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RÉSUMÉ SUMMARY
L diarrhée
La di hé estt une complication
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Différents mécanismes sont impliqués dans la survenue d’une diarrhée Antibiotic-associated diarrhoea
aux antibiotiques (DAA) : toxicité directe de l’antibiotique sur la muqueuse Diarrhoea is a common side effect of antibiotics.
digestive, altération des fonctions métaboliques du microbiote intestinal Different mechanisms are involved in antibiotic as-
(diminution de la fermentation des hydrates de carbones, accumulation sociated diarrhea (AAD): a direct toxic effect of anti-
d’acides biliaires primaires) ou émergence et pullulation d’un micro- biotic on digestive mucosa, an alteration of metabolic
organisme pathogène. Une cause infectieuse est retrouvée dans moins functions of the intestinal microbiota (decrease of
d’un quart des cas. Parmi les causes infectieuses de DAA, Clostridium carbohydrates fermentation, accumulation of biliary
difficile est de loin la plus fréquente. Cette bactérie anaérobie sporulée salts) or the emergence and overgrowth of a bacterial
est responsable de 10 à 20 % des DAA et de la quasi-totalité des colites pathogen. An infectious etiology is involved in less
pseudomembraneuses (CPM). La diminution de la flore de barrière induite than 25% of the cases. Clostridium difficile infection
par l’antibiothérapie permet à C. difficile de s’implanter et de produire (CDI) is the leading causes of AAD. C. difficile is
deux toxines, TcdA et TcdB, dotées de propriétés entérotoxiques et cyto- currently responsible for 10 to 20% of cases of AAD
toxiques. Tous les antibiotiques ont été mis en cause dans la survenue and for virtually all cases of pseudomembranous
d’infections à C. difficile (ICD), certains (céphalosporines, ampicilline, colitis (PMC). The first step in development of the
amoxicilline, clindamycine et plus récemment fluoroquinolones) ayant un infection is a disruption of the normal colonic flora,
risque intrinsèque plus élevé. L’âge > 65 ans et les antécédents d’hospita- mainly caused by antibiotics. The reduction of the
lisation sont également des facteurs de risque importants d’ICD. D’autres protective microflora allows C. difficile to overgrow
agents infectieux tels K. oxytoca, C. perfringens, S. aureus ou Candida and to produce two enterotoxic and cytotoxic toxins
spp. ont été incriminés dans la survenue de DAA, mais leur fréquence et (TcdA and TcdB). All antibiotics may predispose to CDI
leur mode d’action restent encore imprécis. but antibiotics with higher risk for infection include
cephalosporins, ampicillin, amoxicillin, clindamycin
Clostridium difficile – diarrhée – antibiotiques – Klebsiella oxytoca – colite. and, more recently, fluoroquinolones. Risk factors
for CDI also include age >65 years and previous
hospitalization. Other pathogens involved in AAD
1. Introduction include K. oxytoca, C. perfringens, S. aureus or Can-
dida spp.. However their respective frequency and
La flore intestinale normale ou microbiote intestinal est physiopathology still remain unclear.
constituée de plus de 400 espèces bactériennes, com-
prenant majoritairement des bactéries anaérobies. Cette Clostridium difficile – diarrhoea – antibiotics –
flore joue, en plus de nombreuses autres fonctions, un Klebsiella oxytoca – colitis
rôle de barrière en s’opposant à l’implantation et à la
multiplication de bactéries pathogènes. L’exposition aux
antibiotiques crée une niche dans l’écosystème intestinal flore intestinale normale à la suite d’un traitement anti-
permettant la prolifération de divers agents pathogènes biotique était non négligeable [1]. Cette altération de la
(déjà présents au sein de la flore résidente ou acquis à microflore intestinale par les antibiotiques conduit alors
partir de l’environnement). Le séquençage de l’ARN16S directement ou indirectement aux diarrhées associées
a permis de montrer clairement que la perturbation de la aux antibiotiques (DAA). La diarrhée est en effet l’un des
effets secondaires les plus fréquents de l’antibiothérapie.
Une importante étude prospective suédoise réalisée sur
a Laboratoire Clostridium difficile associé au CNR des bactéries
2 462 patients a montré que 4,9 % des patients traités par
anaérobies et du botulisme
antibiotique développaient une DAA, définie par au moins
Faculté de médecine Saint-Antoine – Université Pierre-et-Marie-Curie
3 selles molles ou liquides par jour pendant au moins 2 jours
27, rue de Chaligny
consécutifs [2]. L’incidence des DAA varie de 5 à 25 %,
75012 Paris
selon l’antibiotique responsable [3, 4] et la définition de la
b Unité d’hygiène de lutte contre les infections nosocomiales (UHLIN)
diarrhée. Selon l’OMS, la diarrhée est l’émission d’au moins
Hôpital Saint-Antoine (AP-HP)
trois selles molles ou liquides par jour, ou à une fréquence
184, rue du Faubourg Saint-Antoine
anormale pour l’individu. Le spectre de l’antibiotique (en
75571 Paris cedex 12
particulier son activité contre les bactéries anaérobies) et
* Correspondance
sa concentration fécale sont probablement des éléments
catherine.eckert@sat.aphp.fr
déterminants dans le développement de la diarrhée. Tous
article reçu le 7 juin
juin, accepté le 8 septembre 2010 les antibiotiques ont été incriminés et une dose unique peut
© 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. suffire (comme en prophylaxie chirurgicale par exemple).
taire à 2 700 [IC : 1 150 – 5 400] p. 100 000 patients recevant significativement associé à plus de complications (méga-
un traitement antibiotique, soit environ 500 000 patients côlon, choc septique) et à un taux de mortalité plus élevée.
par an [14]. La souche 027 n’est pas la seule souche à avoir disséminé
et à être responsable de formes sévères ; selon les pays,
2.1.4. Épidémiologie d’autres souches sont associées à des complications
En France, en milieu hospitalier, l’incidence des ICD varie (incluant les PCR-ribotypes 015, 018 et 056) (Final results of
habituellement de 1 à 10 cas pour 1 000 admissions. En the first pan-European Clostridium difficile infection survey.
2009, l’incidence retrouvée en court séjour était de 1,10 cas MP Bauer, DW Notermans, BH van Benthem, JS Brazier,
pour 1 000 admissions (CL20 – Caractéristiques épidémio- M Wilcox, M Rupnik, DL Monnet, JT van Dissel, EJ Kuijper
logiques et microbiologiques des infections à Clostridium on behalf of the ECDIS Study Group 20th eccmid, Vienna,
difficile en France : résultats de l’étude ICD-RAISIN 2009 – 0157). Les souches de PCR-ribotype 078 ont également
Bruno Coignard et al., Saint-Maurice, XXIe Congres national émergé dans certains pays dont la France. Comparative-
de la SFHH 2010). Ces ICD sont associées aux soins dans ment aux ICD dues aux souches de PCR-ribotype 027,
plus de deux tiers des cas et surviennent volontiers sous les souches 078 seraient responsables de formes sévères
forme d’épidémies notamment dans certains services où d’ICD dans une population plus jeune et seraient retrouvées
la pression antibiotique est élevée (réanimation, gériatrie, plus fréquemment dans la communauté [18].
maladies infectieuses). Dans cet environnement, l’acqui-
sition d’une souche de C. difficile est fréquente mais reste 2.1.5. Diagnostic bactériologique
le plus souvent asymptomatique. Un diagnostic rapide et fiable de l’ICD est un élément
Le début de ce siècle a été marqué par une augmentation clé afin d’intervenir rapidement pour mettre en place les
importante de l’incidence des ICD un peu partout dans mesures d’isolement nécessaires et initier un éventuel
le monde. Des épidémies de formes sévères d’ICD, avec traitement antibiotique. Toute diarrhée d’origine noso-
une mortalité et une morbidité plus importante, ont été comiale, a fortiori si elle est associée aux antibiotiques,
décrites de manière croissante tout d’abord en Amérique devrait faire penser à une ICD. Le diagnostic de laboratoire
du Nord puis en Europe [15, 16]. Ces épidémies semblent repose sur la mise en évidence des toxines de C. difficile
en partie liées à l’émergence et à la dissémination rapide directement à partir des selles diarrhéiques ou à partir de
d’une souche toxinogène, hypervirulente et épidémio- la souche isolée en culture [19] (tableau I). Les souches
gène, appartenant au PCR-ribotype « 027 » (en référence toxinogènes produisent habituellement les toxines A et
à son profil en PCR-ribotypage), également caractérisée B mais certaines souches ne produisent que la toxine B
par son appartenance au toxinotype III, par son profil en (souches A-B+) et sont à l’origine d’épidémies.
électrophorèse en champ pulsé (NAP1) ou par son groupe La technique de référence pour le diagnostic d’ICD repose
de restriction enzymatique (BI). Cette souche produit une sur la mise en évidence d’un effet cytopathogène en culture
plus grande quantité de toxines A et B in vitro [17], sécrète cellulaire (dû à la toxine B) à partir d’un filtrat de selles (test
la toxine binaire et présenterait une meilleure capacité de de cytotoxicité). La culture toxigénique, qui consiste à isoler
sporulation ; elle est également caractérisée par sa résis- C. difficile sur des milieux sélectifs puis à déterminer le
tance aux antibiotiques (notamment l’érythromycine et caractère toxinogène in vitro de la souche, est également
les nouvelles fluoroquinolones). Ce clone épidémique est considérée come un « gold standard ». Cette dernière est
coproculture révèle la présence de K. oxytoca en quantité encore incertaine et des investigations supplémentaires
importante (> 106 UFC/ml). En dépit de nombreuses ques- semblent nécessaires.
tions encore non résolues concernant différents aspects de
la virulence de K. oxytoca, il a été suggéré que, de façon 2.2.4. Candida
similaire aux ICD, les colites hémorragiques associées Les DAA sont souvent associées à une augmentation de
aux antibiotiques étaient dues à un effet cytotoxique de la quantité de Candida spp. retrouvée dans les selles. Par
K. oxytoca survenant à la suite de la prolifération de la conséquent il a été suggéré que Candida spp. pouvait agir
bactérie après un traitement antibiotique [3]. Une étude comme pathogène facultatif et être responsable de diarrhée
a récemment montré que parmi les souches de K. oxy- après la consommation d’antibiotique. Pourtant le rôle des
toca isolées de patients souffrant de colite hémorragique Candida spp. dans les DAA reste très controversé [34] et
associée aux antibiotiques, 69 % étaient productrices de une augmentation de la quantité de Candida spp. dans les
toxines. Les souches issues de cas de diarrhées ainsi que selles de malades sous traitement antibiotique semblerait
les souches isolées de porteurs asymptomatiques étaient plutôt être la conséquence de l’antibiothérapie et/ou de la
également cytotoxiques (dans 57 % et 46 % des cas res- diarrhée que la cause de la DAA elle-même [35].
pectivement) ; a contrario les souches isolées du tractus
urinaire ou respiratoire ne présentaient pas de cytotoxicité 2.2.5. Salmonella
[30]. Le lien entre la production de toxine par K. oxytoca L’association entre salmonellose et prise d’antibiotiques
et la colite hémorragique nécessite probablement des n’est pas récente [4]. Il a été montré chez l’animal que la
investigations supplémentaires [30]. dose infectante est beaucoup plus faible si l’animal est
prétraité par antibiotique. Les souches de Salmonella
2.2.2. C. perfringens naturellement résistantes à l’antibiotique en cause vont
C. perfringens, agent de toxi-infection alimentaire, est une pouvoir s’implanter et proliférer et être à l’origine de lésions
bactérie anaérobie sporulée à Gram positif. C. perfringens de colites chez le patient traité.
est ubiquitaire dans l’environnement et peut être retrouvé
chez l’homme en bonne santé dans la flore résidente de
l’intestin. Les souches de C. perfringens produisent de
3. Diarrhées non infectieuses
nombreuses toxines ; les souches productrices d’enté-
rotoxine ont été considérées comme une cause de DAA 3.1. Diarrhées liées à une toxicité
et de diarrhée sporadique dans plusieurs études [3]. Une directe des antibiotiques
étude a notamment montré que dans les cas de DAA, la Les DAA peuvent être expliquées par un effet direct de
prévalence de l’entérotoxine de C. perfringens était de l’antibiotique sur la motilité intestinale ; l’érythromycine qui
3,3 % : les diarrhées associées à C. difficile étaient 4 fois est un agoniste des récepteurs à la motiline [36] (peptide
plus fréquentes [31]. Ces chiffres varient selon les études prokinétique) est capable de stimuler la vidange gastrique.
mais il semblerait que les souches productrices d’enté- L’association amoxicilline-acide clavulanique peut majorer
rotoxine soient capables d’induire des DAA. le péristaltisme de l’intestin grêle [37] ; cette association
serait plus souvent responsable de diarrhée que les autres
2.2.3. S. aureus bêta-lactamines [4].
La responsabilité de S. aureus dans la survenue de DAA
a également été suspectée. Historiquement, S. aureus a 3.2. Carbohydrates
longtemps été considéré comme le germe responsable de Le microbiote intestinal normal est composé de deux
CPM ; depuis la découverte de l’implication de C. difficile, grands phyla, les Firmicutes et les Bacteroidetes. Ces deux
le rôle de S. aureus a été remis en question. À la fin des phyla représentent jusqu’à 90 % des bactéries colonisant
années 90, une étude française a montré que la fréquence l’intestin distal. Ce microbiote intestinal distal est capable
des DAA dues à S. aureus représentait un cinquième de de métaboliser les hydrates de carbone (amidon et fibres
celles impliquant C. difficile, dans 97 % des cas il s’agissait alimentaires…). En effet la majorité des gènes codant pour
de S. aureus résistants à la méticilline (SARM) et la plupart les enzymes nécessaires pour dégrader les complexes
des souches produisaient la leucotoxine LukE-LukD et polysaccharidiques sont absents dans le génome humain.
l’entérotoxine A [32]. Les auteurs suggèrent que lorsque Les produits finaux de dégradation (fermentation) sont
S. aureus est prédominant dans les selles, il devrait être des acides gras à courtes chaînes qui sont d’importantes
considéré comme une étiologie possible pour certains sources d’énergie et des nutriments pour les entérocytes.
cas de DAA. Une étude prospective a également montré L’absorption de ces acides gras est accompagnée de
que les SARM producteurs d’entérotoxines pouvaient être l’absorption de fluides et d’électrolytes du côlon et seuls
responsables de DAA nosocomiale [33]. Des données plus un nombre limité de ces acides gras reste dans la lumière
récentes semblent suggérer que la prévalence de S. aureus intestinale. Si le microbiote est altéré, l’accumulation d’hy-
dans les DAA est faible (0,2 %), les diarrhées associées à drates de carbone et de fluides dans la lumière colique
C. difficile étant 60 fois plus fréquentes [31]. Les 10 souches exerce un effet osmotique conduisant à la diarrhée. Clini-
de S. aureus isolées lors de cette étude étaient résistantes quement la diarrhée due à ce processus apparaît dans la
à la méticilline et 8 étaient productrices de toxines : les plupart des cas sous forme modérée [3]. Des changements
entérotoxines A, C, D et la toxine du syndrome de choc qualitatifs et quantitatifs de la flore intestinale peuvent ainsi
toxique TSST-1 ont été retrouvées. Au total, si S. aureus conduire à une perturbation globale du métabolisme au
est bien capable d’induire une DAA, sa fréquence demeure niveau du côlon et être responsable de DAA.
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