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L’influence de l’apprentissage

social sur le sentiment d’efficacité


personnelle au sein des harmonies
amateurs
Marco Antonio Toledo NASCIMENTO

1. La perspective théorique d’Albert Bandura

Malgré une connaissance théorique acquise au fil de mon parcours


académique et de mes recherches, je ne trouvais pas de réponses à mes ques-
tions concernant l’influence de l’apprentissage social sur le sentiment d’effi-
cacité personnelle des musiciens d’harmonies amateurs. Je remarquais même
un manque latent de références permettant d’expliquer la motivation pour
l’apprentissage musical identifiée chez les musiciens d’harmonies. Les dis-
cours des musiciens (tant en France qu’au Brésil) faisant écho à mes re-
cherches, l’envie de trouver une réponse à cette question de la motivation
chez ces musiciens s’est intensifiée de jour en jour.
Ma première source d’informations a été les ouvrages et articles
spécialisés en psychologie de la motivation, notamment appliquée au travail.
Les différentes approches théoriques, en tant qu’outil explicatif, m’ont éclai-
ré et permis de comprendre les acquisitions musicales des élèves de l’ensei-
gnement spécialisé, mais pas des élèves apprenant au sein des harmonies
amateurs. Un grand nombre d’adultes et même de personnes âgées parti-
cipent activement à la vie musicale des ensembles amateurs analysés dans
les deux pays, en tant que musiciens, mais aussi en tant que membres du
conseil d’administration, de la régie technique, etc.
Un début de réponse m’est apparu dans le livre de Bru (2006) : Les
Méthodes en Pédagogie. Bru développe un enchaînement théorique res-
semblant à ce que j’avais utilisé jusqu’à présent, en passant par la psycho-
logie du développement, notamment Wallon et Piaget, la psychosociologie
avec Moscovici et la zone proximale de développement de Vygotski, mais
en allant beaucoup plus loin et en s’intéressant notamment à une théorie qui
a attiré mon attention : la théorie sociocognitive de Bandura (Bandura,
2007).
Dans cette théorie, Bandura nous présente l’efficacité personnelle
comme facteur important dans la production des résultats souhaités et ses
effets sociaux sont identifiés dans des domaines variés. Je n’ai cependant pas
trouvé d’approches spécifiquement liées à la pédagogie de la musique, no-
tamment à la pédagogie au sein des harmonies amateurs.
L’analyse du discours des musiciens de hauts niveaux, formés dans
des harmonies amateurs, et des chefs d’orchestres de ces harmonies dans les
deux pays concernés par ma recherche tend à montrer que la motivation dé-
pend principalement de la structure éducationnelle. La diffusion sociale des
idées, valeurs et styles de comportements déterminent des croyances d’effi-
cacité qui permettent un développement technique et artistique important.
Cette théorie peut nous aider à mieux comprendre et valoriser la pédagogie
au sein des harmonies amateurs et sa contribution à l’éducation.
Plusieurs auteurs considèrent Bandura comme un néobehavioriste
dans la lignée de Hull notamment. Personnellement, je le rangerais plutôt
parmi les socio-cognitivistes, sa perspective dépassant le cadre théorique de
Hull et Skinner.
Dans la première partie de sa carrière Bandura a travaillé sur le
« mécanisme de l’apprentissage social » par l’observation et par l’influence
des processus « vicariants »140. Il met notamment en regard l’important du
rôle du modelage social sur la motivation, la pensée et l’action humaine. Il
jette un regard nouveau sur l’apprentissage qui restait jusqu’alors centré sur
l’influence exclusive des études et sur les conséquences des actions du sujet.
Dans les années soixante-dix, cet auteur commence à faire converger
l’ensemble de son travail théorique sur la voie de l’ « agentivité »141. En
1976, il publie L’apprentissage social, qui met en lumière certains dévelop-
pements importants dans le contexte de la théorie de l’apprentissage social.
L’auteur propose une théorie unifiée de l’analyse de la pensée et du compor-
tement. La théorie de l’apprentissage social a un rôle central dans les proces-
sus autorégulateurs à travers les stimuli des actions que nous sélectionnons,
organisons et transformons. Ainsi, nous « pouvons influencer notre propre
comportement par le biais des motivations et des conséquences que nous
créons » (Bandura, 1976, p. 8).
A la fin des années soixante-dix, Bandura oriente ses études sur le
modelage et les processus d’autorégulation vers la question centrale des con-

140
Observation d’un individu modèle. Plusieurs auteurs utilisent les termes « modelage » et
« comparaison sociale ».
141
« capacité humaine à influer intentionnellement sur le cours de sa vie et de ses actions »
(Carré, 2004, p. 30).

248
tributions causales des sujets sociaux eux-mêmes, prenant en considération
leurs propres pensées, leurs motivations et leurs actions.
Dans les années quatre-vingt, Bandura réunit l’ensemble de ses tra-
vaux et élabore la théorie sociocognitive du fonctionnement psychologique.
En 1986, il présente le cadre conceptuel de cette théorie avec la mise en
place des recherches expérimentales avancées dans son livre sur Les fonda-
tions sociales de la pensée et de l’action (Bandura, 1986).
Aujourd’hui l’œuvre de Bandura a trouvé des applications dans plu-
sieurs domaines comme la psychothérapie pour le traitement de la dépres-
sion, la toxicomanie, le SIDA, l’organisation du travail et des carrières, et
aussi dans la réussite scolaire. Toutefois, malgré les liens qui ont été faits
entre cette théorie et les théories de l’apprentissage, notamment dans la bi-
bliographie anglophone, nous n’avons pas trouvé de littérature spécifique sur
le sentiment d’efficacité personnelle ou même sur la théorie sociocognitive
de Bandura dans la perspective d’un apprentissage musical.
Nous utiliserons dans notre article la théorie de Bandura comme outil
explicatif de l’action pédagogique au sein des harmonies amateurs et pour
mettre en lumière sa contribution à l’éducation musicale.

2. Le sentiment d’efficacité personnelle au sein des harmonies ama-


teurs : l’exemple de deux pays dissemblables

Je ferai tout d’abord une présentation de la théorie sociocognitive,


plus précisément du sentiment d’efficacité personnelle et de ses sources.
Pour ce faire, j’utiliserai l’exemple de l’apprentissage social au sein des har-
monies amateurs à travers l’activité éducative que l’on y trouve.
La théorie d’Albert Bandura montre que le sentiment d’efficacité per-
sonnelle est la cellula mater de l’agentivité humaine. Sans cette croyance de
réussite, l’être humain ne se risquerait pas à essayer d’atteindre les résultats
souhaités. Plusieurs sources gèrent ses buts.
Une relation interdépendante existe entre trois sous-compétences ap-
pelée par Bandura « causalité triadique réciproque » (Bandura, 2007, p. 16).
Le sujet a un rapport d’influence en trois points : le comportement, les fac-
teurs personnels internes (sous forme d’événements cognitifs, émotionnels et
biologiques) et l’environnement. Chacun de ces trois points a un impact sur
les autres et sur le sujet, qui, selon le sentiment d’efficacité personnel qui
l’anime, influence à son tour cette causalité triadique. Il est important de
souligner que l’impact de ces interactions est propre à un sujet donné dans
une situation donnée.

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Environnement

Auto-efficacité

Comportement Facteurs personnels

Figure 1 – Triadique réciproque.

L’adaptation et la réponse du sujet par rapport à cette triadique in-


dique la différence de niveau d’efficacité personnelle. Les sujets qui savent
se servir rapidement des influences positives de l’environnement et qui ne se
laissent pas vaincre par les difficultés ont un niveau élevé d’efficacité per-
sonnelle. En revanche, les sujets qui se laissent abattre facilement par les
difficultés et ne profitent pas des influences positives ont un niveau faible
d’efficacité personnelle.
En se situant dans la causalité triadique réciproque, nous allons consi-
dérer le musicien participant aux harmonies amateurs comme sujet de l’ana-
lyse. L’environnement de cette triadique est caractérisé par la représentation
sociale de l’harmonie amateur et de ses activités. L’efficacité personnelle
sera caractérisée par les sources d’apprentissage musical.
Cette réflexion préalable nous amène à poser que les musiciens sont à
la fois les produits et les producteurs de ce système social que sont les har-
monies amateurs.
Les croyances en l’efficacité personnelle sont construites à partir de
quatre principales sources d’informations : les expériences actives de maî-
trise ; les expériences vicariantes ; la persuasion verbale et l’apprentissage
social ; les états physiologiques et émotionnels.

2.1. L’apprentissage social : « défendre mon harmonie » !


Le nom self-efficacy (traduit en français par auto-efficacité), nous
amène à penser à un contexte individuel. Néanmoins, Albert Bandura, dès le
début de ses travaux, ne se limite pas à l’individu ; il met en évidence que le
sentiment d’efficacité personnelle est également important pour l’agentivité
d’un groupe ou d’une société.

250
Au cours de nos recherches, nous avons remarqué que dans toutes les
harmonies amateurs analysées, les actions individuelles de tous les musi-
ciens ont pour but de valoriser leur harmonie.
Les activités individuelles exercées par ces musiciens sont multiples.
Par exemple, relativement aux études musicales nous pouvons remar-
quer qu’ils travaillent leurs instruments et participent à la formation musicale
(à l’origine pour bien préparer les morceaux des concerts). De nombreux
musiciens, notamment en France, où l’enseignement musical est plus orga-
nisé, font plus encore. En effet, ils poursuivent des études musicales dans
l’enseignement spécialisé ou même obtiennent des diplômes dans ce do-
maine. Par exemple, les musiciens amateurs qui cherchent à obtenir les
cycles d’études des conservatoires. Nous avons, de plus, l’exemple du Con-
cours d’excellence de la Confédération Musicale de France de 2008, où nous
avons identifié plusieurs lauréats de premier prix et même du prix d’ex-
cellence venant d’harmonies amateurs et n’ayant pas forcement le désir de
poursuivre une carrière professionnelle dans la musique. En revanche, ils
sont venus remporter le prix pour valoriser leur société : « Je suis venu dé-
fendre le drapeau de mon harmonie ».
Qu’est-ce-qui amène un musicien amateur à réaliser des efforts per-
sonnels à ce niveau, dans le seul but de valoriser l’association à laquelle il
est rattaché, ou encore à essayer d’obtenir les diplômes des cycles d’appren-
tissage d’une école spécialisée ou postuler à un prix d’excellence dans un
concours de niveau national loin de sa région, à dépenser du temps, de l’ar-
gent, à travailler les parties très difficiles d’une œuvre imposée, à se faire
accompagner par leurs parents, leur conjoint, etc. ?
Nous remarquons que la motivation et le savoir-faire des musiciens
pour défendre leurs harmonies sont quelques-unes des sources d’efficacité
personnelle identifiées au sein des harmonies amateurs. Ces sources, comme
l’explique Bandura, ont une causalité réciproque ; en effet, tout en faisant
des efforts pour développer la performance de l’harmonie, le musicien agit
aussi sur ses propres performances (apprendre la musique, apprendre à bien
jouer son instrument, obtenir des diplômes).
Une autre source identifiée par Bandura est la persuasion exercée par
d’autres personnes considérées comme importantes par le sujet.

2.2. La persuasion par autrui : « la confiance dans le chef d’orchestre ».


Selon Lecomte, « il est plus facile à quelqu’un de maintenir un senti-
ment d’efficacité, particulièrement quand il est confronté à des difficultés, si
d’autres individus significatifs lui expriment leur confiance dans ses capa-
cités » (Lecomte, 2004, p. 62).
Normalement, dans un orchestre, le chef est le musicien le plus res-
pecté. Dans un orchestre amateur encore plus, parce qu’il a un leadership

251
authentique. Les musiciens ne sont pas obligés de participer aux répétitions,
ils ne sont pas rémunérés, pourtant ils sont présents et respectent les ordres et
les remarques du chef. Cette attitude n’est pas le résultat d’une peur de
perdre un emploi ou d’un désir d’obtenir un contrat de travail, mais résulte
tout simplement du bon vouloir des musiciens.
Malgré ces points positifs, le chef dans un orchestre amateur connaît
plus d’inquiétudes que dans un orchestre professionnel. En effet, les musi-
ciens sont dans une grande majorité des élèves instrumentistes, d’où la
nécessité de mêler l’enseignement à la direction. L’exigence d’une qualité
musicale est mise en place, mais la façon de faire est très différente. Les
musiciens ne sont pas des salariés, mais des bénévoles. Les exigences
techniques sont donc demandées de telle façon qu’elles ne les blessent pas.
Au contraire, il faut les motiver ; le musicien doit avoir envie de s’exercer.
Nous observons qu’à travers tous ces facteurs, il est nécessaire que le
chef d’orchestre exprime sa confiance envers ses musiciens. De plus, quand
des musiciens ont des problèmes techniques, le chef évite les reproches di-
rects ; il utilise d’autres ressources pour mener à bien la correction technique
du musicien. Par exemple, il invitera tous les saxophonistes à faire une ré-
pétition entre eux, sans jamais indiquer que cela est nécessaire pour aider
seulement un ou deux musiciens de ce pupitre. De leur côté les musiciens en
difficulté travailleront leurs faiblesses pour ne pas perdre la confiance du
chef.
Donc, la persuasion du chef d’orchestre dans les harmonies amateurs
se transforme en une forte source d’efficacité personnelle.

2.3. L’expérience vicariante des harmonies amateurs


Selon Bandura, « le modelage constitue un autre outil efficace facili-
tant le sentiment d’efficacité personnelle. Les capacités personnelles sont
plus faciles à évaluer pour les activités produisant des indicateurs indépen-
dants des objectifs de compétence » (Bandura, 2007, p. 135).
Les expériences des autres contribuent à notre propre expérience. Au-
jourd’hui ce type d’apprentissage est très utilisé comme producteur d’auto-
efficacité. Dans les entraînements sportifs, on a l’habitude de voir un entraî-
neur montrer à ses joueurs les vidéos d’équipes avec un haut niveau de réus-
site. Nous sommes habitués à mesurer nos compétences à celles des autres,
bref, « (…) la comparaison sociale opère comme facteur primaire de l’auto-
évaluation des capacités » (Bandura, 2007, p.135).
Cependant, le processus régissant le modelage positif de l’efficacité
personnelle est la comparaison avec des individus considérés comme simi-
laires, c'est-à-dire, des pairs : même âge, même sources d’apprentissage,
même réseau social, etc. Le fait de voir ses pairs réaliser des tâches avec
succès augmente les croyances d’auto-efficacité, en permettant aux individus

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d’imaginer qu’ils sont eux aussi capables de les mener avec autant de réus-
site.
Bandura cite plusieurs expériences scientifiques qui suggèrent que
l’automodelage efficace peut augmenter le sentiment d’efficacité personnelle
avec un impact positif sur diverses activités.
Nous remarquons que l’activité des harmonies amateurs gère une am-
biance propice à l’expérience vicariante.
Les institutions formelles d’éducation musicale – les écoles de mu-
sique et les conservatoires ont une formation instrumentale fondée la plu-
part du temps sur des cours individuels « professeur/élève ». Les contacts
avec d’autres collègues pratiquant le même instrument ou des instruments
différents, n’est envisageable que lors de concerts ayant lieu durant l’année
scolaire, tel que le récital de fin d’année. C’est d’ailleurs parfois l’unique op-
portunité pour les élèves de faire une présentation en public. La participation
à l’orchestre de l’école, n’arrive généralement qu’avec le passage de l’élève
à un niveau plus élevé de la pratique instrumentale. Les élèves débutants
sont donc presque toujours exclus des contacts avec d’autres élèves.
En opposition à cet enseignement plutôt tutorial, les harmonies ama-
teurs, en plus de l’enseignement individuel, établissent dès le début des
études des cours collectifs et des participations dans des représentations. Les
harmonies ont le plus souvent des professeurs bénévoles qui, pour répondre
à leurs demandes, regroupent les élèves par groupes d’instruments. En Fran-
ce particulièrement, nous trouvons des harmonies très proches ou même
rattachées à des écoles de musique ou vice versa.
Les musiciens, surtout les débutants, ont le même niveau et des instru-
ments de même marque et de même qualité, du fait qu’ils leurs sont prêtés
par l’école. Les musiciens suivent également la même méthode d’apprentis-
sage et ont le même répertoire à apprendre. Tout ceci fournit l’opportunité de
se retrouver entre pairs.
En outre, dans une harmonie amateur, les musiciens de niveau plus
élevés donnent constamment aux musiciens débutants des modèles à suivre.
L’ambiance des harmonies amateurs rend donc possible des comparaisons
avantageuses et produit des auto-évaluations positives, c’est-à-dire une aug-
mentation de l’auto-efficacité et, par conséquent, de meilleures performan-
ces.
« Plus l’efficacité personnelle perçue est élevée, meilleures sont les
performances obtenues » (Bandura, 2007, p.148).

2.4. Les expériences actives de maîtrise en harmonie amateur


Comme dernier exemple de sources d’efficacité personnelle au sein
des harmonies amateurs, nous citerons les expériences actives de maîtrise.
Elles sont considérées par Bandura comme source principale car ce sont

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« elles qui démontrent le plus clairement que la personne peut rassembler ce
qui est nécessaire pour réussir » (Bandura, 2007, p.125). Arriver à faire
quelque chose par soi-même construit une solide croyance d’efficacité per-
sonnelle.
Selon Bandura, toutes les sources d’efficacité peuvent interagir entre
elles de façon réciproque ; c’est ainsi que l’expérience active de la maîtrise
prend toute sa valeur, ne pouvant à elle seule développer le sentiment d’effi-
cacité personnelle. Plus spécifiquement, dans les harmonies amateurs, nous
avons constaté que cette dernière source était fortement influencée par les
autres sources d’auto-efficacité évoquées précédemment.
Pour produire un sentiment d’auto-efficacité, il semble nécessaire que
les expériences actives positives de maîtrise du musicien envers sa perfor-
mance musicale s’accompagnent de toutes les connaissances apprises et maî-
trisées au cours de son développement musical à travers ses apprentissages
(formels ou non) : cours de technique instrumentale avec le professeur ou les
collègues, formation musicale, observation des modèles, écoute attentive de
son « monde sonore », expérimentation par essai et erreur. Pour parvenir à la
maîtrise, l’apprenti va, à sa façon, en vue d’une performance satisfaisante,
exercer un meilleur contrôle à travers de fortes implications personnelles (ré-
pétitions attentives et systématiques) qui se traduisent par un esprit sérieux et
persévérant.
Ainsi, les travaux de Bandura montrent que la maîtrise des fonde-
ments cognitifs des compétences humaines n’est pas suffisante pour
éprouver un sentiment d’auto-efficacité personnelle. C’est quand le proces-
sus d’apprentissage permet d’avoir plus qu’une transmission efficace d’apti-
tudes, quand elle permet le « succès » comme preuve de la validation sociale
que se construit un sentiment d’auto-efficacité beaucoup plus élevé.

2.5. Le succès dans le cadre de l’harmonie

Les activités mises en place par les harmonies amateurs sont centrées
sur les concerts et ceci représente une stimulation de l’apprentissage comme
nous avons pu le percevoir dans le discours des musiciens : la « plus belle
récompense qu’un artiste puisse recevoir est les applaudissements du pu-
blic » (Nascimento, 2003, p. 37). Très tôt, les musiciens des harmonies con-
naissent le « succès ». Participer à des concerts et ainsi sentir les accla-
mations du public produit une motivation importante à l’efficacité de ses
expériences actives de maîtrise.

2.6. La validation sociale dans le cadre de l’harmonie


Dans les harmonies amateurs, le facteur social se présente sous la
forme d’un « jury » virtuel, qui exclut presque systématiquement les croyan-

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ces erronées que tel ou tel musicien peut avoir sur ces capacités. Tous les
travaux d’apprentissage et de performance : les morceaux, les chansons, les
solos, même les exercices de méthodes sont immédiatement reconnus ou pas
par ce jury. Ce sont d’abord les professeurs/moniteurs qui portent un juge-
ment sur la performance du musicien, puis les musiciens les plus formés et
enfin, si le morceau a déjà été joué auparavant, les musiciens plus anciens
qui vont automatiquement faire une comparaison. Cette évaluation a pour
but de mener au succès du concert ou du concours.
En revanche, tous les bons résultats sont accompagnés d’une valida-
tion immédiate par tout le groupe. Cette validation de la maîtrise active agit
alors sur le sentiment d’efficacité personnelle.

3. Conclusion

Les harmonies amateurs, leurs chefs d’orchestre et leurs structures


éducationnelles permettent aux musiciens de construire une solide croyance
en ce qu’ils peuvent produire. La réalisation d’effets souhaités par une action
collective et le fait de donner aux musiciens les moyens de les réaliser sont
les ingrédients clés d’un processus cognitif. C’est cette croyance collective,
centrée sur les capacités opérationnelles du groupe, que nous appelons
« auto-efficacité ».
Ainsi, la force collective des membres des harmonies amateurs relevée
en France et au Brésil est un facteur clé pour l’efficacité du groupe, et ce
faisant pour la construction du sentiment d’efficacité personnelle qui agit en
retour sur l’efficacité collective.

255
Coda

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