampicilline
néoplasique diffuse à cellules rondes.
– sulbactam 40 mg/kg IV 4 fois par jour
et gentamicine 6,6 mg/kg IV une fois par Des cytoponctions hépatiques, splé-
jour) et une oxygénothérapie permettent niques, des nœuds lymphatiques mésen-
une stabilisation clinique. tériques, préscapulaires et poplités, ainsi
que des masses mandibulaire et présca-
A ce stade de la démarche diagnostique,
pulaire révèlent un contingent inflam-
l’hypothèse retenue est celle d’un choc
matoire pyogranulotameux suppuratif
septique, prioritairement secondaire à
septique (PHOTOS 3).
un corps étranger migrant en regard de
la région mandibulaire et/ou préscapu- Ces résultats sont complétés par une
laire droites ou à tout autre foyer infec- bactériologie, réalisée sur les masses
cutanées et la rate, permettant d’iden-
tifier une souche de Yersinia pseudo-
turbeculosis sensible à l’antibiothérapie
probabiliste mise en place.
Du fait de l’aggravation du souffle car-
diaque, une échocardiographie est réali-
sée et met en évidence un épaississement
de la valve non coronaire aortique asso-
cié à un flux turbulent et une insuffisance
aortique, en faveur d’une lésion d’endo-
cardite infectieuse prioritairement.
Cette hypothèse est confirmée par la
mesure des marqueurs myocardiques en
augmentation (PHOTOS 4).
Afin d’explorer la présence d’emboles
septiques pulmonaires, une radiogra-
phique thoracique est réalisée et révèle
une opacification pulmonaire intersti-
tielle floconneuse péribronchique, plus
marquée dans les lobes caudo-dorsaux,
compatible avec des lésions de bron-
chopneumonie infectieuse hématogène
(PHOTOS 5) .

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CLINIQUE > CAS CLINIQUE

3A 3B
© Vetagro-Sup Lyon – Service de Biologie Médicale

3C 3D

Photos 3A à 3D. Cytoponctions des nœuds

© Vetagro-Sup Lyon – – Service d’Imagerie Médicale

lymphatiques préscapulaires (3A : grossissement

x20 et 3B : grossissement x50), de la rate
(3C : grossissement x40) et du foie
(3D : grossissement x50) à la coloration MGG.
Mise en évidence de coques (flèche rouge) et de
figures de phagocytose (flèches blanches).
A+
+

Suivi
Les paramètres de la volémie et la pres-
sion artérielle se stabilisent rapidement,
permettant un sevrage en molécules
vasoactives.
4A 4B
L’antibiothérapie est poursuivie puis
Photos 4A et 4B. Images échocardiographiques.
adaptée (arrêt de la gentamicine, pour-
A – Épaississement (flèche) de la valve aortique en coupe parasternale petit axe passant par l’aorte ;
suite de l’ampicilline-sulbactam à 30 mg/
B – Flux turbulent (flèche) en coupe quatre cavités.
kg IV 3 fois par jour puis amoxicilline –
acide clavulanique à 15 mg/kg PO 2 fois par jour), d’antiacides (pantoprazole L’anorexie persistant, la chienne est pro-
par jour). 1 mg/kg IV une fois par jour) et de pan- gressivement réalimentée à l’aide d’une
L’apparition de troubles digestifs justifie sements gastro-intestinaux (sucralfate sonde nasogastrique jusqu’à la reprise
la mise en place d’antiémétiques (citrate 0,25 g/kg PO 3 fois par jour et smectite d’une alimentation spontanée.
de maropitant 1 mg/kg IV une fois par 1 sachet PO 2 fois par jour) permettant Des soins locaux des masses à la
jour, métoclopramide 0,3 mg/kg IV 3 fois une résolution de ces derniers. chlorhexidine diluée sont effectués deux

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> CAS CLINIQUE
© Vetagro-Sup Lyon – – Service d’Imagerie Médicale
5A
Photos 5A et 5B. Radiographies du thorax (vue ventro-dorsale et vue latérale gauche). Opacification pulmonaire interstitielle floconneuse péribronchique,
plus marquée dans les lobes caudo-dorsaux.
fois par jour ainsi que des changements
de pansements hydrocolloïdes (Algo-
plaque) pour favoriser la détersion (PHO-
TO 6) .
La chienne est rendue après 15 jours
d’hospitalisation avec la prescription sui-
vante : amoxicilline – acide clavulanique
20 mg/kg PO 2 fois par jour et des soins de
plaies 2 fois par jour. 
© Vetagro-Sup Lyon – Unité SIAMU
Photo 6. Masses sous-cutanées ulcérées et
suintantes en région mandibulaire et
préscapulaire droites en cours de cicatrisation.
(691) PratiqueVet (2018) 53 : 688-692
Discussion
La réanimation a une
place essentielle
En cas de choc septique, les mesures de
réanimation médicale doivent être mises
en place le plus précocement possible
après le diagnostic.
Traitement de l’hypotension
La fluidothérapie est la première étape
de la prise en charge du patient en choc
septique. Elle est essentielle pour main-
tenir un apport d’oxygène suffisant aux
tissus et prévenir l’apparition de défail-
lance multiorganique.
Parmi les fluides disponibles, on trouve
les cristalloïdes isotoniques et hyperto-
niques, les colloïdes et les produits san-
guins ou dérivés [1].
L’utilisation de solutions isotoniques
comme le Ringer lactate ou le NaCl 0,9 %
est préférée en première intention (bolus
de 10 - 15 mL/kg chez le Chien et 5 –
10 mL/kg chez le Chat, en 10 minutes, à
répéter plusieurs fois).
Les fluides hypertoniques comme le
NaCl 7,5 % ou 10 % sont administrés en
cas de persistance d’hypotension (bolus
de 5 – 10 mL/kg en 10 minutes).
EN
CLINIQUE
5B
L’usage des colloïdes est controversé lors
de choc septique du fait de leurs réper-
cussions sur la fonction rénale et doit
être évité lorsque d’autres produits sont
disponibles [1,2].
Si l’hypotension persiste malgré une flui-
dothérapie adaptée, des molécules va-
soactives ou inotropes positives doivent
être utilisées.
Bien qu’il n’existe pas de consensus
actuel sur l’utilisation de ces molécules,
la noradrénaline (0,1 – 2 µg/kg/min IV),
ligand des récepteurs alpha-adréner-
giques à faible dose, est utilisée en pre-
mière intention afin de maintenir une
pression artérielle moyenne supérieure
à 65 mmHg.
Des agents inotropes positifs comme
la dobutamine (5 – 20 µg/kg/min IV)
peuvent être utilisés lors de défaillance
myocardique associée [1].
Des études récentes suggèrent que
d’autres molécules, comme les bétablo-
quants ou les alpha2-agonistes, stabili-
seraient également la fonction cardio
circulatoire des patients en choc sep-
tique.
Les bétabloquants, tel que l’esmolol, per-
mettraient de moduler la surstimulation
du système sympathique et d’influencer
positivement les fonctions cardio-vascu-
laire et immunitaire [4,5].
23
 EN
CLINIQUE > CAS CLINIQUE

MÉMO

Encadré 1 : Protocole d’antibiothérapie. ■ Le choc septique est une défaillance

organique consécutive à une altération de la
réponse de l’organisme à une infection,
associée à une hypotension réfractaire à la
Amoxicilline / Acide clavulanique ou Ampicilline / Sulbactam fluidothérapie et nécessitant l’administration
20-30 mg/kg IV 3 à 4 fois par jour de vasopresseurs pour maintenir une
Triméthoprime / Sulfamide pression artérielle moyenne supérieure à 65
mm Hg.
30 mg/kg IV 2 fois par jour
■ Les mesures de réanimation médicale
doivent être mises en place le plus
précocement possible et consistent en une
Enrofloxacine fluidothérapie en première intention puis
10 mg/kg IV (Chien) / 2,5 mg/kg IV (Chat) 2 fois par jour l’emploi de molécules vasoactives et d’une
antibiothérapie adaptée.
■ Le pronostic est sombre car ce syndrome
Gentamicine est associé à des taux de mortalité de 20 à
5 - 7 mg/kg IV 1 fois par jour (3-5 jours maximum) 70 %.

Métronidazole
15 mg/kg IV lente 2 fois par jour

Les alpha2-agonistes, comme la cloni- Mise en place d’une antibiothérapie

dine ou la dexmédétomidine, rédui-
raient significativement le relargage en
catécholamines à l’origine d’une désen-
sibilisation des récepteurs béta-1, per-
mettant ainsi d’augmenter la réactivité
vasculaire [6].
Bien que des études supplémentaires
soient encore nécessaires, ces premiers
résultats semblent prometteurs.
Dans notre cas, la noradrénaline a été
mise en première intention et a permis
de stabiliser la pression artérielle.
Cependant, l’animal présentait toujours
une tachycardie importante, motivant
l’ajout d’une perfusion continue de dex-
médétomidine.
Les animaux en choc septique peuvent
également présenter un déficit en cor-
ticoïdes dû à un dysfonctionnement de
l’axe hypothalamo-hypophyso-surréna-
lien.
On parle alors d’insuffisance surré-
nalienne au cours du sepsis. Ainsi, en
l’absence de réponse aux vasopresseurs,
un corticoïde tel que l’hydrocortisone,
à faible dose, peut être administré afin
de resensibiliser les récepteurs adréner-
giques [7,8].
adaptée
Lors de choc septique, il est essentiel
d’identifier la source de l’infection et de
mettre en place, le plus rapidement pos-
sible, une antibiothérapie adaptée.
Le délai entre ces deux étapes est déter-
minant pour la survie du patient.
Le choix de l’antibiotique est souvent
empirique : antibiothérapie probabiliste.
Sa mise en place est donc régie par la
localisation du foyer infectieux suspecté,
les données de la littérature de ce type
d’affection, l’exposition à des sources
nosocomiales, la durée d’hospitalisation
et les traitements précédemment reçus
par le patient.
Les antibiotiques utilisés sont préféren-
tiellement bactéricides, possèdent un
large spectre et sont utilisés par voie in-
traveineuse [1].
De nombreux protocoles sont actuelle-
ment proposés, en voici un (ENCADRE 1)
s’inspirant des recommandations pour
un bon usage des antibiotiques écrit par
l’AFVAC [9]. 
À LIRE...
1. DeBoller EM, Otto CM. Sepsis and septic
shock. In : Silverstein D, Hopper K, eds, Small
animal critical care medecine. Second edition.
St. Louis : Elsevier Saunders ; 2015 : 472–80.
2. Magnin M, Barthélemy A. Conduite à tenir
en cas de sepsis ou de choc septique chez le
chien et le chat. PratiqueVet. 2017 ; 52 : 20–3.
3. Silverstein DC, Beer KAS. Controversies
regarding choice of vasopressor therapy for
management of septic shock in animals. J Vet
Emerg Crit Care San Antonio Tex 2001. 2015 ;
25 : 48–54.
4. Sanfilippo F et coll. Beta-blocker use in
severe sepsis and septic shock : a systematic
review. Curr Med Res Opin. 2015 ; 31 : 1817–25.
5. Astuto M. Sepsis and beta-blockade : a
look into diastolic function. Curr Med Res
Opin. 2015 ; 31 : 1827–8.
6. Pichot C et coll. Alpha-2 agonists to reduce
vasopressor requirements in septic shock ?
Med Hypotheses. 2010 ; 75 : 652–6.
7. Martin LG. Critical illness-related
corticosteroid insufficiency in small animals.
Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2011 ;
41 : 767–82.
8. Creedon JMB. Controversies surrounding
critical illness-related corticosteroid
insufficiency in animals. J Vet Emerg Crit Care
San Antonio Tex 2001. 2015 ; 25 : 107–12.
9. Sepsis et choc septique chez le chien et le
chat. In : Guide de bonnes pratiques - Fiche
de recommandations pour un bon usage des
antibiotiques – Filière animaux de compagnie.
AFVAC éditions : Paris ; 2017 : 156–61.

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