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1.

Introduction à la psychologie sociale

I - Définitions de la psychologie sociale


La psychologie est l’étude du comportement humain. Etude du psyche, de l’esprit.

Quelques caractéristiques de la psycho sociale :

- Discipline récente
- Discipline carrefour entre sociologie et psychologie
- Psychologie : perceptions individuelles et groupales
- Sociologie : phénomènes collectifs
- Psychologie sociale : étudie l’interaction entre l’individu, le groupe et l’environnement

Les psychologues sociaux ne s’accordent pas sur une seule et même définition :

 Allport (1968) : « c’est une discipline qui tend à comprendre et à expliquer comment les
pensées (aspect cognitif), les sentiments (aspect affectif), et les comportements moteurs
(aspect conatif) des êtres humains sont influencés par un autrui réel, imaginaire ou implicite»

Cette définition est importante pour 3 raisons :

- Comportement social de l’individu et non celui de groupes, de collectivités comme la


sociologie
- Non seulement comportements mais aussi sentiments, pensées, attitudes, cognitions…
- Présence implicite (lorsqu’on sait qu’une personne nous observe on peut nous observer) ou
imaginaire (lorsqu’on imagine ce que des personnes pourraient/vont penser en nous voyant
agir/parler)

 Baron et Byrne (1981) : « la psychologie sociale est le domaine d’étude scientifique de la


façon par laquelle le comportement, les sentiments ou les pensées d’un individu sont
influencés ou déterminés par le comportement ou les caractéristiques des autres »

Les auteurs ajoutent l’idée que les caractéristiques des autres (non plus seulement la présence)
peuvent influencer nos comportements.

Exemple : si vous êtes au volant de votre voiture, vous n’agirez peut-être pas de la même manière si
la voiture est celle d’un ami, d’un policier ou d’une personne âgée.

 Vallerand (1994) : « la psychologie sociale est le domaine d’étude scientifique qui analyse la
façon par laquelle nos pensées, nos sentiments et comportements sont influencés par le
présence imaginaire, implicite ou explicite des autres, par leurs caractéristiques et par les
divers stimuli sociaux qui nous entourent et qui de plus examine comment nos propres
composantes psychologiques personnelles influencent sur notre comportement social ».

Définition plus complète : elle ajoute que notre personnalité, nos croyances ou nos connaissances
vont influencer nos comportements.
 Moscovici (1984) : « la psychologie sociale est la science du conflit entre l’individu et la
société, des phénomènes de l’idéologie (cognitions et représentations sociales) et des
phénomènes de communication ».

Objet de la psychologie sociale c’est l’individu inséré dans un contexte social.

En résumé, la psycho sociale est une discipline scientifique qui s’intéresse à la façon dont la présence
d’autrui influence le comportement et ce, inséré dans un contexte. Cette présence peut être soit
réelle (comme on se comporte quand qqn d’autre nous regarde), soit imaginaire (cad comment les
attentes que j’ai envers autrui peuvent influencer mes pensées, mes comportements, mes émotions
et mes actions).

Les psychologues sociaux mettent en avant le rôle de la situation et du contexte social, ou encore de
l’interaction entre la personnalité et le contexte sociale comme déterminants principaux du
comportement.

1) Le regard psychosocial de DOISE

Le regard psychosocial, une perspective d’analyse à plusieurs niveaux selon Willem DOISE. Un
modèle qui dépasse la distinction individu/société. 4 niveaux d’analyse allant du plus psychologique
au plus sociologique :

 Niveau intra-individuel

Les processus et mécanismes qui permettent à l’individu d’organiser ses expériences sociales sont
des mécanismes internes d’ordre cognitif ou affectif et comment l’individu analyse la réalité et
construit une image du monde social qui l’entoure (ex : dissonance cognitive).

 Niveau inter-individuel

Relation entre les individus : analyse la dynamique interpersonnelle entre plusieurs sujets qui font
partis du même groupe (ex : les processus de conformisme, de déviance, de communication et de
leadership).

 Niveau positionnel

Les relations existantes entre les différents groupes sociaux et la dynamique des petits groupes.
Insertion des individus dans le milieu naturel (ex : Milgram et la soumission de l’autorité).

 Niveau idéologique

Les processus sociaux et les macro-phénomènes liés au contexte culturel et historique dans lequel les
individus évoluent. Croyances et représentations sociales (ex : croyances dans un monde juste).

C’est une des 5 disciplines fondamentales :

 Psycho sociale : étude du comportement d’un individu ou d’un groupe en interaction au sein
d’un contexte donné (ex : stéréotypes, croyances, théories du complot…)
 Psycho du dév : étude du comportement humain et animal dans son évolution de la
naissance à la fin de vie (ex : dév des capacités psychomotrices, pathologies du vieillissement
comme l’Alzheimer…)
 Psycho cognitive : étude des processus par lesquels les stimuli sont perçus et mémorisés
(ex : la mémoire, les faux souvenirs)
 Psycho clinique : étude des troubles psychiques chez un individu (ex : dépression, TAG,
TYCA)
 Psychophysiologie : étude du comportement d’un point de vue biologique (ex : effet de la
prise d’une drogue sur le cerveau)

Psycho du travail et des organisations : s’intéresse en priorité aux individus, à leurs activités, à leurs
conduites et à leurs représentations (ex : étude des risques psychosociaux au travail).

Psychologie : étude des cognitions, des attitudes et des comportements normaux et pathologiques
de l’humain et de l’animal selon le point de vue adopté, cad selon la spécialité considérée.

II - Quels objets d’étude ?


La psycho sociale et ses applications sociétales :

1) Education

Situation scolaire = situations fondamentalement sociales.

En effet, elles n’impliquent pas seulement un élève face à un problème à résoudre, une connaissance
à apprendre. Dans les situations scolaires entrent en jeu des phénomènes sociaux : des relations
interpersonnelles, des appartenances groupales, des valeurs liées au système éducatif.

Exemple : Méta-analyse (49 pays, 493 489 élèves) ➡ Les filles se sentent moins compétentes en
maths que les garçons, bien que, leurs performances objectives soient équivalentes. En cause : le
contexte culturel et normatif (jeu, sexué, profession genre, etc.), la théorie des rôles et la menace des
stéréotypes.

2) Justice

La qualité et le contenu d’un témoignage d’une personne ne sont pas le seul résultat du
fonctionnement de sa mémoire. De nombreux facteurs sociaux sont ainsi impliqués.

Décrire, mieux comprendre et réduire les erreurs de témoignage deviennent des défis importants
que les psychologues ont tenté de relever. Démontrer que la prise en compte du contexte social du
recueil des témoignages peut largement contribuer à relever ce défi.

Exemple : Des études ont mis en exergue le fait qu’un témoin, possédant des préjugés ou certaines
attitudes spécifiques, pouvait produire des distorsions dans son témoignage dans le sens de ses
attentes par rapport à un témoin ne possédant pas de telles croyances préalables. Boon et Davies
(1988) ont retrouvé ce pattern de résultat en s’inspirant d’une expérience d’Allport et Postman (1945)
sur les rumeurs.
3) Travail

La psycho sociale aborde le travail sous l’angle des contextes dans lesquels les salariés évoluent,
pensent et agissent. Mais également des processus cognitifs, émotionnels ou motivationnels
généraux qui orientent leurs conduites.

Concrètement, il s’agit d’analyser et de comprendre les interactions et les contextes qui peuvent
mener à une détérioration ou au contraire, au maintien de la santé des salariés.

Exemple : La justice distributive :

- Perception d’équité
 Satisfaction et engagement personnel

- Perception d’iniquité dans la répartition des gains


 Augmentation comportements d’invincibilité

4) Environnement

Etudier les interrelations entre l’individu et son environnement physique et social dans ses
dimensions spatiales et temporelles.

(Moser, 2003) Concrètement étude des processus qui régulent et médiatisent la relation à
l’environnement, à partir des perceptions, évaluations, attitudes et comportements individuels.

Giuliani et Scopelliti (2009) 4 thèmes principaux :

- L’environnement résidentiel (satisfaction résidentielle, attachement et identité de lieu)


- Les cognitions environnementales (évaluation et préférence environnementale)
- Les comportements et pratiques liés à l’environnement (utilisation de l’environnement)
- Environnement naturel et global (dév durable, changement climatique)

III - Quelles méthodes ?


1) L’étude de cas

Renvoie au recueil et à la présentation d’infos détaillées à propos d’un individu particulier ou d’un
petit groupe d’individus, ou encore d’un phénomène incluant fréquemment ce que disent les
personnes elles-mêmes.

Conclusions uniquement à propos de cet individu ou groupe et, uniquement, dans ce contexte
spécifique (exemple : étude d’un groupe supposé être sectaire).

- Points forts : peu permettre de découvrir de nouveaux phénomènes


- Points faibles : subjectivité du chercheur, ne permet pas de conclure sur une causalité

2) L’observation systématique

Méthode par laquelle le chercheur observe et enregistre systématiquement le comportement


d’individus, sans intervenir, afin de décrire avec précision ce comportement.
Le chercheur s’assure ainsi que l’activité d’observation en elle-même ne modifie pas le
comportement ou les caractéristiques de l’objet d’étude.

Exemple : construction d’une grille d’observation qui réunit des comportements agressifs, puis,
pendant une semaine, le chercheur coche ces comportements cibles à mesure qu’ils se produisent.

- Points forts : situation écologique


- Points faibles : certains comportements sont difficilement observables, ne permet pas de
conclure sur une causalité

3) L’enquête

Elle permet une observation des comportements, opinions, idées, sentiments ou attitudes d’un
échantillon d’une population à l’aide de questionnaires détaillés ou d’entretiens.

A partir des résultats obtenus auprès d’un groupe d’individus (échantillon), les chercheurs tirent des
conclusions sur l’ensemble de la pop de référence (exemple : les personnes voient-elles que la peine
de mort est une bonne chose ?).

- Points forts : le chercheur peut obtenir de façon rapide et simple une multitude d’infos
- Points faibles : les réponses fournies peuvent être biaisées (mensonge, désirabilité sociale...)

4) L’expérimentation

Une expérimentation permet d’établir un lien de causalité entre 2 événements. Le chercheur


intervient de façon maximale : il planifie des activités de recherche qui lui permettront de provoquer
un phénomène. Les participants sont distribués de façon aléatoire dans les différentes conditions
(expérimentale et témoin ou contrôle).

Exemple : écouter de la musique permettrait d’avoir un meilleur niveau de concentration dans les
révisions.

Après avoir réuni un groupe de participants, vous les attribuez aléatoirement à l’un des deux groupes.
Tous les participants travaillent pour la même quantité de temps.

- Groupe qui révise sans écouter de la musique (groupe contrôle ou témoin)


- Groupe qui révise en écoutant de la musique (groupe expérimental)

- Points forts : permet le mieux d’aboutir à des conclusions non ambigües


- Points faibles : conditions artificielles du laboratoire (versus milieu naturel)

Conclusion : Toutes les méthodes ont des points forts et des faiblesses. Quelle que soit la méthode
utilisée elle n’est jamais parfaite. Le mieux est de faire plusieurs études en combinant les méthodes.

IV - Histoire de la psychologie sociale


Elle est jeune : fin du 19ème siècle et début du 20ème siècle. Les philosophes grecs : Platon et Aristote
ont été les premiers à s’intéresser à l’analyse du comportement social.
 Gabriel TARDE et la théorie de l’imitation (1843-1904)

L’imitation est le mécanisme par lequel les individus s’influencent réciproquement et aussi par lequel
les idées et les mœurs se répandent dans la société.

 Gustave LE BON et la psychologie des foules (184-1931)

Il publie « psychologie des foules » (1895), traduit en 17 langues. Selon lui, la foule est un nouvel
organisme : l’individu perd ses caractéristiques pour en assumer de nouvelles. L’individu seul est
rationnel, en groupe il régresse vers des stades primitifs. Le fait d’être dans une foule entraîne un
anonymat qui dilue le sentiment de responsabilité.

 Norman TRIPLETT et la facilitation sociale (1861-1934)

Sa 1ère étude expérimentale en psycho sociale en 1898. Est-ce que la présence d’autrui influence la
performance d’un individu ? Protocole : analyse d’archive de plus de 2 000 coureurs sur des courses
de 40km.

Résultats :

- Sur une course d’1 coureur - a moyenne est de 39km/h


- Sur une course de 2 coureurs – La moyenne est de 50km/h
- Sur une course de 4 coureurs – La moyenne est de 52 km/h

Les cyclistes réalisaient de bien meilleures performances lorsqu’ils étaient confrontés à un


concurrent que lorsqu’ils devaient courir seuls. N’était-ce pas, selon Triplett, la preuve que la
présence d’autrui exerçait une forte influence sur le comportement de chacun et l’encouragerait à
augmenter ses performances ?

Mais la psycho sociale n’a conquis sa véritable autonomie disciplinaire qu’à partir des années 1930,
notamment aux Etats-Unis. C’est là qu’elle acquiert son profil actuel : celui d’une science
expérimentale consacrée à l’analyse des interactions entre les individus et les groupes auxquels ils
appartiennent.

 Gordon W. ALLPORT (1897-1967) a travaillé sur les opinions et les attitudes. Concrètement :
mieux comprendre ce qui détermine les opinions et les attitudes des populations face à un
pb social (racisme, délinquance, peine de mort etc) et certains fondements théoriques
toujours d’actualité.

Dans les années 30 : avènements des outils afin de faire avancer la recherche scientifique.

 Louis Leon THURSTON (1887-1955) : construction d’échelles d’attitudes afin de décrire


précisément les attitudes des gens face à certains pbs sociaux.

 Rensis LIKERT (1903-1981) : idem, échelles d’attitudes composées d’une série d’affirmations
auxquelles le sujet doit indiquer son degré d’accord ou de désaccord (exemple : « je
m’inquiète des conséquences du réchauffement climatique sur la planète » : tout à fait
d’accord – d’accord – pas d’accord – pas du tout d’accord).
 L’étude de l’individu dans les groupes devient de + en + populaire.
2nde guerre mondiale (1939-1945) :

La société s’est tournée vers la psycho sociale afin d’essayer de résoudre certains pbs sociaux :

 Théorie ADORNO (1903-1969) explication de l’antisémitisme par la personnalité autoritaire.


Postulat = certains traits de personnalité prédisposent certaines personnes à émettre des
comportements fascistes, anti-démocratiques et intolérants à l’égard de groupes
minoritaires (les personnes juives ou homosexuelles, par exemple).

Après la 2nde guerre mondiale :

 Stanley MILGRAM (1933-1984) : Comment une telle catastrophe a pu avoir lieu ?

Psychologue d’origine juive, très impacté par l’holocauste, il s’interroge sur le processus d’influence
sociale qui a pu mener à une telle catastrophe ➡ Soumission à l’autorité (1963-1974).

 Solomon ASCH (1907-1996) : études sur la formation d’impressions (1946) et études sur le
conformisme (1951-1956).

 Serge MOSCOVICI (1925-2014) : études sur l’influence minoritaire (1969). Une minorité très
déterminée et sûre d’elle-même peut avoir plus d’impact qu’une majorité inconsistante.

Les années 1950-1960 :

➾ L’âge d’or de la psycho sociale avec l’apparition de :

- Plusieurs laboratoires
- Discipline enseignée à l’Université (Paris Sorbonne)
- Système de publication dans des revues scientifiques
- Diffusion de plusieurs thèmes de recherche : perception sociale, agression et violence,
attraction et amour, prise de décision…

Crise des années 1970 :

- Ere des doutes : certains soutiennent que la séparation est trop grande entre la « vie réelle »
et « l’expérience de laboratoire ».
- Critique de la méthode expérimentale : sorte de séparation entre ce à quoi les psy sociaux
voudraient servir et ce à quoi ils ont l’impression d’être utilisés : division entre
expérimentation en laboratoire et enquête de terrain.

Aujourd’hui : crise de la réplication :

La réplication est un des fondements scientifiques : si un modèle représente de façon correcte la


réalité, l’expérience qui permet de démontrer ce modèle doit pouvoir être reproduite. Si les
conditions sont identiques, on doit pouvoir retrouver les mêmes résultats. Pb : on n’arrive pas à
retrouver les mêmes résultats pour certaines études !

Solutions : les chercheurs adoptent des nouvelles pratiques de recherche qui ont pour objectif
d’augmenter la validité des savoirs diffusés dans les revues scientifiques (les sciences ouvertes).

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