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Les urgences psychiatriques

Dr. FARAH
EHS DRID HOCINE KOUBA
SERVICE « B »

DEFINITION
L’urgence en psychiatrie est définie comme « une demande dont la réponse ne peut
être différée (…) Il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se pose la question, qu’il
s’agisse du patient, de l’entourage ou du médecin : elle nécessite une réponse rapide et
adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique ».
L'urgence psychiatrique désigne une situation dangereuse et critique dans laquelle
un malade mental doit être le plus rapidement possible pris en charge par une équipe
psychiatrique spécialisée.
L’urgence psychiatrique est donc liée :
- à l’état du patient lui-même ;
- à la notion de danger pour le patient ou son entourage ;
- au ressenti de l’entourage, du voisinage ou de la famille qui estime nécessaire une
intervention médicale immédiate, sans attendre une consultation programmée.

Les types de comportements qui doivent faire penser à une urgence :


- un état d’abattement extrême (la personne est prostrée, ne s’alimente plus) ;
- une violence de la personne envers elle-même (tentative de suicide, automutilation),
envers autrui ou son environnement matériel ;
- un délire, des hallucinations, un état d’agitation ;
- une angoisse ou une souffrance psychique extrême, un état dépressif intense.

Face à l'urgence psychiatrique toute personne peut se sentir désemparée. Il est


important de savoir reconnaître l'urgence, d'adapter son comportement face à celle-ci pour
déclencher les bonnes réponses.

L'évaluation de l'urgence
Il faut pouvoir d'emblée évaluer le degré de l'urgence et établir un diagnostic pour
que l'intervention soit à la fois bien indiquée, rapide et efficace. En effet, l'urgence pourra
tenir tantôt à la gravité de l'état morbide du patient, tantôt à la situation critique dans laquelle
ce dernier se trouve vis-à-vis de son milieu et de ses interactions avec ses proches. Dans le
premier cas, il s'agit d'une urgence nosologique.

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L'intervention peut être sollicitée du fait de l'agitation avec ou sans agressivité
vis-à-vis de l'entourage, d'extériorisation d'idées délirantes, d'états dépressifs avec idées ou
véritables tentatives de suicide.

L'aspect nosographique des urgences psychiatriques

Schizophrénie et troubles délirants


Troubles de l'humeur :
- dépression
- trouble bipolaire
- manie
Névroses et troubles anxieux :
- anxiété
- angoisse
- attaque de panique
- Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC)
- phobies
Stress :
- état de stress post-traumatique (PTSD)
- stress au travail (burn-out)
Suicide :
- idées noires
- idées suicidaires
- tentatives de suicide

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PROTOCOLES DE PRISE EN CHARGE DES URGENCES PSYCHIATRIQUES

Afin d’éviter des situations préjudiciables pour les patients et le personnel soignant,
ces protocoles ont été élaborés pour une meilleure prise en charge psychiatrique.

Les protocoles concernent trois grands symptômes pouvant générer des troubles du
comportement et perturber le service.

1/ L’agitation

Définition : c’est un état d’excitation psychomotrice avec mouvements brusques, désordonnés


pouvant s’accompagner d’une auto ou hétéro agressivité. D’étiologies multiples et de
conduite à tenir spécifique.

a) L’agitation anxieuse

Il s’agit d’une attaque de panique avec des symptômes physiques au premier plan
accompagnés d’une angoisse massive pouvant aller jusqu’à la dislocation de la personnalité
avec phénomènes de déréalisation.

Conduite à tenir :

● Isoler le patient.
● Le rassurer.
● Prise en charge médicale adaptée (BZD : Tranxène, Valium, …).
● Pas de contention physique. Elle doit être abolie car elle exacerbe cette peur panique.

Il faut toujours éliminer une agitation psychotique devant :

● une angoisse de néantisation.


● une perplexité.
● des attitudes à l’écoute.

Dans ces cas la contention physique est nécessaire car les réactions du sujet sont
imprévisibles.

b) L’agitation toxique

La prise de toxique (alcool, substances hallucinogènes, héroïne, ectasy,


médicaments morphiniques, etc) entraîne une modification du comportement, une altération
du jugement, une perturbation de l’humeur, une levée des inhibitions. L’ensemble de ces
manifestations s’apparente dans certains cas à un état psychotique avec agitation, propos
incohérents, parfois délirants et surtout avec hétéro agressivité.

Dans ces cas l’évaluation psychopathologique ne peut se faire. Elle doit se faire à
distance après disparition des effets toxiques.

Conduite à tenir :

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● Isoler le patient
● Contention physique
● Contention chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)
● Mise en observation

Souvent cette agitation toxique peut masquer ou relever

● une manie délirante


● un état psychotique
● un trouble de la personnalité.

Il peut s’agir également d’ivresse pathologique.

c) L’agitation psychotique

Le délire est une conviction erronée auquel le sujet adhère totalement. Cependant, le
sujet envahi par un délire peut avoir deux attitudes :

- Soit il subit le délire. Il est donc dans un état de sidération, de prostration, de perplexité
avec mutisme. Il ne comprend pas ce qui lui arrive.
- Soit il participe à ce délire. Il est dans l’action.

Dans les deux cas les réactions sont imprévisibles. Le passage à l’acte est toujours à
craindre. L’hétéro agressivité est toujours présente.

Conduite à tenir :
Surveillance du patient
Contention physique
Contention chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)
Hospitalisation (parfois nécessaire).

d) L’agitation maniaque

L’accès maniaque se traduit par une excitation psychomotrice avec exaltation de


l’humeur et un déni des troubles. L’hétéro agressivité peut être présente

Conduite à tenir :
Surveillance
Contention physique et chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)
Hospitalisation (si nécessité).

L’agitation maniaque s’accompagne souvent de comportements délictueux.

e) Décompensation de personnalité pathologique

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Cette décompensation se traduit par une impulsivité, une intolérance à la frustration,
une immaturité affective. Le passage à l’acte auto et hétéro agressif est toujours présent avec
agitation. Il s’agit de personnalités :
Psychopathique (anti social)
Border line (état limite)
Agressive dépendante. L’adjonction de l’alcool est souvent présente.

Conduite à tenir :
Surveillance
Contention physique et chimique (neuroleptiques sédatifs : Largacil ou Loxapac…)
Parfois hospitalisation.

f) Agitation démentielle

Il s’agit surtout d’un état confusionnel avec déambulations, errances. L’agressivité


est peu fréquente et son intensité est moindre car il s’agit de personnes âgées.

Conduite à tenir :
Surveillance
Bilan médical
Biologique biologiques (iono, NFS…)
Radiologie : scanner ou IRM cérébral(e).
Contention chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)

g) L’agitation épileptique

Il ne s’agit pas de la crise d’épilepsie classique mais de l’épilepsie temporale avec


processus hallucinatoire. Dans ce cas, l’agitation s’inscrit dans le cadre d’automatismes
comportementaux. Le cas de la "fureur épileptique" est rare, voire exceptionnelle mais
s’accompagne souvent d’hétéro agressivité et de comportements délictueux pouvant aller
jusqu’à l’homicide.

Conduite à tenir :
Contention physique
Contention chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)
Surveillance
Hospitalisation éventuelle.

Conclusion sur la conduite à tenir devant une agitation quel que soit l’étiologie

Isoler le patient
Contention physique
Contention chimique (neuroleptiques sédatifs : Largactil ou Loxapac…)
Bilan biologique (iono, NFS, glycémie, toxique) et radiologique (TDM , IRM cérébral (e)
Surveillance
Eventuelle hospitalisation.

2/ L’auto agressivité

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Par ce terme, on désigne le risque ou l’ensemble des passages à l’acte auto agressif
avec ou sans intention suicidaire. Ce trouble du comportement constitue le motif de
consultation le plus fréquemment observé aux urgences.

La prise en charge est immédiate médicale et psychologique, car le pronostic vital


peut être en jeu.

Elle nécessite :

- Isolement du patient
- Une surveillance rapprochée et constante
- Examen médical et bilan complémentaire (iono, NFS, alcoolémie, recherche de
toxiques urinaires, radiologique).
- Une évaluation psychopathologique
- Un entretien avec la famille ou l’entourage
- Une réassurance
- Une sédation chimique (neuroleptiques sédatifs) et parfois physique (contention)
- Une orientation d’hospitalisation ou de consultation post urgence dans les plus brefs
délais car le risque de récidive est toujours possible.

Le risque de passage à l’acte traduit un effondrement des mécanismes de défense,


une dislocation de la personnalité, un vécu douloureux avec une perception négative de soi et
de l’environnement.

Le risque ou le passage à l’acte auto agressif ne constitue pas une entité nosologique
propre. Il se retrouve dans toute la pathologie psychiatrique et constitue souvent un processus
évolutif morbide :

● troubles de l’humeur
● troubles de l’adaptation avec perturbations des émotions et des conduites
● troubles de la personnalité
● troubles schizophréniques.

Les modes opératoires sont polymorphes :


IMV (ingestion de médicaments volontaire)
Automutilation
Défenestration
Noyade
Suicide au gaz, par électrocution
Electrocution
Pendaison
Suicide altruiste

Le mode opératoire est fonction de la profondeur de la douleur morale, de l’étiologie,


du trouble et de la dislocation de la personnalité.

On distingue :

a) Le passage à l’acte impulsif :

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Il s’agit d’un geste imprévisible pour l’entourage violent, spectaculaire, véhiculant
une forte charge émotionnelle et affective. Il est caractérisé par sa violence et le risque de
récidives toujours présent et peur de mettre en danger la vie du patient et il a surtout un effet
cathartique. En dehors de la crise suicidaire, le patient ne présente aucun trouble de l’humeur
avéré. Dans la majorité des cas, près la crise le sujet critique et regrette son comportement. Ce
passage à l’acte est spécifique aux troubles de la personnalité (personnalités border line, anti
sociale ou psychopathique, immature, dépendante).

Ce passage à l’acte impulsif est généré par une intolérance aux frustrations, une
inadaptation à un environnement perçu comme agressif, douloureux, une instabilité
émotionnelle, une angoisse massive, déstructurante. Une relation fusionnelle ou clivé à un
objet.

Conduite à tenir :
isolement du sujet
réassurance
Contention chimique si besoin (neuroleptiques sédatifs ou anxiolytique : Tranxène,
valium,..¦).
Hospitalisation brève pour réévaluation et couper les afférences avec l’environnement peut
parfois être utile.

b) Le passage à l’acte élaboré

Cette élaboration s’inscrit dans un processus évolutif morbide. Le sujet est envahi
d’idée de dévalorisation, d’auto dépression, d’une perte de l’estime de soi. Une perception
négative de son environnement, avec incapacité à se projeter dans l’avenir. Un sentiment
d’inutilité entraine toute capacité d’anticipation. Progressivement, le sujet est envahi d’une
profonde douleur morale avec idéations suicidaires latentes. Le passage à l’acte est vécu
comme une délivrance. Par son geste il met fin à sa souffrance, à son sentiment d’inutilité, à
l’absence d’espoir.

Ce passage à l’acte traduit un état dépressif sévère.

Les signes :

- état dépressif sévère


- dépression mélancolique
- dépression récurrente
- état anxio-dépressif sévère réactionnel à l’environnement
- dépression psychotique : troubles de l’humeur à tonalité dépressive sont fréquents chez
le schizophrène. La genèse de ce trouble de l’humeur est à la fois liée au traitement
neuroleptique qui est dépressogène et à l’abrasion du délire et de l’expérience délirante.
Cette expérience entraine chez e sujet un sentiment d’isolement, d’être différent des
autres. Le regard des autres est vécu pour un rejet. Toute la personnalité du sujet se
trouve modifiée. Il ne peut revenir à l’état antérieur, le délire a disparu mais
l’expérience est toujours présente envahissante.

Mode opératoire :

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● Brutal
● Le suicide étant la seule solution pour le patient
● Issue fatale en l’absence d’une prise en charge adapté.

Conduite à tenir :

● hospitalisation systématique
● chimiothérapie – psychothérapie
● Suivi régulier à l’issue de l’hospitalisation.
● Prise en charge sociale
● Participation de l’entourage à cette prise en charge par une éducation psychosociale et
familiale.
● Récidives fréquentes.

3/ L’état délirant

a) Définition

Le délire se définit comme une conviction erronée auquel le sujet adhère totalement.
Il faut distinguer le délire des propos incohérents, désorganisés, confus ou d’une
jargonophasie observée dans certaines aphasies.

Un délire ne peut se concevoir sans :

- Un mécanisme générateur du délire : Psychosensoriel hallucinatoires (visuelles et/ou


auditives) ou Imaginatif (imagination débordante) ou Intuitif…
- Un automatisme mental (hallucinations intra psychiques, écho de la pensée, vol de la
pensée) avec syndrome d’influence (des ordres sont donnés au sujet).
- Une thématique du délire : Mystique, Mégalomaniaque, Persécutrice, Diabolique…
- Une co-organisation du délire : Délire systématisé, organisé (délire paranoïaque)
Délire non systématisé, inorganisé flou, hermétique (délire paranoïde du schizophrène)
Adhésion : le sujet doit adhérer totalement à ses idées délirantes. Dans le cas où le
délire est fluctuant critiqué par le sujet, il faut éliminer une pathologie organique
(dysmétabolisme, processus évolutif intracrânien, épilepsie temporale...).

L’effraction du délire dans le système nerveux central du sujet entraine deux


réactions de ce dernier :
Soit le sujet vit ce délire. Il est dans l’action. Il participe au délire en fonction de la
thématique, s’observe dans ce cas des troubles du comportement avec risques auto et hétéro
agressifs.
Soit le sujet subit ce délire. Il est dans un état de sidération, de perplexité avec mutisme. Dans
ce cas, les réactions du sujet sont imprévisibles. Le délire qui était sous-jacent peut apparaître
à tout moment avec un trouble du comportement auto et hétéro agressif.

b) La prise en charge d’un délire nécessite :

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L’isolement du patient
une surveillance constante
une sédation physique et chimique (neuroleptique sédatifs : Loxapac ou Largactil…).
une hospitalisation sous contrainte car le sujet est dans le déni, l’opposition.

Un délire chronique, enkysté, ne nécessite aucune de ces mesures. Il faut réassurer le


patient et réajuster son traitement.

Dans le cas où il s’agit d’une décompensation délirante suite à une rupture de


traitement, l’hospitalisation est nécessaire. Elle est souvent libre.

4/ Cas particuliers : les poly toxicomanes

Deux cas :

Les poly toxicomanes " en manque " ou en pré désintoxication, nécessitent avec surveillance
et traitement dans un service d’urgence. Ils seront réévalués sur le plan psychiatrique avec
éventuelle hospitalisation en service d’addictologie ou de psychiatrie.

Les ivresses pathologiques (alcool ou produits stupéfiants) : l’évaluation doit se faire à


distance même s’il existe des troubles délirants, une agitation avec auto et hétéro agressivité.

5/ Confusion mentale

► Signent une souffrance cérébrale organique à expression psychiatrique, d'origine


variable (toxique++, traumatique, infectieuse (HIV), tumorale, gazométrique ..)

► Tableau associant:

► Obnubilation ou labilité de la conscience, troubles de la mémoire, de l'attention, de la


reconnaissance des personnes

► Désorientation temporo-spatiale +++

► Souvent lutte anxieuse et perplexe pour clarifier la conscience

► Onirisme dans 50 % des cas, avec hallucinations ou illusions désagréables

► Altération de l'état général (sueurs, déshydratation, fièvre..)

► Tableau le plus typique : delirium tremens

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► Importance de l'anamnèse++ (stress, infection, TC, notion d'éthylisme.., changement
de traitement (sujet âgé))

CAT:

► Bilan étiologique++ (biologie, toxiques, ± scanner )

► Réhydratation, réduction du stress environnant, Vitaminothérapie

► Problème de la sédation

► prudente (risque de potentialisation toxique), personnalisée,

► si possible per os tant que hémostase inconnue

► Meprobamate ou Benzodiazépines dans formes modérées

6/ Les autres urgences psychiatriques


- La crise d’angoisse aigue (attaque de panique)
- Intoxication aigue à une substance
- État stuporeux
- Refus de soins psychiatriques
- Le syndrome catatonique

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