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L’influence de l’attitude des soignants

Conférence du 27 février 2007.


Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007

Relations de soins et anxiété.


Que peut développer un soignant ou

dans la gestion de l’anxiété


professionnel de la santé comme
compétences ?
Journée organisée par le Comité

chez les patients


Interinstitutionnel d’Education pour
la Santé du Patient.
Avec le soutien du FNRS.

par Marie Roosen (1) Reçu le 24 avril 2007


Reçu dans la forme révisée
le 26 septembre 2007
Accepté le 28 septembre 2007

Mon exposé comportera :


- un texte introductif inspiré de mon expérience comme patient et accompagnant;
- une approche de l’influence de l’attitude des soignants;
- une approche de l’influence des lieux et de l’architecture.

Mots-clés : ajustement mutuel,


Je suis face à l’immensité du bâtiment Parfois traînant dans un lit communication, relation,
Haut, gris, fenêtres alignées émotion, cognition, statut des
Je suis à l’entrée d’un labyrinthe de couloirs Moi, j’erre perdu dans mes inquiétudes
Devant, à gauche, à droite personnes, espaces, statut et
Je suis dans la foule des mots barbares J’ai peur fonction des espaces, image
Qui me renvoient à mon ignorance Peur d’avoir mal institutionnelle, éducation du
Je suis face aux portes closes Peur d’être abandonné dans un lit patient, Belgique.
Qui ne dévoilent pas leurs fonctions Dans un couloir
Peur
J’arrive à marcher De savoir
Dépassé par les professionnels pressés
Affairés, pleins d’aisance Moi, j’erre, seul, dans ma solitude
Ils se parlent, rient
C’est une journée banale Oui, j’ai peur, oui, je suis anxieux
Une journée, comme les autres, pour eux
Un regard,
Moi, j’erre perdu dans l’incertitude Un sourire,
Un geste
Il y a des accompagnants, des visiteurs Comme une balise
Il y a des malades, comme moi, qui entrent Dans un univers étranger,
Habillés de jour, des « personnes » Inquiétant voire démoralisant
Il y a des malades hospitalisés Un regard
Des malades vus dans l’intimité Un sourire
De leur tenue de nuit Un geste
Parfois appareillés Comme un aimant qui pousse à avancer

Une approche de l'influence comme tel. Le patient communique également. Remerciements à Mr Jean-Luc Deru
qui a autorisé la publication de ses
Différents éléments sont porteurs d’information et
des l'attitude des soignants déterminent le contexte relationnel. photos sur la Résidence Lennox à
Ottignies.
dans la gestion de l'anxiété
Le langage des objets
chez les patients
Nous parlons de nous, de qui nous sommes, de
Affronter l’hospitalisation ne peut se vivre sans notre état présent et de la relation que nous
(1) Professeure, Institut Supérieur
anxiété. souhaitons entretenir avec nos interlocuteurs par le
d’Architecture Saint-Luc de Wallonie
L’intensité de l’anxiété varie selon les personnes, choix des vêtements que nous portons et des objets
- Liège
les situations. dont nous nous entourons.
Docteure en communication,
L’expérience racontée par autrui, l’expérience sociologue
observée, l’expérience précédemment vécue modulent L’uniforme du professionnel Rue Basse Vaux, 33 C
les appréhensions, les réduisant ou les accroissant. B-5140 Sombreffe - Belgique
Dans le milieu hospitalier, le port de l’uniforme Tél. : ++32 (0)71 88 93 59
Dans ce vécu, quel rôle joue le soignant ? indique le statut et la fonction de la personne et E-mail : mr@crossroads.be
On connaît tous le premier axiome de la communication : implique alors que toute communication devienne
«on ne peut pas ne pas communiquer ». Le soignant, une communication de professionnel de la santé.
où qu’il soit et quoi qu’il fasse, communique et C’est là une charge bien lourde et une responsabilité Education du Patient et Enjeux de
communique en tant que soignant dès qu’il est identifié à endosser au sens propre. Santé, Vol. 25, n°2, 2007

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George Braque disait : « on ne peut pas toujours visage sont à tout moment des invitations à

Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007


avoir son chapeau à la main, c’est pourquoi on a l’interpellation ou des indicateurs d’inhibition.
inventé le portemanteau. Moi, j’ai trouvé la peinture Je peux montrer par mon regard mon attention, mon
pour suspendre à un clou mes idées fixes »(2). intérêt pour la personne ou au contraire par le regard
Pour le paraphraser, je dirais : « on ne peut pas avoir détourné ou absent, mon inattention ou désintérêt.
ses idées fixes, ses tracas sur soi, c’est pourquoi on
a inventé le porte-manteau pour les y suspendre un Le patient
temps et on a ajouté le tablier pour bien les cacher et
les maintenir à l’abri tant qu’on travaille ». L’échange du regard quand il est possible,
Ce qui ne veut pas dire, au contraire, qu’on ne garde l’expression du visage sont importants car ils donnent
pas avec soi ses compétences, ses capacités des informations sur ce que le patient vit et sur la
manière dont il ressent mon intrusion dans sa sphère
d’écoute et d’empathie.
proche. Certes, toute interprétation est relative.
Le tablier blanc qui indique des compétences dans
En l’interprétant avec toute la prudence requise, le
le domaine de la santé et/ou de l’institution sera
regard, l’expression du visage me donnent des
selon les patients une invitation à la sollicitation ou
indications sur la manière dont moi, professionnel,
au contraire l’indication d’un statut important, un
je peux poursuivre l’interaction.
signal d’une personne à ne pas déranger, à ne pas
importuner inutilement.
Stimulant l’inhibition, il demandera d’autant plus une Le toucher
attitude engageante pour pousser à l’expression du
patient. Le toucher est fréquent dans les soins alors que le
Stimulant la sollicitation, il suscitera davantage toucher est vite tabou dans nos relations habituelles
l’interpellation et l’attitude qui répondra à cette et réservé aux relations privilégiées.
interpellation sera importante. La manière de toucher sera d’autant plus importante.
Toucher est à la fois un acte technique et un acte
L’absence d’uniforme du patient de communication.
Acte technique, il demande à être exécuté avec
Le langage des objets au niveau du patient est efficacité et maîtrise.
interpellant car le patient abandonne dès son arrivée Acte technique, il demande à être respectueux de la
dans la chambre les signes extérieurs de son identité. personne alors qu’on touche à son intégrité physique.
Même si chacun dira «ce n’est pas l’apparence qui Il est aussi acte de communication car la manière
est importante», ces signes soutiennent mon identité de toucher est indicative de la relation entretenue
et cette identité est très différente quand je suis en et traduit le respect, la bienveillance tout en gardant
pyjama, en blouse opératoire ou sans vêtement face la distance du geste professionnel. L’initiative du
à quelqu’un d’habillé. toucher est réservée au professionnel.
La situation est toujours humiliante et on ne peut
qu’observer la différence d’attitude face à quelqu’un
en civil et face à quelqu’un en tenue « de nuit ».
La gestion de l’espace
Compenser l’absence de signes extérieurs par une Ma manière de marcher, ma manière de m’arrêter,
attention plus grande à la personne, être à l’écoute, ma position dans l’espace, ma manière d’occuper
être attaché à la compréhension de son intériorité l’espace indiquent mon tempérament et indiquent
dénudée sera d’autant plus utile et réclamera d’autant la place que j’accorde à l’autre.
plus de subtilité pour déceler cette intériorité sans le
recours à des signes extérieurs, à des indices.
Le professionnel

L’attitude, le regard, Dans sa gestion de l’espace, le professionnel donne


des indications au patient.
l’expression du visage Peut-il m’interrompre (mon empressement dans
mon déplacement…), a-t-il eu raison de
L’attitude, la position dans l’espace favorisent ou non m’interrompre (attitude d’attente ou d’impatience…),
l’échange, le contact visuel. est-ce que je gère seul l’espace ou est-ce que je lui
Le regard traduit l’expression de la personne mais laisse une part de territoire (bureau, lit, table de
dépend aussi de facteurs physiques non maîtrisés. nuit…), comment est-ce que je me positionne face
Le regard ouvert, éveillé, intéressé, le regard à lui (debout ou assis …).
apaisant, le regard hagard ou absent ne reflètent Toute intervention est interprétée. Rester debout
pas toujours la personnalité, le tempérament et les peut être perçu comme une attitude distante
sentiments de la personne. autoritaire ou comme du respect, le souci de ne pas
s’approprier le territoire du patient.
Le professionnel
Le patient
La position générale du corps dans l’espace, son
orientation face à l’interlocuteur indiquent la relation Le patient est dans une situation où il ne dispose
souhaitée avec l’autre personne. Idéalement, le plus de territoire, il n’est pas chez lui sauf si on lui
(2) Georges BRAQUE, cité p.103- choix de cette position constitue une première laisse s’approprier quelque peu un morceau de
104, in « Histoire des arts du XXe invitation à l’interaction sans imposition. bureau, une parcelle de territoire.
siècle », D. ROSENBERG, Editions Que ce soit, lors d’une rencontre dans un couloir, L’enjeu de l’appropriation de la chambre et du couloir
Assouline, Paris, 2003. lors d’un soin, l’attitude, le regard et l’expression du sont importants. Je les évoquerai dans le point suivant.

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La gestion du temps Je ne sais pas ce que l’autre pense, comment il (3) Toutes les techniques évoquées
Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007

interprète la situation, mon comportement, mes lors de la journée que ce soit les
interventions verbales. techniques relationnelles du clown
Ma ponctualité, mon organisation dans le temps thérapeutique, la sophrologie,
indiquent mon tempérament, éventuellement mes C’est pourquoi l’observation de l’autre, l’écoute sont
l’hypnose, le massage ou le snoezelen
responsabilités mais aussi l’importance que alors essentielles pour tenter d’entendre ce qu’il humide augmentent ces compétences
j’accorde à l’autre. ressent, susciter la parole, rassurer en rejoignant ses d’ajustement à l’autre et peuvent être
préoccupations, expliquer en s’adaptant à ses attentes activées partiellement en-dehors de
Le professionnel et à ses références et en étant dès lors compris.(3) leurs contextes spécifiques; elles
L’interaction se construit par l’ajustement mutuel, s’appuient toutes sur une attention à
La manière de parler, la manière d’effectuer les soins progressif. Aucune recette ne permet de gérer une l’autre, une écoute de la parole et
indiquent mon tempérament plus hyperactif ou plus interaction qui est à chaque fois différente et dont la surtout du comportement non verbal
lent mais aussi mes intentions plus attentives ou plus («écouter avec les yeux») et un
seule clef de réussite est la subtiilité de l’observation
ajustement d’instant en instant.
expéditives face au patient. et de l’écoute.
Ici aussi les interprétations ne sont pas garanties :
mon hyperactivité peut être ressentie comme de Des patients se soumettent, pleurent, se fâchent,
l’empressement ou comme un manque de menacent. Réagir face à la souffrance, face à
considération. l’agressivité n’est jamais simple quand on l’envisage
vis-à-vis de soi. Si on réfère ces réactions à l’anxiété
Le patient vécue par le patient et non à l’agression du soignant,
on les comprend mieux, et on les accepte mieux. Bibliographie
Le temps du patient est géré, imposé. C’est un temps Il faut aussi être capable de faire face à l’anxiété du
subi. AUGE M., «Le sens des autres»,
patient, anxiété qui renvoie à nos propres sentiments Fayard, France, 1994.
On comprendra dès lors l’importance qu’il accorde aux que l'on préfère parfois occulter, plus ou moins
repères temporels, seuls éléments qui lui permettent BANDURA A., «L’apprentissage
volontairement ou involontairement. L’aider à gérer social», Mardaga, Bruxelles, 1980.
d’établir de la prévisibilité dans son quotidien. son anxiété implique d’en laisser libre l’expression
N’est-il pas utile de lui laisser des temps BERNSTEIN B., «Langage et classes
et d’avoir la capacité de l’entendre. sociales», Ed. de Minuit, Paris, 1975.
autonomes ? On construit alors différemment l’interaction.
BOUGNOUX D., «Métaphore,
On pourrait encore parler du paralangage (la politesse de l’esprit» in «recherches
Le soignant n’a pas de prise ou a une prise relative en communication n° 1, Université
manière de parler, le débit, l’intonation, le volume sur l’incertitude, l’inquiétude, la solitude de tout un Catholique de Louvain, Département
de la voix) et du langage (le choix des mots) qui parle chacun; il n’a pas de prise sur la fin de vie mais il de communication, 1994.
de la personne, de son tempérament et de la peut transmettre l’attention, le respect, la CHAMPY F., «Sociologie de
considération de l’autre. bienveillance et cette attitude bienveillante suscite la l’architecture», La Découverte, Paris,
Les mots savants peuvent être entendus comme du parole. En répondant aux préoccupations exprimées, 2001.
mépris ou comme de la compétence. il peut aider à donner de la prévisibilité dans l’avenir DOISE W., PALMONARI A., «Les
proche, informer quant aux actes, être présent. représentations sociales: définition
La construction de l’interaction d’un concept in «textes de base en
Car si l’architecture est un partenaire essentiel, un psychologie: étude des
Tous ces éléments montrent l’importance de tout acteur silencieux, qui rend l’univers plus familier, représentations sociales» sous la
élément de la communication non verbale mais montrent direction de DOISE PALMONARI,
moins étrange, plus appropriable et même parfois
Delachaux Niestlé, Paris, 1986.
aussi que si on a beaucoup insisté sur l’axiome « on ne poétique, il reste un partenaire muet alors que le
peut pas ne pas communiquer », il faudrait énoncer aussi DOISE W., «Cognitions et
regard, le geste agissent comme des balises, des
représentations sociales in JODELET
« on ne peut pas ne pas penser ». aimants … D., «Les représentations sociales»,
Presses Universitaires de France,
Paris, 1989.
FISHMAN J., «Sociolinguistique»

L’influence des lieux et de l’architecture Editions Labor, Bruxelles, 1971.


FLAMENT C., «Structure dynamique

sur l’anxiété de la personne hospitalisée


des représentations sociales» in
JODELET D., «Les représentations
sociales», Presses Universitaires de
France, Paris, 1989.
FOUCAULT M., «L’ordre du
discours», Gallimard, Paris, 1971,
Il serait ici présomptueux d’évoquer la conception La localisation sous la direction de GHIGLIONE R.,
architecturale d’un hôpital, ce qui demanderait
l’analyse extrêmement détaillée d’une BONNET C., RICHARD J.-F.,
La localisation d’un hôpital intervient de différentes «Cognition, représentation,
programmation complexe (énumération, organi- manières. communication», traité de
sation et gestion des multiples fonctions, des Le premier élément concerne la recherche du psychologie cognitive 3, Dunod,
circulations des hommes mais aussi du sale, du bâtiment. Le repérer facilement est rassurant quand Paris, 1990.
propre, la lutte contre les infections nosocomiales, on le cherche, surtout évidemment la première fois GOFFMAN E., «La mise en scène de
détermination des volumes, des surfaces générales et d’autant plus si on est en situation d’urgence ou la vie quotidienne», les Editions de
du bâtiment, des différents espaces tout autant que de détresse. Minuit, Paris, 1973.
détermination des dimensions d’un évier, la position La facilité de trouver un parking constitue un aspect GOFFMAN E., «Les rites
et hauteur de clenches…). non négligeable. d’interaction», les Editions de Minuit,
Néanmoins je voudrais épingler quelques aspects On pourrait aussi parler de l’accessibilité en transports Paris, 1974.
importants pour le patient. en commun quand on n’a pas de voitures mais aussi .../...

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.../... pour la facilité des visites, ce qui peut avoir une Chambres

Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007


incidence sur le maintien du réseau relationnel.
GUEUR H. et ROOSEN M., «La La localisation détermine aussi l’environnement qui La chambre semble être le lieu le plus à soi.
relation interindividuelle en sera perçu à partir des fenêtres lors de Pourtant, le patient n’y est qu’admis. Il n’y est pas
éducation pour la santé» in «Aspects l’hospitalisation ainsi que l'éventuelle mise à chez lui .
psychosociaux en éducation pour la disposition d'infrastuctures proches de l'hôpital. Il n’y gère ni le temps, ni l’espace, ni les entrées .
santé» sous la direction de MERCIER
Il y séjourne. Le vécu de ce séjour dépendra avant
M. et DELVILLE J., De Boeck,
Bruxelles, 1988. Le bâtiment tout de son état physique.
Les qualités spatiales de la chambre (lumières,
HALL E. T., «La dimension cachée»
Points, Seuil, Paris, 1971.
La grandeur et l’aspect du bâtiment induisent un luminosité, couleurs, ambiance sonore, surfaces,
caractère rassurant ou écrasant, plus souvent volumes, ergonomie des équipements et du
HALL E. T., «Au-delà de la culture»,
écrasant. mobilier…) peuvent influencer la perception de son
Points, Seuil, Paris, 1979.
état.
HALL E. T., «Le langage silencieux»,
Points, Seuil, Paris, 1984. L’entrée Outre les vues intérieures, la chambre propose
généralement des vues sur l’extérieur, idéalement
HALL E. T., «La danse de la vie»,
L’entrée, annoncée de préférence, marque un aussi à partir du lit et en position couchée.
Points, Seuil, Paris, 1984.
moment important de transition, entre l’extérieur, la Certains apprécieront la sérénité de vues sur un
HERZLICH C., «La représentation
vie civile et l’intérieur, la vie institutionnelle. environnement plus végétal, d’autres seront heureux
sociale» in «Introduction à la
Psychologie Sociale» sous la Ses qualités et caractéristiques spatiales en termes de ponctuer leur attente par l’observation de la vie
direction de S. MOSCOVICI, de volume, de surface, de configuration formelle, de sociale d’autrui.
Larousse Université, Paris, 1972. lumière, de luminosité, de couleurs mais aussi Lorsque la chambre doit être partagée, le respect
HOSPITAL C., «L’enfant, l’hôpital et d’odeurs, d’ambiance sonore se conjuguent de la discrétion apparaît primordial, mais aussi le
l’architecte», Edition des l’Espérou, idéalement avec une lisibilité des cheminements, le respect des règles de territorialité, ainsi que le
Languedoc Roussillon, 2002. repérage aisé du lieu d’accueil, une compréhension bénéfice équitable des qualités de vue.
JODELET J., «Les représentations rapide de la signalétique. On peut attirer l’attention sur la privatisation des
sociales», Presses Universitaires de Tout en participant à la construction de l’image de espaces sanitaires dans la chambre et sur une
France, 1989. disposition spatiale qui permette d’accueillir
l’hôpital, elle indique aussi la considération du
LIENARD G. et SERVAIS E., patient. l’accompagnant.
«Capital culturel et inégalités Ce qui pose le plus question, c’est la perte de
Ne faut-il pas être prudent face à des gestes
sociales», Vie Ouvrière, Bruxelles, maîtrise de soi. A l’hôpital tout échappe au patient,
1984. architecturaux qui laissent le patient perdu dans des
volumes trop généreux, des enveloppes formelles la gestion de son espace, de son temps, de son
LOHISSE J., «La communication», corps.
De Boeck, Belgique, 2ième édition aux typologies peu compréhensibles, une immersion
dans une lumière naturelle aveuglante ? Ne peut-on imaginer que le patient puisse dans la
revue par KLEIN A., 2006.
N’y a-t-il pas parfois un manque de décence à chambre s’approprier davantage son espace ? En
MARION G., «Les images de
exhiber, dès l’entrée des lieux, des endroits de lui laissant de la place pour déposer des effets
l’entreprise», Editions
d’organisation, Paris, 1989. consommation de pâtisseries ou de vente d'objets personnels, en lui laissant la possibilité des les
de luxe, à des patients qui arrivent dans des états organiser à sa façon, en sécurisant aussi cet espace
MERCIER M. et DELVILLE J.,
«Aspects psychosociaux en éducation de santé relatifs et avec des ressources financières approprié lors d’absences pour des soins ou
pour la santé», De Boeck, Bruxelles, diverses ? examens ?
1989. Ne peut-on aussi s’interroger sur la gestion des
entrées dans la chambre ?
MEUNIER J.-P., «Essai sur l’image
et la communication», Cabay,
Les cheminements Ne faudrait-il pas, dès la conception, être
Louvain-La-Neuve, 1980. particulièrement attentif à la fonction de l’entrée qui
L’usager apprécie de savoir s’orienter aisément.
MEUNIER J.-P. et PERAYA D., Cette orientation ne dépend pas uniquement d’une marque une transition entre le couloir (espace à
«Introduction aux théories de la caractère plus public) et la chambre (espace à
communication», De Boeck,
signalétique indiquée mais peut être induite par
l’aménagement spatial qui inscrit les circulations, les caractère plus privé) ? Cette fonction de transition
Université, Bruxelles, 1993.
directions, les statuts et fonctions des lieux. doit alerter la personne qui franchit cette entrée sur
MEUNIER J-P., «Approches le fait qu’elle pénètre dans un espace plus privé et
systémiques de la communication», La capacité de se déplacer, quel que soit le degré
de mobilité, est importante. doit permettre à la personne hospitalisée d’accueillir
De Boeck, Belgique, 2003.
En ce sens, les surfaces, volumes, matériaux le visiteur, autorisant ainsi une intrusion progressive
MOSCOVICI S., «L’ère des
conditionnement l’accessibilité et le vécu du dans ce territoire plus privé qu’est la chambre, tout
représentations sociales» in textes de
base en psychologie: étude des cheminement qui sera aussi influencé par les en protégeant aussi des regards à partir du couloir.
représentations sociales» sous la qualités de lumière, de couleurs, de sons et de La conception spatiale de l’entrée pose également
direction de DOISE PALMONARIS, fraîcheur. la question de la transition avec le couloir des
Delachaux Niestlé, Paris, 1986. En circulant, le patient voit aussi tout ce qui est chambres.
MOSCOVICI S., «introduction à la volontairement ou involontairement proposé à son
psychologie sociale», Larousse
Université, Paris, 1972.
regard : portes ouvertes sur certains locaux, Le couloir des chambres
patients en attente sur des lits… Cette vision n’est
MOSCOVICI, «Des représentations agréable ni pour celui qui regarde, ni pour celui qui Le statut du couloir des chambres est souvent
collectives aux représentations est regardé. interpellant dans les hôpitaux.
sociales» in JODELET D. «Les
Ne faut-il pas, quand c’est possible, inclure dans Lieu de circulation, entre la chambre et les autres
représentations sociales» Presses
Universitaires de France, Paris, 1989. la programmation, des lieux d’attente qui éviteraient lieux de l’hôpital, il est aussi lieu de déambulation
d’utiliser les couloirs pour ces fonctions, et des lieux ou d’exercice de patients hospitalisés, parfois lieu
de transition qui protégeraient les différents locaux d’attente et encore lieu de passage des visiteurs,
.../... des regards directs ? lieu de travail des membres du personnel.

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S’y mêlent patients hospitalisés, visiteurs, membres Autres locaux
Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007

du personnel, chacun dans leurs tenues.


N’y a-t-il pas à mieux définir les différents espaces Tous les autres locaux demanderaient une réflexion
de circulation ? et une analyse spécifiques, que ce soit le bureau
Certes, la définition d’une hiérarchie des circulations des infirmières (servant parfois à de multiples
est perturbée par l’emploi des ascenseurs mais il fonctions, à la fois lieu d’accueil ponctuel, lieu de
semblerait intéressant de signaler une privatisation réunion, lieu de classement des dossiers, lieu de
progressive des circulations. détente), le bureau des médecins, les salles de
L’hôpital est un espace privé géré par les soins, les salles de réveil, les locaux techniques…
responsables de l’institution mais néanmoins, dans
cet hôpital, de nombreux lieux sont accessibles au
public, pour des consultations, des examens, des
Hôpital ou hôtel ?
hospitalisations, des visites.
En tentant d’assurer une meilleure qualité de vie à
Ne faudrait-il pas mieux différencier les circulations
l’hôpital, on associe aujourd’hui dans certains
ouvertes à tous, les éventuelles circulations pour les
milieux architecturaux le concept d’hôpital au
consultations, les circulations internes pour les soins,
concept d’hôtel. (4) Il s’agit d’un concours national
examens, interventions des patients hospitalisés, les
N’est-ce pas erronément vouloir nier l’anxiété, la organisé par la revue ImmoTrends,
circulations des visiteurs les conduisant au couloir
souffrance, la réalité de la vie, son évolution Top Construction, Les Architectes
des chambres, avec une privatisation de l’entrée de Belges, Batibouw, la confédération de
incertaine ?
ce couloir ? la construction et Bouwkroniek.
Est-ce que ce concept ne s’intègre pas sans recul
La privatisation de l’entrée du couloir des chambres 187 dossiers ont été introduits, 17
dans une société de consommation qui prône
indiquerait au visiteur qu’il pénètre dans un lieu où il projets ont été sélectionnés et 4
l’injonction à la jouissance ?
est accepté comme visiteur, moyennant le respect projets primés suivant leur catégorie.
Est-ce que ce concept n’induit pas une relation biaisée Le jury de professionnels désire
de rituels d’entrée, et l’orienterait vers une chambre
entre le soignant et le patient, orientant la relation vers promouvoir une architecture de
précise sans le laisser regarder par toutes les portes
une relation de client à distributeur de soins avec qualité, découvrir des jeunes talents
ouvertes.
toutes les dérives possibles du client-roi ? et favoriser des solutions innovantes
Le couloir a par contre vis-à-vis du patient un statut et durables. Il insiste également sur la
N’est-il pas plus opportun de réfléchir à un concept
moins privé que celui de la chambre. Ce statut peut synergie entre maître d’ouvrage et
spécifique qui recherche la qualité de vie en milieu
l’inciter à l’utiliser comme un lieu plus social de architecte.
hospitalier, mais qui reconnaisse aussi le droit à
promenade, de rencontres aléatoires. Ces usages L’architecte est Fabienne Courtejoie ,
l’anxiété et respecte la souffrance et la douleur ?
plus sociaux sont confortés par les qualités associée du bureau Artau à Malmédy.
d’agrément du couloir, par le fait que ces usages
Je voudrais aussi souligner
n’interfèrent pas avec les tâches du personnel
qu’on parle peu de l’influence
médical et que les couloirs ne sont pas utilisés pour
profonde de l’architecture sur
des fonctions non prévues (entrepôt du matériel,
l’état des patients. Trop peu
malades en attente d’un «transporteur»…) .

© photo-daylight.com
Le couloir pourrait conduire aussi à d’autres lieux d’études scientifiques existent.
de plus en plus proches d’une vie sociale non Certes les revues d’architecture
institutionnalisée, permettant au patient qui le décrivent certains projets et ne
souhaite de garder ou de renouer progressivement négligent pas les appréciations
avec des habitudes agréables de vie comme celle évaluatives, mais avec peu de
d’aller boire un «bon» café ou d’aller se promener à questionnements sur les critères
l’extérieur. pris en compte et sur la mesure
et le contrôle des appréciations
La cafétéria formulées.

© photo-daylight.com
Les usagers, eux, s’attachent
La présence dans les hôpitaux de lieux de souvent à des critiques, certes
consommation constitue une opportunité quand on justifiées, mais de détail.
se sent capable d’en bénéficier. Par contre, la vue Il semble important ici de souligner
de services auxquels on n’a pas accès pour des la nécessaire collaboration entre
raisons de santé ou pour des raisons de budget est maîtres d’œuvre et maîtres
gênante. d’ouvrage, et l’efficacité créative
Ne faut-il pas localiser ces services dans des lieux de l’articulation entre le savoir de
quelque peu en retrait pour ne pas les imposer avec
l’usager et le savoir de l’architecte.
arrogance à la vue de ceux qui ne peuvent en
profiter?
© photo-daylight.com

Je voudrais terminer en
évoquant un projet qui vient
Espaces extérieurs d’obtenir le premier prix du
bâtiment non résidentiel au
Les espaces extérieurs permettent des moments de
détente, offrent des possibilités d’activités, suscitent concours Belgian Building
des rencontres aléatoires ou préservent des Awards 2007.(4)
moments d’intimité en couple, en famille. Ils sont Il s’agit d’un nouveau lieu de
Nouveau lieu de séjour et d’activités
aussi pour les patients qui vont sortir des espaces séjour et d’activités pour handicapés mentaux et pour handicapés mentaux et
de transition avant de reprendre contact avec la vie épileptiques de la Résidence Lennox, à Ottignies, épileptiques de la Résidence Lennox,
«civile». en Belgique (cf photos). à Ottignies, en Belgique.

33
.../...

Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 25, n°2, 2007


Alain Legros, président du service résidentiel et (souplesse du matériau en cas de chute) mais
MYERS G. E. et MYERS TOLELA M.,
«Les bases de la communication
maître de l’ouvrage, Mr Magonnet, directeur de également stimulante.
interpersonnelle», Mc Graw Hill la Résidence établissent le bilan suivant : L’un des deux bureaux, celui du psychologue,
éditeurs, Canada, 1980. propose un espace de repli, ouvert d’un seul côté
PAGES, «L’orientation non-directive «Caractéristiques de notre projet dans ses sur la forêt. Il peut accueillir un résidant en repos
en psychothérapie et en psychologie valeurs thérapeutiques : de récupération après une crise d’épilepsie.
sociale» Dunod, Paris, 1970. L’environnement et les infrastructures (locaux- Le jeu d’une grande cloison coulissante (mur
RIBOULET P., «Naissance d’un architecture) font partie des ressources intérieur amovible) ainsi que le positionnement
hôpital», Les éditions de l’imprimeur, permettant la mise en œuvre du projet médico- de claustras mobiles permettant d’occulter la face
Besançon, 1994. résidentiel, mieux nommé projet du service ainsi sud du bâtiment invitent à moduler la sensation
ROBERT J. -PASLEAU J. P., que des projets de vie singuliers de chacun des des espaces selon les ambiances extérieures, le
«Représentations sociales de la santé usagers de ce service. rythme des saisons ou les besoins de calme ou
et maladie», De Boeck, Bruxelles, 1988. Les personnes polyhandicapées souffrant de stimulation désirés par les éducateurs et la
RODGERS, «Le développement de la d’épilepsie sont, plus que les autres, sensibles à demande des résidants.
personne» Dunod, Paris, 1968, l’environnement, qui doit tenir compte de leurs Les deux grandes terrasses de bois, couvertes
Sous la direction de SODERSTROM besoins et particularités. Sans rentrer ici dans du toit en surplomb, sans piliers de soutènement,
O., COGATO LANZA E., Roderick J. l’explicitation des stimuli négatifs susceptibles offrent une ouverture extérieure maximale et
LAWRENCE et BARBEY G.,«L’usage d’accroître la fréquence des crises, il faut relever l’occasion aux résidants de vivre la forêt «en
du projet», Editions Payot, Lausanne, ici : les besoins de sécurité, de calme et de direct» lors des repas de midi ou d’activités
2000. stimulation de l’attention. particulières (ouverture et sécurité).
TAJFEL H., «La catégorisation Le nouveau bâtiment, implanté à proximité du L’équipement d’enceintes acoustiques de très
sociale» in «Introduction à la bâtiment principal, propose un contact visuel haute qualité, intégrées aux plafonds, permettent
psychologie sociale» sous la direction
permanent avec «la maison où l’on dort dans «sa» de travailler l’ambiance sonore dans les objectifs
de MOSCOVICI S., Larousse
Université, Paris, 1972.
chambre, mange, se lave», ce qui constitue pour thérapeutiques précités.
les résidants anxieux, un élément rassurant. Le mobilier, encore partiellement à l’étude,
VOYE L., «Sociologie : construction
La forêt qui entoure le bâtiment a un effet filtrant rencontre également le souci de confort, de
d’un monde, construction d’une
discipline», De Boeck,université, sur les sons et la lumière provenant de l’extérieur sécurité (crises), de souplesse d’utilisation pour
Paris, Bruxelles, 1998. Cet effet est renforcé par l’isolation de toiture en le service et de sobriété visuelle( pas de
WATZLAWICK-HELMICK-
cellulose de bois pulsée et le fait que l’ossature bavardage esthétique) nécessaire à ne pas
BEAUVIN, JACKSON, «Une logique en bois du bâtiment repose sur des piliers (pilotis), distraire les utilisateurs des fonctions essentielles
de la communication», Points, Seuil, mettant les personnes en situation aérienne de sensorialité du projet. (Il faut noter que
Paris, 1972. «comme dans un grand nid volant sur le tapis de l’espace intérieur doit impérativement rester
WATZLAWICK, «La réalité de la fougères». Le contexte forestier offre également dégagé pour l’utilisation des chaises roulantes).
réalité», Point, Seuil, Paris, 1978. dès les premiers beaux jours les stimulations Tous les espaces de rangement sont intégrés
WINKIN Y., «La nouvelle communication», olfactives de la nature, au gré des moments dans les murs intérieurs (avec cloisons
Points, Seuil, Paris, 1981. d’aération ou de fréquentation des terrasses coulissantes) ainsi qu’une cuisine permettant une
WINKIN Y., «Anthropologie de la extérieures. activité domestique journalière, et les toilettes
communication» De Boeck/ Seuil, L’implantation de l’espace, l’utilisation de vitrage adaptées.
Lonrai, 2001. à haut coefficient d’isolation (son, lumière, L’accès du bâtiment par une passerelle de bois
chaleur), le plancher de chêne et le plafond également sur pilotis, serpentant entre les arbres,
Mémoire acoustique en plaques de plâtre perforées, produit renforce la sensation de gagner un îlot de confort
une diminution du rythme cardiaque et des dans l’esprit d’un pavillon japonais pour la
DEBROUX A., «Hospitalité d’un
service de pédiatrie : approche
tensions superficielles dès que l’on entre dans le cérémonie du thé.
Humaine et Architecturale», bâtiment. Il est à noter que «l’excellence» du projet dans
Travail de fin d’études présenté en Le positionnement des deux espaces de bureau sa conception et sa réalisation agit également sur
vue de l’obtention du diplôme et l’utilisation d’un revêtement de matière naturelle la motivation de toute l’équipe pluridisciplinaire
d’Architecte, sous la direction de souple (type de balatum) de teinte vive, structure du personnel soignant et la confiance des familles
COURTEJOIE F. et ROOSEN M., l’espace de manière à la fois rassurante de nos pensionnaires.»
Institut Supérieur d’Architecture de
Wallonie à Liège, janvier 2007.

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