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Sémantique linguistique
et logique
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Collection dirigéepar GuySerbat


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Linguistique nouvelle

Sémantique linguistique
et logique
Unexemple: la théorie deR. Montague

MICHEL GALMICHE

Presses Universitaires de France


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Que soient remerciés tous ceuxqui, à des titres divers, m'ont apporté
leur concours dans l'élaboration et la réalisation définitivedecetouvrage,
en particulier : Paul Gochet, Georges Kleiber, Robert Martin, Frédéric
Nef, Rémy Porquier, Guy Serbat. Qu'il mesoit permis, à cette occasion,
d'exprimer une pensée toute particulière à la mémoire de Michel Colin
avec qui j'avais souvent évoqué le travail en cours.

ISBN 2 13 042957 2
ISSN 0292-4226
Dépôt légal— I édition : 1991, février
© Presses Universitaires de France, 1991
108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
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Symboles et abréviations

∀ Quantificateur universel
3 Quantificateur existentiel
¬ Négation
& Conjonction
V Disjonction inclusive
W Disjonction exclusive
— Implication
≡ ou ↔ Equivalence (condition nécessaire et suffisante)
ε Appartenance
∩ Intersection
Ø Ensemble vide
□ « Il est nécessaire que »
< « Antérieur à »
λ Opérateur lambda (ou opérateur d'abstraction)
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Opérateur d'intension
Opérateur d'extension
SM Sémantique de Montague
SG Sémantique générative
SI Sémantique interprétative
EFL « English as a Formai Language » (voir bibliographie)
PTQ « Proper Treatment of Quantification » (id.)
DWP Dowty, Wall & Peters (id.)
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Introduction

S'il est un fait marquant de l'évolution de la description lin-


guistique, depuis que cette discipline a acquis une relative auto-
nomie, c'est son intégration progressive de toute une problématique
relative au « sens » (ou à la signification), ce que recouvre le terme
général de sémantique. D'abord exclue, celle-ci figure aujourd'hui
parmi les éléments décisifs dans l'âpre concurrence que se livrent
les diverses théories.
Comment concevoir le sens? Comment l'appréhender, comment
le décrire? A quelles formes linguistiques accorder du sens?
Comment articuler la prise en compte du sens avec les descriptions
formelles développées jusqu'alors? Autrement dit, comment orga-
niser une théorie sémantique?
La rapidité de cette « irruption » des préoccupations sémanti-
ques ne doit pas cacher l'aspect très controversé du domaine abordé,
et il devient de plus en plus difficile d'isoler des éléments qui joue-
raient le rôle de repères ou de fil conducteur dans les réponses
(ou les esquisses de réponses) que l'on a pu apporter à toutes ces
questions.
Il est, en tout cas, un aspect de cette évolution sur lequel on
voudrait attirer l'attention dans la mesure où il apparaît, à la fois,
de manière sporadique, mais suffisamment régulière, pour consti-
tuer un vecteur déterminant : la construction des théories séman-
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tiques —quel que soit le point de vue adopté —a fini par faire
appel, de manière croissante, à une discipline apparemment étran-
gère aux préoccupations de la linguistique moderne, à savoir la
logique.
Encore faut-il s'entendre sur le rôle qui est dévolu à la logique
au sein des théories. Un rapide panorama historique pourra nous
y aider.
L'aspect qui nous intéresse ici ne doit pas être confondu avec
ce recours pratique (et souvent éclairant) dans l'argumentation,
l'organisation d'une théorie ou la description métalinguistique : la
logique, dans ce cas, peut contribuer à la rigueur méthodologique.
En effet, une argumentation logique est toujours préférable à une
évocation impressionniste; de même, c'est un souci de cohérence
logique qui permet à la Glossématique de Hjelmslev d'acquérir le
statut de véritable théorie; enfin, une simple description métalin-
guistique peut très bien emprunter son formalisme à la logique,
elle y gagne en rigueur et en lisibilité. Ainsi, la sémantique structu-
rale, « sémantique du mot », propose des décompositions lexicales
en termes de traits sémantiques du genre : femme = {+ Humain,
- Mâle, + Adulte]. Or, il est tout à fait possible de présenter
ce résultat sous la forme d'une conjonction logique : femme :
[Humain & ¬ Mâle & Adulte], ce qui permet d'exprimer sim-
plement :
a) que tous les traits doivent être présents (une conjonction n'est
vraie que si tous les termes conjoints sont vrais), et :
b) que les traits sont non ordonnés (l'opération de conjonction
est commutative).
De même, la relation d'hyponymie se traduit aisément par l'impli-
cation : ∀x femme (x) →adulte (x) signifie que « pour tout x, s'il
s'agit d'une femme, alors c'est un adulte ». Cette démarche n'est
d'ailleurs pas réservée au seul domaine sémantique, elle peut
s'appliquer avec profit à l'expression des propriétés phonologiques

1. Les relations entre grammaire et logique sont pourtant anciennes comme en témoi-
gnent la philosophie scolastique au Moyen Age ou la Grammaire de Port-Royal à la
période classique.
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(/b/ : occlusif &bilabial &sonore), morphologiques (le graphème


pluriel des noms français est : s w x w Ø ; « w » étant le « ou »
exclusif) ou syntaxiques (en français, on peut trouver des adjectifs
avant ou après le nom : Adj. AnteNominal v PostNominal, « v »
étant le « ou » inclusif signifiant « et/ou »). Elle est, en outre,
indépendante du modèle théorique choisi.
Toute autre est la perspective qui nous intéresse, à savoir l'intro-
duction de la logique DANSl'analyse sémantique proprement dite.
On peut, en fait, la situer autour d'un point de rupture : le passage
d'une « sémantique du mot » à une « sémantique de la phrase ».
Ce raccourci ne doit pas abuser : ce passage étant le résultat d'un
parcours sinueux, souvent opaque, voire paradoxal.
L'un des premiers paradoxes vient de ce que la sémantique de
la phrase s'origine dans une attitude théorique qui se caractérise
par un écart des considérations relatives au sens. Le projet de gram-
maire générative et transformationnelle de Chomsky (1957), en même
temps qu'il impose la phrase comme l'objet linguistique privilégié
—une grammaire étant conçue comme un système de règles capable
de générer les phrases grammaticales d'une langue —, s'affirme
comme ne devant en aucun cas prendre en compte des observa-
tions d'ordre sémantique. Sans doute s'agit-il là, avant tout, d'un
engagement à l'égard d'une certaine prudence méthodologique,
comme on le voit au détour de cette note de l'auteur :
« Une partie de la difficulté que l'on rencontre avec la théorie du
sens vient de ce que "sens" tend à être utilisé comme un terme passe-
partout comprenant tous les aspects du langage que nous connaissons
très mal » (p. 113).
ou dans l'énoncé de ce principe :
« On définira de la meilleure manière la grammaire comme une étude
autonome, indépendante de la sémantique » (p. 117).
En revanche, il n'est pas exclu que ce parti pris a-sémantique
puisse apporter quelque éclairage sur des questions relatives au sens
ou à la compréhension des phrases :
« Enfin nous verrons que cette recherche purement formelle comporte
certaines implications intéressantes pour les études sémantiques » (p. 14).
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Rien là de très étonnant dans la mesure où la principale inno-


vation revendiquée par Chomsky, à cette époque, est l'introduc-
tion d'un appareil transformationnel. Or, cet appareil, destiné, en
principe, à simplifier la description et les mécanismes de généra-
tion, joue, comme par hasard, le rôle de révélateur à l'égard de
phénomènes qu'on ne saurait qualifier autrement que de sémanti-
ques. C'est le cas, par exemple, de la transformation passive qui,
certes, permet d'éviter que ne soient formulées deux fois les res-
trictions imposées par le verbe sur la sélection des noms devant
figurer à sa droite et à sa gauche :
(1) a. Paul admire la sincérité.
b. * La sincérité admire Paul.
c. La sincérité est admirée par Paul.
d. * Paul est admiré par la sincérité.
mais dont le mérite, non explicite, est de mettre en relation des
phrases ayant même signification. Plus nettement encore, la struc-
ture dite « transformationnelle » se fait fort de régler les cas
d'homonymie de construction. Or, qu'est-ce qu'une homonymie
de construction, sinon une forme ambiguë? c'est-à-dire une forme
qui s'interprète de deux manières différentes. Ainsi, l'ambiguïté de :
(2) l'amour du prochain.
peut être expliquée grâce au fait que les transformations s'appli-
quent à deux « noyaux » différents :
(3) (nous) aimons le prochain / le prochain (nous) aime.
de sorte qu'on est amené, tout naturellement, à admettre la conclu-
sion suivante :
« En fait il n'est pas sûr qu'il existe des homonymies de construction
au niveau purement syntagmatique, une fois qu'une grammaire transfor-
mationnelle est développée » (p. 95).
En dépit de certaines réserves hautement proclamées, la séman-
tique de la phrase est, en somme, déjà en germe dès cette première
étape de construction du modèle génératif; les développements ulté-
rieurs en sont une preuve éclatante : il ne faut pas attendre dix ans
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pour que la théorie syntaxique soit complétée par une théorie séman-
tique, désormais intégrée, sous la forme d'une composante, dans
un ensemble appelé grammaire.
Le projet de théorie sémantique de Katz et Fodor (1963) montre
qu'une bonne partie du chemin a déjà été parcourue : il vise, en
effet, à régler les problèmes sémantiques qui n'ont pas été pris
en charge par la syntaxe. Car si celle-ci rend compte de l'ambi-
guïté de :
(4) Rémy regarde les fleurs du balcon.
(selon que du balcon est complément de les fleurs ou de la phrase
Rémy regarde les fleurs), elle ne permet pas, en traitant ce phéno-
mène de manière purement syntaxique, de traiter de la même manière
une ambiguïté comme celle de :
(5) La note est juste.
Il convient, dès lors, que cette sémantique « complémentaire »
fasse entrer un dictionnaire dans l'appareil syntaxique, de manière
à distinguer note = « note de musique » / « facture » / « évalua-
tion chiffrée d'un travail scolaire ». D'où l'image d'une compo-
sante sémantique accueillant l'information lexicale au niveau des
suites terminales (i.e. « en bas » des arbres syntaxiques) et exi-
geant un système de règles (les règles de projection) destiné à amal-
gamer ces éléments de signification en respectant la structure
syntaxique, c'est-à-dire en « remontant » l'arbre. Sont ainsi obte-
nues une ou plusieurs lectures —en cas d'ambiguïtés lexicales —
ou des « non-lectures » lorsque les items lexicaux manifestent des
combinatoires incompatibles. A noter que l'information lexicale
est présentée dans la plus pure tradition de la sémantique structu-
rale, c'est-à-dire sous la forme de traits distinctifs, si bien que le
passage d'une sémantique du mot à une sémantique de la phrase
semble s'être opéré de manière naturelle, via un appareil syntaxique
puissant et cohérent. Une telle configuration d'ensemble est d'ail-
leurs entérinée par le modèle de Chomsky (1965) où les structures
profondes (i.e. les constructions syntaxiques non ambiguës géné-
rées par l'appareil syntagmatique) sont livrées, à la fois, à l'inter-
prétation sémantique (d'où l'appellation de sémantique interprétative)
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et à l'appareil transformationnel, pour « dériver » des structures


de surface (éventuellement ambiguës). Le terme de théorie stan-
dard désigne ce point de relatif équilibre théorique. Relatif, en
effet, car cette organisation apparemment harmonieuse ne tarde
pas à éclater sous le poids d'attaques diverses, et principalement
internes.
C'est, paradoxalement, dans Chomsky (1965) qu'on trouve le
premier jalon de cette menace latente. Sans remettre en question
le principe d'interprétation des structures profondes, Chomsky émet
toutefois une réserve apparemment innocente, et ce, sous la forme
d'une simple note. Il remarque, en effet, que les deux phrases :
(6) Tout le monde, dans cet amphi, connaît au moins deux
langues.
(7) Deux langues, au moins, sont connues de tout le monde
dans cet amphi.
ne sont pas équivalentes. Or, elles sont mises en relation par la
transformation passive; il lui faut donc faire une concession : « Il
paraît clair que l'ordre des "quantificateurs" dans les structures
de surface joue un rôle dans l'interprétation sémantique » (p. 186).
Il est facile de repérer, dans ce court passage, l'annonce de l'évo-
lution qui nous occupe :
a) le statut de la structure profonde est menacé —(6) et (7) ont
la même structure profonde et, corollairement :
b) celui des transformations aussi —si les transformations ne pré-
servent pas le sens, ont-elles encore un quelconque intérêt? —,
enfin,
c) on voit apparaître —entre guillemets —le terme de quantifica-
teur : or, ce terme appartient bel et bien à la logique où il
est utilisé de manière systématique, en particulier pour exprimer
les relations de « champs », au moyen d'un « ordre » d'écri-
ture

2. Dans (6), la quantification universelle exprimée par tout le monde est posée d'abord,
ce qui fait que deux langues peuvent la distribuer de manière aléatoire sur les individus,
alors que dans (7) les deux langues sont au point de départ de l'identification, si bien
que les individus —quels qu'ils soient —sont censés connaître ces deux mêmes langues.
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Dès lors, les exemples du genre (6) et (7) se multiplient et


ils donnent lieu, non seulement à diverses remises en cause et
controverses, mais aussi à de nombreuses suggestions et propo-
sitions
D'une part, le courant de la sémantique générative, partant de
l'hypothèse (dite « hypothèse Katz-Postal » (1967)) selon laquelle
les transformations ne changent pas le sens, est amené à postuler
des structures sous-jacentes à base sémantique beaucoup plus
abstraites — les « structures logiques » — qui sont converties en
structures de surface via un système complexe de règles transfor-
mationnelles. D'autre part, le courant interprétativiste maintient
un niveau syntaxique de structure profonde, abandonnant ainsi la
contrainte de préservation du sens par les transformations, et fait
porter l'interprétation sémantique, à la fois, sur les structures pro-
fondes et sur les structures de surface.
Dans l'un et l'autre cas, l'image du sens se concrétise dans
la notion de « représentation sémantique », et cette représentation
emprunte un formalisme de plus en plus apparenté à celui de la
logique. Ainsi, les sémanticiens générativistes s'engagent ouverte-
ment dans une adaptation de la logique des prédicats. Pour en
donner un exemple simple, on reprendra l'une des premières sug-
gestions allant dans ce sens; elle est due à Bach (1968). La phrase
suivante est ambiguë :
(8) Lucie veut épouser un homme avec un gros compte en
banque.

Le SN objet un homme peut, en effet, correspondre à un individu


précis, il est alors en dehors du champ de vouloir (i.e. il y a un
homme qui a un gros compte en banque et qui est tel qu'elle veut
l'épouser) ou bien ce SN peut ne correspondre à aucun individu
précis, dans ce cas, un homme est dans le champ de vouloir et

3. Le point de vue particulier adopté dans cette présentation rapide ne doit pas
faire oublier que la remise en cause de la structure profonde ne tient pas seulement
à des difficultés logiques; le problème de l'insertion lexicale a également joué un rôle
important; voir à ce sujet Galmiche (1972) et (1975).
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Cet ouvrage a pour objet principal d'introduire le lecteur à une


théorie sémantique dont l'originalité est d'aborder le (ou les)
langage(s) — et tout particulièrement la langue naturelle —
comme un objet formel.
Sans doute, ce projet n'a-t-il pas été indifférent aux logiciens
(héritiers en cela de G. Frege), ni non plus à certains linguistes
(syntacticiens et sémanticiens générativistes).
Cette apparente convergence ne doit pas, toutefois, dissimuler
que la priorité accordée par les logiciens aux relations que la
langue entretient avec le monde était tributaire d'un traitement
peu soucieux des structures proprement linguistiques ; quant
aux linguistes, ils se sont souvent cantonnés dans la mise au
point d'algorithmes (sophistiqués) aboutissant à des représen-
tations purement symboliques, délaissant —ou ne voulant pas
aborder —les relations que la langue entretient avec ce qu'elle
n'est pas : les objets, les individus, leurs propriétés et les relations
qui les unissent.
L'entreprise de R. Montague consiste en un effort de dépas-
sement de cette problématique.

Michel Galmiche est maître de conférences à Paris III - Sor-


bonne, il est l'auteur de Sémantique générative et coauteur de
La grammaire d'aujourd'hui.
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