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Cours Fonctionnement psychique et Etude de cas 2019

Fonctionnement psychique et étude de cas (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)


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FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE ET ETUDE DE CAS

Marie-Liesse Perrotin

Introduction

Selon Pédinielli (2015 p.47), l’étude de cas est « un mode de travail clinique
permettant le recueil (voire l’accueil) de données concernant un sujet ; ces
données doivent être:
- riches (critère du maximum d’informations),
- diversifiées (critère de la multiplicité des sources),
- subjectives (critère de la représentation du problème par le sujet),
- étendues (critère de la totalité et de l’histoire).

L’autre activité est la production par le clinicien d’une représentation ordonnée,


explicative, qui rende compte des éléments déterminants de l’histoire et de la
subjectivité de la personne concernée. Cette représentation doit satisfaire aux
principes de:
- totalité (ne pas isoler les symptômes, considérer le sujet comme une totalité)
- et de singularité (c’est la personne qui importe avec ses spécificités, son
originalité, son intériorité, ses représentations, son histoire). (…)

Elle est par ailleurs utilisée à plusieurs niveaux de la psychologie :


- l’activité clinique professionnelle d’abord,
- l’activité de communication entre praticiens (exposer un cas, échanger
autour d’un cas),
- l’activité de connaissance (le cas dans la production et la validation des
théories). »

Quels que soient le référentiel théorique (psychanalytique, psychodynamique,


systémique, cognitiviste etc.) et l’approche utilisée (analyse métapsychologique
(Dumet), de la subjectivité (Pédinielli) etc.), l’étude de cas en psychologie se
démarque des observations psychiatriques avec lesquelles elle a généralement en
partage l’analyse sémiologique voire une part de l’analyse psychopathologique,
par son souci de rester au plus près de la souffrance du sujet et la mise en exergue
de sa subjectivité.

Selon Revault d’Allonnes, l’étude de cas « vise (en effet) à dégager la logique
d’une histoire de vie singulière aux prises avec des situations complexes
nécessitant des lectures à différents niveaux, et mettant en œuvre des outils
conceptuels adaptés. De ce fait, elle n’est plus essentiellement référée à
l’anamnèse et au diagnostic et se dégage des contraintes d’une psychologie
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médicale, tout en restant clinique et psychopathologique. » (1989, p.69 in


Pédinielli, 2015, p. 58)

Néanmoins, dans le cadre de cette introduction à l’étude de cas, et étant entendu


que tout patient reçu, notamment en libéral, ne souffre pas nécessairement d’un
trouble psychique ou psychiatrique ni ne présente une personnalité pathologique,
nous avons choisi de vous initier prioritairement à l’analyse sémiologique et au
diagnostic structural pour différentes raisons.
D’une part, car même si le diagnostic symptomatique n’est pas une fin en soi, il
est nécessaire que tout clinicien sache reconnaître un tableau clinique afin de
décider d’une option thérapeutique ou d’une autre, d’évaluer les risques pour le
patient (risque suicidaire, décompensation somatique etc.), de déterminer la
conduite de sa thérapie (modalités, objectifs etc.), et d’autre part, parce qu’il doit
être en mesure d’échanger autour des dimensions symptomatologique et
diagnostique avec ses collègues psychiatres et autres s’il travaille en institution.
Enfin, car il convient d’avoir bien intégré les notions et la démarche permettant la
pose de diagnostics symptomatique et structural avant de pouvoir appréhender le
sens des symptômes, le fonctionnement et les enjeux psychiques des sujets
(approche métapsychologique, par exemple, dont quelques éléments vous seront
rappelés ici, mais que vous approfondirez en master).

Voici une synthèse du plan de rédaction d’une étude de cas (lequel correspond à
la démarche de recueil et d’analyse des informations) couramment suivi. Pour
distinguer la démarche en situation d’entretien et l’étude de cas proprement dite,
cette dernière est appelée rapport écrit.

1) Analyse sémiologique

-Motif de la consultation : En situation d’entretien, il s’agit de repérer -parfois de


s’enquérir- et toujours de signaler dans le rapport écrit les raisons de la venue du
patient ou celles de la personne qui a sollicité la consultation (le parent, le conjoint
etc.) Ex : « Je vous ai demandé un rendez-vous parce que mon mari m’a annoncé
qu’il voulait divorcer la semaine dernière.»

-Antécédents personnels et familiaux : Il convient de les mentionner dans le


rapport écrit si l’on dispose de ces éléments, ce qui n’est pas toujours le cas
puisque le psychologue ne se livre évidemment pas à un interrogatoire
systématique. Ex : épisode dépressif il y a trois ans, diagnostic de bipolarité chez
la grand-mère maternelle…

-Anamnèse : Elle relève d’une enquête objective sur la biographie du patient. Il


s’agit donc pour le clinicien de recueillir et de restituer dans le rapport écrit les
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informations obtenues concernant le développement du patient (grandes étapes


et acquisitions. ex : n’a marché qu’à 30 mois) ; son histoire personnelle durant sa
petite enfance, son enfance, son adolescence (ex: vécu scolaire, de l’arrivéede
sa sœur cadette etc.) ; les événements de vie (ex: déménagement, deuil, mariage,
grossesse etc.); l’histoire de la famille, l’organisation des liens deparenté (ex:
migration, famille recomposée etc.) ; les données somatiques (maladies,
traitements).
Cette « enquête » permet d’une part, d’amorcer la relation avec le patient, de se
faire une représentation de son parcours, de son univers, de ses forces, ressources
et fragilités et d’autre part, de s’efforcer de comprendre la genèse du trouble ou
de la souffrance actuels du patient en étant attentif aux liens éventuels entre ce
trouble et un événement ou une somme d’événements de vie, sa configuration
familiale, sa fabrication socio-culturelle etc.
Les antécédents personnels et familiaux sont investigués dans le cadre de
l’anamnèse mais sont généralement restitués dans « une rubrique » séparée pour
plus de clarté.

-Histoire des troubles : Il convient à ce propos de recueillir et de synthétiser dans


le rapport des informations sur l’âge de survenue du trouble, ses éventuels
prodromes (signes ou symptômes avant-coureurs annonçant la maladie. Exemple
: le prodrome de la bouffée délirante aiguë est constitué d’insomnie, d’anxiété,
d’irritabilité, d’euphorie, de bizarreries etc.), les épisodes antérieurs, la
personnalité pré-morbide (les caractéristiques de la personnalité telle qu’elle
s’exprimait avant le trouble)…

-Nature de l’épisode actuel ou relevé sémiologique du trouble actuel (analyse


sémiologique complète de l’épisode actuel) : Il s’agit de procéder à un relevé
sémiologique (liste des signes observables du patient) et de le consigner dans le
rapport écrit.

Rappel:

La sémiologie est l’étude des signes permettant de reconnaître un état


pathologique. Il s’agit de prendre en compte les symptômes subjectifs (exprimés
par le patient) et les signes objectifs (constatés par le clinicien). (Plagnol, 2006)
Un indice est un phénomène qui alerte le clinicien sur la probable présence
d’un phénomène « pathologique. » Ex : L’énoncé suivant : « j’ai la gorge serrée,
les larmes me viennent aux yeux très souvent depuis quelques temps. » peut
permettre de conclure à la présence d’un signe: une tristesse. Le signe (ou
symptôme) est donc un phénomène permettant de déduire la présence d’un état
pathologique. Un symptôme isolé n’ayant pas réellement de valeur diagnostique
(d’autant que beaucoup de signes isolés peuvent être observés chez des
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personnes qui ne présentent aucun trouble), la démarche clinique consiste à


opérer des regroupements de symptômes.
Un syndrome est précisément un regroupement significatif de symptômes.
Durant l’entretien, le clinicien recueille donc des indices qu’il transforme en
signes. Ex : « Je n’arrête pas de penser à la fin du monde, à notre mort
prochaine. » : idées noires ; avant de procéder au regroupement syndromique.
La recherche des indices et des signes (ou symptômes) concerne généralement :
- une maladie ou un trouble (ex: paraphrénie)
- des conduites pathologiques (ex: conduites ordaliques),
- un état pathologique (ex: état anxieux),
- une personnalité pathologique (ex: histrionique)
- mais aussi les processus cognitifs (ex: prosopagnosie.) Singulièrement en cas
de troubles neuropsychologiques (ex : maladie d’Alzheimer)
- ou les étapes du développement (ex:acquisition du langage) plus
particulièrement pour les enfants.

Afin de procéder à l’analyse sémiologique, il vous faut connaître les différentes


entités nosographiques et leurs symptômes. Pour cela, vous pouvez, dans l’absolu,
vous référer au cours d’Arnaud Plagnol (vous le trouverez dans la section fichiers
du cours) et/ou à des manuels de psychiatrie ou de psychopathologie dont voici
deux exemples. Ces trois références s’appuient sur la nosographie classique. Vous
pouvez également vous référer au DSM (version mini) ou à l’ouvrage de Hardy-
Baylé qui s’appuie sur la nosographie classique tout en intégrant certaines
données des nosographies contemporaines. Cependant, pour effectuer le devoir
facultatif et l’examen il s’agit de vous appuyer sur le cours d’A. Plagnol
modifié par nos soins.

Ouvrages utiles :
Lévy-Soussan, P. (1994). Psychiatrie. Paris: Med-Line, Estem.
Hanus, M., Louis, O. (2010). Psychiatrie pour l'étudiant. Paris : Maloine.
Hardy-Baylé, M-C. (2008). Le Diagnostic en Psychiatrie. Paris : Armand Colin,
Coll. 128
- Sémiologie de la personnalité :
Il s’agit de relever les signes (ou traits) relatifs à la personnalité du patient (ex:
théâtralisme )

Rappel:
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La personnalité est : « la résultante de l’intégration des diverses composantes


pulsionnelles, émotionnelles et cognitives au cours du développement. Les
modalités de cette intégration sont spécifiques et particulières à chaque individu.
(…) Le caractère représente l’aspect extérieur de la personnalité au plan affectif
et au plan du comportement (…) » (Lévy-Soussan, 1994)

La personnalité pathologique, quant à elle, est selon Schneider : « une déviation


permanente, purement quantitative, de la personnalité normale, dont le profil est
statistiquement rare, et dont le comportement rigide ou mal adapté, est cause de
souffrance pour le sujet ou son entourage. »

Et selon le DSM-5 (2016) un trouble de la personnalité se signale ainsi:


A) « Modalité durable de l’expérience vécue et des conduites qui dévie
notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu. Cette déviation
est manifeste dans au moins deux des domaines suivants:
1. La cognition (c.-à-d. la perception et la vision de soi-même, d’autrui et des
événements).
2. L’affectivité (c.-à-d. la diversité, l’intensité, la labilité et l’adéquation de la
réponse émotionnelle).
3. Le fonctionnement interpersonnel.
4. Le contrôle des impulsions.
B) Ces modalités durables sont rigides et envahissent des situations personnelles
et sociales très diverses.
C) Ce mode durable entraine une souffrance cliniquement significative ou une
altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines
importants.
D) Ce mode est stable et prolongé et ses premières manifestations sont décelables
au plus tard à l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
E) Ce tableau n’est pas mieux expliqué par les manifestations d’un autre trouble
mental.
F) Ce mode durable n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une
substance (p.ex. un traumatisme crânien). »

Selon la conception catégorielle, il existe une dizaine de personnalités


pathologiques : les personnalités paranoïaque, schizoïde, schizotypique,
antisociale, borderline, histrionique, narcissique, évitante, dépendante,
obsessionnelle-compulsive.

Mais il est d’autres conceptions de la personnalité, telles la conception


psychodynamique qui sous-tend les épreuves projectives et raisonne en terme de
processus ou encore la perspective dimensionnelle qui conçoit les troubles de la
personnalité comme le produit d’un ensemble de traits inadaptés reliés entre eux
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et qui s’inscrivent dans un continuum allant du normal au pathologique (ex : le


modèle du Big Five).

Il importe cette année, que vous vous référiez à la conception catégorielle.


En principe, on ne pose un diagnostic de personnalité pathologique qu’en
dehors d’un épisode symptomatique manifeste (présence d’un trouble
psychiatrique névrotique, psychotique ou thymique).
Cependant, pour des nécessités d’appréciation de vos connaissances, vous aurez
à poser ce diagnostic de personnalité y compris si le sujet présente un trouble,
dans le cadre du devoir et de l’examen.

Comme il est parfois complexe de distinguer les traits de personnalité des


manifestations symptomatiques d’une pathologie, dans la pratique l’on peut se
référer à certains critères: les traits de caractère sont stables et durables alors
que les symptômes sont parfois ponctuels, en tout cas variables dans le temps. Les
traits de caractère sont également reconnus par le sujet comme cohérents avec lui-
même alors que ses symptômes lui paraissent incongrus, étrangers à sa nature.

-Eléments médicaux : Cela concerne, par exemple, les éventuels traitements


actuellement suivis par le patient.

-Evolution : Il s’agit de l’évolution du trouble actuel (selon les renseignements


dont on dispose: âge de début, caractéristiques sémiologiques des accès antérieurs
identiques ou différentes, traitements reçus: hospitalisations, médicaments,
thérapies, degré d’amélioration…)

-Résultats des tests ou échelles : Ils sont à mentionner si ce type d’outils a été
utilisé lors du ou des entretiens.

L’analyse sémiologique suit les lois habituelles du diagnostic psychiatrique et


procède à une production des signes et à une transformation des indices en signes,
qu’il s’agisse des signes de maladie ou de traits de la personnalité (pourle recueil
d’informations, à ce niveau peuvent intervenir des échelles d’évaluation ou des
questionnaires de personnalité). Elle aboutit donc à un regroupement
syndromique permettant la discussion du diagnostic en termes de pathologie ou
de personnalité pathologique.

2) Hypothèses diagnostiques
Il s’agit de présenter des hypothèses diagnostiques portant sur le trouble ou la
personnalité et de les justifier brièvement.
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Une fois le diagnostic (appelé diagnostic pathologique ou symptomatique) posé


(ex : dépression), il convient le cas échéant de préciser la forme clinique du trouble
(ex : dépression cognitive).
Ensuite, il importe d’évoquer les autres possibilités diagnostiques c’est-à-dire
d’effectuer un diagnostic différentiel. Ce dernier revient à envisager et discuter,
en fonction des syndromes observés, des symptômes absents, des symptômes
présents mais relevant de troubles différents, les autres diagnostics qui pourraient
être posés afin d’être certains de pouvoir les écarter. Il convient donc d’expliquer
pourquoi l’on pourrait envisager tel trouble, mais aussi pourquoi on ne le retiendra
pas. Le diagnostic différentiel doit procéder d’un doute raisonnable, on ne
discuterait donc pas, par exemple une P.H.C concernant un sujet de 18 ans.

Application (analyse sémiologique)

Exemple de rapport écrit à partir d’une vignette clinique:

Vignette clinique

Monsieur H., 46 ans, est adressé par son gastro-entérologue pour un suivi
psychologique destiné à « réduire l’anxiété du patient et à faciliter la prise en
charge médicale. »
En effet, un mois auparavant, Monsieur H., alerté par de brusques saignements
accompagnant des troubles digestifs et des douleurs intestinales, appelle d’abord
SOS Médecin, pour se rendre ensuite aux urgences, de son propre chef, à deux
heures du matin. Là, l’annonce que les examens exploratoires ne seraient
pratiqués que le lendemain déclenche chez monsieur H une vive angoisse
accompagnée de revendications à l’adresse de toute l’équipe médicale. La
coloscopie effectuée, malgré tout, le lendemain matin révèle alors la présence de
polypes dans le gros intestin, sclérosés immédiatement pendant l’examen. De
retour à son domicile, après une surveillance de vingt-quatre heures, Monsieur
H. entreprend donc de téléphoner à son médecin pour connaître les résultats de
la biopsie, et cela, bien que ce dernier lui ait notifié un délai d’attente d’une
semaine. Recevant enfin les résultats - négatifs- le médecin croit alors rassurer
définitivement monsieur H. en les lui faxant. A sa grande surprise, ce dernier est
cependant de retour à l’hôpital le lendemain, inquiet d’une possible erreur
d’examen du laboratoire, tourmenté par l’éventualité de séquelles, se plaignant de
constipation et souhaitant même prendre rendez-vous pour « une coloscopie de
contrôle dans quinze jours. »
En reprenant ces éléments à la demande de la psychologue, Monsieur H. se montre
très critique à l’égard des soignants : « Ils n’y connaissent rien, si on les harcèle
pas, ils ne vous disent rien. Je ne suis pas du tout rassuré, le gastro est jeune, il
n’a pas l’air très compétent… Je lui ai demandé de me faire un bilan et
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une ponction lombaire pour voir si je n’ai pas une maladie auto-immune associée
aux polypes, il n’a rien voulu savoir ! Pourtant, cela pourrait être la maladie de
Crohn ou une rectocolite hémorragique… De toute façon, je vais faire transférer
mon dossier dans une clinique dont on m’a parlé où il y a de vrais spécialistes et
où on peut se faire entendre… parce que des polypesseulement je n’y crois pas…
Et si j’ai un cancer du côlon, il faudrait s’en occuper tout de suite. Ils n’ont même
pas d’IRM ! Dans le doute, je vais faire prolonger mon arrêt maladie, de toute
façon, je suis trop stressé pour travailler. »
Monsieur H. poursuit de la sorte pendant vingt minutes et se montre
particulièrement prolixe dans la description de ses symptômes : « Cela irradie
dans tout le ventre comme un feu qui s’embrase ou un lever de soleil, des fois, j’ai
l’impression que l’on me brûle le côté droit avec un chalumeau… »
La psychologue recueillera cependant un certain nombre de renseignements
complémentaires : Monsieur H. est l’aîné d’une fratrie de trois garçons tous bien
portants, il est célibataire : « Je ne supporterais pas de vivre avec quelqu’un, j’ai
trop de manies et je n’aime pas que l’on touche à mes affaires ou alors il me
faudrait une femme comme ma mère, très soigneuse et ordonnée mais je n’ai pas
encore trouvé la perle rare (rires) » ; et partage son temps entre son métier
d’architecte : « Cela se passe bien, surtout si c’est moi qui gère … sauf pour
rendre à temps… On me reproche souvent le temps que je prends, ça c’est un
échec… mais je ne peux pas faire vite et bien, il faut choisir ! » et un loisir qu’il
partage avec son père : les reproductions des monuments de France en allumettes,
disposées sur une gigantesque carte de France qui couvre toute la surface du
grenier de ses parents. Cette activité débutée il y a quatre ans est l’occasion pour
Monsieur H. de se rendre dans sa famille tous les dimanches :
« J’adore cela, les maquettes, c’est tout à la fois une activité, un art et une
discipline. Bon, il est certain que c’est contraignant aussi, cela me prend
pratiquement tout mon temps de repos. Mais je n’ai pas le choix, il faut que je
termine ce projet et je tiens à ce que ce soit bien fait, sinon, ce n’est pas la
peine. Ah, j’en ai détruit des maquettes ratées ! (rires) même mon père voulait les
garder, il est moins méticuleux que moi finalement. Mais l’échec, ç’ aurait été de
les garder justement… »

Rapport écrit (rubriques correspondant à celles qu’il vous faut renseigner dans le
devoir facultatif).

- Présentation du patient : Il s’agit de faire une présentation très sommaire car


nous n’avons que très peu d’éléments. L’âge est essentiel car à lui seul, il permet
dans l’absolu d’écarter certains troubles (ex : schizophrénie) ou de s’inquiéter de
l’éventualité de quelques autres (ex : paranoïa). Le métier peut fournir des
indications sur certaines capacités (intellectuelles, de précision etc.). Quant au
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célibat, cette information, croisée avec d’autres, peut enrichir l’approche des
processus psychiques.
Monsieur H. a 46 ans. Il est l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Il est architecte
et célibataire et occupe son temps libre à fabriquer des maquettes en allumettes
des monuments français avec son père.
- Motif de la consultation : Ici, il est important de préciser que le patient n’a pas
exprimé de demande personnelle car c’est une indication précieuse concernant la
proposition thérapeutique que vous avez à faire.
Monsieur H. a sollicité cette consultation sur la suggestion de son gastro-
entérologue qui pense qu’un travail thérapeutique devrait réduire son anxiété et
faciliter la prise en charge médicale. Mr H. n’exprime toutefois aucune demande
en propre et semble plutôt considérer l’entretien comme une occasion d’exposer
une nouvelle fois ses griefs envers la médecine. Il paraît également avoir à cœur
de rallier la psychologue à sa cause : faire reconnaître le fait qu’il est atteint d’une
grave maladie.
- Eléments médicaux : Cette rubrique est nécessaire à renseigner ici compte tenu
de la participation des éléments médicaux au trouble psychique de M.H, et
également dans la mesure où elle offre la possibilité de signifier le discord
observable entre l’état de santé réel de M.H. et ses angoisses disproportionnées.
(A l’examen, il ne vous serait pas demandé d’avoir ces connaissances médicales).
Présence de polypes dans le gros intestin qui ont été sclérosés au cours de la
coloscopie. Cette pathologie est relativement bénigne mais nécessite une
surveillance au long cours dans la mesure où les polypes peuvent réapparaître et
devenir malins. Cependant, ceci représente seulement une éventualité et, à ce titre,
et surtout au vu des résultats de la biopsie, les vives inquiétudes de Monsieur H.
paraissent être démesurées.
- Antécédents personnels : Concernant cette rubrique, il est possible soit de
spécifier qu’aucune information à ce sujet n’est donnée soit de se risquer à faire
une hypothèse sur la foi de possibles déductions. Il ne convient pas, en revanche,
d’inclure ici des éléments qui relèveraient du trouble de lapersonnalité puisque
ce dernier est nécessairement ancien et persistant.
Nous ne disposons d’aucun élément concernant d’éventuels antécédents
somatiques chez Mr H. (point qui resterait à explorer dans un entretien ultérieur).
En revanche, eu égard entre autres à ses connaissances médicales, nous pouvons
supposer que son fonctionnement probablement hypochondriaque est ancien. Et
nous constatons par ailleurs que ce fonctionnement ne cède pas devant une réalité
morbide : les polypes.
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- Antécédents familiaux : Si nous avions connaissance d’antécédents


psychiatriques concernant la famille de M.H., c’est ici qu’il conviendrait d’en
faire part. De même s’agissant d’antécédents somatiques car ces derniers
pourraient éventuellement nous éclairer sur l’origine de la massivité des
préoccupations hypochondriaques du patient (ex : un cancer du côlon chez son
père) voire nous permettre de les relativiser.
Là encore, nous ne disposons d’aucun élément, si ce n’est, selon les dires de Mr
H., que ses deux frères sont “ bien portants ”. Nous ne savons rien au sujet de
ses parents, toujours en vie.
- Nature de l’épisode actuel : Il est loisible de rédiger une petite introduction au
relevé sémiologique proprement dit, cela clarifie le propos, mais ce n’est pas
exigible.
Les troubles engendrés par la présence de polypes (saignements, douleurs
intestinales, problèmes digestifs) et les circonstances entourant les examens
exploratoires (arrivée aux urgences de nuit et report de la coloscopie au
lendemain) ont déclenché chez Mr H. une vive angoisse, accompagnée de
revendications à l’adresse des soignants. Cette angoisse ne s’est résorbée, ni après
l’annonce du diagnostic et la sclérose des polypes, ni après que Mr H. a reçu
l’assurance – examens à l’appui – du caractère bénin de ces derniers. Bien au
contraire, cette angoisse s’est majorée jusqu’à revêtir un caractère nettement
hypochondriaque, Mr H. conservant un mois après son “ opération ” la conviction
erronée d’avoir une maladie auto-immune ou un cancer du côlon. Les
revendications à l’adresse de l’équipe médicale, quant à elles, se sont amplifiées.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, il convient ici de se référer explicitement
au cours modifié de A. Plagnol pour transformer les signes en symptômes donc
lister les items tels qu’ils sont énoncés dans la nosographie puis en justifier la
présence par des éléments de la vignette ou en signaler l’absence.

Sur le plan sémiologique, on relève, selon la nosographie classique, les


symptômes suivants :
-Une préoccupation exagérée apportée à sa santé avec une introspection
permanente. Cette préoccupation déclenche d’ailleurs une vive angoisse et des
revendications quand elle atteint son acmé (cf. l’épisode des urgences).
-Une nosophobie constante et la revendication d’une surveillance continue et de
soins médicaux. Ainsi, les demandes d’examens de Monsieur H. : coloscopie de
contrôle 15 jours après la première, ponction lombaire, I.R.M, etc. ne sont pas
fondées et témoignent plutôt de sa crainte irrépressible de souffrir d’une autre
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pathologie que celle qui a été détectée et traitée (les polypes).


-La certitude d’être malade malgré les arguments du médecin, “ Je ne suis pas
du tout rassuré… parce que des polypes seulement, je n’y crois pas… ”.
-L’appropriation du discours médical et de la position du médecin. Monsieur H.
emprunte ainsi beaucoup à la terminologie médicale et n’hésite pas à faire son
propre diagnostic ni à prescrire des examens.
-Une incapacité à être rassuré.
- Sémiologie de la personnalité : Il s’agit, là aussi, de transformer les signes en
traits de personnalité donc de lister les items tels qu’ils sont énoncés dans la
nosographie puis d’en justifier la présence par des éléments de la vignette ou d’en
signaler l’absence.
En deçà de l’hypochondrie de Mr H., nous relevons chez ce dernier un certain
nombre de traits de personnalité pathologique selon la nosographie classique
(Plagnol) :

- un besoin de contrôle : M.H semble avoir un grand besoin de contrôle


perceptible dans sa volonté de « gérer » son travail, de décider seul du sort des
maquettes qui ne le satisfont pas ou répugner à l’éventualité que l’on touche à
ses affaires.
- un goût pour l’ordre : Il dit qu’il ne supporterait pas que l’on touche à ses
affaires et qu’il lui faudrait une femme comme sa mère, très ordonnée.
-un entêtement : M.H fait preuve d’un entêtement concernant ses exigences
d’examens médicaux et de perfection quant à ses maquettes qu’il jette malgré
l’avis de son père si elles lui semblent ratées. Il paraît également refuser d’aller
plus vite dans son travail pour respecter les délais au risque (au regard de ses
exigences) de faire moins bien.
- un certain formalisme : au regard de la façon dont il convient, selon lui, de se
comporter.
- une méticulosité : M.H semble avoir une prédilection pour les activités –
professionnelles, de « loisir »- qui exigent une grande méticulosité et qualifie
son père de moins méticuleux que lui.
- une incapacité à la détente : Mr H. semble se partager exclusivement entre
son travail d’architecte et une activité – les maquettes – qui de par sa nature,
sa régularité, son ampleur, paraît prendre une place bien différente dans son
économie psychique que celle que devrait avoir un loisir. Il en parle
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d’ailleurs comme d’une “ discipline ».


- une pauvreté des affects et de la sensualité : M.H. outre qu’il ne manifeste
que peu d’affects dans son discours hormis l’anxiété et l’agressivité, est
célibataire et ne fait mention d’aucun ami.
- une tendance à l’intellectualisation : M.H a tendance à généraliser ses
conduites (faire bien quelles que soient les circonstances.)

2) Hypothèses diagnostiques :
a) sur le trouble :
Au vu des symptômes relevés M.H. semble souffrir d’une hypochondrie ou à tout
le moins d’un épisode hypochondriaque si l’on tient compte du fait que son
trouble, autant qu’on le sache, n’est présent que depuis un mois. Il en présente, en
effet, tous les signes cliniques selon la nosographie classique.
b) sur la personnalité :
Au vu des traits de personnalité relevés M.H paraît présenter, selon la
nosographie classique, une personnalité obsessionnelle à nette prédominance du
pôle anankastique. On identifie, en effet, traits sur relevant de ce pôle et un trait
renvoyant au pôle psychasthénique.
- Diagnostic différentiel (sur le trouble) : Il convient pour chaque trouble
envisagé –lequel ne peut l’être, je le rappelle, que sur la foi d’un doute raisonnable
(par exemple ne serait-ce qu’en raison de son âge, on n’envisagera pas ici un début
de schizophrénie chez M.H. qui, par ailleurs, n’en manifeste aucun symptôme)-
d’expliquer clairement pourquoi on pourrait penser à cetrouble mais pourquoi on
ne le retient pas.
Compte tenu des douleurs persistantes de M.H nous pourrions penser à une
conversion somatique, cependant, étant donné l’absence de théâtralisation, de
séduction et de belle indifférence et eu égard au bilan médical initial positif nous
écartons la conversion. M.H. souffre plus probablement de douleurs séquellaires
majorées par son angoisse hypochondriaque.
De même, nous écartons le Trouble somatisation car nous n’avons pas
connaissance d’antécédents de plaintes somatiques multiples ayant débuté avant
les trente ans de M.H.
Par ailleurs, Monsieur H. ne répond pas tout à fait aux caractéristiques du patient
psychosomatique qui se signale, entre autres par son laconisme et ses descriptions
opératoires des troubles. Mr H. donne plutôt une description très
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imagée de ses symptômes, mais il semble cependant peu en lien avec sa vie
fantasmatique : ce point reste donc à investiguer, ainsi que celui du contexte
d’apparition des polypes (événement traumatique ?), car en l’absence de ces
informations, leur étiologie demeure relativement opaque. Nous ne disposons
donc pas d’éléments nous autorisant à diagnostiquer une maladie
psychosomatique.
Enfin, nous pouvons également éliminer le trouble factice, M.H. ne pouvant être
tenu pour responsable de ses polypes et ses douleurs et sa constipation ne relevant
pas de pathomimies.
Au vu de ses symptômes et nonobstant sa pathologie organique avérée, Monsieur
H. semble donc présenter une hypocondrie.

3) Analyse psychopathologique

Rappel:

L’analyse psychopathologique consiste à comprendre les processus mentauxsous-


jacents aux symptômes et/ou à la souffrance en tant qu’ils reflètent un
fonctionnement psychique dépendant de la structure de la personnalité et de
l’histoire du sujet. (Plagnol, 2006)

Elle peut se composer de différents niveaux qui sont fonction des référentiels
théoriques et des obédiences des cliniciens et correspondent à des modes de
lecture différents.
En effet, l’analyse psychopathologique dépend étroitement d'un modèle de
compréhension, et, c’est bien l'orientation théorique du clinicien qui nourrit le
plus souvent cette analyse (et nourrit déjà le recueil sémiologique).
Cette analyse relève de choix qui ne font pas l’unanimité, mais même s’il existe
des débats entre les tenants des différents paradigmes, nombre de modèlesutilisés
en psychopathologie correspondent souvent à des niveaux d'approche distincts et
ne se contredisent donc pas nécessairement.
Les troubles psychiques sont, en effet, suffisamment complexes pour ne pas
relever d'une causalité simple ou unique, et de nombreux facteurs peuvent
contribuer à tel ou tel trouble, le poids de ces facteurs étant variable suivant le
sujet concerné et le moment évolutif du trouble.
Par exemple, dans un syndrome dépressif, des facteurs biologiques,
psychologiques ou sociologiques peuvent être intriqués, leurs poids respectifs
étant fonction de l’histoire du sujet (associée à une vulnérabilité plus ou moins
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grande) et variant suivant le moment évolutif de la dépression. Un même trouble


psychique peut donc relever de plusieurs types d’approche.
En conséquence, ces types d'approche peuvent souvent être envisagés de façon
complémentaire plutôt que contradictoire, même si l’on peut discuter leur
pertinence respective d'un point de vue thérapeutique.
Une tentative d'intégration des différents niveaux explicatifs peut d’ailleurs se
révéler intéressante, mais nécessite de la prudence, étant donné le risque
d'éclectisme voire le danger d'incohérence sur le plan de la thérapeutique laquelle
réclame une ligne directrice car chaque cadre conceptuel développe non seulement
un modèle de compréhension des troubles, mais également une méthode d'étude
et une méthode thérapeutique.
Ainsi, les approches biologiques et comportementalo-cognitivistes veulent-elles
se fonder sur la méthode expérimentale; en revanche les approches
psychanalytiques, systémiques et phénoménologiques réfutent généralement la
pertinence de la stricte méthode expérimentale en insistant sur l'importance
essentielle de la relation patient-thérapeute qui ne serait pas une variable
contrôlable. (Plagnol, 2006)

Comme précisé plus haut, nous nous en tiendrons ici à rappeler des éléments de
base de la métapsychologie freudienne et à développer l’analyse structurale
(Bergeret). Mais vous pourrez d’ors et déjà vous initier plus amplement à
l’approche métapsychologique en consultant par exemple l’ouvrage: 15 cas
cliniques en psychopathologie de l'adulte de Nathalie Dumet et Jean Ménéchal
(2ème édition) chez Dunod, 2014. (PDF à télécharger dans la section
« Bibliographie »)

Rappel:

En effet, l’analyse structurale prend ses sources dans la métapsychologie


freudienne qui recouvre une théorie du fonctionnement psychique, l’étude du
fonctionnement pathologique ayant ouvert sur une compréhension du
fonctionnement normal. Pour la psychanalyse, il n’y a alors pas de différence de
nature entre l’état normal et l’état pathologique, mais un continuum. Ce qui est
pathologique relève donc d’expressions pouvant se retrouver dans un
fonctionnement normal, mais de façon amplifiée et surtout marquée par la
répétition.
La métapsychologie s’ordonne autour de modèles, de théories et de concepts
qui ont pu varier dans le temps, dont l’appareil psychique (l’hypothèse de
l’inconscient), la théorie des pulsions, le complexe d’Oedipe… et propose une
modélisation de l’appareil psychique selon trois niveaux: topique, dynamique et
économique.
Le point de vue dynamique repose sur le postulat d’un rapport conflictuel, au sein
du fonctionnement psychique, entre des forces ayant des exigences
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contraires. On parle de conflit entre le désir et la défense, entre le ça et le


surmoi, entre la réalité interne et la réalité externe… Dans un premier temps,
Freud a attribué l’origine de ce conflit à l’opposition entre pulsions d’auto-
conservation et pulsions sexuelles et dans un second à l’opposition entre pulsions
de vie (Eros) et pulsions de mort (Thanatos).
Le point de vue économique est le prolongement logique du point de vue
dynamique en ce qu’il met l’accent sur l’aspect quantitatif du rapport de forces.
En effet, une énergie de nature sexuelle: la libido circule au sein de l’appareil
psychique. Cette énergie, qui peut diminuer ou augmenter, est celle-là même qui
permet l’investissement et le désinvestissement de différents objets psychiques:
soi et autrui.
Le point de vue topique, quant à lui, s’appuie sur le postulat d’une
différenciation de l’appareil psychique en plusieurs systèmes et instances dotés
de fonctions et disposés dans un certain ordre les uns par rapport aux autres.
Freud a décrit une première topique en 1900: conscient/préconscient/inconscient
puis une seconde en 1923: Moi/ça/surmoi (auxquels se sont ajoutés le moi idéal
et l’idéal du moi). La seconde topique n’a pas annulé la première.
Dans ce modèle général édifié initialement par rapport à la névrose, un conflit
psychique va donner lieu à une défense par refoulement et les éléments du
conflit deviendront donc inconscients. Certains éléments partiels reviendront
cependant à la conscience (retour du refoulé) sous formes de symptômes
comportant toujours du sens ou de manifestations psychiques: lapsus, actes
manqués, oublis de noms propres…

A) Le diagnostic structural ou structurel

Il s’agit ici d’identifier la structure ou l’organisation de personnalité du patient.

Rappel:

La structure d’un sujet reflète les éléments de base de son fonctionnement


psychique, ceux-là mêmes qui déterminent son rapport à lui-même et au monde
et donc ses réactions aux événements vitaux qu’il rencontre.
Une structure se caractérise par sa fixité, sa stabilité et sa cohésion interne.
Selon Bergeret, elle est définitive une fois l’adolescence passée.

L e s t r o u b l e s m e n t a u x p e u v e n t d o n c ê t r e e x p l i q u é s en
relation avec la présence d’une structure psychique particulière qui s’organise
ou se « cristallise » au cours du développement postnatal.
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Une fois constituée, la structure en question sera stable et en l’absence


de traumatismes affectifs, de frustrations ou de conflits internes,le sujet ne
sera pas malade.

En présence de tels événements, en revanche, la structure se cassera, se


«brisera » selon les lignes de clivage préétablies au cours du développement
précoce (cf stades psycho-sexuels infra). La maladie ne représente, dans ce
contexte, qu’un aléa évolutif de la structure, « un état de décompensation
visible auquel est arrivé une structure par la suite d’une inadaptation de
l’organisation profonde et fixe du sujet à des circonstances nouvelles,
intérieures ou extérieures, devenues plus puissantes que les moyens de
défense dont il dispose » (Bergeret, 1974in Ionescu, 2000).

Selon Bergeret (1974), il existe deux structures : névrotique et psychotique et


l’organisation limite qui n’est pas considérée comme une structure de par sa
labilité dans la mesure où elle oscille entre les deux structures et peut lesrecouper
partiellement.

Structures et organisation renvoient à l’instance dominante, à la nature de la


relation d’objet, à la nature de l’angoisse, au type de conflit et aux mécanismes de
défense préférentiellement utilisés.

Attention : Il ne faut pas oublier qu’un sujet peut faire montre de caractéristiques
psychiques appartenant à des lignées structurelle ou organisationnelle différentes
(ex : un individu chez qui coexiste refoulement et forclusion)

° L’instance dominante :

Rappel:

Le terme “ d’instances ” introduit par Freud dans “ L’interprétation du rêve


” (1900) est utilisé pour désigner les différentes parties ou structures de l’appareil
psychique (Laplanche et Pontalis, 1967). Comme dit plus haut (point de vue
topique), ces instances recouvrent chacune des fonctions différentes et sont
disposées dans un certain ordre les unes par rapport aux autres.
Chacune de ces instances joue un rôle spécifique et plus ou moins prépondérant
dans les structures névrotique, psychotique et l’organisation limite.

-Le ça est le réservoir pulsionnel de la personnalité. Ses contenus, l’expression


psychique des pulsions, sont inconscients, en partie héréditaires, innés, en partie
refoulés et acquis. Le ça entre en conflit avec le Moi et le Surmoi qui, du point
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de vue génétique (c’est-à-dire développemental), en sont des différenciations


(Laplanche et Pontalis, 1967).
Le ça est régi par le principe de plaisir (recherche de la satisfaction immédiate et
évitement du déplaisir) et lié aux processus primaires qui tendent vers une
réalisation immédiate.

-Le Moi est une instance relativement autonome qui se pose en médiateur entre
les revendications pulsionnelles et les exigences de la réalité et du Surmoi. Il
constitue le pôle défensif de la personnalité puisqu’il mobilise des mécanismes
de défense (en grande partie inconscients) en réaction à un affect déplaisant. Il a
également une fonction princeps : celle de lier les processus psychiques
(Laplanche et Pontalis, 1967).
C’est donc l’instance qui assure l’unité, la cohésion et l’intégrité de la
personnalité. A partir des pulsions, il va générer un désir qu’il va s’efforcer de
concilier avec la Loi et la réalité puisque seule instance à être en contact avec le
système de perception du monde extérieur, il est l’ambassadeur de la réalité. Il est
donc soumis au principe de réalité: capacité à moduler, différer la satisfaction
pulsionnelle en fonction d’exigences en lien avec le monde extérieur.

Rappel:

La pulsion est un processus dynamique consistant dans une poussée (charge


énergétique, facteur de motricité) qui fait tendre l’organisme vers un but. La
pulsion prend sa source dans une excitation corporelle et son but est de supprimer
un état de tension. Elle y parvient dans l’objet ou grâce à lui (Laplanche et
Pontalis, 1967).

Freud (1920) oppose finalement deux types de pulsions: les pulsions de vie qui
recouvrent les pulsions sexuelles et les pulsions d’auto-conservation et les
pulsions de mort (dirigées vers soi: autodestruction, vers l’extérieur: agression,
destruction).

La pulsion se définit par:


- sa motion: sa force,
- sa source: elle est interne (somatique) et se situe soit dans la zone où survient
une excitation (zone érogène, organe sexuel) soit dans un espace indirectement
lié à la zone excitée (activités musculaire, intellectuelle, processus affectifs.),
- son but: la satisfaction totale ou partielle c’est-à-dire la disparition de la tension
liée à l’excitation,
- son objet: c’est-à-dire ce par quoi la pulsion peut être satisfaite: une partie du
corps propre ou un objet extérieur (une personne, une activité).
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- ses représentants: la pulsion est exprimée au niveau psychique par: les


représentations qui correspondent à une image visuelle, une trace sensorielle
conservée en mémoire à laquelle est attachée une expérience agréable et les
affects c’est-à-dire des émotions (joie, peur…)

-Le Surmoi, conçu comme un héritier du complexe d’Œdipe, se constitue par


intériorisation des exigences et des interdits parentaux. Il incarne la Loi et a par
conséquent une fonction critique, de censure, d’auto-observation et de conscience
morale, mais aussi d’idéal (Laplanche et Pontalis, 1967).
Malgré ses aspects positifs (il permet de respecter les exigences morales, sociales)
il joue un rôle princeps dans certaines pathologies quand il se révèle
excessivement contraignant (ex: névrose obsessionnelle). Certains auteurs
comme M. Klein postulent l’existence d’un surmoi archaïque antérieur au surmoi
oedipien.

Rappel:

Les différents stades du développement psycho-affectif de l’enfant: oral, anal,


phallique (cf tableau infra) ont été décrits par Freud et Abraham à partir de deux
notions princeps: la pulsion et les relations d’objet. En effet, selon Freud, c’est à
partir de la pulsion que va pouvoir se différencier progressivement la psyché de
l’enfant. Au fur et à mesure du développement, la pulsion et les relations d’objet
vont donc se modifier. L’infans passera ainsi d’une relation d’objet partiel (le
sein) à une relation d’objet total (la mère en son entier) de même que la pulsion
partielle (orale…) viendra s’unifier autour de la génitalité à l’adolescence.

Le complexe d’Oedipe s’étend entre trois et six ans. L’objet de la pulsion est alors
total et sexué. L’enjeu est d’obtenir une relation exclusive avec l’objet d’amour
nécessitant la disparition du parent rival. Ce stade se spécifie donc par un double
mouvement:

Oedipe direct (courant hétérosexuel)


- un désir incestueux pour le parent du sexe opposé,
- un désir de mort pour le parent/rival du même sexe.
Oedipe inversé (courant homosexuel)
- un désir incestueux pour le parent du même sexe
- un désir de mort pour le parent du sexe opposé.

Les modalités du conflit oedipien sont différentes selon le sexe de l’enfant.

Chez le garçon, le premier objet d’amour est la mère. Mais la perception d’une
absence de pénis chez celle-ci et le constat de l’existence de son propre pénis et
de celui de son père génèrent une angoisse de castration, c’est-à-dire la crainte
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qu’en représailles de son désir d’amour exclusif pour sa mère, son père ne le
castre. Cette angoisse de castration va inciter l’enfant à renoncer à ce désir
d’amour exclusif et à s’identifier à son père ce qui lui ouvrira la possibilité de
trouver d’autres objets d’amour.
Chez la fille, le premier objet d’amour est également la mère, mais la perception
de l’absence de pénis chez cette dernière va entraîner un glissement de
l’investissement amoureux vers le père (détenteur du pénis). Elle désire alors
que le père lui donne un équivalent symbolique du pénis: un enfant. D’où les
désirs incestueux envers le père et l’agressivité dirigée contre la mère qui ne lui
a pas donné de pénis. Toutefois, l’enfant ne peut pas désinvestir totalement sa
mère en tant qu’objet d’amour et ses sentiments agressifs envers elle génèrent une
culpabilité importante.
La résolution de l’Oedipe s’exprime par l’identification au parent du même sexe
après renonciation aux désirs incestueux. Chez le garçon l’angoisse de castration
permet donc potentiellement la résolution de l’Oedipe alors que chez la fille le
complexe de castration marque l’entrée dans l’Oedipe, de ce fait plus
difficilement résolutoire. Si les sentiments hostiles à l’égard de la mère sont trop
forts, l’identification devient, en effet, problématique. (Bioy, Fouques, 2008).

Notons que nombre d’auteurs dont Bergeret, considèrent que l’accession au


complexe d’Oedipe n’est possible et « observable » que chez les sujets névrosés.
Cependant, d’autres auteurs soulignent plutôt les avatars que peut connaître la
construction oedipienne en fonction de la psychopathologie des sujets.
Ainsi, pour Chabert et Verdon (2008, p.63-64): « Chez les fonctionnements
limites, les difficultés sont liées à la fragilité narcissique et aux angoisses de
séparation qui rendent particulièrement douloureux l’exclusion de l’enfant et le
renoncement à ses liens oedipiens. Dans la psychose, le complexe d’Oedipe est
essentiellement marqué par la force des désirs incestueux et meurtriers, et
l’absence de refoulement, témoignant de la précarité des interdits et des opérations
de différenciation. »

Retenons qu’un Oedipe structurant débouchera sur une distinction claire des sexes
et des générations et l’existence d’interdits bien intériorisés alors qu’un Oedipe
peu structurant organisera une faiblesse des processus de différenciation, une
tendance à la confusion et des interdits peu intériorisés.

-L’Idéal du Moi résulte de la convergence du narcissisme (idéalisation du Moi


et des identifications aux parents et aux idéaux collectifs). Il constitue un modèle
plus ou moins prescriptif auquel le sujet cherche à se conformer (Laplanche et
Pontalis, 1967).
Là encore, si cette instance permet de tendre vers des aspirations honorables,
quand elle ne tient pas compte de la réalité, elle peut participer au
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développement de pathologies en pressant le sujet d’atteindre un objectif par


essence inatteignable et en faisant le lit de sentiments de déception et d’une auto-
dévalorisation (ex: les états-limites).

Rappel:

Le narcissisme
Le concept de narcissisme réfère au mythe de Narcisse. Ce dernier, fils du dieu
du fleuve Céphise et de la nymphe Liriopé s’éprit un jour follement de lui-même
en contemplant pour la première fois son reflet dans une source. Devenu vaniteux
et autosuffisant, Narcisse conduisit la nymphe Echo au suicide en ne répondant à
son amour que par du dédain et de l’indifférence. Le narcissisme exprime donc
l’amour porté à l’image de soi-même.
Chez Freud, ce terme est employé en 1911 pour qualifier un stade évolutif situé
entre l’auto-érotisme et l’amour objectal, puis en 1916 pour décrire une forme
d’identification à l’objet participant à la formation du Moi (Laplanche et Pontalis,
1967). Cette dernière conception ouvrira sur la distinction entre narcissisme
primaire et secondaire.
En effet, selon Freud, le narcissisme primaire désigne l’état précoce où l’infans se
prend lui-même comme objet d’amour, avant d’investir sa libido sur des
objets extérieurs.
Le narcissisme secondaire, construit sur la base du narcissisme primaire, définit
quant à lui, “ le retournement sur le Moi de la libido, retirée de ses investissements
objectaux ”. Le narcissisme secondaire permet donc une répartition des
investissements libidinaux tant sur le Moi que sur les objets extérieurs ainsi que
la constitution d’une formation narcissique pérenne : l’Idéal du Moi (Laplanche
et Pontalis, 1967).
Au delà du fonctionnement normal, le concept de narcissisme a permis à Freud
d’aborder les problématiques de la psychose. Il est actuellement essentiel à la
compréhension de toutes les pathologies du narcissisme dont les états-limites.

-Le Moi Idéal est défini comme un idéal de toute puissance narcissique forgé
sur le modèle du narcissisme infantile. Selon certains auteurs, ce serait une
instance génétiquement antérieure au Surmoi (Laplanche et Pontalis, 1967).
Il correspond au vécu de toute puissance du nourrisson et s’efface normalement
au profit du Moi et du Surmoi quand ces derniers sont bien constitués.

Selon les structures et les organisations, les instances dominantes seront


différentes et la vie psychique régie ou non par le principe de réalité et les
processus secondaires. Il en découle différents types de conflits et l’activation de
mécanismes de défense plus ou moins fonctionnels.
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Rappel

Développement instinctivo-affectif de l’enfant

Âge
Âge Zone Mode de Relation Mécanismes
érogène plaisir d’objet de
défense
0 à 1 an Orale Sucer Mère, Introjection Ça +++
cavité Incorporer
comme 1er puis premières Émergence du
primitive ———— objet non identifications Moi encore
passive Mordredifférencié Projection très faible et
————- Déchiqueter —————- Régression- passif
(cannibalisme) fixation
puis active Ambivalence
(dentaire) vis-à-vis du
1er objet
différencié
1 à 3 ans Anale Expulser Projection Le Moi se
précoce Rejeter- Identification renforce (->
—————- détruire Ambivalence (en Moi Idéal
tardive maximum particulier à mégalomane
Retenir- l’agresseur) narcissique)
contrôler- Régression- Surmoi
posséder Fixation archaïque
(Dé)négation très agressif
et sadique
3 à 6 ans Urétrale Expulser Narcissique Tous les Ça-Moi et
Phallique Retenir puis mécanismes Surmoi
(clitoridienne Toucher Relation du Moi définitif
chez la fille) Regarder triangulaire apparaissent, (oedipien).
S’exhiber oedipienne et en Les
(complexe particulier le identifications
refoulement, se font avec
d’Oedipe)
les formations l’idéal du Moi
réactionnelles,
les
déplacements
et la
sublimation
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Âge Zone Mode de Relation Mécanismes


érogène plaisir d’objet de
défense
6 à 12 Pas de Tous les Extension à Formations Les conflits se
réactionnelles
nouvelle modes l’extra- Sublimation++
stabilisent
ans zone (phase antérieurs parental: entre les trois
de latence) sont utilisés famille, systèmes et le
(à bas bruit) école, société milieu-Moi++
> 12 ans Génitale 1) d’abord 1) Réactivation Intellectualisation Rupture avec
de la relation et ascétisme (en
Puberté organes revivisce d’objet éclatement
plus des autres
Adolescence sexuels nce des infantile mécanismes) structural
2) Nouvelles
I I modes relations
faisant
Adolescence adultes infantiles d’objets réapparaître
2) puis
hétérosexuel l’éventuelle
les et
névrose
modes exogamiques
infantile puis
adultes
réorganisation
(->orgasme) de la
personnalité
définitive de
l’adulte

D’après Mazet, Houzel, « Psychiatrie de l’enfant », Maloine, 1979 in Lévy-


Soussan (1994)

° Le conflit :

Rappel:

La psychanalyse considère le conflit comme constitutif de l’être humain, toute


activité psychique se spécifiant par une dynamique conflictuelle et s’est donc
attachée à en définir les termes (point de vue dynamique). Elle distingue :

a) le conflit intrapsychique (conflit interne) entre:


-désirs/interdits ou devoirs
-entre les pulsions (deux désirs contraires)
-entre les instances
Le conflit oedipien recouvre non seulement la confrontation entre des désirs
contraires mais également celle entre ces désirs et l’interdit.
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b) le conflit intersubjectif
-entre enfant et adulte
-entre deux adultes
La psychanalyse oppose et articule les plans intrapsychique et intersubjectif.

Dans la structure névrotique, le conflit oppose le Moi aidé du Surmoi et de l’Idéal


du Moi au ça. Ce conflit se déroule à l’intérieur d’un Moi intègre, non clivé, non
déformé. Ce Moi, suffisamment fort, joue donc son rôle de médiateur entre les
pulsions et les exigences du Surmoi et de la réalité. En obéissant au principe de
réalité, il prend en compte les interdits, la temporisation de lasatisfaction et le
détournement vers des buts secondaires (ex : sublimation). Ceci aboutit à des
formations de compromis comme les rêves, les fantasmes et les symptômes. Le
Surmoi est plus ou moins imposant, l’Idéal du Moi peu prescriptif et le Moi Idéal
peu exprimé.

Dans la structure psychotique, le conflit oppose le ça et la réalité via un Moi


extrêmement fragile car poreux et morcelé. Le Surmoi qui n’a pas pu se former
puisque l’Œdipe n’a pas été atteint est totalement hors jeu; mais un Surmoi
archaïque sadique en tient parfois lieu. Celui-ci attaque alors davantage le Moi
qu’il ne l’aide et le fragilise encore plus face aux pulsions qui finiront par
l’inonder. La vie psychique est régie par le principe de plaisir. L’Idéal du Moi est
absent, effacé par un Moi Idéal à l’expression plus ou moins bruyante.

Dans l’organisation limite, le conflit oppose le ça et la réalité via le Moi à


l’Idéal du Moi. Ici, le Moi se caractérise par son aspect lacunaire, narcissiquement
incomplet. Il se déforme pour ne pas se déchirer. Le champ relationnel se partage
entre un secteur adaptatif et un secteur anaclitique. L’Idéal du Moi est archaïque
et domine ce Moi fragile. Il ne tient pas véritablement compte de la réalité et reste
sous la prédominance du principe de plaisir. Le Surmoi n’est pas suffisamment
internalisé et ne peut seconder efficacement le Moi. Le Moi Idéal tout puissant
vient renforcer l’Idéal du Moi, lequel s’allie parfois au ça pour étouffer le Moi.
Mais les exigences de l’Idéal du Moi s’opposent le plus souvent aux pulsions et
plus encore à la réalité.

° Les mécanismes de défense :

Ouvrage utile :
Ionescu, S., Jacquet, M_M., Lhote, C. (2005). Les mécanismes de défense.
Théorie et clinique. Paris : Armand Colin
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Rappel:

Le terme de défense apparaît pour la première fois en1894 sous la plume de Freud
dans un article intitulé « Les psychonévroses de défense ». Mais, c’est en 1926
que l’auteur en donnera cette définition : « … tous les procédés dont sesert le
moi dans les conflits susceptibles d’aboutir à une névrose… ». Freud décrira dans
l’ensemble de son œuvre dix mécanismes de défense : le refoulement, la
régression, la sublimation, la formation réactionnelle, la projection, le
retournement contre soi, la transformation en son contraire, l’introjection (ou
identification), l’annulation rétroactive et l’isolation. Par la suite, d’autres auteurs
dont Anna Freud et Mélanie Klein apporteront une large contribution à la question
des mécanismes de défense. On dénombre d’ailleurs aujourd’hui plusieurs
mécanismes de défense. (Ionescu et al. 1997).
En effet, cette notion s’est considérablement développée et admet actuellement
différentes définitions.

Ainsi, selon Laplanche et Pontalis (1967) : « Les mécanismes de défense


représentent les différents types d’opérations dans lesquelles peut se spécifier la
défense. » Cette dernière étant à son tour, définie comme « l’ensemble des
opérations dont la finalité est de réduire, supprimer toute modification susceptible
de mettre en danger l’intégrité et la constance de l’individu biopsychologique ».

Pour Widlöcher (1971-1972) : « la défense apparaît comme l’ensemble des


opérations dont la finalité est de réduire un conflit intrapsychique en rendant
inaccessible à l’expérience consciente un des éléments du conflit ».

Pour Sillamy (1980) : « la défense est un mécanisme psychologique inconscient


utilisé par l’individu pour diminuer l’angoisse née des conflits intérieurs entre
les exigences instinctuelles et les lois morales et sociales ».

A partir de l’analyse de ces définitions et de quelques autres, Ionescu et al. (1997)


proposent donc cette définition synthétique : « les mécanismes de défense sont
des processus psychiques inconscients visant à réduire ou à annuler les effets
désagréables des dangers réels ou imaginaires, en remaniant les réalités interne
et/ou externe et dont les manifestations -comportements, idées ou affects-
peuvent être inconscients ou conscients. »

Selon Anna Freud (1936), le moi se défend contre deux éléments :

-les pulsions qui, en tentant de pénétrer dans le conscient pour s’y satisfaire
entrent en conflit avec le moi ;
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-les affects liés à ces pulsions qui peuvent être agréables ou déplaisants. D’autres
auteurs ajoutent que le moi peut également se défendre contre les représentations
auxquelles la pulsion est liée (souvenirs, fantasmes) ou contredes situations
capables de déclencher des pulsions déplaisantes pour le moi.

Selon Anna Freud toujours, quand le moi se défend contre les pulsions, ce peut
être pour trois raisons :

-parce qu’il craint le surmoi qui s’oppose à ce que les pulsions puissent devenir
conscientes et obtenir satisfaction,
-par peur réelle (c’est le cas d’un enfant qui considère la pulsion comme
dangereuse à l’aune des interdits parentaux qui portent sur sa satisfaction),
-par crainte que l’intensité des pulsions ne devienne excessive et que celles-ci ne
le débordent. Lorsqu’il se défend contre les affects, c’est parce que ces derniers
sont déplaisants.

Enfin, notons que pour Anna Freud, une défense réussie :

-ne peut l’être que du point de vue du moi et non de celui du monde extérieur
-a pu satisfaire aux exigences : d’empêcher la pulsion interdite d’entrer dans la
conscience, d’écarter l’angoisse associée à la pulsion et d’échapper à touteforme
de déplaisir.

Toutefois, Anna Freud (1985) précise « qu’une défense réussie est toujours
quelque chose de dangereux car elle restreint excessivement le domaine de la
conscience ou de la compétence du moi, ou elle falsifie la réalité. Une défense
réussie peut donc avoir des conséquences néfastes pour la santé ou le
développement ultérieur. » (Ionescu et al. 1997)

Il convient d’ajouter, cependant, que les mécanismes de défense ne sont pas


pathologiques en eux-mêmes. Selon Bergeret (1972-1986) : « un sujet n’est
jamais malade parce qu’il a des défenses mais parce que les défenses qu’il
utilise habituellement peuvent être caractérisées comme inefficaces, trop rigides,
mal adaptées aux réalités internes ou externes, ou exclusivement d’un même
type . »

Voici les définitions des principaux mécanismes de défense :

-Annulation (rétroactive) : mécanisme psychologique par lequel le sujet s’efforce


de faire en sorte que des pensées, des paroles, des actes passés nesoient pas
advenus ; il utilise pour cela une pensée ou un comportement ayant une
signification opposée. Il s’agit là d’une compulsion d’allure “ magique ”,
particulièrement caractéristique de la névrose obsessionnelle ”. (Laplanche,
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Pontalis, 1967).
Ex : un homme qui refoule son homosexualité ressent de l’excitation à la vue
d’une publicité montrant un homme torse nu, il ressent le besoin zapper et de
trouver trois publicités montrant des femmes dévêtues et de s’exclamer, chaque
fois, trois fois « elle est bonne ».

-Clivage d’objet : « Action de séparation, de division (…) de l’objet sous


l’influence d’une menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi
séparées qui se méconnaissent sans formation de compromis possible.
» (Ionescu et al. 1997)
Le sujet peut cliver l’objet mais aussi cliver le monde en bons et mauvais objets.

Ex : un sujet conçoit sa mère dans le même temps toute bonne ou toute mauvaise
ou toujours bonne et son père toujours mauvais. Il est dans l’incapacité de
reconnaître qualités et défauts à l’objet.

-Clivage du moi : "(...)coexistence, au sein du moi, de deux attitudes psychiques


à l'endroit de la réalité extérieure en tant que celle-ci vient contrarier une exigence
pulsionnelle: l'une tient compte de la réalité, l'autre dénie la réalité en cause et
met à sa place une production du désir. Ces deux attitudes persistentcôte à côte
sans s'influencer réciproquement." (Laplanche, Pontalis, 1967)

Ex : un sujet en deuil parle de la mort de son proche mais continue de mettre son
couvert tous les jours aux repas.

-Condensation : “ un des modes essentiels du fonctionnement des processus


inconscients : une représentation unique représente à elle seule plusieurs chaînes
associatives, à l’intersection desquelles elle se trouve. Du point de vue
économique, elle est alors investie des énergies qui, attachées à ces différentes
chaînes, s’additionnent sur elle. On voit la condensation à l’œuvre dans le
symptôme, et d’une façon générale, dans les diverses formations de l’inconscient.
C’est dans le rêve qu’elle a été le mieux mise en évidence ”. (Laplanche, Pontalis,
1967). En d’autres termes, une seule image ou représentation en contient plusieurs
et devient une sorte d’image ou représentation « plurielle » surinvestie.

Ex : Dans un rêve, un personnage grimaçant vêtu d’une robe, d’un tablier à


carreaux, portant une casquette et des charentaises mais également affublé d’une
moustache et fumant la pipe, figure à la fois la grand-mère maternelle et legrand-
père paternel du rêveur qui reconnaît les attributs de ses deux grands- parents, tous
deux vécus comme maltraitants.

-Dénégation : “ Procédé par lequel le sujet, tout en formulant un de ses désirs,


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pensées, sentiments, jusqu’ici refoulé, continue à s’en défendre en niant qu’il lui
appartienne ”. (Laplanche, Pontalis, 1967). ou "Refus de reconnaître comme
siens, immédiatement après les avoir formulés, une pensée, un désir, un sentiment
qui sont source de conflit." (Ionescu et al., 2005)
Ex : « Ma mère m’a encore fait une réflexion désagréable, je ne lui en veux pas
du tout, mais je me demande pourquoi elle s’acharne sur moi comme cela ». Le
sujet exprime en le niant le fait qu’il en veut à sa mère.

-Déni primaire : « Action de refuser la réalité d’une perception vécue comme


dangereuse ou douloureuse pour le moi. » (Ionescu et al. 1997)
“ terme employé par Freud dans un sens spécifique : mode de défense consistant
en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante,
essentiellement celle de l’absence de pénis chez la femme ”. (Laplanche, Pontalis,
1967).
Le déni du sexe de la femme en tant que dépourvu de pénis est le mécanisme de
la perversion. Cependant, toute réalité traumatisante peut être déniée,
communément : la mort d’un proche, l’annonce d’une maladie grave etc. Dans
ces cas, le déni est fonctionnel à condition qu’il cède la place assez rapidement à
la reconnaissance de la réalité.

-Déplacement : « Processus par lequel l’investissement libidinal est transféré


d’une représentation mentale à une autre image plus neutre, reliée à la première
par une chaîne associative symbolique. » (Lévy-Soussan, 1994)

Ex : l’angoisse de castration va être déplacée sur la représentation des couteaux


et va engendrer la phobie des couteaux.

-Double retournement (ou renversement dans le contraire) : “ Mécanisme où


une pulsion conflictuelle est, non seulement refoulée, mais aussi remplacée par
la pulsion opposée ”. (Ionescu, 1997).

Ex : Un enfant notoirement jaloux de son cadet refoule la pulsion de le pincer et


lui caresse le bras.

-Forclusion: ce serait, selon Lacan, le mécanisme spécifique à l’origine du fait


psychotique. Elle recouvrerait le rejet primordial d’un signifiant fondamental
comme le phallus, ou le nom du père, hors de l’univers symbolique du sujet.
Contrairement au refoulement, avec lequel le matériel est enfoui dans
l’inconscient et peut revenir (retour du refoulé) sous forme de symptômes, de
rêves, de fantasmes au travers de différents mécanismes (déplacement,
condensation, conversion, etc.) ; dans le cas de la forclusion, les signifiants forclos
non intégrés à l’inconscient du sujet ne peuvent faire retour de l’intérieur, mais
au sein du réel, par les phénomènes hallucinatoires.
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Ex: l’hallucination de « l’homme aux loups » (in « 5 psychanalyses » de Freud,


1935) qui « voit » son doigt coupé ne tenant plus que par un lambeau de chair,
pour constater ensuite que son doigt est indemne. Cette hallucination est
l’expression d’un signifiant forclos: la castration, revenu dans le réel (c’est-à- dire
la réalité psychique du sujet et non la réalité quotidienne.)

-Formations réactionnelles : “ Transformation du caractère permettant une


économie du refoulement, puisqu’à des tendances inacceptables, sont substituées
des tendances opposées, qui deviennent permanentes ”. (Ionescu, 1997).

Ex : un sujet fixé au stade anal (stade correspondant à l’acquisition de la propreté)


qui a transformé sa propension à l’avarice (correspondant au désir de retenir ses
selles) en grande générosité.

-Idélisation : « Processus psychique par lequel les qualités et la valeur de l'objet


sont portées à la perfection. L'identification à l'objet idéalisé contribue à la
formation et à l'enrichissement des instances dites idéales de la personne (moi
idéal, idéal du moi)." (Laplanche, Pontalis, 1967).

-Identification : « processus psychologique par lequel un sujet assimile unaspect,


une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement oupartiellement,
sur le modèle de celui-ci. La personnalité se constitue et se différencie par une
série d’identifications ». (Laplanche, Pontalis, 1967).
-Identification projective : « Mécanisme consistant en un fantasme dans lequel
le sujet imagine s’introduire partiellement ou en totalité à l’intérieur de l’autre,
tentant ainsi de se débarrasser de sentiments, de pulsions ressenties comme
indésirables, et cherchant de cette façon à nuire, à posséder et à contrôler cette
autre personne. » (Ionescu et al. 2005, p.19)
Ex : un patient état-limite dit à son analyste en arrivant « vous n’avez pas l’air
bien, je vous sens très fatigué, vous travaillez sans doute trop, vous devriez vous
reposer. J’imagine que vous préfèreriez être chez vous plutôt que de me recevoir
et d’écouter mes problèmes. » Ce patient en se figurant qu’il sait ce que ressent
son analyste, cherche à le faire croire à son thérapeute dans le dessein deprojeter
sa propre ambivalence (son désir de ne pas être là) sur cet analyste et cefaisant de
la maîtriser et également d’attaquer le narcissisme de ce dernier pour renflouer le
sien.
-Intellectualisation : « Recours à l’abstraction et à la généralisation face à une
situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s’il reconnaissait y être
personnellement impliqué. » (Ionescu et al. 1997)
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Ex: « J’ai des problèmes avec ma mère, mais qui n’en a pas! Il n’y a pas de famille
parfaite. Toutes les personnes que je connais sont en conflit avec leur mère.
D’ailleurs, j’ai lu dans un livre de psychologie, je ne me souviens plus du nom de
l’auteur, que c’était parfaitement normal. Il y a toute une théorie là- dessus, mais
vous devez la connaître mieux que moi.»
-Isolation : “ Mécanisme de défense, surtout typique de la névrose obsessionnelle,
et qui consiste à isoler une pensée ou un comportement, de telle sorte que leurs
connections avec d’autres pensées ou avec le reste de l’existence du sujet se
trouvent rompues. Parmi les procédés d’isolation, citons les pauses dans le cours
de la pensée, des formules, des rituels, et d’une façon générale, toutes les mesures
permettant d’établir un hiatus dans la succession temporelle des pensées ou des
actes ”. (Laplanche, Pontalis, 1967). »
Ex : un sujet traumatisé cligne des yeux systématiquement à chaque fois qu’il
prononce le nom de son agresseur pour chasser immédiatement les affects que
ce nom réactive en lui.
-Projection : “ (…) Opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans
l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs, voire des
“ objets ”, qu’il méconnaît ou refuse en lui. Il s’agit là d’une défense d’origine
très archaïque et qu’on retrouve à l’œuvre particulièrement dans la paranoïa, mais
aussi dans des modes de pensée “ normaux ”, comme la superstition. (Laplanche,
Pontalis, 1967). ou "Opération par laquelle le sujet expulse dans le monde
extérieur des pensées, affects, désirs qu'il méconnaît ou refuse en lui et qu'il
attribue à d'autres, personnes ou choses de son environnement." (Ionescu et al.,
2005)

Ex : une femme érotomane désire son médecin mais dénie son désir et déclare que
ce médecin (à qui elle est en réalité indifférente) est amoureux d’elle. Elle
interprètera chacun des gestes du médecin en fonction de la projection première.
« Il m’aime, la preuve, il me sourit quand il vient me chercher dans la salle
d’attente ».

-Rationalisation : « Justification logique, mais artificielle, qui camoufle, à l’insu


de celui qui l’utilise, les vrais motifs (irrationnels et inconscients) de certains de
ses jugements, de ses conduites, de ses sentiments, car ces motifs véritables ne
pourraient être reconnus sans anxiété. » (Ionescu et al. 1997)

Ex: un patient obsessionnel qui déclare à propos de ses vérificationscompulsives:


« Ma femme me reproche de vérifier cinq fois si j’ai bien fermé la porte du jardin
à chaque fois que je sors, mais il y a eu plusieurs cambriolagesde le quartier et
l’on n’est jamais trop prudent. »
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-Refoulement : “ opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir


dans l’inconscient des représentations (pensées, images, souvenirs) liées à une
pulsion. Le refoulement se produit dans les cas où la satisfaction d’une pulsion –
susceptible de procurer par elle-même du plaisir, risquerait de provoquer du
déplaisir à l’égard d’autres exigences (…) L’opération de refoulement (…) se
retrouve au moins comme un temps dans de nombreux processus défensifs
complexes ”. (Laplanche, Pontalis, 1967). ou "Rejet dans l'inconscient de
représentations conflictuelles qui demeurent actives, tout enétant inaccessibles
à la prise de conscience. Le retour du refoulé, dont lesconséquences peuvent être
anodines ou pathologiques, intervienne cas d'échec ou d'insuffisance du
refoulement." (Ionescu et al., 2005)

-Sublimation : Processus postulé par Freud pour rendre compte d’activités


humaines apparemment sans rapport avec la sexualité, mais qui trouveraient leur
ressort dans la force de la pulsion sexuelle. La pulsion est dite sublimée dans la
mesure où elle est dérivée vers un nouveau but non sexuel et où elle vise des objets
socialement valorisés (création artistique, activité intellectuelle, etc.) (Laplanche
et Pontalis, 1967).

La structure névrotique met essentiellement en jeu le refoulement et ses


déclinaisons : annulation, isolation, etc.
La structure psychotique utilise essentiellement le déni, le clivage du moi, la
forclusion et la projection.
L’organisation limite recoure préférentiellement à l’idéalisation, au clivage
d’objet, à l’identification projective et au déni. Le refoulement est peu utilisé.

Attention : les différentes structures peuvent utiliser des mécanismes de défense


semblables, ce qui spécifie alors ces structures, au niveau de la défense réside
donc dans l’utilisation préférentielle de certains de ces mécanismes et dans leur
configuration associative.

° La relation d’objet :

Rappel:

Selon Laplanche et Pontalis (1967), la relation d’objet “ désigne le mode de


relation du sujet avec son monde, relation qui est le résultat complexe et total
d’une certaine organisation de la personnalité, d’une appréhension plus ou
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moins fantasmatique des objets et de tels types privilégiés de défense. On parlera


des relations d’objet d’un sujet donné, mais aussi de type de relations d’objets se
référant soit à des moments évolutifs (ex. : relation d’objet orale), soit à la
psychopathologie (ex. : relation d’objet mélancolique) ”.

L’objet qualifie une personne en tant qu’elle est visée par les pulsions d’un
sujet.

Dans la structure psychotique, la relation d’objet est fusionnelle. Le sujet se


confond avec l’objet. Il aspire à cette fusion avec lui dans le même temps qu’il la
redoute. Cette fusion est donc à la fois désirée parce qu'elle permettrait
fantasmatiquement de vivre une unité narcissique (sur le modèle de l'unitébouche
du bébé/sein de sa mère) qui renvoie au stade oral, à la fusion mère/ enfant et au
narcissisme primaire c'est-à-dire à la période où le nourrisson"pense" ne faire
qu'un avec sa mère; et crainte parce que le sujet pourrait s'y perdre (d’où ses
angoisses de morcellement).

Dans la structure névrotique la relation d’objet est génitale et se maintient à bonne


distance. Le sujet a conscience de l’altérité de l’objet et la respecte. Il conçoit
Autrui comme ayant ses désirs propres potentiellement distincts des siens.

Dans l’organisation limite, la relation d’objet est anaclitique et vise à consolider


le narcissisme du sujet. Le sujet a conscience que l’objet est distinct de lui- même,
mais il a tendance à nier ses besoins, ses désirs et son narcissisme au profit des
siens. Il s’appuie donc constamment et sans culpabilité sur l’objet qui lui sert
de prothèse narcissique.

° L’angoisse :

Il importe de distinguer l’angoisse (automatique) : « Réaction du sujet – chaque


fois qu’il se trouve dans une situation traumatique, c’est-à-dire soumis à un afflux
d’excitation, d’origine externe ou interne, qu’il est incapable de maîtriser. Elle
résulte d’une tension libidinale accumulée et non déchargée, et reste le produit de
la détresse psychique du nourrisson. » (Laplanche et Pontalis, 1967) ; de
l’angoisse structurale d’un sujet.
En effet, l’angoisse est un vécu que l’on rencontre dans toute structure ou
organisation. Elle se spécifie cependant différemment selon les paramètres
génétiques (développementaux) et structurels de chaque lignée. Ainsi, dans la
structure psychotique, il s’agit d’une angoisse de mort ou de morcellement
extrêmement archaïque et violente. Elle peut s’expérimenter sous la forme
d’angoisses d’anéantissement, de perte d’identité, de transformation corporelle,
de persécution etc.
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Dans la structure névrotique, il s’agit d’une angoisse de castration qui peut se


vivre comme une angoisse d’échec, de perte, une forte culpabilité etc.
Dans l’organisation limite, il s’agit d’une angoisse d’abandon ou de l’éloignement
ou de la perte de l’objet qui traduit une incapacité à mentaliser et s’accompagne
généralement d’un besoin de décharge. Cette angoisse est constante, labile et
polymorphe, et s’associe à des mécanismes de défense et à des symptômes variés
qui ne parviennent cependant pas à la limiter.
Attention
Toute personne peut connaître une angoisse de perte d’objet sans que cela signe
nécessairement une organisation limite. Tout dépend du mode de relation
entretenue avec cet objet (génitale ou anaclitique) et de la nature de celui-ci
(oedipien ou pré-oedipien). Ainsi, ce n’est que si le sujet est angoissé à l’idée de
perdre un objet investi sur un mode pré-oedipien et avec lequel il a une relation
anaclitique que l’on peut conclure à une organisation limite. Il en va de même
pour les angoisses de morcellement et de castration. Ce n’est donc pas
essentiellement le contenu qui est indicateur de la nature de l’angoisse structurale
mais le processus qui lie autrui, le lien entretenu avec lui et la menace qu’il
représente.

Afin d’approfondir les éléments vous permettant d’effectuer un diagnostic


structural, vous pouvez vous référer à l’ouvrage mentionné ci-dessous.

Ouvrage utile :
Bergeret, J. et al. (2008). Psychologie pathologique théorique et clinique. Paris :
Masson, coll. Abrégés.

4) Transfert/contre-transfert :

Ouvrage utile:
Neyraut, M. (2004). Le transfert. Paris: PUF, coll. Le Fil rouge.

Rappel:

Selon Laplanche et Pontalis (1967), le transfert désigne « le processus par lequel


les désirs inconscients s’actualisent sur certains objets dans le cadre d’un certain
type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation
analytique. Il s’agit d’une répétition de prototypes infantiles vécue avec un
sentiment d’actualité marqué. Le transfert est classiquement reconnu comme le
terrain où se joue la problématique d’une cure psychanalytique, son
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installation, ses modalités, son interprétation et sa résolution caractérisant celle-


ci. »
Le contre-transfert désigne quant à lui : “ l’ensemble des réactions inconscientes
de l’analyste à la personne de l’analysé et plus particulièrement au transfert de
celui-ci ”.

Il s’agit d’identifier les manifestations plus ou moins naissantes et plus ou moins


affirmées du transfert. En début de rencontre, elles peuvent se repérer dans « la
manière dont le sujet dit avoir choisi cette personne (le thérapeute), ce qu’il en
attend, les représentations qu’il donne d’autres cliniciens déjà rencontrés, le type
de relation qu’il dit vouloir établir. » (Pédinielli, 2015, P.113)

Ex : « Je vous ai choisie car vous avez le même prénom que ma grand-mère, je


l’aimais beaucoup et je voulais une thérapeute qui me parle, pas quelqu’un qui
se contente d’écouter, de faire mmh toutes les dix minutes et qui me laisse tout
seul, en fait. C’était le cas de la personne que j’ai vue l’année dernière. Je ne l’ai
vue que trois fois, c’était insupportable, j’avais l’impression que cela me faisait
plus de mal que de bien. En plus, elle ne me gardait que 40 minutes. Et vous, si
on va mal pendant le week-end ou les vacances, on peut vous appeler ? »

Ici, le patient semble souhaiter et transférer sur la psychologue la relation


entretenue avec sa grand-mère, figure contenante et étayante.

Quand le transfert est plus installé, on le repère aux façons dont le patient
s’adresse au thérapeute (silence hostile, familiarité, froideur, questions intimes,
sollicitude etc.) aux absences (le patient rate des séances sans véritable raison),
aux actes manqués (la patiente oublie les clefs de son domicile dans le cabinet
du thérapeute), aux rêves (le patient rêve que sa thérapeute le sauve de la
noyade) etc.

Il s’agit également pour le thérapeute de repérer ce que le patient et son transfert


lui font vivre. Ex : Il est ému, la tristesse du patient le touche et lui donne envie
de le réconforter.

Attention

Même quand on s’inscrit dans un référentiel psychanalytique ou


psychodynamique, tout n’est pas à interpréter en termes de transfert et de contre-
transfert. Un patient peut renvoyer de l’agressivité car il vient d’être verbalisé et
arrive en proie à de l’exaspération, un thérapeute idem (étant entendu qu’il
appartient à celui-ci de gérer le mieux possible ses affects.)
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5) Discussion des possibilités et propositions thérapeutiques

Il s’agit d’émettre un avis circonstancié sur les capacités d’élaboration du patient,


son désir de guérison, son implication etc. et de l’assortir éventuellement d’une
indication thérapeutique: psychothérapie de soutien, TCC, psychodrame,
psychothérapie psychanalytique, consultation d’ethnopsychiatrie, thérapie
systémique, thérapie de groupe etc. en fonction de la problématique du sujet, de
ses capacités élaboratives, de ses souhaits…
Vous n’aurez pas à renseigner cette rubrique à l’examen. Pour vous familiariser
avec les indications thérapeutiques, vous pouvez consulter l’ouvrage de Dumet ,
un manuel de psychiatrie ou un guide des psychothérapies (il en existe plusieurs).

Application suite (analyse psychopathologique)

3) Approche des processus psychiques : Cette analyse est à effectuer en vous


appuyant sur l’approche structurelle de Bergeret. Vous devez déduire le type de
structure ou d’organisation du patient à partir de l’ensemble des critères et non
sur la foi d’un seul d’entre eux ni non plus en fonction de la nature du trouble
(d’autant qu’ici, il s’agit d’une hypochondrie, laquelle comme susmentionné, peut
apparaître dans toute structure ou organisation et chez tout type de personnalité)
ou de celle de la personnalité que vous avez diagnostiqués préalablement chez le
sujet même si ces derniers peuvent vous orienter. J’attendsconcernant le devoir
facultatif et l’examen que vous justifiiez chaque critèresans que votre analyse
soit nécessairement très fouillée. Elle doit cependant être pertinente et cohérente.
L’analyse que je vous propose ne prétend pas à l’exhaustivité, elle est destinée à
vous éclairer sur la façon de procéder et sur les liens qu’entretiennent les différents
critères examinés entre eux. Certains points pourraient faire l’objet de discussions
et l’analyse globale pourrait, bien entendu, être enrichie.
- Conflit : Il semble opposer le moi aidé d’un surmoi très exigeant et critique
voire sadique (destruction des maquettes) et d’un idéal du moi particulièrement
prescriptif (ne visant rien de moins que la perfection) au ça. Il s’agit donc d’un
conflit désir/censure. Le moi et le surmoi n’ayant de cesse de lutter contre les
pulsions libidinales (il semblerait qu’une relation amoureuse ne puisse être
autorisée, et que le laisser-aller a fortiori le plaisir soient proscrits : le loisir est
vécu comme une discipline) et agressives de M.H. ( qui laisse passer une part de
son agressivité notamment envers la gent masculine mais en retourne une autre
part contre lui : en détruisant ses maquettes « ratées » en s’infligeant desangoisses
massives et en se martyrisant via son perfectionnisme) en lien avec sa
problématique oedipienne non résolue.
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- Angoisse : Il s’agit manifestement d’une angoisse de castration en lien avec la


fixation oedipienne de M.H. sur sa mère et l’interdit de l’inceste qu’il a néanmoins
intériorisé. Cette angoisse s’exprime chez lui par la crainte de l’échec (« On me
reproche souvent le temps que je prends, ça, c’est un échec… »,
« Mais l’échec, ç’aurait été de les garder justement. » et de ce qui pourrait nuire
à son intégrité corporelle (préoccupations hypochondriaques).
- Relation d’objet : Elle est génitale car Autrui est bien perçu dans son altérité,
comme sujet distinct mais sur fond de problématique oedipienne non résolue.
Ainsi, M.H idéalise-t-il sa mère qu’aucune femme ne peut manifestement égaler
et se positionne-t-il en rivalité avec son père, qualifié de moins méticuleux que lui
et sur lequel il exerce une certaine domination (rejeton de l’agressivité
inconsciente qu’il conçoit à son égard) en détruisant leurs maquettes « ratées »
contre la volonté de ce dernier.
Cette problématique oedipienne que M.H. tente probablement inconsciemment de
résoudre en se rendant tous les dimanches chez ses parents l’empêche
logiquement de nouer une relation amoureuse avec une autre femme, la gent
féminine étant nécessairement disqualifiée au regard de « la perfection maternelle
» et paraît lui compliquer l’entretien de relation amicales ou seulement
aconflictuelles avec des hommes qui à l’instar de son père et par extension
semblent être perçus comme des rivaux (médecins incompétents, collègues dont
il préfèrerait se passer, frères tout juste mentionnés).
- Mécanismes de défense : Le moi de M.H. a recours à un certain nombre de
mécanismes de défense afin contenir ses pulsions et ses angoisses. Lesquels
mécanismes de défense se sont récemment trouvés débordés comme en témoigne
l’hypochondrie qu’il présente.
Ainsi, nous repérons chez lui l’utilisation :
Du déplacement et de la projection constitutifs de sa nosophobie. Il projette
également (implicitement) son propre sentiment d’incompétence sur sescollègues
et (explicitement) sur les médecins.
De la rationalisation et de l’intellectualisation apparentes notamment dans le
propos qu’il tient sur les motifs de son célibat (expliqué entre autres par sa
difficulté à trouver la perle rare et l’importance de ses manies.)
De l’isolation comme en témoignent les pauses qu’il fait dans son discours après
l’évocation de ce qui peut l’angoisser (rectocolite hémorragique, incompétence
du médecin, échec…)
De l’identification à sa mère décrite comme ordonnée.
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De l’idéalisation de cette même mère qui représente une perle rare introuvable et
avec laquelle aucune femme ne peut rivaliser.
De la sublimation de ses pulsions agressives et libidinales dans son activité de
fabrication de maquettes, qualifiée « d’art ».
De la formation réactionnelle, sa méticulosité et son besoin d’ordre pouvant
s’entendre comme l’expression d’une tendance contraire au désordre et au laisser-
aller voire à la saleté.
Du déni de son état de santé réel. Nonobstant ses craintes, il n’a pas de maladie
grave.
Du clivage d’objet car le corps médical se partage entre les mauvais objets (les
médecins qu’il a vus, trop jeunes, incompétents etc.) et les bons objets (les vrais
spécialistes qu’il n’a pas encore rencontrés).
M.H semble donc utiliser préférentiellement le refoulement (des pulsions qui
contreviennent aux exigences de son surmoi) essentiellement observable via ses
déclinaisons.
Diagnostic : structure névrotique.
Conclusion : proposition thérapeutique :
La psychologue devra investiguer nombre de secteurs dans les entretiens
ultérieurs, et notamment ceux relatifs aux antécédents personnels et familiaux de
Mr H., à sa capacité à mentaliser, à sa vie affective et sexuelle etc. Mais elle devra
s’assurer auparavant de l’existence d’une demande chez le patient etobtenir son
adhésion pour la poursuite d’un travail thérapeutique. Notons que le manque de
mobilité psychique de M.H. n’est pas de très bon pronostic. Cependant, celui-ci
est peut-être lié à la crise que le patient traverse et au faitque l’angoisse mobilise
une grande part de son économie psychique. Au delà des angoisses
hypochondriaques, si le patient parvenait à formuler une véritable demande, une
thérapie verbale de type psychodynamique pourrait permettre de travailler la
problématique oedipienne, de même qu’une analyse, bien entendu, mais il
conviendrait dans les deux cas de veiller à ce qu’elles ne laissent pas le champ
libre à la propension à l’intellectualisation de M.H. qui auraitévidemment valeur
de résistance. S’il s’agissait de l’aider essentiellement à mieux gérer ses
angoisses, nous pourrions éventuellement envisager une thérapie
comportementale-cognitive. En revanche, du fait de son hypochondrie qui
s’accompagne nécessairement d’une écoute vigilante de ses signaux corporels, la
relaxation ou une thérapie corporelle seraient contre-indiquées.

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