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16/09/2016

Département Universitaire des Soins Infirmiers


Unité d’Enseignement 1.1 S2
« Anthropologie de la maladie et de la santé »

Culture et relation soignant - soigné

A. DUMOND
Professeur d’anthropologie médicale
L’émergence de la figure
du « patient contemporain »
• La biomédecine est marquée depuis plusieurs décennies par un ensemble
d’innovations scientifiques, techniques et organisationnelles qui tend à placer
le patient au centre du système de soins.

• En rupture avec le paternalisme biomédical, les patients sont invités à endosser


une pluralité de rôles et de postures: acteur de prévention, patient formateur,
co-chercheur…

• Ceci participe à la création de nouveaux savoirs profanes et professionnels;


change les rapports sociaux entre acteurs de la santé (transformation de la
relation soignant-soigné, décloisonnement de la biomédecine, des
représentations profanes et professionnelles).

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• Il existe aussi des situations de non-adhésion, de contestation, vis-à-vis de
cette nouvelle figure du patient; ainsi que des facteurs politiques, historiques,
symboliques, sociaux qui peuvent limiter la participation des patients :

• Tous les malades ne désirent pas être « experts », « acteurs »,


« responsabilisés », etc. Ainsi, certains préfèrent faire confiance à leurs
médecins et les laisser prendre les décisions.

• De même certains professionnels ne voient pas toujours favorablement cette


autonomie du patient, à ce changement de pouvoir qui s’opère.

• Enfin certains patients ne sont pas reconnus dans leur identité de malade car
trop éloignés de la représentation qu’en ont les professionnels de santé.

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Les relations soignants/soignés:
la place de l’écoute

 « Vous êtes contrariante » dit l’interne quand je relate les effets


secondaires des médicaments (employés) contre les effets
secondaires.

 « Vous n’allez pas nous faire ça maintenant » dit un autre à l’annonce


d’un nouveau symptôme.

 « Vous voulez m’embêter » dit le chirurgien quand j’ai mal après une
intervention ».

 MATALON, Anne, Chimiofolies, Aigues-Vives (30670), HB Editions,


2000, 154p.

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 L’écoute est un soin
 Qu’est ce qui relève de « l’écoute infirmière » et en constitue la spécificité?
 La position du soignant,
 Le temps quotidien partagé
 La proximité avec le corps et la personne
 Le partage d’un certain vécu
 L’écoute des non dits, des journées / nuits difficiles et de la fatigue.
 L’écoute des émotions contradictoires ou violentes
 La connaissance de l’entourage

 Cette position permet de comprendre les besoins de la personne, sans qu’ils


soient formulés explicitement : une écoute bienveillante.

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Souffrance et interaction thérapeutique

 « Le contexte de la relation soignant-patient ne se limite pas à l’échange


d’informations verbales ou non-verbales ; il est aussi un cadre dans lequel
s’expriment des affects - des émotions.

 « Dans cette relation duelle, chacun met en œuvre un certain nombre de


mécanismes de défenses, afin de se prémunir de la souffrance de l’autre et
de se protéger de sa propre angoisse (Ruszniewski, 1995).

 « Les conceptions des infirmier(ère)s sur la souffrance, ses modalités


d’action et d’expressions renforcent l’idée que l’évaluation ne peut prendre
sens qu’au cœur de l’interaction - de la relation - avec le patient et, que
seule celle-ci va permettre l’objectivation des signes de la situation de
souffrance.

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 « La relation se trouve ainsi au cœur du processus d’évaluation de la
souffrance à travers deux caractéristiques complémentaires : la relation
comme moyen d’évaluer la souffrance et la relation comme objet de cette
évaluation.

 «On sent qu’il y a une personne qui est là et qui ne va pas bien parce qu’on le
sent (...) ». (Infirmière)
 « [Pour évaluer la souffrance] Nous n’utilisons aucun outil, on n’a aucun
support papier ou théorique. Je vais employer le mot feeling, mais je pense
qu’il y a beau- coup de choses qui se font au feeling et avec peut-être des
choses acquises pendant la formation ou l’expérience, qui servent après
d’outils. » (Infirmière)

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Cf: DANY L., DORMIEUX A., FUTO F., FAVRE R., La souffrance:
représentations et enjeux, RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS
N° 84 - MARS 2006

 « Ce que l’on retrouve sous le terme de feeling c’est la tentative


d’objectivation d’une expérience pratique, qui peut (et doit, serions nous tenté
de dire) être appréhendée comme une compétence à part entière.
 « quelles conséquences peut avoir cette « mise à disposition de soi » dans
l’évaluation de « l’autre ». Celles-ci sont principalement de deux ordres (en
terme de fréquence) : la fatigue et l’identification.

 « Dès lors, les infirmier(ère)s vont se confronter à leurs propres capacités


d’appropriation et/ou de régulation (« capacités contenantes ») des situations
de souffrance rencontrées.
 L’évaluation de la souffrance nécessite donc deux préalables : celui de
l’interaction et celui de la part de soi dans l’évaluation de l’autre. »

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La question du don dans le soin

 Marcel Mauss, le fondateur de l’anthropologie française, a mis en exergue en


1925 le principe du don en étudiant diverses sociétés « primitives » où les
échanges étaient organisés autour de la triple obligation: donner, recevoir,
rendre.

 « L’interprétation par le don sera favorisée toutes les fois qu’un patient a
l’impression que le soignant lui propose un plus. Il proposerait, dans une « une
lueur de gratuité » (Hochmann, 1984), quelque chose que son contrat ne
l’obligerait pas à fournir.

 « Il pourra s’agir de temps « en plus » donné à la personne ou une qualité de


disponibilité́ qui en donne l’impression. La disponibilité́ psychique est alors «
traduite » dans les termes d’un don de temps.
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 « De sentiment de reconnaissance, la personne se sent reconnue comme
individualité, comme étant considérée comme « plus » que le membre
anonyme d’une catégorie.

 « Don de son intimité, le soignant dévoile au soigné quelque chose de sa sphère


privée : une information sur sa famille, une photo de ses enfants, une anecdotes
de sa vie... La distance ou l’asymétrie relationnelle est réduite, ceci est
interprété comme un don que le soignant fait de son intimité, témoin de
l’estime qu’il porte à la personne en la reconnaissant comme un proche.

 « La manifestation visible d’émotions ressenties par le professionnel de santé à


propos de la personne dont il s’occupe est aussi un incitateur possible de
l’interprétation par le don.

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 « Lorsque le soigné interprète comme un don l’acte du soignant, il aura donc à y
répondre par un contre don.

 « Il pourra s’agir d’un retour conforme à l’attente raisonnable du professionnel:


une participation aux activités, le suivi d’un traitement, la participation à la prise
en charge… Le soignant sentira que l’on est dans le registre du contre-don de
reconnaissance s’il a l’impression qu’il s’agit aussi de lui faire plaisir en validant
l’efficacité de son travail.

 « Le contre-don peut aussi prendre la forme d’un apport narcissique direct ; la


personne donne à entendre que « son » soignant est exceptionnel et qu’il lui
doit beaucoup.

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 « Le don de confidence est une autre forme de contre-don. On dévoile à
quelqu’un un événement intime, tout en lui donnant à entendre qu’il est le
seul à qui on le confie.

 « Le don est un opérateur de reconnaissance. Il reconnaît l’autre comme


sujet. Mais comme un sujet capable de donner à son tour. Celui qui se révèle
incapable de rendre s’annule comme sujet et tombe sous le pouvoir du
donateur. »
 Comment éviter que celui que sa vulnérabilité condamne à ne pas pouvoir
rendre ne se voit pas déniée sa dimension de sujet ?

 Gouldner parle de la bienveillance: pour nous aider, dans notre état de


vulnérabilité, il faut bien que quelqu’un soit bienveillant, se soucie de
nous. On peut aussi parler de care.
 Fustier Paul, « La relation d'aide et la question du don », Nouvelle revue de
psychosociologie 2/2008 (n° 6)Cours
, p. 27-39
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Conclusion

 Le soin est avant tout la rencontre de deux personnes, ce n’est pas


uniquement faire disparaître une symptôme ou une maladie.

 L’une des significations latines du mot soin, soniare, signifie « songer »: songer
à quelqu’un, lui porter de l’attention, c’est s’occuper de son bien être.

 Redonner une place de sujet au patient dans la prise en charge, c’est éviter
toute possibilité d’entrer dans une maltraitance.

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 « Les racines latines de ce mot (ad - cum - panis, vers - avec - pain) renvoient
en effet aussi bien à l’idée de réconfort et/ou de guide (ad) qu’à celle de
relation (cum).

 C’est pourquoi l’accompagnement se définit généralement par la nécessité


d’aider une personne confrontée à des épreuves intenses et marquantes,
comme peuvent l’être les maladies et la mort, présentes ou à venir.

 Il renvoie en même temps à la nécessité de la soutenir dans les méandres et


les aléas que ces épreuves tracent dans sa trajectoire biographique. »

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Concepts

 Don / contre don


 Ecoute bienveillante
 Altérité
 Pouvoir

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Bibliographie

 Bourgeon Dominique, « Dons de temps, dons de vie : les enjeux de pouvoir à


l'hôpital », Revue du MAUSS, 2013/1 n° 41, p. 153-166.
 Bourgeon Dominique,« Le don et la relation de soin : historique et
perspectives ... », Recherche en soins infirmiers, 2007/2 N° 89, p. 4-14.
 Jounin Nicolas, Wolff Loup, Entre fonctions et statuts, les relations
hiérarchiques dans les établissements de santé, Rapport de recherche, CEE,
2006.
 Carl Rogers, La communication, Hommes et techniques, n°169, 1959.
 Carl Rogers, La relation d’aide et la psychothérapie, ESF éditeur, 2008.
 DANY L., DORMIEUX A., FUTO F., FAVRE R., La souffrance: représentations et
enjeux, RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
 Fustier Paul, « La relation d'aide et la question du don », Nouvelle revue de
psychosociologie 2/2008 (n° 6) , p. 27-39
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 Bécherraz, M. (2002a). De l’intérêt de la phénoménologie pour la mise en
évidence de l’expertise et le développement des connaissances en soins
infirmiers. Recherche en Soins Infirmiers, 69, 88-99.
 Bécherraz, M. (2002b). Expériences et significations du réconfort pour la
personne opérée et pour l’infirmière qui en prend soin. Recherches en Soins
Infirmiers, 69, 80-87.
 Boutry, L., Matheron, I., & Bidat, E. (2001). Quand Les Prescriptions Ne Sont
Pas suivies... penser aux croyances et représentations de santé. L’exemple du
patient asthmatique. Revue Française d’Allergologie et d’Immunologie
Clinique, 41, 470-476.
 Pétrillo, G. (2000). Influence sociale, communi- cation persuasive et
représentations sociales de la santé et de la maladie. In G. Pétrillo (Ed.), Santé
et société (pp.221-240). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.

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 Dany, L., Dudoit, E., Futo, F., Dormieux, A., & Favre, R. (2004). Le travail
infirmier en service d’oncologie : un travail sur et par la souffrance.
Congrès Santé et Travail, Metz-Luxembourg : 22- 24 Novembre 2004.
 Morin, M. (2001). Croyances, attitudes et repré- sentations sociales dans
la prévention et la prise en charge de l’infection par le VIH. In M. Bruchon-
Schweitzer, & B. Quintard (Eds.), Personnalité et maladies (pp. 241-258).
Paris : Dunod.
 Morasz, L. (2002). La souffrance dans la relation soignant-soigné. In G.N.
Fischer (Ed.), Traité de psychologie de la santé (pp.405-424). Paris : Dunod.
 MATALON, Anne, Chimiofolies, Aigues-Vives (30670), HB Editions, 2000,
154p.

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