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PSYCHOLOGIE POLITIQUE

SUPPORT DE COURS L2 SCIENCE POLITIQUE

PSYCHOLOGIE POLITIQUE

Enseignant : Dr. Kinanya D. TOURE


Maître - Assistant (CAMES)
Psychologue Social et du Travail / GRH
Consultant en prise en Charge Psychosociale / Psychothérapie du Couple
Formateur RH
Mobile : 0707156167

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SOMMAIRE

CHAPITRE I : GENERALITES
CHAPITRE II : LA PERSONNALITE SELON ERIC BERN

CHAPITRE III : TRAITS DE PERSONNALITE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

CHAPITRE IV : INFLUENCE SOCIALE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

CHAPITRE V : COGNITION SOCIALE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

CHAPITRE VI : SOCIALISATION ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

CHAPITRE VII : EMOTIONS ET RAISONNEMENT POLITIQUE/PRISE DE DECISION

POLITIQUE

CHAPITRE VIII : RELATIONS INTERGROUPES ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

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INTRODUCTION

Un intérêt croissant pour les prédispositions individuelles est apparu au cours des deux dernières
décennies en psychologie politique. Une grande variété de sujets a été étudiée comme la participation
politique et électorale, les connaissances politiques, les attitudes et l'identification partisane. Dans les
sciences sociales, l’explication comporte trois registres. On explique les croyances et les
motivations individuelles par les institutions sociales et les événements politiques. On explique
les actions individuelles à partir des propensions psychologiques. Enfin, on explique les
institutions sociales et les événements politiques comme l’effet, voulu ou non des comportements
individuels. La Psychologie politique explore surtout le premier registre tout en tenant compte des
deux autres.

Le cours offre une introduction à la psychologie politique en tant que champ de la psychologie
appliquée. Il est consacré à la compréhension du comportement politique (de la part des acteurs
politiques et des électeurs) à travers l'application des concepts et des théories psychologiques. Le
cours s'appuiera sur la théorie et la recherche en psychologie de la personnalité, de l'apprentissage,
de la prise de décision, de l'émotion, de la cognition sociale, et des relations intergroupes. Il étudiera
des phénomènes politiques tels que la mobilisation politique, la participation des citoyens à la
politique, la prise de décision, les mouvements politiques, et le vote ainsi que les conflits, les préjugés,
et les comportements de masse.

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CHAPITRE I : GENERALITES

1. La psychologie politique

Elle se définit comme l’étude des interactions entre processus politiques et processus psychologiques.
Elle comporte de multiples facettes, en particulier :
 l’individu comme acteur politique : les comportements politiques (dont le vote), la
socialisation politique, la formation des attitudes politiques, les relations entre la personnalité
et les attitudes politiques (par exemple la personnalité autoritaire ou machiavélique) ;
 les mouvements politiques ;
 les leaders politiques : leur personnalité, leur modalité de prise de décision, etc. ;
 les relations internationales, les processus menant à la guerre ou à la résolution des conflits ;
 l’impact de la politique (en particulier économique) sur la vie personnelle des individus : par
exemple, l’impact du chômage, de l’inflation.

Selon H. Levine (2015) c’est une poursuite interdisciplinaire dans laquelle les concepts
psychologiques sont utilisés pour tester des théories sur les causes et les conséquences des
comportements politiques des élites et des populations.

1.1. Les principaux chantiers de la psychologie politique

La psychologie politique se nourrit de la praxis des situations de crise. Un inventaire rapide de ces
chantiers tiendra compte des urgences :

- les diagnostics de la crise des sociétés démocratiques.


- les enjeux idéologiques dans la lecture de la réalité politique contemporaine.
- la construction de la mémoire socioculturelle.
- les discours politiques et les stratégies persuasives.
- le biais machiavélique de la démocratie.
- le rôle des leaders charismatiques et les avatars du populisme.
- l’économique et ses effets psychologiques.
- l’impact du religieux dans la sphère du politique.
- les nouvelles formes de militantisme politique.
- Le rôle de la propagande et les mass media.

2. L’attitude et le comportement

2.1. L’attitude : définition

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L’attitude peut se définir comme la prédisposition d’un individu à porter un jugement
ou à adopter un comportement précis vis-à-vis d’un objet déterminé ; cet objet pouvant être un
produit, un service, une marque ou une entreprise déterminée (exemple : les jeunes ont un général
un jugement favorable sur l’enseigne Mc Donald’s).
Un jugement peut être définit comme une action qui consiste à se faire une opinion ou à apporter une
appréciation sur quelqu’un ou quelque chose. Par exemple, les situations « Jean aime les confitures
à la fraise » ou « Lise déteste se couper les ongles » constituent des attitudes.

2.2. Les caractéristiques des attitudes

 Les attitudes sont acquises par les individus : L’individu ne naît pas avec des attitudes pré-
définies, celles-ci se développent lors de sa socialisation, sous l’influence de son milieu social,
son éducation, ses expériences… Exemple : les jeunes ne s’intéressent que progressivement
à la politique ; avec l’expérience, les connaissances s’accumulent et par conséquent les
attitudes se développent.
 Les attitudes sont plus ou moins durables : Elles sont susceptibles de changement en
fonction du vécu de l’individu. Exemple : changement d’avis sur un sujet donné, comme
l’avortement.
 L’attitude est la relation d’un individu envers un « objet » : Elle est donc le lien entre
celui-ci et ce qu’il pense de l’« objet ». Exemple : quelle est votre opinion sur la vente
d’armes ?
 La relation individu-objet s’effectue selon une polarité affective : L’attitude peut aller
d’une position très favorable à l’« objet » à une position très défavorable, avec toutes les
nuances intermédiaires. Exemple : être pour ou contre la peine de mort ou encore sans opinion
sur cette question.

2.3. Les composantes de l’attitude

L’attitude peut être définie par trois dimensions :


- la composante cognitive : elle correspond à ce que l'individu sait de l'objet (Ex : Je sais que
le téléphone portable iona 2000 a de nombreuses fonctions, une grande autonomie,…) ;
- la composante affective : elle correspond à ce que l'individu ressent pour l'objet (Ex :
J'apprécie la forme du iona 2000) ;
- la composante comportementale (ou conative) : elle correspond à la manière dont l'individu
est prédisposé à agir face à l'objet (Ex : Si on me propose un iona 2000, je suis prêt à l'acheter).

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Ces trois dimensions sont si fortement reliées entre elles, qu’il est impossible de les envisager
séparément.

3. Le comportement : définition

Le comportement se définit comme l’ensemble des réactions observables chez un individu placé dans
son milieu de vie et dans des circonstances données. Il désigne une action manifeste, directement
observable, qui se distingue des phénomènes psychiques « internes » (les cognitions et les affects).

4. Lien entre attitude et comportement

Ce n’est pas notre attitude qui est ressentie, perçue, par les autres mais le comportement qui en
découle. Les attitudes sont des précurseurs de nos comportements. Par exemple, l’enfant qui
n’apprécie pas un aliment (attitude de dégoût) refusera d’en manger (comportement). Attitude et
comportement sont intimement liés.

Un comportement est la résultante d’un long processus au cours duquel la décision de passer à l’acte
est prise. Entre la prise de conscience d’un besoin et le passage à l’acte, il existe plusieurs phases qui
peuvent être plus ou moins longues. Dans l’étude des différentes phases, le lien entre attitude et
comportement est le suivant : Attitude → intention → comportement. L’intention est l’orientation
de l’attitude vers l’acte.
Par exemple dans le monde de la politique, les partis utilisent différents stratagèmes afin de créer une
attitude favorable ou défavorable et de déclencher le processus conduisant au comportement. Ces
facteurs déclenchant l’acte sont appelés « stimuli ».

5. Le processus de décision

Pour comprendre un comportement, il faut prendre en compte les éléments suivants :

 Le degré d’implication : l’individu s’implique plus ou moins lors du passage à l’acte


(exemple : pour l’achat d’une voiture, la valeur d’implication est différente pour un homme
et pour une femme).

 Le degré de préméditation : c’est la réflexion préalable à l’acte.

 La nature des critères de choix : la décision de passer à l’acte nécessite de faire un choix
entre plusieurs propositions alternatives.

6. Le comportement politique

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Le comportement politique se définit comme toute activité qui vise à influencer la distribution des
ressources et du pouvoir au sein d’une société. Cela inclut d’autres aspects que les actions telles que
les opinions, les attitudes ou encore les croyances. L’étude du comportement politique ne relève pas
que de la science politique, mais peut être vue comme quelque chose transdisciplinaire notamment
sociologique, sociospychologiques ou encore dans l’économie. Ces disciplines ensemble permettent
d’éclairer l’étude des comportements politiques.

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CHAPITRE II : LA PERSONNALITE SELON ERIC BERN

2.1.1. Les états du moi

Berne définit l’état du Moi comme un ensemble cohérent de pensées et de sentiments qui se
manifestent par des modèles de comportements correspondants. Du point de vue de la structure de la
personne, il distingue trois types d'états du Moi : Etat du Moi Parent, adulte et enfant.

L’état du Moi Parent comprend les pensées, les émotions et les comportements que l’individu a
appris de sources extérieures de figures d’autorité, et principalement de ses propres parents. Il est fait
des empreintes des personnes qui nous ont élevés ou fortement influencés. Par exemple :

- Les gens bien ont des diplômes.


- Il ne faut pas jouer aux cartes
- Il faut se méfier des étrangers.
- Il faut regarder avant de traverser…

L’état du Moi Adulte caractérise les émotions, pensées et comportements qui sont en phase avec la
réalité du moment. Il est oriente sur la réalité objective : il recueille, enregistre et utilise les
informations de toutes origines, aussi bien externes (de l’environnement) qu’internes (du Parent ou
de l’Enfant).

Exemple :

Informations externes (venant de Informations internes (venant des autres


l’environnement) états du moi)
– il fait chaud – j’ai faim
– il est en colère – je m’ennuie
– je manque d’information – je dois être à l’heure
– je suis en retard de 10 mn. – je suis responsable de ce qui se passe.

L’état du Moi Enfant correspond aux pensées, émotions, et comportements qui sont une reviviscence
de notre propre enfance. Autrement dit, il concerne le domaine du senti et comprend les besoins, les
sensations et les émotions qui apparaissent naturellement chez une personne. Par exemple :
- J’ai faim
- J’ai chaud
- J’ai peur

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CHAPITRE III : TRAITS DE PERSONNALITE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

La personnalité, comme objet d’étude, est particulièrement difficile à conceptualiser. Les chercheurs
en psychologie ont analysé, historiquement, la personnalité en la factorisant en plusieurs traits
distinguables les uns des autres (Cartell 1943, 1947). Réunis, ils définiraient la personnalité d’un
individu. De manière générale, la littérature définit les traits de personnalité comme des dispositions
durables qui causent des « patrons » (patterns) interactionnels avec l’environnement (Olver et
Mooradian 2003). Les traits peuvent aussi être définis d’une manière dispositionnelle comme des
caractéristiques internes qui rendent compte d’une cohérence dans les comportements, les pensées et
les sentiments dans les situations au fil du temps (McAdams et Olson 2010; McCrae et Costa 2008).
Autrement dit, ces caractéristiques donnent une tendance aux individus dans leur relation avec leur
environnement, mais aussi dans la compréhension du monde qui les entoure comme cadre perceptif
pouvant mener les compréhensions, les pensées, les émotions et les comportements (Parks et Gay
2009; Pervin 1996; Rhodewalt et Peterson 2008). De plus, comme le notent Fleeson et Jayawickrem
(2018), la plupart des théories s’entendent sur cinq éléments quant à la nature des traits.
Premièrement, ils décrivent les individus et mettent de l’avant comment ceux-ci pensent et se
comportent. Deuxièmement, les traits sont des caractéristiques qui différencient les gens.
Troisièmement, ce qui différencie les individus au niveau des traits n’est pas la présence de ceux-ci,
mais plutôt leur prépondérance dans leurs tendances. Quatrièmement, leur effet est assez durable en
ce sens qu’il n’est pas momentané. Dernièrement, ils sont une description de tendances régulières,
générales et cohérentes dans les comportements, les pensées et les sentiments, peu importe les
situations.

Plus de 18 000 traits ont été répertoriés dans le langage courant (Allport et Odbert 1936). Ainsi, des
équipes de recherche se sont penchées sur des moyens pour simplifier et organiser ceux-ci. C’est
exactement ce que propose le FFM (Five Factor Model) (Goldberg 1992, 1993; McCrae et Costa
1985, 2008). Ce dernier est largement accepté dans la littérature (ex., McCrae et Costa 2008; Deary
2009; De Raad 2009; McCrae 2009; Ozer et Benet-Martínez 2006) et propose que cinq traits
fondamentaux structurent et organisent la personnalité : l’extraversion, l’agréabilité, la
conscienciosité, la stabilité émotionnelle et l’ouverture à l’expérience. Cette approche ne propose pas
que ces traits soient les seuls qui doivent être étudiés et encore moins qu’ils capturent toutes les
variances dans la personnalité des individus. Ces traits, nommés Big Five, doivent être compris
comme des facteurs vastes qui, collectivement, représentent une hiérarchie qui organise et résume
une grande partie des traits de personnalité (McCrae et Costa 2008).

La personnalité selon le modèle du Big Five

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L’extraversion, c’est le facteur le plus facilement observable et probablement celui qui fait le plus
partie du langage courant (McCrae et Costa 2008)2 . Les individus extravertis sont expressifs,
énergiques, dominants, bavards et actifs (Caspi et al. 2005; Costa et McCrae 1992; McCrae et John
1992; John et Srivastava 1999). Tandis que les personnes introverties sont davantage calmes,
inhibées, passives et plus disposées à suivre les autres (Caspi et al. 2005; Costa et McCrae 1992). De
plus, ce trait englobe quatre traits inférieurs soit la timidité, la sociabilité, la dominance (ou
affirmation de soi) et le niveau d’énergie (Caspi et al. 2005; John et Srivastava 1999). Ainsi, ce trait
décrit une tendance énergique envers le monde qui amènerait les individus à être davantage actif dans
leurs actions sociales (John et Srivastava 1999).

L’agréabilité fait référence aux personnes qui sont coopératives, empathiques, généreuses, polies,
gentilles, honnêtes, modestes et sympathiques (Caspi et al. 2005; Costa et McCrae 1992; McCrae et
Costa 2008; McCrae et John 1992). Tandis que les individus désagréables sont agressifs, bornés,
cyniques, manipulateurs, critiques, arrogants et individualistes (Caspi et al. 2005; Costa et McCrae
1992; McCrae et Costa 2008). Dès lors, les individus qui ont un haut degré d’agréabilité ont une
orientation prosociale et possèdent davantage de tendance altruiste et à la confiance, ce qui les amène
à développer des relations interpersonnelles (John et Srivastava 1999; Mondak 2010).

Le troisième trait, celui de la conscienciosité, caractérise les individus qui sont assidus, disciplinés,
responsables, persistants, ordonnés, fiables et ponctuels (Caspi et al. 2005; Costa et McCrae 1992;
McCrae et Costa 2008; McCrae et John 1992). Le fait d’avoir un résultat bas pour ce trait signifie
qu’un individu à des tendances décontractées, avec peu d’ambition, distraites et irresponsables (Caspi
et al. 2005; Costa et McCrae 1992; McCrae et Costa 2008). Les individus consciencieux sont capables
de contrôler leurs impulsions proscrites par les normes, ce qui facilite un comportement orienté vers
une tâche ou un objectif comme la réflexion avant l’action, la planification, la priorisation ou le
respect des normes (John et Srivastava 1999). Autrement dit, ce trait peut être compris comme la

faculté de se contrôler (Mondak 2010).

La stabilité émotionnelle, aussi appelée neuroticisme, est un trait qui est particulièrement connu des
psychologues cliniciens vu sa centralité dans plusieurs formes de problèmes mentaux (McCrae et
Costa 2008). Les individus qui ont un haut résultat pour ce trait sont stables émotionnellement et
capables de s’adapter à divers environnements facilement (Caspi et al. 2005; John et Srivastava 1999;
McCrae et John 1992). Ceux qui ont un résultat bas sont, quant à eux anxieux, vulnérables au stress,
moins confiants, facilement contrariés et inquiets (Caspi et al. 2005; John et Srivastava 1999).
Finalement, le dernier trait, l’ouverture à l’expérience, fait référence à un individu imaginatif,
curieux et qui apprend rapidement (Caspi et al. 2005; John et Srivastava 1999; McCrae et Costa 2008;

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McCrae et John 1992). Tandis que l’opposé fait référence au fait d’être rigide, pragmatique et fermé
d’esprit (John et Srivastava 1999; McCrae et Costa 2008).

Plusieurs approches existent pour comprendre pourquoi la personnalité est liée aux préférences et
comportements politiques. D’abord, des auteurs suggèrent des motivations instrumentales qui
avancent qu’une position (comportement, attitude, identification, etc.) est le résultat d’un calcul
psychologique. Ainsi, certaines préférences seraient naturellement liées à certains traits en comblant
des objectifs et des besoins psychologiques (Johnston et al. 2017; Jost et al. 2003, 2009a). Par
exemple, le trait de la conscienciosité est davantage relié aux perceptions négatives de l’immigration,
parce que les individus consciencieux tendent vers des besoins d’une société stable, traditionnelle et
hétérogène (ex., Ackermann et Ackermann 2015). Ensuite, il y aurait une dimension expressive dans
les préférences politiques (Katz 1960). Cette motivation fait référence au fait que les attitudes
renforcent et signalent à la société les éléments importants des systèmes de croyances des individus
tels que leurs self-concepts. Autrement dit, cette motivation est purement sociale : les individus se
positionnent afin de donner une image de soi (Johnston et al. 2017). De plus, des bénéfices affectifs
sont associés à certaines positions et identifications politiques. En ce sens, ces bénéfices amènent un
sentiment d’appartenance que certains types d’individus trouvent attirant (Gerber et al. 2012; Greene
1999, 2000). Par exemple, l’identification partisane peut accorder à certains individus (selon la
prédominance des traits) un bénéfice important, ce qui les pousserait à être plus partisans.

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CHAPITRE IV : INFLUENCE SOCIALE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

Les études qui tentent de saisir le processus de l’influence mettent en évidence une dimension
essentielle de la relation avec autrui, ainsi que de la relation entre individu et société. Le phénomène
de l’influence sociale montre à la fois l’emprise que le social exerce sur l’individu et les modifications
qu’elle entraîne au niveau du comportement.

4.1. Les bases de l’influence sociale

Les psychologues sociaux considèrent l’influence en partant d’abord d’un ensemble de phénomènes
diffus tels que la tendance à l’uniformisation dans la société et qui trouve son explication dans des
pressions invisibles et cachées qui ont été caractérisées de plusieurs manières :

4.1.1. L’imitation et la contagion sociale

Pour Tarde (1903), l’imitation n’est pas une simple copie, mais une transformation d’un
comportement individuel en un comportement social.

Kerckhoff et Back (1968) étudient le phénomène de contagion sociale (tendance à imiter un modèle
dominant de comportement qui se propage d’une personne à une autre). Leur étude a permis de
conclure que les individus qui ont des relations positives entre eux ont tendance à modeler leurs
comportements les uns sur les autres, car ils cherchent à se ressembler.

4.1.2. La comparaison sociale

Selon Festinger (1954), les gens ne sont pas toujours sûrs de leurs opinions, ni de leurs actions, et
dans ce cas, ils recherchent auprès des autres si leurs opinions sont exactes, c’est-à-dire acceptées
dans le groupe où ils se trouvent.

4.1.3. La production des normes (normalisation)

Normaliser les comportements et le social est un autre processus fondamental de l’influence. Par
l’analyse des normes, nous abordons l’univers des règles invisibles ou formelles qui exercent des
pressions sur l’individu, qui régissent ses modalités de relation et qui sont capables d’organiser sa
compréhension du monde, de soi-même et des autres.

4.1.3.1. Définition

Une norme peut être définie comme un type de pression cognitive et psychosociale se référant à des
valeurs dominantes et des opinions partagées dans une société ; elle s’exprime sous forme de règle

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de conduite plus ou moins explicite en vue d’obtenir des comportements appropriés socialement.
L’effet d’une norme implicite ou explicite est d’engendrer une certaine uniformité.

4.1.3.2. Fonctions des normes

- Une première fonction de la norme est la réduction de l’ambiguïté (consolider les positions
des individus par un système de réassurance qui leur permet de mieux maîtriser la réalité ;

- Une autre fonction de la norme est l’évitement du conflit. En ce sens, Moscovici (1972)
considère que la variété des jugements individuels empêche la conclusion d’un accord ;

- Enfin, la normalisation s’opère comme un processus de négociation.

Le processus de normalisation = les règles qui indiquent ce convient de faire ou de ne pas faire. Ce
sont les normes sociales qui guident le comportement, ex : la constitution (normes explicites). Il existe
également des normes implicites, ex : serrer la main. « Je » m’attends à ce que les autres respectent
les normes qui rendent possible la vie en société et qui la facilite. Les normes rendent le comportement
prévisible dans la mesure où elles sont reconnues. Les normes structurent le champ social et assurent
l’invariance du comportement dans ce champ. Elles stabilisent le champ social.

4.2. Influence sociale et dissonance cognitive

L’influence sociale peut être étudiée à travers les pressions cognitives qui s’exercent comme facteur
de changement des attitudes.

4.2.1. La théorie de la dissonance cognitive

La dissonance cognitive est un état de tension intérieure résultant d’une coexistence discordante entre
des idées ou des opinions acquises antérieurement et un ou des faits nouveaux.

4.2.2. Dissonance cognitive et changement d’attitudes

Des expériences (ex : Zimbardo et Ebbeson en 1969) permettent de conclure que le sentiment de
dissonance entraîne un changement des attitudes personnelles, lorsque les individus adoptent
publiquement un rôle en contradiction avec elles.

Théorie de la dissonance cognitive (Festinger) : les individus vont ajuster leurs opinions et
croyances à l’acte qu’ils viennent de réaliser. Si une personne agit en désaccord avec ses croyances,
il en résultera un certain mal-être, un état de tension inconfortable, la dissonance. Pour réduire cet
état, l’individu va amoindrir l'écart entre croyances et comportement, il va adopter des stratégies, soit
évitement ou fuite, soit négation de certaines cognitions, soit ajout de cognitions consonantes.

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4.3. Les formes de l’influence sociale

4.3.1. Le conformisme

La conformité peut être définie comme la modification de croyances ou de comportements par


laquelle un individu répond à divers types de pressions d’un groupe, en cherchant à se mettre en
accord avec les normes par l’adoption de comportements approuvés socialement. Trois types de
conformisme (Kelman) sont à distinguer :

- Le conformisme par complaisance (le sujet cherche une approbation sociale, il souhaite être
tranquille et ne pas se faire remarquer. C’est superficiel et ne peut pas atteindre les croyances
internes de l’individu. Ce conformisme est l’apanage des situations de pouvoir, la source
d’influence possédant alors une emprise sociale) ;

- Le conformisme par identification (la personne se conforme car elle est identifiée à un groupe
et elle souhaite soit s’y faire accepter soit conserver des relations positives. Le changement
d’opinion est durable et profond. Il s’exprime même en dehors du cercle public), et ;

- Le conformisme par intériorisation (la source d’influence est perçue comme crédible, voire
experte. C’est une conversion car le changement s’opère sur le fond. Il y a assimilation,
intériorisation de l’opinion ou de la norme).
L’individu peut être dépendant lorsqu’il se trouve dans un état d’incertitude, et en raison de l’emprise
que la source détient sur le sujet.

4.3.1.1. Les déterminants de la conformité

Les recherches de Worchel et Cooper (1976) ont établi que plus un individu se sent compétent pour
accomplir une tâche, moins il aura le désir de se conformer au groupe.

Asch (1951) a étudié l’influence de la taille du groupe sur la variation du niveau de conformité. Il a
observé que la conformité augmentait suivant la taille du groupe, jusqu’à ce que celui-ci se compose
de quatre personnes ; au-delà, le poids de la conformité diminue.

Pour d’autres auteurs (Latane et Wolf, 1981) la conformité s’accroît à mesure que la taille du groupe
augmente, mais le degré de conformité des individus est fonction du moment à partir duquel ils
arrivent dans le groupe.

Blake, Helson et Mouton (1957) ont montré que la conformité était plus importante lorsqu’une tâche
était difficile et ambiguë que lorsqu’elle était simple à réaliser.

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4.3.1.2. Interprétation de la conformité

La conformité est le résultat d’un besoin de repérage chez l’individu, car il s’efforce d’être en
harmonie avec les autres comportements et croyances auxquels il est confronté. On peut en conclure
que moins une personne a confiance en elle, plus elle est susceptible de subir les pressions en direction
de la conformité.

De manière plus générale, on peut expliquer la conformité par l’idée de dépendance. Lorsqu’un
groupe est confronté à l’évaluation d’une situation, il élabore un système de réponses qui assure la
réduction de l’anxiété et sa propre cohésion.

4.4. Soumission et prise de décision politique

Les recherches distinguent deux types de soumission comme aspects de l’influence sociale :

4.4.1. Soumission librement consentie

Il s’agit d’un type d’influence qui consiste à amener quelqu’un à se comporter de façon différente
qu’à son habitude, en le manipulant de telle sorte qu’il a le sentiment de faire librement ce qu’on lui
demande. La soumission s’obtient sans que le sujet ait le moins du monde le sentiment que son libre
arbitre est entravé. Le sujet a l’impression de choisir ce qu’il doit faire et il ne se sent pas contraint.
L’individu va d’autant plus émettre la conduite attendue quand il va avoir l’impression d’être à
l’origine de la décision. La soumission consentie est obtenue à travers trois stratégies :

- La stratégie du pied dans la porte : ce procédé consiste à amener quelqu’un, à travers une
première demande anodine, à faire ce qu’on attend réellement de lui (consiste à obtenir un
comportement coûteux en ayant préalablement fait réaliser au sujet une action moins
importante. Il s’agit de demande peu pour ensuite obtenir plus) ;

- La stratégie de la faveur déguisée (ou de l’amorçage) : elle consiste à amener quelqu’un à


s’engager sur une proposition qu’on lui fait, mais sans qu’il connaisse le coût réel de son
accord (le coût réel du comportement est caché au sujet car on cherche d’abord à obtenir son
consentement ;

- La stratégie de la porte au nez (consiste à solliciter beaucoup en premier lieu, en s’exposant


sciemment à un refus, pour ensuite demander moins et obtenir par là même ce que l’on
souhaitait réellement).

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4.4.2. Soumission à l’autorité (Milgram)

C’est la modification du comportement à travers laquelle un individu répond par la soumission à un


ordre qui lui vient d’un pouvoir. L’individu va être amené à modifier son comportement en se
soumettant à une autorité. La condition sine qua non à la survenue de ce phénomène est l’existence
d’une dyssimétrie de statut et de pouvoir entre la source et la cible d’influence.

Etat agentique : l’individu est l’agent exécutif d’une autorité qui le transcende, il ne se sent pas
responsable de ses actes, la responsabilité étant transférée à l’autorité.

Dans les deux formes d’influence sociale que nous venons de voir, les individus sont placés dans des
situations où ils modifient leurs comportements et se soumettent à des ordres. Dans la conformité,
c’est la pression du groupe qui s’exerce ; dans l’obéissance, c’est l’ordre d’une autorité.

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CHAPITRE V : COGNITION SOCIALE ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

Une cognition sociale peut d’être définie comme un processus par lequel les individus construisent
leur connaissance de la réalité sociale. Champ du traitement de l’information. S’intéresse aux activités
mentales renvoyant à l’acquisition, la représentation et le rappel de l’information concernant tout type
d’objets sociaux. Champ de recherche visant à comprendre comment nous pensons les situations dans
lesquelles nous sommes impliquées.

La cognition est sociale si : nature sociale de l’objet (chargé d’une signification sociale), réaction
sociale (ce que l’on dit ou fait à un impact sur un autre sujet), fonction sociale (statut), co-extensivité
(validité sociale quand partagé par plusieurs individus).

5.1. Les représentations sociales

Les représentations sociales sont un moyen de connaissance non savante, que l’homme utilise
constamment, inconsciemment, pour déchiffrer le monde. Elles sont reconstruction de la réalité et
constitutives de celle-ci. Cette reconstruction va dans le sens de la réduction de la dissonance
cognitive : le réel est déformé, altéré, transformé en représentations et images constituées pour
adhérer au système de normes et de valeurs du groupe social. C’est pourquoi les représentations
sociales nous renseignent davantage sur les groupes sociaux qui les produisent que sur les objets
sociaux qu’elles concernent. Les représentations sont liées aux idéologies puisque ces dernières les
alimentent et les justifient. Nous entendons par idéologie : « un système d’idées liées
sociologiquement à un groupement économique, politique, ethnique ou autre, exprimant sans
réciprocité les intérêts plus ou moins conscients de ce groupe, » ou plus simplement un « système
global d’interprétation du monde historico-politique. » Ces représentations constituent une sorte de
“carte mentale” provisoire car susceptible de changer avec la construction de chaque nouvelle
représentation. Cette “carte mentale” oriente notre perception, régit nos attitudes et nos opinions et
détermine nos conduites. Ainsi, comme le dit BOURDIEU : « Ce que nous considérons comme la
réalité sociale est pour une grande part représentation ou produit de la représentation». Puisque
chaque groupe social a ses propres représentations, la réalité, les valeurs et les normes sociales
diffèrent d’un groupe à l’autre.

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CHAPITRE VI : SOCIALISATION ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

La socialisation est un phénomène social fondamental, qui permet de comprendre en grande partie
les pratiques de participation politique. Ces pratiques relèvent en effet de comportements qui sont
certes le fait d’individus, mais dont les attitudes sont largement construites par leur environnement
social ; il y a une construction sociale des attitudes et comportements politiques, qui passe par la
socialisation des individus. Analyser les attitudes et comportements politiques à l’aune de la
socialisation, c’est ainsi admettre qu’ils ne sont jamais complètement « personnels ».

6.1. Définitions

La socialisation désigne la « façon dont la société forme et transforme les individus », les processus,
conscients ou non, au cours desquels ces derniers intériorisent les normes sociales des différentes
instances de socialisation : la famille, les professionnels de l’enfance, l’école, les pairs, les médias, le
milieu professionnel, le conjoint1...

La socialisation politique est le processus durant lequel un individu apprend et intériorise


les normes et valeurs de la société, construit son identité sociale, et développe ses opinions et
attitudes politiques. Elle se fait par le biais d'instances politiques et par les représentations et les
pratiques dans le domaine politique. Cette socialisation est effectuée par différents agents,
principalement ceux tels que la famille, l'école, et les médias. On réfère alors à eux en tant qu'agents
de la socialisation. Ils influencent et forment les normes politiques et économiques des personnes.

Dans les domaines des sciences politiques, la socialisation politique est le processus par lequel une
personne développe des croyances et des opinions politiques qui influencent son comportement dans
les sphères sociales.

Derrière ces définitions, il y a une double perspective avec une sorte de dichotomisation du champ.
On distingue deux grandes approches dans les théories de la socialisation, à savoir :

 paradigme du conditionnement : socialisation comme « dressage » par lequel le jeune est


amené à intérioriser des normes, valeurs, attitudes, rôles, savoirs et savoir-faire. Dans cette
perspective, la socialisation est quelque chose d’unidirectionnel étant quelqu’un qui
conditionne quelqu’un d’autre, qui simplement, d’une manière passive, a intériorisé certaines
valeurs qui sont transmises.

 paradigme de l’interaction : la socialisation est vue comme adaptation et apprentissage. La


socialisation est ici bidirectionnelle, en tout cas où le sujet à un rôle plus actif d’apprentissage
et d’adaptation. Les sujets s’adaptent, ils ne sont pas simplement conditionnés. Les individus

19
apprennent tout au long de leur vie. C’est ce qu’on appelle la socialisation secondaire plus
que la socialisation primaire comme mise en avant avec le paradigme du conditionnement.

6.2. Milieu et agents de socialisation

Philippe Braud distingue3 les milieux de socialisation, qui sont les communautés sociales structurées
au sein de laquelle opère l’activité d’inculcation (famille, école, médias) ; et les agents de
socialisation, qui sont les individus qui exercent un rôle d’inculcation.

6.2.1. Milieux de socialisation

 La famille :

La famille est l'agent de socialisation le plus influent. Les familles perpétuent des valeurs qui
soutiennent les autorités politiques et qui contribuent grandement à la formation des premières
idéologies politiques de l'enfant, ou ses premières affiliations de parti. Les enfants ont d'abord
tendance à reproduire le comportement politique de leurs parents comme modèle. C'est d'abord un
processus passif, où les enfants croient à ce que leurs parents croient. Les familles ont un effet sur la
connaissance politique, l'identification et la participation. La communication a un rôle essentiel dans
la transmission de valeurs politiques au sein d'une famille.

 L'école :

C’est à l’école que les enfants développent leurs premiers groupes de pairs. La scolarisation précoce
renforce l’influence de l’école sur la socialisation des enfants au détriment de celles des structures
familiales. A travers les différentes structures de l'enseignement, les étudiants apprennent des
principes politiques clés à travers l'enseignement civique, tels que la responsabilité personnelle, les
droits individuelles, la propriété, le devoir envers leur nation. De plus, les manuels scolaires sont
encadrés et construit par l'état, qui influence donc l'apprentissage de l'histoire et la relation que les
élèves développent.

 Les médias

Les médias de masse sont une source d’informations politiques mais exercent également une
influence sur les valeurs et croyances politiques sur la façon dont ils traitent les informations et le
rapport qu'ils y portent. Ils apportent différentes politiques partisanes associées avec la participation
politique selon les programmes diffusés, et partagent ainsi les valeurs politiques des uns et des autres.

20
L'accès simplifié aux médias permet l'afflux d'informations, qui mène à la discussion politique, et qui
influe ainsi la participation politique.

 Le travail

À l'instar des écoles, nos lieux de travail occupent beaucoup de notre temps et constituent souvent le
lieu où nous sommes le plus susceptibles de rencontrer de nouvelles idées à l'âge adulte. La
socialisation politique se prolonge à l’âge adulte, et elle est également influencée par l’activité
professionnelle exercée. Selon la profession, les codes de comportements politiques ne seront pas les
mêmes.

6.2.2. Agents de socialisation

 Les pairs

Le groupe des pairs représente un contrepoids récent à l’influence familiale. Comme le remarque Léo
Moulin4, les pairs « introduisent dans le monde fermé des opinions parentales le coin d’opinions
différentes, une façon différente de voir le monde, de l’interpréter, de le juger » En fait cette action
des groupes primaires d’égaux affaiblit la famille pour rendre les individus sensibles et réceptifs aux
effets de générations, à tous les phénomènes de modes, à l’influence sans partage des médias, à tous
les conformismes et à tous les snobismes.

 Les parents

Les parents représentent les premiers agents de socialisation que rencontrent les individus, ils sont
élevés au sein de la structure familiale et leurs premières valeurs inculquées sont celles que les parents
transmettent.

 Les instituteurs

A travers les cours qu’ils dispensent, ils transmettent également des valeurs politiques et civiques aux
enfants.

6.3. Mécanismes de socialisation

Le processus de socialisation présente deux caractéristiques, il est interactif, car les individus ne sont
pas des récepteurs passifs; il est continu : la socialisation ne s’arrête pas à la fin de l’adolescence.
Parmi les mécanismes de socialisation, il est important de noter l'imitation, mécanisme par lequel un
individu copie ses figures d’autorité, même concernant la culture et représentation politique. L'origine

21
sociale y joue un rôle important, dans l'enfance notamment. L'éducation a aussi une place
prépondérante, avec par exemple l'instauration de cours d’éducation civique et d’histoire qui
contribuent à forger une opinion politique. L'université, elle, donne accès à un certain niveau de
connaissances académiques.

6.4. Types de socialisation

- La socialisation primaire (renvoie en premier lieu à la cellule familiale puis à l’école) ;

- La socialisation secondaire (plus diversifiée que la première et se réalisant par l’action


d’agents socialisateurs liés aux relations sociales de l’individu. L’individu y enrichit son
répertoire de normes, valeurs et rôles en transformant parfois ce qui a été acquis lors de la
socialisation primaire [enfance]) et ;

- La socialisation organisationnelle (processus par lequel un individu acquiert les connaissances


sociales et les compétences nécessaires pour assumer un rôle dans une organisation).

6.5. Socialisation et opinion politique : Des opinions qui dépendent de la socialisation familiale

Dans les études faites sur la reproduction sociale en politique, on constate que c’est moins les
pratiques politiques (vote, mobilisation partisane…) qui comptent que l’expression de certaines
valeurs. Les enfants sont éduqués selon certains principes qui vont modeler leur appartenance
politique future. L’intérêt des parents pour la politique va aussi conduire les enfants à s’y intéresser.
Ainsi, si les parents ont un fort intérêt et expriment des opinions partisanes (de droite ou de gauche),
environ 3 enfants sur 4 reproduiront les choix parentaux. L’homogénéité du choix des parents est
aussi essentielle. Si les deux parents se classent à gauche, le taux de reproduction parfaite est de 45
% environ (moins de 20 % sinon). Enfin, l’intérêt pour la politique dépend fortement du milieu
social d’origine. Sur 100 ouvriers, moins de 20 ont un fort intérêt pour la politique alors que ce taux
monte à 50 % chez les cadres. Les cadres sont aussi plus nombreux à exprimer une forte proximité
idéologique avec un parti politique.

 Le rôle de la socialisation secondaire

Les évènements de la vie d’un individu vont le mener à modifier ses préférences partisanes ou son
engagement en politique. Par exemple, certains étudiants, engagés dans une lutte contre une réforme,
vont manifester des dispositions et un goût pour la politique qui vont les pousser parfois à s’engager
de manière plus pérenne. Les associations estudiantines sont souvent structurées en syndicats et sont
affiliées à des mouvances politiques de gauche ou de droite. La mobilité sociale (par exemple une

22
mobilité ascendante) va aussi modifier la perception qu’a l’individu de certains problèmes et peut
l’amener à modifier ses préférences partisanes.

Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de certaines instances de socialisation comme les médias dans
l’influence politique. On a beaucoup parlé de la médiatisation de la campagne de Jacques Chirac et
de sa remontée dans le cœur de l’électorat grâce aux Guignols de Canal + en 1995. Mais ces effets
n’ont jamais été mis en évidence de manière indiscutable. On constate par exemple peu de
répercussions sur le vote des débats télévisés du second tour de l’élection présidentielle.

23
CHAPITRE VII : EMOTIONS ET RAISONNEMENT POLITIQUE/PRISE DE DECISION
POLITIQUE

L’émotionnel en politique n’est plus un angle mort de la recherche en sciences sociales, comme
l’avait souligné en 1996 le politiste Philippe Braud (Braud, 1996; Sommier et Crettiez, 2019). Ces
multiples travaux de recherche ont permis de lever le voile sur plusieurs formes de pouvoir politique
des émotions. À ce jour, nous pouvons en retenir trois principales : un pouvoir de contestation —
quand les émotions servent de levier collectif de mobilisation au sein des mouvements sociaux par
exemple (Goodwin et al., 2009; Gould, 2009; Traïni, 2009) —, un pouvoir de persuasion politique —
à travers les discours partisans ou les dispositifs politiques qui peuvent «capitaliser» sur les émotions
(Demertzis, 2013; Faure, 2015; Blondiaux et Traïni, 2018; Le Bart, 2018; Heaney, 2019; Hutchison
et Bleiker, 2019) — et, enfin, un pouvoir de changement social quand elles permettent de «révéler»
certaines problématiques et discriminations sociales, et d’éveiller en retour les consciences politiques
(Sprecher, 1986; Wilkins et Pace, 2014; Dover et al., 2015).

6.1. Définition et typologie d’émotions

Une émotion est une réaction de l’organisme à un événement extérieur, et qui comporte des aspects
physiologiques, cognitifs et comportementaux. Par exemple, la peur peut s’exprimer par des
battements de cœur, une interprétation négative de la situation et le fait de courir.

Paul Ekman, l’un des spécialistes les plus influents dans l’étude des émotions, affirme qu’il y a six
émotions de base : la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère et la surprise. Celles-ci surgissent
brusquement et ne sont ni volontaires, ni raisonnées.

Les émotions secondaires (ou émotions mixtes) constituent, quant à elles, des mélanges d’émotions
de base. C’est par exemple le cas de la honte qui réunit de la peur et de la colère (envers soi-même).
Elles sont également plus « réfléchies ». La liste des émotions secondaires est longue et comporte
notamment l’amour, la haine, la méfiance, la culpabilité, etc.

La recherche montre que nous accordons davantage d’attention et nous nous souvenons mieux des
informations chargées en émotions et liées à des menaces (par exemple, les expressions d’un visage
fâché captent notre attention de manière plus efficace que celles d’un visage heureux) que des
informations neutres119.

6.2. Les émotions peuvent exercer une influence directe sur le raisonnement politique et moral

Les états émotionnels exercent de puissantes influences sur nos jugements, et peuvent les déformer
de manière indésirable. Toutefois, en tant que puissants raccourcis, ils permettent de prendre des

24
décisions rapides sur des questions complexes qui dépasseraient nos capacités de réflexion. Notre
dépendance vis-à-vis des émotions et des sensations physiques semble augmenter à mesure que notre
environnement se complexifie, mais également dans les décisions et les contextes associés à des
risques et caractérisés par un niveau élevé d’incertitude. Le recours aux sensations comme s’il
s’agissait d’informations pourrait être nettement plus fréquent que ce que l’on pense souvent, car elles
peuvent influencer un large ensemble de jugements, y compris les estimations de risques et les
attitudes vis-à-vis des questions politiques : les réactions émotives immédiates à des états corporels
sont instinctives et jouent un rôle essentiel dans la prise de décision.

6.3. Gouverner par les émotions : tensions et rapports de force émotionnels dans la sphère
publique

Tout d’abord, en étudiant la place des émotions dans la sphère publique, les quatre premiers articles
montrent combien les émotions sont constitutives des rapports de force politiques. Ils s’inscrivent
ainsi dans un champ aujourd’hui très dynamique en sociologie des émotions — celui de la
mobilisation des émotions dans les discours et actions politiques —, mais avec un regard renouvelé :
ils éclairent en particulier le rôle central des tensions et des mises en opposition entre différents
régimes émotionnels dans la genèse et la consolidation des débats publics. En s’intéressant ici à deux
arènes spécifiques - celle du monde politique et celle des réseaux sociaux —, les articles montrent à
quel point les rapports de force politiques mettent en jeu de profonds ressentis émotionnels,
difficilement traduisibles dans une sphère où la raison s’érige en doxa. Ces émotions plurielles se
manifestent souvent par des oppositions ou des confrontations polarisantes. Pour mieux comprendre
ces tensions, les articles analysent différentes dualités d’émotions — la honte et la fierté, le sang-froid
et l’empathie - qui, dans leur opposition dialectique, structurent les rapports de force dans l’espace
politique.

6.4. Du « Je » au « Nous » : émotions et trajectoires d’engagement politique

Des articles s’intéressent au rôle des émotions dans les trajectoires d’engagement au sein de causes
collectives - qu’elles soient par exemple féministes, antiracistes ou trotskystes. Ces articles visent à
identifier à quels moments et sous quelles conditions une émotion n’est plus vécue de façon isolée,
mais devient une émotion partagée. Ils éclairent ainsi les modes de passage d’émotions individuelles
à des émotions collectives, qui contribuent à la constitution et au maintien d’une cause politisée. Ces
modes de passage sont étudiés en deux temps principaux. D’une part, les articles montrent de quelle
manière les émotions jouent un rôle central dans la construction d’un «je» politisé, que ce soient des
émotions perçues comme positives ou négatives - telles que la colère, la peur ou l’admiration. D’autre

25
part, ils identifient le processus de transformation émotionnelle qu’exige l’adhésion de ce «je» politisé
à un «nous» engagé dans une cause commune, sociale ou politique.

L’article de Pauline Picot explore ensuite le rôle central de la colère comme déclencheur
d’engagement, puis les conditions de sa transformation en action collective. À partir d’une analyse
ethnographique et d’entretiens conduits au sein de collectifs antiracistes franciliens, elle montre
comment l’engagement antiraciste prend principalement sa source dans un sentiment d’injustice et
de colère envers le racisme : l’expérience d’une « violence de trop », considérée comme intolérable,
va souvent constituer le déclencheur de l’action militante. Pauline Picot montre qu’il va s’agir ensuite
de mettre en mots et en gestes ce que l’on vit pour parvenir à partager des éléments de sa propre
souffrance dans un espace collectif, voire à l’universaliser. C’est alors l’empathie qui va permettre de
«faire corps» et de susciter le sentiment d’appartenance à un «nous» engagé pour transformer la colère
individuelle en pouvoir d’action collectif.

26
CHAPITRE VIII : RELATIONS INTERGROUPES ET COMPORTEMENTS POLITIQUES

8.1. Identité de groupe et comportements politiques

L’identité sociale est une identité assignée par autrui qui regroupent les éléments permettant
d’identifier l’individu de l’extérieur. L’accent est mis sur les appartenances car celles-ci vont
déterminer le statut de l’individu.

Théorie de l’identité sociale : les individus cherchent à atteindre ou à maintenir une identité sociale
positive, une identité sociale positive implique des comparaisons favorables entre l’intra-groupe et
des hors groupes, lorsque l’identité sociale est insatisfaite les individus vont chercher à quitter leur
groupe et à rejoindre un groupe plus positivement distinct et/ou à rendre leur groupe plus positivement
distinct.

Biais de favoritisme intra-groupe : on considère plus favorablement ce qui émane de notre groupe
que ce qui provient des hors groupes

Il existe actuellement un débat scientifique non résolu entre deux modèles de sectarisme politique: le
modèle instrumental, qui se fonde sur des considérations idéologiques et politiques, et le modèle
expressif, dérivé de la théorie de l’identité sociale.

Selon le modèle instrumental, nous décidons de notre affiliation à des partis à travers une
combinaison d’évaluation des performances des partis, de convictions idéologiques et de proximité
avec nos politiques favorites. Ce type de sectarisme politique se fonde sur la théorie du choix
rationnel, selon laquelle la maximalisation de l’utilité pour chaque individu est le principal moteur de
la prise de décision politique.

Le modèle expressif définit le sectarisme politique comme «une identité durable renforcée par des
affiliations sociales vis-à-vis des groupes de personnes de même sexe, religion, ethnie et race». Ces
affiliations se caractérisent par un attachement émotionnel au parti, une stabilité dans la durée et sont
moins influencées par les évènements à court terme. Selon cette théorie, le choix d’un parti politique
suit l’identification avec un groupe social. En bref et contrairement au modèle instrumental, les gens
choisissent le parti qui leur paraît le plus proche du groupe auquel ils appartiennent.

8.2. Catégorisation ethniques et rapport au politique

La catégorisation est un processus par lequel l’individu organise et réduit la complexité du réel en
différentes catégories, le signifiant pour l’intégrer.

Deux effets sont à distinguer : effet de contraste ou différenciation inter-catégorielle (accentuation


des différences perçues entre les objets classés dans des catégories distinctes qui débouche sur un

27
phénomène de discrimination, c’est le sociocentrisme) et l’effet d’assimilation ou homogénéisation
intra-catégorielle (accentuation des ressemblances perçues entre les objets classés dans une même
catégorie, menant à la stéréotypie).

Deux fonctions (Tajfel) : fonction cognitive (fournit des repères à travers lesquels l’environnement et
les faits sociaux sont structurés et appréhendés), et une fonction identitaire (l’identité sociale est liée
à la connaissance de son appartenance à certains groupes sociaux, et à la signification émotionnelle
et évaluative qui résulte de cette appartenance. Consiste dans la recherche d’une identité sociale
positive qui aboutit à ce que la catégorisation sociale se double souvent d’un biais de favoritisme
intra-groupe).

On qualifie le processus à travers lequel des individus sont placés dans des groupes sociaux, de
catégorisation sociale. Il implique généralement une division de l’espace social en deux groupes : le
« Nous » - l’endogroupe, défini comme tel parce qu’il nous inclut, vs le « Eux » - l’exogroupe, défini
par notre non-appartenance.

Paradigme des groupes minimaux : Tajfel affirme que le simple fait d’appartenir à un groupe suffit
à l’expression d’un comportement discriminatoire envers le hors groupe. Ceci est valable en l’absence
de tout autre facteur, même lorsque les groupes sont constitués au hasard, sur des critères arbitraires.

Le processus de catégorisation définit les cibles sur lesquelles se porteront éventuellement les
comportements discriminatoires. L’ensemble de ces éléments démontre que la catégorisation est un
processus flexible très dépendant du contexte. Selon la situation dans laquelle nous nous trouvons,
nos préoccupations du moment ou notre environnement social, une même personne sera catégorisée
différemment.

Préjugés, stéréotypes sociaux et comportements politiques

Un stéréotype se définit comme le lien qui est établi entre l’appartenance à un groupe donné et la
possession de certaines caractéristiques. Ensemble de croyances sur un certain nombre de personnes.
Caractère verbal très fort, uniformité dans le groupe, exclusif, tonalité négative ou positive. Excès de
généralisation qui accentue les différences.

Il existe trois types de stéréotype : auto-stéréotypes (croyances concernant les membres de son propre
groupe), stéréotypes sociaux (croyances socialement partagées par un groupe de personnes),
stéréotypes individuels (croyances d’un individu concernant un groupe social donné). 3 principales
fonctions : recherche d’une explication causale sociale qui correspond à la recherche des causes d’un
phénomène impliquant un hors groupe à un niveau social, recherche d’une justification sociale,
recherche d’une différenciation sociale.

28
Un préjugé est une attitude de l’individu comportant une dimension évaluation, positive ou négative,
à l’égard de personnes ou de groupes de personnes. Filtre qui n’accepte que les informations qui le
confirment. 3 caractéristiques : composante cognitive (contenus du préjugé, idée que l’on se fait),
composante affective (émotions, positives ou négatives, provoquées par la cible), composante
conative (orientation de l’action de l’individu face à l’objet, sorte de discrimination).

Valeurs, idéologies et décisions politiques

Valeur : principe. Interdépendantes et s’organisent en structures, hiérarchisées. Ne s’actualisent pas


toujours dans les comportements ou attitudes de l’individu. La socialisation permet l’intériorisation
des valeurs. Productions socioculturelles.

Le psychologue social Jonathan Haidt a développé la théorie des fondements moraux dans le contexte
politique américain, en étudiant l’appartenance des citoyens aux tendances politiques (conservateurs
contre libéraux) d’après les préférences exprimées vis-à-vis de six fondements moraux (l’altruisme,
l’équité, la loyauté, l’autorité, la pureté, la liberté). Selon Haidt, les personnes identifiables comme
libérales sur le plan politique (progressistes), accordent généralement une valeur morale supérieure à
l’altruisme et à l’équité par rapport aux autres fondements moraux. En comparaison, les conservateurs
accordent davantage de valeur à l’autorité et à la pureté, bien qu’ils en accordent aux six fondements.
Bien qu’elle soit contestée, cette approche fondée sur la psychologie évolutive fournit une manière
intéressante d’analyser les valeurs.

Bibliographie
Alwin, DF, Ronald L. Cohen et Theodore M. Newcomb. (1991). Attitudes politiques au cours de la
vie. Presse de l'Université du Wisconsin.

Anne-Cécile Douillet . (2017). Socialisation, attitudes et comportements politiques, dans Sociologie


politique, pp. 39 à 60

Anne Muxel. (2001). Socialisation et lien politique, dans La dialectique des rapports hommes-
femmes (2001), pages 27 à 43

Conover, PJ. (1991). Socialisation politique : où est la politique ? Presse universitaire du nord-ouest.

Neundorf, Anja et Smets, Kaat. (2017). « Socialisation politique et formation des citoyens. Manuels
d'Oxford en ligne ,

https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199935307.001.0001/oxfordhb-
9780199935307-e-98.

29
Verba, Sydney. (2003). Liens familiaux : comprendre la transmission intergénérationnelle de la
participation politique. Fondation Russell Sage,

https://www.russellsage.org/research/reports/family-ties.

CONCLUSION (qu’avez-vous retenu ?)

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