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Dossiers de neuro-psychiatrie, Tome II

97 - SUD - DOSSIER N°8

Monsieur L., 28 ans, enseignant, vient d'être hospitalisé car il a présenté brutalement un vécu de
transformation du monde et de lui-même, impression de modifications corporelles (mon cerveau flotte) et
sentiment de toute puissance. Ces idées reposent sur la perception de voix intense (il n'ose plus se
regarder dans la glace).
L'examen somatique est normal.
I I s'agit du premier épisode de ce type. II n'a aucun antécédent psychiatrique particulier.
Jusqu'alors il était parfaitement inséré au plan social, familial et professionnel, réussissant d'ailleurs plutôt
bien.
Sa femme rapporte que quelques jours avant le début des troubles, il était très anxieux, car il avait reçu une
nouvelle affectation et il redoutait de ne pas être à la hauteur du poste qui lui était confié.

1. Décrivez la sémiologie.

2. Discutez le diagnostic clinique.

3. Quels sont les principaux diagnostics différentiels à évoquer ?

4. Indiquer le traitement à mettre en oeuvre.

5. Les troubles ne durent que quelques jours. Mais plusieurs semaines après, Monsieur L. vient consulter
parce qu'il se sent « abattu », a perdu le goût de vivre, se sent démotivé ; il ressent en permanence une «
chappe de plomb sur les épaules », le moindre effort physique ou intellectuel lui est pénible. Le sommeil
est perturbé. Quel diagnostic portez-vous ?

6. Face à cette évolution, quelle est la conduite thérapeutique à mettre en ceuvre ? Quels sont les risques
évolutifs ?
Dossiers de neuro-psychiatrie, Tome II

97 - SUD - DOSSIER N°8


1. Décrivez la sémiologie.
• Patient jeune
• Absence de personnalité prémorbide, insertion sociale, familiale, professionnelle normale
• Syndrome délirant aigu d'apparition brutale
• Réactionnel (nouvelle affectation anxiogène)

• Délire
- non systhématisé
-thématique riche et variée : déréalisation (transformation du monde), dépersonnalisation
(transformation corporelle, dysmorphophobie), idées délirantes mégalomaniaques (sentiment de toute
puissance)
- mécanisme hallucinatoire au premier plan. Hallucinations auditives, cénesthésiques (transformations
corporelles), hallucinations intrapsychiques avec automatisme mental probable. Possibles mécanismes
i maginatif et intuitif associés
- adhésion complète au délire et humeur congruente au délire

• Examen somatique normal

2 Discutez le diagnostic clinique.


• Syndrome délirant aigu de type bouffée délirante aiguë (BDA) primaire
• Adulte jeune sans personnalité prémorbide (début entre 16 et 35 ans)
• Syndrome délirant de début brutal, d'emblée intense en rupture avec l'état antérieur
• Facteur déclenchant probable : nouvelle affectation
• Examen somatique normal
• Syndrome délirant non systématisé, riche, à mécanisme hallucinatoire prépondérant, avec participation
thymique intense. Congruence totale au délire

3. Quels sont les principaux diagnostics différentiels à évoquer ?


• BDA secondaire à une cause organique
- prise de toxiques (alcool ou autres)
- prise médicamenteuse (corticoïdes, agonistes dopaminergiques...)
- causes infectieuses
- causes vasculaires (thrombophlébite...)
- causes tumorales
- épilepsies partielles ou confusion post-critique
- causes traumatiques

• Manie délirante
• Mélancolie délirante
• État mixte
• Confusion mentale (toxiques, infection...)
• États seconds, états crépusculaires hystériques
• Exacerbation d'une psychose chronique (peu probable ici)

4. Indiquer le traitement à mettre en œuvre.


• Hospitalisation en urgence en service de psychiatrie
• Le plus souvent hospitalisation à la demande d'un tiers en raison de l'impossibilité de l'obtention du
consentement du patient
• Réalisation d'examens paracliniques afin d'éliminer les diagnostics différentiels évoqués
- bilan biologique standard, VS, CRP
- glycémie, TSH, bilan hépatique
- recherche de toxiques dans le sang et dans les urines, alcoolémie...
- scanner cérébral sans et avec injection, PL, EEG au moindre doute diagnostique

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• Mettre le patient au calme, réassurance, si besoin en chambre de soins intensifs


• Débuter un traitement neuroleptique incisif et sédatif per os (ou IM si refus du traitement per os) en
l' absence de contre-indications et pour une durée d'au moins 6 mois. Exemple : HALDOL®5 mg x 3/jour
ou RISPERDAL®en débutant par 4 à 6 mg/jour (incisif mais peu ou pas sédatif)
• Associer un traitement anxiolytique et sédatif qui sera réduit progressivement. Exemple : TERCIAN®
50 mg x 3/jour
• Si dyskinésies: LEPTICUR®ou AKINÉTON®
• Surveillance pluriquotidienne de l'efficacité et de la tolérance du traitement (TA, T°, FR, FC, syndrome
parkinsonnien, dyskinésies, production délirante, humeur...)

5. Les troubles ne durent que quelques jours. Mais plusieurs semaines après, Monsieur L vient
consulter parce qu'il se sent « abattu », a perdu le gout de vivre, se sent démotivé ; il ressent en
permanence une « chappe de plomb sur les épaules », le moindre effort physique ou
intellectuel lui est pénible. Le sommeil est perturbé. Quel diagnostic portez-vous ?
• Syndrome dépressif

Remarque
- Pour certains, la dépression post-BDA serait un facteur pronostic d'évolution favorable
- On ne peut éliminer ici la possibilité d'un mode d'entrée aiguë dans une pathologie dysthymique (PMD).

6. Face à cette évolution, quelle est la conduite thérapeutique à mettre en ouvre ? Quels sont les
risques évolutifs ?
• Conduite thérapeutique et risques évolutifs

• Diminuer la posologie du ou des traitements neuroleptiques en arrêtant plus particulièrement les


neuroleptiques sédatifs
• Mise en route d'un traitement antidépresseur en renforçant la surveillance clinique (risque de réactivation
du délire)

• Risques à court terme


- risque suicidaire
- réactivation du délire
- problème de compliance thérapeutique

• Risques à long terme


- évolution vers une pathologie dysthymique chronique
- BDA récidivantes (BDA à « éclipse »)

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