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LE NOUVEAU
DROIT PENAL
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COLLECTION
DROIT PENAL

SÉRIE : ENSEIGNEMENT ET PRATIQUE

Frédéric Francis
DESPORTES LE GUNEHEC
Conseiller référendaire Chef du bureau de la
à la Cour de cassation législation pénale générale
au ministère de la Justice

LE N O U V E A U
DROIT PENAL
Tome 1
Droit pénal général

Septième édition

Ouvrage à jour au 1er octobre 2000

ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
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@ Ed. ECONOMICA, 2000


Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution
réservés pour tous les pays.
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Avant-propos

La présente édition du Nouveau Droit Pénal est sans conteste


marquée du sceau de deux réformes majeures, qui présentent à
bien des égards un caractère historique : la loi du 15 juin 2000 ren-
forçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes, et la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition
des délits non intentionnels. Le premier texte, tout en procédant à
une réforme d'ampleur des différentes phases de notre procédure
pénale - en instituant par exemple un appel tournant en matière
criminelle - concerne également le droit pénal en ce qu'il juridic-
tionnalise l'application des peines. Le second texte revient sur près
d'un siècle de jurisprudence et de traditions juridiques en refondant
les principes généraux de la responsabilité pénale des personnes
physiques en matière d'infractions d'imprudence ou de négligence,
cette refonte ayant par ailleurs certaines conséquences en ce qui
concerne la responsabilité pénale des personnes morales. Ces réfor-
mes sont ainsi précisément décrites et analysées dans les titres II
et III de la septième édition de ce traité, qui a également été enri-
chie par de nombreuses références aux décisions jurisprudentielles
les plus récentes. Comme les précédentes, cette édition comprend en
annexe, outre des tableaux statistiques et une présentation des
principales règles de procédure pénale - qui tient compte de la loi
du 15 juin 2000 - la liste des différents textes législatifs et régle-
mentaires publiés depuis un an et cités par le présent ouvrage,
complétée par l'indication des paragraphes qui y font référence. Elle
permettra ainsi aux praticiens et aux étudiants de disposer, à
l'aube du nouveau millénaire, d'un traité de droit pénal aussi com-
plet et à jour que possible.
Les auteurs, septembre 2000
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Sommaire

Avant-propos V
Sommaire VII
Bibliographie générale IX
Principales abréviations XIII

Introduction
Première approche du droit pénal 1
I. La notion de droit pénal 2
II. L'évolution du droit pénal 27

TITRE 1
L a loi p é n a l e

Sous-titre Ier
L ' o b j e t de la loi p é n a l e : l'infraction 65
I. La distinction entre les crimes, les délits et les contraventions 67
II. Les infractions de droit spécial 93

S o u s - t i t r e II
Les sources de la loi p é n a l e 135
I. La loi et le règlement, seules sources du droit pénal 137
II. La subordination de la loi et du règlement aux normes supérieures .... 183

Sous-titre III
L'application de la loi p é n a l e 225
I. La détermination de la loi pénale applicable (la qualification des faits) 227
II. L'application de la loi pénale dans le temps 247
III. L'application de la loi pénale dans l'espace ......................................... 309
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TITRE II
La responsabilité pénale
Sous-titre Ier
Le fait générateur de la responsabilité pénale : la commission de l'infraction 359
I. L'élément matériel de l'infraction 361
II. L'élément intellectuel de l'infraction 387

Sous-titre II
La détermination de la personne pénalement responsable 445
I. La responsabilité pénale des personnes physiques 449
II. La responsabilité pénale des personnes morales 499

Sous-titre III
Les causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité 553
I. Les causes subjectives d'irresponsabilité ou d'atténuation
de responsabilité 557
II. Les causes objectives d'irresponsabilité pénale 599

TITRE III
Les peines
Sous-titre Ier
La définition légale de la peine 649
I. Les peines applicables aux personnes physiques 655
II. Les peines applicables aux personnes morales 719

Sous-titre II
L'application de la peine 735
I. L'adaptation légale de la peine aux situations particulières 737
II. La personnalisation judiciaire de la peine 775

Sous-titre III
L'évolution de la peine 829
I. L'aménagement de la peine en cours d'exécution 831
Il. L'extinction des peines et l'effacement des condamnations 877
III. La mémoire des peines : le casier judiciaire 909

Annexe na 1 : Présentation générale de la procédure pénale 921


Annexe na 2 : Lois et décrets publiés depuis les précédentes éditions
du « Nouveau Droit pénal » 935
Annexe na 3 : Principales statistiques existantes en matière pénale 941
Index alphabétique 947
Liste des tableaux 959
Table des matières ............................................................................................. 961
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Bibliographie g é n é r a l e

Les ouvrages suivis d'un astérisque (*) sont cités dans le présent
manuel par le seul nom de leur (s) auteur (s).

1. T r a i t é s e t m a n u e l s
Outre les encyclopédies de droit pénal (Répertoire de droit pénal
et de procédure pénale Dalloz et Jurisclasseur pénal), on citera les
ouvrages suivants :

a) D r o i t p é n a l g é n é r a l

Ouvrages récents
B. Chabert et P.-O. Sur, Droit pénal général, Dalloz, 1996.
Ph. Conte et P. Maistre de Chambon, Droit pénal général, Armand
Colin, 5e éd., 2000*.
J.-P. Doucet, « La loi pénale », Gazette du Palais, 1986.
M. Gendrel, Maîtriser le droit pénal général, Roudil, 1988*.
W. Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien, 1995*.
J. Larguier, Droit pénal général, Memento Dalloz, 17e éd., 1999*.
G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil et B. Bouloc, Droit pénal et
procédure pénale, Sirey, 1999*.
F. Le Gunehec, Le nouveau Code pénal illustré, Dalloz, 1996.
CI. Lombois, Droit pénal général, Hachette, 1994*.
R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas, t. I, 6e éd., 1989* ;
7e éd., 1997*.
J. Pradel, Droit pénal général, Cujas, 14e éd., 1999*.
M. Puech, Droit pénal général, Litec, 1988*.
M.-L. Rassat, Droit pénal, PUF, 2e éd., 1999*.
J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF, 3e éd., 1998*.
G. Roujou de Boubée, B. Bouloc, J. Francillon et Y. Mayaud, Code pé-
nal commenté, Dalloz, 1996.
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Ph. Salvage, Droit pénal général, Presses universitaires de Grenoble,


1998*.
J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ, 14e éd., 1999*.
G. Stéfani, G. Levasseur et B. Bouloc, Droit pénal général, précis Dal-
loz, 16e éd., 1997*.
Ouvrages du XXe siècle ne faisant plus l'objet de mise à j o u r
J. Borricand, Droit pénal, Masson, 1973.
B. Bouzat et J. Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie,
3 tomes, 2e éd., 1970, mise à jour au 15 nov. 1975*.
A. Decocq, Droit pénal général, A. Colin, coll. U, 1971.
H. Donnedieu de Vabres, Précis de droit criminel, Dalloz, 3e éd. 1953.
H. Donnedieu de Vabres, Traité élémentaire de droit pénal et de légis-
lation pénale comparée, Sirey, 3e éd., 1947.
J.-P. Doucet, Précis de droit pénal général, Liège, 1976.
E. Garçon, Code pénal annoté, 2e éd., par M. Rousselet, M. Patin et
M. Ancel, Sirey, 3 tomes, 1952 à 1959.
R. Garraud, Traité théorique et pratique de droit pénal, Sirey, 3e éd.,
6 volumes, 1913 à 1935.
R. Vouin et J. Léauté, Droit pénal et criminologie, PUF, coll. Thémis,
1956.

Ouvrages spécialisés
B. Bouloc, Pénologie, Dalloz, 1991.
A. Huet et R. Koering-Joulin, Droit pénal international, PUF, coll.
Thémis, 1994*.
J. Larguier, Criminologie et science pénitentiaire, Memento Dalloz,
8e éd., 1999.
CI. Lombois, Droit pénal international, précis Dalloz, 2e éd., 1979*.
P. Poncela, Le droit de la peine, PUF, coll. Thémis, 1995.
J. Pradel, Droit pénal comparé, précis Dalloz, 1994.
J. Pradel et G. Corstens, Droit pénal européen, précis Dalloz, 1999.
J.-F. Renucci, Droit pénal des mineurs, Masson, 1994.
F. Staechele, La pratique de l'application des peines, Litec, 1995.

b) D r o i t p é n a l s p é c i a l
A. Coeuret et E. Fortis, Droit pénal du travail, Litec, 1998.
M. Delmas-Marty, Droit pénal des affaires, PUF, coll. Thémis, 3e éd.,
2 tomes, 1990.
J.-P. Doucet, « La protection pénale de la personne humaine », t. 1,
Gazette du Palais, 1994.
CI. Ducouloup-Favard, Droit pénal des affaires, Masson, 1993.
P. Gattegno, Droit pénal spécial, cours Dalloz, 2e éd., 1999.
P. Gautier et B. Lauret, Droit pénal des affaires, Economica, 1987.
G. Giudicelli-Delage, Droit pénal des affaires, Memento Dalloz, 4e éd.,
1999.
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W. Jeandidier, Droit pénal des affaires, précis Dalloz, 3e éd., 1999.


J. Larguier et P. Conte, Droit pénal des affaires, A. Colin, ge éd., 1998.
J. Larguier et A.-M. Larguier, Droit pénal spécial, Memento Dalloz,
11e éd., 2000.
J. Pradel, Droit pénal économique, Memento Dalloz, 2e éd. 1990.
J. Pradel et M. Danti-Juan, Droit pénal spécial, Cujas, 1996.
M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, Précis Dalloz, 2e éd. 1999.
M. Véron, Droit pénal spécial, Armand Colin, 7e éd., 1999.
M. Véron, Droit pénal des affaires, Armand Colin, 2e éd., 1997.

2. E x e r c i c e s p r a t i q u e s
M.-E. C a r t i e r et G. Confino, D r o i t p é n a l , Exercices p r a t i q u e s , M o n t -
c h r e s t i e n , 1997.
D. S a a d a - H a l f e n e t B. M e r l e , Exercices corrigés, D r o i t p é n a l et procé-
d u r e p é n a l e , P U F , 1982.

3. R e c u e i l s d e j u r i s p r u d e n c e
Même si la jurisprudence n'occupe pas en matière pénale la
place qui est la sienne en d'autres disciplines comme le droit admi-
nistratif, il est souhaitable, ne serait-ce que pour se familiariser
avec la matière, de connaître les grandes décisions de la Chambre
criminelle. En outre, l'importance prise par la jurisprudence du
Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de
l'homme est telle en droit pénal qu'il est utile de disposer d'ouvrages
regroupant les grandes décisions de ces deux juridictions.

Deux ouvrages sont consacrés pour l'essentiel à la jurisprudence de


la Chambre criminelle :
J. Pradel et A. Varinard, Les g r a n d s arrêts du droit criminel, Dalloz,
2e éd., 1997*.
M. Puech, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, t. I, Cujas,
1976*.

S'agissant de la jurisprudence constitutionnelle et européenne, on


se bornera à citer les ouvrages suivants :
L. Favoreu et L. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitution-
nel, Dalloz.
Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz.
V. Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'hom-
me, Sirey.
4. C o d e s e t c i r c u l a i r e s
Outre l'édition officielle assurée par le Journal officiel, on citera
ici les deux principales éditions commerciales du Code pénal com-
prenant le texte de l'ancien et du nouveau code, l'essentiel des dis-
positions de droit pénal dispersées dans des lois ou des codes parti-
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culiers, de nombreuses annotations de jurisprudence et la circulaire


d'application qui a accompagné la réforme du Code pénal :

Code pénal Dalloz, annoté par le professeur Y. Mayaud.


Code pénal Litec, annoté par Hervé Pelletier, conseiller à la Cour de
cassation et J. Perfetti, Avocat général honoraire à la Cour de cas-
sation.

5. P r i n c i p a l e s r e v u e s
Archives de politique criminelle.
Droit pénal (annexe du Jurisclasseur).
Revue de droit pénal et de criminologie (Bruxelles).
Revue internationale de droit pénal.
Revue pénale suisse.
Revue pénitentiaire et de droit pénal.
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé.
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Principales abréviations

Agen (...) Cour d'appel d'Agen


AJDA Actualité juridique de droit administratif
ALD Actualité législative Dalloz
APD Archives de philosophie du droit
Arch. pol. crim. Archives de politique criminelle
Art. Article
Ass. plén. Assemblée plénière
B. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (crimi-
nels s'il s'agit de la Chambre criminelle, civils s'il
s'agit d'une chambre civile, l'année du bulletin
étant toujours celle de l'arrêt)
BICC Bulletin d'information de la Cour de cassation
BOMJ Bulletin officiel du ministère de la Justice
CJEG Cahiers juridiques de l'électricité et du gaz
C. civ. Code civil
C. consom. Code de la consommation
C. déb. boiss. Code des débits de boissons
CE Conseil d'État
CEDH Cour européenne des droits de l'homme
CESDH Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme
Ch. acc. Chambre d'accusation
Circ. Circulaire générale du 14 mai 1993 relative à
l'application du nouveau Code pénal (partie
législative) dans l'édition du J O
Circ., t. II Circulaire générale du 18 janvier 1994 relative à
l'application du nouveau Code pénal (partie régle-
mentaire) dans l'édition du J O
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Civ. Cour de cassation, chambre civile


CJCE Cour de justice des Communautés européennes
C. just. mil. Code de justice militaire
C. org. jud. Code de l'organisation judiciaire
Concl. Conclusions
Cons. const. Conseil constitutionnel
Const. Constitution
C. pén. Code pénal
C. pr. pén. Code de procédure pénale
C. propr. int. Code de la propriété intellectuelle
Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
C. rur. Code rural
C. santé p. Code de la santé publique
C. trav. Code du travail
C. urb. Code de l'urbanisme
D. Recueil Dalloz
DA Recueil Dalloz analytique
DC Recueil Dalloz critique
DH Recueil Dalloz hebdomadaire
DP Recueil Dalloz périodique
Déc. Décision
Dr. pén. Revue Droit pénal
ECPB. En cours de publication au Bulletin des arrêts de la
Cour de cassation, Chambre criminelle
Gaz. Pal. Gazette du Palais
IR Informations rapides (Dalloz)
JAP Juge de l'application des peines
Jcl. pén. Jurisclasseur de droit pénal
Jcl. proc. pén. Jurisclasseur de procédure pénale
JCP Jurisclasseur périodique (Semaine juridique)
JO J o u r n a l officiel
JOAN J o u r n a l officiel (débats à l'Assemblée Nationale)
JOCE J o u r n a l officiel des Communautés européennes
J O Sénat J o u r n a l officiel (débats au Sénat)
Ord. Ordonnance
Rapp. C. cass. Rapport annuel de la Cour de cassation
RDPC Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. soc. Revue des sociétés
RFDA Revue française de droit administratif
RIDP Revue internationale de droit pénal
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
RPS Revue pénale suisse
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RSC Revue de science criminelle


S. Recueil Sirey
Somm. Sommaires commentés (Dalloz)
T. confl. Tribunal des conflits
T. corr. Tribunal correctionnel
T. enf. Tribunal pour enfants
TIG Travail d'intérêt général
T. pol. Tribunal de police
Tr. CE Traité instituant la Communauté européenne

* Dans la bibliographie générale, les ouvrages précédés d'un asté-


risque sont cités dans le présent manuel p a r le seul nom de leur(s)
auteur(s).
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Introduction

P r e m i è r e a p p r o c h e d u droit pénal

1. - Le droit pénal est comme ces monuments célèbres que cha-


cun croit connaître sans jamais les avoir visités. Le monde du droit
est souvent réduit à ses frontières. Des notions comme le meurtre,
la récidive, la prison ou le sursis ne sont pas étrangères à la plupart
des citoyens. Le juge auquel ils pensent est rarement le juge civil,
commercial ou administratif, mais plutôt le président de la cour
d'assises ou, davantage encore, le juge d'instruction.
Cette connaissance commune s'explique aisément. Le droit pénal
pose les interdits fondamentaux qui sont la condition même de
toute vie sociale. S'il n'est pas absolument indispensable pour être
intégré dans la société de savoir comment déposer un brevet
d'invention ou de connaître la définition de l'acte de commerce, il
est en revanche souhaitable d'apprendre le plus tôt possible - en
tout cas, avant d'être en âge de suivre un cours de droit pénal -
qu'il est interdit de tuer son prochain, de le frapper ou de le voler...
Par ailleurs, les questions abordées par le droit pénal sont loin
de n'intéresser que les juristes. Quand il s'agit de déterminer la
liste des interdits qui délimitent le champ de nos libertés, les per-
sonnes dont la responsabilité pénale peut être engagée et les peines
qui leur sont applicables, les considérations d'ordre technique peu-
vent même apparaître quelque peu secondaires. Chaque citoyen a
sur ces questions des idées, parfois d'ailleurs très radicales.
Enfin, on ne peut nier que l'application du droit pénal soit plus
« spectaculaire » que celle des autres branches du droit. Ce carac-
tère tient un peu à sa nature même car la réponse sociale engen-
drée par la transgression de la loi pénale se doit d'être exemplaire
pour entretenir la force de l'interdit. De là vient que la procédure
devant la cour d'assises évoque parfois une sorte de mise en scène.
Mais, il est également incontestable que la transgression et la puni-
tion qui s'ensuit fascinent l'opinion. Au-delà des raisons intimes qui
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peuvent expliquer une telle fascination, il est certain qu'aux yeux


des citoyens les principes de justice et d'égalité s'expriment très for-
tement à travers l'application de la loi pénale.
Il reste que la connaissance approximative d'une matière est
parfois pire que l'ignorance car elle peut conduire à de profondes
erreurs d'appréciation. Il faut donc à présent visiter de fond en
comble ce monument si réputé pour tenter de mieux comprendre sa
raison d'être et sa conception. Il est nécessaire dans cette perspec-
tive d'en dresser préalablement une sorte de plan général en étu-
diant la notion de droit pénal (section 1). On retracera ensuite son
évolution pour découvrir le désordre dans lequel il se trouve actuel-
lement, désordre que pourrait bien contribuer à atténuer la récente
réforme du Code pénal (section 2).

SECTION 1

La n o t i o n de droit p é n a l

2. - Après avoir délimité le contenu du droit pénal (§ 1), on ten-


tera d'en cerner l'objet propre (§ 2), la nature particulière (§ 3) et les
fonctions (§ 4).

§ 1. Le c o n t e n u d u d r o i t p é n a l
3. - Le droit pénal au sens strict doit être distingué des
matières voisines avec lesquelles il entretient des rapports étroits
(A). Ainsi isolé, il ne se présente pas pour a u t a n t de manière mono-
lithique. Le droit pénal réunit en effet plusieurs disciplines qui ont
acquis chacune un certain degré d'autonomie (B).

A. D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l et les m a t i è r e s voisines
4. - Le droit pénal doit être distingué, d'une part, de la procé-
dure pénale et, d'autre part, de certaines autres disciplines qui ont
pour objet l'étude de l'infraction.
1) D i s t i n c t i o n d u d r o i t p é n a l e t d e la p r o c é d u r e p é n a l e
5. - D é f i n i t i o n r e s p e c t i v e d u d r o i t p é n a l et d e l a p r o c é d u r e
p é n a l e . La plupart des définitions du droit pénal proposées par la
doctrine sont très larges. Ainsi, le droit pénal est-il défini comme
« l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l'État
vis-à-vis des infractions et des délinquants » (Merle et Vitu, n° 146),
ou comme « le droit de l'infraction et de la réaction sociale qu'elle
engendre » (Pradel, n° 1) ou encore comme « l'ensemble des normes
juridiques qui réglementent le recours de l'État à la sanction
pénale » (J.-H. Robert, p. 53).
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Ces définitions incluent dans le domaine du droit pénal à la fois


les règles de droit pénal de fond et les règles de procédure pénale.
Elles sont incontestables sur un plan théorique. Il faut cependant
avoir bien présent à l'esprit que, dans son utilisation courante,
l'expression droit pénal ne recouvre pas les règles procédurales.
Ainsi, la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 est intitulée loi « rela-
tive à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal et à la modifica-
tion de certaines dispositions de droit pénal et de procédure
pénale ». Le législateur réserve donc l'expression droit pénal aux
règles pénales de fond.
Dans ce sens plus étroit, qui sera retenu ici, le droit pénal peut
être défini comme l'ensemble des règles ayant pour objet de détermi-
ner les actes antisociaux, de désigner les personnes pouvant en être
déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont applicables.
Plus brièvement encore, le droit pénal peut être présenté comme
l'ensemble des règles ayant pour objet la détermination des infrac-
tions. Les dispositions fondamentales applicables en la matière sont
contenues dans le Code pénal, que l'on qualifie souvent de
« nouveau » car il a été intégralement réformé dans sa partie légis-
lative par quatre lois du 22 juillet 1992, modifiées, et, dans sa par-
tie réglementaire, par le décret du 29 mars 1993, l'ensemble de ces
textes étant entrés en vigueur le 1er mars 1994. Même s'il constitue
en quelque sorte le noyau de la législation pénale, le Code pénal est
loin de rassembler l'ensemble des dispositions de droit pénal, dont
un grand nombre se trouvent dispersées entre de multiples codes,
lois et décrets.
La procédure pénale - ou droit pénal de forme - a pour objet de
fixer les règles relatives à la recherche, à la poursuite et au jugement
des auteurs d'infractions. L'intégralité de ces règles figure, à de
rares exceptions près, dans le Code de procédure pénale, issu d'une
ordonnance du 23 décembre 1958, qui a succédé au code d'instruc-
tion criminelle napoléonien. Le Code de procédure pénale comporte
également de nombreuses dispositions relatives à l'exécution des
peines qui intéressent directement le droit pénal de fond.

Pour mettre en évidence la répartition des rôles entre le droit pénal


et la procédure pénale, on dit souvent que « le Code pénal est le code des
malandrins tandis le Code de procédure pénale est celui des honnêtes
gens ». Le premier a pour objet de réprimer les auteurs d'infractions,
tandis que le second est dominé par le souci d'éviter que des innocents
soient punis. En réalité, la formule est un peu sommaire et dépassée : le
Code pénal ne regarde pas exclusivement le délinquant comme un cou-
pable qu'il faut châtier et les règles de la procédure pénale sont parfois
déterminées en considérant davantage la mauvaise foi de la personne
poursuivie que son honnêteté. Elle a néanmoins le mérite de mettre en
évidence les rapports de complémentarité entre les deux droits.
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6. - R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l e t l a p r o c é d u r e p é n a l e .
L'une des particularités majeures du droit pénal est que sa mise en
œuvre suppose nécessairement une intervention judiciaire. Alors
que, généralement, le droit ne se confond p a s avec le contentieux, qui
n'en est qu'une manifestation pathologique, le droit pénal est au
contraire, p a r nature, un droit contentieux. Les textes régissant la
vente, le contrat de société ou la filiation s'appliquent sans donner
lieu à procès en l'absence de contestation entre les intéressés. En
revanche, la mise en œuvre des textes réprimant le meurtre, le vol
ou la corruption ne se conçoit pas indépendamment de l'interven-
tion des autorités judiciaires puisque ces textes ne définissent pas
une activité licite, mais au contraire les conséquences de la viola-
tion de certains interdits.

7. - Il résulte de ce lien étroit entre les deux matières que la qua-


lité d'une législation pénale ne peut être appréciée indépendamment
de celle du système procédural qui en assure la mise en œuvre. Cette
dépendance est d'autant plus forte que les pouvoirs reconnus aux
autorités judiciaires par les droits modernes sont importants. La loi
pénale est alors pour une large part ce que les magistrats en font.
Ainsi, en France, le procureur de la République dispose du pouvoir
d'apprécier l'opportunité des poursuites lorsqu'un acte contraire à la
loi pénale a été commis. Lors du jugement de l'affaire, la juridiction
répressive se livre à une appréciation de la réalité des faits et exa-
mine s'ils sont qualifiables pénalement. Puis elle détermine libre-
ment la peine applicable, dans les limites du maximum fixé par la
loi, en t e n a n t compte de la gravité et des circonstances de l'infrac-
tion et de la personnalité de son auteur.
Il en résulte qu'une législation pénale équilibrée, protégeant la
société sans sacrifier le délinquant n'est qu'une illusion, si elle doit
être appliquée par des organes ne présentant aucune garantie
d'impartialité, animés par des buts politiques, exerçant les pour-
suites et fixant les peines selon leur bon plaisir. À l'inverse, une
législation pénale, même rigoureuse, ne constitue pas une menace
pour les libertés si des juges indépendants, compétents et scrupu-
leux disposent des moyens d'en atténuer les excès.

8. - Mais la tentation est alors grande pour le législateur de


renoncer à exercer pleinement ses responsabilités en déléguant en
quelque sorte au juge le soin d'appliquer au mieux la législation
pénale. Ainsi, lors des débats sur le nouveau Code pénal, les parle-
mentaires qui s'inquiétaient du caractère vague de telle ou telle
incrimination ou de la sévérité de telle ou telle peine se sont sou-
vent entendu répondre par le ministre ou le rapporteur de la com-
mission des lois : « Il faut faire confiance au juge. » Un auteur a pu
ainsi relever avec justesse que « le législateur (...) ne se livre plus à
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une réflexion réelle sur le maximum encouru pour chaque infraction


sous prétexte que, s a u f crime majeur, ce maximum n'est j a m a i s pro-
noncé. L'interrogation sur l'opportunité d'une peine est ainsi ren-
voyée du législateur vers le juge (...) » (J.-F. Chassaing, « Les trois
codes français et l'évolution des principes fondateurs du droit pénal
contemporain », RSC, 1993, p. 452).
9. - Cette évolution peut paraître heurter deux principes fonda-
mentaux du droit pénal : d'une part, le principe de légalité, qui vou-
drait que la peine susceptible d'être infligée pour telle ou telle
infraction puisse être connue à l'avance avec le plus de précision
possible et, d'autre part, le principe d'égalité, qui voudrait qu'une
même peine soit infligée à des personnes ayant commis une infrac-
tion identique dans des circonstances similaires. On peut être ainsi
surpris, si ce n'est choqué, que, d'un tribunal correctionnel à l'autre
ou d'une cour d'assises à l'autre, la sévérité des peines varie dans
des proportions parfois importantes. Mais, à vrai dire, quelles que
soient les critiques que peut soulever l'accroissement des pouvoirs
du juge, celui-ci paraît inéluctable car il est seul de nature à per-
mettre une véritable personnalisation des peines, certainement pré-
férable à une application plus ou moins mécanique et uniforme qui
respecterait les principes évoqués plus h a u t dans le mépris de la
situation particulière de la personne poursuivie.
10. - Au-delà de son influence sur le caractère plus ou moins
libéral de la législation pénale, c'est, de manière plus prosaïque, la
capacité du système procédural à appliquer la loi pénale qui déter-
mine largement le sort de celle-ci. Si le système, en raison d'un vice
de conception ou d'un manque de moyens, ne permet pas aux juri-
dictions de traiter un contentieux important ou de mettre en œuvre
certaines sanctions, il en résultera une large ineffectivité du droit
pénal : le parquet sera amené à limiter les poursuites aux faits les
plus graves ou à modifier artificiellement la qualification des infrac-
tions pour pouvoir les soumettre aux juridictions les moins encom-
brées. Les juridictions, quant à elles, ne prononceront pas les peines
qu'elles savent inapplicables.
11. - Il serait cependant profondément inexact de présenter le
droit pénal comme une sorte de matière neutre dont la véritable
nature dépendrait intégralement du système procédural destiné à
l'appliquer. Il est clair que le droit pénal peut être plus ou moins
répressif, plus ou moins adapté à l'évolution de la criminalité et ce
sont ses orientations qui, pour une très large part, déterminent la
réaction de l'institution judiciaire face à la délinquance. De plus, le
droit pénal, comme on le verra, a pour fonction d'exprimer les
valeurs essentielles de la société, fonction que ne peut en aucun cas
tenir la procédure pénale.
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2) D i s t i n c t i o n d u d r o i t p é n a l e t d ' a u t r e s disciplines
a y a n t p o u r objet l ' é t u d e d e l ' i n f r a c t i o n
12. - Le droit pénal, qui a pour objet la définition juridique des
infractions, doit être distingué d'autres disciplines qui étudient
l'infraction sous un angle politique, sociologique ou scientifique : la
politique criminelle, la criminologie et la criminalistique.
13. - D r o i t p é n a l e t p o l i t i q u e c r i m i n e l l e . La politique crimi-
nelle est un concept introduit au début du XIXe siècle par Feuer-
bach. Elle était définie p a r celui-ci comme « l'ensemble des procédés
répressifs p a r lesquels l'État réagit contre le crime ». La doctrine
actuelle s'accorde à donner à l'expression un sens plus large en
intégrant dans la politique criminelle non seulement les procédés
répressifs de lutte contre le crime mais également les mesures pré-
ventives tels que l'aménagement urbain, la lutte contre les fléaux
sociaux, la prise en charge éducative des enfants... Dans cette
acception élargie, la politique criminelle est, pour reprendre la
définition qu'en a donnée M. Delmas-Marty, « l'ensemble des procé-
dés p a r lesquels le corps social organise la réponse a u phénomène
criminel ». Certes, le droit pénal constitue l'un de ces procédés
mais il n'est nullement exclusif. De plus, lorsqu'elle utilise le droit
pénal, l'objet de la politique criminelle n'est pas de définir juridi-
quement les infractions mais d'inspirer les choix du législateur en
dégageant les lignes directrices de son action (renforcement de la
répression en tel domaine, dépénalisation en tel autre, notam-
ment). Elle peut également avoir pour objet de guider les choix des
magistrats dans la mise en œuvre de la loi pénale en définissant
des priorités d'intervention (délinquance économique, routière,
notamment) ou en favorisant des modes d'intervention (avertisse-
ment, médiation, notamment). Dans ce second cas, elle peut être
déterminée, soit au niveau national p a r le garde des sceaux par
voie de circulaire aux parquets, soit au niveau local par le procu-
reur général et le procureur de la République. Qu'elle inspire
l'action législative ou l'action judiciaire en matière pénale, la politi-
que criminelle est toujours une stratégie de lutte contre la délin-
quance (v. M. Delmas-Marty, Les g r a n d s systèmes de politique cri-
minelle, coll. Thémis, 1992 ; C. Lazerges, La politique criminelle,
coll. Que sais-je ?, 1987).
14. - D r o i t p é n a l et c r i m i n o l o g i e . Le droit pénal, qui s'atta-
che à la définition juridique des infractions, doit également être dis-
tingué de la criminologie, qui étudie les causes de la criminalité et,
dans une conception élargie, les divers modes de traitement du
délinquant et de prévention de la récidive (v. Gassin, Criminologie,
1990 ; Merle et Vitu, nos 19 et s. ; Pradel, n° 71 ; L. Négrier-Dor-
mont, Criminologie, Litec, 1992).
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15. - D r o i t p é n a l et c r i m i n a l i s t i q u e . Enfin, le droit pénal ne


peut être confondu avec la criminalistique, qui a pour objet
l'ensemble des procédés scientifiques de recherche des infractions et
de leurs auteurs (médecine légale, toxicologie et police scientifique).
La criminalistique se rattache en réalité davantage à la procédure
pénale dans la mesure où elle donne les moyens d'apporter la
preuve des circonstances de l'infraction et de la culpabilité de son
auteur.

B. D i s t i n c t i o n e n t r e les d i v e r s e s d i s c i p l i n e s
c o m p o s a n t le d r o i t p é n a l
16. - Une distinction fondamentale doit être faite entre le droit
pénal général et le droit pénal spécial, mais d'autres distinctions
peuvent être établies à l'intérieur de chacune de ces deux disci-
plines.

1) D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l g é n é r a l
e t le d r o i t p é n a l spécial
17. - Le d r o i t p é n a l g é n é r a l . Comme son nom l'indique, le
droit pénal général réunit les règles applicables à l'ensemble des
infractions ou une partie d'entre elles, comme, par exemple, celles
fixant le champ d'application de la loi pénale dans le temps et dans
l'espace ou celles déterminant les causes d'irresponsabilité pénale
ou encore les règles précisant la nature des peines et leurs modali-
tés d'application. Ces règles générales, qui constituent en quelque
sorte le mode d'emploi de tous les textes pénaux, sont contenues
dans le livre Ier du Code pénal.
18. - Le d r o i t p é n a l spécial. Le droit pénal spécial a pour
objet de définir les diverses infractions particulières en décrivant
leurs éléments constitutifs, les peines qui leur sont applicables et
éventuellement les règles spécifiques de procédure ou de fond aux-
quelles elles sont soumises par dérogation aux principes du droit
pénal général et de la procédure pénale. Le droit pénal spécial est
donc une sorte de galerie des grandes turpitudes et petites fai-
blesses humaines.
La matière du droit pénal spécial est aujourd'hui très dispersée.
Certes, les livres II à IV du Code pénal contiennent les infractions
fondamentales dont quelques unes donnent lieu à l'essentiel des
poursuites pénales : meurtre, homicide ou blessures involontaires,
violences, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, vol, escroque-
rie, abus de confiance, destructions, corruption, faux... Ces infrac-
tions ont pour trait commun d'être chacune définie de manière
autonome et non par référence à des dispositions non répressives
dont elles viendraient sanctionner l'inexécution. Mais, au cours de
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ces dernières décennies, dans des domaines nouveaux comme le


droit de l'environnement, le droit de la consommation ou le droit
des affaires, de nombreuses infractions ont été prévues dans des
lois particulières ou des codes spéciaux. Quoique très nombreuses,
ces infractions ne drainent, sauf exceptions (en particulier les délits
et contraventions prévus par le Code de la route), qu'une petite par-
tie du contentieux pénal. D'un point de vue technique, elles sont
souvent indissociablement liées à la législation qu'elles sanction-
nent. À titre d'exemple, en matière de recherche biomédicale, l'arti-
cle L. 209-21 du Code de la santé publique punit d'un emprisonne-
ment de six mois et d'une amende de 100 000 F « le promoteur dont
la responsabilité civile n'est pas garantie p a r l'assurance prévue à
l'article L. 209-7 du présent code ». Des infractions de ce type, dont
l'utilité est parfois à démontrer, pullulent littéralement dans notre
droit. Détachées des dispositions auxquelles elles font référence,
elles n'ont bien évidemment aucun sens.

2) L a t e n d a n c e a u m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l spécial
et d u droit pénal général
19. - Le m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l spécial. Le recours
presque systématique à la sanction pénale pour assurer l'applica-
tion des réglementations nouvelles dans les domaines économique,
financier ou social a considérablement accru le champ du droit
pénal spécial. Une ligne de partage de plus en plus nette est appa-
rue entre les infractions de base contenues dans le Code pénal et la
masse des autres infractions, qui forment une sorte de « droit pénal
très spécial » (Pradel, n° 51) ou encore de « droit pénal technique ».
Pour des raisons tenant à l'abondance de la matière, mais égale-
ment à de réelles spécificités du point de vue de la technique juri-
dique, la doctrine a tendance à étudier de manière séparée cette
nébuleuse d'infractions en les classant par thème. Il est aujourd'hui
courant d'évoquer le droit pénal de la consommation, le droit pénal
des affaires, le droit pénal de la communication ou encore le droit
pénal de l'environnement.
Jusqu'à la réforme du Code pénal, le législateur n'avait que très
partiellement con'sacré ces divisions. Il reconnaissait explicitement par
exemple le particularisme de certaines infractions « en matière économi-
que et financière » pour leur appliquer des règles procédurales spécifiques
(v. art. 704 et s. du C. pr. pén.). Depuis la réforme du Code pénal, la frac-
ture séparant le droit pénal spécial en deux grands blocs apparaît plus
nettement en législation. Tandis que les livres II à IV du Code pénal sont
destinés à rassembler les infractions classiques, le livre V a été ouvert
pour codifier progressivement le droit pénal technique selon des divisions
qui devraient reprendre les distinctions doctrinales (infra, n° 97). Toute-
fois, à ce jour, aucun classement systématique n'a encore été effectué et
les critères de classement semblent d'ailleurs encore incertains.
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20. - Le m o r c e l l e m e n t d u d r o i t p é n a l g é n é r a l . Certaines
parties du droit pénal général ont également acquis progressive-
ment une certaine autonomie.
• Il en est ainsi tout d'abord des dispositions relatives à l'exécu-
tion des peines, qui font l'objet d'une discipline particulière : la
pénologie. Ces dispositions, nombreuses et complexes, ne peuvent
être complètement exposées dans le cadre d'un ouvrage consacré au
droit pénal général. En outre, l'exécution des peines présente cette
particularité d'appartenir à la fois au droit pénal de fond et à la
procédure pénale car l'étude des divers modes d'exécution des pei-
nes est indissociable de celle de leurs conditions procédurales de
mise en œuvre. Du reste, la matière est traitée à la fois dans le
Code pénal et dans le Code de procédure pénale. La répartition
entre les deux codes est toutefois moins liée à la nature, de forme
ou de fond, des règles concernées qu'à leur objet : le Code pénal
traite essentiellement des mesures susceptibles d'être décidées au
stade de la condamnation (sursis, fractionnement ou relèvement ab
initio, période de sûreté, notamment), tandis que le Code de procé-
dure pénale traite pour l'essentiel des mesures pouvant être prises
postérieurement à la condamnation (aménagement du sursis, libé-
ration conditionnelle, fractionnement ou relèvement postérieurs à la
condamnation, notamment).
a Le droit pénal des mineurs a également acquis au sein du
droit pénal général une forte autonomie. Il est apparu en effet
indispensable de prendre en compte la situation spécifique des
mineurs de manière à tirer les conséquences de leur moindre degré
de responsabilité et à favoriser leur rééducation par des mesures
appropriées. Les règles particulières leur étant applicables sont
contenues aujourd'hui dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante, dont la réforme, souvent envi-
sagée, est sans cesse remise. Le droit pénal des mineurs est donc
fait d'un ensemble de règles dérogatoires au droit pénal général et
non, comme la pénologie, d'un ensemble de règles constituant une
partie du droit pénal général.
e Enfin, le droit pénal international prend aujourd'hui une
importance croissante. Constitué à la fois de règles de fond et de
forme, il a pour objet le règlement des conflits de lois pénales dans
l'espace et l'organisation de la coopération inter-étatique en matière
pénale (extradition, effets internationaux des jugements répressifs,
notamment). On le distingue du droit international pénal, qui orga-
nise la répression des infractions dans l'ordre international. Celui-ci
suppose l'existence d'infractions internationales prévues et répri-
mées par des textes internationaux et jugées par des juridictions
internationales, tels le Tribunal militaire international de Nurem-
berg institué en 1945 pour juger les hauts dignitaires de l'Alle-
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magne nazie et le Tribunal international de La Haye institué en


1993 pour le jugement des crimes commis dans l'ex-Yougoslavie.
Après cette brève présentation, il faut souligner qu'aucune des
branches du droit pénal général ne s'en est totalement détachée. Il
n'est pas concevable en effet d'enseigner celui-ci sans exposer les
règles relatives à l'exécution des peines, aux mineurs délinquants
ou aux conflits de lois dans l'espace.

§ 2. L ' o b j e t p r o p r e d u d r o i t p é n a l
21. - Au-delà de la diversité des disciplines qui le composent, le
droit pénal présente une unité fondamentale. Son unique raison
d'être en même temps que son objet propre est en effet de définir
les infractions. Si la définition juridique de l'infraction tirée de la
peine applicable est claire quoique insatisfaisante (A), il n'est pas
possible en revanche d'avancer une définition matérielle tirée de la
nature des comportements incriminés (B).

A. L a d é f i n i t i o n j u r i d i q u e d e l ' i n f r a c t i o n
1) L e c o n t e n u d e la d é f i n i t i o n
22. - Le terme infraction revêt un double sens. On désigne
souvent par ce mot le comportement d'une personne déterminée
contraire à la loi pénale. C'est en ce sens que l'on dit de tel auto-
mobiliste qui n'a pas mis sa ceinture de sécurité qu'il « commet une
infraction » ou qu'il « est en infraction ». Mais, dans une seconde
acception, plus juridique, l'infraction s'entend du comportement
interdit sous la menace d'une peine tel qu'il est défini de manière
générale et impersonnelle p a r la loi pénale. En ce sens, l'infraction
comporte deux éléments : d'une part l'incrimination, c'est-à-dire la
description des divers éléments constitutifs du comportement inter-
dit, et, d'autre part, la peine qui le sanctionne. Par exemple, selon
l'article 222-1 du Code pénal, « le fait de soumettre une personne à
des tortures ou à des actes de barbarie (incrimination) est puni de
quinze ans de réclusion criminelle (peine) ».
Il ne peut y avoir d'infraction pénale si l'un de ces deux éléments
fait défaut. Un intèrdit ou une obligation qui n'est pas pénalement
sanctionnée n'est pas une infraction. Fort heureusement, l'hypo-
thèse est fréquente. Mais il n'est pas nécessaire qu'incrimination et
sanction pénale soient formellement réunies dans un même texte.
Ainsi, la définition du vol figure à l'article 311-1 du Code pénal, tan-
dis que la peine applicable est prévue par l'article 311-3. Il se peut
même que le texte d'incrimination et le texte de pénalité ne soient
pas au même niveau dans la hiérarchie des normes. Ainsi, une obli-
gation ou une interdiction prévue dans un texte législatif peut être
sanctionnée par un texte réglementaire, et inversement.
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2) Le c r i t è r e d e l a d é f i n i t i o n : la p e i n e
23. - Une obligation ou une interdiction n'est une infraction que
si elle est édictée sous la menace d'une peine. C'est donc la peine
qui constitue le critère de reconnaissance de l'infraction et, par voie
de conséquence, qui fonde la spécificité du droit pénal. L'expression
« droit pénal » met d'ailleurs ce fait en évidence. Il reste à définir ce
qu'est une peine. Or l'entreprise est a priori délicate car il existe de
nombreuses sanctions autres que pénales telles que les sanctions
disciplinaires (blâme, rétrogradation), administratives (fermeture
d'un débit de boisson, retrait de licence, assignation à résidence,
notamment) ou civiles (amendes civiles, nullités).

a) L'insuffisance des définitions matérielles,


formelles et fonctionnelles de la peine
24. - I n s u f f i s a n c e d u c r i t è r e m a t é r i e l . Pour distinguer la
peine des autres sanctions, il est vain de rechercher un critère maté-
riel. Certes, il existe des sanctions qui, en raison de leur gravité
exceptionnelle, sont exclusivement de nature pénale. Il en est ainsi
des peines privatives de liberté de longue durée. Mais la privation de
liberté n'est, en elle-même, nullement réservée à la répression des
infractions. Un étranger en voie d'expulsion peut être placé en réten-
tion administrative. Un malade mental peut être interné d'office en
hôpital psychiatrique. Une personne mise en examen peut être pla-
cée en détention provisoire. Aucune de ces mesures privatives de
liberté ne s'analyse en une peine. De même, l'amende est l'une des
principales sanctions pénales, mais il existe également des amendes
en matière fiscale, douanière et même civile. L'éloignement du terri-
toire national peut être tantôt une mesure administrative (expul-
sion), tantôt une sanction pénale (interdiction du territoire français),
l'interdiction d'émettre des chèques est une peine mais elle peut éga-
lement être infligée par la banque indépendamment de toute infrac-
tion, la suspension du permis de conduire peut être prononcée par le
préfet et par la juridiction pénale, les interdictions, déchéances ou
incapacités peuvent constituer aussi bien des sanctions pénales
(interdiction des droits civiques, civils et de famille) que discipli-
naires (révocation, radiation, notamment) ou civiles (déchéance de
l'autorité parentale). Qu'il s'agisse des sanctions restrictives de
liberté, patrimoniales ou privatives de droit, on voit donc qu'il
n'existe pas de sanction pénale par nature.

25. - I n s u f f i s a n c e d u c r i t è r e formel. En l'absence de critère


matériel, il est tentant de rechercher un critère formel ou organique
pour caractériser la sanction pénale. Serait ainsi qualifiée comme
telle toute sanction prononcée par une juridiction pénale (tribunal
de police, tribunal correctionnel, cour d'assises, chambre des appels
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correctionnels, tribunal pour enfants, notamment) dans le respect


des règles protectrices instituées par la procédure pénale. Cette pro-
position est juste dans une très large mesure. Toutefois, elle ne per-
met pas de rendre compte parfaitement du droit positif. En effet, la
compétence des juridictions pénales ne se limite pas au prononcé de
sanctions pénales. Ainsi, un tribunal correctionnel peut être appelé
à prononcer des condamnations civiles, des amendes fiscales ou
douanières. À l'inverse, de manière il est vrai très marginale, il se
peut qu'une peine soit infligée par une juridiction non pénale. Ainsi,
pour des raisons historiques, seules les juridictions administratives
sont compétentes pour connaître des contraventions de grande voi-
rie. Il ne suffit donc pas de s'attacher à l'autorité chargée de pro-
noncer la sanction pour en déterminer la nature.
26. - I n s u f f i s a n c e d u c r i t è r e f o n c t i o n n e l . Il est encore pos-
sible de s'attacher à un critère fonctionnel. Seules constitueraient
des peines les sanctions infligées au nom de la société, dans un but
rétributif, éliminateur ou intimidateur, en réaction à un trouble
causé à l'ordre social. Même s'il recèle une part de vérité, un tel cri-
tère est trop fuyant. Il permet certes de distinguer la peine des
sanctions disciplinaires qui ne sont pas infligées au nom de la
société ou des sanctions civiles qui ont un caractère réparateur.
Mais il est des sanctions administratives qui répondent exactement
à cette définition fonctionnelle, telle la suspension du permis de
conduire décidée par le préfet ou l'amende prononcée par le Conseil
de la concurrence à l'encontre d'une entreprise se livrant à des pra-
tiques anticoncurrentielles.
b) Le critère tiré de la volonté du législateur
27. - L a p e i n e , s a n c t i o n q u a l i f i é e c o m m e telle p a r le légis-
l a t e u r . La combinaison des trois critères matériel, formel et fonc-
tionnel, permet sans doute d'identifier une peine sans trop de
risque d'erreur. Mais il n'est en définitive qu'un critère qui, quoique
insatisfaisant sur un plan intellectuel, permette d'écarter toute
incertitude : celui tiré de la volonté du législateur. Est une peine
caractérisant l'existence d'une infraction pénale, toute sanction
constituant, selon la nomenclature des peines dressée par le Code
pénal, une « peine principale ». Il en est ainsi de la réclusion ou de
la détention criminelle qui sanctionnent les crimes, c'est-à-dire les
infractions les plus graves, de l'emprisonnement qui sanctionne les
délits, c'est-à-dire les infractions de gravité moyenne, et enfin de
l'amende qui, selon son taux, est une peine principale pouvant sanc-
tionner soit les délits, soit les contraventions, infractions les moins
graves. Il est vrai que l'amende existe en d'autres matières que
pénales, mais sa nature extra-pénale peut alors se déduire soit de
la volonté expresse du législateur (amende fiscale), soit, à titre sub-
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sidiaire, du fait qu'elle peut être prononcée par une juridiction non
répressive (amende civile, amende administrative) sous réserve, on
l'a vu, du cas très particulier des amendes prononcées pour contra-
vention de grande voirie. En pratique, l'identification des infrac-
tions ne soulève guère de difficulté.

B. L a d é t e r m i n a t i o n m a t é r i e l l e des i n f r a c t i o n s
28. - Le critère juridique tiré de la peine applicable permet cer-
tes de reconnaître les infractions, mais il n'éclaire aucunement les
raisons pour lesquelles le législateur décide d'ériger tel ou tel acte
en infraction. Il faut donc se demander s'il existe des comporte-
ments qui font nécessairement l'objet d'une sanction pénale et si, à
l'inverse, il en est qui échappent systématiquement à l'application
d'une telle sanction.

1) Les c o m p o r t e m e n t s e n t r a n t d a n s le c h a m p d u d r o i t p é n a l
29. - Le c a r a c t è r e r e l a t i f d e l a d é f i n i t i o n des comporte-
m e n t s i n c r i m i n é s . La première évidence qui s'impose est que la
définition matérielle de l'infraction est relative. Un même fait peut
être sanctionné pénalement dans un pays et non dans un autre. Il en
est ainsi, par exemple, des relations homosexuelles, de l'interruption
de grossesse ou de l'usage de stupéfiants qui, en Europe même, don-
nent lieu à des réactions sociales très différentes d'un État à l'autre.
En particulier, l'usager de stupéfiants, qui encourt un an d'emprison-
nement en France, n'est pas répréhensible en Espagne. « Vérité
en-deçà des Pyrénées... » La variation de la définition des infractions
dans le temps est encore plus évidente. En France, l'adultère ne cons-
titue plus une infraction depuis 1975, de même que le chèque sans
provision depuis 1991 ou encore le vagabondage et la mendicité
depuis la réforme du Code pénal entrée en vigueur en 1994.
30. - L a d i s t i n c t i o n e n t r e les i n f r a c t i o n s n a t u r e l l e s et
c o n v e n t i o n n e l l e s . Faut-il dès lors renoncer à toute définition
matérielle de l'infraction en considérant que celle-ci est essentielle-
ment variable dans l'espace et dans le temps ? Refusant une telle
conclusion, un auteur italien du début du siècle, Garofalo, a songé à
introduire une distinction entre les infractions naturelles et les
infractions conventionnelles. Selon cet auteur, la première catégorie
rassemble les infractions portant atteinte à des valeurs essentielles
qui sont réprimées de manière universelle et permanente, tels que
l'homicide volontaire, les violences ou l'appropriation frauduleuse
du bien d'autrui. À la seconde appartiennent des infractions plus
contingentes, dont la création est fortement liée à des circonstances
particulières, telles que les infractions contre la religion - ou la laï-
cité - ou les infractions de chasse et de pêche...
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Même si elle repose sur une grande part d'intuition et d'approxi-


mation, cette distinction est fondamentalement juste. Certes, le res-
pect du bien d'autrui ou de la vie humaine n'est pas identique d'une
société à l'autre. Mais on ne conçoit pas de société viable où les
atteintes à la vie ou au bien d'autrui ne seraient pas réprimées. À
l'inverse, les infractions du droit pénal technique qui se multiplient
aujourd'hui appartiennent sans nul doute à la catégorie des infrac-
tions conventionnelles. Aucune valeur universelle et permanente
n'est protégée par les dispositions qui punissent le fait de se sous-
traire à l'obligation de dépôt légal (loi du 20 juin 1992, art. 7) ou le
fait d'exercer de manière illégale la profession de masseur kinési-
thérapeute (art. L. 501 du C. santé p.).
La faiblesse de la distinction proposée par Garofalo tient bien
entendu à son critère qui, lui-même, est empreint de relativité. La
sorcellerie, qui nous paraît aujourd'hui faire partie des infractions
conventionnelles, appartenait certainement aux infractions natu-
relles dans l'esprit des légistes du Moyen Âge. Les violences invo-
lontaires résultant d'une simple inattention dépourvue de toute
conscience du risque causé à autrui ne seront peut-être plus une
infraction pénale à la fin du siècle prochain. Elles nous apparais-
sent pourtant aujourd'hui comme faisant partie des infractions
« naturelles » détachées de toute contingence historique.
31. - Les i n f r a c t i o n s p r o t é g e a n t les d r o i t s de l ' h o m m e e t
les i n f r a c t i o n s p r o t é g e a n t d ' a u t r e s d r o i t s ou valeurs. Selon
une logique un peu différente, pourraient être qualifiées d'infrac-
tions « naturelles » celles dont l'objet est d'assurer le respect et la
garantie des droits de l'homme. En effet, tels qu'ils sont conçus par
les déclarations nationales et internationales de droits ayant force
obligatoire dans notre ordre juridique, les droits de l'homme consti-
tuent une valeur universelle et permanente. Ainsi, la Convention
européenne des droits de l'homme ne prétend pas créer les droits
qu'elle proclame. Elle les reconnaît (art. 1er), car ces droits sont
attachés à toute personne humaine et préexistent à leur proclama-
tion. Cette universalité et cette permanence reconnues aux droits
de l'homme ne signifient pas bien entendu que, dans tous les pays
et en tous temps, leur violation constitue, ou a constitué, une infrac-
tion pénale. Mais il est possible d'affirmer que, dans tous les pays
reconnaissant et garantissant l'exercice de ces droits, l'atteinte qui
leur est portée est pénalement sanctionnée.
La répression des atteintes aux droits de l'homme n'a donc nulle-
ment le caractère contingent qui s'attache à la répression d'autres
comportements antisociaux. Le droit à la vie, à l'intégrité physique
et psychique, à la dignité, à la protection de la personnalité ou le
droit d'aller et venir sont les premières valeurs défendues par le
droit pénal. Leur violation constitue en quelque sorte le premier
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cercle des infractions pénales. Du reste, la Déclaration des droits de


l'homme et du citoyen de 1789 ne proclame-t-elle pas que « le but de
toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme » (art. 2) et que « la garantie des droits
de l'homme et du citoyen nécessite une force publique » (art. 12) ? Le
rapprochement de ces deux principes paraît bien constituer le fon-
dement du droit pénal des sociétés démocratiques.
32. - Le c a s p a r t i c u l i e r d e s c r i m e s c o n t r e l ' h u m a n i t é .
L'universalité et la permanence de la répression ont d'ailleurs été
reconnues de manière éclatante sur un plan juridique s'agissant des
atteintes aux valeurs essentielles de civilisation que constituent les
crimes contre l'humanité et quelques autres atteintes au droit
humanitaire. La répression de ces infractions, qui trouve son fonde-
ment dans le droit international, est totalement indépendante de la
législation pénale de l'État dans lequel elles ont été commises. En
effet, leurs auteurs peuvent toujours être poursuivis sans être en
droit d'opposer la violation du principe de légalité. Le respect de
l'humanité est donc considéré comme une valeur transcendante
dont la violation constitue toujours un crime. Ainsi, l'article 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme dispose que le prin-
cipe de non-rétroactivité de la loi pénale ne peut jamais porter
atteinte « au jugement et à la punition d'une personne coupable
d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été com-
mise, était criminelle d'après les principes généraux des nations
civilisées ». Cela explique que les responsables de l'extermination
des Juifs d'Europe aient pu être jugés et condamnés pour crimes
contre l'humanité alors même que cette infraction n'existait pas à
l'époque où ils ont commis leur crime. De même, les responsables de
la « purification ethnique » sur le territoire de l'ex-Yougoslavie
pourront être jugés de ce chef par le Tribunal international institué
à La Haye en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU applicable rétroactivement.

2) Les c o m p o r t e m e n t s exclus d u c h a m p d u d r o i t p é n a l
33. - Les limites a u p o u v o i r d ' i n c r i m i n e r . Il convient mainte-
nant de se demander si tout comportement est susceptible d'être
sanctionné pénalement ou s'il existe des limites au pouvoir d'incrimi-
ner du législateur. Un rapide panorama de notre législation pénale
inciterait à considérer que rien ne peut contenir la volonté répressive
de celui-ci tant les infractions sont nombreuses et diverses.
Pourtant, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 proclame que « la loi ne doit établir que des pei-
nes strictement et évidemment nécessaires ». Il fait écho à l'article 5,
selon lequel « la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles
à la société ».
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On pourrait déduire du rapprochement de ces articles qu'il est


interdit au législateur de réprimer tel ou tel comportement, soit
lorsqu'il n'est pas nuisible à la société, soit lorsque l'application
d'une sanction pénale apparaît excessive. Toutefois, tout en recon-
naissant la valeur supérieure de l'article 8 de la Déclaration de
1789, le Conseil constitutionnel refuse, sauf disproportion mani-
feste, de substituer son appréciation à celle du législateur pour
déterminer si les peines édictées par lui sont ou non nécessaires.
Dès lors qu'une prohibition est licite on voit donc qu'il n'existe pas
de règle qui puisse interdire au législateur d'en garantir le respect
par une sanction pénale du moment que celle-ci est proportionnée.

§ 3. L a n a t u r e d u d r o i t p é n a l
34. - Le droit est traditionnellement divisé en deux grandes
familles : d'une part, celle du droit public, qui régit les rapports du
citoyen avec l'État et dans laquelle figure notamment le droit admi-
nistratif, d'autre part, celle du droit privé, qui régit les rapports
entre les particuliers et qui comprend en particulier le droit civil.
La nature du droit pénal interdit de le rattacher entièrement à
l'une ou l'autre de ces deux catégories, dans la mesure où il entre-
tient des rapports étroits avec chacune d'entre elles et présente en
réalité un caractère autonome.

A. R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l e t le d r o i t p u b l i c
35. - Le droit pénal se rapproche du droit public en ce que
l'État détient le monopole du droit de punir qu'il exerce au nom de
la société tout entière. L'histoire du droit pénal depuis les temps
barbares est d'ailleurs celle de la lente conquête de ce monopole par
l'État en même temps que celle de la dissociation progressive entre
la réparation civile, compensant l'atteinte portée par l'infraction
aux intérêts privés, et la peine, sanctionnant le tort causé par elle à
l'ordre social. L'exercice de la répression est aujourd'hui à la fois la
responsabilité exclusive de l'État et la marque de sa souveraineté.
Il ne peut cependant échapper à tout contrôle.

1) L a r e s p o n s a b i l i t é d e l'État d a n s l'exercice de la r é p r e s s i o n
36. - Nulle personne publique ou a fortiori privée ne peut se
substituer à l'État pour exercer la répression. La responsabilité de
celui-ci se vérifie à tous les stades du processus pénal.
e En matière civile, la violation d'un contrat peut justifier
l'octroi de dommages-intérêts. En matière pénale, seule la violation
des obligations ou interdictions édictées p a r des organes de l'État
dans les conditions prévues par la Constitution est susceptible de
constituer une infraction. Au Parlement revient le soin de détermi-
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ner les infractions les plus graves (les crimes et les délits), au pou-
voir réglementaire, celui de déterminer les infractions les moins
graves (les contraventions). Si des autorités subalternes se voient
parfois reconnaître le droit de définir des incriminations, c'est tou-
jours sur délégation des organes de l'Etat, qui conservent le droit
d'arbitrer la peine applicable. Ainsi, l'inobservation des arrêtés du
maire pris pour maintenir la tranquillité et la salubrité publiques
est pénalement sanctionnée. Mais c'est l'article R. 610-5 du Code
pénal, issu d'un décret en Conseil d'État pris par le Premier minis-
tre, qui prévoit la sanction applicable et en fixe le montant, dans
des limites fixées par les dispositions, adoptées par le Parlement, de
l'article 131-13 de ce même code.
• Lorsqu'une infraction a été commise, c'est en principe le pro-
cureur de la République, représentant de la société, qui exerce les
poursuites. Même si la victime dispose du moyen d'engager
elle-même l'action publique par la voie de la citation directe ou de
la plainte avec constitution de partie civile, le procès pénal oppose
toujours l'auteur de l'infraction à la société.
e En toute hypothèse, seules les juridictions pénales, organes
indépendants, mais organes de l'État, ont le droit d'infliger une
sanction pénale. Une peine ne peut donc faire l'objet d'aucune tran-
saction ni d'aucun arbitrage. En outre, depuis la loi du 4 janvier
1993, les frais de justice pénale, supportés auparavant par la per-
sonne poursuivie, sont intégralement à la charge de l'État. Celui-ci
doit au surplus verser à la personne poursuivie une indemnité
lorsqu'elle a été mise à tort en détention provisoire en cours de pro-
cédure (art. 149 et s. du C. pr. pén.).
e L'exécution de la peine est de la responsabilité exclusive de
l'Etat, qui, par là même, supporte les conséquences des dommages
causés aux tiers en cours d'exécution, par exemple en cas de vio-
lences exercées par un détenu en permission de sortir. Ainsi, à elle
seule l'administration pénitentiaire draine aujourd'hui le tiers du
budget de la justice. Le projet de construction de « prisons privées »,
un temps envisagé, a dû être abandonné en raison de l'ampleur des
protestation qu'il a soulevées.
e Enfin, la responsabilité de l'État dans la répression des infrac-
tions pénales fait peser sur lui l'obligation de réparer, dans les
conditions prévues par les articles 706-3 et s. du C. pr. pén., le pré-
judice causé par l'infraction, celle-ci étant regardée comme la consé-
quence d'une défaillance des services de l'État chargés de la protec-
tion des personnes et des biens.
Le rôle tenu par l'État tout au long du processus pénal sépare
profondément le droit pénal du droit privé. Il explique d'ailleurs que
l'État soit la seule personne morale qui ne puisse voir sa responsa-
bilité pénale engagée au nom du principe selon lequel l'État, qui a
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le monopole de la répression, ne peut se punir lui-même


(v. art. 121-2, al. 1er du C. pén.). Au contraire, rien ne s'oppose à ce
que la responsabilité civile de l'État soit mise en cause.

2) L a s o u v e r a i n e t é d e l ' É t a t d a n s l'exercice d e la r é p r e s s i o n
37. - Les m a n i f e s t a t i o n s d e l a s o u v e r a i n e t é . Expression
directe de la puissance publique, le droit pénal est, par là même,
étroitement lié à la souveraineté de l'Etat. Il en résulte plusieurs
conséquences qui le distinguent très nettement du droit privé. En
premier lieu, en vertu du principe de territorialité, qui est un pro-
longement du principe de souveraineté, la loi pénale française
s'applique de manière exclusive à toutes les infractions commises
sur le territoire national. En deuxième lieu, le juge pénal français
ne fait jamais application de la loi pénale étrangère même dans les
cas où il connaît d'une infraction commise à l'étranger par un étran-
ger. Enfin et surtout, alors que notre droit privé est largement
pénétré par les règles d'origine internationale et plus particulière-
ment européenne, le droit pénal demeure un « domaine national »,
jalousement préservé des incursions du droit international. Il n'est
pas d'exemple en effet de texte international édictant des sanctions
pénales qui seraient directement applicables dans notre ordre juri-
dique interne par les juridictions nationales.
38. - L ' i n f l u e n c e i n d i r e c t e d u d r o i t i n t e r n a t i o n a l . L'influence
du droit international sur le droit pénal ne s'exerce en réalité que de
manière indirecte, même si elle ne cesse de se renforcer.
e Il se peut tout d'abord que la norme internationale oblige le
législateur national à incriminer tel ou tel comportement. L'infraction
reste définie par la loi interne mais celle-ci n'est que l'expression de la
norme internationale. Ainsi, le fait de s'emparer d'une « plate-forme
fixe située sur le plateau continental » est réprimé par l'article 224-6
du Code pénal pour satisfaire aux exigences de la Convention pour la
répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime
et du protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des
plates-formes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le
10 mars 1988. La disposition interne se présente alors comme « le che-
val de Troie » de la norme internationale.
e Mais, de plùs en plus souvent, la norme internationale consti-
tue un obstacle à la répression en neutralisant l'application d'un
texte national qui lui serait contraire. Ainsi, le juge national doit en
principe refuser d'appliquer un texte répressif qui serait contraire à
la Convention européenne des droits de l'homme ou au droit com-
munautaire.
e De manière plus générale, le caractère nationaliste du droit
pénal apparaît de plus en plus incompatible avec la montée de la
criminalité internationale et l'intégration de plus en plus poussée
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des États dans des ensembles inter-étatiques plus vastes. Cette évo-
lution exige une étroite collaboration entre les États qui a pour con-
séquence indirecte de rapprocher, sinon d'uniformiser, le droit pénal
de chacun d'eux. Le phénomène est particulièrement net entre les
États européens. Ainsi, pour ne citer que des exemples récents, la
création d'un espace de libre circulation entre les États parties à la
Convention de Schengen conclue le 14 juin 1985 a été accompagnée
de nombreuses dispositions en matière de sécurité de manière à évi-
ter que les délinquants ne tirent profit de l'abolition des frontières.
De même le traité de Maastricht sur l'Union politique européenne
prévoit un renforcement de la coopération intergouvernementale
dans le domaine pénal (art. K-l). Il est bien évident qu'une telle
coopération est vouée à l'échec si les États concernés n'ont pas la
même idée des comportements répréhensibles. Les difficultés soule-
vées par les importantes distorsions entre les législations des États
européens en matière de répression de l'usage et du trafic de stupé-
fiants en sont une illustration.

3) L a r é g u l a t i o n d e s p o u v o i r s d e l ' É t a t
d a n s l'exercice d e l a r é p r e s s i o n
39. - Les f o n d e m e n t s c o n s t i t u t i o n n e l s d u d r o i t p é n a l . En ce
qu'il est une manifestation de la puissance publique susceptible de
porter atteinte aux libertés publiques et, entre toutes, à la liberté
individuelle, le droit pénal s'enracine profondément dans le droit
constitutionnel et le droit public. Les principes fondamentaux qui le
régissent sont tous d'origine constitutionnelle : répartition des com-
pétences entre la loi et le règlement en matière pénale (art. 34 et 37
Const.), compétence du juge judiciaire en la matière, qui est impo-
sée par l'article 66 de la Constitution, selon lequel l'autorité judi-
ciaire est la gardienne des libertés individuelles, principes de léga-
lité des délits et des peines, de non-rétroactivité de la loi pénale
plus sévère, d'application immédiate de la loi pénale plus douce, de
la nécessité des peines qui découlent tous de la Déclaration des
droits de l'homme de 1789... Ces principes mêmes confèrent au juge
pénal des prérogatives particulières à seule fin d'en assurer le res-
pect. Ainsi, de manière beaucoup plus étendue que le juge civil et à
l'instar du juge administratif, il peut contrôler la légalité des actes
administratifs (art. 111-5 du C. pén.).

B. R a p p o r t s e n t r e le d r o i t p é n a l et le d r o i t p r i v é
40. - Les p e r s o n n e s p o u r s u i v i e s . Bien que l'application du
droit pénal soit l'affaire exclusive de l'État, il se rattache par cer-
tains aspects au droit privé. Sa raison d'être et sa logique sont en
effet très différentes de celles du droit administratif. Alors que
celui-ci est apparu pour soumettre à un juge et à un régime juri-
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dique spécifiques les actions dirigées contre les personnes exerçant


des prérogatives de puissance publique, les frontières du droit pénal
ne sont aucunement déterminées par la qualité de la personne en
cause mais par la nature du trouble qu'elle a causé à la société. Le
procès pénal peut être indifféremment dirigé contre une personne
privée, un agent public ou, depuis la réforme du Code pénal, une
personne morale de droit privé ou de droit public (établissement
public, collectivité territoriale... sous réserve de l'exclusion de la
responsabilité de l'État). En pratique toutefois, ce sont essentielle-
ment des personnes privées qui font l'objet de poursuites.
41. - Les j u r i d i c t i o n s compétentes. Par ailleurs, les juridic-
tions pénales appartiennent aux juridictions de l'ordre judiciaire et
non aux juridictions de l'ordre administratif. En France, où les
règles de compétence déterminent fortement les règles de fond pour
des raisons historiques, cette attribution de compétence donne une
forte coloration privée au droit pénal. Les magistrats de l'ordre judi-
ciaire sont en effet formés dans une culture privatiste. Ce sont les
mêmes qui statuent dans les formations civiles et pénales, sous
réserve d'une certaine spécialisation dans les grandes juridictions.
42. - L a n a t u r e d u contentieux. Enfin, le droit pénal apparaît
souvent comme un prolongement du droit civil ou du droit commer-
cial car les infractions sont fréquemment constituées par des compor-
tements frauduleux lésant des intérêts privés. Bien des relations
d affaires finissent en affaires pénales. Il arrive d'ailleurs fréquem-
ment que le droit pénal soit détourné de son objet pour servir des
intérêts privés. Ainsi, une plainte avec constitution de partie civile
du chef d escroquerie ou d abus de confiance sera déposée par un par-
ticulier à l encontre d 'un cocontractant de mauvaise foi pour susciter
l'ouverture d'une instruction. Même si, selon toute vraisemblance, ces
infractions ne sont pas constituées, la mise en mouvement de l'action
publique aura l avantage d impressionner la personne poursuivie et,
surtout, de faciliter le recueil des preuves. Celui-ci sera en effet effec-
tué par les services de police et de gendarmerie sous l'autorité du
juge d 'instruction, dont les moyens sont autrement plus puissants
que ceux du juge civil. Parfois engagé au soutien d'une instance
civile, le procès pênal est également utilisé, de façon bien plus contes-
table, pour paralyser une telle instance : l'employeur cité aux
prud hommes pour licenciement abusif ripostera en poursuivant au
pénal son ancien employé pour vol ou abus de confiance.

C. L a p l a c e o r i g i n a l e d u d r o i t p é n a l
43. - Le droit pénal occupe une place originale dans notre ordre
juridique, en raison de son caractère mixte, qui lui confère une véri-
table autonomie.
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1) Le c a r a c t è r e m i x t e d u d r o i t p é n a l
44. - Le droit pénal est susceptible de sanctionner indifférem-
ment la violation de règles de droit public (droit de l'urbanisme,
législation relative aux installations classées, réglementation muni-
cipale relative à la tranquillité et à la salubrité publiques, droit des
marchés publics, notamment) et de droit privé (droit à la vie privée,
droit de propriété, droit des obligations, notamment). Il est, d'une cer-
taine façon, le « gendarme » de l'ensemble du droit, pour reprendre
une expression de la doctrine (Merle et Vitu, n° 144). Il apparaît ainsi
comme un droit mixte, dont la mise en œuvre suppose, selon le cas,
l'application de concepts appartenant au droit public ou au droit privé.
Le dualisme des règles de compétence imposé par le principe de
séparation des autorités administratives et judiciaires issu de la loi
des 16 et 24 août 1790 s'efface donc en matière pénale au profit
d'une unité de compétence, celle des juridictions pénales appelées à
appliquer un droit à la fois public et privé.
En particulier, le caractère détachable ou non détachable de la
faute du fonctionnaire, dont dépend, sur le plan civil, la compétence
judiciaire ou administrative ainsi que, sur le fond, la responsabilité
personnelle de l'agent ou celle de l'administration, n'a aucune inci-
dence en matière de responsabilité pénale. Le juge pénal est dans
tous les cas compétent pour prononcer, le cas échéant, une sanction
contre l'agent fautif (Crim. 8 juill. 1980, B., n° 218). Cette distorsion
entre les règles applicables n'est pas toujours très bien comprise, ou
très bien admise (J. Hermann, « Le juge pénal, juge ordinaire de
l'Administration ? », D., 1998, chr. 195).

2) L ' a u t o n o m i e d u d r o i t p é n a l
45. - L a spécificité des c o n c e p t s d u d r o i t p é n a l . La volonté
de classer à tout prix le droit pénal dans la sphère du droit public
ou dans celle du droit privé a l'inconvénient d'aboutir à en nier la
spécificité. Le droit pénal ne se rattache en réalité ni au droit public
ni au droit privé, mais forme un troisième domaine du droit, une
construction juridique autonome ayant, d'un point de vue tech-
nique, ses propres concepts et, d'un point de vue fonctionnel, ses
objectifs propres.
Les principes de légalité des délits et des peines, de non-rétroacti-
vité de la loi pénale plus sévère, de personnalité des peines, de même
que les notions de tentative, de complicité, de légitime défense, de
culpabilité ou de peine, entre autres, sont propres au droit pénal et
ne doivent rien au droit privé ou au droit public. Si ces principes ou
notions sont parfois mis en œuvre dans d'autres matières, notam-
ment en matière disciplinaire ou de répression administrative, c'est
par emprunt au droit pénal. C'est alors le droit privé et le droit public
qui subissent l'influence du droit pénal et non l'inverse.
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46. - L ' a u t o n o m i e d u d r o i t p é n a l d a n s l a d é f i n i t i o n des


n o t i o n s e x t r a - p é n a l e s . Au surplus, même lorsqu'il est amené à
mettre en œuvre des notions extra-pénales, le juge répressif s'éman-
cipe du sens qui leur est donné dans leur domaine d'origine. C'est
que le droit pénal poursuit des fins propres qui ne sont pas celles
du droit public ou du droit privé. Le rôle du droit pénal n'est pas
seulement de garantir le respect des règles juridiques posées en
dehors de lui mais de sanctionner les comportements antisociaux.
Le droit pénal est à la fois un droit réaliste (négativement, il ne
s'embarrasse pas de fictions juridique) et spiritualiste (positive-
ment, il s'attache essentiellement à la volonté de l'agent).
Ainsi, la notion de domicile a une signification beaucoup plus large
en droit pénal qu'en droit civil. Le lieu protégé par l'incrimination de la
violation de domicile (art. 226-4 du C. pén.) n'est pas seulement celui où
la personne a « son principal établissement », mais, selon la jurispru-
dence, « toute demeure permanente ou temporaire occupée par celui qui y
a droit ou, de son consentement, par un tiers ». Dans le même ordre
d'idée, la nullité du contrat civil en vertu duquel la chose détournée avait
été remise à titre précaire à l'auteur du détournement n'empêche pas les
poursuites du chef d'abus de confiance, car « la loi civile ne détermine les
causes de nullité des contrats qu'au point de vue des intérêts civils, abs-
traction faite des éléments délictueux ou de leurs conséquences ».
Le raisonnement vaut également s'agissant des notions de droit
public. Ainsi, la notion de fonctionnaire public est entendue plus large-
ment par le juge pénal que par le juge administratif puisque le premier
y inclut le notaire ou le conseiller municipal et le fait qu'un fonction-
naire ait été irrégulièrement nommé n'empêche nullement la poursuite
d'une infraction supposant cette qualité, soit à titre d'élément constitu-
tif, soit à titre de circonstance aggravante.

§ 4. L e s f o n c t i o n s d u d r o i t p é n a l
47. - Il est possible de mettre en évidence trois fonctions essen-
tielles du droit pénal. La première est sans conteste sa fonction
répressive. Mais le droit pénal n'est pas seulement un droit qui
sanctionne. Sa deuxième fonction est, en réprimant les atteintes qui
leur sont portées, d'exprimer les valeurs essentielles de la société. Il
a donc une fonction expressive. Enfin, sa troisième fonction est pro-
tectrice. Il protège bien sûr la société contre la délinquance (ce n'est
là que l'autre face de sa fonction répressive) mais également les
citoyens, qu'ils soient ou non auteurs d'infractions, contre les abus
de la répression

A. L a f o n c t i o n r é p r e s s i v e d u d r o i t p é n a l
48. - N é c e s s i t é d e l a r é p r e s s i o n . Élaborée pour sanctionner,
dans l'intérêt général, certains comportements dangereux pour
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l'ordre public ou contraires aux exigences de la vie en société, la loi


pénale a, avant tout, une fonction répressive. Contester cette fonc-
tion, c'est donc contester le droit pénal lui-même. Les courants doc-
trinaux, tel celui « de la non-intervention », qui remettent en cause
la nécessité de la répression, sont conduits logiquement à prôner
l'abolition, au moins partielle, du système pénal.
49. - D i v e r s i t é des f o n d e m e n t s d u d r o i t d e p u n i r . Mais la
fonction répressive ne signifie nullement que seul soit pris en
compte l'intérêt de la société. Le droit pénal comporte en effet de
nombreuses dispositions permettant aux juridictions de considérer
la situation de la personne poursuivie de manière à éviter sa déso-
cialisation ou à favoriser sa réinsertion. Le caractère plus ou moins
répressif du droit pénal dépend en réalité du fondement que l'on
donne au droit de punir. Plusieurs doctrines s'affrontent, ou se sont
affrontées, sur ce point. Toutes ont trouvé un écho en législation
(v. sur cette importante question J. Pradel, Histoire des doctrines
pénales, PUF, coll. Que sais-je ?, 1991).
a Ainsi au XIXe siècle, s'est développée l'École néo-classique
représentée, dans sa variante libérale, par Guizot (Traité de la
peine de mort en matière politique, 1822), Rossi (Traité de droit
pénal, 1829) et Ortolan (Éléments de droit pénal, 1875). Pour ces
auteurs, tout le droit pénal doit être fondé sur l'idée que la société
ne peut punir « ni plus qu'il n'est juste, ni plus qu'il n'est utile ».
L'exigence de justice doit conduire à individualiser la peine en fonc-
tion de la situation personnelle du condamné. L'exigence d'utilité
impose que la peine n'ait pas simplement un but répressif mais
qu'elle ait également une fonction perfectionnelle, qu'elle permette
au condamné de s'amender.
. Dans la seconde moitié du XIXe siècle est apparu le courant
positiviste illustré par les Italiens Lombroso (l'Homme criminel,
1876), Ferri (Sociologie criminelle, 1881) et Garofalo (Criminologie,
1885). L'originalité de ce courant de pensée est d'avoir en quelque
sorte considéré le phénomène criminel sous un angle exclusivement
scientifique, c'est-à-dire objectif, en excluant les considérations
d'ordre moral. Le but du droit pénal n'est pas, pour les positivistes,
de punir une faute ou un acte grave, mais de protéger la société
contre un homme objectivement dangereux, comme un corps malade
doit se protéger des microbes. La dangerosité objectivement détermi-
née du sujet constituait donc pour les positivistes le fondement et la
limite de la réaction sociale. La sanction proprement pénale ne pou-
vait donc avoir qu'un objet limité. Aux peines classiques doivent se
substituer, dans les perspectives positivistes, des mesures de défense,
ou mesures de sûreté d'une durée indéterminée, dont l'objet est de
supprimer l'état dangereux de l'individu. Une telle doctrine, qui nie
la morale et, partant, la liberté humaine, ne voyant dans la déviance
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qu'une maladie à combattre, expose aux pires débordements. L'enfer


des camps nazis, ou du moins le chemin qui y menait, n'était-il pas
pavé des bonnes intentions positivistes ?
• La doctrine positiviste allait donner lieu à un puissant mouve-
ment de réaction après la Seconde Guerre mondiale, qui fit mesurer
à quelles conséquences abominables pouvait conduire la logique
scientifique ou pseudo-scientifique dans l'appréciation du comporte-
ment humain. Ce mouvement doctrinal, toujours actif, fut celui de
la défense sociale nouvelle, du nom de l'ouvrage célèbre de Marc
Ancel, paru en 1954. Pour les tenants de ce mouvement, d'inspira-
tion humaniste, la réaction de la société face à la violation de la loi
pénale doit tendre à restaurer chez le délinquant son libre arbitre.
Le but de la sanction est donc, non pas l'expiation, la rétribution ou
l'élimination, mais la resocialisation du délinquant ou encore sa réé-
ducation, sa réinsertion. Elle peut donc présenter à la fois un tour
punitif et préventif. Les connaissances scientifiques viennent ali-
menter la défense sociale nouvelle comme elles avaient alimenté la
doctrine positiviste. Mais, au lieu d'être mises au service de la
défense de la société, elles sont utilisées pour favoriser la réinser-
tion de l'individu en permettant de mieux connaître sa personnalité.
L'école positiviste et celle de défense sociale nouvelle ne sont toute-
fois pas totalement opposées. Elles présentent de nombreux points com-
muns, comme le refus d'une condamnation morale de la criminalité et
une soumission réduite envers certains principes du droit pénal classi-
que, tel que le principe de légalité. Poussée à l'extrême, l'idée de resocia-
lisation du délinquant implique également des sanctions de durée indé-
terminée et peut aboutir aux camps de rééducation. C'est donc le
caractère humaniste des théories de la défense sociale nouvelle qui en
constitue le principal attrait.
Ainsi, selon que la sanction trouve sa justification dans la
morale ou dans l'observation scientifique, le droit pénal présente un
caractère répressif ou thérapeutique et, selon que l'on met l'accent
sur la défense de la société ou sur la réinsertion du délinquant, il
présente un caractère plus ou moins oppressif.

B. L a f o n c t i o n expressive d u d r o i t p é n a l
50. - Le d r o i t p é n a l , e x p r e s s i o n d e s v a l e u r s e s s e n t i e l l e s d e
l a société. « Le droit pénal est moins une espèce particulière de loi
que la sanction de toutes les autres », écrivait J.-J. Rousseau dans le
Contrat social. Cette opinion est partagée par Durkheim, pour qui
le droit pénal « n'édicte que des sanctions, ne dit rien des obligations
auxquelles elles se rapportent, ne commande pas de respecter la vie
d'autrui, mais de frapper de mort l'assassin ». Il s'agit là en réalité
d'une appréciation contestable résultant d'une analyse excessive-
ment formaliste du droit pénal.
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Lorsqu'il punit de trente ans de réclusion criminelle celui qui a


commis un meurtre, l'article 221-1 du Code pénal ne se borne pas à
sanctionner un interdit qui serait posé par ailleurs. Il exprime cet
interdit et rappelle donc, de manière négative, le premier des dix
commandements : « Tu ne tueras point. »
Le droit pénal n'est donc pas uniquement un droit qui sanc-
tionne. Il ne se réduit pas à sa fonction répressive. En même temps
qu'il réprime les atteintes qui leur sont portées, il exprime les
valeurs essentielles de la société. Même les infractions du droit
pénal technique, qui consistent en la simple violation d'une régle-
mentation en matière économique ou sociale, ont une valeur expres-
sive en ce qu'elles témoignent de l'importance accordée par le légis-
lateur au respect des dispositions concernées.
La fonction expressive du droit pénal prend d'ailleurs parfois le
pas sur les nécessités de la répression. À l'évidence, de nombreuses
circonstances aggravantes ont été créées dans le nouveau Code
pénal, moins pour augmenter le niveau des peines encourues que
pour exprimer certaines valeurs. Il en est ainsi de la circonstance
aggravante liée à la particulière vulnérabilité de la victime, prévue
de manière presque systématique en matière d'atteinte aux per-
sonnes ou aux biens.

51. - R a p p o r t s d u d r o i t p é n a l et d e l a m o r a l e . Dans la
mesure où il exprime les valeurs de la société, le droit pénal entre-
tient des rapports étroits avec la morale collective. Il s'enracine lar-
gement en elle et varie avec elle. La fonction répressive est donc
indissociable de la fonction expressive. On peut lire sur ce point
dans l'exposé des motifs du nouveau Code pénal :
« S'il y a rupture d'harmonie entre les deux fonctions, la loi
pénale ne remplit plus efficacement son office dans la société. P a r
exemple, lorsque la peine subsiste mais que la valeur qui la fondait
n'est plus admise p a r la conscience collective, la sanction pénale ne
satisfait plus mais heurte la sensibilité publique. Elle apparaît
comme l'expression d'une survivance et non plus d'une valeur. Elle
choque la conscience collective. Et dans une démocratie, elle tombe
en déshérence. »

52. - D i s t i n c t i o n e n t r e le d r o i t p é n a l et l a m o r a l e . Il faut
cependant souligner que le droit pénal ne se confond pas avec la
morale. Selon la présentation classique de Garçon, le droit et la
morale peuvent être comparés à deux cercles qui, se chevauchant,
ont à la fois une aire commune et des surfaces propres (Le droit
pénal, 1922, p. 131).
Nombre d'attitudes que la morale dominante réprouve ne sont
pas pénalement sanctionnés. Ainsi en est-il du simple mensonge, du
non-paiement de dettes, de l'adultère... De manière générale, la
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tendance est à la dépénalisation des comportements en matière


familiale et sexuelle, conformément d'ailleurs à la doctrine du
Conseil de l'Europe exprimée dans son Rapport sur la décriminali-
sation (1980). Le droit pénal sanctionne les comportements dange-
reux pour l'ordre social. Son rôle n'est pas de traquer dans la vie
privée des individus ou dans leur conscience les actions ou, moins
encore, les convictions qui seraient contraires à la morale du plus
grand nombre.
À l'inverse, de plus en plus nombreux sont les comportements
érigés en infraction qui ne heurtent nullement la morale. Ainsi en
est-il de la plupart des contraventions de police, qui sanctionnent
moins des atteintes à des valeurs essentielles de la société que des
manquement à la discipline sociale. La morale a peu affaire avec
l'incrimination du défaut de carte grise ou du stationnement irrégu-
lier... Cela est également vrai d'infractions plus graves prévues par
le droit pénal technique, qui sont punies de peines parfois sévères
sans que leur commission évoque au plus grand nombre la violation
d'une valeur essentielle.

C. L a f o n c t i o n p r o t e c t r i c e d u d r o i t p é n a l
53. - Le droit pénal a pour objet immédiat de protéger la société
de manière à assurer la sécurité sans laquelle aucune liberté ne
peut être pleinement exercée. Mais, en même temps qu'il permet la
répression, le droit pénal la régule. En cela, il est une garantie fon-
damentale de la liberté individuelle. Le droit pénal des sociétés
démocratiques est en effet dominé par le principe de la légalité des
délits et des peines, hérité du siècle des Lumières, de la pensée de
Montesquieu (L'esprit des lois, 1748) et de Beccaria (Traité des
délits et des peines, 1764). Ce principe est inscrit à l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme de 1789 ainsi que dans de nom-
breuses déclarations internationales de droits, dont la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 7). Il a été
repris à l'article 111-3 du Code pénal.
Il signifie que nul ne peut être condamné pour un fait qui, au
moment où il a été commis, ne constituait pas une infraction selon le
droit alors en vigueur. Ainsi conçu, le droit pénal est une garantie
essentielle de la liberté individuelle car, en définissant précisément
ce qui est interdit, il permet à l'individu de connaître exactement le
champ de sa liberté et le met à l'abri de toute poursuite arbitraire.
On voit toutefois que la fonction protectrice du droit pénal sup-
pose une société fondée sur les principes de liberté et de démocratie.
Dans les sociétés totalitaires, où le principe de légalité est inconnu,
le droit pénal ne constitue plus une garantie mais au contraire une
menace permanente, car nul ne sait précisément ce qui est permis
et ce qui est défendu. Ainsi en était-il dans l'Allemagne nazie, dont
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le Code pénal comportait une disposition ainsi rédigée : « Sera puni


quiconque commettra un délit que la loi déclare punissable ou qui
méritera une peine d'après le sain esprit du peuple. » Le droit pénal
devient alors l'arme de la terreur, comme il le fut également du
reste dans l'Union soviétique de Staline.

SECTION 2

L'évolution d u droit pénal

54. - De manière très schématique, il est possible de distinguer


trois grandes périodes dans l'évolution du droit pénal depuis la fin
de l'Ancien Régime : une période d'instabilité, qui a duré jusqu'au
Code pénal de 1810 et au cours de laquelle se sont succédé les sys-
tèmes répressifs (§ 1), une longue période d'évolution « maîtrisée »
du droit pénal, qui s'étend de 1810 jusqu'à la fin de la Seconde
Guerre mondiale (§ 2), et une période dominée par un certain senti-
ment de désordre depuis la fin de la guerre (§ 3). L'événement
majeur de ces dernières décennies est bien entendu la récente
réforme du Code pénal, qui annonce peut-être un début de remise
en ordre (§ 4) (v. J.-M. Carbasse, Introduction historique au droit
pénal, PUF, 1990 ; A. Laingui, Histoire du droit pénal, PUF, coll.
Que sais-je ?, 1985 ; A. Laingui, La responsabilité pénale dans
l'ancien droit [XVIe, XVIIIe s.], LGDJ 1970 ; A. Laingui et
A. Lebigre, Histoire du droit pénal, I, Cujas, 1979 ; B. Schnapper,
Les peines arbitraires du XIIIe au XVIIIe s., LGDJ, 1974).

§ 1. L a s u c c e s s i o n d e s s y s t è m e s r é p r e s s i f s :
d e l a f i n d e l ' A n c i e n R é g i m e a u c o d e p é n a l d e 1810
A. Le d r o i t p é n a l d e l'Ancien R é g i m e
55. - Au risque de grossir le trait, on peut dire du droit pénal de
l'Ancien Régime qu'il était coutumier, arbitraire, introspectif et bru-
tal. Coutumier, car la définition des incriminations et des peines
n'était pas fixée par la loi, mais par la coutume. Arbitraire, parce
que le juge disposait d'une très grande liberté pour « arbitrer » la
sanction. Introspectif, dans la mesure où les incriminations visaient
souvent des comportements, voire des convictions intimes contraires
à la morale et à la religion : blasphème, hérésie, sacrilège et très
nombreuses infractions contre les mœurs. Brutal, enfin, en raison
de la nature des peines appliquées, conçues pour neutraliser et inti-
mider mais également pour amener le condamné à expier son
crime : le feu, la roue, la claie, le poing ou la langue coupée... Elles
apparaissent à nos yeux d'une très grande cruauté, sans commune
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mesure avec l'utilité sociale, encore qu'il faille avoir présentes à


l'esprit la violence et l'insécurité de la société d'alors.
Ce tableau trop rapidement brossé mériterait d'être nuancé. Il
faut tout d'abord mentionner l'existence de juridictions ecclésias-
tiques, qui appliquaient les peines du droit canon, infiniment plus
douces, fondées sur l'idée d'amendement, selon une conception
proche de celle qui se développa à la fin du XIXe siècle. Par ailleurs,
le droit pénal de l'Ancien Régime comportait des parties très élabo-
rées, comme la théorie de la responsabilité pénale. Enfin, la rigueur
de la répression diminua fortement à la fin du XVIIIe siècle, si bien
qu'en réalité la Révolution ne fit pas basculer le droit pénal de
l'ombre à la lumière. Comme souvent, elle précipita une évolution
amorcée sous l'Ancien Régime. Cette accélération soudaine condui-
sit néanmoins à une rupture.

B. L a r u p t u r e d e l a R é v o l u t i o n
56. - Fortement influencés par les idées de Beccaria et de Mon-
tesquieu, les révolutionnaires consacrèrent tout d'abord expressé-
ment le principe de la légalité des délits et des peines dans
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, rompant
ainsi radicalement avec l'Ancien Régime. De coutumier, le droit
pénal devint donc écrit. D'arbitraire, il devint déterminé et stable.
Mais sur ce point les révolutionnaires poussèrent très loin le culte
de la loi, expression de la volonté générale et donc réputée infail-
lible. Ils appliquèrent à la lettre ces mots de Montesquieu : « Les
juges de la nation ne sont (...) que la bouche qui prononce les paroles
de la loi ; des êtres inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force ni
la rigueur ». Dominé ainsi par une conception radicale du principe
de légalité, le Code pénal de 1791 institua un système de peines
fixes, interdisant toute adaptation de la répression par le juge et
donc toute individualisation.
P a r ailleurs, acquis aux thèses utilitaristes et à l'humanisme des
Lumières, les révolutionnaires supprimèrent l'incrimination des
comportements ne relevant que du for intérieur pour ne sanctionner
que les agissements menaçant l'ordre social. D'introspectif, le droit
pénal devint ainsi -plus objectif. Enfin, les peines corporelles autres
que la peine de mort furent abolies et les autres peines systémati-
quement adoucies.

C. Le c o m p r o m i s d u code p é n a l d e 1810
57. - Comme l'ensemble de l'œuvre législative de l'Empire, le code
pénal de 1810, entré en application le 1er janvier 1811, fut une œuvre
de compromis entre l'ancien droit et le droit révolutionnaire. Du droit
révolutionnaire, il conserva l'essentiel, c'est-à-dire le principe de la
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légalité des délits et des peines et l'architecture générale du système


pénal reposant sur la division des infractions en trois classes. Mais,
renouant avec l'Ancien Régime, il restitua au juge un large pouvoir
d'appréciation en abandonnant le système des peines fixes. Certes,
pour chaque infraction, une peine minimum était prévue par la loi,
mais, par le jeu des circonstances atténuantes, le juge pouvait descen-
dre très en-dessous de ce minimum. Par ailleurs, le code de 1810
accrut la sévérité des peines, allant jusqu'à rétablir certaines des pei-
nes corporelles abolies par la Révolution : la marque, le carcan, la
mutilation du poing du parricide avant son exécution.
58. - Le code de 1810 connut une belle destinée. Il fut purement
et simplement adopté par la Belgique et le Luxembourg et constitua
un modèle pour les pays d'Europe. Souvent menacé, il fêta cepen-
dant son centenaire et ne sera privé de son bicentenaire que par
l'aboutissement récent de la réforme qui l'a mis à bas.
Cette bonne fortune s'explique cependant essentiellement par
des raisons historiques et politiques. Le rayonnement de l'Empire y
fut en effet pour beaucoup, l'inertie ou la résignation fit le reste.
Sur un plan technique, chacun s'accorde en effet à reconnaître que,
contrairement au code civil de 1804, le code pénal de 1810 était, en
dépit de ses qualités littéraires, entaché de nombreux vices. Son
plan était illogique puisqu'il abordait la sanction avant d'envisager
la personne responsable et la définition des incriminations. De plus,
certaines des dispositions de droit pénal général relatives aux cau-
ses d'irresponsabilité se trouvaient dispersées dans la partie rela-
tive au droit pénal spécial. Par ailleurs, son contenu était incom-
plet. Des questions aussi importantes que le cumul des peines,
l'application de la loi pénale dans le temps n'étaient pas traitées, ou
de manière elliptique. Ces défauts ne firent que s'aggraver au fil
des années. Le code de 1810 vécut donc longtemps, mais fut préco-
cement vieux.

§ 2. L ' é v o l u t i o n m a î t r i s é e d u d r o i t p é n a l :
d e 1810 à l a S e c o n d e G u e r r e m o n d i a l e

59. - Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le droit pénal connaît


de profondes évolutions, mais celles-ci se traduisent dans des lois
en nombre relativement limité, qui permettent de discerner aisé-
ment les orientations suivies par le législateur. En outre, d'un point
de vue formel, pendant toute cette période le Code pénal demeure le
monument réunissant l'essentiel du droit pénal.
Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la législation est
marquée par un adoucissement des peines. La loi, très importante,
du 28 avril 1832 supprime les peines corporelles (marque, carcan,
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mutilation du poing), diminue de nombreuses peines, étend le


champ d'application des circonstances atténuantes et institue une
échelle des peines politiques distincte de celles de droit commun et
moins rigoureuses que celles-ci. La peine de mort est abolie en
matière politique par la Constitution du 4 novembre 1848.
La période s'étendant de la seconde moitié du XIXe siècle au
début de la Seconde Guerre mondiale voit s'affirmer, avec le déve-
loppement des sciences humaines, l'influence du courant positiviste
sous son double aspect. Les lois adoptées pendant cette période ten-
dent tout à la fois à permettre l'éloignement des délinquants dange-
reux par des peines s'apparentant à des mesures de sûreté (loi de
1885 instituant la relégation et l'interdiction de séjour) et à assurer
une meilleure individualisation de la peine (loi « Béranger » du
26 mars 1891 permettant d'accorder le sursis aux délinquants pri-
maires). La loi du 22 juillet 1912 organisant des dispositions spéci-
fiques aux mineurs délinquants peut également être rattachée à
cette tendance.

§ 3. L e d é s o r d r e d u d r o i t p é n a l : l ' é v o l u t i o n p o s t é r i e u r e
à la Seconde Guerre mondiale

60. - À partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le droit


pénal va connaître une période de turbulences. Plusieurs facteurs
immédiats, étroitement imbriqués, peuvent expliquer cette évolu-
tion : l'avènement des droits de l'homme, les incertitudes sur la
finalité de la peine, la double inflation pénale, l'émergence d'un
ordre répressif administratif.

A. L ' a v è n e m e n t des d r o i t s de l ' h o m m e


61. - La grande révolution du droit postérieure à la Seconde
Guerre mondiale est celle qui a permis d'assurer le respect effectif
des droits de l'homme dans notre ordre juridique, alors qu'ils
n'incarnaient jusque là qu'une sorte d'idéal théorique alimentant
davantage les discours politiques que la réalité juridique. En ce
qu'elle a bousculé l'ordre ancien, cette révolution bienvenue a été
un facteur de désordre.
Au sein du Conseil de l'Europe a été élaborée la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fon-
damentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur
en France le 3 mai 1974. Cette convention ne se borne pas à procla-
mer des droits fondamentaux. Elle institue une juridiction, la Cour
européenne des droits de l'homme, siégeant à Strasbourg, pour en
assurer le respect. Dans le cadre des Nations Unies, le Pacte inter-
national relatif aux droits civils et politiques a été signé à New
York le 19 décembre 1966. Il est entré en vigueur en France le
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4 février 1981. Plus complet que la Convention européenne quant


aux droits proclamés, il n'institue pas cependant de système de
garantie aussi efficace. Enfin, dans l'ordre interne, en intégrant la
Déclaration des droits de l'homme de 1789 dans « le bloc de la cons-
titutionnalité », le Conseil constitutionnel s'est donné les moyens de
contrôler le respect par le législateur des principes fondamentaux
qui y sont proclamés.
62. - Cette révolution juridique est loin de n'intéresser que le
droit pénal. Elle l'affecte cependant au premier chef car, en permet-
t a n t de limiter les droits et libertés de la personne p a r le recours à
la force, le droit pénal comporte, plus que toute autre matière, le
risque d'une atteinte aux droits de l'homme. L'avènement de ces
droits exerce ainsi une influence permanente sur l'élaboration de la
loi pénale, incitant le législateur à s'interroger de manière systéma-
tique sur la conformité des dispositions qu'il envisage aux droits
fondamentaux.

B. Les i n c e r t i t u d e s s u r l a f i n a l i t é de l a p e i n e
63. - Les f o n c t i o n s t r a d i t i o n n e l l e s d e l a p e i n e . Les progrès
constants des sciences humaines ont eu pour effet de remettre en
cause les fonctions traditionnelles de la peine conçue à la fois
comme rétributive, éliminatrice et intimidatrice. Rétributive, la
peine est une souffrance infligée en compensation du mal causé à la
société. De ce point de vue, elle suppose chez le condamné une
claire conscience de sa faute. Éliminatrice, elle a pour objet d'empê-
cher le condamné de nuire à la société. Cette fonction n'est en réa-
lité remplie que par certaines peines comme les peines privatives de
liberté ou l'interdiction du territoire. Intimidatrice, la peine doit à
la fois dissuader le condamné de récidiver (intimidation indivi-
duelle) et décourager d'éventuels candidats à la délinquance (inti-
midation collective). Cette fonction à la fois répressive et préventive
de la peine suppose, selon la formule de Beccaria (Traité des délits
et des peines, 1764) reprise par Bentham quelques années plus tard
(Théorie des peines légales, 1775), que « le mal qu'elle inflige excède
le bien qui peut revenir du délit ».
64. - L a c o n t e s t a t i o n d e s f o n c t i o n s t r a d i t i o n n e l l e s d e l a
p e i n e . Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces trois fonc-
tions sont contestées. La prison, peine par excellence, a révélé ses
effets désocialisants et corrupteurs. Elle n'exerce que très imparfai-
tement sa fonction rétributive car ceux qui y sont incarcérés n'ont
pas toujours une claire conscience de leur dette envers la société.
Loin d'être intimidatrice, elle est une école de la récidive par la pro-
miscuité qu'elle crée entre les délinquants. À elle seule, sa fonction
éliminatrice est insatisfaisante et de toutes façons temporaire. Fon-
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damentalement, les fonctions rétributive et intimidatrice, qui sup-


posent un homme doué de libre arbitre, en mesure de comprendre
la portée de ses actes, paraissent très éloignées de la réalité.

65. - Aussi, de nombreuses lois ont été marquées par les idées
de la défense sociale nouvelle. Elles tendent à favoriser la resociali-
sation du délinquant, soit en permettant une plus grande individua-
lisation de la peine, soit en incitant à recourir à d'autres mesures
que les peines. Il s'agit, dans tous les cas, d'éviter l'incarcération en
diversifiant les réponses à la délinquance et en accroissant les pou-
voirs des juges.
Ces idées se manifestent de manière évidente dans l'ordonnance
du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui privilégie sys-
tématiquement l'application de mesures protectrices et éducatives.
On peut également citer la loi du 15 avril 1954 qui, incitant à la
mise en œuvre de mesures thérapeutiques, permet au tribunal
d'obliger les alcooliques dangereux pour autrui à se faire désintoxi-
quer sous la menace d'une peine. Allant plus loin, la loi du
31 décembre 1970 autorise le procureur de la République, avant
toutes poursuites, à enjoindre au toxicomane de subir une cure de
désintoxication ou de se placer sous surveillance médicale, le tribu-
nal détenant la même possibilité en cas d'exercice des poursuites.
Les lois les plus nombreuses sont celles qui tendent à favoriser
l'individualisation de la peine t a n t au moment de son prononcé qu'à
celui de son exécution. Il en est ainsi de la grande loi du
11 juillet 1975, qui a créé des substituts à l'emprisonnement, insti-
tué la dispense de peine, assoupli le régime du sursis ainsi que les
conditions d'exécution des peines. Cette orientation a été dévelop-
pée par la loi du 6 août 1975 instituant le mécanisme de l'ajourne-
ment de la peine et celle du 10 juin 1983 introduisant de nouveaux
substituts à l'emprisonnement.

66. - Les i n c e r t i t u d e s d u l é g i s l a t e u r . Cette tendance à


l'adoucissement et à la diversification des peines prenant en compte
la personne du délinquant n'est pas constante. Elle est fortement
contrariée par des courants répressifs. Afin de répondre à la montée
de la criminalité mais également au sentiment d'insécurité et à
l'inquiétude qu'elle engendre, plusieurs textes d'orientation répres-
sive ont été adoptés à une époque récente. Il en est ainsi de la loi du
22 novembre 1978 instituant la période de sûreté pendant laquelle
le condamné à une peine privative de liberté ne peut bénéficier
d'aucune mesure de faveur, telle que semi-liberté, permission de
sortir, libération conditionnelle... Peuvent encore être citées, la loi
du 2 février 1981, dite Sécurité et liberté, et, plus récemment, celle
du 9 septembre 1986, qui a renforcé la période de sûreté et réduit
les pouvoirs du juge de l'application des peines.
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67. - S'imposent aujourd'hui avec une même évidence la néces-


sité de la répression et son échec. La privation de liberté apparaît
de plus en plus, pour la criminalité moyenne, comme une mesure
d'élimination temporaire qui enfonce un peu plus le condamné dans
la marginalité et la délinquance en le mettant au ban de la société.
Dans le même temps, il est impossible d'échapper à la nécessité
de défendre la société, de manifester, au-delà des conséquences
néfastes de la peine pour le délinquant, l'importance des valeurs
protégées par la loi pénale. L'efficacité de la peine, sa justification
deviennent incertaines, la notion même de peine se brouille au
regard des réactions protéiformes mises en œuvre par les tribunaux
répressifs. Le fondement du droit pénal s'en trouve nécessairement
ébranlé. On en est réduit aujourd'hui à une définition juridique et
un peu creuse de la peine, déjà citée, qui ne s'attache ni à son
contenu ni à sa finalité, mais à la volonté du législateur de conférer
un caractère pénal à telle ou telle sanction.
68. - Le d é p a s s e m e n t des i n c e r t i t u d e s : l a f o n c t i o n d ' a m e n -
dement. Il est cependant une fonction de la peine susceptible de
concilier les théories classiques et celles fondées sur la défense sociale.
Il s'agit de la fonction d'amendement. L'idée n'est pas nouvelle.
Mabillon préconisait déjà un aménagement de la privation de liberté
de manière qu'elle ait un rôle perfectionnel (Réflexions sur les prisons
des ordres religieux, 1690) et Lardizabal, conseil du roi d'Espagne,
soulignait que «l'amendement est un objectif si important que jamais
le législateur ne doit le perdre de vue » ou encore que « la correction du
délinquant afin qu'il devienne meilleur et qu'il ne recommence pas à
nuire à la société » est une des fins essentielles de la peine (Discours
sur les peines, 1782). La peine doit donc à la fois punir et soutenir.
Le caractère prééminent de cette fonction particulière de la peine
n'est pas seulement défendu par tel ou tel mouvement doctrinal. Il
est expressément consacré en droit positif dans les conventions inter-
nationales (Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
art. 10-3) et par le Conseil constitutionnel (déc. du 20 janvier 1994).
Mais il est bien évident que la situation économique et sociale
d'un pays détermine largement les chances d'amendement. Si toute
possibilité d'insertion dans la société est retirée au condamné à sa
sortie de prison, ces chances apparaissent assez minces.

C. L a d o u b l e i n f l a t i o n p é n a l e
69. - Deux phénomènes étroitement liés, aux conséquences per-
turbatrices pour le droit pénal, se sont développés au cours de ces
trente dernières années : l'accroissement de la délinquance et la
prolifération des textes répressifs. Ces deux phénomènes peuvent
être désignés sous l'expression de « double inflation pénale ». Il faut
les décrire avant d'en mesurer les conséquences.
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1) L ' a c c r o i s s e m e n t d e la d é l i n q u a n c e
70. - Les i n s t r u m e n t s d e mesure. Depuis une trentaine
d'années, on observe une montée préoccupante de la criminalité,
même si des paliers, voire des diminutions, peuvent être constatés
sur de brèves périodes. Pour interpréter correctement les chiffres
fournis par les autorités judiciaires et policières, quelques indica-
tions préalables doivent être données sur les instruments de
mesure disponibles. Aucun de ces instruments ne reflète en effet la
criminalité réelle, c'est-à-dire l'ensemble des infractions effective-
ment commises. Les statistiques policières enregistrent seulement
la criminalité apparente constituée par les infractions ayant donné
lieu à une plainte ou une dénonciation. Or, de très nombreuses
infractions ne sont jamais portées à la connaissance des services de
police ou de gendarmerie pour les raisons les plus diverses (le pré-
judice est trop minime, la victime redoute des représailles ou
éprouve un sentiment de honte ou de culpabilité, personne n'a un
intérêt direct à dénoncer l'infraction, notamment). En outre, cer-
taines d'entre elles, de faible gravité, donnent lieu, non à l'établisse-
ment d'un procès-verbal, mais à une simple mention sur un registre
(« la main courante ») et ne sont pas comptabilisées. La différence
entre la criminalité réelle et la criminalité apparente est désignée
sous l'expression de « chiffre noir » ou de « chiffre obscur », qu'il est
impossible d'évaluer avec certitude.
En tout cas, il est certain que les statistiques policières ne
rendent pas compte de la réalité de l'insécurité (v. Ph. Robert,
R. Zauberman, M.-L. Pottier et H. Lagrange, « Mesurer le crime,
entre statistiques de police et enquêtes de victimation [1985-
1995] », Rev. fr. de sociologie, avril-juin 1999).
Les statistiques judiciaires sont encore plus éloignées de la cri-
minalité réelle puisqu'elles ne reflètent que les infractions soumises
à la justice pénale (infractions portées à la connaissance des par-
quets, infractions ayant fait l'objet de poursuites et, enfin, infrac-
tions ayant fait l'objet d'une condamnation). Ces statistiques don-
nent une image de la criminalité légale.
71. - L ' a m p l e u r d e l ' a u g m e n t a t i o n . Même si elles ne reflè-
tent pas la réalité de la criminalité les statistiques policières et
judiciaires en révèlent les tendances. Alors que, en 1960, 687 766
crimes et délits avaient été constatés par les services de police et de
gendarmerie, ce chiffre était de 3 919 008 en 1994, soit une aug-
mentation de plus de 500 % en trente ans, le taux de crimes et
délits pour 1 000 habitants passant d u r a n t la même période de
15,05/1 000 à environ 67/1 000 (v. Aspects de la criminalité et de la
délinquance constatées en France en 1994 d'après les statistiques de
police judiciaire, La Documentation française). En un demi-siècle, le
nombre des vols et des cambriolages a augmenté de... 1 300%
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(Ph. Robert, Br. Aubuson de Carvalay, M.-L. Pottier, P. Tournier,


Les comptes du crime, L'Harmattan, 1995 ; v. également : H. Mou-
touh, La loi et l'ordre, D., 2000, doctr. p. 163).
Cette augmentation spectaculaire se répercute logiquement dans
les statistiques judiciaires. En 1960, 914 condamnations ont été
prononcées par les cours d'assises, compétentes pour juger les
crimes et 212 596 par les tribunaux correctionnels, compétents pour
juger les délits. En 1992, ces chiffres étaient respectivement de
2 543 et de 459 277 (Compte général de la justice criminelle jusqu'en
1978 et Annuaire statistique de la justice depuis lors, publié par La
documentation française). Il faut considérer avec plus de circonspec-
tion l'évolution vertigineuse des condamnations prononcées par les
juridictions de police pour contraventions - passées, au cours de la
même période, de 750 000 environ à 11 000 000. Les contraventions
font en effet souvent l'objet de procédures simplifiées qui évitent la
tenue d'une audience (amendes forfaitaires et ordonnances pénales)
et cette augmentation ne reflète pas exactement - fort heureuse-
ment ! - celle de la charge des tribunaux de police.

2) L'inflation législative e t r é g l e m e n t a i r e
72. - L a m u l t i p l i c a t i o n des textes répressifs. On assiste
depuis plusieurs décennies à une véritable explosion du nombre des
infractions prévues par la loi ou le règlement. En effet, les législa-
tions et réglementations dites techniques intervenant dans les
domaines du droit des affaires, de la communication, de l'environne-
ment, du travail, entre autres, ne cessent de se développer. Or, les
prescriptions édictées en ces domaines sont souvent assorties de
sanctions pénales, si bien que, désormais, les dispositions pénales
dans leur grande majorité se situent en dehors du Code pénal
(v. J.-J. de Bresson, « Inflation des lois pénales et législations ou
réglementations techniques », RSC, 1985, p. 241). Très rares sont
les exemples de dépénalisation. On citera toutefois celui, récent et
remarquable, du chèque sans provision, qui n'est plus pénalement
sanctionné depuis la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991.
73. - L'échec d e l ' i n v e n t a i r e . La prolifération non maîtrisée des
textes répressifs est devenue à ce point préoccupante qu'une
« commission de l'inventaire » avait été instituée au sein de la com-
mission de révision du Code pénal pour établir la liste exhaustive des
infractions dispersées dans des lois ou des codes particuliers. Mais le
travail d'inventaire, entamé par une circulaire du Premier ministre
du 7 juin 1985, ne fut jamais mené à son terme, si bien qu'aujourd'hui
- situation pour le moins surprenante - la Chancellerie elle-même
est toujours dans l'incapacité de donner la liste exhaustive des dispo-
sitions concernées... Seules sont actuellement répertoriées les infrac-
tions qui sont le plus fréquemment poursuivies par les juridictions
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pénales ou qui ont été récemment créées. Au nombre de 13 000 envi-


ron, dont 11 000 actuellement en vigueur, ces infractions sont réu-
nies dans la table NATINF (NATure d'INFractions) mise à la disposi-
tion exclusive des juridictions et utilisée par elles pour le traitement
informatisé des procédures. Pour tenter de lutter contre l'inflation
législative, le Parlement a adopté la loi n° 96-516 du 14 juin 1996
tendant à créer un Office parlementaire d'évaluation de la législation.
L'avenir dira si cet organisme sera capable de mener à bien sa mis-
sion de simplification de la législation.

3) L ' a t t e i n t e p o r t é e a u x t r o i s f o n c t i o n s d u d r o i t p é n a l
74. - La double inflation pénale apparue à une époque récente
porte atteinte aux trois fonctions essentielles du droit pénal telles
qu'elles ont été précédemment décrites (v. pour une belle
illustration : A. Prothais, Les paradoxes de la pénalisation, Enquête
en matière d'assistance médicale à la procréation et d'adoption, JCP,
1997, éd. G, I, n° 4055).
75. - L ' a t t e i n t e à l a f o n c t i o n répressive. Elle affecte tout
d'abord directement sa fonction répressive. L'engorgement des juri-
dictions dû à l'augmentation de la délinquance conduit le parquet à
classer sans suite un très grand nombre de plaintes et de dénoncia-
tions, dont certaines auraient mérité une réaction judiciaire. Ainsi,
en 1997, sur 4 941 334 procès-verbaux reçus par les parquets,
3 902 747, soit près de 80 %, ont été classés sans suite (Les chiffres
clefs de la justice, oct. 1998). De plus, les infractions aux législations
techniques, qui constituent la majeure partie du droit pénal, ne
sont que très peu réprimées. Diverses raisons peuvent être avan-
cées pour expliquer cette faible répression. Mais il en est une très
concrète qui domine les autres : le seul traitement des infractions
classiques suffit à saturer la justice pénale 1. Selon les données
fournies par le casier judiciaire national pour 1997, sur environ
382 606 condamnations correctionnelles recensées, 62 827 ont été
prononcées pour des atteintes aux personnes (violences, agressions

1. Pour tenter d'apporter une réponse à cette absence de traitement d'un


nombre sans cesse croissant d'infractions, la loi du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité
de la procédure pénale consacre et étend les procédures alternatives aux poursuites
- qui constituent une « troisième voie » entre le classement sans suite et la mise en
mouvement de l'action publique - en instituant notamment la composition pénale. Il
s'agit d'une nouvelle forme de transaction qui permet au procureur de la République,
sous le contrôle d'un juge du siège, de proposer aux auteurs de certaines infractions
de payer une amende de composition ou d'accomplir un travail pour la collectivité en
contrepartie de l'extinction de l'action publique. Cette procédure est destinée à deve-
nir le mode de règlement de nombreux petits délits actuellement classés sans suite,
en raison de l'encombrement des juridictions (F. Le Gunehec, « Présentation de la loi
du 23 juin 1999, dispositions relatives aux alternatives aux poursuites », JCP,
14 juill. 1999, éd. G, Act.).
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sexuelles, usage et trafic de stupéfiants, coups et homicides involon-


taires), 118 895 pour des atteintes aux biens (vols, recels, destruc-
tions), et 119 391 pour des infractions à la circulation routière (dont
96 630 pour conduite en état alcoolique) (Les chiffres clefs de la jus-
tice, oct. 1998). L'ensemble de ces condamnations représente envi-
ron 85 % du contentieux soumis aux tribunaux correctionnels. On
ne voit donc pas comment les juridictions pénales, déjà surchargées
et qui œuvrent dans des conditions parfois inacceptables t a n t pour
les magistrats et les avocats que pour les justiciables, pourraient
intervenir dans des domaines nouveaux, qui s'étendent sans cesse.
Il résulte de ce tableau que la règle pénale, conçue pour réprimer
les comportements antisociaux, est largement ineffective : des pans
entiers de la législation pénale ne sont jamais appliqués tandis que
d'autres ne le sont que de manière très sélective.

76. - L ' a t t e i n t e à l a f o n c t i o n expressive. La fonction expres-


sive du droit pénal est, elle aussi, mise à mal. Le développement
incontrôlé de textes adoptés à des époques différentes a abouti à une
mosaïque sans unité d'ensemble. « La cohérence entre la sévérité des
sanctions et la gravité des infractions n'apparaît pas toujours claire-
ment, dans la mesure où la gravité des sanctions selon la nature et la
gravité des infractions fait trop souvent défaut » (J.-J. de Bresson,
op. cit. p. 243). Des infractions de gravité similaire sont punies de
peines sans commune mesure entre elles. L'échelle des sanctions ne
reflète donc plus celle des valeurs. Par ailleurs, en intervenant dans
des domaines techniques, le droit pénal perd beaucoup de sa fonction
expressive. Des infractions punies de peines parfois lourdes consis-
tent en de simples manquements à des prescriptions administrati-
ves, parfois importantes, mais dont le profane ne perçoit pas toujours
très bien la finalité. Le droit pénal technique, d'ailleurs largement
ineffectif, s'enracine donc assez peu dans la morale collective.

77. - L ' a t t e i n t e à l a f o n c t i o n p r o t e c t r i c e . Enfin, la double


inflation pénale mine la fonction protectrice du droit pénal. Le prin-
cipe de légalité des délits et des peines n'est une garantie contre
l'arbitraire que dans la mesure où le citoyen est en mesure de
connaître la loi. La prolifération de textes parfois redondants ou
contradictoires rend cette connaissance difficilement accessible. Elle
est donc facteur d'insécurité. Le fait que, en raison de l'encombre-
ment des juridictions, la transgression des règles pénales tech-
niques ne soit que rarement sanctionnée ne peut que renforcer ce
sentiment d'insécurité juridique. Les sanctions risquent d'appa-
raître, pour ceux qui en sont les « victimes » désignées par le sort,
comme des manifestations d'arbitraire.
Cette insécurité est encore aggravée par la rédaction des incri-
minations du droit pénal technique, qui est loin de répondre tou-
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jours aux exigences du principe de légalité. Cédant à la facilité, le


législateur se borne souvent à sanctionner pénalement, par un ren-
voi global et imprécis contenu dans une disposition finale, la mécon-
naissance de l'ensemble des prescriptions techniques, parfois très
nombreuses et complexes, qu'il vient d'édicter, si bien que ni le jus-
ticiable ni parfois même le juge ne peuvent déterminer avec préci-
sion ce qui est pénalement sanctionné et ce qui ne l'est pas. À titre
d'exemple, l'article L. 376-1 du Code de la santé publique dispose
que « les infractions aux dispositions des articles L. 363, L. 364 et
L. 365 seront punies d'une amende de 30 000 F (...) et d'un empri-
sonnement de six mois ». Au surplus, les comportements incriminés
sont fréquemment définis par renvoi à des textes réglementaires
(décrets ou arrêtés) dont la connaissance est malaisée (v. « La péna-
lisation nuit-elle à la démocratie ? », Rencontres internationales du
Barreau de Paris, Petites Affiches, 1997, n° 12, n° spécial).
Le citoyen trop prudent, perdu dans ce maquis législatif, risque
de suivre l'adage peu libéral selon lequel « tout ce qui n'est pas
expressément permis est défendu ». Le plus audacieux, constatant
l'absence de sanction effective, en tirera la conclusion, fort peu
civique, que « tout ce qui est défendu est permis ». Le droit pénal
d'une société démocratique voudrait pourtant que chacun soit
convaincu que « tout ce qui n'est pas expressément défendu est permis ».

78. - On peut ajouter que, d'un point de vue technique, la multi-


plication des dispositions pénales a conduit à un éclatement du
droit pénal général très préjudiciable à la cohérence de la matière.
En même temps qu'il crée des infractions nouvelles, le législateur a
parfois tendance à leur appliquer un régime juridique spécifique.
Ainsi, sans nécessité évidente, un régime spécial de récidive est
prévu par l'article L. 17 du code des postes et télécommunications
pour la répression de la violation du monopole de la Poste dans « le
transport des lettres ainsi que des paquets n'excédant pas le poids de
1 kilogramme ».
Devant l'impuissance et l'inadéquation du droit pénal dans ces
domaines nouveaux, le législateur a eu tendance à lui substituer
des mécanismes de sanction administrative, ajoutant ainsi à la
confusion.

D. L ' é m e r g e n c e d ' u n o r d r e r é p r e s s i f a d m i n i s t r a t i f :
du droit pénal à la matière pénale
79. - Le développement de la répression administrative.
L'attribution à l'administration d'un pouvoir de sanction autre que
disciplinaire n'est pas un phénomène nouveau. Ainsi, le préfet dis-
pose depuis la loi du 21 avril 1951 (auj., art. L. 18 et L. 18-1
C. route) du droit de suspendre le permis de conduire, mesure
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administrative qui est une peine lorsqu'elle est prononcée par une
juridiction. Mais le phénomène a pris au cours de ces dernières
années une ampleur considérable.
On se bornera à citer quelques unes des nombreuses études parues
sur cet important sujet : M. Delmas-Marty et C. Teitgen-Colly, Punir
sans juger : de la répression administrative au droit administratif pénal,
Economica, 1992 ; M. Delmas-Marty, « Code pénal d'hier, droit pénal
d'aujourd'hui, matière pénale de demain », D., 86, chr., p. 27 ;
M. Dobkine, « L'ordre répressif administratif », D., 1993, chr. p. 157 ;
Joly-Sibuet et Varinard, « Les problèmes juridiques et pratiques posés
par la différence entre droit pénal et droit administratif pénal », RIDP,
1988, p. 189 ; Franck Moderne, Sanctions administratives et justice
constitutionnelle, Economica, 1993 ; de Naule, « L'évolution législative
vers un système punitif administratif », RDPC, 1989, p. 337.
L'une des manifestations les plus frappantes du phénomène est
l'attribution d'un pouvoir de sanction à des autorités administra-
tives indépendantes chargées de réguler des secteurs entiers de la
vie sociale et économique, tels, entre autres, le Conseil de la concur-
rence (créé par l'ordonnance du 1er décembre 1986), le Conseil supé-
rieur de l'audiovisuel (CSA, créé par la loi du 17 janvier 1989), la
Commission des opérations de Bourse (COB, créée par la loi du
2 août 1989). Ces autorités peuvent prononcer des sanctions admi-
nistratives extrêmement lourdes. Le Conseil de la concurrence est
en droit infliger des amendes pouvant atteindre 3 % du chiffre
d'affaires hors taxes si le contrevenant est une entreprise et
10 millions de francs dans les autres cas. Le CSA est également
habilité à prononcer des amendes égales à 3 % du chiffre d'affaires
hors taxes. Quant à la COB, les amendes qu'elle peut infliger s'élè-
vent jusqu'à 10 millions de francs, voire au-delà, jusqu'au décuple
des bénéfices illicites réalisés.
80. - L a s o u m i s s i o n de l a r é p r e s s i o n a d m i n i s t r a t i v e a u
p r i n c i p e d u d r o i t p é n a l . Le danger de telles dispositions est évi-
demment de permettre d'infliger des sanctions tout aussi graves
que les sanctions pénales sans appliquer les règles protectrices du
droit pénal et de la procédure pénale sous prétexte que ces sanc-
tions ne sont qu'administratives.
e La Cour européenne des droits de l'homme a bien vu ce dan-
ger. Elle a en effet décidé dans son arrêt Oztürk du 21 février 1984
(Publications de la Cour, vol. 73) rendu à propos d'infractions admi-
nistratives en matière routière que, quelles que soient leurs qualifi-
cations juridiques nationales, l'application de certaines sanctions
relevant de la matière pénale supposait le respect de garanties élé-
mentaires concédées aux personnes poursuivies pénalement et ins-
crites dans l'article 6 de la Convention. Selon la Cour, « si les Etats
contractants pouvaient à leur guise qualifier une infraction de disci-
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plinaire plutôt que de pénale, ou poursuivre l'auteur d'une infraction


mixte sur le p l a n disciplinaire de préférence à la voie pénale, le jeu
des clauses fondamentales des articles 6 et 7 se trouverait subor-
donné à leur volonté souveraine ».
La Cour a défini la matière pénale selon un critère matériel : « Le
caractère général de la norme sanctionnée et le but à la fois préventif
et répressif de la sanction ». On voit que cette définition déborde net-
tement celle, juridique, du droit pénal pour embrasser l'ensemble du
droit répressif, dont le droit pénal n'est qu'un des aspect, même s'il y
occupe une place centrale. C'est ainsi, par exemple, que la Cour a
intégré dans la matière pénale les sanctions fiscales prévues en
France par le code général des impôts (CEDH, 24 févr. 1994, Bende-
doun cI France, JCP, 1995, éd. G, II, 22372, note S.-N. Frommel) ou
encore le retrait de points du permis de conduire (CEDH, 23 sept.
1998, Malige cI France, JCP, éd. G, II, 10086, note F. Sudre ;
Dr. pén., 1999, comm. 87, J.-H. Robert, « Circulation routière : touché
mais pas coulé » ; RSC, 1999, p. 145, obs. F. Massias).
0 S'engageant dans la voie ouverte par la Cour de Strasbourg, le
Conseil constitutionnel français a appliqué à des sanctions qualifiées
de non pénales certains des principes fondamentaux du droit pénal.
Ainsi, dans sa décision n° 87-237 DC, du 30 décembre 1987 (JO,
31 déc., p. 15761), il a annulé l'institution d'une amende fiscale dont
le montant lui paraissait « manifestement disproportionné » à la faute
et donc contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme
de 1789. Par sa décision n° 89-268 DC, du 29 décembre 1989 (JO, 30
déc., p. 16498, L. Favoreu et L. Philip, n° 35, § 11, 16, 23), il a égale-
ment annulé l'établissement d'une amende fiscale au motif que le
relèvement de cette amende se faisait par des procédés administratifs
contraires aux droits de la défense. Enfin, dans une formule désor-
mais classique reproduite dans de nombreuses décisions, la Haute
Juridiction souligne que les principes de légalité, de non-rétroactivité
des peines et de nécessité des peines « s'étendent à toute sanction
ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin
de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle » (v. not.,
Cons. const. n° 92-307 DC, du 25 fév. 1992 ; n° 93-325 DC, du
13 août 1993 ; v. infra, n° 273). Il reste que, sur de nombreux points,
le régime juridique applicable aux sanctions administratives est
moins protecteur que celui applicable aux sanctions pénales. Il n'y a
donc qu'assimilation partielle des premières aux secondes.
• Enfin, la Cour de justice des Communautés européennes suit une
logique identique s'agissant des sanctions administratives que peut
infliger la Commission en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Coexistent donc désormais deux ordres répressifs dominés par
des principes communs issus du droit pénal, sans que les critères
du choix entre la sanction administrative et la sanction pénale
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apparaissent toujours très clairement. Dans cette nébuleuse que


constitue la matière pénale, le Code pénal demeure le noyau
central, le pôle de référence. Le code de 1810 avait cependant pro-
fondément vieilli et participait en réalité à la désorganisation de
l'ensemble. Une remise en ordre du droit pénal passait donc néces-
sairement par sa refonte.

§ 4. L a r é f o r m e d u C o d e p é n a l
81. - La réforme du Code pénal constitue un événement majeur,
dont il convient de rappeler les raisons (A) et l'historique (B), avant
d'en faire une présentation générale (C).

Le lecteur souhaitant approfondir la question pourra se reporter aux


articles ou ouvrages suivants : J. Pradel, « Le nouveau Code pénal (partie
générale) », ALD, 1993, comm. législ. p. 163 et collection Dalloz service ;
même auteur, « Le nouveau Code pénal français, aperçu sur sa partie
générale », RDPC, 1993 p. 923 ; « Le nouveau Code pénal », RSC, 1993,
n° 3 (juillet-septembre), avec la participation de B. Bouloc,
J.-F. Chassaing, P. Couvrat, V. Dervieux, G. Giudicelli-Delage, G. Lhoro,
B. Pasquié et P. Poncela, avant-propos de M. Delmas-Marty, repris dans
un tiré à part éd. Dalloz ; G. Vermelle, Le nouveau droit pénal, Connais-
sance du droit, Dalloz 1994 ; Le nouveau Code pénal, mode d'emploi, pré-
face de M. Vauzelle, éd. 10/18 ; Le nouveau Code pénal, enjeux et perspec-
tives (actes du colloque organisé par le ministère de la Justice les 27 et
28 janvier 1994 à la Sorbonne, sous la présidence de P. Méhaignerie, avec
la participation de P. Boucher, B. Bouloc, J.-L. Bruguière, G. Camps,
M.-E. Cartier, F. Colcombet, F. Commenville, P. Culié, J.-M. Darrois,
A. Decocq, H. Dontenwille, P. Drai, O. Dutheillet de Lamothe, F. Falletti,
J. Francillon, G. Gouzes, B. Gravet, J.-J. Hyest, C. Jolibois, J. Larché,
J. Lautour, J. Léauté, J.-Y. Leborgne, C. Le Gunehec, Y. Mayaud,
J. Pradel, J.-H. Robert, G. Roujou de Boubée, Y. Roumajon,
F. Saint-Pierre, F. Staechele, J.-M. Varaut, C. Zambeaux), Dalloz, coll.
Thèmes et commentaires, juin 1994 ; F. Desportes et F. Le Gunehec,
« Premier aperçu de la réforme du Code pénal », JCP, août 1992,
actualités ; mêmes auteurs, « Présentation des dispositions du nouveau
Code pénal », JCP, 1992, éd. G, I, 3615 et Droit pénal, n° spécial, Le nou-
veau Code pénal, éd. Techniques, avant-propos de J.-H. Robert ; F. Des-
portes et F. Le Gunehec, « Réforme de la partie réglementaire du Code
pénal », JCP, mai 1993, Actualités ; M. Pralus, « L'ombre portée du nou-
veau Code pénal », JCP, 1994, éd. G, I, 3741 ; H. Seillan, « Le nouveau
Code pénal et la santé/sécurité du travail », ALD, 1994, p. 209. ; « Le nou-
veau Code pénal, normes et société », Les Cahiers de la sécurité intérieure,
IHESI, n° 18, 4e trimestre 1994, avec la participation de J.-F. Chassaing,
J. Pradel, L. Assier-Andrieu, R. Gassin, F. Palazzo, H. Leclerc,
J.-M. Varaut, P. Lascoumes, C. Chocquet ; J.-H. Robert, « L'enfance du
nouveau Code pénal», Dr. pén., 1996, chr. n° 42 ; P. Poncela,
P. Lascoumes, Réformer le Code pénal, où est passé l'architecte ?, PUF,
1998, Les voies du droit.
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A. Les r a i s o n s d e l a r é f o r m e d u Code p é n a l

82. - La refonte du Code pénal était devenue indispensable en


raison du vieillissement du code de 1810, mais également pour que
la France ne reste pas en dehors du mouvement de rénovation des
législations pénales européennes.

83. - Le v i e i l l i s s e m e n t d u Code p é n a l d e 1810. Aux défauts


originaires du Code pénal de 1810 s'en étaient ajouté, avec le
temps, beaucoup d'autres.
• S'agissant du droit pénal spécial, le code de 1810 était évidem-
ment incomplet. Comme on l'a vu, la très grande majorité des incri-
minations créées au cours des dernières décennies ont été disper-
sées dans des lois particulières ou d'autres codes. Certes, quoique
regrettable, cette dispersion se comprend chaque fois que les dispo-
sitions nouvelles sanctionnent des prescriptions techniques aux-
quelles elles sont indissociablement liées. Mais tel n'est pas tou-
jours le cas, la multiplication désordonnée des incriminations nou-
velles, facilitée par leur éclatement, étant au surplus et en tout état
de cause condamnable.
Par ailleurs, en ce qui concerne les infractions « classiques » le
code de 1810 présentait de graves défauts. Modifié à de nombreuses
reprises et à des époques différentes, il avait perdu toute unité
d'inspiration. Certaines parties avaient été réformées à une époque
récente (les violences, le vol, notamment), tandis que d'autres
n'avaient pas fait l'objet d'intervention législative depuis l'Empire
ou, en tout cas, le XIXe siècle. La fonction expressive du Code pénal
s'en trouvait affectée. Il exprimait en effet une hiérarchie des
valeurs qui n'était pas le reflet de la conscience sociale actuelle, ni
même antérieure du reste, mais le résultat de réformes fragmen-
tées, une sorte de coupe géologique.
• S'agissant du droit pénal général, la situation était plus préoc-
cupante, dans la mesure où la cohérence d'ensemble de la législa-
tion pénale ne pouvait s'ordonner qu'autour de ses principes. Or, le
code de 1810 était sur ce point très incomplet. Nombre de questions
fondamentales faisaient l'objet de développements jurisprudentiels
ou étaient traitées dans d'autres codes, en particulier dans le Code
de procédure pénale.
Au-delà de ces inconvénients formels, les règles générales posées
étaient souvent méconnues. Il en était ainsi notamment de celles
relatives à l'échelle des peines, auxquelles dérogeait fréquemment
le législateur dans la partie spéciale. Ainsi, le trafic de stupéfiants
était passible de vingt ans d'emprisonnement et le viol de dix ans
de réclusion criminelle. Moins grave par sa nature correctionnelle,
la première infraction était pourtant punie d'une peine plus lourde
que la seconde de nature criminelle. Comment établir une échelle
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de gravité entre les infractions et, partant, entre les valeurs proté-
gées, si l'instrument de mesure est déréglé ?
a D'une manière générale, s'agissant tant du droit pénal général
que du droit pénal spécial, l'efficacité répressive du Code pénal était
devenue insuffisante face aux formes modernes de délinquance, comme
la criminalité organisée ou les atteintes de toute nature résultant de
l'activité, sans cesse croissante, des groupements économiques.
Enfin, le code de 1810 n'était guère accessible aux non-juristes
en raison, notamment, de la rédaction des incriminations, de leur
classement souvent confus et de l'origine jurisprudentielle d'un
grand nombre de règles importantes. Cette absence de clarté est
regrettable quelle que soit la législation. Elle l'est particulièrement
en matière pénale, car le citoyen doit avoir une connaissance aussi
précise que possible de ce qui est permis et interdit. Pour être pro-
tectrice, expressive et dissuasive, la règle pénale doit être connue.
En grossissant le trait, on pourrait comparer le droit pénal à la
veille de la réforme du Code pénal à certains de nos paysages
urbains, faits pour partie d'immeubles flambant neufs, mal conçus
et donc totalement inoccupés, d'immeubles vétustés, désertés depuis
longtemps, et de quelques quartiers surpeuplés, le tout organisé
selon un plan d'occupation des sols incertain...
En définitive, pour reprendre les griefs formulés dans l'exposé
des motifs du projet de réforme déposé en 1986 par Robert Badin-
ter, notre ancien code était devenu obsolète en raison de son carac-
tère « archaïque, inadapté, contradictoire et incomplet ».

84. - Les exemples é t r a n g e r s . De nombreux pays étrangers,


notamment dans la Communauté européenne, s'étaient plus ou
moins récemment dotés de nouveaux codes pénaux, ou se propo-
saient de le faire. Tel était notamment le cas de l'Italie, la Suisse, la
Grèce, l'Allemagne fédérale, l'Autriche, l'Espagne ou l'Angleterre. Il
paraissait dès lors difficilement concevable que la France ne parti-
cipe pas également à ce puissant mouvement de rénovation.

B. H i s t o r i q u e de l a r é f o r m e d u Code p é n a l
85. - Les p r é c é d e n t s avortés. L'idée de réformer dans son
ensemble le Code pénal napoléonien est relativement ancienne,
puisqu'une commission avait été instituée à cette fin en 1887. La
première tentative d'importance date toutefois de 1934, avec
l'avant-projet dit « Code pénal Matter », du nom du procureur géné-
ral près la Cour de cassation qui avait présidé à son élaboration. Ce
projet ne connut pas de consécration législative en raison de la
guerre et de l'Occupation. À compter de 1966, des travaux de
réforme furent de nouveau entrepris, sous l'impulsion du garde des
sceaux J e a n Foyer, mais ils restèrent sans lendemain.
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L'aboutissement de l'actuelle réforme fait suite à un travail gou-


vernemental et parlementaire particulièrement long et laborieux,
puisqu'il a commencé il y a plus de vingt ans (1), et que l'entrée en
vigueur du texte qui en est issu a été plusieurs fois reportée (2).
1) U n e r é f o r m e l o n g u e e t l a b o r i e u s e
86. - Bien qu'elles se chevauchent, on peut distinguer deux pha-
ses dans la réforme du Code pénal : celle dominée par les travaux
de la commission de révision et celle dominée par les travaux parle-
mentaires.
a) Les travaux de la commission. C'est en 1974 qu'une commis-
sion de révision composée de praticiens et d'universitaires 1, qui
avait officieusement commencé ses travaux un an plus tôt, à la
demande du ministre de la Justice J e a n Taittinger, fut officielle-
ment installée par le nouveau ministre J e a n Lecanuet (décret du
8 nov. 1974). Cette commission rendit public un premier avant-pro-
jet de la partie générale du nouveau code en juillet 1976, puis,
après avoir recueilli les observations des praticiens et des ensei-
gnants, un second avant-projet, qualifié de « définitif », publié en
1978. Ce second document, qui comportait trois titres (la loi pénale,
la personne - punissable et non punissable - et la sanction), fut
vivement critiqué au cours du premier congrès de l'association fran-
çaise de droit pénal, tenu à Pau en septembre 1978 (RIDP, 1980,
p. 1 et s.). Les conclusions de ce congrès demandaient notamment
« qu'il soit fait expressément référence aux concepts de faute, de
culpabilité et de responsabilité qui sont nécessairement sous-jacents
à tout système pénal ». Ces concepts ne se retrouvaient pas dans le
projet, très fortement inspiré par les théories de la défense sociale
nouvelle. Au début de l'année 1981, furent publiées les parties de
droit pénal spécial consacrées aux atteintes aux personnes et aux
biens.

1. Présidée par M. M. Aydalot, premier président de la Cour de cassation, la


commission de révision était composée en 1975 de MM. A. Touffait, procureur géné-
ral près la Cour de cassation, J. Coucoureux, avocat général près la cour d'appel de
Paris, G. Denis, inspecteur général de la police nationale, R. Floriot, avocat à la cour
d'appel de Paris, J. Léauté, professeur à l'université de droit, d'économie et de sciences
sociales de Paris, E. Robert, conseiller référendaire à la Cour de cassation, J. Robert,
procureur général près la cour d'appel de Pau, F. Sarda, avocat à la cour d'appel de
Paris, A. Vitu, professeur à l'université de droit de Nancy, et C. Le Gunehec, direc-
teur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice. Étaient égale-
ment nommés, en 1976, M. G. Chavanon, procureur général près la Cour de cassa-
tion, en remplacement de M. Touffait, et Me G. Senechal-Lereno, avocat à la cour
d'appel de Paris, en remplacement de Me Floriot, décédé. En 1980, M. G. Chavanon
était nommé président de la commission, fonction qu'il assurait officieusement
depuis 1978, M. P. Mongin, président de la chambre criminelle de la Cour de cassa-
tion, était nommé vice-président et M. P. Malaval, conseiller à la Cour de cassation,
remplaçait M. J. Coucoureux, démissionnaire.
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Après le changement politique de 1981, et à partir du mois de


novembre de la même année, Robert Badinter assura, en sa qualité
de garde des sceaux, la présidence de la commission de révision,
dont la composition avait été en partie renouvelée 1. Sous cette
impulsion décisive, la commission procéda à la refonte et au déve-
loppement des textes rédigés avant 1981. Ce travail fut achevé en
1982 pour la partie générale, rendue publique en 1983, et en 1985
pour les parties concernant les atteintes aux personnes et aux
biens.
En 1986, Robert Badinter fit adopter par le Conseil des minis-
tres et déposa sur le bureau du Sénat un projet de loi portant
réforme du Code pénal comprenant les trois premiers livres du nou-
veau code, respectivement consacrés aux dispositions générales, aux
crimes et délits contre les personnes et aux crimes et délits contre
les biens. Ce texte était directement inspiré - en dépit de notables
différences - des avant-projets de 1983 et 1985. Déposé à la veille
d'un changement prévisible de majorité, il correspondait essentielle-
ment à un geste politique. Le texte était au demeurant incomplet,
puisque n'y figuraient pas en particulier les dispositions réprimant
les atteintes à la « chose publique » dont la refonte n'avait pu être
achevée à temps par la commission de révision. Personne ne son-
geait alors sérieusement que ce projet pût un jour prospérer. La
commission cessa d'ailleurs de se réunir pendant la période de
« cohabitation » et, selon toute probabilité, le projet Badinter était
destiné à dormir éternellement dans les tiroirs de la Haute Assem-
blée.
b) La discussion parlementaire. La surprise fut donc grande
lorsque, après sa réélection, le Président de la République François
Mitterrand déclara, au cours de la présentation télévisuelle de ses

1. Les membres de la commission renouvelée en 1981 étaient MM. P. Mongin,


président de chambre honoraire à la Cour de cassation, P. Bouchet, conseiller d'État,
A. Braunschweig, président de chambre honoraire à la Cour de cassation, Mmes M.
Delmas-Marty, professeur à la faculté de droit, d'économie et de sciences sociales à
l'université Paris-XI, M. Imbert-Quaretta, sous-directeur de l'administration péni-
tentiaire au ministère de la Justice, MM. G. Kiejman, avocat au barreau de Paris,
P. Malaval, conseiller honoraire à la Cour de cassation, E. Robert, avocat général
près la Cour de cassation, J. Robert, procureur général honoraire, Y. Roumajon,
médecin-psychiatre, Mme G. Senechal-Lereno, ancien avocat, M. A. Vitu, professeur
à l'université de droit de Nancy, et le directeur des affaires criminelles et des grâces
(M. Jeol puis B. Cotte). En 1982, étaient nommés M. G. Levasseur, professeur hono-
raire à la faculté de droit, d'économie et de sciences sociales à l'université Paris-II,
en remplacement de M. Vitu, démissionnaire, et M. P. Robert, directeur du centre de
recherche sur le droit et les institutions pénales. En 1984, était nommé M. P. Chas-
poul, procureur de la République honoraire. Les membres de la commission furent
successivement assistés par MM. C. Feuillard, D. Guerin, P. Castel et J.-P. Mazon et
Mmes C. Nocquet, M. Barbarin et M. Zerbib, magistrats à la Chancellerie. Le secré-
tariat était assuré par M. F. Caillet, attaché d'administration.
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vœux aux Français pour la nouvelle année 1989, que la réforme du


Code pénal constituait « l'une des priorités de son second
septennat 1 ». La discussion parlementaire du texte, qui fut alors,
par commodité, divisé en trois projets de lois distincts (un projet
par livre), débuta au printemps 1989.
Le garde des sceaux, Pierre Arpaillange, conduisit la discussion
sur le livre Ier. Georges Kiejman, ministre délégué auprès du minis-
tre de la Justice, la poursuivit sur les autres livres.
Dans le même temps, la commission de révision reprit ses travaux
pour préparer le livre IV du futur code, consacré aux crimes et délits
contre la nation, l'État et la paix publique. Il revint à Michel Sapin,
ministre délégué à la Justice, qui avait repris la discussion parlemen-
taire sur les livres II et III, de déposer en juin 1991 à l'Assemblée
nationale le projet de loi contenant les dispositions de ce livre IV.
En juillet 1992, après plus de trois années de débats parlemen-
taires conclus par le garde des sceaux Michel Vauzelle, les quatre
projets de loi portant réforme du Code pénal étaient définitivement
adoptés par l'Assemblée nationale et le Sénat. Ces quatre lois ont
été promulguées le 22 juillet 1992.
Le Parlement demeurait cependant saisi d'un cinquième projet
de loi déposé en mars 1992 par Michel Vauzelle. Ce texte, commu-
nément désigné sous le nom de loi d'adaptation, avait pour objet de
fixer la date d'entrée en vigueur de la réforme et de procéder aux
très nombreux aménagements de notre droit imposés par celle-ci. Il
fut promulgué le 16 décembre 1992 2. Le Sénat le compléta au cours
des débats par des dispositions ajoutant dans le nouveau Code
pénal un livre V consacré aux « autres crimes et délits », sorte de
« coquille vide » destinée à contenir ultérieurement les infractions
actuellement disséminées dans d'autres codes ou non codifiées.
Ces différentes lois furent complétées par le décret du 29 mars
1993, qui fixait la partie réglementaire du nouveau code et en parti-
culier le livre VI consacré aux contraventions.

La technique parlementaire retenue mérite quelques observations,


en raison de son caractère tout à fait exceptionnel.

1. Pour la petite - ou la grande - histoire, certains remarquèrent que le Prési-


dent de la République avait passé ses vacances de Noël avec le président du Conseil
constitutionnel, Robert Badinter, et que ce fait n'était pas étranger à la volonté pré-
sidentielle de « réactiver » la réforme du Code pénal.
2. Compte tenu de l'importance de leur rôle, il faut citer ici les parlementaires
désignés comme rapporteurs de ces cinq projets de lois. Pour le Sénat : MM.
M. Rudloff (livres Ier et III), C. Jolibois (livres II et III), P. Masson (livre IV) et
B. Laurent (loi d'adaptation). Pour l'Assemblée nationale : MM. P. Marchand
(livre Ier), M. Pezet (livre II), J.-J. Hyest (livre III), F. Colcombet (livre IV) et
A. Vidalies (loi adapt.). La commission des lois du Sénat était présidée par M. J. Lar-
ché, celle de l'Assemblée par M. M. Sapin, puis par M. G. Gouzes.
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• E n p r e m i e r lieu, le S é n a t s ' o p p o s a à ce q u e la d i s c u s s i o n des l i v r e s


s p é c i a u x soit e n g a g é e a v a n t q u ' u n a c c o r d n ' i n t e r v i e n n e e n t r e les d e u x
c h a m b r e s s u r le l i v r e Ier. D ' i m p o r t a n t e s d i v e r g e n c e s , n o t a m m e n t s u r
l ' é t e n d u e de la r e s p o n s a b i l i t é des p e r s o n n e s m o r a l e s , la l é g i t i m e d é f e n s e
des b i e n s e t l a p é r i o d e de s û r e t é , o p p o s a i e n t e n effet le S é n a t à l ' A s s e m -
b l é e n a t i o n a l e , ce qui r e n d a i t t r è s difficile l a p o u r s u i t e d ' u n e d i s c u s s i o n
u t i l e s u r les t e x t e s de d r o i t p é n a l spécial. C e t t e e x i g e n c e logique - m a i s
qui r e t a r d a i t c o n s i d é r a b l e m e n t les d é b a t s - f u t a c c e p t é e p a r le G o u v e r -
n e m e n t . A p r è s de l o n g u e s e t difficiles d i s c u s s i o n s , les p a r l e m e n t a i r e s ,
r é u n i s e n c o m m i s s i o n m i x t e p a r i t a i r e , se m i r e n t d'accord, e n a v r i l 1991,
s u r u n t e x t e c o m m u n . C e t a c c o r d p e r m i t d ' i n s c r i r e les l i v r e s s u i v a n t s à
l ' o r d r e d u j o u r des a s s e m b l é e s .
e E n s e c o n d lieu, il n ' é t a i t p a s p o s s i b l e q u e d i f f é r e n t s l i v r e s d u n o u -
v e a u C o d e p é n a l e n t r e n t e n v i g u e u r de façon s u c c e s s i v e , ce q u i a u r a i t
f a i t c o e x i s t e r d e s p a r t i e s d u n o u v e a u e t d e l ' a n c i e n code p l u s ou m o i n s
i n c o m p a t i b l e s e n t r e elles. Il f u t donc décidé de b l o q u e r l a d i s c u s s i o n d e
c h a q u e l i v r e j u s t e a v a n t l e u r a d o p t i o n d é f i n i t i v e (en p r a t i q u e a p r è s
l ' i n t e r v e n t i o n des a c c o r d s de c o m m i s s i o n m i x t e p a r i t a i r e , q u i d u t e n
effet ê t r e r é u n i e s u r c h a c u n des t e x t e s ) , e t d ' a d o p t e r d é f i n i t i v e m e n t les
d i f f é r e n t s p r o j e t s lors d ' u n e s e s s i o n c o m m u n e (ce q u i f u t f a i t e n
j u i l l e t 1992).

2) U n e e n t r é e e n v i g u e u r p l u s i e u r s f o i s r e p o r t é e

87. - Sous réserve de certaines difficultés d'ordre constitutionnel


(infra, n° 339), p e r s o n n e n e d o u t a i t qu'il é t a i t i n d i s p e n s a b l e , e n rai-
son de l ' a m p l e u r de la réforme, de prévoir u n c e r t a i n délai e n t r e l a
d a t e d ' a d o p t i o n d e s n o u v e a u x t e x t e s et celle de l e u r e n t r é e e n
v i g u e u r . Celle-ci f u t p l u s i e u r s fois r e p o r t é e , ce q u i p u t f a i r e c r o i r e à
c e r t a i n s q u e le n o u v e a u C o d e p é n a l , a p r è s a v o i r é t é si l o n g à a d o p -
ter, ne serait peut-être j a m a i s appliqué...

Le p r o j e t de loi d ' a d a p t a t i o n p r o p o s a i t c o m m e d a t e d ' e n t r é e e n


v i g u e u r le 1er m a r s 1993, le G o u v e r n e m e n t s o c i a l i s t e s o u h a i t a n t é v i t e r
q u e l ' a p p l i c a t i o n d u n o u v e a u code s o i t r e p o r t é e a p r è s les é l e c t i o n s légis-
l a t i v e s de 1993. C o n s i d é r a n t q u e c e t t e d a t e é t a i t t r o p r a p p r o c h é e , le
S é n a t p r é f é r a u n r e p o r t a u 1er j a n v i e r 1994. U n c o m p r o m i s avec
l ' A s s e m b l é e n a t i o n a l e p e r m i t de r e t e n i r l a d a t e d u 1er s e p t e m b r e 1993,
qui f u t donc celle fixée p a r la loi d ' a d a p t a t i o n d u 16 d é c e m b r e 1992.
C e t t e d a t e d u 1er s e p t e m b r e f u t t o u t e f o i s r e m i s e e n c a u s e p a r le n o u -
v e a u G o u v e r n e m e n t , p o u r des raisons p u r e m e n t p r a g m a t i q u e s . Le nou-
v e a u g a r d e d e s s c e a u x , P i e r r e M é h a i g n e r i e , c o n s t a t a e n effet q u e les
j u r i d i c t i o n s n ' é t a i e n t p a s e n é t a t d e f a i r e face à l a r é f o r m e à l a d a t e p r é -
vue. D ' u n e p a r t , l ' a d a p t a t i o n p r é a l a b l e de l ' i n f o r m a t i q u e j u d i c i a i r e ,
d é s o r m a i s i n d i s p e n s a b l e a u f o n c t i o n n e m e n t des t r i b u n a u x , é t a i t e n c o r e
loin d ' ê t r e a c h e v é e . D ' a u t r e p a r t , les p r a t i c i e n s n ' a v a i e n t p a s e u le
t e m p s de se f a m i l i a r i s e r avec les n o u v e a u x t e x t e s , l e u r e n t i è r e é n e r g i e
a y a n t é t é c o n s a c r é e à l ' a p p l i c a t i o n , à p a r t i r d u 1er m a r s 1993, de
l ' i m p o r t a n t e r é f o r m e de p r o c é d u r e p é n a l e à l a q u e l l e a v a i t p r o c é d é la loi
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d u 4 j a n v i e r 1993. L ' e n t r é e e n v i g u e u r d u n o u v e a u C o d e p é n a l f u t a i n s i
r e p o u s s é e de six mois, j u s q u ' a u 1er m a r s 1994, p a r u n e loi d u
19 j u i l l e t 1993.
Ce d é l a i s u p p l é m e n t a i r e f u t m i s à p r o f i t p o u r p r é p a r e r l ' e n t r é e e n
v i g u e u r de l a r é f o r m e d a n s de m e i l l e u r e s c o n d i t i o n s , t a n t e n ce qui
c o n c e r n e l ' a d a p t a t i o n d e l'outil i n f o r m a t i q u e q u e l a f o r m a t i o n des p r a t i -
c i e n s (la p l u p a r t des difficultés r é s u l t a n t d e s m o d i f i c a t i o n s p r o c é d u r a l e s
i n t e r v e n u e s d é b u t 1993 a y a n t q u a n t à elles é t é s u p p r i m é e s p a r u n e loi
d u 2 4 a o û t 1993).
Il p e r m i t é g a l e m e n t a u n o u v e a u G o u v e r n e m e n t de p r o c é d e r , a v a n t
m ê m e l ' e n t r é e e n v i g u e u r de l a r é f o r m e , à l a m o d i f i c a t i o n de c e r t a i n e s
d e ses d i s p o s i t i o n s (ce f u t n o t a m m e n t l'objet de l a loi d u 1er f é v r i e r 1994
i n s t i t u a n t u n e p e i n e d i t e « i n c o m p r e s s i b l e » p o u r les a s s a s s i n s v i o l e u r s
d ' e n f a n t s ) , e t de c o m p l é t e r , s u r des q u e s t i o n s t e c h n i q u e s c o n c e r n a n t
n o t a m m e n t le c a s i e r j u d i c i a i r e d e s p e r s o n n e s m o r a l e s , le d é c r e t d u
29 m a r s 1993 ( d é c r e t d u 25 f é v r i e r 1994).

E n d é f i n i t i v e , l e 1er m a r s 1 9 9 4 ( à 0 h e u r e ) , p l u s d e v i n g t a n s
a p r è s le c o m m e n c e m e n t d e s t r a v a u x d e l a c o m m i s s i o n d e r é v i s i o n ,
e n t r a i e n t e n v i g u e u r les dispositions d u n o u v e a u Code pénal, qu'il
c o n v i e n t m a i n t e n a n t de p r é s e n t e r .

C. P r é s e n t a t i o n g é n é r a l e d e l a r é f o r m e d u C o d e p é n a l

Q u e l q u e s o b s e r v a t i o n s l i m i n a i r e s c o n c e r n a n t les différents textes


d o n t e s t i s s u e la r é f o r m e d u C o d e p é n a l a i n s i q u e les caractéris-
tiques g é n é r a l e s de cette r é f o r m e p a r a i s s e n t n é c e s s a i r e s a v a n t de
p r é s e n t e r son c o n t e n u , a u r e g a r d des objectifs r e c h e r c h é s p a r ses
auteurs.

U n e i m p o r t a n t e précision terminologique s'impose a u p a r a v a n t :


l ' e x p r e s s i o n « n o u v e a u Code p é n a l » n ' a p a s de v a l e u r j u r i d i q u e , e t il n e
s ' a g i t p a s de l a n o u v e l l e d é n o m i n a t i o n d u Code p é n a l , c o m m e il e x i s t e
u n N o u v e a u Code d e p r o c é d u r e civile ou u n N o u v e a u Code r u r a l . Le
c o n t e n u d u Code p é n a l de 1810 a é t é e n t i è r e m e n t modifié, m a i s son inti-
t u l é reste i n c h a n g é . L e p r é s e n t o u v r a g e f a i t d ' a i l l e u r s n o r m a l e m e n t réfé-
r e n c e a u « C o d e p é n a l », s a n s p l u s de p r é c i s i o n , p o u r d é s i g n e r des dispo-
s i t i o n s d u code d a n s s a r é d a c t i o n a c t u e l l e , p o s t é r i e u r e a u 1er m a r s 1994.
Il d e m e u r e q u e , . p a r c o m m o d i t é de l a n g a g e , l ' e x p r e s s i o n « n o u v e a u C o d e
p é n a l » e s t é g a l e m e n t e m p l o y é e - à l ' i n s t a r d ' a i l l e u r s d u l é g i s l a t e u r qui
l ' u t i l i s e d a n s l ' i n t i t u l é des lois des 16 d é c e m b r e 1992, 19 j u i l l e t 1993 e t
1er f é v r i e r 1994. D e m ê m e , il est, p a r s y m é t r i e , f a i t r é f é r e n c e à « l ' a n c i e n
C o d e p é n a l » p o u r d é s i g n e r les d i s p o s i t i o n s o r i g i n e l l e s d u code n a p o l é o -
n i e n de 1810 ou, p l u s g é n é r a l e m e n t , les d i s p o s i t i o n s a n t é r i e u r e s a u
1er m a r s 1994.

89. - Les textes. La réforme du Code pénal é t a n t la consé-


q u e n c e d ' u n n o m b r e r e l a t i v e m e n t i m p o r t a n t d e t e x t e s (12 a u t o t a l ) ,
il p a r a î t s o u h a i t a b l e d ' e n f a i r e ici le r é c a p i t u l a t i f e x h a u s t i f .
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• Le corps m ê m e de l a r é f o r m e r é s u l t e :
- d e s q u a t r e lois nos 92-683 à 92-686 d u 22 j u i l l e t 1992, qui consti-
tuent les livres Ier à IV d u n o u v e a u code ;
- de la loi n° 92-1336 d u 16 d é c e m b r e 1992 relative à l'entrée en
v i g u e u r d u n o u v e a u Code p é n a l et à l a m o d i f i c a t i o n de c e r t a i n e s disposi-
tions de d r o i t p é n a l et de p r o c é d u r e p é n a l e r e n d u e nécessaire p a r cette
entrée en vigueur, dite « loi d ' a d a p t a t i o n », d o n t les 373 a r t i c l e s p r o c è d e n t
à de m u l t i p l e s a d a p t a t i o n s d a n s u n e t r e n t a i n e de codes ( d e p u i s le Code
de p r o c é d u r e p é n a l e j u s q u ' a u . . . code d u blé) e t u n e s o i x a n t a i n e de lois,
a p p o r t e n t c e r t a i n e s modifications « t e c h n i q u e s » a u x livres Ier à I V d u
n o u v e a u code, e t c r é e n t u n livre V c o n s a c r é a u x a u t r e s c r i m e s e t délits ;
- d u d é c r e t n° 93-726 d u 29 m a r s 1993 p o r t a n t réforme d u Code
p é n a l , qui fixe la p a r t i e r é g l e m e n t a i r e d u n o u v e a u code e t q u i a é t é
c o m p l é t é p a r le d é c r e t n° 94-167 d u 25 fév. 1994 ;
e L e s lois de 1992 o n t é t é m o d i f i é s p a r les lois s u i v a n t e s , a v a n t
m ê m e leur entrée en vigueur :
- loi n° 93-121 d u 27 j a n v . 1993 p o r t a n t d i v e r s e s m e s u r e s d ' o r d r e
social, d o n t l'art. 38 m o d i f i e l'art. 223-12 d u C. pén. r e l a t i f à l ' i n t e r r u p -
t i o n illégale de g r o s s e s s e ;
- loi n° 93-913 d u 19 j u i l l e t 1993, r e p o r t a n t l ' e n t r é e e n v i g u e u r d u
n o u v e a u C o d e p é n a l a u 1er m a r s 1994 ;
- loi n° 9 3 - 1 0 2 7 d u 24 a o û t 1993 r e l a t i v e à la m a î t r i s e de l ' i m m i g r a -
tion, m o d i f i a n t les d i s p o s i t i o n s s u r l ' i n t e r d i c t i o n d u t e r r i t o i r e n a t i o n a l
(art. 131-30 d u C. pén.) ;
- loi n° 93-1418 d u 31 d é c e m b r e 1993 p o r t a n t d i v e r s e s m e s u r e s rela-
tives à la m a î t r i s e de l ' i m m i g r a t i o n i n s t i t u a n t l ' a j o u r n e m e n t avec
« r é t e n t i o n j u d i c i a i r e » (art. 132-70-1 d u C. pén.).
- loi n° 94-89 d u 1er fév. 1994, i n s t i t u a n t u n e p e i n e i n c o m p r e s s i b l e et
relative a u n o u v e a u Code p é n a l (art. 221-4, 221-5, 227-26, 413-9 d u C.
pén.).
• Ces t e x t e s o n t p a r a i l l e u r s ê t r e s u i v i s p a r d e u x i m p o r t a n t e s circu-
l a i r e s g é n é r a l e s d ' a p p l i c a t i o n d u 14 m a i 1993 ( t o m e I, p a r t i e l é g i s l a t i v e )
e t d u 18 j a n v i e r 1994 ( t o m e II, p a r t i e r é g l e m e n t a i r e ) q u i c o m m e n t e n t de
façon t r è s c o m p l è t e les d i s p o s i t i o n s d e l a r é f o r m e . C e s c i r c u l a i r e s n ' o n t
é v i d e m m e n t a u c u n c a r a c t è r e n o r m a t i f ou obligatoire, et elles ne s'impo-
s e n t n u l l e m e n t a u x j u r i d i c t i o n s . C o m p t e t e n u t o u t e f o i s de l e u r i n t é r ê t
p o u r les p r a t i c i e n s , elles s e r o n t t r è s f r é q u e m m e n t , s u r t o u t celle d u
14 m a i 1993, citées p a r le p r é s e n t o u v r a g e .

90. - C a r a c t é r i s t i q u e s g é n é r a l e s de l'ensemble de la
r é f o r m e . L a réforme du Code pénal présente trois caractéristiques
p r i n c i p a l e s . T o u t e n c o n s t i t u a n t u n e r u p t u r e a v e c le p a s s é , elle
s ' i n s c r i t é g a l e m e n t d a n s l a c o n t i n u i t é . E n f i n , il s ' a g i t d ' u n e œ u v r e
de consensus.
0 Rupture. Cette rupture apparaît tout d'abord dans l'abrogation
de la totalité des dispositions de l'ancien Code pénal, à laquelle a
p r o c é d é l ' a r t i c l e 3 7 2 d e l a loi d ' a d a p t a t i o n d u 1 6 d é c e m b r e 1 9 9 2
( p o u r l e s a r t i c l e s 1er à 4 7 7 d e l a p a r t i e l é g i s l a t i v e ) e t l ' a r t i c l e 9 d u
d é c r e t d u 29 m a r s 1993 ( p o u r les dispositions de la p a r t i e r é g l e m e n -
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taire). Formellement, il ne reste donc plus rien, hormis « l'enve-


loppe », du code napoléonien. Cette rupture apparaît également,
d'une part, dans l'institution de concepts et mécanismes juridiques
totalement nouveaux en droit français, dont les plus remarquables
sont la responsabilité pénale des personnes morales et la mise en
danger délibérée et, d'autre part, dans l'importance de certaines des
modifications apportées aux règles anciennes, notamment en ce qui
concerne les peines.
• Continuité. La réforme du Code pénal marque également une
véritable permanence de notre droit. Le nouveau code conserve les
distinctions fondamentales, comme le couple responsabilité/peine ou
la classification tripartite des infractions. De nombreuses disposi-
tions ont comme un « air de famille » avec celles du précédent code,
et la filiation entre les deux textes est évidente. Surtout, de très
nombreux articles sont venus consacrer la jurisprudence élaborée
par la Cour de cassation pendant les presque deux siècles d'applica-
tion du code napoléonien.
• Consensus. Enfin, le point le plus remarquable est sans doute
que la réforme du Code pénal a été adoptée par la quasi-totalité de la
représentation nationale 1. Cette réforme n'a pas été imposée par une
majorité politique à une minorité, mais elle est le résultat d'un
consensus. Les différentes lois de 1992 ont été votées tant par l'Assem-
blée nationale, à majorité socialiste, que par le Sénat, alors dans
l'opposition (contrairement, par exemple, à la réforme de procédure
du 4 janvier 1993), et elles n'ont pas été remises en cause après le
changement de Gouvernement intervenu en 1993 (contrairement à la
loi du 4 janvier, profondément revue par la loi du 24 août 1993). Le
nouveau Code pénal n'est ni de gauche, ni de droite, et on ne peut
que s'en réjouir. Ce consensus n'a toutefois pas été obtenu facilement
et a exigé d'importants compromis. Il a fallu l'obstination de quelques
parlementaires, et notamment des présidents successifs de la com-
mission des lois de l'Assemblée nationale, Michel Sapin puis Gérard
Gouzes, et du président de la commission des lois du Sénat, Jacques
Larché, pour que, à force de concessions réciproques, des accords
inespérés puissent, in extremis, intervenir sur les différents textes, et
notamment sur les livres Ier et II (voir sur cette question les éclai-
rants propos tenus par MM. Gouzes et Larché eux-mêmes lors d'un
colloque organisé fin janvier 1994 par la Chancellerie, in Le nouveau
Code pénal, enjeux et perspectives, Dalloz, p. 9 à 16).
L'adoption consensuelle de la réforme du Code pénal a eu deux
conséquences. La première est que ni l'opposition (qui ne critiquait

1. Les quatre lois du 22 juillet 1992 ont été adoptées à l'Assemblée nationale par
261 voix sur 287 suffrages exprimés pour 557 votants (la « droite » choisissant une
« abstention positive ») et au Sénat par 300 voix sur 317 suffrages exprimés pour
318 votants, seul le groupe communiste votant contre dans les deux assemblées.
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pas le texte) ni la majorité (qui ne voulait pas prendre de risque)


n'ont saisi le Conseil constitutionnel. Celui-ci n'a donc pas eu l'occa-
sion de se prononcer sur la conformité du nouveau Code pénal à la
Constitution, ce qui, pour un texte de cette nature, est évidemment
regrettable. La seconde est que l'on serait bien en peine de trouver
des fondements doctrinaux bien déterminés dans le nouveau code.
Texte de compromis et donc d'équilibre, celui-ci est exempt de tout
dogmatisme et paraît plutôt inspiré par un certain pragmatisme.

Il doit être toutefois observé que le consensus ayant présidé à l'adop-


tion des lois de 1992 a ultérieurement été ébranlé sur trois points. En
premier lieu, à la suite d'un amendement socialiste d'origine parlemen-
taire, la loi du 27 janv. 1993 portant diverses mesures d'ordre social est
venue supprimer l'incrimination de l'avortement de la femme enceinte
sur elle-même (« l'auto-avortement »), qui figurait à l'article 223-12 du
livre II, et que le Sénat avait réussi à « imposer » à l'Assemblée natio-
nale - et au Gouvernement - lors de l'accord intervenu en juillet 1992.
Bien que dénonçant ce procédé comme une véritable trahison, le Sénat
n'a pas rétabli cette incrimination - pour le moins archaïque - à l'occa-
sion de la loi du 1er février 1994. Il s'agit donc là plus d'une évolution -
forcée - du consensus, plutôt qu'une lézarde dans celui-ci... En second
lieu, la loi du 24 août 1993 sur l'immigration a modifié, contre l'avis de
l'opposition socialiste et dans le sens d'une plus grande sévérité, les dis-
positions du nouveau code relatives à la peine d'interdiction du terri-
toire français, qui avaient pourtant fait l'objet d'un difficile compromis
en 1992. Enfin la loi du 1er février 1994 a institué une peine véritable-
ment incompressible, remettant en partie en cause le délicat équilibre
auquel le Parlement était parvenu sur la question de la période de
sûreté. Notons toutefois que, à la suite du changement de majorité
intervenu en 1997, la loi du 11 mai 1998 sur les étrangers est venue
« valider » les dispositions relatives à l'interdiction du territoire français
en n'apportant aux textes adoptés en 1993 que des modifications de
détail. De même, on peut se demander si la loi du 17 juin 1998 relative
aux infractions sexuelles, qui n'a pas remis en cause la peine incom-
pressible, ne constitue pas une approbation, tardive, de la loi de 1994.
Le nouveau Code pénal aurait donc plus ou moins retrouvé son carac-
tère consensuel, un moment fragilisé.
91. - A p p r é c i a t i o n d e l a r é f o r m e a u r e g a r d d e ses objectifs.
L'exposé des motifs du projet de 1986 indiquait que le nouveau
Code pénal devait constituer « un instrument unique et clair, expri-
mant les valeurs et répondant aux exigences de notre temps ». Trois
objectifs étaient ainsi recherchés : édicter un code plus accessible,
plus expressif et plus efficace. Bien que ces différents objectifs
soient complémentaires et se recoupent mutuellement, ils serviront
de lignes directrices pour analyser et présenter, de façon critique,
les nouvelles dispositions.
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1) Accessibilité d u n o u v e a u Code p é n a l
92. - Il ne fait pas de doute que le nouveau code a rendu la règle
de droit pénal plus accessible, en adoptant un plan plus clair et plus
rigoureux et en comportant des dispositions qui sont, d'une façon
générale, plus simples et mieux définies. Il reste toutefois très
incomplet et la réforme de notre droit pénal n'est donc pas encore
achevée. En faisant de l'erreur sur le droit une nouvelle cause
d'irresponsabilité pénale (v. art. 122-3 du C. pén.), le législateur a
d'ailleurs tout à la fois témoigné de son souci d'élaborer des textes
plus clairs et reconnu que cet objectif n'était pas atteint.
a) Un p l a n plus clair et plus rigoureux
93. - P l a n d u n o u v e a u Code p é n a l . Comportant au total 945
articles, au 1er octobre 1999, parties législative et réglementaire 1,
et divisé en sept livres respectivement relatifs aux dispositions géné-
rales (I), aux crimes et délits contre les personnes (II), aux crimes et
délits contre les biens (III), aux crimes et délits contre la nation,
l'État de la paix publique (IV), aux autres crimes et délits (V), aux
contraventions (VI) et enfin aux dispositions applicables dans les
territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte
(VII), le nouveau code est mieux ordonné que l'ancien (qui compor-
tait trois livres, de dimension très inégale, sur les peines et leurs
effets, les personnes punissables, excusables ou responsables et les
crimes et délits et leur punition).
Les subdivisions à l'intérieur de ces différents livres sont égale-
ment empreintes d'une plus grande rigueur, dont il peut être donné
ici quelques exemples.

e Le livre Ier est divisé en trois titres consacrés à la loi pénale, à la


responsabilité pénale et aux peines, dont les dispositions sont beaucoup
plus complètes, (notamment celles du titre III, qui comprend 186
articles, contre 20 et 15 pour les deux premiers), que les dispositions
correspondantes de l'ancien code. Le titre Ier comporte trois chapitres
relatifs aux principes généraux, à l'application de la loi pénale dans le
temps et à l'application de la loi pénale dans l'espace, réunissant de
nombreuses dispositions qui figuraient auparavant dans le Code de pro-
cédure pénale. Les deux chapitres du titre II, relatifs aux dispositions
générales et aux causes d'irresponsabilité pénale ou d'atténuation de la
responsabilité pénale, regroupent d'importantes dispositions de portée
générale, auparavant dispersées dans les parties spéciales de l'ancien
code, comme la légitime défense. N'y figurent pas cependant les disposi-
tions concernant la responsabilité des mineurs, renvoyées à une loi par-

1. Au 1er mars 1994, date de son entrée en vigueur, il n'en comptait que 781. S'y
sont ajoutés depuis 164 articles, résultant de lois ou décrets divers, notamment sur
la bioéthique, le blanchiment ou les territoires d'outre-mer...
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ticulière. De t r è s n o m b r e u s e s d i s p o s i t i o n s c o n s a c r é e s a u x p e i n e s ,
n o t a m m e n t s u r le s u r s i s ou les a u t r e s m o d e s de p e r s o n n a l i s a t i o n d e s
p e i n e s , qui f i g u r a i e n t a u p a r a v a n t d a n s le C o d e de p r o c é d u r e p é n a l e , o n t
été « r a p a t r i é e s » d a n s le t i t r e III, où elles t r o u v e n t l e u r p l ace n a t u r e l l e .
e L e l i v r e II s u r les p e r s o n n e s e s t divisé e n d e u x t i t r e s de d i m e n s i o n
i n é g a l e . Le p r e m i e r , qui c o m p o r t e u n e d i z a i n e d ' a r t i c l e s , e s t c o n s a c r é
a u x c r i m e s c o n t r e l ' h u m a n i t é , le second, q u i c o m p r e n d s e p t c h a p i t r e s e t
187 a r t i c l e s , a u x a t t e i n t e s à la p e r s o n n e h u m a i n e . L e s d i f f é r e n t s cha-
p i t r e s de ce t i t r e II s o n t c l a i r e m e n t o r d o n n é s , p o u r r e g r o u p e r les i n f r a c -
t i o n s s a n c t i o n n a n t les a t t e i n t e s à d e s v a l e u r s i d e n t i q u e s , a u t r e f o i s dis-
p e r s é e s à l ' i n t é r i e u r d u code n a p o l é o n i e n , o u m ê m e d ' a u t r e s t e x t e s .
Ainsi, le c h a p i t r e II r e l a t i f a u x a t t e i n t e s à l ' i n t é g r i t é p h y s i q u e ou psy-
c h i q u e de la p e r s o n n e c o m p o r t e les d i s p o s i t i o n s r é p r i m a n t le t r a f i c de
s t u p é f i a n t s , a u p a r a v a n t p r é v u e s p a r le C o d e de la s a n t é p u b l i q u e . De
m ê m e , le c h a p i t r e V s u r les a t t e i n t e s à l a p e r s o n n a l i t é c o m p r e n d les
i n f r a c t i o n s e n m a t i è r e de f i c h i e r i n f o r m a t i q u e , a u t r e f o i s p r é v u e s p a r la
loi d u 6 j a n v i e r 1978 r e l a t i v e à l ' i n f o r m a t i q u e , a u x fichiers e t a u x liber-
tés. T o u t e s les i n f r a c t i o n s p o r t a n t a t t e i n t e a u x m i n e u r s o u à la f a m i l l e
s o n t r e g r o u p é e s d a n s le c h a p i t r e VII, p a r e x e m p l e .
e Le livre III r e l a t i f a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e les b i e n s , qui com-
p o r t e 101 a r t i c l e s , e s t s c i n d é e n d e u x t i t r e s r e s p e c t i v e m e n t c o n s a c r é s
a u x a p p r o p r i a t i o n s f r a u d u l e u s e s e t a u x a u t r e s a t t e i n t e s a u x biens. L e
r e g r o u p e m e n t , d a n s le p r e m i e r t i t r e , des c h a p i t r e s c o n s a c r é s a u vol, à
l'extorsion, à l ' e s c r o q u e r i e e t a u x d é t o u r n e m e n t s m e t e n é v i d e n c e les
r e l a t i o n s e x i s t a n t e n t r e ces d i f f é r e n t e s i n f r a c t i o n s , q u i o n t p o u r o r i g i n e
c o m m u n e le « f u r t u m » d u d r o i t r o m a i n .
a Le l i v r e IV c o n s a c r é a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e l a n a t i o n , l ' E t a t e t
l a p a i x p u b l i q u e , qui c o m p o r t e a u t o t a l 2 1 4 a r t i c l e s , e s t celui d o n t l a
r é o r g a n i s a t i o n , p a r r a p p o r t a u x d i s p o s i t i o n s c o r r e s p o n d a n t e s d u code
n a p o l é o n i e n r e l a t i v e s à l a chose p u b l i q u e , e s t l a p l u s p r o f o n d e . Il com-
p r e n d cinq t i t r e s , r e l a t i f s a u x a t t e i n t e s a u x i n t é r ê t s f o n d a m e n t a u x de l a
n a t i o n , a u t e r r o r i s m e , a u x a t t e i n t e s à l ' a u t o r i t é de l ' E t a t , a u x a t t e i n t e s à
l a confiance p u b l i q u e e t à l ' i n f r a c t i o n g é n é r i q u e d ' a s s o c i a t i o n de m a l f a i -
teurs. S a n s e n t r e r d a n s le d é t a i l de ces t i t r e s , on p e u t s i g n a l e r p a r
e x e m p l e q u e le t r o i s i è m e c h a p i t r e d u t i t r e III r e g r o u p e t o u t e s les infrac-
t i o n s qui p o r t e n t a t t e i n t e à l a j u s t i c e , a l o r s q u ' e l l e s é t a i e n t a u p a r a v a n t
d i s p e r s é e s d a n s p l u s i e u r s p a r t i e s d u code d e 1810, d a n s le Code de pro-
c é d u r e p é n a l e ou d a n s d ' a u t r e s t e x t e s .
• Le livre V s e r a c o m m e n t é p l u s loin (infra, n° 97).
• Le livre VI c o n t i e n t l'ensemble des c o n t r a v e n t i o n s p r é v u e s p a r le
n o u v e a u Code p é n a l et c o m p o r t e 68 articles. Il est divisé en cinq t i t r e s qui
s o n t c h a c u n le p e n d a n t des livres 1 à V, les c o n t r a v e n t i o n s contre les per-
s o n n e s f i g u r a n t ainsi d a n s le t i t r e II, celles c o n t r e les biens d a n s le t i t r e III,
etc. C h a c u n de ces t i t r e s (à l'exception d u t i t r e Ier, r e l a t i f a u x dispositions
générales, puisqu'il c o r r e s p o n d a u livre Ier) e s t divisé e n cinq ch ap i t r es,
c h a q u e c h a p i t r e c o r r e s p o n d a n t à u n e des cinq classes de c o n t r a v e n t i o n s .
Le n o u v e a u C o d e p é n a l c o m p o r t e d e u x p a r t i e s , u n e p r e m i è r e p a r t i e
législative et u n e deuxième partie r é g l e m e n t a i r e (décrets en Conseil
d ' É t a t ) , d o n t les a r t i c l e s s o n t p r é c é d é s de l a l e t t r e « R ». L e s l i v r e s Ier
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à V sont essentiellement composés de dispositions législatives, puisque


l a d é t e r m i n a t i o n d e s c r i m e s e t d e s d é l i t s r e l è v e d u d o m a i n e e x c l u s i f de
l a loi 1 (infra, n° 197), m a i s ils c o m p o r t e n t é g a l e m e n t q u e l q u e s disposi-
t i o n s d ' a p p l i c a t i o n d e n a t u r e r é g l e m e n t a i r e . E n r e v a n c h e , le livre VI
c o n s a c r é a u x c o n t r a v e n t i o n s , qui r e l è v e n t d u d o m a i n e r é g l e m e n t a i r e ,
e s t e x c l u s i v e m e n t r é g l e m e n t a i r e (il e s t i s s u d u d é c r e t d u 29 m a r s 1993).
,b Le l i v r e VII r e l a t i f a u x t e r r i t o i r e s d ' o u t r e - m e r s e r a c o m m e n t é lors
d e l ' e x a m e n de l ' a p p l i c a t i o n de l a loi p é n a l e d a n s l'espace (infra, n° 382).

94. - N u m é r o t a t i o n . L a n u m é r o t a t i o n d e s a r t i c l e s d u n o u v e a u
Code p é n a l p e u t s u r p r e n d r e les p r a t i c i e n s h a b i t u é s à la n u m é r o t a -
t i o n c o n t i n u e u t i l i s é e d a n s le code d e 1810. L a m é t h o d e r e t e n u e e s t
e n effet celle de la n u m é r a t i o n d é c i m a l e à t r o i s chiffres. L e p r e m i e r
chiffre c o r r e s p o n d a u n u m é r o d u livre, le s e c o n d à celui d u t i t r e a u
s e i n d e ce l i v r e , l e t r o i s i è m e à c e l u i d u c h a p i t r e a u s e i n d e ce t i t r e ,
e t les c h i f f r e s a p r è s le t i r e t i n d i q u e n t l ' e m p l a c e m e n t d e l ' a r t i c l e a u
s e i n d u c h a p i t r e . L ' a r t i c l e 3 1 2 - 7 e s t a i n s i le s e p t i è m e a r t i c l e (312-7)
d u c h a p i t r e I I ( 3 1 2 - 7 ) d u t i t r e Ier ( 3 1 2 - 7 ) d u l i v r e I I I ( 3 1 2 - 7 ) .

C e t t e m é t h o d e , d é j à u t i l i s é e d a n s d e n o m b r e u x codes, a n c i e n s ou
r é c e n t s ( p a r e x e m p l e le C o d e d u t r a v a i l , le N o u v e a u Code r u r a l , le C o d e
d e la p r o p r i é t é i n t e l l e c t u e l l e , le Code de l a c o n s o m m a t i o n ) , p e r m e t de se
r e t r o u v e r f a c i l e m e n t , d è s lors q u e l'on c o n n a î t le p l a n d u code c o n s i d é r é .
E l l e p e r m e t p a r a i l l e u r s de m o d i f i e r p l u s a i s é m e n t les t e x t e s , u n t i t r e
p o u v a n t être complété p a r a u t a n t de chapitres que nécessaire, et u n
c h a p i t r e c o m p l é t é p a r a u t a n t d ' a r t i c l e s , s a n s q u e l'on a i t à c h a n g e r la
n u m é r o t a t i o n des d i s p o s i t i o n s q u i s u i v e n t . L a l e c t u r e e s t t o u t e f o i s
m o i n s aisée, s u r t o u t si d e s a r t i c l e s s o n t a j o u t é s n o n p a s à l a fin m a i s a u
s e i n m ê m e d ' u n c h a p i t r e c a r alors, s a u f d é n u m é r o t a t i o n d e s d i s p o s i t i o n s
q u i s u i v e n t , d o i v e n t ê t r e u t i l i s é s d e s n u m é r o s à « d o u b l e t i r e t »... ce qui
e s t d é j à le cas p o u r p l u s i e u r s d i s p o s i t i o n s d u n o u v e a u Code p é n a l
(cf. a r t . 132-70-1 e t 434-7-1).
La numérotation décimale est p a r ailleurs particulièrement pratique
s ' a g i s s a n t d e s c o n t r a v e n t i o n s , c o m p t e t e n u d u p l a n r e t e n u p o u r le
l i v r e VI. A i n s i les a r t . R. 625-XX r é p r i m e n t n é c e s s a i r e m e n t des c o n t r a -
v e n t i o n s (625) c o n t r e les p e r s o n n e s (625) de la c i n q u i è m e c l a s s e (625).

b) D i s p o s i t i o n s p l u s s i m p l e s e t m i e u x d é f i n i e s

95. - E f f o r t d e définition. P a r r a p p o r t a u code de 1810, le


législateur a réalisé u n notable effort p o u r définir plus p r é c i s é m e n t ,
d a n s l e l i v r e Ier, l e s c o n c e p t s d e d r o i t p é n a l g é n é r a l o u , d a n s l e s
l i v r e s s p é c i a u x , le c o n t e n u d e s i n f r a c t i o n s . S a n s ê t r e e x h a u s t i f , o n

1. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle le Parlement a estimé inutile


de faire précéder de la lettre « L » les articles de cette partie législative, comme c'est
le cas dans de nombreux autres codes portant sur des matières pour lesquelles la
frontière entre le domaine de la loi et celui du règlement n'est pas aussi clairement
délimitée qu'en droit pénal.
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peut ainsi citer la définition de l'élément intellectuel de l'infraction


(art. 121-3), de la « démence » (art. 122-2), de l'état de nécessité
(art. 122-7), du concours d'infraction (art. 132-2), de la notion
d'arme (art. 132-75), du vol d'énergie (art. 311-2), du recel
(art. 321-1), des intérêts fondamentaux de la nation (art. 410-1), de
l'attentat (art. 412-1), du secret de la défense nationale (art. 413-9),
du faux (art. 441-1), etc. La plupart de ces définitions, qui témoi-
gnent d'un plus grand souci du principe de légalité, viennent
d'ailleurs consacrer, en la précisant si nécessaire pour en combler
les lacunes, la jurisprudence de la Cour de cassation (voir à cet
égard l'intervention du président de la Chambre criminelle, in Le
nouveau Code pénal, enjeux et perspectives, Dalloz, p. 129 à 136).
Dans quelques rares et regrettables hypothèses toutefois, le législa-
teur n'a pas défini des notions pourtant imprécises, comme celle de
tortures et actes de barbarie (art. 222-1 et s.).
96. - E f f o r t de s i m p l i f i c a t i o n . Le nouveau Code pénal a égale-
ment été l'occasion de nombreuses simplifications, parmi lesquelles
peuvent être ici mentionnées celles concernant la récidive (suppres-
sion de la petite récidive correctionnelle), le régime du sursis avec
mise à l'épreuve (assimilation de la révocation et de la mise à exé-
cution de la peine), la définition de l'abus de confiance (suppression
de l'exigence d'un des contrats limitativement énumérés), la notion
de personne dépositaire de l'autorité publique (suppression des dis-
tinctions entre fonctionnaires, agents du Gouvernement ou de
l'État, notamment), etc. Sur de trop nombreuses questions toutefois,
il n'a pas été procédé à des simplifications qui auraient pourtant été
les bienvenues (voir notamment les distinctions entre le TIG peine
alternative, le sursis TIG, la conversion TIG et le TIG peine complé-
mentaire). Ont été instituées par ailleurs des dispositions d'une
inutile complexité (concernant par exemple la répression des mena-
ces, contre les personnes ou contre les biens, de nature délictuelle
ou contraventionnelle, notamment).
c) Un code incomplet
97. - Le nouveau Code pénal demeure toutefois incomplet. Cer-
tes, nombre de lacunes sont volontaires et justifiées : le sort des
« déments » jugés pénalement irresponsables n'est pas traité car il
ne relève pas du droit pénal, celui des mineurs fait l'objet d'un texte
spécifique, qui deviendra peut-être un jour un code autonome... Les
autres lacunes sont éminemment regrettables. Elles concernent le
droit pénal spécial « technique », qui n'a pas été intégré dans le nou-
veau code, contrairement à la volonté initiale de ses concepteurs.
Mais cette lacune s'explique par le fait que, comme l'ont reconnu le
Parlement et le Gouvernement, la réforme du Code pénal n'est pas
encore achevée.
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Le livre V ouvert dans le nouveau code à l'initiative du Sénat est en


effet destiné à recevoir, comme son intitulé l'indique, tous les autres
crimes et délits de notre droit, en matière économique, financière,
d'urbanisme, d'environnement, de transports, de travail, etc. Au
1er mars 1994, ce livre était quasiment vide, puisqu'il ne comportait que
deux articles relatifs aux infractions contre les animaux 1. Mais il vient
juste d'être complété par la loi du n° 94-653 du 29 juillet 1994 relatif au
respect du corps humain, qui y a inséré un titre Ier intitulé « des infrac-
tions en matière de santé publique », au sein duquel figure un
chapitre Ier consacré aux « infractions en matière d'éthique biomédicale »
qui comporte une trentaine d'incriminations nouvelles, tels que les tra-
fics d'organes, de gamètes ou d'embryons (art. 511-1 et s.). Le Gouverne-
ment envisageait initialement d'inclure ces infractions dans le Code de
la santé publique. C'est donc le Parlement lui-même qui lui a montré la
voie pour que, à terme, tous les crimes et délits figurent effectivement
dans le nouveau code, conçu comme « l'instrument clair et unique » de
notre droit pénal auquel faisait référence l'exposé des motifs de 1986.
L'élaboration de ce livre V soulève toutefois de très nombreuses diffi-
cultés. La première porte sur la possibilité même de procéder à une codi-
fication d'ensemble, les infractions dites « techniques » étant souvent
indissociables de la réglementation qu'elles sanctionnent (supra, n° 18).
La seconde porte sur la technique de codification. Il faut ici évoquer briè-
vement la question des « codes pilotes » et des « codes suiveurs ». Il se
peut qu'une disposition - qu'elle soit ou non de droit pénal - puisse avoir
sa place dans plusieurs codes. Pour éviter de ne la faire figurer que dans
un seul, la commission supérieure de codification (instituée pour procé-
der à la codification progressive de l'ensemble de notre législation) a pro-
posé une nouvelle technique de codification qui consiste à insérer la dis-
position considérée dans un code (dit « code pilote »), et de la reproduire
dans l'autre code (dit « code suiveur »), en précisant que toute modifica-
tion ultérieure de la disposition « pilote » entraîne de plein droit celle de
la disposition « suiveuse ». Plusieurs exemples de cette technique peu-
vent être trouvés dans le nouveau Code pénal. Ainsi l'art. 434-10 du
Code pénal réprimant le délit de fuite est reproduit, comme article sui-
veur, à l'article L. 2 du Code de la route (qui commence par les mots
« ainsi qu'il est dit à l'article 434-10 du Code pénal »). Or, les infractions
techniques qui seront insérées dans le livre V devant également figurer
dans leurs codes « techniques », la question se pose de savoir si le livre V
devra être « pilote » ou « suiveur », ou bien encore, selon les cas, à la fois
« pilote" et «suiveur»... Le Parlement semble pour sa part avoir
répondu, puisque les infractions insérées par la loi du 29 juillet 1994 le
sont toutes comme dispositions « pilotes », et qu'elles ont été reproduites,
comme dispositions « suiveuses », dans le Code de la santé publique (sur

1. Ce qui permettait de constater, non sans malice, que les quatre livres spé-
ciaux du nouveau code étaient respectivement consacrés aux personnes, aux biens, à
l'État et aux animaux... heureux bénéficiaires d'un livre entier du Code pénal (voir,
à cet égard, J.-P. Marguénaud, « L'animal dans le nouveau Code pénal », D., 1995,
chron. p. 187).
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la q u e s t i o n g é n é r a l e de l ' é l a b o r a t i o n d u livre V, v. F. F a l l e t t i , in Le nou-


v e a u Code p é n a l , e n j e u x et perspectives, Dalloz).

2) L ' e x p r e s s i v i t é d u n o u v e a u C o d e p é n a l

98. - É d i c t e r u n code plus e x p r e s s i f des v a l e u r s de la société,


plus juste et plus équitable était devenu indispensable compte tenu
de l ' a r c h a ï s m e d u code napoléonien. L e s v a l e u r s qui c o n s t i t u e n t
a u j o u r d ' h u i le f o n d e m e n t d e s s o c i é t é s d é m o c r a t i q u e s s o n t celles d e s
d r o i t s de l ' h o m m e , ce d o n t le n o u v e a u code a v o u l u ê t r e l ' e x p r e s s i o n .
L a p r i m a u t é donnée à la personne h u m a i n e a p p a r a î t d a n s la partie
générale d u n o u v e a u texte avec n o t a m m e n t l'exclusion de l'homi-
cide volontaire e n cas de l é g i t i m e défense des biens. Elle a p p a r a î t
s u r t o u t d a n s la partie spéciale. Le caractère expressif d'un texte
pénal découle, d'une part, de la n a t u r e des c o m p o r t e m e n t s incrimi-
n é s (qui r é v è l e « e n c r e u x » la v a l e u r d i g n e d ' ê t r e p r o t é g é e ) et,
d ' a u t r e p a r t , de la g r a v i t é de la p e i n e e n c o u r u e (qui i n d i q u e l'impor-
tance attachée à ladite valeur). Le nouveau Code pénal est donc
p l u s e x p r e s s i f t o u t à l a fois d a n s l a d é t e r m i n a t i o n d e s p e i n e s e t
d a n s la définition des incriminations.

L e p l a n r e t e n u p o u r les l i v r e s s p é c i a u x p a r t i c i p e é g a l e m e n t d e c e t t e
v o l o n t é de m e t t r e e n e x e r g u e l a p r o t e c t i o n d e s d r o i t s de l ' h o m m e , p u i s -
q u e le p r e m i e r de ces l i v r e s e s t c o n s a c r é a u x c r i m e s e t d é l i t s c o n t r e la
p e r s o n n e , alors q u e d a n s le code de 1810 les p r e m i è r e s d i s p o s i t i o n s de
d r o i t p é n a l spécial c o n c e r n a i e n t les a t t e i n t e s à l a chose p u b l i q u e . L a
p r o t e c t i o n de l ' É t a t e s t c e r t e s f o n d a m e n t a l e , m a i s elle n ' e s t l é g i t i m e q u e
si l ' É t a t l u i - m ê m e e s t d é m o c r a t i q u e e t r e s p e c t u e u x d e s d r o i t s de
l'homme.

a) U n code p l u s e x p r e s s i f q u a n t a u x p e i n e s

99. - É d i c t e r u n code p l u s e x p r e s s i f q u a n t a u x p e i n e s exigeait


u n e r é a d a p t a t i o n de l'échelle g é n é r a l e des peines, a v a n t de modifier
les p e i n e s e n c o u r u e s , i n f r a c t i o n p a r infraction.
• L e p r é a l a b l e d e l a n o u v e l l e é c h e l l e d e s p e i n e s . P o u r opé-
r e r u n e h i é r a r c h i s a t i o n e n t r e les i n f r a c t i o n s s u s c e p t i b l e d ' e x p r i m e r
f i d è l e m e n t l a h i é r a r c h i e d e s v a l e u r s , il f a l l a i t a u p r é a l a b l e r e s t a u -
r e r u n e cohérence d a n s l'échelle des peines. C ' e s t ce q u ' a f a i t l e
législateur en supprimant l'emprisonnement contraventionnel, en
é l e v a n t à dix a n s le m a x i m u m de l ' e m p r i s o n n e m e n t c o r r e c t i o n n e l ,
e n i n s t i t u a n t u n e p e i n e de r é c l u s i o n de t r e n t e a n s et, s u r t o u t , e n
d é c i d a n t qu'il n e s e r a i t p a s d é r o g é à cette nouvelle échelle.
e M o d i f i c a t i o n s des p e i n e s e n c o u r u e s . Tout en respectant
c e t t e n o u v e l l e é c h e l l e d e s p e i n e s , le l é g i s l a t e u r a p r o c é d é s o i t à d e s
a g g r a v a t i o n s (le p l u s s o u v e n t p a r l ' i n s t i t u t i o n d e n o u v e l l e s c i r c o n s -
t a n c e s a g g r a v a n t e s ) , soit à des d i m i n u t i o n s . D a n s cet effort d'adap-
t a t i o n d e s p e i n e s , il a m a r q u é s o n a t t a c h e m e n t p a r t i c u l i e r à l a p r o -
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tection des droits de la personne. On peut ainsi citer l'aggravation


de la répression des violences conjugales (art. 222-12, 6°), des discri-
minations raciales (art. 225-1), du proxénétisme (art. 225-5), des
profanations de sépultures inspirées par un mobile raciste
(art. 225-18) ou des vols facilités par la vulnérabilité de la victime.
On peut en sens inverse mentionner la diminution des sanctions
encourues en cas d'exhibition sexuelle (art. 222-32), d'atteinte
sexuelle sans violence sur un mineur (art. 227-25), de vol commis
avec trois circonstances aggravantes (art. 311-4, la peine passant de
quinze ans de réclusion à dix ans d'emprisonnement), de bigamie
(art. 433-20) ou de mariage religieux réalisé sans mariage civil
préalable (art. 433-21, la peine passant de vingt ans de réclusion
à... six mois d'emprisonnement). De même la peine encourue en cas
de meurtre simple est ramenée à trente ans de réclusion
(art. 221-1), au lieu de la réclusion à perpétuité, désormais réservée
aux meurtres aggravés, notamment par la préméditation, la mino-
rité de la victime ou sa qualité d'ascendant, de personne vulnérable,
de dépositaire de l'autorité ou de témoin (art. 221-3 et 4).

Le caractère contingent et relatif des peines édictées par le législateur


doit toutefois être souligné. L'exemple de la répression des atteintes
sexuelles commises sur un mineur sans violence - anciennement quali-
fiées d'attentat à la pudeur sur mineur sans violence - est à cet égard
éclairant. L'ancien Code pénal réprimait ces faits de cinq ans ou dix ans
d'emprisonnement, selon qu'ils étaient ou non commis avec une circons-
tance aggravante (ancien art. 331). Lors de son entrée en vigueur en
1994, le nouveau Code pénal adopté en 1992 abaissait ces peines à deux
et cinq ans (art. 227-25 et 227-26). Mais la loi « Méhaignerie » du
4 février 1995 a remonté à dix ans d'emprisonnement la répression des
atteintes sexuelles aggravées (art. 227-26). Et la loi « Guigou » du
17 juin 1998 a porté à cinq ans la peine encourue pour les atteintes non
aggravées (art. 227-25). En deux temps, le législateur - de droite puis
de gauche - est donc revenu aux pénalités antérieures. L'adoucissement
des sanctions intervenu en cette matière lors de l'entrée en vigueur du
nouveau Code pénal n'aura donc perduré que pendant un peu plus de
quatre ans...
b) Un code plus expressif quant aux incriminations
100. - C'est bien sûr dans la création de nouvelles infractions ou
dans l'abrogation d'infractions anciennes que l'on peut le mieux
apprécier le caractère expressif du nouveau code.
• I n c r i m i n a t i o n s n o u v e l l e s ou é l a r g i e s . L'institution, en tête
du livre II, des dispositions réprimant les crimes contre l'humanité
en est l'exemple le plus marquant (art. 211-1, 212-1, 212-2 et
212-3). Mais on doit citer également les tortures et actes de barba-
rie (art. 222-1), les conditions de travail ou d'hébergement contrai-
res à la dignité de la personne humaine (art. 225-13 et s.), le harcè-
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lement sexuel (art. 222-33), les persécutions téléphoniques


(art. 222-16), la provocation des mineurs à commettre des actes
immoraux, dangereux ou illicites (art. 227-19 à 227-21), l'abus frau-
duleux de l'ignorance d'une personne vulnérable (art. 313-4), les
entraves à la liberté d'expression, du travail, d'association ou de
manifestation (art. 431-1)... Plusieurs infractions ont par ailleurs
été élargies, comme les discriminations, qui portent désormais sur
les opinions politiques ou les activités syndicales (art. 225-1).
• I n c r i m i n a t i o n s s u p p r i m é e s ou r é d u i t e s . L'évolution des
valeurs de notre société a également conduit à la suppression
d'infractions archaïques, telles que le vagabondage, la mendicité,
l'avortement de la femme sur elle-même, ou les relations sexuelles
librement consenties entre deux mineurs. Certaines infractions ont
vu leur domaine d'application réduit, comme l'attentat à la pudeur,
devenu l'exhibition sexuelle (art. 222-32), ou l'outrage aux bonnes
mœurs, qui n'est désormais réprimé que s'il est susceptible d'être
vu ou perçu par un mineur (mais qui a été en revanche élargi aux
messages violents ou contraires à la dignité : art. 227-24).
101. - C a r a c t è r e p l u s d o u x ou p l u s sévère d u n o u v e a u code
p é n a l . Cette question, souvent posée, n'a pas vraiment de sens.
Comme cela a été plusieurs fois indiqué aux cours des débats, le
nouveau code n'est ni plus sévère ni plus doux que l'ancien. Il
reflète simplement, d'une façon qui se veut plus fidèle que le code
précédent, infraction par infraction, les valeurs de la société telles
qu'elles ont été perçues par le Parlement au moment de son adop-
tion. À cet égard une intéressante comparaison peut être faite : on
constate, dans le Code pénal lui-même, 122 augmentations de pei-
nes privatives de liberté ou créations d'infractions nouvelles punies
de telles peines, et 109 diminutions ou suppressions de peines pri-
vatives de liberté ou abrogations d'infractions punies de ces peines
(sans compter la suppression de l'emprisonnement contravention-
nel, ou la transformation en délit de certains crimes prévus par
d'autres textes que le Code pénal) 1.

Le relatif équilibre entre ces deux chiffres ne doit toutefois pas mas-
quer une réalité plus complexe, de nombreuses aggravations concernant
en effet des infractions fréquemment jugées par les tribunaux (notam-
ment les violences et les vols), tandis que les adoucissements touchent
souvent des incriminations très peu usitées (ainsi le mariage célébré
par un prêtre sans mariage civil préalable). À l'inverse, les aggravations
sont essentiellement symboliques, et elles n'entraîneront vraisemblable-
ment pas un alourdissement des peines prononcées.

1. Chiffres résultant de l'analyse des tableaux comparatifs entre l'ancien et le


nouveau code figurant dans les circulaires générales des 14 mai 1993 et 18 jan-
vier 1994.
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3) L'efficacité d u n o u v e a u C o d e p é n a l
102. - Sur de nombreux points, le nouveau code est certaine-
ment plus efficace que l'ancien. Mais un Code pénal plus efficace ne
signifie pas, comme on pourrait le penser de prime abord, un code
plus répressif. L'efficacité suppose que l'auteur d'une infraction soit
puni de la peine la plus appropriée, notamment pour éviter la réci-
dive. La plus grande efficacité des nouveaux textes tient donc au
fait qu'ils permettent non seulement une meilleure répression des
formes modernes de délinquance et de criminalité, mais également
une meilleure individualisation des peines.
a) Une meilleure individualisation
103. - Le nouveau Code pénal est venu renforcer les possibilités
d'individualisation de la peine, dans le prolongement de l'évolution
législative de ces dernières décennies. Il a, à cette fin, sensiblement
augmenté les pouvoirs du juge. On peut à cet égard citer la création
de nouvelles peines « alternatives », l'extension du champ d'applica-
tion des peines de jour-amende ou de travail d'intérêt général, la
suppression - imparfaite - des peines accessoires ou obligatoires, la
« judiciarisation » de l'interdiction de séjour, la suppression du
minimum des peines et du mécanisme des circonstances atté-
nuantes, l'accroissement des possibilités d'aménagement de l'exé-
cution des peines. Les quelques très rares dispositions n'allant pas
dans ce sens sont guidées par le souci de limiter le recours à
l'emprisonnement et sont donc comme une incitation faite au juge à
recourir à son pouvoir d'individualisation. Il en est ainsi de l'obliga-
tion de motiver les peines d'emprisonnement fermes, le sursis deve-
n a n t la règle. Dans le même temps, le nouveau code a rendu pour
partie plus sévères les dispositions relatives à la période de sûreté,
qui constitue une sorte d'individualisation à rebours de la peine en
ce qu'elle limite les possibilités d'adaptation de celle-ci au cours de
son exécution.

b) Une meilleure répression des formes modernes


de délinquance et de criminalité
104. - Le nouveau Code pénal est incontestablement mieux armé
que son prédécesseur pour réprimer certaines formes d'atteintes
involontaires aux personnes, la délinquance ou la criminalité orga-
nisée et les infractions émanant des groupements. On ne peut dès
lors que regretter que cette efficacité n'ait pas été renforcée par la
reconnaissance de la responsabilité pénale de l'instigateur, que pré-
voyait le projet de 1986 mais que n'a pas retenue le Parlement.
• A t t e i n t e s i n v o l o n t a i r e s a u x p e r s o n n e s . Pour mieux com-
battre la délinquance de masse que constituent les infractions en
matière de circulation routière ou d'hygiène et de sécurité dans les
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relations de travail, ont été institués la faute de mise en danger


(art. 121-3) et le délit de risques causés à autrui (art. 223-1), qui
devraient permettre de sanctionner plus sévèrement certains com-
portements irresponsables, à l'origine chaque année de nombreux
accidents corporels ou mortels.
e D é l i n q u a n c e et c r i m i n a l i t é o r g a n i s é e . De très nombreuses
dispositions du nouveau code ont pour objet de rendre plus efficace
la lutte contre la criminalité organisée : élargissement de l'incrimi-
nation d'association de malfaiteurs (art. 450-1), généralisation de la
circonstance aggravante de bande organisée (art. 132-71), criminali-
sation du grand trafic de stupéfiants (art. 222-34 et s.) ou de l'extor-
sion (art. 312-3 et s.), institution des actes de terrorisme en t a n t
qu'infractions spécifiques (art. 421-1 et s.)...
e I n f r a c t i o n s i m p u t a b l e s à des g r o u p e m e n t s . Enfin, la res-
ponsabilité pénale des personnes morales, qui constitue l'innovation
la plus marquante de la réforme, a été instituée pour permettre une
meilleure répression de cette forme de délinquance qui cause
d'importants dommages à la société (art. 121-2).

Pour terminer cette brève présentation de la réforme, on peut se


demander, comme certains, si la discussion parlementaire a sensible-
ment modifié l'esprit initial du projet de 1986, présenté comme
« libéral », pour répondre à des préoccupations « sécuritaires ». Une
réponse tranchée procéderait d'une analyse caricaturale. Sur de nom-
breux points, le texte définitif du nouveau Code pénal est incontestable-
ment plus sévère que le projet dont il est issu (par exemple, le maxi-
mum de l'emprisonnement correctionnel a été porté de sept à dix ans,
de même, la période de sûreté, absente du texte initial, a été ajoutée
lors des débats, de nombreuses peines ont été augmentées, notamment
en matière d'atteintes aux personnes). Mais, sur d'autres points, l'évolu-
tion s'est faite en sens inverse (très souvent d'ailleurs à l'initiative du
Sénat) : ont ainsi été étendues les possibilités de contrôle de légalité des
actes administratifs par le juge pénal ou le domaine du principe de
non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, le champ d'application
de certaines peines encourues par les personnes morales a été réduit, la
cause d'irresponsabilité tirée de l'erreur sur le droit a été créée aux
cours des débats, la légitime défense des biens a été limitée par rapport
au texte de 1986, l'obligation de motiver les peines d'emprisonnement a
été élargie, la peine accessoire de privation des droits civiques a été sup-
primée, etc.
105. - A p p r é c i a t i o n g é n é r a l e s u r le n o u v e a u Code p é n a l .
Cette appréciation peut être portée du point de vue du praticien et
de celui du théoricien.
En pratique, l'entrée en vigueur du nouveau code n'a pas
entraîné les catastrophes judiciaires que redoutaient certains. Les
premiers mois d'application de la réforme se sont passés dans de
relativement bonnes conditions, sous réserves des difficultés habi-
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tuelles inhérentes aux questions d'application dans le temps d'une


loi nouvelle. Il est de toute façon encore trop tôt pour tirer des
enseignements de la pratique et pour savoir si, à l'usage, le nou-
veau code présente plus d'avantages que d'inconvénients. De fait,
les juridictions n'ont pour l'instant que très rarement fait applica-
tion des dispositions véritablement nouvelles de la réforme, sou-
cieuses qu'elles étaient de maîtriser tout d'abord les modifications
apportées aux anciens textes.
S'agissant de la doctrine, ses avis sur le nouveau code sont par-
tagés et les réactions s'échelonnent de la franche hostilité
(M.-L. Rassat, ou dans une moindre mesure J.-H. Robert et
J.-P. Doucet) jusqu'à l'approbation plutôt élogieuse (J. Pradel) en
passant par les appréciations mitigées (M. Delmas-Marty). Nous
serions, quant à nous, tentés de conclure avec Mme M. Del-
mas-Marty que, « si dures soient-elles, (les) critiques ne disqualifient
pas pour a u t a n t un code qui se situe dans la bonne moyenne des
codes pénaux actuellement en vigueur, en Europe et ailleurs. »
(« Avant-propos sur le nouveau Code pénal », RSC, 1993, p. 443).
En effet, le nouveau Code pénal est certes loin d'être parfait, sur
le fond comme sur la forme. Il est toutefois sans aucun doute plus
accessible, plus expressif et plus efficace que l'ancien et constitue
donc, en dépit de ses imperfections et de son caractère encore incom-
plet, un réel progrès. S'il est certain que la réforme du Code pénal n'a
pas porté remède aux différents maux que connaît actuellement
notre droit pénal, force est de reconnaître qu'elle en a guéri quel-
ques-uns et, surtout, qu'elle constitue le préliminaire indispensable à
la guérison des autres et à l'émergence d'un nouveau droit pénal.
106. - P l a n g é n é r a l d e l'ouvrage. Respectant fidèlement le
plan retenu par le législateur dans le livre Ier du Code pénal, on
examinera la loi pénale, puis la responsabilité pénale et les peines.
L'étude successive de ces trois grands thèmes correspond en effet
au raisonnement juridique suivi p a r le juge lors de tout procès
pénal. En premier lieu, le juge doit se demander s'il existe un texte
répressif régulièrement applicable aux faits qui lui sont soumis et
répondant donc aux exigences des dispositions du titre Ier du
livre Ier du nouveau code, consacré à la loi pénale. En deuxième
lieu, le juge doit rechercher si la personne qui lui est déférée peut
être déclarée pénalement responsable de ces faits au regard des dis-
positions du titre II relatif à la responsabilité pénale. Enfin, il doit
se prononcer sur la peine, en respectant les dispositions générales
du titre III.
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Titre 1

L a loi p é n a l e

« S a n a i s s a n c e f u t u n désordre,
c'est p o u r q u o i il a i m a i t p a s s i o n n é m e n t l'ordre,
les règles inviolables, les c o m m a n d e m e n t s et les interdits. »
T h o m a s MANN

107. - Le livre p r e m i e r d u Code p é n a l s ' o u v r e s u r u n t i t r e consa-


cré à la « loi p é n a l e » (art. 111-1 à 113-11). L ' e x p r e s s i o n « loi
p é n a l e » n e doit p a s s ' e n t e n d r e ici d a n s son s e n s f o r m e l de t e x t e
voté p a r le P a r l e m e n t . Elle a u n s e n s p l u s l a r g e e t signifie e n r é a -
lité « la règle » ou « la n o r m e » p é n a l e . O n v e r r a que, si c e t t e n o r m e
e s t e s s e n t i e l l e m e n t fixée p a r la loi a u s e n s strict, elle p e u t égale-
m e n t f i g u r e r d a n s d e s t e x t e s de n a t u r e r é g l e m e n t a i r e , voire d a n s
des t r a i t é s i n t e r n a t i o n a u x . E n d é p i t d u c a r a c t è r e a m b i g u de
l'expression, le choix d u l é g i s l a t e u r p e u t s ' e x p l i q u e r à la fois p a r le
poids de la t r a d i t i o n , la loi a u s e n s f o r m e l a y a n t l o n g t e m p s consti-
t u é la source u n i q u e d u d r o i t p é n a l , et s a n s d o u t e é g a l e m e n t p a r la
force e x p r e s s i v e d u m o t « loi », q u i é v o q u e les T a b l e s b r a n d i e s p a r
Moïse.
L a loi p é n a l e n ' e s t p a s u n e loi c o m m e les a u t r e s . P a r les i n t e r -
dits qu'elle pose et les o b l i g a t i o n s qu'elle prévoit, elle l i m i t e néces-
s a i r e m e n t le c h a m p d e s libertés. Elle p e r m e t m ê m e , p a r les p e i n e s
qu'elle édicté, de p r i v e r de s a l i b e r t é ou de c e r t a i n s de ses d r o i t s
celui q u i n e la r e s p e c t e r a i t p a s . L ' é l a b o r a t i o n de la loi p é n a l e , m a i s
é g a l e m e n t son a p p l i c a t i o n p a r le j u g e , d o i v e n t donc ê t r e e n t o u r é e s
de règles r i g o u r e u s e s qui g a r a n t i s s e n t les citoyens c o n t r e l'arbi-
t r a i r e e t les a b u s de la r é p r e s s i o n . E n r a i s o n de l e u r i m p o r t a n c e
p o u r la p r é s e r v a t i o n de l ' É t a t de droit, la p l u p a r t de ces r è g l e s o n t
u n e v a l e u r s u p é r i e u r e et f o r m e n t a i n s i u n e s o r t e de d r o i t p é n a l
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constitutionnel. Elles découlent presque toutes, de manière plus ou


moins directe, du principe fondamental de la légalité des délits et
des peines.
Suivant le chemin tracé par le législateur, on présentera tout
d'abord l'objet propre de la loi pénale, qui est de définir les infrac-
tions (sous-titre Ier), pour étudier ensuite ses diverses sources (sous-
titre II), puis les règles qui régissent son application (sous-titre III).
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SOUS-TITRE I

L'objet de la loi pénale :


l'infraction

108. - Qu'elle définisse les diverses incriminations particulières


et les sanctions qui leur sont attachées ou qu'elle fixe les règles
générales leur étant applicables, la loi pénale poursuit toujours le
même objet : la détermination des infractions. Définir les caractères
juridiques propres de l'infraction, c'est donc en même temps donner
la définition matérielle de la loi pénale en délimitant son contenu.
Telles qu'elles se présentent à celui qui découvre le Code pénal,
les infractions apparaissent d'une très grande diversité. Mais il en
va des infractions comme des êtres vivants. Au-delà de leur diver-
sité, elles se rattachent toutes à des espèces. En même temps
qu'elle crée une infraction, la loi pénale la classe dans une ou plu-
sieurs catégories juridiques préalablement établies par elle, déter-
minant ainsi le régime qui lui sera applicable. Il n'existe donc pas
un type abstrait d'infractions.
Toute infraction, sous réserve de quelques exceptions très margi-
nales, constitue nécessairement un crime, un délit ou une contra-
vention. Cette distinction essentielle, fondée sur la gravité du com-
portement incriminé, est consacrée d'entrée par l'article 111-1 du
Code pénal (chapitre Ier).
Mais le régime juridique d'une infraction n'est pas toujours com-
plètement défini par son rattachement à l'une de ces trois catégo-
ries. Certaines infractions sont en effet soumises, en raison de leur
nature particulière, à des règles spécifiques qui les distinguent de la
masse. Il faut donc tenter d'identifier ces infractions de droit spécial
(chapitre II).

Seules sont examinées ici les classifications juridiques des infrac-


tions, c'est-à-dire celles qui résultent de la volonté de la loi et qui per-
mettent d'opérer la qualification juridique de l'infraction. Il existe
d'autres classifications fondées sur l'analyse du contenu concret du
comportement incriminé (infractions d'omission ou de commission,
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intentionnelles ou de négligence, instantanées ou continues, entre


autres). L'étude de ces classifications trouve sa place dans la partie con-
sacrée à la responsabilité pénale puisqu'elle porte sur les diverses
manières dont peuvent se commettre les infractions. Par ailleurs, la
classification fondée sur l'objet de l'infraction autour de laquelle s'orga-
nise le plan du Code pénal (infractions contre les personnes, les biens,
l'État...) a une vertu essentiellement didactique. Il serait sans doute
possible de relever de manière empirique quelques éléments communs à
chacune des catégories concernées. Mais cette classification n'emporte
aucune conséquence juridique précise déterminée a priori par la loi.
Enfin, on ne reviendra pas ici sur les questions soulevées par la notion
générale d'infraction, questions qui ont déjà été abordées lors de la pre-
mière approche du droit pénal. Il s'agit maintenant de pénétrer dans le
droit positif.
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Chapitre 1

La distinction entre les crimes,


les délits et les contraventions

109. - P r e m i è r e vue. Selon l'article 111-1 d u Code pénal, «les


infractions sont classées, s u i v a n t leur gravité, en crimes, délits et
contraventions ». Encore convient-il de préciser - ce que la formule laco-
nique d u législateur n'indique n u l l e m e n t - que les crimes correspon-
d e n t a u x infractions les plus graves, les délits a u x infractions de gravité
moyenne et les contraventions a u x infractions m i n e u r e s (v. J. Mouly,
« L a classification t r i p a r t i t e d a n s la législation contemporaine », R S C ,
1982, p. 3 ; J.-H. Robert, « L a classification t r i p a r t i t e des infractions
d a n s le n o u v e a u Code p é n a l », Dr. pén., 1995, chron. n° 1).

Il faut prendre garde ici aux confusions de vocabulaire. Le mot crime


est parfois employé pour désigner l'infraction en général, conformément
à son sens premier (c'est souvent le cas en criminologie : v. Merle et
Vitu, p. 22). De même, le mot délit recouvre, dans son sens commun,
tous les manquements à la loi pénale - ainsi, par exemple, dans l'inti-
tulé de l'ouvrage célèbre de Beccaria Des délits et des peines. Il n'y a
guère que le mot contravention qui évoque généralement au public
l'idée, conforme à la réalité juridique, d'une infraction mineure, parfois
réduite d'ailleurs à l'image d'un « P.-V. » glissé sous u n essuie-glace.
Mais il arrive que le législateur se laisse lui-même gagner par le lan-
gage commun, comme dans l'article 131-14, 6° du Code pénal où il dési-
gne sous l'expression courante de « délits de presse»... les contraven-
tions commises en la matière.

I g n o r é e de l ' a n c i e n d r o i t q u i d i s t i n g u a i t e n t r e le g r a n d c r i m i n e l
et le p e t i t c r i m i n e l , c e t t e c l a s s i f i c a t i o n t r i p a r t i t e des i n f r a c t i o n s e s t
a p p a r u e p o u r la p r e m i è r e fois de façon t r è s n e t t e d a n s le code de
b r u m a i r e a n IV. R e p r i s e d a n s le code de 1810, elle a été c o n s e r v é e
d a n s le Code p é n a l de 1992. Elle c o n s t i t u e , s u r le p l a n de la tech-
n i q u e j u r i d i q u e , la b a s e de t o u t n o t r e d r o i t p é n a l . Il n ' e s t donc p a s
s u r p r e n a n t q u e le n o u v e a u code, c o m m e l'ancien, s ' o u v r e s u r les
d i s p o s i t i o n s q u i la c o n s a c r e n t . Le m a i n t i e n de cette classification
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bicentenaire ne doit cependant pas occulter les modifications - par-


fois, il est vrai, plus apparentes que réelles - apportées par la
réforme du Code pénal (v. J.-F. Chassaing, « Les trois codes français
et l'évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain »,
RSC, 1993, spéc. p. 449). Après avoir présenté ses intérêts et son
contenu (section 1), on insistera sur les facteurs qui tendent
aujourd'hui à en relativiser la portée (section 2).

SECTION 1
P r é s e n t a t i o n de la classification

110. - Il convient de présenter les intérêts attachés à la classifi-


cation tripartite (§ 1), puis il faudra naturellement en rechercher le
critère (§2).

§ 1. L e s i n t é r ê t s d e l a c l a s s i f i c a t i o n t r i p a r t i t e
111. - Les intérêts de la classification tripartite sont tellement
nombreux que l'énumération des plus importants d'entre eux
conduit à survoler l'ensemble du droit pénal. La distinction déter-
mine en effet l'application même des règles constitutionnelles rela-
tives à la création des infractions ainsi que maintes dispositions de
droit pénal de fond et de forme.

A. Les i n t é r ê t s en m a t i è r e c o n s t i t u t i o n n e l l e

112. - L ' a u t o r i t é c o m p é t e n t e p o u r c r é e r et m o d i f i e r les


infractions. Le premier intérêt de la distinction tripartite tient à la
détermination de l'autorité compétente pour créer et modifier les
incriminations ainsi que les peines qui leur sont applicables. Depuis
la Constitution du 4 octobre 1958, le Parlement est seul compétent
pour déterminer les crimes et les délits. En revanche la définition des
contraventions relève du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire du Gou-
vernement. Cette répartition des compétences se déduit du rapproche-
ment des articles 34 et 37 de la Constitution et se trouve clairement
affirmée par l'article 111-2 du Code pénal. Elle soulève de nombreuses
questions qui seront examinées lors de l'étude des sources de la loi
pénale.

B. Les i n t é r ê t s e n d r o i t p é n a l d e f o n d
113. - Les règles de d r o i t p é n a l g é n é r a l . En ce qui concerne
le droit pénal général, les intérêts de la classification sont très nom-
breux.
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e Ils ont trait tout d'abord au champ d'application de la loi


pénale dans l'espace. La loi française est toujours applicable aux
crimes commis à l'étranger par un Français ou à l'encontre d'un
Français. Elle n'est applicable qu'à certaines conditions lorsqu'il
s'agit d'un délit. Elle n'est, en principe, jamais applicable lorsqu'il
s'agit d'une contravention (art. 113-7 et 113-8 du C. pén.).
e La distinction est surtout riche de conséquences s'agissant des
conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale. Ainsi, la
nature de la faute varie suivant celle de l'infraction : les crimes sup-
posent toujours chez leur auteur une faute intentionnelle, tandis
qu'en matière correctionnelle la faute peut également consister en
une négligence, une imprudence ou une mise en danger et qu'en
matière contraventionnelle il n'est pas nécessaire en principe de
rapporter la preuve de l'existence d'une faute (art. 121-3 du C.
pén.). La tentative de crime est toujours punissable tandis que la
tentative de délit ne l'est que dans les cas prévus par la loi, la ten-
tative de contravention n'étant, quant à elle, jamais réprimée
(art. 121-4 [2°] du C. pén.). La complicité est incriminée de manière
générale en matière criminelle et délictuelle, tandis qu'en matière
contraventionnelle seules certaines formes de complicité sont répré-
hensibles (art. 121-7 du C. pén.). La légitime défense des biens ne
peut être invoquée que si l'acte de défense est accompli pour
interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit (art. 122-5 du C.
pén.).
e Enfin, le régime des peines diffère sensiblement suivant la
nature de l'infraction. Alors que les peines prononcées pour des
infractions en concours ne peuvent en principe se cumuler entre elles
de manière indéfinie, une exception est prévue en ce qui concerne les
peines d'amende prononcées pour des contraventions (art. 132-2 à
132-7 du C. pén.). L'aggravation de la peine liée à la récidive est la
règle en matière criminelle et correctionnelle alors qu'elle n'est
encourue en matière contraventionnelle que si le texte spécial d'incri-
mination le prévoit et dans des conditions restrictives (art. 132-8 à
132-15 du C. pén.). La possibilité d'ordonner l'exécution fractionnée de
certaines peines, de même que la dispense de peine et l'ajournement
de la peine ne sont possibles qu'en matière correctionnelle et contra-
ventionnelle (art. 132-25, 132-26 et 132-58 du C. pén.). Les conditions
d'octroi et de révocation du sursis simple ne sont pas identiques en
matière criminelle et correctionnelle, d'une part, et en matière
contraventionnelle, d'autre part (art. 132-30 à 132-39 du C. pén.).
Toutes les condamnations sont inscrites au casier judiciaire, à
l'exception des condamnations à l'amende pour certaines contraven-
tions (art. 768 du C. pr. pén.). Enfin, le délai de prescription de la
peine (c'est-à-dire le délai à l'expiration duquel une peine prononcée
ne peut plus être ramenée à exécution) est en principe de vingt ans
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pour les crimes, de cinq ans pour les délits et de deux ans pour les
contraventions (art. 133-2 du C. pén.).
114. - Les d i s p o s i t i o n s d e d r o i t p é n a l spécial. S'agissant du
droit pénal spécial, on se bornera à signaler que la définition de
plusieurs infractions fait appel à la distinction entre les crimes,
délits et contraventions. Ainsi, la menace de commettre une infrac-
tion (art. 222-17 et 222-18 du C. pén.), le fait de ne pas s'opposer à
la commission d'une infraction (art. 223-6 du C. pén.) ou encore de
ne pas dénoncer une infraction (art. 434-1 du C. pén.) ne sont répré-
hensibles que si l'infraction concernée est un crime ou un délit.

C. Les i n t é r ê t s e n d r o i t p é n a l de f o r m e
115. - L a c o m p é t e n c e j u r i d i c t i o n n e l l e . La distinction pré-
sente des intérêts fondamentaux en matière de compétence juridic-
tionnelle puisque celle-ci est entièrement déterminée par la nature
de l'infraction. Les crimes sont jugés par la cour d'assises (normale-
ment composée de trois magistrats professionnels et de neuf jurés),
les délits sont de la compétence du tribunal correctionnel (composé
en principe de trois magistrats professionnels) et les contraventions
relèvent du tribunal de police (statuant toujours à juge unique). La
concordance entre la nature de l'infraction et la compétence juridic-
tionnelle est telle qu'on désigne fréquemment l'ensemble des dispo-
sitions se rapportant aux délits sous l'expression de matière correc-
tionnelle.

116. - Les règles de p r o c é d u r e . De la même manière, les


règles de procédure applicables dépendent largement de la nature
de l'infraction concernée. Ces règles ont toutefois été profondément
modifiées par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes, notamment en
matière criminelle, et, à compter du 1er janvier 2001, les spécificités
procédurales concernant les crimes seront désormais moins mar-
quées, notamment parce que les décisions des cours d'assises pour-
ront faire l'objet d'un appel devant une autre cour d'assises (v. F. Le
Gunehec, loi du 15 juin 2000, troisième partie, dispositions concer-
n a n t la phase de jugement, JCP, G, 2000, act. 27).
Si l'infraction constitue un crime, elle doit faire obligatoirement
l'objet d'une instruction préalable (art. 79 du C. pr. pén.). En
outre, l'instruction en matière criminelle obéit à des règles spécifi-
ques. En particulier, même si le double degré d'instruction, qui
compensait l'absence de double degré de jugement, n'est plus obli-
gatoire, l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assi-
ses peut faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction
(ex-chambre d'accusation), ce qui n'est pas possible en matière
correctionnelle. Par ailleurs, les délais « butoir » en matière de
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détention provisoire sont beaucoup plus longs qu'en matière


correctionnelle.
Si l'infraction constitue un délit ou une contravention, les voies
procédurales sont plus variées sans toutefois être toutes communes
à ces deux catégories d'infractions. L'instruction préalable est tou-
jours possible en matière correctionnelle alors qu'elle est exception-
nelle en matière contraventionnelle (art. 79 du C. pr. pén.). La cita-
tion directe, la convocation p a r officier ou agent de police judiciaire
et la comparution volontaire des parties peuvent être utilisées indif-
féremment pour saisir le tribunal correctionnel ou le tribunal de
police, mais la comparution immédiate n'est applicable qu'en
matière correctionnelle (comp. art. 388 et 531 du C. pr. pén.). À
l'inverse, certaines procédures simplifiées, comme l'ordonnance
pénale (art. 524 et s. du C. pr. pén.) ou la procédure de l'amende for-
faitaire (art. 529 et s. du C. pr. pén.), sont réservées à la poursuite
des contraventions, voire uniquement de certaines d'entre elles.
Par ailleurs, le délai de prescription de l'action publique
- c'est-à-dire le délai à l'expiration duquel des poursuites ne peu-
vent plus être engagées à l'encontre de l'auteur des faits - varie sui-
vant la nature de l'infraction. Il est en principe de dix ans pour les
crimes, de trois ans pour les délits et d'un an pour les contraven-
tions (art. 7, 8 et 9 du C. pr. pén.).
Enfin, seuls peuvent donner lieu à extradition les faits constitu-
tifs d'un crime ou d'un délit selon la loi française (loi du 10 mars
1927, art. 4).

§ 2. L e c r i t è r e d e l a c l a s s i f i c a t i o n
117. - La détermination du critère de la distinction ne pose
guère de difficultés, les modifications apportées sur ce point par le
nouveau Code pénal étant essentiellement formelles. En revanche,
l'application du critère soulève, avec la réforme, des interrogations
nouvelles qui appellent de plus longs commentaires.

A L a détermination du critère
118. - L a g r a v i t é d e l ' i n f r a c t i o n , c r i t è r e d u c h o i x d e l a
q u a l i f i c a t i o n p a r le l é g i s l a t e u r . L'article 1er du Code pénal de
1810 faisait dépendre la qualification de l'infraction de la nature de
la peine lui étant applicable. Il prévoyait en effet que l'infraction
était un crime, un délit ou une contravention selon que la peine pré-
vue par la loi pour la sanctionner était criminelle, correctionnelle ou
contraventionnelle. En pure logique, cette présentation était criti-
quable ou, du moins, incomplète. Ce n'est pas la nature de la peine
applicable qui doit déterminer la gravité de l'infraction, mais bien
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évidemment l'inverse. La gravité de l'infraction constitue donc le


véritable critère de la classification entre les crimes, les délits et les
contraventions.
Mais, à dire vrai, la critique était un peu vaine car cette vérité
d'évidence était inscrite en filigrane dans l'article 1er du code de
1810 dans la mesure où la détermination de la peine suppose impli-
citement mais nécessairement une appréciation préalable de la gra-
vité de l'infraction. Le législateur a cependant souhaité l'exprimer
clairement dans le nouveau Code pénal. L'article 111-1 dispose donc
que les infractions sont classées « suivant leur gravité » en crimes,
délits et contraventions.

119. - L a g r a v i t é d e l a p e i n e , c r i t è r e d e r e c o n n a i s s a n c e d u
c h o i x d u l é g i s l a t e u r . En raison de son caractère très vague, le cri-
tère prévu à l'article 111-1 n'est pas d'une grande utilité pratique. Il
n'est qu'une indication d'ordre général qui permet de saisir la logi-
que de la distinction tripartite mais non de savoir si telle ou telle
infraction est un crime, un délit ou une contravention. En réalité,
plus que le critère de la distinction, c'est son fondement qui est posé
par l'article 111-1. Aujourd'hui comme hier, seule la nature de la
peine sanctionnant l'infraction permet de reconnaître les crimes, les
délits et les contraventions. La peine, qui traduit la gravité de
l'infraction, est en quelque sorte l'indicateur du choix du législateur.

Contrairement au code de 1810 et aux avant-projets de 1978 et 1983,


le nouveau Code pénal ne comporte aucune disposition générale établis-
sant expressément une correspondance entre la qualification de l'infrac-
tion et la nature de la peine. Le législateur a sans doute vu dans une
telle disposition une inutile lapalissade. De fait, il paraît tomber sous le
sens que les peines criminelles sanctionnent les crimes, les peines cor-
rectionnelles les délits et les peines contraventionnelles les contraven-
tions... On remarquera cependant que, saisi peut-être par le doute, le
Parlement a maintenu dans le Code de procédure pénale des disposi-
tions propres à lever toute ambiguïté sur ce point. L'article 381 de ce
code, qui définit la compétence du tribunal correctionnel, dispose en
effet expressément dans sa rédaction issue de la loi du 16 décembre
1992 : « Sont des délits, les infractions que la loi punit d'une peine
d'emprisonnement ou d'une amende supérieure ou égale à 25 000 F ».
Des dispositions similaires se retrouvent en matière contraventionnelle
à l'article 521. Chassez le naturel...

B. L ' a n a l y s e d u c r i t è r e
120. - La nomenclature des peines est fixée par le titre III du
livre premier du Code pénal. Il est donc aisé, en se reportant aux
dispositions de ce titre, de savoir quelles sont les peines applicables
en matière criminelle (art. 131-1 et 131-2), correctionnelle
(art. 131-3 à 131-9) et contraventionnelle (art. 131-12 à 131-18). Il
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faut toutefois préciser que la distinction entre les crimes, les délits
et les contraventions doit être effectuée en considérant uniquement
les peines principales encourues par les personnes physiques. Cha-
cun des trois éléments de cette proposition doit être soigneusement
analysé.

1) L a q u a l i f i c a t i o n e s t d é t e r m i n é e
p a r les p e i n e s p r i n c i p a l e s . . .
121. - D é f i n i t i o n . Les peines principales sont celles qui, propres
à chaque catégorie d'infractions, doivent nécessairement être prévues
p a r le texte de pénalité pour donner à la prescription légale ou régle-
mentaire sanctionnée le caractère d'une incrimination pénale. C'est
uniquement par référence à ces peines que doit être déterminée la
qualification criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle d'une
infraction. Il ne faut pas se référer en revanche aux peines dites
alternatives et complémentaires, qui ne peuvent être prévues que
pour remplacer ou compléter les peines principales (infra, n° 756).

122. - P e i n e s p r i n c i p a l e s c r i m i n e l l e s . Les seules peines prin-


cipales criminelles prévues par l'article 131-1 du Code pénal sont la
réclusion criminelle, qui sanctionne les crimes de droit commun, et
la détention criminelle, qui sanctionne les crimes politiques. La
durée de ces peines privatives de liberté peut être perpétuelle ou
limitée par la loi à trente ans, vingt ans ou quinze ans. Seules les
infractions punies p a r la loi d'une peine de réclusion ou de détention
criminelle constituent donc des crimes. Il en est ainsi, par exemple,
du meurtre, puni par l'article 221-1 du Code pénal de trente ans de
réclusion criminelle, ou du sabotage, puni par l'article 411-9 de
quinze ans de détention criminelle.

123. - P e i n e s p r i n c i p a l e s c o r r e c t i o n n e l l e s . Parmi les nom-


breuses peines correctionnelles énumérées à l'article 131-3 du Code
pénal, seules constituent des peines principales : l'emprisonnement,
qui est une peine privative de liberté dont la durée maximum est
fixée à dix ans par l'article 131-4, et l'amende, qui est une peine
pécuniaire. Mais, à la différence de l'emprisonnement qui n'existe
qu'en matière correctionnelle, l'amende est également une peine
principale en matière contraventionnelle. C'est donc par son taux
que se distingue l'amende correctionnelle. Ce taux doit être supé-
rieur ou égal à 25 000 F en vertu de l'article 381 du Code de procé-
dure pénale. On peut regretter en passant que, contre toute logique,
le législateur n'ait pas inscrit ces dispositions dans le Code pénal.

Deux hypothèses sont donc à envisager. Si l'infraction est punie par


la loi d'une peine d'emprisonnement, elle constitue nécessairement un
délit puisque cette peine n'existe ni en matière contraventionnelle ni en
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matière criminelle et ce, bien sûr, quel que soit le taux de l'amende qui
peut être par ailleurs encourue. Si l'infraction est passible d'une peine
d'amende à l'exclusion de toute peine privative de liberté, elle ne consti-
tue un délit que si l'amende encourue est supérieure ou égale à
25 000 F. Tel est le cas, par exemple, de l'outrage à une personne
chargée d'une mission de service public, puni de 50 000 F d'amende
(art. 433-5 du C. pén.).

124 - P e i n e s p r i n c i p a l e s c o n t r a v e n t i o n n e l l e s . L'amende est


la seule peine principale contraventionnelle prévue par
l'article 131-12 du Code pénal. Son montant varie en fonction de la
classe de la contravention. L'article 131-3 distingue en effet cinq
classes de contraventions, prévoyant pour chacune d'elles l'amende
applicable. Les contraventions de la 5e classe sont le plus sévère-
ment punies. Elles sont passibles d'une amende fixée par le 5° de
l'article 131-13 à 10 000 F, ce montant pouvant être porté à 20 000 F
en cas de récidive. Constitue donc une contravention toute infraction
punie p a r le règlement ou, plus exceptionnellement, p a r la loi d'une
amende inférieure ou égale à 10 000 F, hors les cas de récidive.

Il se peut qu'une infraction soit punie d'une peine d'amende dont le


montant est fixé proportionnellement à telle ou telle valeur de référence.
Lorsque le texte de pénalité prévoit un plafond qui ne peut être
dépassé, il n'y a bien entendu aucune difficulté : il faut se référer à ce
plafond pour qualifier l'infraction. Lorsqu'aucun plafond n'a été prévu,
la question de la qualification de l'infraction est expressément réglée
par l'article 328 de la loi du 16 décembre 1992, qui dispose que « sont
considérées comme des contraventions de la 5e classe les contraventions
punies d'une amende dont le montant est fixé proportionnellement au
montant ou à la valeur, exprimé en numéraire du préjudice, des répara-
tions ou de l'objet de l'infraction. La peine d'amende prononcée pour ces
contraventions ne peut excéder les montants fixés par le 5° de
l'article 131-13 du Code pénal. » Ces dispositions législatives sont
reprises à l'article R. 610-4 du Code pénal. Il en résulte que toute
amende proportionnelle est, dans le silence des textes, implicitement
plafonnée au maximum de l'amende encourue pour les contraventions
de la 5e classe (c'est-à-dire 10 000 F ou 20 000 F en cas de récidive).

2) ... e n c o u r u e s . . .
125. - La peine encourue est la peine maximum prévue p a r la
loi ou le règlement pour sanctionner telle ou telle infraction. C'est
uniquement en considérant cette peine qu'il convient de déterminer
si l'infraction est un crime, un délit ou une contravention. La peine
effectivement prononcée p a r le juge ne doit pas être prise en compte.
Au contraire, les causes légales d'aggravation ou de diminution de
peines qui modifient la peine encourue selon le texte spécial d'incri-
mination et de pénalité devraient influer sur la qualification. Mais
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tel n'est pas exactement l'état de notre droit, comme le fera appa-
raître l'étude des incidences des causes d'aggravation et de diminu-
tion de la peine sur la qualification des infractions.
126. - I n c i d e n c e s des c a u s e s d ' a g g r a v a t i o n d e l a p e i n e .
L'aggravation de la peine encourue peut tout d'abord être la consé-
quence de la circonstance aggravante générale qu'est la récidive.
Cette cause d'aggravation n'a aucune incidence sur la qualification
de l'infraction. En effet, lorsqu'un délit est commis en récidive, la
peine d'emprisonnement encourue est doublée mais ne change pas
de nature même si elle vient à excéder le maximum de dix ans
prévu par l'article 131-4 du Code pénal en matière correctionnelle
(art. 132-9 du C. pén.). À titre d'exemple, le trafic de stupéfiants,
puni par l'article 222-37 du Code pénal de dix ans d'emprisonne-
ment, devient en récidive un délit puni de vingt ans d'emprisonne-
ment et non un crime puni de vingt ans de réclusion criminelle.
L'aggravation de la peine peut également résulter de circons-
tances aggravantes spéciales, tels que le port d'une arme, l'usage de
violences ou la vulnérabilité de la victime, prévues au cas par cas
par le législateur. Bien évidemment, chaque fois que la nature de la
peine se trouve modifiée par l'application de ces circonstances,
la qualification de l'infraction est modifiée en conséquence. Par
exemple, le délit de vol puni de trois ans d'emprisonnement
(art. 311-1 du C. pén.) devient un crime passible de vingt ans de
réclusion criminelle lorsqu'il est fait usage d'une arme (art. 311-8
du C. pén.). Les vols devenus criminels par l'application d'une cir-
constance aggravante sont souvent désignés sous l'expression de
« vols qualifiés ».
127. - I n c i d e n c e des c a u s e s d e d i m i n u t i o n d e l a p e i n e . Le
législateur attache parfois à certaines circonstances qu'il définit,
telle que la minorité du coupable ou la dénonciation par lui de ses
complices, une diminution de la peine normalement encourue. Sous
l'empire du code de 1810, ces causes légales de diminution de peines
étaient appelées excuses atténuantes. La jurisprudence avait alors
tendance à considérer que l'admission de ces excuses n'entraînait
aucune modification de la qualification initiale de l'infraction alors
même qu'elle modifiait la nature de la peine encourue en transfor-
mant, par exemple, une peine de réclusion en peine d'emprisonne-
ment (Crim. 10 août 1866, S., 67, I, 185 ; Crim. 24 avril 1925, S.,
1925, I, 329). La solution peut être discutée mais rien dans les dis-
positions du nouveau Code pénal ne permet de la remettre en cause
(contra, W. Jeandidier, Jcl. pén., art. 111-1) : si l'expression d'excu-
ses atténuantes a bien été bannie pour être remplacée par celle de
« cause légale de diminution de peine », le mécanisme juridique dési-
gné par ces deux expressions n'a subi aucune modification.
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À côté des causes légales de diminution de la peine, il existe des


causes judiciaires. Le juge n'est en effet jamais tenu d'appliquer la
peine prévue par la loi. Il peut prononcer, en considérant la person-
nalité du coupable et les circonstances de l'infraction, une peine
plus faible (infra, nos 956 et s.). Ainsi, l'auteur d'un meurtre qui
encourt trente ans de réclusion criminelle peut se voir condamner
par la cour d'assises à deux ans d'emprisonnement avec sursis,
voire à un franc d'amende. Sous l'empire de l'ancien Code pénal, la
diminution de peine devait être justifiée par l'octroi de circonstan-
ces atténuantes laissées toutefois à la libre appréciation du juge.
Cette obligation sans grande portée a été supprimée, la liberté du
juge s'en trouvant, au moins symboliquement, renforcée. Il est cer-
tain en tout cas que cette suppression ne remet pas en cause les
solutions antérieures : la diminution de peine décidée par le juge
n'a aucune incidence sur la qualification de l'infraction (Crim. 5
janv. 1950, D., 1950, 160). Dans l'exemple précité, le meurtre
demeure donc un crime.

Bien qu'elle ait été critiquée (Merle et Vitu, n° 382), cette solution
paraît logique. On n'imagine pas « des infractions à qualification
variable » qui, selon le quantum de la peine prononcée, seraient de
nature criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. La gravité
d'une infraction est déterminée de manière objective et permanente par
le législateur. Elle ne dépend pas du degré de responsabilité reconnu à
son auteur dans telle ou telle affaire particulière. La condamnation du
meurtrier à un an d'emprisonnement avec sursis ne signifie pas que
celui-ci aurait commis un acte de faible gravité (un simple délit). Elle
signifie qu'il a commis un acte grave (un crime) avec des circonstances
atténuantes.
En tout état de cause, on voit qu'il n'existe pas de correspondance
systématique entre, d'une part, la nature de l'infraction et, d'autre part,
la nature de la peine prononcée. Cette dissociation possible doit toujours
demeurer présente à l'esprit. Elle permet de comprendre de nombreuses
dispositions du Code pénal relatives aux peines. Ainsi, l'application de
certaines règles, comme celles relatives à la prescription (art. 133-2 du
C. pén.), dépend uniquement de la qualification de l'infraction. Au
contraire, l'application d'autres dispositions, comme celles relatives à la
réhabilitation (art. 133-13 du C. pén.) ou à l'octroi du sursis (art. 132-31
du C. pén.), est déterminée exclusivement par la nature de la peine pro-
noncée sans avoir égard à la nature de l'infraction sanctionnée.

3) ... p a r les p e r s o n n e s p h y s i q u e s
128. - L a q u a l i f i c a t i o n des i n f r a c t i o n s à l ' é g a r d des p e r -
s o n n e s m o r a l e s . Depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code
pénal, les personnes morales peuvent voir leur responsabilité
pénale engagée. Mais la nature criminelle, correctionnelle ou con-
traventionnelle des infractions reprochée aux personnes morales
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doit être déterminée, non par référence aux peines encourues p a r


la personne morale, mais par référence à celles encourues par les
personnes physiques pour la même infraction. Du reste, les dispo-
sitions des articles 131-37 à 131-44 qui définissent les peines pro-
pres aux personnes morales n'instituent pas à l'encontre de cel-
les-ci des peines criminelles distinctes des peines correctionnelles
(infra, n° 858).

SECTION 2
La relativité de la classification

129. - La classification tripartite des infractions est loin de revê-


tir le caractère absolu des classifications scientifiques. Il est évident
tout d'abord que l'appartenance d'une infraction à l'une des trois
catégories n'est pas définitive : elle peut être remise en cause à tout
moment (§ 1). Par ailleurs, la classification n'est pas monolithique :
il est possible d'observer l'apparition de sous-distinctions (§ 2).
Enfin, de manière plus marginale, il est des infractions qui échap-
pent à la classification (§ 3).

§ 1. L a r é p a r t i t i o n d e s i n f r a c t i o n s
e n t r e les trois g r a n d e s catégories
130. - L ' é v o l u t i o n p e r m a n e n t e d e l a q u a l i f i c a t i o n des
i n f r a c t i o n s . La répartition des infractions à l'intérieur de chacune
des trois catégories évolue sans cesse : telle infraction considérée
hier comme un crime est aujourd'hui un délit et sera peut-être
demain une contravention, ou inversement. Ces transformations
constantes prennent les noms de « criminalisation », « décriminali-
sation », « correctionnalisation » ou « contraventionnalisation ».

Quelques précisions de vocabulaire sont ici nécessaires. Au sens


étroit, la criminalisation consiste à transformer en crime un comporte-
ment auparavant qualifié délit ou contravention. Mais le terme est fré-
quemment utilisé pour désigner, de manière plus générale, la pénalisa-
tion d'un comportement qui échappait auparavant à toute répression
pénale. Inversement, la décriminalisation désigne souvent, non le fait
d'extraire un comportement de la sphère des crimes pour le qualifier
délit ou contravention, mais sa dépénalisation pure et simple. Cette
ambiguïté tient à celle du mot crime lui-même qui, on l'a vu, désigne
tantôt une catégorie d'infractions spécifiques, tantôt l'ensemble des
infractions sans distinction. Afin d'éviter toute confusion, il est préfé-
rable d'utiliser exclusivement le mot « pénalisation » pour exprimer
l'idée qu'un comportement auparavant non répréhensible est désormais
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incriminé, et le mot « dépénalisation » pour indiquer qu'un comporte-


ment auparavant incriminé est devenu non répréhensible. La correction-
nalisation est le fait de transformer en délit un comportement autrefois
qualifié crime ou, plus rarement, contravention. Enfin la contravention-
nalisation consiste en la transformation en contravention d'un compor-
tement jusque là qualifié crime ou délit.
Lors de la réforme du Code pénal, le législateur a ainsi procédé à
de nombreux ajustements. Plusieurs délits, telles la production et la
fabrication de stupéfiants, ont été criminalisés (v. H. Angevin, « La
cour d'assises et les lois nouvelles », JCP, G, 1994, 1, 3730, nos 3 à 5).
D'autres, comme la contrefaçon de timbres-poste ou les enregistre-
ments dans une zone militaire interdite, ont été contraventionnali-
sés (v. Circ., t. 2, art. R. 645-2 et R. 645-7 à R. 645-11 du C. pén.).
131. - C o r r e c t i o n n a l i s a t i o n l é g a l e et c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n
j u d i c i a i r e . Les transformations les plus nombreuses ont cependant
consisté en des correctionnalisations, entendues, en l'occurrence,
non comme la transformation de contraventions en délits - mouve-
ment d'aggravation très marginal en législation 1 - mais comme la
transformation de crimes en délits. La réforme du Code pénal se
situe ainsi dans le prolongement d'une évolution législative cons-
tante au cours de laquelle la catégorie des crimes n'a cessé de se
réduire au profit de celle des délits. En raison de son ampleur, le
phénomène de la correctionnalisation légale - dite encore correc-
tionnalisation législative - mérite une analyse spécifique.
Cette correctionnalisation légale est souvent précédée d'une cor-
rectionnalisation judiciaire. En effet, l'inadéquation des qualifica-
tions criminelles est parfois telle que, sans attendre l'intervention
du législateur, les juridictions pénales traitent comme des délits des
infractions qui, au regard de la loi, constituent des crimes. Très dif-
férente de la correctionnalisation légale par son mécanisme, la cor-
rectionnalisation judiciaire s'en rapproche par ses objectifs. Toutes
deux mettent en évidence la relativité de la classification tripartite
en faisant apparaître, d'une part, le caractère très fluctuant des
qualifications et, d'autre part, que le choix de la qualification n'est
pas toujours déterminé par la gravité de l'infraction, comme le vou-
drait pourtant l'article 111-1 du Code pénal.
Dans la mesure où la correctionnalisation légale intervient fré-
quemment pour entériner un mouvement de correctionnalisation
judiciaire, il paraît logique de commencer par l'étude de cette der-
nière.

1. Voir toutefois la transformation en délit des inscriptions, tracés de signes ou


dessins sur les immeubles, autrement dit des « tags », qui constituaient auparavant
des contraventions (art. 322-1, al. 2, 322-2 et 322-3 du C. pén., reprenant les disposi-
tions de l'ancien art. R. 38, 2° et 3°).
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A. L a c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i c i a i r e
132. - D é f i n i t i o n et p r o c é d é s d e c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i -
ciaire. La correctionnalisation judiciaire est la pratique consistant
pour les autorités chargées des poursuites et de l'instruction à
appliquer à des agissements constitutifs d'un crime au regard de la
loi une qualification correctionnelle en déformant délibérément la
réalité des faits. La question est traitée par la plupart des auteurs
dans le cadre de la procédure pénale car la correctionnalisation
judiciaire revient à tourner les règles légales relatives à la compé-
tence juridictionnelle.
Le procédé le plus simple consiste à négliger une circonstance
aggravante comme, par exemple, en cas de violences ayant entraîné
une mutilation punie de dix ans d'emprisonnement (art. 222-9 du C.
pén.), la circonstance de réunion ou de préméditation, qui porte la
peine à quinze ans de réclusion criminelle (art. 222-10 du C. pén.). Il
est également possible de passer sous silence l'un des éléments cons-
titutifs du crime. Ainsi, une tentative de meurtre sera qualifiée de
violences volontaires délictuelles en occultant l'intention homicide
de son auteur ou encore un viol (crime prévu par l'article 222-23 du
C. pén.) sera qualifié d'agression sexuelle autre que le viol (délit
prévu par l'article 222-27 du C. pén.) en dissimulant l'existence
d'une pénétration sexuelle. Enfin, lorsqu'un même fait tombe sous le
coup de plusieurs qualifications pénales en concours, la correction-
nalisation consistera à éluder délibérément les qualifications crimi-
nelles, contrairement aux règles normalement applicables : le
notaire ayant commis une escroquerie à l'aide d'un faux en écriture
publique sera poursuivi du seul chef d'escroquerie et non de faux en
écriture publique, cette seconde infraction constituant un crime
lorsqu'elle est commise par un officier ministériel (art. 441-4, al. 3).
Les exemples pourraient bien entendu être multipliés.
Dans la mesure où elle a pour conséquence d'éluder les règles
d'ordre public relatives à la compétence des juridictions pénales,
en soumettant au tribunal correctionnel des infractions relevant
de la cour d'assises, la correctionnalisation judiciaire est une prati-
que illégale (Crim. 9 nov. 1955, JCP, 1956, II, 9249, note Granier ;
12 juin 1958, B., n° 457 ; 3 janv. 1970, B., n° 4 ; 12 janv. 2000, B.,
24). Elle n'est possible qu'avec le consentement tacite de la juridic-
tion correctionnelle et de l'ensemble des acteurs du procès pénal :
magistrats (juge d'instruction et procureur de la République), per-
sonne poursuivie et partie civile. L'incompétence du tribunal cor-
rectionnel peut en effet toujours être soulevée par lui (art. 469 du
C. pr. pén.) ou par l'une des parties (Paris 23 juin 1967, JCP,
1968, II, 15413, note Meurisse ; Reims 9 nov. 1978 : D., 1979, 92
note Pradel ; JCP, 1979, II, 19046 note Bouzat). Mais il est rare en
pratique que la correctionnalisation soit dénoncée, chacun y trou-
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vant son compte et, notamment, la personne poursuivie, qui


encourt des peines moins élevées.
133. - R a i s o n s d ' ê t r e d e l a c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i -
c i a i r e . Trois séries de raisons justifient la pratique de la correc-
tionnalisation.
e En premier lieu, cette pratique est tout simplement indispen-
sable au fonctionnement de la justice pénale. Les cours d'assises,
juridictions non permanentes composées pour partie de juges occa-
sionnels, seraient en effet dans l'incapacité absolue de juger
l'ensemble des infractions constituant des crimes aux termes de la
loi. La modification de la procédure criminelle résultant de la loi du
15 juin 2000 ne devrait pas modifier cette analyse. Les décisions
des cours d'assises pouvant être frappées d'appel, la procédure cri-
minelle devient encore plus lourde et complexe en ce qui concerne
sa phase de jugement, ce qui ne devrait pas inciter les juridictions à
réduire le nombre des correctionnalisations.
e En deuxième lieu, la correctionnalisation judiciaire est un
moyen parmi d'autres d'adapter la réaction sociale aux circons-
tances particulières de chaque affaire. Les infractions sont définies
de manière relativement abstraites par le législateur et recouvrent
une très grande diversité de situations qui ne méritent pas toutes
avec la même intensité les foudres de la loi. Celui qui, sous la
menace d'un pistolet factice, dérobe une marchandise dans un
magasin se rend coupable d'un vol à main armée passible de vingt
ans de réclusion criminelle selon la lettre de l'article 311-8 du Code
pénal. Mais, compte tenu de la gravité réelle des faits, de la lour-
deur et du coût de la procédure devant la cour d'assises, la qualifi-
cation criminelle n'est manifestement pas adaptée : le procureur de
la République oubliera le pistolet factice et poursuivra sous la qua-
lification correctionnelle de vol avec violence.
e Enfin, la correctionnalisation permet de mettre le droit pénal
en harmonie avec l'évolution de la société sans attendre l'interven-
tion du législateur. Ainsi, les vols commis par « un domestique » ou
« un homme de service à gages » ont cessé d'être poursuivis devant
les cours d'assises bien avant que le législateur ne vienne suppri-
mer, en 1981, cette circonstance aggravante d'un autre âge qui con-
férait au vol une qualification criminelle. Il est vrai qu'à l'inverse la
correctionnalisation est parfois guidée par le souci d'assurer la
répression plus effective de certaines infractions pour lesquelles les
jurés d'assises font preuve d'une excessive indulgence. Quoi qu'il en
soit, cette fonction d'adaptation devrait voir son importance se
réduire, du moins provisoirement, en raison du rajeunissement
récent de la législation pénale. En effet, le législateur a largement
tiré les conséquences de ces correctionnalisations judiciaires en les
entérinant par des correctionnalisations légales.
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- larges et partielles, 294 Responsabilité présumée, u. pré-


- redondantes, 292 et s. somption de responsabilité
Résultat, 441, 444 et s., 480
R Retrait de points (du permis de
conduire), 80, 269, 280
Réalité (principe de -), 600 Rétribution, 63, 850
Réalité (système de la -), u. compé- Rétroactivité in mitius, u. rubrique
tence (réelle) de la loi française suivante
Récidive, 126, 327, 893, 900, 915,
Rétroactivité de la loi pénale plus
917, 923 et s., 1051, 1058, 1133 douce, 273, 322, 333 et s.
Réclusion criminelle, 27, 772-773 Réunion, 515, 890
Réduction de peine, 802, 917, 1051, Risques causés à autrui, 462, 497
1143
Règlement :
- dans la définition des vio- S
lences involontaires, 490, 497 Sanctions :
- économique (applic. dans le - administratives, 24, 26, 79,
temps), 341-343 80, 422, 576
- source de la loi pénale, 197, - civiles, 24, 26
202, 204-207, 243-246 - disciplinaires, 24, 26, 920
- validité du -, 274 - fiscales, 193
Réhabilitation, 1083, 1125 et s., - pénales, v. mesure de sûreté,
- judiciaire, 1130 et s. peines
- légale, 1127 et s. Schengen (Accords de -), 248
Réitération d'infractions, 893 Schizophrénie, 635
Relèvement, 907, 915, 948, 1076, Science pénitentiaire, u. pénologie
1089, 1117 et s. Secret professionnel, 696, 699, 717
Remise de peine, 1052, 1071, 1116 Semi-liberté, 802, 939, 961, 1056,
Repentir actif, 455, 547 1063, 1088,
Repentis, 886 Sentences étrangères (effets en
Réponse ministérielle, 685 France des -), 1036
Représentant, 607 Sida, 299, 310, 474, 749
Requalification, u. disqualification Societas delinquere non potest, 572
Résolution criminelle, 450 Sociétés, 582
Responsabilité civile, 428 Solidarité des compétences
Responsabilité collective, 506 législative et juridictionnelles
Responsabilité pénale (définition (principe de la -), 373
générale), 427, 428 Solidarité passive, 1084
Responsabilité pénale des Somnambulisme, 634
personnes morales, 345, 506, Souveraineté de l'Etat, 37, 195,
569-626, 1096 247, 286, 377, 385, 583, 587
- conditions de la -, 599-612 Statistiques judiciaires et
- constitutionnalité de la -, 578 policières, 70
- cumul, 616-625 Stérilisation, 714
- débat doctrinal, 572-575 Suicide, 522, 714
- infractions concernées, 591-598 Suivi socio-judiciaire, 752, 846-1,
- personnes morales visées, 846-2, 846-3
580-590 Sursis :
Responsabilité pénale des per- - avec mise à l'épreuve, 939, 987
sonnes physiques, 503 et s. et s.
- avec travail d'intérêt général, Tribunal de l'application des
939, 1006 et s. peines, 1040
- en général, 908, 909, 915, Tribunal pénal international, 20,
916, 969 et s. 413-421, 521, 723
- simple, 784, 802, 939, 972 Travail d'intérêt général, 783 et s.,
et s. 798, 840 et s., 974, 1079, 1088
Surveillance électronique, 1040, Travail forcé, 755, 765, 770, 784
1056-1
Suspension de peine, 965, 1053, v. U
fractionnement
Uniformisation du droit pénal, 426
Suspension du permis de conduire,
Unité des fautes (civile et pénale),
304, 829, 1035, 1038, 1080 498-5 à 498-7
Universalité de la répression
T (système de 1'-), v. compétence
universelle
Tentative, 449-458, 489, 509
Territoire d'outre-mer, 382 Usage de stupéfiants, 65, 635, 649
Territorialité de la loi pénale, 37, Usages, 240
375, 377 et s., 406, 412, 919, Utilitarisme, 576
924
Terrorisme, 159, 185-191, 478, 816, V
868, 887 Victime, 713
Tolérance administrative, 711 Violence, 474
Trouble mental, 631-650 Viol, 229
Trouble psychique ou neuro- Viol entre époux, 700
psychique, 631 à 650 Vol, 126, 474, 477
Trafic de stupéfiants, 704, 777, 816, Volenti non fit injuria, 714
821, 833, 834, 835, 836, 846, Volonté, 635
857, 868, 886, 890, 1082, 1083
Traités internationaux, W
v. Conventions internationales
Wehrgeld (prix du sang), 428
Traité de Rome, v. Droit
communautaire
Z
Traitements inhumains ou
dégradants, 269, 712, 755, 770 Zone économique, 385

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