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Université de Strasbourg

Capes-Agrégation Les formes de l’organisation ouvrière


Séance 12
Lundi 30 novembre 2020

Jules Adler, La grève au Creusot, 1899


Introduction

La question est de savoir comment les formes de « l’organisation du travail » s’adaptent aux évolutions
globales des sociétés industrielles au cours du siècle.

L’héritage de l’ancien régime économique perdure sous des formes de plus en plus dégradées jusqu’aux
années 1880 qui marquent l’essor d’un syndicalisme de masse légalisé et structuré : à côté des partis
politiques, les syndicats apparaissent comme l’expression professionnelle mais aussi parfois politique du
monde du travail.

Cette évolution est générale dans l’Europe industrielle mais admet des caractéristiques locales/nationales
qui sont bien plus que des nuances : du travaillisme à l’ « anarcho-syndicalisme », de la social-démocratie au
bolchevisme ; du syndicalisme de service au syndicalisme de combat, etc.

Ici = on se concentrera sur les « syndicats libres », les plus représentatifs des mondes ouvriers.
On laissera de côté : le syndicalisme chrétien, libéral ou jaune mais aussi l’anarchisme méditerranéen, les
mouvements coopératifs & mutuellistes, etc. autant d’inspirations et de formes d’organisation qu’il faut
néanmoins conserver en mémoire.
I/ La persistance des formes anciennes de l’organisation
ouvrière (1830s-1880s)

11/ La lente et inégale disparition des corporations


111 – La révolution libérale
112 - Une surveillance et une défiance des associations

12/ Le déclin du compagnonnage et la persistance des métiers


121 – Le dernier âge d’or du compagnonnage, persistance des
pratiques
122 – la persistance des métiers et d’une « économie morale »
ouvrière

13/ L’essor des sociétés de secours mutuel


131 – Le rôle des diverses sociétés de secours (résistance et
assistance)
132 – Les formes primaires de la résistance
II/ Essor du syndicalisme moderne (1850s-1910s)

21/ Du métier à la masse


211 – La charnière des années 1880-1890
212 – La mise en place d’organisations de masse

22/ Les syndicalismes nationaux


221 – Un paysage européen contrasté
222 – Réformisme de masse et minorités révolutionnaires

23/ La combativité ouvrière


231 – Naissance de la grève
232 – Des conflictualités différentes
III/ Le syndicalisme dans l’entre-deux-guerres

31/ L’essor du syndicalisme chrétien


311 – Les pays à forte DC
312 – Les terres anticléricales

32/ L’internationalisation : FSI et ISR


321 – Rouges et …
322 - …« sociaux-traitres »

33/ L’antifascisme unificateur


331 - Les fronts populaires
332 – L’anticommunisme
I/ La persistance des formes anciennes de
l’organisation ouvrière (1830s-1880s)
Des métiers aux syndicats (Eric J Hobsbawm :
11/ La lente et inégale disparition des
corporations
« …Ainsi, la société de métier (trade society) de travailleurs
111 – La révolution libérale
qualifiés appelée à devenir le syndicat (trade union) du XIXe
112 - Une surveillance et une défiance des
siècle était peut-être issue des anciennes guildes. Son
associations
vocabulaire reflétait son origine pré-industrielle : elle
rassemblait les membres d’un métier (trade ou craft) qui se
12/ Le déclin du compagnonnage et la
donnaient le nom de compagnons (journeymen). Les
persistance des métiers
artisans et les ouvriers qualifiés s’appelaient craftsmen
121 – Le dernier âge d’or du compagnonnage,
(gens de métier), et aujourd’hui encore les membres des
persistance des pratiques
syndicats s’appellent entre eux « frères ». Cette expérience
122 – la persistance des métiers et d’une
séculaire d’une organisation préindustrielle fournit au
« économie morale » ouvrière
nouveau prolétariat, dans la seconde moitié du XIXe siècle,
l’essentiel de son cadre d’organisation… »
13/ L’essor des sociétés de secours mutuel
131 – Le rôle des diverses sociétés de secours
(résistance et assistance)
132 – Les formes primaires de la résistance
Retour sur l’Ancien régime

Caractéristique de l'ancien régime : toute définition sociale par passe par un langage juridique (privilèges):
ordre ó classe .

Même chose dans le monde du travail (en théorie du moins) = textes juridiques => règles & normes => fondent
et garantissent l'organisation sociale

ancien régime = loi particulière (priva lex) :


régime du travail = métiers réglés
Corporations
Maîtrises
Jurandes

Définition de la Corporation : « une association d'artisans exerçant une industrie par privilège et d'après des
règlements qui, une fois élaborés, s'imposent à tous, membres et non-membres , clients comme producteurs ;
les corporations font la hiérarchisation du métier » Georges Lefranc
maîtres
compagnons
apprentis
Crise des corporations au XVIIIe siècle : montée en puissance du libéralisme = fermeture de la maîtrise :

France :
1682 : 17000 maîtres pour 43000 compagnons et 6000 apprentis
1780 : 12000 maîtres pour 6000 compagnons et 12000 apprentis

=> Remise en cause même de l'idéologie qui sous-tend le système corporatiste en remplaçant une hiérarchie basée sur la
valeur professionnelle par une hiérarchie fondée sur la famille (reproduction de père en fils)

=> XVIIIe : Apparition de nouveaux travailleurs parfois appelés les « faux ouvriers » et qui échappent au cadre
corporatiste => une nouvelle forme d'organisation du travail où négociants & manufacturiers établissent des relations
avec des travailleurs individuels et qui ne sont plus soumis aux réglementations collectives qui encadrent les corporations

=> Ainsi les corporations qui sont le creuset de la bourgeoisie voit celle-ci s'en détacher et revendiquer de plus en plus
son pouvoir social et économique

=> Les tentatives de réponse du pouvoir Royal sont bien connues : mars 1776, édit de Turgot pour la libéralisation du
commerce et du travail => édit supprimant les jurandes et corporations rapporté dès le mois d'août tant les protestations
sont fortes .
=> La révolution entraîne l'explosion des cadres juridiques
la liberté du travail et l'affirmation de l'individualisme : loi
Le Chapelier et loi d’Allarde (cf séance 8)

=> Individualisme et égalité juridique sont les 2 grands


acquis de la période révolutionnaire.

=> l'époque napoléonienne et impériale = beaucoup plus


répressive :
La fiction juridique qui maintient en
théorie l'égalité entre les individus se brise sur la
législation impériale qui tout en reprenant les idéaux
révolutionnaires aggravent la législation de la révolution
au détriment des ouvriers.
loi du 22 Germinal an XI (12/4/1803): reprend les dispositions de la loi Le Chapelier contre les coalitions mais instaurent
l'inégalité des peines entre patrons et ouvriers :
le patron est condamné à 3000 francs d'amende et un mois de prison
l'ouvrier est condamné à 3 mois de prison et plus s'il y a des violences

loi du 9 frimaire an XII (1/12/1803) : instauration du livret ouvrier => reprise de la législation d'ancien régime (livret
instauré en 1746 supprimée en 1791 et restauré en 1803) pour le contrôle administratif et la régulation des migrations.

Article 1781 du Code Civil (1804) => introduit une rupture de l'égalité juridique entre patrons et ouvriers puisque
l'employeur est cru sur son affirmation pour la quotité des gages pour le paiement des salaires

loi du 8 mars 1806: instaure les Conseils de Prud'hommes et les commissions paritaires chargées de régler les conflits :
surreprésentation des employeurs ; les ouvriers ne sont représentés que par les chefs d'atelier

Le code pénal de 1810 réaffirme la législation en matière de coalition:


article 291 réprime toute association de plus de 20 personnes
articles 414 et 416 reprennent les dispositions de la loi Le Chapelier contre les coalitions (il faut
attendre la loi du 25/5/1864 pour que les coalitions ouvrières soit autorisées)

=> France = expérience révolutionnaire et surtout la Terreur => Défiance de l’Etat et des élites pour le monde du travail
Situation différente Grande-Bretagne :

En Grande-Bretagne, jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, le En Angleterre =


système fonctionne sur une forme ancienne d'organisation type
guilde, corporation, métier, dans laquelle ouvriers et maîtres ne l'Etat anglais a montré peu d'intérêt à maintenir
sont pas si éloignés que cela même si l'antagonisme entre les des structures corporatives
deux va croissant au XVIIIe siècle avec le développement de
nouvelles formes de travail. En même temps, les oligarchies marchandes
ont détruit les corporations en tant
Les préventions contre l’organisation ouvrières sont moins qu'institutions organisant la production et la
fortes qu’en France => 1793 = Friendly societies Act. vente des marchandises.

Les friendly societies, = amicales => deviennent la forme Attention : disparition des corporations mais
privilégiée de l'association ouvrière en Angleterre au XVIIIe et pas des métiers.
dans la première moitié du XIXe.
Exemple : à Londres organisation des tailleurs de 1721 pour
négocier les salaires constitue un modèle pour de nombreux
métiers londoniens tout au long du siècle.

Les premières sociétés sont composées essentiellement


d'artisans qualifiés => stricte défense des intérêts professionnels
et plutôt conservatrices.
=> Période plus répressive c.1799-1820s (Combination Acts => répression des mouvements jacobins, des
mouvements luddistes, etc. [ex. drame de Peterloo, 1819)

1824-1825 = abolition des Combination Acts => tolérance et légalisation des coalitions ouvrières.

=> A cette époque que l'on commence à parler de syndicats en Angleterre c'est-à-dire d’unions fondée sur les
métiers (trades) et surtout sur le refus de travailler avec des personnes qui n'appartiennent pas à la société.

Þ Ainsi = les organisations ouvrières dès le début du XIXe siècle sont parfois bien structurées à l'exemple des
tailleurs londoniens qui regroupent plusieurs centaines de membres => House of call dans lesquelles les
patrons peuvent prendre des contacts avec les ouvriers (organisation géographique de l’organisation du
travail qui préfigure des chambres syndicales, bourses du travail, Camare del lavoro)

Þ Les conditions d'entrée dans les clubs, amicales, confréries, etc. sont souvent restrictives = cotisation
souvent élevée & 7 ans d'apprentissage dans le métier sont nécessaires.

=> des métiers anciens dans des grandes villes ó à l'inverse les ouvriers des mines et du textile notamment
dans le nord ne sont pas organisés.
En Allemagne : les corporations restent importantes mais avec de grandes variations géographiques avant
l’unification politique :

=> trois structures très différentes :


= sur la rive gauche du Rhin, des territoires où les corporations ont été abolies après l’occupation et
l’imposition de la loi française.
= dans Sud de l'Allemagne, en Saxe ou dans les villes hanséatiques = corporations maintenues ou
restaurées => se maintiennent jusqu’à l’unification de 1871 => la liberté du commerce est introduite dans le Reich
et les corporations sont abolies.
= enfin la Prusse où en 1810 = introduction de la liberté du commerce = début d’un long processus de
dépérissement des corporations.

=> « L'état conquérant du XIXe siècle n'accepte pas que certains de ses droits les plus nobles comme l'organisation
de l'économie, comme l'organisation de la jurisprudence soient détenus par des corporations. Il prive celles-ci de
plus en plus de leurs privilèges et on assiste à ce spectacle assez curieux : dans les pays où les corporations ont été
maintenues avec fracas en 1815 par une politique de restauration, elles perdent de plus en plus de leurs droits
jusqu'à leur abolition durant les années 1860 » - Georges Haupt.
Conséquences => persistance de ces formes anciennes adaptées jusqu’au milieu du XIXe siècle sous deux
formes principalement : les sociétés de secours mutuel et le compagnonnage.

contexte législatif très défavorable sauf en Zael Ephraim, ouvrier parisien :


Allemagne, mais tolérance dans les faits :
« […] un jour nous aurons nous aussi des
=> Le développement des sociétés de secours représentants dans le pouvoir législatif,
mutuel étudié par Rémi Gossez : des orateurs à la tribune. En attendant que
la réforme politique amène la grande
=> On en compte 45 à Paris en 1819, 132 en 1823, réformation industrielle et sociale, il ne
137 en 1851 regroupant environ 11000 ouvriers : faut remettre qu’à nous-mêmes le soin
d'améliorer notre sort physique et moral.
6e arrondissement 21 sociétés […] »
8e arrondissement 14 sociétés
5e arrondissement 18 sociétés
12e arrondissement 10 sociétés

=> Toutes ces sociétés sont à l'est de Paris = dans le


Paris ouvrier des faubourgs del’est.
En 1842 à Lille on compte environ 106 sociétés de secours mutuel regroupant 7000 ouvriers

À Lyon = 71 sociétés de secours mutuel regroupant 3000 ouvriers

En 1848 en France on compte environ 2000 sociétés de secours mutuel.

Rémi Gossez confirme que ce sont souvent les vieux métiers qui structurent les sociétés de secours
mutuel

L’entrée est chère : 10 francs et une cotisation mensuelle pour entrer dans la Caisse des graveurs et
imprimeurs sur étoffe de Bourgoin.

Les sociétés sont parfois anciennes remontant à l'empire


Exemple, à Grenoble :
1803 société des gantiers
1805 société des cordonniers et peignant de chanvre
1806 société du bâtiment entre parenthèses maçon tailleur charpentier plâtrier virgule et cetera

même chose à Lyon : 1804 société des chapeliers.


Entre assistance…
= en cas de maladie
= pour les enterrements, etc.

…et résistance :

= grèves : 1827/28-1834/35 = grande période d'agitation sociale => nouvelles dispositions juridiques avec
la loi du 10 avril 1834 qui renforce la surveillance.

= grèves sont souvent dures et violentes

Exemple : grève des ouvriers parisiens en 1833 : typographes, tailleurs de pierre, charpentiers
(5000 grévistes), boulangers (3000), bouchers, etc.
les tailleurs de pierre = soutien d'une société de secours qui demande 2 francs de plus par pièce & 1h de
moins de travail par jour
= Répression => 200 arrestations et des emprisonnements allant de un mois à 5 ans

L’année 1840 représente aussi une période de forte conflictualité sociale à Paris.=
Le compagnonnage

=> une forme d'organisation qui remonte au moyen-âge avec le


développement des corps de métiers impliqués dans la construction
des cathédrales.

=> interdite sous la révolution (loi Le Chapelier) mais elle resurgit


sous le directoire => regain de vigueur jusque sous la Restauration.
Décline ensuite sous la monarchie de juillet

Þ compagnonnage correspond à un type de société dont


l'organisation est basée sur la structuration de la mobilité des
compagnons => organisation de déplacements fréquents d'où la
nécessité d'une structure d'accueil de compagnons sur la route

=> On évalue à environ 200 000 le nombre de compagnons en


France dans la première moitié du XIXe siècle.
=> Le compagnonnage assure des formes d'assistance: accueil,
embauches, crédits
Facilite les déplacements (Tour de France) de ville en
ville
Assistance aussi en cas d'emprisonnement ou de
maladie

=> L'accueil en ville se fait par le rouleur personnage essentiel puis


avec la mère qui assurent l'hébergement (la cayenne).

L’organisation du travail :
embauchage à l'arrivée
levage d'aquis au départ
rapport maître compagnon dans l'atelier des
configurations très différentes

rivalité entre sociétés de compagnons: Gavôts et Dévoirants =>


importance de la violence compagnonnique (dénoncée par Agricol
Perdiguier & Pierre Moreau) « La rixe » - L’Illustration, journal universel, numéro du 29 novembre
Les rixes sont fréquentes entre les Dévoirants (compagnons du 1845
devoir) <=> et les Gavots (compagnons du devoir de liberté)
= souvent des blessés, parfois des morts
= rivalité pour obtenir un même travail
= parfois des batailles rangées célèbre entre différents métiers
les forgerons à Nantes 1818, tailleurs de Pierre à Tournus en 1825
Conclusion intermédiaire :

A l’image de l’industrialisation, l’histoire de l’organisation du travail avance lentement en amalgamant progressivement


l’ancien et le nouveau.

Les héritages du passé pèsent lourds.

Néanmoins, à partir des années 1850 (en Grande-Bretagne) puis plus tard sur le continent, se développent des formes
d’organisation plus modernes
II/ Essor du syndicalisme moderne
(1850s-1910s)

21/ Du métier à la masse


211 – La charnière des années 1880-
1890
212 – La mise en place d’organisations de
masse

22/ Les syndicalismes nationaux


221 – Un paysage européen contrasté
222 – Réformisme de masse et minorités
révolutionnaires

23/ La combativité ouvrière


231 – Naissance de la grève
232 – Des conflictualités différentes
L’évolution britannique : précocité et exemplarité

Þ Contexte de l’agitation chartiste


Þ Dualité entre le Londres des métiers et la grande industrie (charbon, textile) au nord

Premières tentatives pour construire des organisations à l’échelle nationale :

=> la première véritable dans ta tentative d'union nationale se déroule en 1829 à


l'initiative de John Doherty => il s'agit du Grand national union of operating
spinners of Great Britain => l'année suivante en 1830 = National association for
protection of Labor = une assemblée de clubs dont le « conseil » se retrouve tous
les mois à Manchester

=> surtout, en 1834 = initiative prise sous l'influence de Robert Owen pour voir
apparaître le Grand National consolidate trades union.
=> Il s'agit de la première tentative pour rationaliser la nébuleuse associative afin
de coordonner les grèves et le maintien des salaires.
=> Grand National connaît une croissance rapide et atteint rapidement 500 000
adhérents mais dont très peu payent leur cotisation = colosse au pied d’argile,
mais l’idée est là.
1830s : ouvre une période de croissance des organisations syndicales en ville et par métier :
le fait n'est pas très spectaculaire mais relayé par le mouvement chartiste qui se développe
notamment dans les périodes de dépression économique 1838- 1842, 1847- 1848

Il y a cependant peu de liens entre le chartisme et les organisations ouvrières => à partir de
1842 la forte expansion économique provoque le déclin du chartisme.

Le développement économique dans le nord entraîne de nouvelles formes d'union


différentes des clubs de artisans et des amicales.

Les unions se font à une échelle plus large avec de nouveaux schémas d'organisation
en 1845 = National association for United Trades for the protection of labour

Deux secteurs emblématiques voient apparaître des formes d’organisation modernes


tournées vers le monde de la mine et du textile.
les mines = premier exemple de développement d'organisations ouvrières dans des secteurs nouveaux :

= 1842 = conférence de Wilde entraîne la fondation de la Miners association of Great Britain en Ireland
= 1844 =70 000 adhérents soit 1/3 des mineurs de Grande-Bretagne son leader et Martin Jude => salaires et
conditions de travail

= Alexander MacDonald en 1852 = devient le leader des mineurs écossais en 1858 il fonda la National miners
association => pour une meilleure législation du travail dans les mines
Csq =>en 1860 le le Parlement vote le Coal mines régulation Act.

Les organisations locales dans les grands centres textiles


tentent aussi de se fédérer : les associations d’Ashton, Preston,
stockport forment en 1853 = association des fileurs (spinners).
C’est dans les métiers hautement qualifiés liés à la métallurgie (industrie moderne) notamment chez les
mécaniciens (engineers), produit de la révolution industrielle, très développée dans le nord mais avec des
ramifications importantes dans la région londonienne, qu’a lieu la première expérience du syndicalisme
moderne.

1851 = fondation de Amalgamated Society of engineers (ASE) =apparaît comme le premier syndicat moderne

Tournant dans l'histoire du syndicalisme britannique: il s'agit de la première organisation structurée comme une
fédération d'industrie regroupant tous les métiers de la mécanique et dans laquelle chaque section de possède
une grande autonomie.

= Les fonds (les droits et cotisations restent élevés) sont centralisés à Londres
= un secrétaire général permanent employé à plein temps (William Allan) il est supervisé par un conseil exécutif.
1851 = ASE compte 12 000 adhérents
1867 = 33 000 adhérents (140 000 livres sterling de réserve) d’après François Bédarida

Pour Beatrice et Sydney Webb = la création de ce syndicat marque la naissance du « New unionism »
Dynamique organisationnelle => première massification
Cette mutation des organisations ouvrières se confirme dans les
années 1850 : la crise du bâtiment à Londres en 1859-1860 = fortes 1868 : Trade Union Congress
tensions sociales => les maçons et d'autres professions se mobilisent
pour la journée de 9h. = 120 000 membres à sa fondation
= 735 000 membres dans les 1870s
Conséquences de la grève (jusqu’en fév. 1860) : = 600 000 dans les années 1880s

=> juin 1860 = fondation Amalgamated Society of carpenters & joiners Les nouvelles organisations nationales se développent avec de
(charpentiers & menuisiers) nouvelles caractéristiques :

Þ mai 1860 = formation du London Trades council (Richard - un secrétariat permanent à plein temps
Applegrath) - une centralisation administrative et financière
- Regroupement au-delà du « métier » (secteur, branche, etc)
Þ les nouvelles sociétés ouvrières sont en outre favorisées par la loi :
C’est donc au sein des métiers traditionnels, fortement
1855 : friendly Society Act qui assurent une protection légale pour les qualifiés de l’ « aristocratie ouvrière » que se modernisent les
sociétés ouvrières associations professionnelles

1859 : molestation of workmen Act qui tolère les piquets de grève Milieu des années 1870 :
pacifiques sur les lieux de conflits liés aux salaires Skilled = 15%
Semi-skilled = 40%
Unskilled = 45%
Le second basculement des années 1880-1890 : le « New unionism » est concurrent par un nouveau syndicalisme

Mutations considérables à Londres au sein du monde du travail dans les années 1880-1890s : crise des industries
traditionnelles = concurrence de la grande industrie, etc.
1886-1887 : crise économique profonde => tensions sociales importantes :
8 fev 1886 = Black Monday (pillage dans le West-End)
13 nov 1887 = Bloody Sunday (répression d’une grande manifestation dans l’East End = 300 blessés)

De plus, 1880s = développement du socialisme en Grande-Bretagne

1881 : Social-Democratic League (SDF – Henry Hyndman- marxiste)


1884 : Fabian Society (Webb, GB Shaw ; 640 membres en 1893, 3000 en 1914)
1885 : Socialist league (William Morris)

Grandes grèves de Londres de 1889 :

= chez les dockers en février (Ben Tillet)

= chez les gaziers en juillet (will Thorne)


Nouvelles organisations

Ex. des gaziers = Gasworkers Union : De nouveaux leaders syndicaux apparaissent :


mars 1889 = 20 000 adhérents Keir Hardie
juillet 1889= 35 000 - Tom Mann
1890s = extension nationale : Ben Tillet
1892 = 25 000 (dont 16 000 à Londres) Will Thorne
1902 = 43 000 (dont 15 000 - )
Nouveaux mots d’ordre :
Le vieux syndicalisme « amalgamé », hérité des Augmentation des salaires
unions de métiers se trouve concurrencé désormais Journée de 8h
pas de syndicats regroupant des ouvriers non-
qualifiés venant de la grande industrie et des Nouvelles organisations :
services urbains : passage d’un syndicalisme de Gaziers = Gasworkers Union (mars 1889 = 20 000 adhérents à
métiers (qualifiés) vers un syndicalisme de masse l’été – 35 000
(non-qualifiés) : nouveau discours syndical influencé 1890 = extension nationale
par le syndicalisme révolutionnaire et nouvelle 1892 = 25 000 dont 16 000 à Londres, 43 000 et 15 000 en
combativité ouvrière. 1902)
Idem dans d’autres secteurs :
Urbanisation et transports => nouvelles professions Dockers
=> nouveau syndicalisme. Cheminots
TUC (vieil unionisme) – c.1 300 000 membres : masse et
réformisme => travaillisme L’action réformiste et parlementaire du TUC
n’entraine pas l’adhésion de l’ensemble du
Mines
mouvement ouvrier : leaders des nouveaux
Textile
Métallurgie syndicats (Ben Tillet ou Tom Mann) => attirés par le
syndicalisme révolutionnaire
Nouvel unionisme – c.200 000 membres : minorité importante,
=> distinction trade-unionism & syndicalism
combativité => syndicalisme (révolutionnaire) de lutte
Gaziers
Dockers 1910 : fondation de la Manchester Syndicalist
Education league
Transports
Regroupe les dockers, marins => National Transport
Workers Fed. (1911) = grève soutenue par les
Pelling, A History of british trade-unions, Londres, 1967 cheminots
Nb TU Nb Adh Nb TU /TUC Adh TUC Relais en 1912 par la grève des mineurs
1893 1 279 1 560 000 179 1 100 000 Relais en 1913 par la grève des dockers
1900 1 329 2 020 000 191 1 200 000
1905 1 244 2 000 000 226 1 560 000 1911-1913 = triple Alliance : Mineurs – Cheminots –
1910 1 269 2 570 000 202 1 670 000 Transports.
1914 1 260 4 145 000 215 2 683 000
C’est la période du Great Labour Unrest =
croissance spectaculaire des effectifs syndicaux.
Traduction politique de ces dynamiques sociales => alliance « lib-Lab » (liberal-labour dans les 1860s-1880s) ne suffit plus
pour un monde ouvrier qui réclame une représentation autonome (id. en France : républicaiins radicaux => socialistes)

Keir Hardie = 1893 => ILP (Independant Labour Party) hostile au « lib-lab »
Elu de West-Ham en 1892 comme socialiste indépendant
ILP se démarque de la SDF et du TUC
Bien implanté en Ecosse et dans le nord

Conférences de Plymouth en 1899 et Londres en 1900 => Labour Representation Committee (LRC) :
7 membres des TU
2 de ILP
1 SDF
1 Fabien
Secrétaire = Ramsès McDonald

LCR = fusion durable du syndicalisme et du socialiste = travaillisme


1901 = 376 000 adh
1902 = 469 000
1903 = 861 000

Succès aux élections de 1906 = 29 élus du LRC (pour 24 lib-lab soutenus par la fédération des mineurs) = Parti Travailliste
Histoire du syndicalisme anglais propose une trajectoire particulière mais recèle de nombreuses caractéristiques
que l’on retrouve sur le continent :

= structuration progressive du monde du travail dans des organisations professionnelles modernes

= la massification des effectifs avec intégration des ouvriers non-qualifiés issus de la seconde industrialisation

= Mouvement syndical divisé par des lignes stratégiques divergentes : syndicalisme révolutionnaire contre le
réformisme pragmatique (sans parler des chrétiens , des libéraux ou des jaunes).

= interroge en fait les fonctions du syndicalisme lui-même :


syndicalisme réformiste de service ó syndicalisme révolutionnaire de combat

Allemagne représente assez bien le premier cas, la France le second.


En Allemagne
=> les premiers syndicats apparaissent en Allemagne vers 1860
dans la région industrielle de la Saxe. Il s'appuie pour l'essentiel sur
l'existence des vieilles sociétés de secours mutuel : importance de
Le SPD compte en 1914 :
l’entraide.
65 imprimeries
=> les débuts du syndicalisme sont difficiles: essentiellement des
91 quotidiens rassemblant 1 500 000 abonnés
organisations locales dans les années 1860, 2 grands courants
675 institutions culturelles (sports, musique… )
coexistent les lassalliens et les marxistes (séance 11) et l'on
1147 bibliothèques
constate déjà une forte concurrence des syndicats chrétiens 4000 fonctionnaires
après 1868: l'essor de syndicats « libéraux » Hirsch-Duncker qui
représentent le socialisme de la chaire => grande influence du
Les syndicats allemands du GGB versent alors 48
modèle britannique
millions de marks en prestations diverses à leurs
adhérents.
=> 1871 : autorisation des syndicats dans l’empire = 2% de
syndiqués à l’époque
l'existence des syndicats libres est mise en cause par la loi de 1878
Jusqu’au départ de Bismarck en 1890.
Carl Legien (1861-1920) : le « père » du syndicalisme allemand.

= Né dans une famille pauvre et nombreuse, orphelin de mère à trois ans et de père à huit ans, élevé à l’orphelinat
= débute à 14 ans son apprentissage de tourneur sur bois (cinq ans)
= Compagnon => tour d’Allemagne en 1881
= tourneur à Berlin (ensuite à Francfort, etc. et à partir d’octobre 1886, à Hambourg).
= 1885, à Francfort = adhésion au SPD (période des lois d’exception).
= 1886 = adhésion à Hambourg au syndicat local des tourneurs sur bois
=> A l’époque : unions syndicales dispersées géographiquement et selon le principe des anciennes corporations.
= talents d’organisateur =>Legien réussit à élargir cette union locale en Association des tourneurs sur bois d’Allemagne (fondée en août
1887= élu secrétaire non rémunéré). Dans un contexte plus large de regroupement :
= organisations nationales des ouvriers du tabac (1865),
= organisation nationale des ouvriers du livres (1866)

Le mouvement syndical se développe rapidement après l’abolition des lois antisocialistes en 1890.
Ex; 1891 : Création de l'association allemande des métallurgistes dmv (Deutschen Metallarbeiter-Verbands),
=> se développe rapidement pour devenir le plus gros syndicat allemand indépendant

Dans ce contexte, Legien convaincu de la nécessité d’unifier le réseau éparpillé des associations locales = initiateur de la conférence
syndicale tenue à Hambourg les 17 et 18 novembre 1890 = lance l’idée d’un projet d’unification et de centralisation du mouvement
syndical, visant à créer de grandes fédérations syndicales par branche professionnelle (Berufsverbände).
=> création d’une Commission générale des syndicats = la GGB - (Generalkommission der Gewerkschaften Deutschlands) composée de
7 membres dont le siège fut fixé à Hambourg puis à Berlin, à partir de 1903).
=> Devient l’ADGB (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund) en 1919.
GGB = 57 organisations représentant environ 300
000 adhérents = première organisation générale
de masse interprofessionnelle en Allemagne

En mars 1892 = le premier congrès syndical à


Halberstadt => réorganisation des syndicats =>
débats entre :
= les « centralistes » : Legien, partisan
d’une organisation forte qui impose ses décisions
aux syndicats de base
= les « localistes », peu désireux
d’abandonner leur souveraineté, notamment en
matière de décision quant au déclenchement Source : S. Kott
d’une grève et souvent proches des minorités
anarchisantes du SPD.

En 1914, sur les 2 950 000 syndiqués en Essor syndical = entrée massive des non-qualifiés
Allemagne, 2 500 000 adhèrent aux syndicats de la grande industrie
libres.
Soit un taux de syndicalisation de 22% contre 8% = on constate donc un processus similaire à la GB.
en France.
Cas français plus compliqué par la conflictualité interne au mouvement ouvrier : le syndicalisme se construit contre le socialisme
et comme une configuration minoritaire :
= industrialisation moins spectaculaire qu’en Angleterre ou en Allemagne : moindre importance de la grande industrie
= classe ouvrière moins homogène
= difficile implantation de la social-démocratie & forte imprégnation proudhonienne

1864 : autorisation des coalitions


1871 : Commune de Paris
1876-1879 = période « congressiste » et « Immortel Congrès » de Marseille, 1879 => POF (1880)

1884 : loi Waldeck-Rousseau [dissocier syndicalisme (professionnel) et socialisme (politique)


1886 : Création de la Fédération Nationale des syndicats (FNS d’obédience guesdiste)

1894 : Congrès de Nantes, défaite des guesdistes (sur la question de la grève générale)
1895 : Création de la Confédération Générale du Travail (CGT, congrès de Limoge)

1902 : Congrès de Montpellier = intégration de la Fédération nationale des bourses du travail (futures unions départementales)
1906 : Charte d’Amiens = autonomie syndicaliste (contre les anarchistes et les socialistes)

= syndicalisme révolutionnaire d’action directe.


Schéma d’organisation de la CGT en 1912 :

Bourse du travail (cf les Camare de


Lavarro en Italie) se développent à partir
de 1880s
Fernand Pelloutier : théoricien et
historien des BT (1901) et de la grève
générale (1892), préside la Fédération
nationale des BT qui, à sa mort, fusionne
avec la CGT

BT = foyer d’implantation et de diffusion


du syndicalisme révolutionnaire

En même temps,

BT = agencées au socialisme municipal


(possibilistes), notamment dans le nord,
dans un sens beaucoup plus réformiste
Les grandes fédérations d’industrie au sein de la CGT

Cheminots 50 000 adhérents


Bâtiment 40 000
Sous-sol 30 000
Textile 20 000
Métallurgie 15 000
Livre 10 000

On compte environ 580 000 syndiqués en France en 1900 dont 200 000 à la CGT

Grandes orientations de la CGT révolutionnaire :


- grève générale
- antimilitarisme
- pour les 8h Si l’on quitte le paysage français
- 1er mai (1891) = globalement hausse & organisation de la conflictualité
= nouveau syndicalisme = nouvelles grèves
- sabotage
- grève violente.

1911 : arrivée de Léon Jouhaux à la direction de la CGT


Michelle Perrot = thèse soutenue en 1971 = 1870-1890 : période d’apprentissage de la grève : grève est donc
domestiquée avant d’entrer dans l’arsenal syndical :
= émoussement de l’insurrection romantique
= instrumentalisation de la grève avec des finalités précises
= affaiblissement de la violence (plus dans le discours que dans la pratique)

= typologie des grèves : offensives/annoncées (croissance) – défensives/subites (crise)


: succès (métiers + vieux + hommes) – échecs (manœuvres + jeunes + femmes)

La grève devient un moyen de pression (XXe s) plus qu’un mode d’expression (XIXe s) : « la grève se syndicalise » (Perrot)

Calculs de Perrot : Singularité française = le « syndicalisme révolutionnaire »


1872 = 50 000 journées de grève devient l’idéologie dominante du syndicalisme français (CGT)
1913 = 5 000 000 - = grande différence avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne,
Croissance de 2800% entre 1870 et 1914. réformiste (dans la pratique sinon dans le discours en
Allemagne => 1905, congrès de Iéna, C. Legien rejette la grève
massive au profit de la négociation.)
En Allemagne
Grèves nombreuses et parfois violentes au tournant du
siècle

Nuance :

Mise en place des tribunaux professionnels


(Gewerbegerichte) = prévention et arbitrage des conflits

Développement des contrats collectifs

GB : l’épisode déjà évoqué du « Great


Unrest » avant la Première Guerre mondiale :
dans une autre logique :

Massification (1890-1900) = radicalisation


Source : S.Kott
(SR) à la marge et travaillisme dominant.
III/ Le syndicalisme dans l’entre-deux-guerres

31/ L’essor du syndicalisme chrétien


311 – Les pays à forte DC
312 – Les terres anticléricales

32/ L’internationalisation : FSI et ISR


321 – Rouges et …
322 - …« sociaux-traitres »

33/ L’antifascisme unificateur


331 - Les fronts populaires
332 – L’anticommunisme
L’entre-deux-guerres :

- « L’autre front » s’est révélé déterminant pendant la guerre, soulignant la fonction essentielle de la production industrielle
dans l’effort de guerre : le monde du travail est ainsi pleinement intégré à la communauté nationale après les unions
sacrées.

- La révolution d’octobre = pose une alternative révolutionnaire à la pratique réformiste qui s’est progressivement imposée
avec la massification syndicale

- Le rôle et les fonctions économiques de l’Etat ouvrent, surtout dans les années 1930, la voie à l’Etat-Providence.

- A travers les mouvements politiques dont il s’est doté, le monde du travail accède au pouvoir :
C’est à Carl Legien que Friedrich Ebert propose le poste de chancelier après l’échec du putsch de Kapp (mars
1920)

= Dans l’entre-deux-guerres, les syndicats s’érigent en partenaires sociaux incontournables

= Parfois aux commandes de l’Etat, plus souvent dans des postures d’opposition, mais toujours visibles.
Allemagne
Rôle politique central des syndicats dans la fondation de la République de Weimar =

GGB => ADGB (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund) : Xe congrès syndical de Nuremberg en 1919
Les effectifs syndicaux s’envolent après guerre : de 2,5 millions en 1914 à 7,5 millions de syndiqués en 1922 :
1916 : 966 000 adhérents
1922 : 7, 5 millions
1924 : 4, 6 millions
[les syndicats chrétiens comptent 600 000 adhérents , les syndicats Hirsch-Dunker 150 000]

Surtout => Legien (pour 14 grosses fédérations d’industrie : métal, chimie, textile…] négocie avec Hugo Stinnes (pour les
associations patronales) l’accord du 15 novembre 1918 donnant naissance à la Communauté Centrale du Travail,
Zentralarbeitsgemeinschaft :
- la reconnaissance des syndicats par le patronat
- la fixation des conditions de travail par convention collective
- la représentation du personnel dans l'entreprise
- la conciliation et la prévention des conflits par des commissions paritaires patrons-ouvriers
- la journée de 8h sans baisse de salaire
.
Selon Legien une puissante organisation centralisée regroupant la plus large part de la classe ouvrière est nécessaire pour
établir un partenariat avec le patronat = en accord avec la tendance massive et réformiste depuis les années 1900 => mais
(comme à l’époque et dans d’autres proportions), Legien doit combattre la fraction révolutionnaire, inspirée de l’expérience
conseilliste.
La communauté du travail ne résiste pas à la conjoncture politique et social: dès 1919 la fédération des métaux s'en retire
[en mars 1924 le projet de la Communauté du travail se disloque.]

=> Echec => atmosphère révolutionnaire de l’effet d’Octobre => entre novembre 1918 et août 1919 on ne compte que 22
jours sans grève dans les mines (ex. la grève déclenchée par les spartakistes dans la Ruhr en février 1919, etc.)

Pourtant = Constitution de Weimar reprend des éléments importants des accords du 15 novembre :
- loi de février 1920 sur les conseils d'entreprise
- légalisation du principe de la négociation collective
- l'état a un fort pouvoir d'intervention dans l'économie

1924 marque une année charnière: à la fois une stabilisation de la situation politique et économique et dans le même
temps une forte conflictualité sociale :
2000 conflits pour
292000 entreprises touchées, soit
1 650 000 grévistes soit
36 360 000 journée perdues
Développement de l’ADGB => dans les voies tracées par C. Legien (+1920)

Tendance à la concentration:
1919 : 52 unions
1925 : 40 unions
1931 : 30 unions

=> rapprochement entre les fédérations ouvrières et les fédérations d'employés

Syndicats = négociation + services (création de banques ouvrières , compagnies


d'assurance, etc.)

Développement spectaculaire des conventions collectives: Congrès de Breslau en 1925 + Congrès de Hambourg en
1928: l’ADGB abandonne officiellement la lutte des
Nb CC NB Entrep. Nb Salariés classes et la dictature du prolétariat au profit d'une
1918 7 800 107 500 1 130 000
théorie de la représentation ouvrière. [SPD = Bad-
Godesberg, 1959]
1920 11 620 435 500 9 660 000

1922 10 750 890 000 14 260 000


Deux ans auparavant, au congrès de Kiel, le SPD adopte
1928 8 925 1 200 000 12 270 000 la théorie du « capitalisme organisé » élaborée par
1930 9 115 1 050 000 12 000 000 Rudolf Hilferding.
En Grande-Bretagne :

Contexte général difficile de sortie de guerre mais pas de situation insurrectionnelle comme en Allemagne (nuance : en
juin 1917 = Convention de Leeds, 1150 délégués, organisée par le BSP et l’ILP où est proposée l’institution de conseils de
travailleurs et de soldats dans tout le pays)

= situation économique déprimée pendant tout l’entre-deux-guerres (chômage structurel supérieur à un million, soit
10% de la P.A.)

= situation syndicale : effectifs demeurent massifs + généralisation des structures (branches d’industrie) au détriment
des métiers

Bond en avant des effectifs syndicaux = 4 millions en 1914 à 8,5 millions en 1920 (puis reflux comme en Allemagne ou en
France)
Caractéristiques :

Des syndicats de masse => effectifs du TUC :

1930 : 3 700 000 adhérents (4 800 000 syndiqués)


1939 : 4 900 000 adhérents (6 300 000 syndiqués)

Tendance à la concentration => taille des syndicats de base augmente: en moyenne 2 200 adhérents en
1914 et 4 480 en 1926

= déclin des vieilles industries (mine, textile )se confirme : elles représentent 30% de syndiqués en 1914
contre 21% en 1926 (la crise de 1926 et représentative de la difficulté dans laquelle se trouvent ces
vieilles industries et ici le charbon en particulier, cf infra.)
Concentration et généralisation :

Gasworkers Union de Will Thorne devient le Nation


Union of Municipal Workers:

1914 = 130 000


1917 = 256 000
1920 = 490 000
1922 = 235 000

Sous l’action d’Ernest Bevin, entre 1920 et 1923= formation du syndicat géant, le Transport and General
Workers’ Union (TGWU),
Comme en France et en Allemagne, mais entre 1918 et 1926, le
climat social est tendu en Angleterre :

Grève de la Triple Alliance :

en 1921: mineurs en théorie soutenus par les transports et les


cheminots = échec de la grève

échec de la grève générale de 1926 : le TUC négocie avec le


gouvernement Baldwin en laissant les mineurs sur le carreau
c'est le Black Friday
Ernest Bevin, 1881-1951
Par ailleurs, les rapports entre le TUC et le le parti travailliste
deviennent de plus en plus étroits dans l'entre-deux guerres : le
join national council joue un rôle de plus en plus important,
dominé par la figure de plus en plus imposante d’Ernest Bevin.
France : meilleur exemple pour mesurer l’impact de la conjoncture internationale en trois grandes phases :

1917-1921 : révolutionnaires et réformistes

Lignes de fracture complexes qui remontent à l’avant-guerre, brouillées et par la révolution bolchevique
=> Congrès de Lille (septembre 1921)

1921-1936 : Confédérés et Unitaires :

La dualité européenne : réformistes dominants et minorités révolutionnaires

1936-1939 : de la réunification à l’exclusion ou de l’antifascisme à l’anticommunisme

Le paradigme antifasciste révèle les aspirations unitaires de la base syndicale mais se fissure dès 1936 et surtout en 1939.
=> Congrès de Toulouse (mars 1936)
Dès le Congrès de Paris (juillet 1918) : deux lignes
majoritaires = réformisme et wilsonisme (Léon Jouhaux)
minoritaires = révolution et bolchevisme (Gaston Monmousseau)

Evolution du rapport de force

Source : Jean-Louis Robert, La scission syndicale de 1921. Essai de


reconnaissance des formes, Paris, Publications de la Sorbonne, 1980

Léon Jouhaux (1879-1954)


Fondation de la CGT-Unitaire au congrès de Saint-Etienne en 1922
CGT = réformisme et collaboration avec les
CGT-U CGT gouvernements de gauche

ISR FSI Se rapproche du Parti radical après 1924 quand


Herriot reconnaît les syndicats de fonctionnaires.
1922 = 500 000 373 000 Question de la nature « ouvrière » du « travail »
1929 = 300 000 884 000 Dès avant 1924 :
Déc. 1918 = agents des PTT
Monmousseau Jouhaux Sept. 1919 = instituteurs
Franchon Mai 1920 = fonctionnaires
[Idem pour l’ADGB et la social-démocratie
allemande]

CGT-U = parcours heurté jusqu’en 1934 Orientations planistes (syndicalisme belge) dans les
Premières scissions entre syndicalistes révolutionnaires (CGT-SR années 1930
et bolcheviks (CGT-U)
Tente de structurer les luttes de terrains
Critiquée en 1928 par l’ISR pour ne pas recruter suffisamment
chez les O.S.
Alignement sur le PCF après 1929 – Arrivée de Benoît Frachon
en 1933.
La dynamique antifasciste => Front Populaire.

12 février 1934 = défilé commun de la CGT et de la CGT-U


Octobre 1934 : pourparlers sur la réunification
Nov. 1934 = Thorez en appelle à un « Front populaire »
14 juillet 1935 : cortèges unitaires
24 juillet 1935 : accords de réunification
Janvier 1936 : Comité Confédéral National de fusion
Mars 1936 : Congrès de Toulouse : réunification officielle

Þ Dynamique syndicale = essentielle dans celle du Front populaire

Þ Boom (éphémère) des adhésions au printemps 1936 :


Þ De 1 à 4 millions d’adhérents entre 1936 et 1937
Þ Syndicalisation surtout rapide chez les ouvriers non ou peu qualifiés
Þ Vague de grèves du printemps 1936 => occupations d’usines (nouveauté importante)
Þ Accords Matignon du 8 juin 1936
Les Accords Matignon = négociations entre le 7 et le 8 juin :

= négociations directes entre la Confédération Générale de la Production Française (CGPF) et la CGT (qui refuse
la présence de la CFTC) , sous l’égide du gouvernement Blum.
= CGPF et CGT négocient sur un « pied d’égalité »

= Revendications de la CGT :
- 40h (8h)
- Contrôle ouvrier
- Contrats collectifs
- Prolongation de la scolarité

Accords :
- Augmentation de 15 à 17% des salaires
- pas de sanctions pour les grèves du printemps
- conventions collectives
- reconnaissance des droits syndicaux
- délégués du personnel
[les syndicats ne pénétreront officiellement dans
l’entreprise qu’en 1968]
Pour la première fois, les Accords Matignon renversent le
rapport de force entre le capital et le travail en France, à
une telle échelle.

Printemps 1936 : comme le triomphe du « réformisme »


de Jouhaux (CGT) et Blum (SFIO) même si « tout est
possible » (Marceau Pivert)

= Les occupations d’usine sont un fait inédit : jusque-là


l’usine figue un univers hostile et répulsif : on manifeste
devant, on lance des pierres mais on ne l’occupe pas => en
décrivant la joie ouvrière du printemps, Simon Weill a mis
en lumière cette appropriation nouvelle de l’usine, de leur
lieu de travail par les ouvriers, une revendication du lieu,
sinon de sa propriété.

Þ « la revanche des patrons » (Ingo Kolboom) :


Þ la Confédération Gale de la Production française
devient la Confédération Gale du Patronat français.
Pour conclure

Entre l’idée d’une « organisation du travail » (1840s) et la réalisation de celle-ci (1930s) : un siècle dont la longueur dit
les difficultés et les résistances rencontrées par les « travailleurs ».
Des premiers sociétés de secours mutuels aux confédérations syndicales => structuration progressive, souvent heurtée
ou conflictuelle, parfois violente.

Les syndicats au sens moderne s’imposent durablement dans les trois premières décennies du XXe siècle
- comme des partenaires sociaux incontournables
- comme des forces de gouvernements

Les organisations diverses (politiques, syndicales, coopératives ou mutuellistes dont s’est doté le monde du travail) ont :
- Conquis un pouvoir de représentation du monde du travail
- conquis un pouvoir de négociation voire d’imposer un nouveau champ du discours et de l’action publique : le
« social »

Les différentes trajectoires nationales enrichissent ces lignes de force.

La pluralité du jeune monde syndical moderne demeure aussi tendu entre deux polarités majeures:
révolutionnaire <=> réformiste

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