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Linfluence de Lapprentissage Social Sur Le Sentiment Defficacite
Linfluence de Lapprentissage Social Sur Le Sentiment Defficacite
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Observation d’un individu modèle. Plusieurs auteurs utilisent les termes « modelage » et
« comparaison sociale ».
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« capacité humaine à influer intentionnellement sur le cours de sa vie et de ses actions »
(Carré, 2004, p. 30).
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tributions causales des sujets sociaux eux-mêmes, prenant en considération
leurs propres pensées, leurs motivations et leurs actions.
Dans les années quatre-vingt, Bandura réunit l’ensemble de ses tra-
vaux et élabore la théorie sociocognitive du fonctionnement psychologique.
En 1986, il présente le cadre conceptuel de cette théorie avec la mise en
place des recherches expérimentales avancées dans son livre sur Les fonda-
tions sociales de la pensée et de l’action (Bandura, 1986).
Aujourd’hui l’œuvre de Bandura a trouvé des applications dans plu-
sieurs domaines comme la psychothérapie pour le traitement de la dépres-
sion, la toxicomanie, le SIDA, l’organisation du travail et des carrières, et
aussi dans la réussite scolaire. Toutefois, malgré les liens qui ont été faits
entre cette théorie et les théories de l’apprentissage, notamment dans la bi-
bliographie anglophone, nous n’avons pas trouvé de littérature spécifique sur
le sentiment d’efficacité personnelle ou même sur la théorie sociocognitive
de Bandura dans la perspective d’un apprentissage musical.
Nous utiliserons dans notre article la théorie de Bandura comme outil
explicatif de l’action pédagogique au sein des harmonies amateurs et pour
mettre en lumière sa contribution à l’éducation musicale.
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Environnement
Auto-efficacité
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Au cours de nos recherches, nous avons remarqué que dans toutes les
harmonies amateurs analysées, les actions individuelles de tous les musi-
ciens ont pour but de valoriser leur harmonie.
Les activités individuelles exercées par ces musiciens sont multiples.
Par exemple, relativement aux études musicales nous pouvons remar-
quer qu’ils travaillent leurs instruments et participent à la formation musicale
(à l’origine pour bien préparer les morceaux des concerts). De nombreux
musiciens, notamment en France, où l’enseignement musical est plus orga-
nisé, font plus encore. En effet, ils poursuivent des études musicales dans
l’enseignement spécialisé ou même obtiennent des diplômes dans ce do-
maine. Par exemple, les musiciens amateurs qui cherchent à obtenir les
cycles d’études des conservatoires. Nous avons, de plus, l’exemple du Con-
cours d’excellence de la Confédération Musicale de France de 2008, où nous
avons identifié plusieurs lauréats de premier prix et même du prix d’ex-
cellence venant d’harmonies amateurs et n’ayant pas forcement le désir de
poursuivre une carrière professionnelle dans la musique. En revanche, ils
sont venus remporter le prix pour valoriser leur société : « Je suis venu dé-
fendre le drapeau de mon harmonie ».
Qu’est-ce-qui amène un musicien amateur à réaliser des efforts per-
sonnels à ce niveau, dans le seul but de valoriser l’association à laquelle il
est rattaché, ou encore à essayer d’obtenir les diplômes des cycles d’appren-
tissage d’une école spécialisée ou postuler à un prix d’excellence dans un
concours de niveau national loin de sa région, à dépenser du temps, de l’ar-
gent, à travailler les parties très difficiles d’une œuvre imposée, à se faire
accompagner par leurs parents, leur conjoint, etc. ?
Nous remarquons que la motivation et le savoir-faire des musiciens
pour défendre leurs harmonies sont quelques-unes des sources d’efficacité
personnelle identifiées au sein des harmonies amateurs. Ces sources, comme
l’explique Bandura, ont une causalité réciproque ; en effet, tout en faisant
des efforts pour développer la performance de l’harmonie, le musicien agit
aussi sur ses propres performances (apprendre la musique, apprendre à bien
jouer son instrument, obtenir des diplômes).
Une autre source identifiée par Bandura est la persuasion exercée par
d’autres personnes considérées comme importantes par le sujet.
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authentique. Les musiciens ne sont pas obligés de participer aux répétitions,
ils ne sont pas rémunérés, pourtant ils sont présents et respectent les ordres et
les remarques du chef. Cette attitude n’est pas le résultat d’une peur de
perdre un emploi ou d’un désir d’obtenir un contrat de travail, mais résulte
tout simplement du bon vouloir des musiciens.
Malgré ces points positifs, le chef dans un orchestre amateur connaît
plus d’inquiétudes que dans un orchestre professionnel. En effet, les musi-
ciens sont dans une grande majorité des élèves instrumentistes, d’où la
nécessité de mêler l’enseignement à la direction. L’exigence d’une qualité
musicale est mise en place, mais la façon de faire est très différente. Les
musiciens ne sont pas des salariés, mais des bénévoles. Les exigences
techniques sont donc demandées de telle façon qu’elles ne les blessent pas.
Au contraire, il faut les motiver ; le musicien doit avoir envie de s’exercer.
Nous observons qu’à travers tous ces facteurs, il est nécessaire que le
chef d’orchestre exprime sa confiance envers ses musiciens. De plus, quand
des musiciens ont des problèmes techniques, le chef évite les reproches di-
rects ; il utilise d’autres ressources pour mener à bien la correction technique
du musicien. Par exemple, il invitera tous les saxophonistes à faire une ré-
pétition entre eux, sans jamais indiquer que cela est nécessaire pour aider
seulement un ou deux musiciens de ce pupitre. De leur côté les musiciens en
difficulté travailleront leurs faiblesses pour ne pas perdre la confiance du
chef.
Donc, la persuasion du chef d’orchestre dans les harmonies amateurs
se transforme en une forte source d’efficacité personnelle.
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d’imaginer qu’ils sont eux aussi capables de les mener avec autant de réus-
site.
Bandura cite plusieurs expériences scientifiques qui suggèrent que
l’automodelage efficace peut augmenter le sentiment d’efficacité personnelle
avec un impact positif sur diverses activités.
Nous remarquons que l’activité des harmonies amateurs gère une am-
biance propice à l’expérience vicariante.
Les institutions formelles d’éducation musicale – les écoles de mu-
sique et les conservatoires ont une formation instrumentale fondée la plu-
part du temps sur des cours individuels « professeur/élève ». Les contacts
avec d’autres collègues pratiquant le même instrument ou des instruments
différents, n’est envisageable que lors de concerts ayant lieu durant l’année
scolaire, tel que le récital de fin d’année. C’est d’ailleurs parfois l’unique op-
portunité pour les élèves de faire une présentation en public. La participation
à l’orchestre de l’école, n’arrive généralement qu’avec le passage de l’élève
à un niveau plus élevé de la pratique instrumentale. Les élèves débutants
sont donc presque toujours exclus des contacts avec d’autres élèves.
En opposition à cet enseignement plutôt tutorial, les harmonies ama-
teurs, en plus de l’enseignement individuel, établissent dès le début des
études des cours collectifs et des participations dans des représentations. Les
harmonies ont le plus souvent des professeurs bénévoles qui, pour répondre
à leurs demandes, regroupent les élèves par groupes d’instruments. En Fran-
ce particulièrement, nous trouvons des harmonies très proches ou même
rattachées à des écoles de musique ou vice versa.
Les musiciens, surtout les débutants, ont le même niveau et des instru-
ments de même marque et de même qualité, du fait qu’ils leurs sont prêtés
par l’école. Les musiciens suivent également la même méthode d’apprentis-
sage et ont le même répertoire à apprendre. Tout ceci fournit l’opportunité de
se retrouver entre pairs.
En outre, dans une harmonie amateur, les musiciens de niveau plus
élevés donnent constamment aux musiciens débutants des modèles à suivre.
L’ambiance des harmonies amateurs rend donc possible des comparaisons
avantageuses et produit des auto-évaluations positives, c’est-à-dire une aug-
mentation de l’auto-efficacité et, par conséquent, de meilleures performan-
ces.
« Plus l’efficacité personnelle perçue est élevée, meilleures sont les
performances obtenues » (Bandura, 2007, p.148).
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« elles qui démontrent le plus clairement que la personne peut rassembler ce
qui est nécessaire pour réussir » (Bandura, 2007, p.125). Arriver à faire
quelque chose par soi-même construit une solide croyance d’efficacité per-
sonnelle.
Selon Bandura, toutes les sources d’efficacité peuvent interagir entre
elles de façon réciproque ; c’est ainsi que l’expérience active de la maîtrise
prend toute sa valeur, ne pouvant à elle seule développer le sentiment d’effi-
cacité personnelle. Plus spécifiquement, dans les harmonies amateurs, nous
avons constaté que cette dernière source était fortement influencée par les
autres sources d’auto-efficacité évoquées précédemment.
Pour produire un sentiment d’auto-efficacité, il semble nécessaire que
les expériences actives positives de maîtrise du musicien envers sa perfor-
mance musicale s’accompagnent de toutes les connaissances apprises et maî-
trisées au cours de son développement musical à travers ses apprentissages
(formels ou non) : cours de technique instrumentale avec le professeur ou les
collègues, formation musicale, observation des modèles, écoute attentive de
son « monde sonore », expérimentation par essai et erreur. Pour parvenir à la
maîtrise, l’apprenti va, à sa façon, en vue d’une performance satisfaisante,
exercer un meilleur contrôle à travers de fortes implications personnelles (ré-
pétitions attentives et systématiques) qui se traduisent par un esprit sérieux et
persévérant.
Ainsi, les travaux de Bandura montrent que la maîtrise des fonde-
ments cognitifs des compétences humaines n’est pas suffisante pour
éprouver un sentiment d’auto-efficacité personnelle. C’est quand le proces-
sus d’apprentissage permet d’avoir plus qu’une transmission efficace d’apti-
tudes, quand elle permet le « succès » comme preuve de la validation sociale
que se construit un sentiment d’auto-efficacité beaucoup plus élevé.
Les activités mises en place par les harmonies amateurs sont centrées
sur les concerts et ceci représente une stimulation de l’apprentissage comme
nous avons pu le percevoir dans le discours des musiciens : la « plus belle
récompense qu’un artiste puisse recevoir est les applaudissements du pu-
blic » (Nascimento, 2003, p. 37). Très tôt, les musiciens des harmonies con-
naissent le « succès ». Participer à des concerts et ainsi sentir les accla-
mations du public produit une motivation importante à l’efficacité de ses
expériences actives de maîtrise.
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ces erronées que tel ou tel musicien peut avoir sur ces capacités. Tous les
travaux d’apprentissage et de performance : les morceaux, les chansons, les
solos, même les exercices de méthodes sont immédiatement reconnus ou pas
par ce jury. Ce sont d’abord les professeurs/moniteurs qui portent un juge-
ment sur la performance du musicien, puis les musiciens les plus formés et
enfin, si le morceau a déjà été joué auparavant, les musiciens plus anciens
qui vont automatiquement faire une comparaison. Cette évaluation a pour
but de mener au succès du concert ou du concours.
En revanche, tous les bons résultats sont accompagnés d’une valida-
tion immédiate par tout le groupe. Cette validation de la maîtrise active agit
alors sur le sentiment d’efficacité personnelle.
3. Conclusion
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Coda