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1. L’approche behavioriste
des comportements anormaux
Dans l’optique behavioriste, les comportements anormaux et normaux sont
acquis et maintenus par des mécanismes identiques et selon les lois générales de
l’apprentissage (Seron et al., 1977)8. Les publications disponibles nous offrent
un grand nombre d’exemples d’acquisition, par apprentissage, des troubles
psychopathologiques. Paul & Bernstein (1973) notamment, constatent
l’existence de trois modes d’acquisition de réponses anxiogènes mésadaptées.
D’autres auteurs discutent les modèles comportementaux d’acquisition d’une
phobie (Mollard & Cottraux, 1984), des obsessions-compulsions (Cottraux et al.,
1984) ou des conduites inadaptées de l’enfant (Forget & Otis, 1977).
Les behavioristes rejettent toute cause interne comme cause ultime du
comportement et lient l’apparition de tout comportement à l’environnement.
Ceci explique l’importance accordée à l’analyse fonctionnelle du comportement
anormal, analyse destinée à préciser les variables environnementales qui sont en
relation avec le comportement respectif. Une telle analyse se fait à l’aide des
informations recueillies grâce à différentes techniques (Bouchard et al., 1980).
Après avoir défini de manière opérationnelle le comportement étudié, le
clinicien cherche à déterminer la fréquence, la durée ou l’intensité de celui-ci. Il
cherchera aussi à préciser les conditions spécifiques environnementales qui
précèdent, accompagnent ou suivent les comportements étudiés. Ceci permet de
préciser les stimuli qui précèdent le comportement en question, de décrire ce
comportement (en termes de fréquence, de durée ou d’intensité) et d’établir les
conséquences ou modifications de l’environnement qui apparaissent juste après
le comportement considéré.
Pour atteindre ces objectifs, le chercheur peut procéder, avec au moins un autre
observateur indépendant, à une observation directe, en utilisant des modalités
comme l’observation continue (où tout ce qui se passe est noté), l’observation de
type événementiel (qui consiste à enregistrer la fréquence du comportement),
l’observation de la durée du comportement, l’observation par intervalle temporel
ou par échantillon de temps9.
Lorsque l’observation en milieu naturel est difficile ou impossible, le clinicien
peut faire de l’observation en laboratoire, en simulant, dans la mesure du
possible, une situation analogue.
D’autres méthodes utilisées pour faire l’analyse des comportements sont :
(a) l’auto-observation (le sujet note lui-même la fréquence ou la durée de ses
comportements inadaptés) ; (b) l’entrevue qui, dans ce contexte, est directive et
centrée sur l’obtention d’informations concrètes spécifiques et pertinentes (les
questions commencent surtout par « comment ? », « quand ? », « où ? »,
« quoi ? ») ; (c) le jeu de rôle, considéré comme une alternative intéressante à
l’observation du comportement en milieu naturel ; (d) des questionnaires visant à
obtenir un échantillon de ce que le sujet fait dans diverses situations précises10 ;
(e) des mesures physiologiques qui permettent d’évaluer la valeur émotionnelle
d’une situation.
La position du behaviorisme concernant l’apparition des troubles
psychopathologiques a conduit à l’élaboration d’une série de techniques visant
l’élimination des comportements qualifiés de pathologiques, déviants, inadaptés
ou indésirables. Ces techniques sont connues sous le nom de thérapie
comportementale ou de modification du comportement11. Conduites selon des
règles précises et impliquant un monitorage continu, les techniques de thérapie
comportementale se centrent sur les symptômes des patients. La disparition du
symptôme-cible ne signifie pas seulement que la technique utilisée est bonne.
Elle valide, en même temps, la position théorique sous-jacente à la thérapie
comportementale12. Or, pour les adversaires de l’approche behavioriste de la
psychopathologie, le symptôme n’est que le signe d’un conflit interne, n’est que
la solution la plus économique que le patient a trouvée pour résoudre
partiellement ce conflit. Dans ces conditions, traiter le symptôme ne change rien
au conflit qui lui est sous-jacent. Pour cette raison, les adversaires de la thérapie
comportementale parlent de substitution de symptômes : la disparition du
symptôme-cible conduit à l’apparition d’un nouveau symptôme qui est plus
inadapté, plus désorganisant que le précédent. Dans l’analyse qu’ils font de la
substitution de symptômes, Seron et al. (1977) notent que Yates (1958),
Eysenck (1959) et Rachman (1963) ont constaté sur un grand nombre de
malades que la substitution est rare13. Elle n’apparaîtrait que chez 5 à 10 % des
patients et, pour ceux-ci, d’autres explications (provenant elles aussi de la
théorie behavioriste) peuvent être avancées :
– le nouveau symptôme serait le résultat de l’apparition de conditions
environnementales impossibles à contrôler ou à prévoir durant la thérapie ;
– comme la thérapie behavioriste vise un comportement-cible, fort probablement
le plus important d’une série hiérarchisée de comportements inadaptés, la
disparition de ce comportement-cible servirait de révélateur pour le ou les
comportements qui le suivent dans la série envisagée.
Il est aussi possible que le comportement-cible lui-même réapparaisse lorsque
la thérapie n’a pas pris en considération tous les stimuli qui contrôlent
l’apparition de ce comportement. Il est donc normal que, dans la situation où ces
stimuli se manifestent, le comportement puisse réapparaître. Ceci peut se
produire, notamment, lorsque l’environnement n’est pas favorable au
changement produit en situation thérapeutique.
Pour illustrer les effets des milieux lacunaires, Staats reprend le cas,
publié antérieurement par Cameron et Garner (1951), d’un jeune
homme diagnostiqué comme présentant une psychopathie
constitutionnelle.
Le patient, qui se trouvait en prison pour avoir falsifié des chèques,
avait une attitude moraliste : « Il admit au départ son méfait, reconnut
que cela était mal et dit qu’il s’excusait. » Pour Cameron et Garner,
c’est l’indulgence excessive de la mère du patient, pour qui il était
une idole, et la protection excessive de sa famille qui sont à la base
des problèmes du patient. Dans chaque situation tendue avec ses
pairs ou ses enseignants, sa mère et ses sœurs « lui laissaient
toujours entendre qu’il avait eu raison d’agir ainsi et que c’étaient les
autres qui avaient tort ». Lorsque les enseignants faisaient état de
« la difficulté de faire confiance à cet enfant », sa mère et ses sœurs
s’indignaient et « soutenaient que de telles affirmations étaient
fausses… ». Le patient travailla pendant trois ans dans la marine
marchande d’où il dut partir « parce que indésirable ». Marié, entre-
temps, à une femme plus âgée que lui, qui avait travaillé dans
l’enseignement et qu’il avait épatée avec de faux exploits, ils
retournèrent, lui et son épouse, dans sa famille. En découvrant les
mensonges du patient, son épouse les excusa en les considérant
uniquement « un peu exagérés ». C’est après ce retour à la maison
qu’il fut emprisonné, pour la première fois, dans un des États
américains voisins. Dans cette situation, sa mère et son épouse
allèrent partout où il avait signé des faux chèques, payèrent les
sommes en question et rendirent ainsi possible sa libération.
Résumé
Trois principales directions dans le développement du behaviorisme
– les deux premières basées sur les paradigmes du conditionnement
classique et du conditionnement opérant et la troisième représentée
par le behaviorisme social ou paradigmatique – ont influencé non
seulement l’intervention thérapeutique, mais ont aussi marqué de
manière importante le mode de compréhension des troubles
psychopathologiques.
Dans l’optique behavioriste, les comportements anormaux et
normaux sont acquis et maintenus par des mécanismes identiques et
selon les lois générales de l’apprentissage. Les behavioristes
rejettent toute cause interne comme cause ultime du comportement
et lient l’apparition de tout comportement à l’environnement du sujet.
Pour cette raison, le clinicien cherche à préciser les conditions
spécifiques environnementales qui précèdent, accompagnent ou
suivent les comportements étudiés. Il s’agit d’une analyse destinée à
préciser les variables environnementales qui sont en relation avec les
comportements respectifs.
Une problématique qui suscite beaucoup de débats est le statut du
symptôme dans le cadre de l’approche behavioriste. La disparition de
celui-ci, lorsqu’on utilise des techniques de thérapie
comportementale, valide en même temps la méthodologie
d’intervention et la position théorique sous-jacente à la thérapie
comportementale. Contrairement à ce qui est souvent avancé, la
disparition du symptôme-cible ne mène que dans un nombre très
réduit de cas à l’apparition d’un autre symptôme.
Le behaviorisme paradigmatique ou social accorde un poids
particulier à l’investigation des systèmes de personnalité décrits par
Staats et constitués de répertoires comportementaux de base. Ceci
implique un examen de chaque sphère de personnalité en termes de
lacunes comportementales ou de comportements incorrects. Dans le
cadre de cette approche, une importance particulière est accordée à
l’histoire d’apprentissage du patient et aux conditions d’apprentissage
décrites comme lacunaires ou inadéquates. Les conditions qui
contribuent au maintien des comportements dits anormaux et
l’interaction de ces comportements avec l’environnement où ils sont
émis constituent deux autres cibles de l’approche behavioriste
sociale.