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LE NOUVEAU
DROIT PENAL
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COLLECTION
DROIT PENAL
Frédéric Francis
DESPORTES LE GUNEHEC
Conseiller référendaire Chef du bureau de la
à la Cour de cassation législation pénale générale
au ministère de la Justice
LE N O U V E A U
DROIT PENAL
Tome 1
Droit pénal général
Septième édition
ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
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Avant-propos
Sommaire
Avant-propos V
Sommaire VII
Bibliographie générale IX
Principales abréviations XIII
Introduction
Première approche du droit pénal 1
I. La notion de droit pénal 2
II. L'évolution du droit pénal 27
TITRE 1
L a loi p é n a l e
Sous-titre Ier
L ' o b j e t de la loi p é n a l e : l'infraction 65
I. La distinction entre les crimes, les délits et les contraventions 67
II. Les infractions de droit spécial 93
S o u s - t i t r e II
Les sources de la loi p é n a l e 135
I. La loi et le règlement, seules sources du droit pénal 137
II. La subordination de la loi et du règlement aux normes supérieures .... 183
Sous-titre III
L'application de la loi p é n a l e 225
I. La détermination de la loi pénale applicable (la qualification des faits) 227
II. L'application de la loi pénale dans le temps 247
III. L'application de la loi pénale dans l'espace ......................................... 309
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TITRE II
La responsabilité pénale
Sous-titre Ier
Le fait générateur de la responsabilité pénale : la commission de l'infraction 359
I. L'élément matériel de l'infraction 361
II. L'élément intellectuel de l'infraction 387
Sous-titre II
La détermination de la personne pénalement responsable 445
I. La responsabilité pénale des personnes physiques 449
II. La responsabilité pénale des personnes morales 499
Sous-titre III
Les causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité 553
I. Les causes subjectives d'irresponsabilité ou d'atténuation
de responsabilité 557
II. Les causes objectives d'irresponsabilité pénale 599
TITRE III
Les peines
Sous-titre Ier
La définition légale de la peine 649
I. Les peines applicables aux personnes physiques 655
II. Les peines applicables aux personnes morales 719
Sous-titre II
L'application de la peine 735
I. L'adaptation légale de la peine aux situations particulières 737
II. La personnalisation judiciaire de la peine 775
Sous-titre III
L'évolution de la peine 829
I. L'aménagement de la peine en cours d'exécution 831
Il. L'extinction des peines et l'effacement des condamnations 877
III. La mémoire des peines : le casier judiciaire 909
Bibliographie g é n é r a l e
Les ouvrages suivis d'un astérisque (*) sont cités dans le présent
manuel par le seul nom de leur (s) auteur (s).
1. T r a i t é s e t m a n u e l s
Outre les encyclopédies de droit pénal (Répertoire de droit pénal
et de procédure pénale Dalloz et Jurisclasseur pénal), on citera les
ouvrages suivants :
a) D r o i t p é n a l g é n é r a l
Ouvrages récents
B. Chabert et P.-O. Sur, Droit pénal général, Dalloz, 1996.
Ph. Conte et P. Maistre de Chambon, Droit pénal général, Armand
Colin, 5e éd., 2000*.
J.-P. Doucet, « La loi pénale », Gazette du Palais, 1986.
M. Gendrel, Maîtriser le droit pénal général, Roudil, 1988*.
W. Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien, 1995*.
J. Larguier, Droit pénal général, Memento Dalloz, 17e éd., 1999*.
G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil et B. Bouloc, Droit pénal et
procédure pénale, Sirey, 1999*.
F. Le Gunehec, Le nouveau Code pénal illustré, Dalloz, 1996.
CI. Lombois, Droit pénal général, Hachette, 1994*.
R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas, t. I, 6e éd., 1989* ;
7e éd., 1997*.
J. Pradel, Droit pénal général, Cujas, 14e éd., 1999*.
M. Puech, Droit pénal général, Litec, 1988*.
M.-L. Rassat, Droit pénal, PUF, 2e éd., 1999*.
J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF, 3e éd., 1998*.
G. Roujou de Boubée, B. Bouloc, J. Francillon et Y. Mayaud, Code pé-
nal commenté, Dalloz, 1996.
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Ouvrages spécialisés
B. Bouloc, Pénologie, Dalloz, 1991.
A. Huet et R. Koering-Joulin, Droit pénal international, PUF, coll.
Thémis, 1994*.
J. Larguier, Criminologie et science pénitentiaire, Memento Dalloz,
8e éd., 1999.
CI. Lombois, Droit pénal international, précis Dalloz, 2e éd., 1979*.
P. Poncela, Le droit de la peine, PUF, coll. Thémis, 1995.
J. Pradel, Droit pénal comparé, précis Dalloz, 1994.
J. Pradel et G. Corstens, Droit pénal européen, précis Dalloz, 1999.
J.-F. Renucci, Droit pénal des mineurs, Masson, 1994.
F. Staechele, La pratique de l'application des peines, Litec, 1995.
b) D r o i t p é n a l s p é c i a l
A. Coeuret et E. Fortis, Droit pénal du travail, Litec, 1998.
M. Delmas-Marty, Droit pénal des affaires, PUF, coll. Thémis, 3e éd.,
2 tomes, 1990.
J.-P. Doucet, « La protection pénale de la personne humaine », t. 1,
Gazette du Palais, 1994.
CI. Ducouloup-Favard, Droit pénal des affaires, Masson, 1993.
P. Gattegno, Droit pénal spécial, cours Dalloz, 2e éd., 1999.
P. Gautier et B. Lauret, Droit pénal des affaires, Economica, 1987.
G. Giudicelli-Delage, Droit pénal des affaires, Memento Dalloz, 4e éd.,
1999.
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2. E x e r c i c e s p r a t i q u e s
M.-E. C a r t i e r et G. Confino, D r o i t p é n a l , Exercices p r a t i q u e s , M o n t -
c h r e s t i e n , 1997.
D. S a a d a - H a l f e n e t B. M e r l e , Exercices corrigés, D r o i t p é n a l et procé-
d u r e p é n a l e , P U F , 1982.
3. R e c u e i l s d e j u r i s p r u d e n c e
Même si la jurisprudence n'occupe pas en matière pénale la
place qui est la sienne en d'autres disciplines comme le droit admi-
nistratif, il est souhaitable, ne serait-ce que pour se familiariser
avec la matière, de connaître les grandes décisions de la Chambre
criminelle. En outre, l'importance prise par la jurisprudence du
Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de
l'homme est telle en droit pénal qu'il est utile de disposer d'ouvrages
regroupant les grandes décisions de ces deux juridictions.
5. P r i n c i p a l e s r e v u e s
Archives de politique criminelle.
Droit pénal (annexe du Jurisclasseur).
Revue de droit pénal et de criminologie (Bruxelles).
Revue internationale de droit pénal.
Revue pénale suisse.
Revue pénitentiaire et de droit pénal.
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé.
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Principales abréviations
Introduction
P r e m i è r e a p p r o c h e d u droit pénal
SECTION 1
La n o t i o n de droit p é n a l
§ 1. Le c o n t e n u d u d r o i t p é n a l
3. - Le droit pénal au sens strict doit être distingué des
matières voisines avec lesquelles il entretient des rapports étroits
(A). Ainsi isolé, il ne se présente pas pour a u t a n t de manière mono-
lithique. Le droit pénal réunit en effet plusieurs disciplines qui ont
acquis chacune un certain degré d'autonomie (B).
A. D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l et les m a t i è r e s voisines
4. - Le droit pénal doit être distingué, d'une part, de la procé-
dure pénale et, d'autre part, de certaines autres disciplines qui ont
pour objet l'étude de l'infraction.
1) D i s t i n c t i o n d u d r o i t p é n a l e t d e la p r o c é d u r e p é n a l e
5. - D é f i n i t i o n r e s p e c t i v e d u d r o i t p é n a l et d e l a p r o c é d u r e
p é n a l e . La plupart des définitions du droit pénal proposées par la
doctrine sont très larges. Ainsi, le droit pénal est-il défini comme
« l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l'État
vis-à-vis des infractions et des délinquants » (Merle et Vitu, n° 146),
ou comme « le droit de l'infraction et de la réaction sociale qu'elle
engendre » (Pradel, n° 1) ou encore comme « l'ensemble des normes
juridiques qui réglementent le recours de l'État à la sanction
pénale » (J.-H. Robert, p. 53).
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6. - R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l e t l a p r o c é d u r e p é n a l e .
L'une des particularités majeures du droit pénal est que sa mise en
œuvre suppose nécessairement une intervention judiciaire. Alors
que, généralement, le droit ne se confond p a s avec le contentieux, qui
n'en est qu'une manifestation pathologique, le droit pénal est au
contraire, p a r nature, un droit contentieux. Les textes régissant la
vente, le contrat de société ou la filiation s'appliquent sans donner
lieu à procès en l'absence de contestation entre les intéressés. En
revanche, la mise en œuvre des textes réprimant le meurtre, le vol
ou la corruption ne se conçoit pas indépendamment de l'interven-
tion des autorités judiciaires puisque ces textes ne définissent pas
une activité licite, mais au contraire les conséquences de la viola-
tion de certains interdits.
2) D i s t i n c t i o n d u d r o i t p é n a l e t d ' a u t r e s disciplines
a y a n t p o u r objet l ' é t u d e d e l ' i n f r a c t i o n
12. - Le droit pénal, qui a pour objet la définition juridique des
infractions, doit être distingué d'autres disciplines qui étudient
l'infraction sous un angle politique, sociologique ou scientifique : la
politique criminelle, la criminologie et la criminalistique.
13. - D r o i t p é n a l e t p o l i t i q u e c r i m i n e l l e . La politique crimi-
nelle est un concept introduit au début du XIXe siècle par Feuer-
bach. Elle était définie p a r celui-ci comme « l'ensemble des procédés
répressifs p a r lesquels l'État réagit contre le crime ». La doctrine
actuelle s'accorde à donner à l'expression un sens plus large en
intégrant dans la politique criminelle non seulement les procédés
répressifs de lutte contre le crime mais également les mesures pré-
ventives tels que l'aménagement urbain, la lutte contre les fléaux
sociaux, la prise en charge éducative des enfants... Dans cette
acception élargie, la politique criminelle est, pour reprendre la
définition qu'en a donnée M. Delmas-Marty, « l'ensemble des procé-
dés p a r lesquels le corps social organise la réponse a u phénomène
criminel ». Certes, le droit pénal constitue l'un de ces procédés
mais il n'est nullement exclusif. De plus, lorsqu'elle utilise le droit
pénal, l'objet de la politique criminelle n'est pas de définir juridi-
quement les infractions mais d'inspirer les choix du législateur en
dégageant les lignes directrices de son action (renforcement de la
répression en tel domaine, dépénalisation en tel autre, notam-
ment). Elle peut également avoir pour objet de guider les choix des
magistrats dans la mise en œuvre de la loi pénale en définissant
des priorités d'intervention (délinquance économique, routière,
notamment) ou en favorisant des modes d'intervention (avertisse-
ment, médiation, notamment). Dans ce second cas, elle peut être
déterminée, soit au niveau national p a r le garde des sceaux par
voie de circulaire aux parquets, soit au niveau local par le procu-
reur général et le procureur de la République. Qu'elle inspire
l'action législative ou l'action judiciaire en matière pénale, la politi-
que criminelle est toujours une stratégie de lutte contre la délin-
quance (v. M. Delmas-Marty, Les g r a n d s systèmes de politique cri-
minelle, coll. Thémis, 1992 ; C. Lazerges, La politique criminelle,
coll. Que sais-je ?, 1987).
14. - D r o i t p é n a l et c r i m i n o l o g i e . Le droit pénal, qui s'atta-
che à la définition juridique des infractions, doit également être dis-
tingué de la criminologie, qui étudie les causes de la criminalité et,
dans une conception élargie, les divers modes de traitement du
délinquant et de prévention de la récidive (v. Gassin, Criminologie,
1990 ; Merle et Vitu, nos 19 et s. ; Pradel, n° 71 ; L. Négrier-Dor-
mont, Criminologie, Litec, 1992).
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B. D i s t i n c t i o n e n t r e les d i v e r s e s d i s c i p l i n e s
c o m p o s a n t le d r o i t p é n a l
16. - Une distinction fondamentale doit être faite entre le droit
pénal général et le droit pénal spécial, mais d'autres distinctions
peuvent être établies à l'intérieur de chacune de ces deux disci-
plines.
1) D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l g é n é r a l
e t le d r o i t p é n a l spécial
17. - Le d r o i t p é n a l g é n é r a l . Comme son nom l'indique, le
droit pénal général réunit les règles applicables à l'ensemble des
infractions ou une partie d'entre elles, comme, par exemple, celles
fixant le champ d'application de la loi pénale dans le temps et dans
l'espace ou celles déterminant les causes d'irresponsabilité pénale
ou encore les règles précisant la nature des peines et leurs modali-
tés d'application. Ces règles générales, qui constituent en quelque
sorte le mode d'emploi de tous les textes pénaux, sont contenues
dans le livre Ier du Code pénal.
18. - Le d r o i t p é n a l spécial. Le droit pénal spécial a pour
objet de définir les diverses infractions particulières en décrivant
leurs éléments constitutifs, les peines qui leur sont applicables et
éventuellement les règles spécifiques de procédure ou de fond aux-
quelles elles sont soumises par dérogation aux principes du droit
pénal général et de la procédure pénale. Le droit pénal spécial est
donc une sorte de galerie des grandes turpitudes et petites fai-
blesses humaines.
La matière du droit pénal spécial est aujourd'hui très dispersée.
Certes, les livres II à IV du Code pénal contiennent les infractions
fondamentales dont quelques unes donnent lieu à l'essentiel des
poursuites pénales : meurtre, homicide ou blessures involontaires,
violences, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, vol, escroque-
rie, abus de confiance, destructions, corruption, faux... Ces infrac-
tions ont pour trait commun d'être chacune définie de manière
autonome et non par référence à des dispositions non répressives
dont elles viendraient sanctionner l'inexécution. Mais, au cours de
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2) L a t e n d a n c e a u m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l spécial
et d u droit pénal général
19. - Le m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l spécial. Le recours
presque systématique à la sanction pénale pour assurer l'applica-
tion des réglementations nouvelles dans les domaines économique,
financier ou social a considérablement accru le champ du droit
pénal spécial. Une ligne de partage de plus en plus nette est appa-
rue entre les infractions de base contenues dans le Code pénal et la
masse des autres infractions, qui forment une sorte de « droit pénal
très spécial » (Pradel, n° 51) ou encore de « droit pénal technique ».
Pour des raisons tenant à l'abondance de la matière, mais égale-
ment à de réelles spécificités du point de vue de la technique juri-
dique, la doctrine a tendance à étudier de manière séparée cette
nébuleuse d'infractions en les classant par thème. Il est aujourd'hui
courant d'évoquer le droit pénal de la consommation, le droit pénal
des affaires, le droit pénal de la communication ou encore le droit
pénal de l'environnement.
Jusqu'à la réforme du Code pénal, le législateur n'avait que très
partiellement con'sacré ces divisions. Il reconnaissait explicitement par
exemple le particularisme de certaines infractions « en matière économi-
que et financière » pour leur appliquer des règles procédurales spécifiques
(v. art. 704 et s. du C. pr. pén.). Depuis la réforme du Code pénal, la frac-
ture séparant le droit pénal spécial en deux grands blocs apparaît plus
nettement en législation. Tandis que les livres II à IV du Code pénal sont
destinés à rassembler les infractions classiques, le livre V a été ouvert
pour codifier progressivement le droit pénal technique selon des divisions
qui devraient reprendre les distinctions doctrinales (infra, n° 97). Toute-
fois, à ce jour, aucun classement systématique n'a encore été effectué et
les critères de classement semblent d'ailleurs encore incertains.
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20. - Le m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l g é n é r a l . Certaines
parties du droit pénal général ont également acquis progressive-
ment une certaine autonomie.
• Il en est ainsi tout d'abord des dispositions relatives à l'exécu-
tion des peines, qui font l'objet d'une discipline particulière : la
pénologie. Ces dispositions, nombreuses et complexes, ne peuvent
être complètement exposées dans le cadre d'un ouvrage consacré au
droit pénal général. En outre, l'exécution des peines présente cette
particularité d'appartenir à la fois au droit pénal de fond et à la
procédure pénale car l'étude des divers modes d'exécution des pei-
nes est indissociable de celle de leurs conditions procédurales de
mise en œuvre. Du reste, la matière est traitée à la fois dans le
Code pénal et dans le Code de procédure pénale. La répartition
entre les deux codes est toutefois moins liée à la nature, de forme
ou de fond, des règles concernées qu'à leur objet : le Code pénal
traite essentiellement des mesures susceptibles d'être décidées au
stade de la condamnation (sursis, fractionnement ou relèvement ab
initio, période de sûreté, notamment), tandis que le Code de procé-
dure pénale traite pour l'essentiel des mesures pouvant être prises
postérieurement à la condamnation (aménagement du sursis, libé-
ration conditionnelle, fractionnement ou relèvement postérieurs à la
condamnation, notamment).
a Le droit pénal des mineurs a également acquis au sein du
droit pénal général une forte autonomie. Il est apparu en effet
indispensable de prendre en compte la situation spécifique des
mineurs de manière à tirer les conséquences de leur moindre degré
de responsabilité et à favoriser leur rééducation par des mesures
appropriées. Les règles particulières leur étant applicables sont
contenues aujourd'hui dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante, dont la réforme, souvent envi-
sagée, est sans cesse remise. Le droit pénal des mineurs est donc
fait d'un ensemble de règles dérogatoires au droit pénal général et
non, comme la pénologie, d'un ensemble de règles constituant une
partie du droit pénal général.
e Enfin, le droit pénal international prend aujourd'hui une
importance croissante. Constitué à la fois de règles de fond et de
forme, il a pour objet le règlement des conflits de lois pénales dans
l'espace et l'organisation de la coopération inter-étatique en matière
pénale (extradition, effets internationaux des jugements répressifs,
notamment). On le distingue du droit international pénal, qui orga-
nise la répression des infractions dans l'ordre international. Celui-ci
suppose l'existence d'infractions internationales prévues et répri-
mées par des textes internationaux et jugées par des juridictions
internationales, tels le Tribunal militaire international de Nurem-
berg institué en 1945 pour juger les hauts dignitaires de l'Alle-
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§ 2. L ' o b j e t p r o p r e d u d r o i t p é n a l
21. - Au-delà de la diversité des disciplines qui le composent, le
droit pénal présente une unité fondamentale. Son unique raison
d'être en même temps que son objet propre est en effet de définir
les infractions. Si la définition juridique de l'infraction tirée de la
peine applicable est claire quoique insatisfaisante (A), il n'est pas
possible en revanche d'avancer une définition matérielle tirée de la
nature des comportements incriminés (B).
A. L a d é f i n i t i o n j u r i d i q u e d e l ' i n f r a c t i o n
1) L e c o n t e n u d e la d é f i n i t i o n
22. - Le terme infraction revêt un double sens. On désigne
souvent par ce mot le comportement d'une personne déterminée
contraire à la loi pénale. C'est en ce sens que l'on dit de tel auto-
mobiliste qui n'a pas mis sa ceinture de sécurité qu'il « commet une
infraction » ou qu'il « est en infraction ». Mais, dans une seconde
acception, plus juridique, l'infraction s'entend du comportement
interdit sous la menace d'une peine tel qu'il est défini de manière
générale et impersonnelle p a r la loi pénale. En ce sens, l'infraction
comporte deux éléments : d'une part l'incrimination, c'est-à-dire la
description des divers éléments constitutifs du comportement inter-
dit, et, d'autre part, la peine qui le sanctionne. Par exemple, selon
l'article 222-1 du Code pénal, « le fait de soumettre une personne à
des tortures ou à des actes de barbarie (incrimination) est puni de
quinze ans de réclusion criminelle (peine) ».
Il ne peut y avoir d'infraction pénale si l'un de ces deux éléments
fait défaut. Un intèrdit ou une obligation qui n'est pas pénalement
sanctionnée n'est pas une infraction. Fort heureusement, l'hypo-
thèse est fréquente. Mais il n'est pas nécessaire qu'incrimination et
sanction pénale soient formellement réunies dans un même texte.
Ainsi, la définition du vol figure à l'article 311-1 du Code pénal, tan-
dis que la peine applicable est prévue par l'article 311-3. Il se peut
même que le texte d'incrimination et le texte de pénalité ne soient
pas au même niveau dans la hiérarchie des normes. Ainsi, une obli-
gation ou une interdiction prévue dans un texte législatif peut être
sanctionnée par un texte réglementaire, et inversement.
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2) Le c r i t è r e d e l a d é f i n i t i o n : la p e i n e
23. - Une obligation ou une interdiction n'est une infraction que
si elle est édictée sous la menace d'une peine. C'est donc la peine
qui constitue le critère de reconnaissance de l'infraction et, par voie
de conséquence, qui fonde la spécificité du droit pénal. L'expression
« droit pénal » met d'ailleurs ce fait en évidence. Il reste à définir ce
qu'est une peine. Or l'entreprise est a priori délicate car il existe de
nombreuses sanctions autres que pénales telles que les sanctions
disciplinaires (blâme, rétrogradation), administratives (fermeture
d'un débit de boisson, retrait de licence, assignation à résidence,
notamment) ou civiles (amendes civiles, nullités).
sidiaire, du fait qu'elle peut être prononcée par une juridiction non
répressive (amende civile, amende administrative) sous réserve, on
l'a vu, du cas très particulier des amendes prononcées pour contra-
vention de grande voirie. En pratique, l'identification des infrac-
tions ne soulève guère de difficulté.
B. L a d é t e r m i n a t i o n m a t é r i e l l e des i n f r a c t i o n s
28. - Le critère juridique tiré de la peine applicable permet cer-
tes de reconnaître les infractions, mais il n'éclaire aucunement les
raisons pour lesquelles le législateur décide d'ériger tel ou tel acte
en infraction. Il faut donc se demander s'il existe des comporte-
ments qui font nécessairement l'objet d'une sanction pénale et si, à
l'inverse, il en est qui échappent systématiquement à l'application
d'une telle sanction.
1) Les c o m p o r t e m e n t s e n t r a n t d a n s le c h a m p d u d r o i t p é n a l
29. - Le c a r a c t è r e r e l a t i f d e l a d é f i n i t i o n des comporte-
m e n t s i n c r i m i n é s . La première évidence qui s'impose est que la
définition matérielle de l'infraction est relative. Un même fait peut
être sanctionné pénalement dans un pays et non dans un autre. Il en
est ainsi, par exemple, des relations homosexuelles, de l'interruption
de grossesse ou de l'usage de stupéfiants qui, en Europe même, don-
nent lieu à des réactions sociales très différentes d'un État à l'autre.
En particulier, l'usager de stupéfiants, qui encourt un an d'emprison-
nement en France, n'est pas répréhensible en Espagne. « Vérité
en-deçà des Pyrénées... » La variation de la définition des infractions
dans le temps est encore plus évidente. En France, l'adultère ne cons-
titue plus une infraction depuis 1975, de même que le chèque sans
provision depuis 1991 ou encore le vagabondage et la mendicité
depuis la réforme du Code pénal entrée en vigueur en 1994.
30. - L a d i s t i n c t i o n e n t r e les i n f r a c t i o n s n a t u r e l l e s et
c o n v e n t i o n n e l l e s . Faut-il dès lors renoncer à toute définition
matérielle de l'infraction en considérant que celle-ci est essentielle-
ment variable dans l'espace et dans le temps ? Refusant une telle
conclusion, un auteur italien du début du siècle, Garofalo, a songé à
introduire une distinction entre les infractions naturelles et les
infractions conventionnelles. Selon cet auteur, la première catégorie
rassemble les infractions portant atteinte à des valeurs essentielles
qui sont réprimées de manière universelle et permanente, tels que
l'homicide volontaire, les violences ou l'appropriation frauduleuse
du bien d'autrui. À la seconde appartiennent des infractions plus
contingentes, dont la création est fortement liée à des circonstances
particulières, telles que les infractions contre la religion - ou la laï-
cité - ou les infractions de chasse et de pêche...
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2) Les c o m p o r t e m e n t s exclus d u c h a m p d u d r o i t p é n a l
33. - Les limites a u p o u v o i r d ' i n c r i m i n e r . Il convient mainte-
nant de se demander si tout comportement est susceptible d'être
sanctionné pénalement ou s'il existe des limites au pouvoir d'incrimi-
ner du législateur. Un rapide panorama de notre législation pénale
inciterait à considérer que rien ne peut contenir la volonté répressive
de celui-ci tant les infractions sont nombreuses et diverses.
Pourtant, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 proclame que « la loi ne doit établir que des pei-
nes strictement et évidemment nécessaires ». Il fait écho à l'article 5,
selon lequel « la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles
à la société ».
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§ 3. L a n a t u r e d u d r o i t p é n a l
34. - Le droit est traditionnellement divisé en deux grandes
familles : d'une part, celle du droit public, qui régit les rapports du
citoyen avec l'État et dans laquelle figure notamment le droit admi-
nistratif, d'autre part, celle du droit privé, qui régit les rapports
entre les particuliers et qui comprend en particulier le droit civil.
La nature du droit pénal interdit de le rattacher entièrement à
l'une ou l'autre de ces deux catégories, dans la mesure où il entre-
tient des rapports étroits avec chacune d'entre elles et présente en
réalité un caractère autonome.
A. R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l e t le d r o i t p u b l i c
35. - Le droit pénal se rapproche du droit public en ce que
l'État détient le monopole du droit de punir qu'il exerce au nom de
la société tout entière. L'histoire du droit pénal depuis les temps
barbares est d'ailleurs celle de la lente conquête de ce monopole par
l'État en même temps que celle de la dissociation progressive entre
la réparation civile, compensant l'atteinte portée par l'infraction
aux intérêts privés, et la peine, sanctionnant le tort causé par elle à
l'ordre social. L'exercice de la répression est aujourd'hui à la fois la
responsabilité exclusive de l'État et la marque de sa souveraineté.
Il ne peut cependant échapper à tout contrôle.
1) L a r e s p o n s a b i l i t é d e l'État d a n s l'exercice de la r é p r e s s i o n
36. - Nulle personne publique ou a fortiori privée ne peut se
substituer à l'État pour exercer la répression. La responsabilité de
celui-ci se vérifie à tous les stades du processus pénal.
e En matière civile, la violation d'un contrat peut justifier
l'octroi de dommages-intérêts. En matière pénale, seule la violation
des obligations ou interdictions édictées p a r des organes de l'État
dans les conditions prévues par la Constitution est susceptible de
constituer une infraction. Au Parlement revient le soin de détermi-
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ner les infractions les plus graves (les crimes et les délits), au pou-
voir réglementaire, celui de déterminer les infractions les moins
graves (les contraventions). Si des autorités subalternes se voient
parfois reconnaître le droit de définir des incriminations, c'est tou-
jours sur délégation des organes de l'Etat, qui conservent le droit
d'arbitrer la peine applicable. Ainsi, l'inobservation des arrêtés du
maire pris pour maintenir la tranquillité et la salubrité publiques
est pénalement sanctionnée. Mais c'est l'article R. 610-5 du Code
pénal, issu d'un décret en Conseil d'État pris par le Premier minis-
tre, qui prévoit la sanction applicable et en fixe le montant, dans
des limites fixées par les dispositions, adoptées par le Parlement, de
l'article 131-13 de ce même code.
• Lorsqu'une infraction a été commise, c'est en principe le pro-
cureur de la République, représentant de la société, qui exerce les
poursuites. Même si la victime dispose du moyen d'engager
elle-même l'action publique par la voie de la citation directe ou de
la plainte avec constitution de partie civile, le procès pénal oppose
toujours l'auteur de l'infraction à la société.
e En toute hypothèse, seules les juridictions pénales, organes
indépendants, mais organes de l'État, ont le droit d'infliger une
sanction pénale. Une peine ne peut donc faire l'objet d'aucune tran-
saction ni d'aucun arbitrage. En outre, depuis la loi du 4 janvier
1993, les frais de justice pénale, supportés auparavant par la per-
sonne poursuivie, sont intégralement à la charge de l'État. Celui-ci
doit au surplus verser à la personne poursuivie une indemnité
lorsqu'elle a été mise à tort en détention provisoire en cours de pro-
cédure (art. 149 et s. du C. pr. pén.).
e L'exécution de la peine est de la responsabilité exclusive de
l'Etat, qui, par là même, supporte les conséquences des dommages
causés aux tiers en cours d'exécution, par exemple en cas de vio-
lences exercées par un détenu en permission de sortir. Ainsi, à elle
seule l'administration pénitentiaire draine aujourd'hui le tiers du
budget de la justice. Le projet de construction de « prisons privées »,
un temps envisagé, a dû être abandonné en raison de l'ampleur des
protestation qu'il a soulevées.
e Enfin, la responsabilité de l'État dans la répression des infrac-
tions pénales fait peser sur lui l'obligation de réparer, dans les
conditions prévues par les articles 706-3 et s. du C. pr. pén., le pré-
judice causé par l'infraction, celle-ci étant regardée comme la consé-
quence d'une défaillance des services de l'État chargés de la protec-
tion des personnes et des biens.
Le rôle tenu par l'État tout au long du processus pénal sépare
profondément le droit pénal du droit privé. Il explique d'ailleurs que
l'État soit la seule personne morale qui ne puisse voir sa responsa-
bilité pénale engagée au nom du principe selon lequel l'État, qui a
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2) L a s o u v e r a i n e t é d e l ' É t a t d a n s l'exercice d e la r é p r e s s i o n
37. - Les m a n i f e s t a t i o n s d e l a s o u v e r a i n e t é . Expression
directe de la puissance publique, le droit pénal est, par là même,
étroitement lié à la souveraineté de l'Etat. Il en résulte plusieurs
conséquences qui le distinguent très nettement du droit privé. En
premier lieu, en vertu du principe de territorialité, qui est un pro-
longement du principe de souveraineté, la loi pénale française
s'applique de manière exclusive à toutes les infractions commises
sur le territoire national. En deuxième lieu, le juge pénal français
ne fait jamais application de la loi pénale étrangère même dans les
cas où il connaît d'une infraction commise à l'étranger par un étran-
ger. Enfin et surtout, alors que notre droit privé est largement
pénétré par les règles d'origine internationale et plus particulière-
ment européenne, le droit pénal demeure un « domaine national »,
jalousement préservé des incursions du droit international. Il n'est
pas d'exemple en effet de texte international édictant des sanctions
pénales qui seraient directement applicables dans notre ordre juri-
dique interne par les juridictions nationales.
38. - L ' i n f l u e n c e i n d i r e c t e d u d r o i t i n t e r n a t i o n a l . L'influence
du droit international sur le droit pénal ne s'exerce en réalité que de
manière indirecte, même si elle ne cesse de se renforcer.
e Il se peut tout d'abord que la norme internationale oblige le
législateur national à incriminer tel ou tel comportement. L'infraction
reste définie par la loi interne mais celle-ci n'est que l'expression de la
norme internationale. Ainsi, le fait de s'emparer d'une « plate-forme
fixe située sur le plateau continental » est réprimé par l'article 224-6
du Code pénal pour satisfaire aux exigences de la Convention pour la
répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime
et du protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des
plates-formes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le
10 mars 1988. La disposition interne se présente alors comme « le che-
val de Troie » de la norme internationale.
e Mais, de plùs en plus souvent, la norme internationale consti-
tue un obstacle à la répression en neutralisant l'application d'un
texte national qui lui serait contraire. Ainsi, le juge national doit en
principe refuser d'appliquer un texte répressif qui serait contraire à
la Convention européenne des droits de l'homme ou au droit com-
munautaire.
e De manière plus générale, le caractère nationaliste du droit
pénal apparaît de plus en plus incompatible avec la montée de la
criminalité internationale et l'intégration de plus en plus poussée
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des États dans des ensembles inter-étatiques plus vastes. Cette évo-
lution exige une étroite collaboration entre les États qui a pour con-
séquence indirecte de rapprocher, sinon d'uniformiser, le droit pénal
de chacun d'eux. Le phénomène est particulièrement net entre les
États européens. Ainsi, pour ne citer que des exemples récents, la
création d'un espace de libre circulation entre les États parties à la
Convention de Schengen conclue le 14 juin 1985 a été accompagnée
de nombreuses dispositions en matière de sécurité de manière à évi-
ter que les délinquants ne tirent profit de l'abolition des frontières.
De même le traité de Maastricht sur l'Union politique européenne
prévoit un renforcement de la coopération intergouvernementale
dans le domaine pénal (art. K-l). Il est bien évident qu'une telle
coopération est vouée à l'échec si les États concernés n'ont pas la
même idée des comportements répréhensibles. Les difficultés soule-
vées par les importantes distorsions entre les législations des États
européens en matière de répression de l'usage et du trafic de stupé-
fiants en sont une illustration.
3) L a r é g u l a t i o n d e s p o u v o i r s d e l ' É t a t
d a n s l'exercice d e l a r é p r e s s i o n
39. - Les f o n d e m e n t s c o n s t i t u t i o n n e l s d u d r o i t p é n a l . En ce
qu'il est une manifestation de la puissance publique susceptible de
porter atteinte aux libertés publiques et, entre toutes, à la liberté
individuelle, le droit pénal s'enracine profondément dans le droit
constitutionnel et le droit public. Les principes fondamentaux qui le
régissent sont tous d'origine constitutionnelle : répartition des com-
pétences entre la loi et le règlement en matière pénale (art. 34 et 37
Const.), compétence du juge judiciaire en la matière, qui est impo-
sée par l'article 66 de la Constitution, selon lequel l'autorité judi-
ciaire est la gardienne des libertés individuelles, principes de léga-
lité des délits et des peines, de non-rétroactivité de la loi pénale
plus sévère, d'application immédiate de la loi pénale plus douce, de
la nécessité des peines qui découlent tous de la Déclaration des
droits de l'homme de 1789... Ces principes mêmes confèrent au juge
pénal des prérogatives particulières à seule fin d'en assurer le res-
pect. Ainsi, de manière beaucoup plus étendue que le juge civil et à
l'instar du juge administratif, il peut contrôler la légalité des actes
administratifs (art. 111-5 du C. pén.).
B. R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l et le d r o i t p r i v é
40. - Les p e r s o n n e s p o u r s u i v i e s . Bien que l'application du
droit pénal soit l'affaire exclusive de l'État, il se rattache par cer-
tains aspects au droit privé. Sa raison d'être et sa logique sont en
effet très différentes de celles du droit administratif. Alors que
celui-ci est apparu pour soumettre à un juge et à un régime juri-
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C. L a p l a c e o r i g i n a l e d u d r o i t p é n a l
43. - Le droit pénal occupe une place originale dans notre ordre
juridique, en raison de son caractère mixte, qui lui confère une véri-
table autonomie.
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1) Le c a r a c t è r e m i x t e d u d r o i t p é n a l
44. - Le droit pénal est susceptible de sanctionner indifférem-
ment la violation de règles de droit public (droit de l'urbanisme,
législation relative aux installations classées, réglementation muni-
cipale relative à la tranquillité et à la salubrité publiques, droit des
marchés publics, notamment) et de droit privé (droit à la vie privée,
droit de propriété, droit des obligations, notamment). Il est, d'une cer-
taine façon, le « gendarme » de l'ensemble du droit, pour reprendre
une expression de la doctrine (Merle et Vitu, n° 144). Il apparaît ainsi
comme un droit mixte, dont la mise en œuvre suppose, selon le cas,
l'application de concepts appartenant au droit public ou au droit privé.
Le dualisme des règles de compétence imposé par le principe de
séparation des autorités administratives et judiciaires issu de la loi
des 16 et 24 août 1790 s'efface donc en matière pénale au profit
d'une unité de compétence, celle des juridictions pénales appelées à
appliquer un droit à la fois public et privé.
En particulier, le caractère détachable ou non détachable de la
faute du fonctionnaire, dont dépend, sur le plan civil, la compétence
judiciaire ou administrative ainsi que, sur le fond, la responsabilité
personnelle de l'agent ou celle de l'administration, n'a aucune inci-
dence en matière de responsabilité pénale. Le juge pénal est dans
tous les cas compétent pour prononcer, le cas échéant, une sanction
contre l'agent fautif (Crim. 8 juill. 1980, B., n° 218). Cette distorsion
entre les règles applicables n'est pas toujours très bien comprise, ou
très bien admise (J. Hermann, « Le juge pénal, juge ordinaire de
l'Administration ? », D., 1998, chr. 195).
2) L ' a u t o n o m i e d u d r o i t p é n a l
45. - L a spécificité des c o n c e p t s d u d r o i t p é n a l . La volonté
de classer à tout prix le droit pénal dans la sphère du droit public
ou dans celle du droit privé a l'inconvénient d'aboutir à en nier la
spécificité. Le droit pénal ne se rattache en réalité ni au droit public
ni au droit privé, mais forme un troisième domaine du droit, une
construction juridique autonome ayant, d'un point de vue tech-
nique, ses propres concepts et, d'un point de vue fonctionnel, ses
objectifs propres.
Les principes de légalité des délits et des peines, de non-rétroacti-
vité de la loi pénale plus sévère, de personnalité des peines, de même
que les notions de tentative, de complicité, de légitime défense, de
culpabilité ou de peine, entre autres, sont propres au droit pénal et
ne doivent rien au droit privé ou au droit public. Si ces principes ou
notions sont parfois mis en œuvre dans d'autres matières, notam-
ment en matière disciplinaire ou de répression administrative, c'est
par emprunt au droit pénal. C'est alors le droit privé et le droit public
qui subissent l'influence du droit pénal et non l'inverse.
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§ 4. L e s f o n c t i o n s d u d r o i t p é n a l
47. - Il est possible de mettre en évidence trois fonctions essen-
tielles du droit pénal. La première est sans conteste sa fonction
répressive. Mais le droit pénal n'est pas seulement un droit qui
sanctionne. Sa deuxième fonction est, en réprimant les atteintes qui
leur sont portées, d'exprimer les valeurs essentielles de la société. Il
a donc une fonction expressive. Enfin, sa troisième fonction est pro-
tectrice. Il protège bien sûr la société contre la délinquance (ce n'est
là que l'autre face de sa fonction répressive) mais également les
citoyens, qu'ils soient ou non auteurs d'infractions, contre les abus
de la répression
A. L a f o n c t i o n r é p r e s s i v e d u d r o i t p é n a l
48. - N é c e s s i t é d e l a r é p r e s s i o n . Élaborée pour sanctionner,
dans l'intérêt général, certains comportements dangereux pour
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B. L a f o n c t i o n expressive d u d r o i t p é n a l
50. - Le d r o i t p é n a l , e x p r e s s i o n d e s v a l e u r s e s s e n t i e l l e s d e
l a société. « Le droit pénal est moins une espèce particulière de loi
que la sanction de toutes les autres », écrivait J.-J. Rousseau dans le
Contrat social. Cette opinion est partagée par Durkheim, pour qui
le droit pénal « n'édicte que des sanctions, ne dit rien des obligations
auxquelles elles se rapportent, ne commande pas de respecter la vie
d'autrui, mais de frapper de mort l'assassin ». Il s'agit là en réalité
d'une appréciation contestable résultant d'une analyse excessive-
ment formaliste du droit pénal.
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51. - R a p p o r t s d u d r o i t p é n a l et d e l a m o r a l e . Dans la
mesure où il exprime les valeurs de la société, le droit pénal entre-
tient des rapports étroits avec la morale collective. Il s'enracine lar-
gement en elle et varie avec elle. La fonction répressive est donc
indissociable de la fonction expressive. On peut lire sur ce point
dans l'exposé des motifs du nouveau Code pénal :
« S'il y a rupture d'harmonie entre les deux fonctions, la loi
pénale ne remplit plus efficacement son office dans la société. P a r
exemple, lorsque la peine subsiste mais que la valeur qui la fondait
n'est plus admise p a r la conscience collective, la sanction pénale ne
satisfait plus mais heurte la sensibilité publique. Elle apparaît
comme l'expression d'une survivance et non plus d'une valeur. Elle
choque la conscience collective. Et dans une démocratie, elle tombe
en déshérence. »
52. - D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l et l a m o r a l e . Il faut
cependant souligner que le droit pénal ne se confond pas avec la
morale. Selon la présentation classique de Garçon, le droit et la
morale peuvent être comparés à deux cercles qui, se chevauchant,
ont à la fois une aire commune et des surfaces propres (Le droit
pénal, 1922, p. 131).
Nombre d'attitudes que la morale dominante réprouve ne sont
pas pénalement sanctionnés. Ainsi en est-il du simple mensonge, du
non-paiement de dettes, de l'adultère... De manière générale, la
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C. L a f o n c t i o n p r o t e c t r i c e d u d r o i t p é n a l
53. - Le droit pénal a pour objet immédiat de protéger la société
de manière à assurer la sécurité sans laquelle aucune liberté ne
peut être pleinement exercée. Mais, en même temps qu'il permet la
répression, le droit pénal la régule. En cela, il est une garantie fon-
damentale de la liberté individuelle. Le droit pénal des sociétés
démocratiques est en effet dominé par le principe de la légalité des
délits et des peines, hérité du siècle des Lumières, de la pensée de
Montesquieu (L'esprit des lois, 1748) et de Beccaria (Traité des
délits et des peines, 1764). Ce principe est inscrit à l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme de 1789 ainsi que dans de nom-
breuses déclarations internationales de droits, dont la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 7). Il a été
repris à l'article 111-3 du Code pénal.
Il signifie que nul ne peut être condamné pour un fait qui, au
moment où il a été commis, ne constituait pas une infraction selon le
droit alors en vigueur. Ainsi conçu, le droit pénal est une garantie
essentielle de la liberté individuelle car, en définissant précisément
ce qui est interdit, il permet à l'individu de connaître exactement le
champ de sa liberté et le met à l'abri de toute poursuite arbitraire.
On voit toutefois que la fonction protectrice du droit pénal sup-
pose une société fondée sur les principes de liberté et de démocratie.
Dans les sociétés totalitaires, où le principe de légalité est inconnu,
le droit pénal ne constitue plus une garantie mais au contraire une
menace permanente, car nul ne sait précisément ce qui est permis
et ce qui est défendu. Ainsi en était-il dans l'Allemagne nazie, dont
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SECTION 2
§ 1. L a s u c c e s s i o n d e s s y s t è m e s r é p r e s s i f s :
d e l a f i n d e l ' A n c i e n R é g i m e a u c o d e p é n a l d e 1810
A. Le d r o i t p é n a l d e l'Ancien R é g i m e
55. - Au risque de grossir le trait, on peut dire du droit pénal de
l'Ancien Régime qu'il était coutumier, arbitraire, introspectif et bru-
tal. Coutumier, car la définition des incriminations et des peines
n'était pas fixée par la loi, mais par la coutume. Arbitraire, parce
que le juge disposait d'une très grande liberté pour « arbitrer » la
sanction. Introspectif, dans la mesure où les incriminations visaient
souvent des comportements, voire des convictions intimes contraires
à la morale et à la religion : blasphème, hérésie, sacrilège et très
nombreuses infractions contre les mœurs. Brutal, enfin, en raison
de la nature des peines appliquées, conçues pour neutraliser et inti-
mider mais également pour amener le condamné à expier son
crime : le feu, la roue, la claie, le poing ou la langue coupée... Elles
apparaissent à nos yeux d'une très grande cruauté, sans commune
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B. L a r u p t u r e d e l a R é v o l u t i o n
56. - Fortement influencés par les idées de Beccaria et de Mon-
tesquieu, les révolutionnaires consacrèrent tout d'abord expressé-
ment le principe de la légalité des délits et des peines dans
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, rompant
ainsi radicalement avec l'Ancien Régime. De coutumier, le droit
pénal devint donc écrit. D'arbitraire, il devint déterminé et stable.
Mais sur ce point les révolutionnaires poussèrent très loin le culte
de la loi, expression de la volonté générale et donc réputée infail-
lible. Ils appliquèrent à la lettre ces mots de Montesquieu : « Les
juges de la nation ne sont (...) que la bouche qui prononce les paroles
de la loi ; des êtres inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force ni
la rigueur ». Dominé ainsi par une conception radicale du principe
de légalité, le Code pénal de 1791 institua un système de peines
fixes, interdisant toute adaptation de la répression par le juge et
donc toute individualisation.
P a r ailleurs, acquis aux thèses utilitaristes et à l'humanisme des
Lumières, les révolutionnaires supprimèrent l'incrimination des
comportements ne relevant que du for intérieur pour ne sanctionner
que les agissements menaçant l'ordre social. D'introspectif, le droit
pénal devint ainsi -plus objectif. Enfin, les peines corporelles autres
que la peine de mort furent abolies et les autres peines systémati-
quement adoucies.
C. Le c o m p r o m i s d u code p é n a l d e 1810
57. - Comme l'ensemble de l'œuvre législative de l'Empire, le code
pénal de 1810, entré en application le 1er janvier 1811, fut une œuvre
de compromis entre l'ancien droit et le droit révolutionnaire. Du droit
révolutionnaire, il conserva l'essentiel, c'est-à-dire le principe de la
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§ 2. L ' é v o l u t i o n m a î t r i s é e d u d r o i t p é n a l :
d e 1810 à l a S e c o n d e G u e r r e m o n d i a l e
§ 3. L e d é s o r d r e d u d r o i t p é n a l : l ' é v o l u t i o n p o s t é r i e u r e
à la Seconde Guerre mondiale
B. Les i n c e r t i t u d e s s u r l a f i n a l i t é de l a p e i n e
63. - Les f o n c t i o n s t r a d i t i o n n e l l e s d e l a p e i n e . Les progrès
constants des sciences humaines ont eu pour effet de remettre en
cause les fonctions traditionnelles de la peine conçue à la fois
comme rétributive, éliminatrice et intimidatrice. Rétributive, la
peine est une souffrance infligée en compensation du mal causé à la
société. De ce point de vue, elle suppose chez le condamné une
claire conscience de sa faute. Éliminatrice, elle a pour objet d'empê-
cher le condamné de nuire à la société. Cette fonction n'est en réa-
lité remplie que par certaines peines comme les peines privatives de
liberté ou l'interdiction du territoire. Intimidatrice, la peine doit à
la fois dissuader le condamné de récidiver (intimidation indivi-
duelle) et décourager d'éventuels candidats à la délinquance (inti-
midation collective). Cette fonction à la fois répressive et préventive
de la peine suppose, selon la formule de Beccaria (Traité des délits
et des peines, 1764) reprise par Bentham quelques années plus tard
(Théorie des peines légales, 1775), que « le mal qu'elle inflige excède
le bien qui peut revenir du délit ».
64. - L a c o n t e s t a t i o n d e s f o n c t i o n s t r a d i t i o n n e l l e s d e l a
p e i n e . Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces trois fonc-
tions sont contestées. La prison, peine par excellence, a révélé ses
effets désocialisants et corrupteurs. Elle n'exerce que très imparfai-
tement sa fonction rétributive car ceux qui y sont incarcérés n'ont
pas toujours une claire conscience de leur dette envers la société.
Loin d'être intimidatrice, elle est une école de la récidive par la pro-
miscuité qu'elle crée entre les délinquants. À elle seule, sa fonction
éliminatrice est insatisfaisante et de toutes façons temporaire. Fon-
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65. - Aussi, de nombreuses lois ont été marquées par les idées
de la défense sociale nouvelle. Elles tendent à favoriser la resociali-
sation du délinquant, soit en permettant une plus grande individua-
lisation de la peine, soit en incitant à recourir à d'autres mesures
que les peines. Il s'agit, dans tous les cas, d'éviter l'incarcération en
diversifiant les réponses à la délinquance et en accroissant les pou-
voirs des juges.
Ces idées se manifestent de manière évidente dans l'ordonnance
du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui privilégie sys-
tématiquement l'application de mesures protectrices et éducatives.
On peut également citer la loi du 15 avril 1954 qui, incitant à la
mise en œuvre de mesures thérapeutiques, permet au tribunal
d'obliger les alcooliques dangereux pour autrui à se faire désintoxi-
quer sous la menace d'une peine. Allant plus loin, la loi du
31 décembre 1970 autorise le procureur de la République, avant
toutes poursuites, à enjoindre au toxicomane de subir une cure de
désintoxication ou de se placer sous surveillance médicale, le tribu-
nal détenant la même possibilité en cas d'exercice des poursuites.
Les lois les plus nombreuses sont celles qui tendent à favoriser
l'individualisation de la peine t a n t au moment de son prononcé qu'à
celui de son exécution. Il en est ainsi de la grande loi du
11 juillet 1975, qui a créé des substituts à l'emprisonnement, insti-
tué la dispense de peine, assoupli le régime du sursis ainsi que les
conditions d'exécution des peines. Cette orientation a été dévelop-
pée par la loi du 6 août 1975 instituant le mécanisme de l'ajourne-
ment de la peine et celle du 10 juin 1983 introduisant de nouveaux
substituts à l'emprisonnement.
C. L a d o u b l e i n f l a t i o n p é n a l e
69. - Deux phénomènes étroitement liés, aux conséquences per-
turbatrices pour le droit pénal, se sont développés au cours de ces
trente dernières années : l'accroissement de la délinquance et la
prolifération des textes répressifs. Ces deux phénomènes peuvent
être désignés sous l'expression de « double inflation pénale ». Il faut
les décrire avant d'en mesurer les conséquences.
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1) L ' a c c r o i s s e m e n t d e la d é l i n q u a n c e
70. - Les i n s t r u m e n t s d e mesure. Depuis une trentaine
d'années, on observe une montée préoccupante de la criminalité,
même si des paliers, voire des diminutions, peuvent être constatés
sur de brèves périodes. Pour interpréter correctement les chiffres
fournis par les autorités judiciaires et policières, quelques indica-
tions préalables doivent être données sur les instruments de
mesure disponibles. Aucun de ces instruments ne reflète en effet la
criminalité réelle, c'est-à-dire l'ensemble des infractions effective-
ment commises. Les statistiques policières enregistrent seulement
la criminalité apparente constituée par les infractions ayant donné
lieu à une plainte ou une dénonciation. Or, de très nombreuses
infractions ne sont jamais portées à la connaissance des services de
police ou de gendarmerie pour les raisons les plus diverses (le pré-
judice est trop minime, la victime redoute des représailles ou
éprouve un sentiment de honte ou de culpabilité, personne n'a un
intérêt direct à dénoncer l'infraction, notamment). En outre, cer-
taines d'entre elles, de faible gravité, donnent lieu, non à l'établisse-
ment d'un procès-verbal, mais à une simple mention sur un registre
(« la main courante ») et ne sont pas comptabilisées. La différence
entre la criminalité réelle et la criminalité apparente est désignée
sous l'expression de « chiffre noir » ou de « chiffre obscur », qu'il est
impossible d'évaluer avec certitude.
En tout cas, il est certain que les statistiques policières ne
rendent pas compte de la réalité de l'insécurité (v. Ph. Robert,
R. Zauberman, M.-L. Pottier et H. Lagrange, « Mesurer le crime,
entre statistiques de police et enquêtes de victimation [1985-
1995] », Rev. fr. de sociologie, avril-juin 1999).
Les statistiques judiciaires sont encore plus éloignées de la cri-
minalité réelle puisqu'elles ne reflètent que les infractions soumises
à la justice pénale (infractions portées à la connaissance des par-
quets, infractions ayant fait l'objet de poursuites et, enfin, infrac-
tions ayant fait l'objet d'une condamnation). Ces statistiques don-
nent une image de la criminalité légale.
71. - L ' a m p l e u r d e l ' a u g m e n t a t i o n . Même si elles ne reflè-
tent pas la réalité de la criminalité les statistiques policières et
judiciaires en révèlent les tendances. Alors que, en 1960, 687 766
crimes et délits avaient été constatés par les services de police et de
gendarmerie, ce chiffre était de 3 919 008 en 1994, soit une aug-
mentation de plus de 500 % en trente ans, le taux de crimes et
délits pour 1 000 habitants passant d u r a n t la même période de
15,05/1 000 à environ 67/1 000 (v. Aspects de la criminalité et de la
délinquance constatées en France en 1994 d'après les statistiques de
police judiciaire, La Documentation française). En un demi-siècle, le
nombre des vols et des cambriolages a augmenté de... 1 300%
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2) L'inflation législative e t r é g l e m e n t a i r e
72. - L a m u l t i p l i c a t i o n des textes répressifs. On assiste
depuis plusieurs décennies à une véritable explosion du nombre des
infractions prévues par la loi ou le règlement. En effet, les législa-
tions et réglementations dites techniques intervenant dans les
domaines du droit des affaires, de la communication, de l'environne-
ment, du travail, entre autres, ne cessent de se développer. Or, les
prescriptions édictées en ces domaines sont souvent assorties de
sanctions pénales, si bien que, désormais, les dispositions pénales
dans leur grande majorité se situent en dehors du Code pénal
(v. J.-J. de Bresson, « Inflation des lois pénales et législations ou
réglementations techniques », RSC, 1985, p. 241). Très rares sont
les exemples de dépénalisation. On citera toutefois celui, récent et
remarquable, du chèque sans provision, qui n'est plus pénalement
sanctionné depuis la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991.
73. - L'échec d e l ' i n v e n t a i r e . La prolifération non maîtrisée des
textes répressifs est devenue à ce point préoccupante qu'une
« commission de l'inventaire » avait été instituée au sein de la com-
mission de révision du Code pénal pour établir la liste exhaustive des
infractions dispersées dans des lois ou des codes particuliers. Mais le
travail d'inventaire, entamé par une circulaire du Premier ministre
du 7 juin 1985, ne fut jamais mené à son terme, si bien qu'aujourd'hui
- situation pour le moins surprenante - la Chancellerie elle-même
est toujours dans l'incapacité de donner la liste exhaustive des dispo-
sitions concernées... Seules sont actuellement répertoriées les infrac-
tions qui sont le plus fréquemment poursuivies par les juridictions
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3) L ' a t t e i n t e p o r t é e a u x t r o i s f o n c t i o n s d u d r o i t p é n a l
74. - La double inflation pénale apparue à une époque récente
porte atteinte aux trois fonctions essentielles du droit pénal telles
qu'elles ont été précédemment décrites (v. pour une belle
illustration : A. Prothais, Les paradoxes de la pénalisation, Enquête
en matière d'assistance médicale à la procréation et d'adoption, JCP,
1997, éd. G, I, n° 4055).
75. - L ' a t t e i n t e à l a f o n c t i o n répressive. Elle affecte tout
d'abord directement sa fonction répressive. L'engorgement des juri-
dictions dû à l'augmentation de la délinquance conduit le parquet à
classer sans suite un très grand nombre de plaintes et de dénoncia-
tions, dont certaines auraient mérité une réaction judiciaire. Ainsi,
en 1997, sur 4 941 334 procès-verbaux reçus par les parquets,
3 902 747, soit près de 80 %, ont été classés sans suite (Les chiffres
clefs de la justice, oct. 1998). De plus, les infractions aux législations
techniques, qui constituent la majeure partie du droit pénal, ne
sont que très peu réprimées. Diverses raisons peuvent être avan-
cées pour expliquer cette faible répression. Mais il en est une très
concrète qui domine les autres : le seul traitement des infractions
classiques suffit à saturer la justice pénale 1. Selon les données
fournies par le casier judiciaire national pour 1997, sur environ
382 606 condamnations correctionnelles recensées, 62 827 ont été
prononcées pour des atteintes aux personnes (violences, agressions
D. L ' é m e r g e n c e d ' u n o r d r e r é p r e s s i f a d m i n i s t r a t i f :
du droit pénal à la matière pénale
79. - Le développement de la répression administrative.
L'attribution à l'administration d'un pouvoir de sanction autre que
disciplinaire n'est pas un phénomène nouveau. Ainsi, le préfet dis-
pose depuis la loi du 21 avril 1951 (auj., art. L. 18 et L. 18-1
C. route) du droit de suspendre le permis de conduire, mesure
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administrative qui est une peine lorsqu'elle est prononcée par une
juridiction. Mais le phénomène a pris au cours de ces dernières
années une ampleur considérable.
On se bornera à citer quelques unes des nombreuses études parues
sur cet important sujet : M. Delmas-Marty et C. Teitgen-Colly, Punir
sans juger : de la répression administrative au droit administratif pénal,
Economica, 1992 ; M. Delmas-Marty, « Code pénal d'hier, droit pénal
d'aujourd'hui, matière pénale de demain », D., 86, chr., p. 27 ;
M. Dobkine, « L'ordre répressif administratif », D., 1993, chr. p. 157 ;
Joly-Sibuet et Varinard, « Les problèmes juridiques et pratiques posés
par la différence entre droit pénal et droit administratif pénal », RIDP,
1988, p. 189 ; Franck Moderne, Sanctions administratives et justice
constitutionnelle, Economica, 1993 ; de Naule, « L'évolution législative
vers un système punitif administratif », RDPC, 1989, p. 337.
L'une des manifestations les plus frappantes du phénomène est
l'attribution d'un pouvoir de sanction à des autorités administra-
tives indépendantes chargées de réguler des secteurs entiers de la
vie sociale et économique, tels, entre autres, le Conseil de la concur-
rence (créé par l'ordonnance du 1er décembre 1986), le Conseil supé-
rieur de l'audiovisuel (CSA, créé par la loi du 17 janvier 1989), la
Commission des opérations de Bourse (COB, créée par la loi du
2 août 1989). Ces autorités peuvent prononcer des sanctions admi-
nistratives extrêmement lourdes. Le Conseil de la concurrence est
en droit infliger des amendes pouvant atteindre 3 % du chiffre
d'affaires hors taxes si le contrevenant est une entreprise et
10 millions de francs dans les autres cas. Le CSA est également
habilité à prononcer des amendes égales à 3 % du chiffre d'affaires
hors taxes. Quant à la COB, les amendes qu'elle peut infliger s'élè-
vent jusqu'à 10 millions de francs, voire au-delà, jusqu'au décuple
des bénéfices illicites réalisés.
80. - L a s o u m i s s i o n de l a r é p r e s s i o n a d m i n i s t r a t i v e a u
p r i n c i p e d u d r o i t p é n a l . Le danger de telles dispositions est évi-
demment de permettre d'infliger des sanctions tout aussi graves
que les sanctions pénales sans appliquer les règles protectrices du
droit pénal et de la procédure pénale sous prétexte que ces sanc-
tions ne sont qu'administratives.
e La Cour européenne des droits de l'homme a bien vu ce dan-
ger. Elle a en effet décidé dans son arrêt Oztürk du 21 février 1984
(Publications de la Cour, vol. 73) rendu à propos d'infractions admi-
nistratives en matière routière que, quelles que soient leurs qualifi-
cations juridiques nationales, l'application de certaines sanctions
relevant de la matière pénale supposait le respect de garanties élé-
mentaires concédées aux personnes poursuivies pénalement et ins-
crites dans l'article 6 de la Convention. Selon la Cour, « si les Etats
contractants pouvaient à leur guise qualifier une infraction de disci-
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§ 4. L a r é f o r m e d u C o d e p é n a l
81. - La réforme du Code pénal constitue un événement majeur,
dont il convient de rappeler les raisons (A) et l'historique (B), avant
d'en faire une présentation générale (C).
A. Les r a i s o n s d e l a r é f o r m e d u Code p é n a l
de gravité entre les infractions et, partant, entre les valeurs proté-
gées, si l'instrument de mesure est déréglé ?
a D'une manière générale, s'agissant tant du droit pénal général
que du droit pénal spécial, l'efficacité répressive du Code pénal était
devenue insuffisante face aux formes modernes de délinquance, comme
la criminalité organisée ou les atteintes de toute nature résultant de
l'activité, sans cesse croissante, des groupements économiques.
Enfin, le code de 1810 n'était guère accessible aux non-juristes
en raison, notamment, de la rédaction des incriminations, de leur
classement souvent confus et de l'origine jurisprudentielle d'un
grand nombre de règles importantes. Cette absence de clarté est
regrettable quelle que soit la législation. Elle l'est particulièrement
en matière pénale, car le citoyen doit avoir une connaissance aussi
précise que possible de ce qui est permis et interdit. Pour être pro-
tectrice, expressive et dissuasive, la règle pénale doit être connue.
En grossissant le trait, on pourrait comparer le droit pénal à la
veille de la réforme du Code pénal à certains de nos paysages
urbains, faits pour partie d'immeubles flambant neufs, mal conçus
et donc totalement inoccupés, d'immeubles vétustés, désertés depuis
longtemps, et de quelques quartiers surpeuplés, le tout organisé
selon un plan d'occupation des sols incertain...
En définitive, pour reprendre les griefs formulés dans l'exposé
des motifs du projet de réforme déposé en 1986 par Robert Badin-
ter, notre ancien code était devenu obsolète en raison de son carac-
tère « archaïque, inadapté, contradictoire et incomplet ».
B. H i s t o r i q u e de l a r é f o r m e d u Code p é n a l
85. - Les p r é c é d e n t s avortés. L'idée de réformer dans son
ensemble le Code pénal napoléonien est relativement ancienne,
puisqu'une commission avait été instituée à cette fin en 1887. La
première tentative d'importance date toutefois de 1934, avec
l'avant-projet dit « Code pénal Matter », du nom du procureur géné-
ral près la Cour de cassation qui avait présidé à son élaboration. Ce
projet ne connut pas de consécration législative en raison de la
guerre et de l'Occupation. À compter de 1966, des travaux de
réforme furent de nouveau entrepris, sous l'impulsion du garde des
sceaux J e a n Foyer, mais ils restèrent sans lendemain.
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2) U n e e n t r é e e n v i g u e u r p l u s i e u r s f o i s r e p o r t é e
d u 4 j a n v i e r 1993. L ' e n t r é e e n v i g u e u r d u n o u v e a u C o d e p é n a l f u t a i n s i
r e p o u s s é e de six mois, j u s q u ' a u 1er m a r s 1994, p a r u n e loi d u
19 j u i l l e t 1993.
Ce d é l a i s u p p l é m e n t a i r e f u t m i s à p r o f i t p o u r p r é p a r e r l ' e n t r é e e n
v i g u e u r de l a r é f o r m e d a n s de m e i l l e u r e s c o n d i t i o n s , t a n t e n ce qui
c o n c e r n e l ' a d a p t a t i o n d e l'outil i n f o r m a t i q u e q u e l a f o r m a t i o n des p r a t i -
c i e n s (la p l u p a r t des difficultés r é s u l t a n t d e s m o d i f i c a t i o n s p r o c é d u r a l e s
i n t e r v e n u e s d é b u t 1993 a y a n t q u a n t à elles é t é s u p p r i m é e s p a r u n e loi
d u 2 4 a o û t 1993).
Il p e r m i t é g a l e m e n t a u n o u v e a u G o u v e r n e m e n t de p r o c é d e r , a v a n t
m ê m e l ' e n t r é e e n v i g u e u r de l a r é f o r m e , à l a m o d i f i c a t i o n de c e r t a i n e s
d e ses d i s p o s i t i o n s (ce f u t n o t a m m e n t l'objet de l a loi d u 1er f é v r i e r 1994
i n s t i t u a n t u n e p e i n e d i t e « i n c o m p r e s s i b l e » p o u r les a s s a s s i n s v i o l e u r s
d ' e n f a n t s ) , e t de c o m p l é t e r , s u r des q u e s t i o n s t e c h n i q u e s c o n c e r n a n t
n o t a m m e n t le c a s i e r j u d i c i a i r e d e s p e r s o n n e s m o r a l e s , le d é c r e t d u
29 m a r s 1993 ( d é c r e t d u 25 f é v r i e r 1994).
E n d é f i n i t i v e , l e 1er m a r s 1 9 9 4 ( à 0 h e u r e ) , p l u s d e v i n g t a n s
a p r è s le c o m m e n c e m e n t d e s t r a v a u x d e l a c o m m i s s i o n d e r é v i s i o n ,
e n t r a i e n t e n v i g u e u r les dispositions d u n o u v e a u Code pénal, qu'il
c o n v i e n t m a i n t e n a n t de p r é s e n t e r .
C. P r é s e n t a t i o n g é n é r a l e d e l a r é f o r m e d u C o d e p é n a l
• Le corps m ê m e de l a r é f o r m e r é s u l t e :
- d e s q u a t r e lois nos 92-683 à 92-686 d u 22 j u i l l e t 1992, qui consti-
tuent les livres Ier à IV d u n o u v e a u code ;
- de la loi n° 92-1336 d u 16 d é c e m b r e 1992 relative à l'entrée en
v i g u e u r d u n o u v e a u Code p é n a l et à l a m o d i f i c a t i o n de c e r t a i n e s disposi-
tions de d r o i t p é n a l et de p r o c é d u r e p é n a l e r e n d u e nécessaire p a r cette
entrée en vigueur, dite « loi d ' a d a p t a t i o n », d o n t les 373 a r t i c l e s p r o c è d e n t
à de m u l t i p l e s a d a p t a t i o n s d a n s u n e t r e n t a i n e de codes ( d e p u i s le Code
de p r o c é d u r e p é n a l e j u s q u ' a u . . . code d u blé) e t u n e s o i x a n t a i n e de lois,
a p p o r t e n t c e r t a i n e s modifications « t e c h n i q u e s » a u x livres Ier à I V d u
n o u v e a u code, e t c r é e n t u n livre V c o n s a c r é a u x a u t r e s c r i m e s e t délits ;
- d u d é c r e t n° 93-726 d u 29 m a r s 1993 p o r t a n t réforme d u Code
p é n a l , qui fixe la p a r t i e r é g l e m e n t a i r e d u n o u v e a u code e t q u i a é t é
c o m p l é t é p a r le d é c r e t n° 94-167 d u 25 fév. 1994 ;
e L e s lois de 1992 o n t é t é m o d i f i é s p a r les lois s u i v a n t e s , a v a n t
m ê m e leur entrée en vigueur :
- loi n° 93-121 d u 27 j a n v . 1993 p o r t a n t d i v e r s e s m e s u r e s d ' o r d r e
social, d o n t l'art. 38 m o d i f i e l'art. 223-12 d u C. pén. r e l a t i f à l ' i n t e r r u p -
t i o n illégale de g r o s s e s s e ;
- loi n° 93-913 d u 19 j u i l l e t 1993, r e p o r t a n t l ' e n t r é e e n v i g u e u r d u
n o u v e a u C o d e p é n a l a u 1er m a r s 1994 ;
- loi n° 9 3 - 1 0 2 7 d u 24 a o û t 1993 r e l a t i v e à la m a î t r i s e de l ' i m m i g r a -
tion, m o d i f i a n t les d i s p o s i t i o n s s u r l ' i n t e r d i c t i o n d u t e r r i t o i r e n a t i o n a l
(art. 131-30 d u C. pén.) ;
- loi n° 93-1418 d u 31 d é c e m b r e 1993 p o r t a n t d i v e r s e s m e s u r e s rela-
tives à la m a î t r i s e de l ' i m m i g r a t i o n i n s t i t u a n t l ' a j o u r n e m e n t avec
« r é t e n t i o n j u d i c i a i r e » (art. 132-70-1 d u C. pén.).
- loi n° 94-89 d u 1er fév. 1994, i n s t i t u a n t u n e p e i n e i n c o m p r e s s i b l e et
relative a u n o u v e a u Code p é n a l (art. 221-4, 221-5, 227-26, 413-9 d u C.
pén.).
• Ces t e x t e s o n t p a r a i l l e u r s ê t r e s u i v i s p a r d e u x i m p o r t a n t e s circu-
l a i r e s g é n é r a l e s d ' a p p l i c a t i o n d u 14 m a i 1993 ( t o m e I, p a r t i e l é g i s l a t i v e )
e t d u 18 j a n v i e r 1994 ( t o m e II, p a r t i e r é g l e m e n t a i r e ) q u i c o m m e n t e n t de
façon t r è s c o m p l è t e les d i s p o s i t i o n s d e l a r é f o r m e . C e s c i r c u l a i r e s n ' o n t
é v i d e m m e n t a u c u n c a r a c t è r e n o r m a t i f ou obligatoire, et elles ne s'impo-
s e n t n u l l e m e n t a u x j u r i d i c t i o n s . C o m p t e t e n u t o u t e f o i s de l e u r i n t é r ê t
p o u r les p r a t i c i e n s , elles s e r o n t t r è s f r é q u e m m e n t , s u r t o u t celle d u
14 m a i 1993, citées p a r le p r é s e n t o u v r a g e .
90. - C a r a c t é r i s t i q u e s g é n é r a l e s de l'ensemble de la
r é f o r m e . L a réforme du Code pénal présente trois caractéristiques
p r i n c i p a l e s . T o u t e n c o n s t i t u a n t u n e r u p t u r e a v e c le p a s s é , elle
s ' i n s c r i t é g a l e m e n t d a n s l a c o n t i n u i t é . E n f i n , il s ' a g i t d ' u n e œ u v r e
de consensus.
0 Rupture. Cette rupture apparaît tout d'abord dans l'abrogation
de la totalité des dispositions de l'ancien Code pénal, à laquelle a
p r o c é d é l ' a r t i c l e 3 7 2 d e l a loi d ' a d a p t a t i o n d u 1 6 d é c e m b r e 1 9 9 2
( p o u r l e s a r t i c l e s 1er à 4 7 7 d e l a p a r t i e l é g i s l a t i v e ) e t l ' a r t i c l e 9 d u
d é c r e t d u 29 m a r s 1993 ( p o u r les dispositions de la p a r t i e r é g l e m e n -
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1. Les quatre lois du 22 juillet 1992 ont été adoptées à l'Assemblée nationale par
261 voix sur 287 suffrages exprimés pour 557 votants (la « droite » choisissant une
« abstention positive ») et au Sénat par 300 voix sur 317 suffrages exprimés pour
318 votants, seul le groupe communiste votant contre dans les deux assemblées.
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1) Accessibilité d u n o u v e a u Code p é n a l
92. - Il ne fait pas de doute que le nouveau code a rendu la règle
de droit pénal plus accessible, en adoptant un plan plus clair et plus
rigoureux et en comportant des dispositions qui sont, d'une façon
générale, plus simples et mieux définies. Il reste toutefois très
incomplet et la réforme de notre droit pénal n'est donc pas encore
achevée. En faisant de l'erreur sur le droit une nouvelle cause
d'irresponsabilité pénale (v. art. 122-3 du C. pén.), le législateur a
d'ailleurs tout à la fois témoigné de son souci d'élaborer des textes
plus clairs et reconnu que cet objectif n'était pas atteint.
a) Un p l a n plus clair et plus rigoureux
93. - P l a n d u n o u v e a u Code p é n a l . Comportant au total 945
articles, au 1er octobre 1999, parties législative et réglementaire 1,
et divisé en sept livres respectivement relatifs aux dispositions géné-
rales (I), aux crimes et délits contre les personnes (II), aux crimes et
délits contre les biens (III), aux crimes et délits contre la nation,
l'État de la paix publique (IV), aux autres crimes et délits (V), aux
contraventions (VI) et enfin aux dispositions applicables dans les
territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte
(VII), le nouveau code est mieux ordonné que l'ancien (qui compor-
tait trois livres, de dimension très inégale, sur les peines et leurs
effets, les personnes punissables, excusables ou responsables et les
crimes et délits et leur punition).
Les subdivisions à l'intérieur de ces différents livres sont égale-
ment empreintes d'une plus grande rigueur, dont il peut être donné
ici quelques exemples.
1. Au 1er mars 1994, date de son entrée en vigueur, il n'en comptait que 781. S'y
sont ajoutés depuis 164 articles, résultant de lois ou décrets divers, notamment sur
la bioéthique, le blanchiment ou les territoires d'outre-mer...
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ticulière. De t r è s n o m b r e u s e s d i s p o s i t i o n s c o n s a c r é e s a u x p e i n e s ,
n o t a m m e n t s u r le s u r s i s ou les a u t r e s m o d e s de p e r s o n n a l i s a t i o n d e s
p e i n e s , qui f i g u r a i e n t a u p a r a v a n t d a n s le C o d e de p r o c é d u r e p é n a l e , o n t
été « r a p a t r i é e s » d a n s le t i t r e III, où elles t r o u v e n t l e u r p l ace n a t u r e l l e .
e L e l i v r e II s u r les p e r s o n n e s e s t divisé e n d e u x t i t r e s de d i m e n s i o n
i n é g a l e . Le p r e m i e r , qui c o m p o r t e u n e d i z a i n e d ' a r t i c l e s , e s t c o n s a c r é
a u x c r i m e s c o n t r e l ' h u m a n i t é , le second, q u i c o m p r e n d s e p t c h a p i t r e s e t
187 a r t i c l e s , a u x a t t e i n t e s à la p e r s o n n e h u m a i n e . L e s d i f f é r e n t s cha-
p i t r e s de ce t i t r e II s o n t c l a i r e m e n t o r d o n n é s , p o u r r e g r o u p e r les i n f r a c -
t i o n s s a n c t i o n n a n t les a t t e i n t e s à d e s v a l e u r s i d e n t i q u e s , a u t r e f o i s dis-
p e r s é e s à l ' i n t é r i e u r d u code n a p o l é o n i e n , o u m ê m e d ' a u t r e s t e x t e s .
Ainsi, le c h a p i t r e II r e l a t i f a u x a t t e i n t e s à l ' i n t é g r i t é p h y s i q u e ou psy-
c h i q u e de la p e r s o n n e c o m p o r t e les d i s p o s i t i o n s r é p r i m a n t le t r a f i c de
s t u p é f i a n t s , a u p a r a v a n t p r é v u e s p a r le C o d e de la s a n t é p u b l i q u e . De
m ê m e , le c h a p i t r e V s u r les a t t e i n t e s à l a p e r s o n n a l i t é c o m p r e n d les
i n f r a c t i o n s e n m a t i è r e de f i c h i e r i n f o r m a t i q u e , a u t r e f o i s p r é v u e s p a r la
loi d u 6 j a n v i e r 1978 r e l a t i v e à l ' i n f o r m a t i q u e , a u x fichiers e t a u x liber-
tés. T o u t e s les i n f r a c t i o n s p o r t a n t a t t e i n t e a u x m i n e u r s o u à la f a m i l l e
s o n t r e g r o u p é e s d a n s le c h a p i t r e VII, p a r e x e m p l e .
e Le livre III r e l a t i f a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e les b i e n s , qui com-
p o r t e 101 a r t i c l e s , e s t s c i n d é e n d e u x t i t r e s r e s p e c t i v e m e n t c o n s a c r é s
a u x a p p r o p r i a t i o n s f r a u d u l e u s e s e t a u x a u t r e s a t t e i n t e s a u x biens. L e
r e g r o u p e m e n t , d a n s le p r e m i e r t i t r e , des c h a p i t r e s c o n s a c r é s a u vol, à
l'extorsion, à l ' e s c r o q u e r i e e t a u x d é t o u r n e m e n t s m e t e n é v i d e n c e les
r e l a t i o n s e x i s t a n t e n t r e ces d i f f é r e n t e s i n f r a c t i o n s , q u i o n t p o u r o r i g i n e
c o m m u n e le « f u r t u m » d u d r o i t r o m a i n .
a Le l i v r e IV c o n s a c r é a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e l a n a t i o n , l ' E t a t e t
l a p a i x p u b l i q u e , qui c o m p o r t e a u t o t a l 2 1 4 a r t i c l e s , e s t celui d o n t l a
r é o r g a n i s a t i o n , p a r r a p p o r t a u x d i s p o s i t i o n s c o r r e s p o n d a n t e s d u code
n a p o l é o n i e n r e l a t i v e s à l a chose p u b l i q u e , e s t l a p l u s p r o f o n d e . Il com-
p r e n d cinq t i t r e s , r e l a t i f s a u x a t t e i n t e s a u x i n t é r ê t s f o n d a m e n t a u x de l a
n a t i o n , a u t e r r o r i s m e , a u x a t t e i n t e s à l ' a u t o r i t é de l ' E t a t , a u x a t t e i n t e s à
l a confiance p u b l i q u e e t à l ' i n f r a c t i o n g é n é r i q u e d ' a s s o c i a t i o n de m a l f a i -
teurs. S a n s e n t r e r d a n s le d é t a i l de ces t i t r e s , on p e u t s i g n a l e r p a r
e x e m p l e q u e le t r o i s i è m e c h a p i t r e d u t i t r e III r e g r o u p e t o u t e s les infrac-
t i o n s qui p o r t e n t a t t e i n t e à l a j u s t i c e , a l o r s q u ' e l l e s é t a i e n t a u p a r a v a n t
d i s p e r s é e s d a n s p l u s i e u r s p a r t i e s d u code d e 1810, d a n s le Code de pro-
c é d u r e p é n a l e ou d a n s d ' a u t r e s t e x t e s .
• Le livre V s e r a c o m m e n t é p l u s loin (infra, n° 97).
• Le livre VI c o n t i e n t l'ensemble des c o n t r a v e n t i o n s p r é v u e s p a r le
n o u v e a u Code p é n a l et c o m p o r t e 68 articles. Il est divisé en cinq t i t r e s qui
s o n t c h a c u n le p e n d a n t des livres 1 à V, les c o n t r a v e n t i o n s contre les per-
s o n n e s f i g u r a n t ainsi d a n s le t i t r e II, celles c o n t r e les biens d a n s le t i t r e III,
etc. C h a c u n de ces t i t r e s (à l'exception d u t i t r e Ier, r e l a t i f a u x dispositions
générales, puisqu'il c o r r e s p o n d a u livre Ier) e s t divisé e n cinq ch ap i t r es,
c h a q u e c h a p i t r e c o r r e s p o n d a n t à u n e des cinq classes de c o n t r a v e n t i o n s .
Le n o u v e a u C o d e p é n a l c o m p o r t e d e u x p a r t i e s , u n e p r e m i è r e p a r t i e
législative et u n e deuxième partie r é g l e m e n t a i r e (décrets en Conseil
d ' É t a t ) , d o n t les a r t i c l e s s o n t p r é c é d é s de l a l e t t r e « R ». L e s l i v r e s Ier
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94. - N u m é r o t a t i o n . L a n u m é r o t a t i o n d e s a r t i c l e s d u n o u v e a u
Code p é n a l p e u t s u r p r e n d r e les p r a t i c i e n s h a b i t u é s à la n u m é r o t a -
t i o n c o n t i n u e u t i l i s é e d a n s le code d e 1810. L a m é t h o d e r e t e n u e e s t
e n effet celle de la n u m é r a t i o n d é c i m a l e à t r o i s chiffres. L e p r e m i e r
chiffre c o r r e s p o n d a u n u m é r o d u livre, le s e c o n d à celui d u t i t r e a u
s e i n d e ce l i v r e , l e t r o i s i è m e à c e l u i d u c h a p i t r e a u s e i n d e ce t i t r e ,
e t les c h i f f r e s a p r è s le t i r e t i n d i q u e n t l ' e m p l a c e m e n t d e l ' a r t i c l e a u
s e i n d u c h a p i t r e . L ' a r t i c l e 3 1 2 - 7 e s t a i n s i le s e p t i è m e a r t i c l e (312-7)
d u c h a p i t r e I I ( 3 1 2 - 7 ) d u t i t r e Ier ( 3 1 2 - 7 ) d u l i v r e I I I ( 3 1 2 - 7 ) .
C e t t e m é t h o d e , d é j à u t i l i s é e d a n s d e n o m b r e u x codes, a n c i e n s ou
r é c e n t s ( p a r e x e m p l e le C o d e d u t r a v a i l , le N o u v e a u Code r u r a l , le C o d e
d e la p r o p r i é t é i n t e l l e c t u e l l e , le Code de l a c o n s o m m a t i o n ) , p e r m e t de se
r e t r o u v e r f a c i l e m e n t , d è s lors q u e l'on c o n n a î t le p l a n d u code c o n s i d é r é .
E l l e p e r m e t p a r a i l l e u r s de m o d i f i e r p l u s a i s é m e n t les t e x t e s , u n t i t r e
p o u v a n t être complété p a r a u t a n t de chapitres que nécessaire, et u n
c h a p i t r e c o m p l é t é p a r a u t a n t d ' a r t i c l e s , s a n s q u e l'on a i t à c h a n g e r la
n u m é r o t a t i o n des d i s p o s i t i o n s q u i s u i v e n t . L a l e c t u r e e s t t o u t e f o i s
m o i n s aisée, s u r t o u t si d e s a r t i c l e s s o n t a j o u t é s n o n p a s à l a fin m a i s a u
s e i n m ê m e d ' u n c h a p i t r e c a r alors, s a u f d é n u m é r o t a t i o n d e s d i s p o s i t i o n s
q u i s u i v e n t , d o i v e n t ê t r e u t i l i s é s d e s n u m é r o s à « d o u b l e t i r e t »... ce qui
e s t d é j à le cas p o u r p l u s i e u r s d i s p o s i t i o n s d u n o u v e a u Code p é n a l
(cf. a r t . 132-70-1 e t 434-7-1).
La numérotation décimale est p a r ailleurs particulièrement pratique
s ' a g i s s a n t d e s c o n t r a v e n t i o n s , c o m p t e t e n u d u p l a n r e t e n u p o u r le
l i v r e VI. A i n s i les a r t . R. 625-XX r é p r i m e n t n é c e s s a i r e m e n t des c o n t r a -
v e n t i o n s (625) c o n t r e les p e r s o n n e s (625) de la c i n q u i è m e c l a s s e (625).
b) D i s p o s i t i o n s p l u s s i m p l e s e t m i e u x d é f i n i e s
1. Ce qui permettait de constater, non sans malice, que les quatre livres spé-
ciaux du nouveau code étaient respectivement consacrés aux personnes, aux biens, à
l'État et aux animaux... heureux bénéficiaires d'un livre entier du Code pénal (voir,
à cet égard, J.-P. Marguénaud, « L'animal dans le nouveau Code pénal », D., 1995,
chron. p. 187).
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2) L ' e x p r e s s i v i t é d u n o u v e a u C o d e p é n a l
L e p l a n r e t e n u p o u r les l i v r e s s p é c i a u x p a r t i c i p e é g a l e m e n t d e c e t t e
v o l o n t é de m e t t r e e n e x e r g u e l a p r o t e c t i o n d e s d r o i t s de l ' h o m m e , p u i s -
q u e le p r e m i e r de ces l i v r e s e s t c o n s a c r é a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e la
p e r s o n n e , alors q u e d a n s le code de 1810 les p r e m i è r e s d i s p o s i t i o n s de
d r o i t p é n a l spécial c o n c e r n a i e n t les a t t e i n t e s à l a chose p u b l i q u e . L a
p r o t e c t i o n de l ' É t a t e s t c e r t e s f o n d a m e n t a l e , m a i s elle n ' e s t l é g i t i m e q u e
si l ' É t a t l u i - m ê m e e s t d é m o c r a t i q u e e t r e s p e c t u e u x d e s d r o i t s de
l'homme.
a) U n code p l u s e x p r e s s i f q u a n t a u x p e i n e s
Le relatif équilibre entre ces deux chiffres ne doit toutefois pas mas-
quer une réalité plus complexe, de nombreuses aggravations concernant
en effet des infractions fréquemment jugées par les tribunaux (notam-
ment les violences et les vols), tandis que les adoucissements touchent
souvent des incriminations très peu usitées (ainsi le mariage célébré
par un prêtre sans mariage civil préalable). À l'inverse, les aggravations
sont essentiellement symboliques, et elles n'entraîneront vraisemblable-
ment pas un alourdissement des peines prononcées.
3) L'efficacité d u n o u v e a u C o d e p é n a l
102. - Sur de nombreux points, le nouveau code est certaine-
ment plus efficace que l'ancien. Mais un Code pénal plus efficace ne
signifie pas, comme on pourrait le penser de prime abord, un code
plus répressif. L'efficacité suppose que l'auteur d'une infraction soit
puni de la peine la plus appropriée, notamment pour éviter la réci-
dive. La plus grande efficacité des nouveaux textes tient donc au
fait qu'ils permettent non seulement une meilleure répression des
formes modernes de délinquance et de criminalité, mais également
une meilleure individualisation des peines.
a) Une meilleure individualisation
103. - Le nouveau Code pénal est venu renforcer les possibilités
d'individualisation de la peine, dans le prolongement de l'évolution
législative de ces dernières décennies. Il a, à cette fin, sensiblement
augmenté les pouvoirs du juge. On peut à cet égard citer la création
de nouvelles peines « alternatives », l'extension du champ d'applica-
tion des peines de jour-amende ou de travail d'intérêt général, la
suppression - imparfaite - des peines accessoires ou obligatoires, la
« judiciarisation » de l'interdiction de séjour, la suppression du
minimum des peines et du mécanisme des circonstances atté-
nuantes, l'accroissement des possibilités d'aménagement de l'exé-
cution des peines. Les quelques très rares dispositions n'allant pas
dans ce sens sont guidées par le souci de limiter le recours à
l'emprisonnement et sont donc comme une incitation faite au juge à
recourir à son pouvoir d'individualisation. Il en est ainsi de l'obliga-
tion de motiver les peines d'emprisonnement fermes, le sursis deve-
n a n t la règle. Dans le même temps, le nouveau code a rendu pour
partie plus sévères les dispositions relatives à la période de sûreté,
qui constitue une sorte d'individualisation à rebours de la peine en
ce qu'elle limite les possibilités d'adaptation de celle-ci au cours de
son exécution.
Titre 1
L a loi p é n a l e
« S a n a i s s a n c e f u t u n désordre,
c'est p o u r q u o i il a i m a i t p a s s i o n n é m e n t l'ordre,
les règles inviolables, les c o m m a n d e m e n t s et les interdits. »
T h o m a s MANN
SOUS-TITRE I
Chapitre 1
I g n o r é e de l ' a n c i e n d r o i t q u i d i s t i n g u a i t e n t r e le g r a n d c r i m i n e l
et le p e t i t c r i m i n e l , c e t t e c l a s s i f i c a t i o n t r i p a r t i t e des i n f r a c t i o n s e s t
a p p a r u e p o u r la p r e m i è r e fois de façon t r è s n e t t e d a n s le code de
b r u m a i r e a n IV. R e p r i s e d a n s le code de 1810, elle a été c o n s e r v é e
d a n s le Code p é n a l de 1992. Elle c o n s t i t u e , s u r le p l a n de la tech-
n i q u e j u r i d i q u e , la b a s e de t o u t n o t r e d r o i t p é n a l . Il n ' e s t donc p a s
s u r p r e n a n t q u e le n o u v e a u code, c o m m e l'ancien, s ' o u v r e s u r les
d i s p o s i t i o n s q u i la c o n s a c r e n t . Le m a i n t i e n de cette classification
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SECTION 1
P r é s e n t a t i o n de la classification
§ 1. L e s i n t é r ê t s d e l a c l a s s i f i c a t i o n t r i p a r t i t e
111. - Les intérêts de la classification tripartite sont tellement
nombreux que l'énumération des plus importants d'entre eux
conduit à survoler l'ensemble du droit pénal. La distinction déter-
mine en effet l'application même des règles constitutionnelles rela-
tives à la création des infractions ainsi que maintes dispositions de
droit pénal de fond et de forme.
A. Les i n t é r ê t s en m a t i è r e c o n s t i t u t i o n n e l l e
B. Les i n t é r ê t s e n d r o i t p é n a l d e f o n d
113. - Les règles de d r o i t p é n a l g é n é r a l . En ce qui concerne
le droit pénal général, les intérêts de la classification sont très nom-
breux.
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pour les crimes, de cinq ans pour les délits et de deux ans pour les
contraventions (art. 133-2 du C. pén.).
114. - Les d i s p o s i t i o n s d e d r o i t p é n a l spécial. S'agissant du
droit pénal spécial, on se bornera à signaler que la définition de
plusieurs infractions fait appel à la distinction entre les crimes,
délits et contraventions. Ainsi, la menace de commettre une infrac-
tion (art. 222-17 et 222-18 du C. pén.), le fait de ne pas s'opposer à
la commission d'une infraction (art. 223-6 du C. pén.) ou encore de
ne pas dénoncer une infraction (art. 434-1 du C. pén.) ne sont répré-
hensibles que si l'infraction concernée est un crime ou un délit.
C. Les i n t é r ê t s e n d r o i t p é n a l de f o r m e
115. - L a c o m p é t e n c e j u r i d i c t i o n n e l l e . La distinction pré-
sente des intérêts fondamentaux en matière de compétence juridic-
tionnelle puisque celle-ci est entièrement déterminée par la nature
de l'infraction. Les crimes sont jugés par la cour d'assises (normale-
ment composée de trois magistrats professionnels et de neuf jurés),
les délits sont de la compétence du tribunal correctionnel (composé
en principe de trois magistrats professionnels) et les contraventions
relèvent du tribunal de police (statuant toujours à juge unique). La
concordance entre la nature de l'infraction et la compétence juridic-
tionnelle est telle qu'on désigne fréquemment l'ensemble des dispo-
sitions se rapportant aux délits sous l'expression de matière correc-
tionnelle.
§ 2. L e c r i t è r e d e l a c l a s s i f i c a t i o n
117. - La détermination du critère de la distinction ne pose
guère de difficultés, les modifications apportées sur ce point par le
nouveau Code pénal étant essentiellement formelles. En revanche,
l'application du critère soulève, avec la réforme, des interrogations
nouvelles qui appellent de plus longs commentaires.
A L a détermination du critère
118. - L a g r a v i t é d e l ' i n f r a c t i o n , c r i t è r e d u c h o i x d e l a
q u a l i f i c a t i o n p a r le l é g i s l a t e u r . L'article 1er du Code pénal de
1810 faisait dépendre la qualification de l'infraction de la nature de
la peine lui étant applicable. Il prévoyait en effet que l'infraction
était un crime, un délit ou une contravention selon que la peine pré-
vue par la loi pour la sanctionner était criminelle, correctionnelle ou
contraventionnelle. En pure logique, cette présentation était criti-
quable ou, du moins, incomplète. Ce n'est pas la nature de la peine
applicable qui doit déterminer la gravité de l'infraction, mais bien
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119. - L a g r a v i t é d e l a p e i n e , c r i t è r e d e r e c o n n a i s s a n c e d u
c h o i x d u l é g i s l a t e u r . En raison de son caractère très vague, le cri-
tère prévu à l'article 111-1 n'est pas d'une grande utilité pratique. Il
n'est qu'une indication d'ordre général qui permet de saisir la logi-
que de la distinction tripartite mais non de savoir si telle ou telle
infraction est un crime, un délit ou une contravention. En réalité,
plus que le critère de la distinction, c'est son fondement qui est posé
par l'article 111-1. Aujourd'hui comme hier, seule la nature de la
peine sanctionnant l'infraction permet de reconnaître les crimes, les
délits et les contraventions. La peine, qui traduit la gravité de
l'infraction, est en quelque sorte l'indicateur du choix du législateur.
B. L ' a n a l y s e d u c r i t è r e
120. - La nomenclature des peines est fixée par le titre III du
livre premier du Code pénal. Il est donc aisé, en se reportant aux
dispositions de ce titre, de savoir quelles sont les peines applicables
en matière criminelle (art. 131-1 et 131-2), correctionnelle
(art. 131-3 à 131-9) et contraventionnelle (art. 131-12 à 131-18). Il
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faut toutefois préciser que la distinction entre les crimes, les délits
et les contraventions doit être effectuée en considérant uniquement
les peines principales encourues par les personnes physiques. Cha-
cun des trois éléments de cette proposition doit être soigneusement
analysé.
1) L a q u a l i f i c a t i o n e s t d é t e r m i n é e
p a r les p e i n e s p r i n c i p a l e s . . .
121. - D é f i n i t i o n . Les peines principales sont celles qui, propres
à chaque catégorie d'infractions, doivent nécessairement être prévues
p a r le texte de pénalité pour donner à la prescription légale ou régle-
mentaire sanctionnée le caractère d'une incrimination pénale. C'est
uniquement par référence à ces peines que doit être déterminée la
qualification criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle d'une
infraction. Il ne faut pas se référer en revanche aux peines dites
alternatives et complémentaires, qui ne peuvent être prévues que
pour remplacer ou compléter les peines principales (infra, n° 756).
matière criminelle et ce, bien sûr, quel que soit le taux de l'amende qui
peut être par ailleurs encourue. Si l'infraction est passible d'une peine
d'amende à l'exclusion de toute peine privative de liberté, elle ne consti-
tue un délit que si l'amende encourue est supérieure ou égale à
25 000 F. Tel est le cas, par exemple, de l'outrage à une personne
chargée d'une mission de service public, puni de 50 000 F d'amende
(art. 433-5 du C. pén.).
2) ... e n c o u r u e s . . .
125. - La peine encourue est la peine maximum prévue p a r la
loi ou le règlement pour sanctionner telle ou telle infraction. C'est
uniquement en considérant cette peine qu'il convient de déterminer
si l'infraction est un crime, un délit ou une contravention. La peine
effectivement prononcée p a r le juge ne doit pas être prise en compte.
Au contraire, les causes légales d'aggravation ou de diminution de
peines qui modifient la peine encourue selon le texte spécial d'incri-
mination et de pénalité devraient influer sur la qualification. Mais
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tel n'est pas exactement l'état de notre droit, comme le fera appa-
raître l'étude des incidences des causes d'aggravation et de diminu-
tion de la peine sur la qualification des infractions.
126. - I n c i d e n c e s des c a u s e s d ' a g g r a v a t i o n d e l a p e i n e .
L'aggravation de la peine encourue peut tout d'abord être la consé-
quence de la circonstance aggravante générale qu'est la récidive.
Cette cause d'aggravation n'a aucune incidence sur la qualification
de l'infraction. En effet, lorsqu'un délit est commis en récidive, la
peine d'emprisonnement encourue est doublée mais ne change pas
de nature même si elle vient à excéder le maximum de dix ans
prévu par l'article 131-4 du Code pénal en matière correctionnelle
(art. 132-9 du C. pén.). À titre d'exemple, le trafic de stupéfiants,
puni par l'article 222-37 du Code pénal de dix ans d'emprisonne-
ment, devient en récidive un délit puni de vingt ans d'emprisonne-
ment et non un crime puni de vingt ans de réclusion criminelle.
L'aggravation de la peine peut également résulter de circons-
tances aggravantes spéciales, tels que le port d'une arme, l'usage de
violences ou la vulnérabilité de la victime, prévues au cas par cas
par le législateur. Bien évidemment, chaque fois que la nature de la
peine se trouve modifiée par l'application de ces circonstances,
la qualification de l'infraction est modifiée en conséquence. Par
exemple, le délit de vol puni de trois ans d'emprisonnement
(art. 311-1 du C. pén.) devient un crime passible de vingt ans de
réclusion criminelle lorsqu'il est fait usage d'une arme (art. 311-8
du C. pén.). Les vols devenus criminels par l'application d'une cir-
constance aggravante sont souvent désignés sous l'expression de
« vols qualifiés ».
127. - I n c i d e n c e des c a u s e s d e d i m i n u t i o n d e l a p e i n e . Le
législateur attache parfois à certaines circonstances qu'il définit,
telle que la minorité du coupable ou la dénonciation par lui de ses
complices, une diminution de la peine normalement encourue. Sous
l'empire du code de 1810, ces causes légales de diminution de peines
étaient appelées excuses atténuantes. La jurisprudence avait alors
tendance à considérer que l'admission de ces excuses n'entraînait
aucune modification de la qualification initiale de l'infraction alors
même qu'elle modifiait la nature de la peine encourue en transfor-
mant, par exemple, une peine de réclusion en peine d'emprisonne-
ment (Crim. 10 août 1866, S., 67, I, 185 ; Crim. 24 avril 1925, S.,
1925, I, 329). La solution peut être discutée mais rien dans les dis-
positions du nouveau Code pénal ne permet de la remettre en cause
(contra, W. Jeandidier, Jcl. pén., art. 111-1) : si l'expression d'excu-
ses atténuantes a bien été bannie pour être remplacée par celle de
« cause légale de diminution de peine », le mécanisme juridique dési-
gné par ces deux expressions n'a subi aucune modification.
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Bien qu'elle ait été critiquée (Merle et Vitu, n° 382), cette solution
paraît logique. On n'imagine pas « des infractions à qualification
variable » qui, selon le quantum de la peine prononcée, seraient de
nature criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. La gravité
d'une infraction est déterminée de manière objective et permanente par
le législateur. Elle ne dépend pas du degré de responsabilité reconnu à
son auteur dans telle ou telle affaire particulière. La condamnation du
meurtrier à un an d'emprisonnement avec sursis ne signifie pas que
celui-ci aurait commis un acte de faible gravité (un simple délit). Elle
signifie qu'il a commis un acte grave (un crime) avec des circonstances
atténuantes.
En tout état de cause, on voit qu'il n'existe pas de correspondance
systématique entre, d'une part, la nature de l'infraction et, d'autre part,
la nature de la peine prononcée. Cette dissociation possible doit toujours
demeurer présente à l'esprit. Elle permet de comprendre de nombreuses
dispositions du Code pénal relatives aux peines. Ainsi, l'application de
certaines règles, comme celles relatives à la prescription (art. 133-2 du
C. pén.), dépend uniquement de la qualification de l'infraction. Au
contraire, l'application d'autres dispositions, comme celles relatives à la
réhabilitation (art. 133-13 du C. pén.) ou à l'octroi du sursis (art. 132-31
du C. pén.), est déterminée exclusivement par la nature de la peine pro-
noncée sans avoir égard à la nature de l'infraction sanctionnée.
3) ... p a r les p e r s o n n e s p h y s i q u e s
128. - L a q u a l i f i c a t i o n des i n f r a c t i o n s à l ' é g a r d des p e r -
s o n n e s m o r a l e s . Depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code
pénal, les personnes morales peuvent voir leur responsabilité
pénale engagée. Mais la nature criminelle, correctionnelle ou con-
traventionnelle des infractions reprochée aux personnes morales
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SECTION 2
La relativité de la classification
§ 1. L a r é p a r t i t i o n d e s i n f r a c t i o n s
e n t r e les trois g r a n d e s catégories
130. - L ' é v o l u t i o n p e r m a n e n t e d e l a q u a l i f i c a t i o n des
i n f r a c t i o n s . La répartition des infractions à l'intérieur de chacune
des trois catégories évolue sans cesse : telle infraction considérée
hier comme un crime est aujourd'hui un délit et sera peut-être
demain une contravention, ou inversement. Ces transformations
constantes prennent les noms de « criminalisation », « décriminali-
sation », « correctionnalisation » ou « contraventionnalisation ».
A. L a c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i c i a i r e
132. - D é f i n i t i o n et p r o c é d é s d e c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i -
ciaire. La correctionnalisation judiciaire est la pratique consistant
pour les autorités chargées des poursuites et de l'instruction à
appliquer à des agissements constitutifs d'un crime au regard de la
loi une qualification correctionnelle en déformant délibérément la
réalité des faits. La question est traitée par la plupart des auteurs
dans le cadre de la procédure pénale car la correctionnalisation
judiciaire revient à tourner les règles légales relatives à la compé-
tence juridictionnelle.
Le procédé le plus simple consiste à négliger une circonstance
aggravante comme, par exemple, en cas de violences ayant entraîné
une mutilation punie de dix ans d'emprisonnement (art. 222-9 du C.
pén.), la circonstance de réunion ou de préméditation, qui porte la
peine à quinze ans de réclusion criminelle (art. 222-10 du C. pén.). Il
est également possible de passer sous silence l'un des éléments cons-
titutifs du crime. Ainsi, une tentative de meurtre sera qualifiée de
violences volontaires délictuelles en occultant l'intention homicide
de son auteur ou encore un viol (crime prévu par l'article 222-23 du
C. pén.) sera qualifié d'agression sexuelle autre que le viol (délit
prévu par l'article 222-27 du C. pén.) en dissimulant l'existence
d'une pénétration sexuelle. Enfin, lorsqu'un même fait tombe sous le
coup de plusieurs qualifications pénales en concours, la correction-
nalisation consistera à éluder délibérément les qualifications crimi-
nelles, contrairement aux règles normalement applicables : le
notaire ayant commis une escroquerie à l'aide d'un faux en écriture
publique sera poursuivi du seul chef d'escroquerie et non de faux en
écriture publique, cette seconde infraction constituant un crime
lorsqu'elle est commise par un officier ministériel (art. 441-4, al. 3).
Les exemples pourraient bien entendu être multipliés.
Dans la mesure où elle a pour conséquence d'éluder les règles
d'ordre public relatives à la compétence des juridictions pénales,
en soumettant au tribunal correctionnel des infractions relevant
de la cour d'assises, la correctionnalisation judiciaire est une prati-
que illégale (Crim. 9 nov. 1955, JCP, 1956, II, 9249, note Granier ;
12 juin 1958, B., n° 457 ; 3 janv. 1970, B., n° 4 ; 12 janv. 2000, B.,
24). Elle n'est possible qu'avec le consentement tacite de la juridic-
tion correctionnelle et de l'ensemble des acteurs du procès pénal :
magistrats (juge d'instruction et procureur de la République), per-
sonne poursuivie et partie civile. L'incompétence du tribunal cor-
rectionnel peut en effet toujours être soulevée par lui (art. 469 du
C. pr. pén.) ou par l'une des parties (Paris 23 juin 1967, JCP,
1968, II, 15413, note Meurisse ; Reims 9 nov. 1978 : D., 1979, 92
note Pradel ; JCP, 1979, II, 19046 note Bouzat). Mais il est rare en
pratique que la correctionnalisation soit dénoncée, chacun y trou-
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