Vous êtes sur la page 1sur 4

Les psychoses délirantes aigues (PDA)

I- Introduction :
Les psychoses délirantes aigues (durent <10 j) sont un ensemble de troubles où prédominent : le délire, souvent riche et intense, les
hallucinations, l’agitation et les perturbations affectives, avec une installation brutale et une résolution souvent rapide.
- Urgences psychiatriques : risque auto et hétéro-agressif
- Éliminer rapidement les urgences organiques.
- Diagnostic facile, mais leur évolution est variable
- Touchent surtout l’adulte jeune : 20-35 ans, peuvent débuter à l’adolescence.
- Touchent 2F/1H
État psychotique d’installation brutale ( 6 mois) caractérisé par un poly morphisme des thèmes et des mécanismes délirants et par
la présence de troubles de l’humeur. 5 caractéristiques du délire : thème – Mécanisme – Structure – Durée – Vécu. Souvent provoqué
par la prise de drogues. Dans ce cas, on parle de la psychose délirante induite.

II- Historique :

• Les « bouffées délirantes polymorphes » de Magnan (1893) et Legrain (1895) en France.


• Les « psychoses réactionnelles » de Jaspers (1883-1969) et les « états oniroïdes » de Mayers (1889-1961) en Allemagne.
• La « PDA » et la « BDA » milieu du siècle dernier.
• Le DSM II (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux): «SZP aigue» supprimé dans le DSM III.
• DSM 5 : trouble psychotique bref, trouble schizophréniforme..
• CIM 10: Troubles psychotiques aigus transitoires(<3 mois).

III- Clinique :
A/ Description type : bouffée délirante aigue (BDA)
La BDA constitue la forme typique des PDA.
1) Phase de début :
- Est brusque en quelques heures voire quelques jours.
- Sujet jeune, apparemment sain ou avec des antécédents psychiatriques familiaux ou personnels.
- Signes prodromiques : une insomnie, interrogations vagues, anxiété inhabituelle, variabilité/troubles de l’humeur, changement de
comportement, inquiétude, bizarrerie comportementale.

2) Phase d’état :
✓ Délire : conviction inébranlable en une ou plusieurs idées en opposition avec la réalité,
✓ Il est polymorphe, variable dans le temps, poly-thématique : mystique, influence, possession, persécution, mégalomaniaque,
idées de mission, de grandeur, filiation. Les thèmes se succèdent, s’intriquent, sans lien logique,
✓ Tous les mécanismes : hallucinations de tout type, illusion, intuitions, imaginations, interprétations.
✓ Non systématisé, flou, avec une adhésion totale et un vécu intense. (À ≠ de la schizophrénie qui est chronique)
✓ Des perturbations de la perception : dépersonnalisation, déréalisation.
✓ L’humeur est souvent très labile.
✓ L’anxiété est très fréquente, non maîtrisable par le patient.
✓ Le comportement est variable : incohérent ou inquiétant, agitation ou stupeur, agressivité.
✓ Des troubles de la conscience avec une perte de lucidité.
✓ En revanche, la vigilance et l’orientation temporo-spatiale sont préservées.
✓ Les Signes Physiques : l'insomnie est quasi-constante, signes variables et non spécifiques (déshydratation, légère hyperthermie...).

3) Evolution :
*A court terme :
- Résolution en quelques jours à quelques semaines.
- Evolution dépressive possible : risque suicidaire.
*A long terme :
→ Sous traitement : la rémission est de règle
→ Spontanément : L’évolution se fait schématiquement vers :
o 25 % : résolution complète.
o 25 % : récidives à plus ou moins long terme.
o 50% : évolution vers un trouble chronique : 2/3 schizophrénies, 1/3 troubles bipolaires.
4) Pronostic : risque d’évolution schizophrénique :
BON pronostic MAUVAIS pronostic
- Bon fonctionnement pré-morbide - Délire mettant en cause l'identité de la personne
(= absence de personnalité pré-morbide pathologique) - Début insidieux
- Début brutal - Eléments dissociatifs.
- Facteur déclenchant précis - Personnalité schizoïde
- Richesse des thèmes et des mécanismes du délire - Antécédents familiaux de schizophrénie.
- ATCD de personnels ou familiaux de troubles de l'humeur - Consommation chronique de substance
(Existence lors de l’accès de troubles thymiques)
- Bonne réactivité au traitement (réponse rapide au ttt)
- Bonne qualité de l'entourage.
- Adaptation sociale avant la crise.

B/ Autres formes cliniques : selon l’étiologie


a) Psychose puerpérale : suivant un accouchement
- Troubles de la conscience, déformation oniroïde de la réalité.
- Délire ayant pour thème la grossesse ou le bébé.
b) Psychoses induites :
- Etats confuso-délirants ou états maniaques
- Cannabis, cocaïne, hallucinogènes, L-Dopa...
c) Psychoses réactionnelles :
- Chronologiquement relié à des événements,
- Contenu des thèmes a des liens avec le passé récent.

IV- Diagnostic :
A/ Diagnostic positif : clinique (entretien avec l’entourage et le patient)
- Début brutal.
- Délire polymorphe intensément vécu avec angoisse.
- Hallucinations, dépersonnalisation, déréalisation
- Perturbation de la conscience.
- Troubles thymiques.
- Troubles du comportement : agitation, fugue, agressivité...

B/ Diagnostic Différentiel :
1- Syndromes confusionnels : désorientation temporo-spatiale, variabilité de la vigilance, autres signes physiques= urgence organique.
2- Poussées aigue d’une psychose chronique : ATCD psychiatrique.
3- Accès maniaque avec caractéristiques psychotiques
4- Mélancolie délirante : la tristesse et l’inhibition au 1er plan, précède généralement l’apparition du délire.
5- Affection médicale : épilepsie, tumeur cérébrale, maladie de Parkinson, encéphalopathies, neuro-syphilis, HIV..
6- Hystérie : la fluctuation des symptômes, la suggestibilité et le théâtralisme.
Autres : mode d’entrée dans la schizophrénie ou réactivation symptomatique de la schizophrénie, délire paranoïaque, …

V- Etiopathogénie : complexe, multifactorielle : facteurs endogènes, psychologiques et socioculturels


1- Déterminants génétiques :
• Vulnérabilité au stress : terrain prédisposé lié à des facteurs génétiques et/ou environnementaux précoces.
• Anomalies des tests neuroendocriniens, intermédiaires entre celles retrouvées dans la SZP et les troubles affectifs : axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
2- Déterminants biologiques :
• Trouble du fonctionnement des neurotransmetteurs : Dopamine, Sérotonine, Noradrénaline.
• Hyperactivité relative des voies dopaminergiques au niveau méso-limbique.
3- Déterminants psychologiques :
• Certains troubles de la personnalité exposent à plus de PDA.
4- déterminant environnementaux :
• Les situations de stress extrême,
• La consommation de substances (intoxication) : unique ou continue
- Certains ttt : opiacés, morphine, …
- Stimulants : cocaïne, amphétamine, …
5- Déterminants socioculturels :
• Phénomènes d’acculturation et d’immigration : effet déstabilisant + diminution des supports socio familiaux.
VI- Prise en charge :
a/ Objectifs :
- Calmer l’agitation et protéger des passages à l’acte : suicide, hétéro-agressivité, fugues.
- Traiter l’épisode psychotique, réduire les manifestations délirantes
- Prévenir les rechutes et la chronicisation.

b/ Moyens :
• Hospitalisation : souvent sans consentement, à la demande d’un tiers, ou d’office.
• Médicaments : antipsychotiques sédatifs, antipsychotiques incisifs, anxiolytiques
• Psychothérapie et suivi : institutionnelle, psychoéducation, suivi en ambulatoire.

c/ Indications :
1) A la phase aigüe : urgence psychiatrique
➢ Dans l’immédiat :
• Hospitalisation (souvent sans consentement): contenir l’agitation psychomotrice, apprécier le risque suicidaire et hétéro-agressif.
• Sédation rapide (à base de BZD et NL) est nécessaire, la voie IM s’impose souvent au début et durant les 3 premiers jours :
✓ Antipsychotiques sédatifs (Lévomépromazine : Nozinan* 1 amp 25 mg)
✓ Antipsychotiques incisifs : Halopéridol (Haldol*) 1 amp de 5 mg, ou Ziprasidone (Zeldox*) : 1 amp de 20 mg (après un ECG).
✓ Anxiolytique : Diazépam (Valium*) 1 amp de 10 mg.
✓ Contention physique : - si agitation extrême
- courte avec surveillance rapprochée
• Faire un bilan rapide hématologique et recherche des drogues dans les urines.
• Les BZD doivent être réduites rapidement laissant place uniquement aux antipsychotiques
• La durée du TTT est 12- 24 mois.

➢ Le traitement de l’accès :
➔ Antipsychotiques, de préférence de deuxième génération :
- Olanzapine (Zyprexa*, Oline* : 10 à 20 mg/j),
- Rispéridone (Risperdal*, Prisdal* : 6 à 8 mg/j).
- Anxiolytique durant les premiers jours pour réduire l’angoisse et potentialiser l’action antipsychotique : Lorazepam (Temesta*)
2.5 mg 3 fois/j avec arrêt progressif.

➔ Surveillance stricte :
- Comportement
- Constantes : TA, T°, FC, FR, EG..
- Syndrome malin des neuroleptiques
- Problèmes cardiaques,
- EI neurologiques.

➔ Si besoin :
- Réhydratation
- Correcteurs des effets extrapyramidaux : Artane* 5mg,
- Correcteurs de l'hypotension orthostatique : Effortil*, Heptamyl*.
2) Le traitement ultérieur :
• Bonne relation médecin malade, soutien et écoute.
• Psychoéducation du patient et de son entourage,
• Mesures de réinsertion socioprofessionnelle.
• Durée du traitement antipsychotique :
o Premier épisode : - maintenir le traitement un à deux ans,
- réduction progressive des doses.
o 2ème épisode : traitement de 5 ans.
o 3ème épisode : traitement à vie.
(Si le patient au-delà de 2 rechutes, il faut le considérer comme schizophrène et le traiter en tant que tel. Dans ce cas, le TTT est à vie.)

VII- Conclusion :
- Traduisent une fragilité mais aussi une plasticité.
- Troubles sévères : prise en charge urgente en milieu hospitalier
- Un bon suivi : garant d’une bonne évolution.

Ex CAS CLINIQUE : Un patient de 19 ans, en 2e année du Bac, ramené par sa mère aux urgences pour un changement de
comportement depuis 10j, après une soirée en boite de nuit, avec consommation de cannabis. Il croit que son entourage faisait
de la magie sur lui, se dit pouvoir percevoir les pensées des autres et se sent investi par la nécessité de les diriger pour améliorer
leur fonctionnement. Ces perceptions lui donnent un sentiment d’invincibilité selon ses dires mais parfois angoissante. Il a fait des
crises d’angoisse, cru que ses membres de la famille allaient mourir, que c’était bientôt la fin du monde et qu’il avait acquis des
pouvoirs spécieux pour survivre. Il est décrit par sa mère comme timide, introvert, et se confiant peu. Synthèse : jeune patient
(adolescent) + délire aigu 10j + polythématique + manifestations hallucinatoires + Sd dissociatif.

Vous aimerez peut-être aussi