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Les urgences psychiatriques

Introduction:
Les urgences psychiatriques sont constituées des états psychiques pouvant engager le pronostic vital
du patient ou mettre sa vie en danger et/ou celle d’autrui

Beaucoup de situations de crise sont confondues avec les urgences .

Les spécialistes des situations de crises déclarent que seulement 30% des cas reçus au pavillon des
urgences de psychiatrique est au fait une véritable urgence (engageant le pronostic vital) le reste est
constitué de crise interpersonnelle, intrapsychique…dues à des malentendus, des troubles de la
communication, des dysfonctionnements dans le système de référence, en l’occurrence la famille.

Définition:

Urgence psychiatrique:

« Demande dont la réponse ne peut être différée, nécessitant une réponse rapide et adéquate de
l ’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique »

(Commission des Maladies Mentales de l ’Urgence en Psychiatrie, 1991)

Spécificités des urgences psychiatriques:

• Ne pas confondre une demande psychologique et une demande psychiatrique.


• C’est une notion essentiellement subjective: On parle d’urgence ressentie.
• La plupart du temps: pas d’engagement immédiat du pronostic vital.
• Évaluation dangerosité (auto et ou hétéro agressivité) à court, moyen et long terme.
• Enjeux de l’urgence: situation complexe qui conduit à:
• Éliminer une urgence somatique mimant une symptomatologie psychiatrique.
• Reconnaitre une pathologie psychiatrique: pas de diagnostic de trouble mais
identification syndromique.
• Gérer une situation de « crise » et proposer une réponse adaptée
• Le psychiatre aux urgences n’est ni conseiller familial ni assistante sociale ni éducateur
pour adolescents.
• Ne pas se faire piéger par l’étiquette psychiatrique engageant ainsi le pronostic
fonctionnel et vital du patient.
• Devant des manifestations d’allure psychiatrique (agitation, confusion, attaque de
panique, état délirant...), ne pas passer à côté d’une urgence somatique.
• Dangerosité et aspects médico-légaux

Quand évoquer une organicité ?

• Syndrome confusionnel
• Absence d'antécédents psychiatriques
• Modification des symptômes psychiatriques habituels chez un patient avec des
• antécédents psychiatriques
• Présentation d’un tableau psychiatrique atypique
• Sujet âgé

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• Maladie somatique connue
• • Association à des symptômes somatiques marqués (fièvre, AEG, amaigrissement,
céphalées)

Trois grands types des urgences psychiatriques :

• Urgences psychiatriques pures


• Urgences intriquées, médicopsychiatriques
• Situations de crise ou de détresse psychosociale

(Rapport A. Steg, 1989)

I) Etats d’agitation et dangerosité :


L’état d’agitation est un trouble du comportement psychomoteur caractérisé par une augmentation
désordonnée de l’activité motrice qui peut ou non être contrôlable, des manifestations émotionnelles et
somatiques, et une intentionnalité auto- ou hétéroagressive.

• C'est une urgence absolue.

• Elle est symptomatique de nombreuses affections organiques et psychiatriques

• Elle nécessite une prise en charge immédiate avec deux objectifs qui sont de maîtriser la
situation et de réaliser le diagnostic étiologique.

La dangerosité ou « le potentiel de dangerosité » est a évaluer sérieusement en tenant compte du


trouble et du contexte.

 La clinique:

Les manifestations cliniques de l'agitation sont:

• Motrice: déambulations, mouvements intenses et brusques, auto-et ou hétéro agressivité,


crises clastiques.

• Verbale: élévation de la voix, tendance logorrhéique, cris

• La fureur: forme d'agitation extrême, incoercible, caractérisée par la violence des


manifestations motrices à tendance destructrice.

 Diagnostic positif :

L’examen de l’agitée:

L'abord du patient:

1-Un entretien avec le patient:

• Le séparer de son entourage


• Parler avec le patient pour bloquer la spirale peur- agressivité
• Adopter une attitude ferme et décidée face au patient.

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2- L'interrogatoire : Entretien avec l’entourage puis avec le patient

• Rechercher les circonstances exactes de survenue de l’agitation.


• Rechercher les facteurs déclenchants
• Rechercher des antécédents psychiatriques et médicaux, antécédents de violence ou
suicidaires, traitements actuels, Début de l’épisode, Facteurs de stress, Prise de toxiques)

3- Les examens cliniques et paracliniques:

 L’examen somatique :
• Temps indispensable de l’évaluation.
• Indispensable, même si bref
• En général pratiqué avant l’évaluation psychiatrique
• Par un urgentiste
• Parfois après sédation
• Peut apaiser et rassurer

 L’examen psychiatrique : Consiste à observer et à écouter attentivement afin d’apprécier au


mieux :
• Les caractéristiques de l’agitation
• L’orientation temporo-spatiale, l’état de conscience
• L’existence d’altération de l’humeur
• La présence de phénomènes hallucinatoires et délirants.

-Ne jamais sous estimer le potentiel de dangerosité du patient (se précipiter a libérer un patient
contenu par sa famille).

- Utiliser un local calme, commencer par se présenter et présenter l’équipe soignante.

- Dans le cadre des agitations réactionnelles (faire sortir la famille, avoir une attitude ferme)

 Les examens para cliniques:en fonction de l’orientation de l’examen clinique


• Glycémie capillaire
• Bilan standard : ionogramme, calcémie, NFS, CRP, bilan hépatique;
• Saturation artérielle en oxygène (SpO2)
• Alcoolémie, recherche qualitative de médicaments dans le sang et de toxique dans le sang et
urines
• ECG
• PL
• Imagerie cérébrale; EEG, TDM cérébrale
• Vitesse de sédimentation.
 Signes imminents de la violence:
• Déambule sans cesse.
• Claque les portes.
• Tape sur le bureau ou contre le mur.
• Monte le ton.
• Refus de s’asseoir ou s’asseoir sur le bord de la chaise
• Tutoie, méprise et insulte les soignants.
• Propos menaçants.
• Délire de persécution.

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• Hallucinations

 Diagnostic étiologique :

Causes organiques:

 Affections douloureuses aigues :

• IDM
• Pancréatite aigue
• Syndrome douloureux abdominal
• Fracture chez le sujet âgé

 Affections générales :

• Insuffisance cardiaque
• Insuffisance respiratoire
• Fièvre, septicémie.

 Causes métaboliques et endocriniennes :

• Hypoglycémie,
• Acidocétose diabétique ;
• Urémie;
• Grandes déshydratations (coma hyperosmolaire) ;
• Perturbation de la natrémie, de la calcémie ;
• Hypocapnie, hypercapnie (insuffisance respiratoire)
• Hyperthyroïdie
• Syndrome de Cushing ;
• Hyperparathyroïdie.

 Causes neuroméningées:

• Hémorragies méningées
• Méningite
• Encéphalites
• Tumeurs cérébrales(frontales)
• Hypertension intra-cranienne
• Épilepsie
• Hématome sous dural (aigu ou chronique) .

Causes toxiques:

 Médicaments:

• Isoniazide, corticoïdes.
• Les benzodiazépines : peuvent être à la source d’états d’agitation furieuse avec agressivité,
notamment quand elles sont associées à la prise d’alcool, le sevrage brutal également.
• Les antidépresseurs : notamment les tricycliques, en cas de surdosage ou chez certaines
personnes peuvent entrainer un virage maniaque
• LSD, amphétamines, crack, cocaïne

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• Anti-tuberculeux

 Autres intoxications: CO, plomb, atropiniques,

 L’agitation peut se voir soit lors d’une intoxication (intoxication alcoolique), ou bien lors du
sevrage de certaines drogues.

Causes psychiatriques:

 Trouble psychotique bref: L’agitation s’accompagne d’idées délirantes extériorisées, c’est


l’adhésion du patient à son délire qui explique les troubles du comportement et son agitation

 Episode maniaque: humeur exaltée, logorrhée, familiarité du contact, agitation stérile, idées
de grandeur allant jusqu’à l’état de fureur maniaque

 Dépression anxieuse : agitation anxieuse avec des idées délirantes à thématiques dépressive
qui peuvent alimenter et précipiter un passage à l’acte suicidaire.

 Phases fécondes de la schizophrénie: délire de persécution, injonctions hallucinatoires,


désorganisation de la pensée, l’agitation du schizophrène comporte le risque de passages à
l’acte impulsifs, de violence auto ou hétéro agressive apparemment immotivée .

 Délire paranoïaque: patient revendicateur, propos menaçants, délires passionnels et de


revendication

 Confusion mentale: obnubilation, désorientation temporo-spatiale, onirisme, perplexité


anxieuse

 Attaque de panique: anxiété, déréalisation, dépersonnalisation, soif d’air

 Décompensation d’une personnalité pathologique: Cette décompensation se traduit par une


impulsivité, une intolérance à la frustration, une immaturité affective. Le passage à l’acte auto
et hétéro agressif est toujours présent avec agitation.

L’agitation hystérique : sûrement une des plus fréquentes, se manifeste de manière théâtrale,
bruyante résonnant en harmonie avec l’attitude des spectateurs.

Personnalité psychopathique (anti social) ,Borderline (état limite)

 L’état démentiel : l’agitation peut être intense, souvent nocturne et il s’agit surtout d’un état
confusionnel avec déambulations, errances. L’agressivité est peu fréquente et son intensité est
moindre car il s’agit de personnes âgées.

 Les principes de prise en charge:

• Urgence médicale

• Rester calme, ferme mais empathique, ne pas montrer sa peur,

• Le principe est de se présenter, de rassurer, sécuriser, dédramatiser … de séparer le


patient de ce qui semble contribuer à son état d’agitation

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• Le médecin garde toujours une distance de sécurité et se positionne systématiquement vers la
sortie, porte ouverte

• Isoler le patient

• Si agitation accessible: Proposition d’un traitement sédatif (anxiolytique ou neuroleptique) per


os (avec le traitement injectable en IM et la contention déjà prêts en cas de refus, pas de
négociation une fois la décision prise), examen et bilan somatique

• Si agitation extrême d’emblée: contention physique et traitement sédatif IM sans jamais rompre le
contact

• Hospitalisation dans le service adapté (médecine, Réa, psychiatrie).

II) Tentative de suicide:


Le suicide et tentative de suicide représentent l’urgence et le risque majeurs du domaine de la
psychiatrie.

Suicide : Du latin sui « soi-même » et caedere : « couper, tuer ».

« On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou
négatif accompli par la victime elle-même et qu’elle savait devoir produire ce résultat » (Durkheim,
1897).

Tentative de suicide (TS) : ce terme recouvre tout acte par lequel un individu met consciemment sa
vie en jeu et n'aboutissant pas à la mort. On parle de sujet suicidant.

Quelques définitions:

• Les idées de suicide correspondent à l'élaboration mentale consciente d'un désir de mort, qu'il
soit actif ou passif ; ces idées sont parfois exprimées sous la forme de menaces suicidaires. On
parle de sujet suicidaire.

• La crise suicidaire est une crise psychique dont le risque majeur est le suicide. Il s'agit d'un
moment dans la vie d'une personne, où celle-ci voit ses mécanismes d’adaptation dépassés, se
sent donc dans une impasse et est confrontée à des idées suicidaires de plus en plus
envahissantes ; le suicide apparaît comme le seul moyen, face à sa souffrance.

• Les équivalents suicidaires: ce sont des conduites à risque qui témoignent d'un désir
inconscient de jeu avec la mort. Ces conduites, tout comme certaines lésions ou mutilations
auto-infligées non suicidaires, ne doivent pas être abusivement considérées comme des
tentatives de suicide.

Evaluations des facteurs de risque:

• Trouble psychiatrique actuel ou ancien


• Contact actuel ou récent en milieu psychiatrique
• Jours ou semaines suivant la sortie de l’hôpital psychiatrique
• Antécédents de tentative de suicide

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• Antécédents familiaux de suicide
• Forte intentionnalité suicidaire, désespoir
• Impulsivité, agressivité
• Consommation d’alcool, substances psychoactives
• Pertes parentales précoces
• Sexe masculin (suicide), femmes (tentatives de suicide)
• Isolement social, célibat, veuvage, divorce, séparation
• Chômage, perte d’emploi, déménagement
• violence familiale

Les modes opératoires sont polymorphes :

• Ingestion médicamenteuse
• Automutilation
• Défenestration
• Noyade
• Passage à l’acte par arme à feu
• Electrocution
• Pendaison
• Suicide au gaz
• Suicide altruiste

Le mode opératoire est en fonction de la profondeur de la douleur morale, de l’étiologie, du trouble et


de la dislocation de la personnalité.

Les étiologies:

• Troubles de l’humeur: dépression, trouble bipolaire, trouble dépressif récurrent


• Schizophrénie
• Personnalité pathologique (personnalité borderline, histrionique)
• Démence (début d’évolution)
• Trouble délirant
• Troubles liés à l’alcool ou autres substances psychoactives.

Objectifs de la prise en charge:

• écarter tout risque vital ou fonctionnel


• comorbidités somatiques
• sécurité du patient, prévenir le risque de récidive à court terme.
• créer un climat de confiance mutuelle, d’adhésion au traitement et de résolution de la crise.
• d’évaluer les ressources psychologiques du sujet.
• rechercher une éventuelle décompensation

Prise en charge du suicidant:

• Ne jamais banaliser
• Nécessité sans délai d’une triple évaluation:
• Somatique, Psychologique, Socio-familiale.

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• La prise en charge des suicidants aux urgences hospitalières s'effectue de manière
pluridisciplinaire, l'examen psychiatrique ne doit pas être réalisé trop précocement après la
tentative de suicide.
• Evaluer cliniquement, mettre en route un suivi psychiatrique et/ou psychothérapique et
d'un éventuel traitement chimiothérapique et proposition (le plus souvent) d'une
hospitalisation en milieu spécialisé, au besoin sous contrainte
• Evaluer le risque de récidive: évaluation du contexte clinique, de l'intentionnalité suicidaire,
• Prévention de récidive : limiter l'accès au moyen de suicide, prise en charge des suicidants,
amélioration de la connaissance épidémiologique, prise en charge des populations à risque,
accompagnement des patients hospitalisés et sortant d'une hospitalisation en psychiatrie,
surtout dans un contexte de prise en charge d'une crise suicidaire.

III) Etats de choc émotionnels:


Un choc émotionnel résulte de l’exposition à un événement traumatisant

(Deuil, divorce, licenciement, accident,..) qui submerge les facultés que possède un individu pour faire
face aux émotions qu’il ressent lorsque celui-ci survient.

Anxiété…angoisse..perplexité..voir état second…dissociation de la conscience.

Prise en charge dans l’immédiat= réassurance

Prise en charge dans le post immédiat et différée..Psychothérapeutique spécifique

IV) Les crises psychosociales:


• Elle se situe en amont de l’urgence.

• Également appelés « états aigus transitoires » ou situations de crise

• En général, c’est une situation interactive conflictuelle impliquant le malade et son


environnement (famille, voisins…) ; c’est un état instable qui se résout exceptionnellement de
manière positive ou évolue au contraire vers l’urgence médicale, psychiatrique ou mixte.

• De la qualité de la réponse peut dépendre, en partie, l’évolution de la situation et ses


répercussions sur l’environnement familial, professionnel et social

 Caractéristiques des états de crise:


• Dramatisation, théâtralisme, débordement émotionnel.
• Tableau clinique instable: ne pas hésiter à réévaluer les patients.
• Attitudes régressives.
• Mise en jeux du contexte de vie: rupture affective, conflits relationnels…
 Difficultés propres à la situation:
• Symptomatologie floride qui ne s’inscrit pas dans une affection psychiatrique constituée et
identifiable.
• Intrication étroite des facteurs socio-environnementaux.

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 Approche des situations de crise:
• Analyse du contexte et signification de la crise (valeur d’appel, moyen de pression, recherches
de bénéfices secondaires…).
• Attitude ni trop interventionniste ni abstentionniste.
• Conduite à tenir: apaiser, temporiser, prioriser le dialogue et la communication.
• Nécessité d’inscrire le patient dans un processus de prise en charge multidimensionnelle.
• Transformation de l’urgence……….en crise puis gestion de la crise!!
• Apporter des changements de type II dans le système en crise/ approche voir thérapie
systémique.

Conclusion:

Toute urgence psychiatrique doit associer une prise en charge somatique initiale, à la prise en charge
psychiatrique, afin d’éliminer une pathologie somatique pouvant avoir une présentation psychiatrique
et afin d’évaluer le retentissement somatique du trouble psychique

La prise en charge de l’urgence psychiatrique est déterminée par le contexte de sa survenue, la nature
du trouble et l’engagement ou non du pronostic vital

Pour cela il sera procédé et en fonction des cas à l’hospitalisation dans l’immédiat ou dans le différé
et dans le service adéquat/ somatique, psychiatrique en urgence, en EHS, en placement…

De transformer cela en travail sur la crise (si c’est le cas et ce en psychothérapie systémique)

Il y sera adjoint un traitement médicamenteux en fonction du trouble associe (état dépressif majeur,
trouble anxieux, troubles psychotique…)

Bibliographie:

• J.Guelfi, Psychiatrie de l’adulte

• EMC psychiatrie

• Henri Lasserre , comprendre la psychiatrie des urgences

• Michel De CLERCQ; Urgences psychiatriques et interventions de crise

• Les urgences psychiatriques; Manuel référentiel de la faculté de Médecine d’Alger

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