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Après un bref rappel historique, les caractéristiques des principaux modèles de prothèse actuellement sur
le marché sont présentées. Les résultats cliniques sont ensuite rapportés, en insistant sur l’altération des
bioprothèses et les accidents thromboemboliques des prothèses mécaniques. Les critères de surveillance
et les grands principes du choix d’une valve sont abordés (recommandations). Nous n’envisageons ici
que les prothèses valvulaires (prothèses mécaniques ou bioprothèses), les substituts d’origine humaine
(homogreffes et autogreffes) étant traités dans un autre chapitre. Nous consacrons une place particulière
aux prothèses en cours de développement destinées à être mises en place par voie « percutanée ».
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Cardiologie 1
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Tableau 1.
Rappel historique.
Valves mécaniques Biomatériaux
Premières implantations humaines Prothèses mécaniques Homogreffes
1960 : prothèses à bille (Starr-Edwards) 1962 : homogreffes aortiques fraîches : Ross (Londres)
- position aortique : Harken (Boston) 1964 : homogreffes aortique fraîches : Barrat-Boyes (Nouvelle-
- position mitrale : Starr (Portland) Zélande)
Hétérogreffes porcines
1965 : Binet et Carpentier (Paris)
permettant une implantation plus simple et reproductible [7]. notamment la prothèse de Lillehei-Kaster, la prothèse Medtronic
Ces hétérogreffes sont dès lors dénommées par leur concepteur, Hall ® toujours implantée, les prothèses Omniscience ® ou
Carpentier, « bioprothèses », et rapidement fabriquées par les Omnicarbon®.
laboratoires Hancock (1971) puis par les laboratoires Edwards Les valves à ailettes avaient en fait déjà été introduites dès
(1975). 1960 (Gott-Daggett, Kalke-Lillehei) mais abandonnées en raison
d’une conception des charnières fragile et thrombogène. La
Évolution technologique des prothèses deuxième génération, dont le modèle de référence reste la valve
SJM, a été développée de façon considérable par de nombreux
mécaniques laboratoires. Les valves diffèrent par le type de carbone pyroly-
La technologie des prothèses mécaniques évolue rapidement tique, l’angle d’ouverture des ailettes, le mécanisme et la
(Fig. 1). Si le concept de valve à bille reste prédominant dans situation des charnières, la forme des ailettes (plates ou incur-
les années 1960-1970, la catégorie des prothèses à axe pivo- vées). Enfin de nombreuses évolutions ont concerné l’anneau de
tant [8] est utilisée en clinique en 1969 (prothèse de Björk- suture de façon à optimiser l’hémodynamique des matériaux (cf.
Shiley). À la fin de la décennie suivante, apparaissent les infra) (Fig. 1).
premières valves à double ailette (valves Saint Jude Medical
[SJM], en 1977). Cette prothèse devient très vite la valve la plus Évolution des biomatériaux
utilisée dans le monde [9]. Le développement technologique de
ces valves (à disque ou à ailettes) intègre rapidement (dès 1968) Bioprothèse avec armature
l’utilisation du carbone pyrolytique [10] qui s’impose par ses
propriétés mécaniques et sa biocompatibilité. Bioprothèses porcines
Pour les premières valves à bille (Starr-Edwards) le modèle à Depuis les années 1970, de nombreux travaux ont été effec-
bille de Silastic® et à cage métallique (modèle 1 260 aortique et tués, notamment sous l’impulsion d’Alain Carpentier [11], pour
6 120 mitral, toujours utilisé) s’est enrichi de variantes : modèles faciliter l’approvisionnement, améliorer le conditionnement des
à bille métallique et à cage habillée (séries 6 300 puis 6 400) tissus, optimiser l’armature (ou stent), diminuer tous les
lesquels ont été abandonnés pour des problèmes d’altération ou traumatismes tissulaires (préparation à faible pression ou
de nuisance sonore. D’autres prothèses à bille sont nées parmi pression nulle) et utiliser des adjuvants permettant d’espérer
lesquelles la prothèse à double cage de Smeloff-Cutter. Des une réduction du phénomène de calcification des valves (agents
modèles à cage et à disque (Starr à disque, valve de Beall) ont tensioactifs, acides aminés oléiques alpha, etc.). Ainsi sont nées
été rapidement abandonnés pour cause de blocage et altération. des bioprothèses dites « de deuxième génération ».
Les premiers modèles de valve à disque pivotant de Björk-
Shiley [8] comportaient un disque oscillant en Delrin®, remplacé Bioprothèses péricardiques
par un disque (plat, puis convexoconcave) en carbone pyrolyti- Les modèles initiaux (Ionescu-Shiley et Hancock® péricardi-
que. D’autres modèles à disque ont été largement utilisés ques) ont été retirés du marché notamment pour déchirures
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a b c
d e
Figure 5. Schéma des systèmes de pivot disponibles pour les prothèses à double ailette. a. Saint Jude Medical (SJM) ; b. Carbomedics® ; c. Advancing The
Standard™ (ATS) ; d. Sorin Bicarbon™ ; e. Edwards Duromedics™.
Tableau 3.
Caractéristiques générales des principales prothèses à double ailette.
Saint Jude Medical Carbomedics® Sorin Bicarbon™ Advancing The Standard™
Anneau (composition) Graphite Carbone pyrolytique Carbone turbostatique Carbone pyrolytique
Carbone pyrolytique Titane Titane Graphite
Tungstène
Ailettes (ouverture) Plate (85°) Plate (78°) Incurvée (8°) Plate (85°)
Collerette de suture Double velours (polyester tricoté) Biolite Starling (polyester + silicone) Dacron® (double velours)
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Tableau 4.
Caractéristiques des principales bioprothèses avec armature.
Référence/Laboratoire Type Fixation Armature Anneau de suture Traitement
(date de la commercialisation) (tissu) anticalcification
Carpentier-Edwards Porcine Haute pression Elgiloy ® Intra-annulaire -
®
Standard (1975)
Epic™ (Saint Jude Medical) Porcine Pression « minimale » Polymère Bas profil Éthanol (Linx)
(ex Biocor™) Intra- ou supra-annulaire
Synergy ® (Mitroflow®) Sorin (1984) Péricardique Pression 0 Polyester (montage Intra- ou supra-annulaire -
extérieur du péricarde)
AOA : acides aminées oléique.
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Tableau 5.
Caractéristiques des principales bioprothèses sans armature.
Type (firme) Type/tissu Date d’introduction Fixation tissulaire Support de suture Traitement anticalcification
® ® ® ®
Prima I , II , + Porcine 1992 Basse pression Pièce de Dacron Polysorbate 80
(Edwards)
Deux inconvénients sont majeurs : l’encombrement dans la Cette valve ne comporte pas de sigmoïde musculaire, ni
voie d’éjection aortique (avec perte immédiate des avantages aucun tissu de renforcement.
hémodynamiques potentiels) et le risque d’altération à distance, Son insertion ne nécessite qu’une seule ligne de suture. Elle
à la fois du tissu valvulaire et du tissu aortique. est essentiellement implantée par deux équipes : Hvass,
Les bioprothèses sans armature actuellement disponibles sont Paris [71], O’Brien, Brisbane [12].
presque toutes des hétérogreffes porcines (hormis la valve Sorin Toronto SPV ® (Fig. 22). Développée sous l’impulsion de
Solo ® ), traitées par le glutaraldéhyde. Le conditionnement Tirone David [68], elle est fabriquée et distribuée par le labora-
tissulaire est comparable à celui des bioprothèses avec armature. toire SJM. Toute la surface externe de la valve est recouverte par
Les évaluations à long terme restent nécessaires pour ces une fine lame de Dacron ® de renforcement. Une variante
matériaux qui – s’ils peuvent ressembler à des homogreffes « culot aortique » est disponible.
– n’en restent pas moins des hétérogreffes avec les mêmes aléas L’intérêt hémodynamique de ces valves a été démontré [72].
de durabilité, etc. en ajoutant des difficultés chirurgicales Bioprothèse Edwards Prima® (Fig. 23). Développée par le
potentielles à ces réinterventions (calcifications du tissu laboratoire Edwards, elle reste disponible dans sa version 2
valvulaire, mais aussi du tissu aortique adjoint, etc.). (Prima plus®). Elle autorise plusieurs options d’implantation [69].
Une pièce de Dacron ® renforce le sinus coronarien droit
Caractéristiques des principaux modèles de bioprothèses sans
(correspondant à la cuspide musculaire de la valve porcine).
armature (Tableau 5)
Bioprothèse Freestyle® (Medtronic) (Fig. 24). Développée par
Stentless bravo 3000® (Fig. 21). Dessinée par O’Brien, elle est le laboratoire Medtronic, elle est conditionnée comme la
distribuée par le laboratoire Cryolife. Il s’agit d’une valve précédente, la présentation autorisant plusieurs techniques
porcine composite construite à partir de trois sigmoïdes non d’implantation [71]. L’intérêt hémodynamique a là aussi été
coronaires, fixées au glutaraldéhyde à pression 0. étudié [73], notamment dans les conditions d’exercice [74].
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Figure 23. Edwards Prima® (avec illustration des trois découpes possi-
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Tableau 6.
Performance des prothèses in vitro selon Marquez [94].
Tableau 7.
Performance des prothèses in vivo (valves porcines et péricardiques).
Modèle Références Diamètre valvulaire (mm)
19 21 23 25
Medtronic Mosaic® (porcine) Eichinger [101] 1,20 1,30 1,50 1,80
Corbibneau [50] NA 1,52 1,53 1,66
Seitelberg [96] NA 1,40 1,70 1,80
® [102]
Carpentier-Edwards Perimount (péricardique) Frater 1,30 1,50 1,60 1,80
Aupart [57] 1,08 1,30 1,40 1,50
Seitelberg [96] 1,30 1,40 1,70 1,80
Eichinger [101] - 1,44 1,94 -
Surface aortique effective en cm2 ; NA : non applicable.
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Figure 29. Encombrement valvulaire : aire géométrique et surface orificielle effective (d’après [95]). a : diamètre interne ; b : diamètre externe ; en orange :
EOA (effective orifice area) surfaces effectives.
A. Bioprothèse.
B. Valve mécanique.
Sur la Figure 29 sont bien représentés ces facteurs d’encom- fabrication, de manutention, de conditionnement ou de
brement valvulaire, avec différence entre l’aire valvulaire conception de certaines prothèses. Sur les valves actuelles, quel
géométrique et l’aire valvulaire effective, a priori plus impor- que soit le matériau (même le plus résistant comme le carbone
tante pour les bioprothèses avec armature que pour les prothè- pyrolytique), les charnières et les pivots des valves restent des
ses mécaniques. zones à risque. Dans l’histoire des valves, les principales
Les conséquences de ce PPM en clinique ont fait l’objet de détériorations structurelles ont été notées :
nombreuses publications récentes concernant la survie après • pour les valves à bille : maladie de la bille (celle-ci s’impré-
remplacement valvulaire : Blackstone [106], Pibarot [96], Botdzen- gnant de lipides et se fragilisant), déshabillage des cages
hardt [107], Blais et Dumesnil [108]. Il apparaît qu’en cas de PPM recouvertes de tissu : valves de Starr (séries 3000) et valves de
sévère, la mortalité périopératoire pourrait être significativement Braunwald-Cutter ;
accrue notamment chez les patients à mauvaise fonction • usure de disques pivotants ou oscillants en Delrin® (premier
ventriculaire gauche [109]. modèle de valve Björk-Shiley, valve de Beall, Starr à cage et à
disque), surtout rupture de zone de fragilité au niveau de
Résistance des matériaux – durabilité points de soudure, problème noté notamment avec la valve
de Björk-Shiley [20, 21] ;
De façon caricaturale, l’information véhiculée a souvent été • rupture d’ailettes de valve de bileaflet survenues pour le
réduite à présenter la bioprothèse comme ayant une durée de modèle Duromedics™, et pour seulement 10 cas rapportés
vie de 10 ans et à accorder à la valve mécanique l’éternité. La dans la littérature pour la prothèse SJM (aucun cas depuis
réalité est plus nuancée. 1991) ;
• problèmes de cavitation, et problèmes de cracks sur les valves
Durabilité des prothèses mécaniques en carbone pyrolytique, démontrés par Ritchie [110] et rappor-
Les matériaux intervenant dans la composition d’une valve tés au design de la valve.
possèdent des caractéristiques physiques différentes dont la Il n’en reste pas moins vrai que les prothèses mécaniques
complémentarité doit être recherchée. Des matériaux synthéti- actuelles ne posent en pratique plus de problème concernant la
ques (silicone, Téflon®, polyester) ont des performances remar- durabilité du biomatériau. Les dysfonctions de prothèses
quables pour des utilisations précises : notamment la collerette mécaniques observées actuellement sont le fait de problèmes
de suture. Les alliages et métaux légers (acier titane, titanium) thrombotiques ou liés à un développement de panus limitant le
sont très résistants à l’usure. jeu des mécanismes d’ouverture et d’occlusion (dysfonctions
Le carbone pyrolytique, utilisé pour la quasi-totalité des non structurelles). Rappelons aussi le problème lié à l’introduc-
valves actuellement, a une durée de vie estimée supérieure à tion d’argent dans les collerettes de suture (modèle SJM,
100 ans. Son taux d’usure clinique est infini, comparativement Silzone® [23, 24]).
aux méthodes de stress accéléré utilisées pour tester le matériau.
Son application aux valves est attribuée à Bokros [10] qui a Altération des bioprothèses
utilisé le brevet déposé par Carbomedics® pour la technologie Aléa majeur des bioprothèses, elle survient selon deux
du carbone pyrolytique, et ce pour plus de 12 millions de valves modalités différentes plus ou moins associées [7, 11] : la calcifica-
implantées à ce jour. tion tissulaire et la déchirure. Ce point est abordé dans la partie
Des détériorations « non liées directement aux matériaux » Résultat à long terme des remplacements valvulaires. Cependant, les
ont cependant été rapportées, compte tenu de défauts de études in vitro sur banc d’essai et les travaux expérimentaux
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doivent être résumés, ceux-ci s’attachant à réduire le stress à chiffrer notamment les risques majeurs : risques thromboem-
mécanique, à améliorer la fixation du tissu valvulaire et à boliques des prothèses mécaniques (et le risque associé hémor-
prévenir la calcification. ragique du traitement anticoagulant) et le problème des
détériorations structurelles des bioprothèses.
Stress mécanique
Des études sur banc d’essai ont permis d’expérimenter de
façon accélérée la survenue de détériorations liées aux contrain-
Méthodologie générale – « Guidelines »
tes mécaniques. La mise au point de stents flexibles (Elgiloy® Critères d’Edmunds [115, 116]
par exemple, pour la bioprothèse de Carpentier Edwards) ont
permis de réduire les contraintes notamment dans les zones Parmi les très nombreuses publications concernant les
commissurales et d’améliorer la dynamique du culot aortique. résultats à long terme des remplacements valvulaires, il apparaît
La flexibilité de l’armature diminuerait le choc en charge de fondamental de ne retenir que les publications qui se confor-
fermeture valvulaire (qui s’effectue en pression diastolique pour ment au Guidelines for reporting morbidity and mortality after
la position aortique, en pression systolique ventriculaire pour la cardiac valve operations. Les définitions et recommandations ont
position mitrale), le stent absorbant une partie de l’énergie de fait l’objet d’une première publication par Edmunds en
fermeture. 1988 [115], à la suite des travaux conjoints des deux principales
Pour toutes les bioprothèses avec armature, la zone de stress sociétés savantes américaines, l’American Association for
maximale est située très haut, à proximité des zones commissu- Thoracic and cardiovascular Surgery (AATS) et la STS, ainsi que
rales [41]. Les déchirures tissulaires sous-tendues par des ruptures la Société européenne de chirurgie cardiovasculaire (EACTS).
du tissu collagène surviennent principalement, dans cette zone. Ces critères ont été modifiés (mise à jour et clarification) et
Dans cette zone se fixe aussi de façon préférentielle le calcaire. publiés en 1996 par Edmunds [116] sous l’égide de ces trois
Le traumatisme du tissu valvulaire sur le tissu de recouvre- sociétés (AATS, STS, EACTS). Les différences concernent l’indi-
ment du bord de l’armature (en ouverture valvulaire) a aussi pu vidualisation des accidents de thrombose valvulaire (distincts
être responsable d’une altération prématurée du tissu des des accidents d’embolie) et des accidents hémorragiques, décrits
cuspides sur la surface de contact. La conception du montage par eux-mêmes (alors que dans les critères précédents il était fait
du tissu péricardique sur l’armature paraît très originale pour la état des accidents hémorragiques liés aux anticoagulants) : les
bioprothèse péricardique Périmount® (cf. supra), ce qui limite accidents hémorragiques sont donc imputés à la prothèse
les possibilités d’abrasion du tissu des cuspides le long du indépendamment des traitements anticoagulant ou antiagrégant
support métallique. prescrits. Soulignons dans ce cadre le côté pénalisant pour la
prothèse valvulaire de la comptabilisation de tous les accidents
Fixation du tissu valvulaire emboliques (dont le point de départ est souvent indépendant de
Il a été prouvé que les modifications de morphologie des la prothèse : oreillette gauche ectasique, plaque athéromateuse,
fibres de collagène constituées par la fixation sous pression des zone myocardique dyskinétique etc.). À l’inverse insistons sur la
valves pouvaient réduire la résistance à long terme des relative sous-évaluation des altérations structurelles, problème
bioprothèses. majeur des bioprothèses. Il serait nécessaire de disposer d’écho-
Pour la deuxième génération des bioprothèses, les techniques cardiographies qui devraient faire partie du bilan annuel de la
de fixation à basse pression se sont généralisées, avec mise au surveillance, faute de quoi certaines altérations peuvent être
point de méthodes de fixation à pression nulle [53] ce qui longtemps méconnues (notamment les évolutions sténosantes
permet de garder intacte la morphologie naturelle des feuillets, par calcification des cuspides).
comme en témoignent les études histologiques, la texture du
collagène restant identique à celle d’une valve aortique fraîche- Analyses : taux linéaires, courbes actuarielles
ment traitée. et « analyses réelles »
Processus de calcification Pour les événements étudiés, il est nécessaire de comparer les
Le mécanisme de la calcification apparaît chimique avec rôle taux linéaires, en sachant que la survenue des événements au
des aminoacides fixant le calcium (notamment acide cours du temps n’est pas toujours régulière : ainsi les accidents
gammacarboxyglutamique). thromboemboliques surviennent plus souvent dans la période
De nombreuses approches biochimiques ont été proposées d’installation du traitement anticoagulant (soit au cours des
afin de la prévenir : fixation covalente d’aminophosphate sur le premiers mois) ; à l’opposé les altérations des biomatériaux
glutaraldéhyde résiduel du tissu péricardique, utilisation d’un surviennent avec le temps et au bout de plusieurs années.
agent tensioactif (polysorbate [80] ) pour la bioprothèse de Les courbes de survenue dans le temps permettent une
Carpentier Edwards [11], utilisation d’un agent de surface (bleu évaluation des taux de sujets indemnes (de décès ou d’une
de toluidine pour la valve Intact®), et plus récemment utilisa- complication donnée) ; elles sont calculées selon la méthode de
tion des AOA-alpha qui se lient (liaison covalente par capsulage) Kaplan et Meïer, ou selon la méthode actuarielle bien codifiée
aux groupes d’aldéhydes [51, 52]. Enfin, certains processus sont depuis 1974 et largement exposée par Grunkemeïer et Starr dès
en cours de développement (pour exemple le no react associant 1977 [117].
glutaraldéhyde et héparine, utilisé pour la valve de Shelheigh®), Cette méthode actuarielle devient cependant discutable
et à valider par l’épreuve du temps. lorsqu’elle est appliquée à tous les événements non létaux
susceptibles de survenir dans le temps. Les mêmes auteurs
Grunkemeïer et Starr [118] ont fait remarquer dès 1994 que les
■ Résultats à long terme courbes de sujets indemnes d’un événement non létal, comme
l’altération d’une bioprothèse, surestiment le pourcentage des
des remplacements valvulaires valves qui vont réellement s’altérer car beaucoup de patients
Les résultats immédiats de la chirurgie valvulaire dépendent vont décéder avant la détérioration valvulaire. Le calcul actua-
des techniques utilisées [111], et surtout de l’indication [112] : riel (qui considère la valve) ne l’extrait pas du risque au cours
terrain, comorbidités, gestes associées au remplacement valvu- du temps alors même qu’elle est en réalité exclue par le décès
laire. Il ne sont donc pas envisagés ici ; le risque des remplace- (du patient).
ments valvulaires actuel étant bien établi par les grands registres Du point de vue du patient (estimation du risque réel de
de suivi, notamment le registre de la Society of Thoracic détérioration valvulaire), l’important est bien le risque de
Surgeon (STS) [113]. Les scores de risque préopératoires, très survenue avant le décès du patient (quelle qu’en soit la cause)
nombreux [112] se réfèrent le plus souvent à l’European System dénommé par Grunkemeïer « actual risk » [118].
for Cardiac Operative Risk Evaluation (Euroscore) [114], très utile Ainsi, dans les populations de sujets âgés (actuellement bons
pour chiffrer globalement le risque à l’étape préopératoire. candidats aux biomatériaux), les différences concernant les taux
Nous envisageons ici les problèmes de méthodologie générale actuariels et les taux « réels » peuvent apparaître importan-
visant à étudier les complications à long terme des prothèses, et tes [119]. De même, pour les accidents thromboemboliques, les
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Tableau 9.
Méta-analyse de Akins [30] sur cinq prothèses mécaniques en position aortique (Ao) ou mitrale (M).
Nombre de Dysfonction Thrombo- Thrombose Accidents Taux cumulés Endocardite Réopération
patients étudiés non embolisme valvulaire anticoagulants d’accidents
(année-patients structurelle hémorragiques et
de suivi) thromboemboliques
Ao M Ao M Ao M Ao M Ao M Ao M Ao M
Starr-Edwards 7 704 (37-479) 0,2 0,3 2,1 3,6 0,2 0,4 1,9 1,7 4,05 5,47 0,7 0,4 0,7 1
Medtronic Hall® 4 479 (18-004) 0,5 0,7 1,4 1,8 0,2 0,3 0,9 1,2 2,77 3,99 0,5 0,5 1,5 1,6
Saint-Jude- 9 514 (36-676) 0,4 0,6 2 2,5 0,2 0,2 2,2 1,7 4,28 4,16 0,4 0,4 0,4 0,6
Medical
Omniscience® 1 174 (2-612) 2,1 0,8 2,7 4,4 0,4 2,3 0,7 3,5 2,16 8,09 1,4 1,4 0,7 2,5
Carbomedics® 1 079 (2-656) 0,8 1,64 1,9 3,3 0 0,8 2,3 2,2 4,25 4,99 0,4 0,4 0,6 1,4
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3,0 3,0
transitoirement, en sachant toutefois qu’il ne met pas à l’abri
Risque hémorragique
totalement d’accidents de thrombose (non obstructive) de
(% par année)
(% par année)
2,5 2,5
bioprothèses qui pourraient faire le lit d’une dysfonction et
2,0 2,0 d’une « dégénérescence précoce » (par organisation de cette
thrombose). Il est admis dans les recommandations actuelles
1,5 1,5 que la période de trois mois d’anticoagulation par AVK recom-
mandée classiquement pour toute bioprothèse puisse être
1,0 1,0 remplacée par un traitement antiagrégant, en absence de
fibrillation auriculaire (FA) ou de risque thrombotique
0,5 0,5
associé [136].
0,0 0,0
1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5
Endocardites
INR (intensité de l'anticoagulation) Elles constituent la complication la plus redoutable du
Figure 30. Relation entre les niveaux d’anticoagulation (INR) et le taux remplacement valvulaire prothétique. Elles répondent aux
des accidents thromboemboliques et hémorragiques (d’après [30]). mêmes critères diagnostiques que les endocardites sur valve
native [137].
Ce risque est évalué dans la plupart des séries aux alentours
L’autocontrôle de l’anticoagulation semble un point fonda- de 0,5 % années-patient et en tous cas inférieur à 1 % années-
mental pour optimiser la stabilité du traitement anticoagulant, patient. Son incidence est maximale dans les trois premiers
données objectivées par les études de Korfer et Horstkotte [124, mois postopératoires (période où il s’agit alors d’endocardites
125] qui préconisent (en l’absence de facteur thromboembolique sévères).
majeur lié au patient), quelle que soit la position (aortique ou Le risque d’endocardite sur prothèse n’est pas plus élevé pour
mitrale) de la prothèse, une fourchette d’INR comprise entre les bioprothèses que pour les valves mécaniques, en sachant
2 et 3. toutefois que la greffe bactérienne peut se faire sur l’anneau de
Les techniques d’autocontrôle bien développées en Allema- suture (désinsertion septique) ou sur les tissus biologiques de la
gne [130] ont permis d’insister sur l’intérêt de la généralisation de bioprothèse (fuite intraprothétique).
cette procédure [131, 132] qui permet une amélioration de la Ces endocardites sur prothèses révèlent ici une gravité
qualité de vie à long terme [133]. Une étude multicentrique majeure, surtout pour les endocardites postopératoires précoces,
française entrant dans le cadre d’un soutien aux thérapeutiques et les endocardites à staphylocoques [138]. La chirurgie itérative
innovantes coûteuses (STIC) est actuellement en cours de est le plus souvent nécessaire [139]. La mortalité reste très élevée :
réalisation. 30 % à 80 % pour les formes précoces, 20 % à 40 % pour les
formes tardives.
Accidents hémorragiques Leur prévention fondamentale répond à des recommanda-
tions bien codifiées, l’éducation des médecins et patients étant
Les accidents hémorragiques regroupent tous les saignements fondamentale [137].
en rapport ou non avec le traitement anticoagulant et respon-
sables d’une hospitalisation et/ou d’une incapacité permanente Dysfonctions non structurelles (« non
et/ou d’une transfusion et/ou conduisant à un décès.
L’analyse des accidents hémorragiques pour les prothèses
structural valve dysfunction » [NSVD])
mécaniques nécessite une approche rationnelle basée sur le type Elles regroupent toutes les anomalies conduisant à un
de prothèse mais aussi sur l’ensemble des risques propres au dysfonctionnement de la valve (sténose ou régurgitation) et qui
patient lui-même. La prévention des accidents thromboemboli- ne sont en rapport ni avec la valve proprement dite ni avec une
ques doit être associée au souci de limiter les accidents hémor- thrombose ou une infection. Ce sont des complications liées
ragiques iatrogènes. Les phases les plus critiques sont la période soit à la technique chirurgicale, soit aux conditions particulières
postopératoire immédiate et la phase d’équilibration qui doit des tissus de suture [140] notamment fragilité des grands
être adaptée au patient, au nombre de prothèses et à leur site anneaux dilatés ou difficulté de suture sur des calcifications
d’implantation. La Figure 30 représente la zone thérapeutique extensives des anneaux valvulaires et des structures adjacentes.
idéale d’après Akins [30]. Ce schéma objective clairement le Il s’agit avant tout actuellement des fuites paravalvulaires
croisement des courbes de risque, thromboembolique d’une part (désinsertions aseptiques) ou plus rarement de blocages (entrap-
et hémorragique d’autre part. pement) par un panus (fibrose organisée limitant dans le jeu des
Le taux d’accidents hémorragiques est dans la plupart des mécanismes d’occlusion valvulaire), ou exceptionnellement par
séries compris entre 1,2 % et 3,9 % années-patient. Ces acci- des fils de suture ou des noyaux calcaires. Il peut encore s’agir
dents sont liés à la qualité du traitement anticoagulant (niveau de malpositions chirurgicales (surdimensionnement) ou de
d’anticoagulation, stabilité de l’anticoagulation, qualité de la fuites résiduelles (défaut d’insertion).
surveillance). Les différences tiennent plus (actuellement) au Ces fuites peuvent être à l’origine d’une hémolyse (anémie
patient (âge, comorbidités) qu’aux prothèses. hémolytique). Sous ce terme on exclut l’hémolyse physiologique
En ce qui concerne les bioprothèses, et dans toutes les séries, infraclinique de toute valve mécanique, rencontrée surtout dans
le taux des accidents hémorragiques apparaît faible, compris les petits diamètres valvulaires et après remplacements valvulai-
entre 0,2 et 1,2 % années-patient avec un chiffre moyen de res multiples. Cette hémolyse infraclinique biologique est
0,5 % années-patient. Les accidents sont plus fréquents chez les évaluée par la mesure du taux des réticulocytes (régénération
sujets âgés et surtout lorsqu’un traitement anticoagulant est sanguine) et par le dosage des enzymes (LDH et isoenzymes).
prescrit pour des indications rythmologiques (arythmie com- Aucun modèle valvulaire actuel n’est à l’origine d’anémie
plète) ou vasculaires (pathologies associées). hémolytique hors dysfonctionnement par fuite paravalvulaire,
Pour les bioprothèses, la nécessité du traitement anticoagu- parfois relativement limitée mais responsable d’un jet à grande
lant au cours des trois premiers mois postopératoires semble vélocité sur une structure rigide (anneau valvulaire, zone
devoir être reconsidérée [134] pour deux raisons principales : calcifiée, etc.).
d’abord parce que la plupart des accidents hémorragiques Selon les types de prothèse, les sites d’implantation et les
surviennent pendant la phase d’équilibration du traitement conditions anatomiques de mise en place, ces dysfonctionne-
anticoagulant, mais aussi parce que de nombreux patients sont ments structurels varient de 0,2 % à 2 % années-patient. Ainsi,
18 Cardiologie
Prothèses valvulaires cardiaques ¶ 11-013-A-30
Tableau 10.
Taux d’altération à 15 ans des bioprothèses aortiques. Rôle de l’âge à
l’implantation d’après Jamieson (J Heart Valve Dis, 2000).
Âge Survie Taux indemnes à 15 ans (%)
(années) (%)
Mortalité liée à la valve SVD
Méthode actuarielle Méthode
(« réelle ») actuarielle
(« réelle »)
21 - 40 74,2 94,1 (94,5) 28,8 (38,2)
41 - 50 57,3 82,8 (86,5) 37,3 (52,5)
51 - 60 51,8 84,4 (87,9) 46,8 (62,5)
61 - 70 30,9 79,3 (86,9) 79,0 (88,1)
> 70 18,1 72,8 (84,9) 86,3 (96,1)
Figure 31. Dégénérescence de bioprothèse porcine (associant calcifi-
cation et déchirure valvulaire) (A, B). Les altérations (structural valve deterioration [SVD]) correspondent aux patients
réopérés pour altération. Les taux actuariels permettent de comparer les valves.
Les taux « actuels » ou « réels » (entre parenthèses) permettent d’informer chaque
patient sur son risque réel de réopération (cumul événement/décès).
pour Grunkemeïer [15] , elles apparaissent comparables en
position aortique et en position mitrale, avec, pour les seules
fuites paravalvulaires, un risque de 0,03 % à 0,01 % années- Tableau 11.
patient. Peterseim [126] dans son étude comparative entre la Taux actuariel à 15 ans des bioprothèses mitrales. Rôle de l’âge à
bioprothèse de Carpentier-Edwards, et la valve mécanique SJM l’implantation d’après Jamieson (J Heart Valve Dis, 2000).
rapporte des taux linéarisés respectivement de 1 % et 0,7 % Âge Survie Taux des sujets indemnes à 15 ans (%)
années-patient. (années) (%)
Mortalité liée à la valve SVD
Détériorations structurelles (« structural Méthode actuarielle Méthode
(« réelle ») actuarielle
valve deterioration » [SVD]) (« réelle »)
Elles représentent le problème majeur des bioprothèses [41] (cf. 21 - 40 63,2 78,1 (81,8) 6,1 (25,7)
supra). 41 - 50 46,7 68,3 (77,7) 8,0 (32,3)
Modalités de survenue 51 - 60 35,6 69,0 (79,6) 22,3 (53,7)
61 - 70 16,1 59,5 (79,5) 32,6 (71,0)
L’altération d’une bioprothèse survient selon deux modes
> 70 2,8 26,1 (82,0) 83,4 (93,3)
différents plus ou moins associés : la calcification et la déchirure
valvulaire avec des fréquences différentes selon les modèles de Les altérations (structural valve deterioration [SVD]) correspondent aux patients
bioprothèses considérés (Fig. 31). réopérés pour altération.
Pour les bioprothèses porcines, le mécanisme majeur est la
calcification du tissu valvulaire à laquelle s’associe à un degré
plus ou moins important une déchirure valvulaire. Le processus apparaît clairement que l’âge d’implantation a un rôle détermi-
de calcification est particulièrement rapide chez l’enfant et chez nant, le site d’implantation ayant aussi une importance signifi-
l’adulte jeune (métabolisme phosphocalcique). Ainsi, pour les cative. Le calcul actuariel donne des chiffres plus élevés que le
bioprothèses porcines, le tableau clinique est le plus souvent taux réellement observé (actual risk), représentant le cumul entre
celui d’une pathologie mixte sténosante et fuyante (70 %) ; la les altérations observées et les décès du patient (avant l’altéra-
dysfonction prothétique survenant progressivement, la prise en tion), quel qu’en soit la cause (cf. supra).
charge chirurgicale peut être effectuée hors contexte d’urgence. Site d’implantation
Signalons cependant des possibilités d’altération rapide en cas
de « décrochage commissural » [43]. La détérioration dans la quasi-totalité des séries (pas celle de
Pour les bioprothèses péricardiques de Carpentier, dans les Myken [55] ) apparaissait beaucoup plus rapide en position
grandes séries rapportées par Jamieson [47] et par l’équipe de mitrale. La pression de fermeture exercée sur les valves est
Marchand [57, 61], les déchirures apparaissent beaucoup plus l’explication la plus couramment avancée : la valve aortique se
rares (notamment en raison de la conception originale de la ferme progressivement sous la charge de la pression diastolique
fixation des cuspides à l’intérieur du stent). Le tableau clinique de l’aorte alors que la valve mitrale se ferme brutalement sous
est beaucoup plus souvent celui d’une sténose pure (70 %). l’effet de l’onde de choc liée à la montée en pression systolique
Ce phénomène a été particulièrement souligné par l’étude du ventricule gauche. De plus, les bioprothèses mitrales sont de
comparative sur les bioprothèses mitrales [45, 60] et permet type « aortique inversé » sans appareil de suspension. Les
d’insister sur la nécessité d’une surveillance échographique données bien étudiées par Jamieson [60] sont objectivées en
rigoureuse, le diagnostic de bioprothèse sténosante étant moins comparant les Tableaux 10 et 11.
évident cliniquement que celui d’une pathologie fuyante ou
mixte. Analyse de durabilité
Elle doit tenir bien sûr compte de tous ces facteurs : âge, site
Facteurs de survenue d’implantation, mais aussi de contextes particuliers telle
Deux sont essentiels : l’âge et le site d’implantation de la l’insuffisance rénale avec trouble du mécanisme phosphocalci-
prothèse. que favorisant la calcification.
Les résultats obtenus pour les bioprothèses porcines de
Âge
deuxième génération ne diffèrent pas fondamentalement de
Il est apparu très vite comme un facteur déterminant [44]. La ceux qui étaient notés pour les bioprothèses de première
bioprothèse avait pu apparaître (au début de son utilisation) génération telle la Carpentier-Edwards Standard® [43, 44, 141],
comme un substitut valvulaire de choix chez l’enfant afin notamment lorsqu’on intègre les modifications de population
d’éviter l’anticoagulation, etc. Dans ce cadre les détériorations se actuelle : moyenne d’âge plus élevée pour les bioprothèses de
sont manifestées très précocement conduisant à stratifier le deuxième génération implantées de façon plus récente que les
risque par classe d’âge, d’abord par Carpentier [11], puis par premières générations [119, 120] : si l’on compare les séries de
Jamieson sur la bioprothèse de CE-SAV® (Tableaux 10, 11). Il façon stricte (âge moyen, comorbidités, site d’implantation, type
Cardiologie 19
11-013-A-30 ¶ Prothèses valvulaires cardiaques
Tableau 12.
Remplacement valvulaire aortique chez des personnes âgées opérées : taux actuariel de sujets indemnes d’altération (entre parenthèse, « calcul réel »).
Résultats à 15 ans
Référence Prothèses (période Nombre Survie Indemnes d’altération
d’implantation)
(%) Taux actuariel Taux « réel »
Porcines Centre hospitalier Carpentier-Edwards Supra 809 11,7 90,5 96,5
universitaire de Rennes annulaire®
1983-1994
20 Cardiologie
Prothèses valvulaires cardiaques ¶ 11-013-A-30
0 5 10 15 20
Années A ■ Choix des matériaux – tendances
%
actuelles
100
Les choix en matière de remplacements valvulaires se situent
en retrait par rapport aux possibilités de conservation valvulaire
80 (plasties) qui doivent toujours être envisagées en priorité.
Ces critères d’indication ont fait l’objet de recommandations
récemment revisitées [151-154] , lesquelles intègrent tous les
60 résultats préalablement exposés [155-159] en tenant beaucoup plus
compte actuellement de la notion d’information du patient.
D’une façon générale les biomatériaux présentent l’avantage
essentiel de ne pas nécessiter (pour eux-mêmes) de traitement
40
anticoagulant, leur limite majeure étant leur durabilité. À
l’opposé les prothèses mécaniques présentent un avantage
majeur en matière de durabilité, mais les contraintes du
20 traitement anticoagulant, même optimisé, restent la principale
limite d’utilisation.
Le Tableau 13 résume les caractéristiques de chacun des types
0 de matériau, le choix dépendant de critères liés au patient.
0 5 10 15 20
Années B Critères de choix
Figure 32. Taux de patients indemnes d’altération (d’après [84]).
Ils se déclinent selon trois critères majeurs : l’âge, le siège
A. Homogreffes. d’implantation, la prise en compte de circonstances
B. Hétérogreffes. particulières.
Âge
(première décade d’étude) à plus de 70 ans (dernière décade). De
même le choix de la prothèse s’est adapté aux résultats cliniques Le choix de la bioprothèse est légitime chez le sujet âgé [158],
observés au cours du temps : implantation de prothèses méca- en tenant compte des comorbidités (incidence sur la durée de
niques chez les sujets jeunes (âge moyen 57 ans) et bioprothèses vie et sur les thérapeutiques à associer) et de l’espérance de vie
chez les sujets âgés (âge moyen 74 ans). Ainsi, des courbes de du patient (à intégrer la différence d’espérance de vie de
mortalité qui peuvent sembler différentes en première lecture l’homme et de la femme). D’une façon générale actuellement la
(p > 0,0001) deviennent identiques pour les deux matériaux de frontière acceptable entre les priorités données aux matériaux
substituts valvulaires (valves mécaniques ou bioprothèses) si l’on mécaniques et aux biomatériaux semble se situer autour de
utilise un test adapté (test de régression à deux facteurs de Cox). 65 ans (ou plutôt en pratique dans la fourchette 60-70 ans).
Cardiologie 21
11-013-A-30 ¶ Prothèses valvulaires cardiaques
22 Cardiologie
Prothèses valvulaires cardiaques ¶ 11-013-A-30
Tableau 14.
Le choix d’une valve (recommandations American College of Cardiology (ACC)/American Heart Association (AHA) 2006).
Type Mécanique Biologique
Classe I RVA (si valve mitrale mécanique en place) RVA ou RVM si contre-indication au traitement anticoagulation (ou difficultés
particulières à l’anticoagulation)
Classe II a RVA < 65 ans (sans contre-indication aux RVA > 65 ans (sans risque TE particulier)
anticoagulants)
RVM < 65 ans (avec FA ancienne) RVM > 65 ans
Classe II a « variante » La préférence du patient est un aspect à prendre en considération pour des raisons de qualité de vie (style de vie) après large
information sur les rapports risques-bénéfices : anticoagulation versus intervention itérative.
RVA < 65 ans
RVM < 65 ans (si rythme sinusal)
Classe II b RVA : la bioprothèse peut être raisonnable chez une femme désireuse de
grossesse
RVA : remplacement valvulaire aortique ; RVM : remplacement valvulaire mitral ; TE : thromboembolique ; FA : fibrillation auriculaire.
• chez une femme jeune désireuse de grossesse. plus de remplacements valvulaires proprement dits, mais de la
mise en place de valves, avec « effacement » de la valve native
Deux points particuliers altérée). C’est à des malades présentant de très hauts risques
chirurgicaux que ces techniques naissantes, réputées moins
En matière de prothèses mécaniques
invasives s’adressent. Elles restent du domaine de l’évaluation.
Une recommandation d’adjonction d’aspirine en plus des Les cas rapportés restent rares et sélectionnés. De nouvelles
anticoagulants est présente pour les recommandations améri- études prospectives sont nécessaires pour les évaluer correcte-
caines [152] alors que limitée aux seuls patients à haut risque ment avant de conclure à leur bénéfice en usage clinique.
thrombogène dans les recommandations françaises [151] ou
européennes [153], ce qui semble l’attitude logique à respecter,
afin de limiter les risques hémorragiques ainsi que l’a souligné
Rappel historique
le récent commentaire de G. de Gévigney au nom du groupe de
De la chirurgie valvulaire au remplacement
la Société Française [154].
valvulaire orthotopique percutané chez l’animal
En matière de biomatériaux
L’idée d’implanter des prothèses valvulaires cardiaques sans
Il faut noter le net recul de la place des homogreffes du fait ouvrir le thorax des malades n’est pas récente et les premières
de leur altération. Leur usage est quasiment réservé aux cas expériences de remplacement valvulaire percutané ont débuté
d’endocardites actives et extensives (et uniquement sur prothèse au milieu des années 1960. Ces travaux ont évolué rapidement
pour les recommandations américaines). dans la dernière décennie du fait des avancées technologiques
réalisées dans les procédures percutanées et le matériel
En pratique endovasculaire.
Toutes ces données devront être modulées en fonction des Le premier à avoir rapporté ses travaux sur la valve aortique
évolutions potentielles concernant chaque type de matériaux. percutanée est Davies en 1965 [168]. Mimant l’opération de
Pour les prothèses mécaniques, les améliorations à attendre Hufnagel [1], il développa la première valve aortique montée sur
viendront du traitement anticoagulant : niveau d’anticoagula- un cathéter de 5 French (F). La valve, en forme de parachute,
tion, qualité du suivi (autocontrôle), nouvelles molécules, etc. .
était introduite dans l’aorte thoracique descendante de chiens
Pour les biomatériaux, des progrès en matière de technologie en insuffisance aortique expérimentale, par voie rétrograde
(gommant l’avantage hémodynamique résiduel des prothèses fémorale.
mécaniques) et surtout du traitement des tissus aboutissant à Moulopoulos testa in vivo, sur 17 chiens, deux différents
une longévité accrue (choix du matériau, traitement initial, prototypes de valve aortique percutanée en polyuréthane, et
procédés limitant la calcification) sont attendus. publia ses résultats en 1971 [169].
Les valves testées étaient positionnées dans l’aorte ascen-
dante, en position sus-coronaire et corrigeaient efficacement
■ Évolutions actuelles : vers une insuffisance aortique expérimentalement induite. Phi-
lipps [170] rapporta des résultats similaires en 1976 avec l’usage
les valves dites « percutanées » d’un cathéter valvé en position supracoronaire. Mais ce sont les
travaux menés par Andersen qui, en 1992, établirent véritable-
En matière de chirurgie valvulaire, les tendances chirurgica- ment la faisabilité du remplacement valvulaire percutané [171].
les [160, 161] sont résolument moins invasives : En effet, pour la première fois, une valve aortique porcine fut
• développement prioritaire de toutes les techniques de chirur- implantée en position orthotopique de façon non chirurgicale.
gie conservatrice des valves [160, 161, 164] ; À la différence des travaux menés jusqu’alors (implantation
• approche chirurgicale dite moins invasive avec plusieurs temporaire), la procédure utilisée devait permettre une implan-
facteurs d’amélioration : tation permanente de la valve. Ses travaux montrèrent égale-
C voies d’abord limitées [165], ment un des dangers de l’implantation sous coronaire :
C chirurgie vidéoassistée [166], l’oblitération des ostias coronaires, par le système d’implanta-
C circulation extracorporelle périphérique [167], tion lui-même ou par les feuillets de la valve native, refoulée
C apport de la robotique [167] ; contre la paroi aortique.
• enfin et surtout, développement des approches endovasculai- Bonhoeffer [172] rapporta en 2000 des travaux sur le rempla-
res pour mise en place de valves dites « percutanées ». cement valvulaire percutané de la valve pulmonaire. Sur un
De nouvelles procédures dites « percutanées » permettent modèle animal (11 moutons), il établit la faisabilité d’une telle
l’implantation des valves aortique ou pulmonaire (il ne s’agit procédure. La valve testée était un segment de veine jugulaire
Cardiologie 23
11-013-A-30 ¶ Prothèses valvulaires cardiaques
24 Cardiologie
Prothèses valvulaires cardiaques ¶ 11-013-A-30
Difficultés techniques
Il existe de nombreux problèmes techniques à résoudre pour
parvenir au stent valvé optimal utilisable en clinique humaine.
Voie d’abord
Elle n’est pas univoque. L’abord vasculaire périphérique doit
être de bon calibre du fait des cathéters utilisés (difficultés
potentielles en pédiatrie ou sur des artères calcifiées du sujet Figure 36. Voies d’abord.
âgé). A. Transseptale.
Cet abord est variable selon les équipes et la valve à rempla- B. Fémorale rétrograde.
cer (aortique ou pulmonaire) mais comporte ses complications C. Transapicale.
propres (plaie, dissection, ischémie, hémorragie, etc.). L’appro-
che de la valve aortique peut être faite de matière rétrograde
(via l’artère fémorale) ou antérograde (via la veine fémorale et
une voie transseptale). Cribier [181], cette approche est difficile et requiert une techni-
Rappelons ici les différentes voies d’abord utilisable pour la que endovasculaire avancée. La ponction puis la dilatation
valve aortique (Fig. 36). transseptale, exposent au risque de tamponnade, et le passage
Voie fémorale antérograde (Fig. 36A) du guide utilisé pour cette procédure peut blesser la valve
mitrale ou occasionner, par sa boucle et son trajet, une fuite
Elle permet l’implantation via la veine fémorale et par une mitrale massive mal tolérée chez ces patients fragiles. De plus,
approche transseptale. L’abord de la valve aortique se fait alors des arythmies atriales et ventriculaires sont fréquentes. Cette
de façon antérograde, dans le sens du flux sanguin. Historique- approche semble désormais moins employée, au profit des voies
ment privilégiée pour les premières implantations réalisées par fémorale, rétrograde ou transapicale.
Cardiologie 25
11-013-A-30 ¶ Prothèses valvulaires cardiaques
Voie fémorale rétrograde (Fig. 36B) De nouvelles approches sont à l’étude pour répondre à ces
principaux obstacles techniques :
Elle permet l’implantation d’une valve aortique via l’artère
fémorale. Cette approche (Seldinger) est similaire à celle utilisée • ablation transluminale de la valve native et de ses calcifica-
pour les coronarographies, la mise en place d’endoprothèses tions [195] ;
aortiques ou l’implantation d’une contrepulsion. • utilisation de filtres pour récupérer les emboles éventuels ;
Si des résultats encourageants ont été rapportés [183], l’athé- • nouveaux systèmes permettant un repositionnement du stent
rome, les calcifications artérielles, le diamètre et la sinuosité des valvé si la position d’implantation est inadéquate [178].
vaisseaux en sont les principales limites, notamment chez des
sujets âgés.
Perspectives de développement
Voie transapicale [184, 186]
Si la faisabilité de ces procédures est admise, les questions
Elle permet un accès direct et rapproché de l’anneau aortique majeures de reproductibilité et de fiabilité restent totalement à
via l’apex cardiaque (Fig. 36C). Cette voie d’abord chirurgicale démontrer. Il est désormais essentiel d’évaluer correctement ces
nécessite une courte thoracotomie gauche. L’implantation de la nouvelles procédures par des essais prospectifs contrôlés, tels
valve se fait à cœur battant, dans le sens antérograde (sans que l’ont récemment recommandé aux États-unis les sociétés
usage de circulation extracorporelle). La courte distance reliant savantes [196-198] : STS, AATS, et SCAI. Notre enthousiasme
l’apex du ventricule gauche à l’anneau aortique favoriserait en collectif pour ces nouvelles techniques (qui doivent être moins
théorie la précision de déploiement du stent valvé. invasives) ne doit pas nous faire oublier la nécessité d’une
approche rigoureuse et scientifique qui doit intégrer :
Matériau du substitut valvulaire • la nécessité d’une évaluation stricte, objective, prolongée des
patients ayant bénéficié de la procédure ;
La confection d’une valve percutanée nécessite un attache-
• la sélection de patients à haut risque chirurgical (score de
ment optimal de la valve au stent. La valve doit rester compé-
tente malgré sa compression pour passer dans un cathéter, puis risque) mais pouvant bénéficier de la procédure en termes de
sa réexpansion brutale lors de l’implantation. Seules des valves qualité de vie ;
biologiques, donc avec une longévité limitée, suturées dans un • la prise en compte de données anatomiques précises, aussi
stent autoexpandable ou expandable avec un ballon ont été bien pour l’abord (calcifications artérielles ou à l’opposé
étudiées. À ce jour, il n’existe pas de valve mécanique implan- thorax hostiles) que pour la valvulopathie à traiter (calcifica-
table de manière percutanée, même si des travaux expérimen- tions extensives ou massives) ;
taux ont été rapportés [188]. • la réalisation par un nombre limité d’équipes médicales et
chirurgicales, rodées tout autant au remplacement valvulaire
Positionnement de la valve chirurgical qu’à la pratique endovasculaire de valvulopathie
ou de mise en place de stents artériels ;
Le stent doit assurer un ancrage fiable sans léser l’aorte ou • l’environnement chirurgical et radiologique (vers des salles
l’artère pulmonaire, selon le site de délivrance. De dessin hybrides), la qualité de l’imagerie, dans le cadre de ces
approprié, parfois armé de crochets, il ne doit pas migrer après procédures, étant fondamentale.
implantation. Cette complication gravissime a déjà été Des études se mettent ainsi en place, déclinant les impératifs
rapportée [189]. de sélection de réalisation et de suivi dans un cadre éthique
L’appareil mitral (grande valve) peut aussi être lésé lors d’un strict, le remplacement valvulaire chirurgical restant le gold
remplacement valvulaire aortique du fait de sa proximité avec standard.
la valve aortique. .
26 Cardiologie
Prothèses valvulaires cardiaques ¶ 11-013-A-30
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Leguerrier A., Flecher E., Fouquet O., Lelong B. Prothèses valvulaires cardiaques. EMC (Elsevier Masson
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