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Petits rappels : Le guide d’entretien est un garde-fou, pas un questionnaire à appliquer mécaniquement : l’apprendre par cœur… pour mieux

l’oublier et s’en servir à bon


escient. Ce document est un outil pour vous, pour vous aider à guider l’interview : en aucun cas il ne doit être donné au répondant avant ou pendant l’entretien car cela
briserait le cours naturel de celui-ci. Si le répondant le souhaite, il peut cependant prendre connaissance des questions par la suite.
Note concernant la construction du guide d’entretien (à destination exclusive des étudiants, à lire avant la réalisation de votre entretien)
L’alimentation fait partie de notre culture, elle s’ancre dans des connaissances, des routines, des compétences, des objets et des pratiques qui se transmettent d’une
génération à l’autre. Elle est l’un des rares domaines dans lequel toutes les générations se rencontrent (Dupuy 2014). À travers nos goûts et nos comportements
alimentaires, nous exprimons notre statut social, nos croyances religieuses, notre appartenance à telle ou telle région, etc. Les pratiques alimentaires telles que nous
nous les transmettons – depuis les achats alimentaires jusqu’aux rituels familiaux qui entourent la préparation et la consommation – représentent donc en quelque sorte
une mémoire des valeurs et normes sociales (Josion-Portail 2021). La manière dont nous catégorisons la nourriture, en incluant ou en excluant certains aliments, la
manière dont nous la préparons et la consommons construisent un langage qui dit qui nous sommes (Levi-Strauss 1965, 1968, cité par Josion-Portail 2021). À travers la
répartition des tâches dans la préparation des repas (entre hommes et femmes par exemple), les aliments autorisés ou rejetés, les rythmes et rituels des repas (qui
permettent de « se retrouver »), les familles transmettent à leurs enfants des valeurs et normes sociales qui vont au-delà de la simple consommation de nourriture
(Jourdan et Poirier 2012). Au plus les parents ont des modèles alimentaires semblables, au plus la transmission est forte (Dupuy 2014).
Selon Lalanne et Tibère (2008), en France par exemple « les modèles alimentaires s’organisent autour du plaisir et de la santé – l’un étant fortement ancré dans la
culture alimentaire française, l’autre largement diffusée par les institutions de santé publique ». La santé est donc l’un des déterminants des choix alimentaires et de leur
transmission. Dupuy (2014) met toutefois en garde contre certains effets pervers des messages de santé publique lorsqu’ils sont directement adressés aux enfants plutôt
qu’aux parents : « l’enfant devient de plus en plus une entrée par laquelle on moralise les pratiques familiales par la sensibilisation sur les risques de leurs
comportements, leurs choix, leurs attitudes et habitudes, bref, de leurs styles de vie. […] Corbeau (1994) envisage les effets pervers de l’information nutritionnelle qui
consiste entre autres à instrumentaliser les enfants […] au cours [de messages de santé publique à travers lesquels les enfants] sont « sommés de colporter le bon
message dans la famille », ce qui peut créer des tensions, voire renforcer les inégalités sociales ».
Dans le cadre des migrations, l’alimentation peut aussi servir de lien symbolique avec la culture d’origine. Dans le métissage qui s’organise entre culture d’origine et
culture d’accueil, certains plats et pratiques culinaires jouent alors un rôle de « passeurs entre deux mondes, celui des parents et de l’origine familiale et celui des frères
et sœurs et de la nouvelle histoire familiale », ils participent ce faisant aux stratégies identitaires des familles (Dupuy 2014).
Si les parents jouent un rôle essentiel dans la socialisation (éducation) à la nourriture, celle-ci ne s’impose toutefois pas aux individus de manière mécanique mais
constitue un ensemble de prédispositions que chaque enfant va intégrer à sa propre trajectoire de vie. Certains événements tels que l’autonomisation de l’enfant et de
l’adolescent puis la formation d’un nouveau couple et/ou la naissance d’un enfant vont intervenir pour conduire chaque personne à se réapproprier/rejeter les traditions
familiales (Ladwein et al. 2009, cité par Josion-Portail 2021). La transmission/transformation des habitudes alimentaires d’une génération à l’autre est aussi influencée
par des évolutions sociétales plus larges : la mondialisation économique et culturelle qui rend plus facilement disponible une plus grande diversité d’aliments et de
pratiques alimentaires, les rythmes de la vie quotidienne (école, travail, loisirs) qui contraignent les rythmes des repas, la diffusion de programmes télévisés et internet
qui valorisent de nouveaux modèles culinaires, l’alimentation qui s’affirme comme lieu d’expression politico-sociale (manger local, manger bio) (Jourdan et Poirier 2012).

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Par ailleurs, les positionnements des parents sont rarement fermes et définitifs, les enfants peuvent eux-mêmes négocier les pratiques alimentaires et parfois-même
inverser la transmission en leur transmettant à leur tour de nouvelles pratiques (Dupuy 2014). Nous ne sommes d’ailleurs pas influencés uniquement par nos parents
mais aussi par nos pairs.
Les objets qui sont mobilisés dans le cadre des pratiques culinaires portent les traces de ces transmissions intergénérationnelles et des significations que chacun donne à
l’alimentation, des identités qui construisent chacun (à travers ces objets on construit des manières de se distinguer des autres ou de s’en rapprocher) et des
comportements qui lui sont associés (Josion-Portail 2021). Ces objets peuvent être des ingrédients ou des ustensiles, mais ce sont aussi parfois certains plats. Certains
d’entre eux jouent en effet un rôle particulier, c’est à travers leur consommation « que l'on communie à l'autel de la famille », ces plats suscitent des émotions et
souvenirs et relient entre eux les membres en étant le vecteur d’un lien affectif fort : « on cuisine pour les autres, pour leur prouver l'affection qu'on leur porte et si
possible, on cuisine les mets qu'ils aiment particulièrement » (Jourdan et Poirier 2012).
Pour explorer les pratiques alimentaires et leur transmission intergénérationnelle, ce guide d’entretien va précisément se centrer sur les objets (au sens large : plats,
ingrédients, ustensiles, lieux, etc.) qui les structurent. Il s’agit d’une stratégie méthodologique (parmi d’autres possibles) qui permet d’inviter le répondant à ancrer dans
le concret les significations qu’il attache à la nourriture et à sa consommation. L’objectif est d’opérationnaliser le sens que chacun donne à ces pratiques alimentaires, de
façon à éviter les propos « de surface » (réponses « bateau » ou influencées par ce que le répondant perçoit des attentes de l’intervieweur) et à ne pas « plaquer » des
concepts abstraits, loin de la réalité des participants à notre enquête. Il faut aussi que l’enchaînement des questions rencontre une certaine logique que les participants
puissent saisir et s’approprier : il s’agit de leur faire raconter l’histoire de leur rapport à l’alimentation de la façon la plus fluide possible. Les questions qui suivent sont
tirées des guides d’entretien élaborés par les étudiants de l’auditoire et tentent de refléter la diversité des dimensions présentées ci-dessus tout en les opérationnalisant
et en les agençant selon cette logique supposée. Si la première question est toujours posée, il importe cependant de se laisser ensuite guider par le répondant pour
réorganiser l’ordre des questions si cela s’avère pertinent (rebondir sur ce que le répondant évoque pour « sauter » l’une ou l’autre question pour y revenir ensuite).
Les questions sont organisées en questions principales et sous-questions (cf. alignement) : il faut d’abord poser les questions principales et n’aborder les autres (pour
améliorer le niveau de précision des réponses) que si les aspects qu’elles touchent ne sont pas spontanément abordés par le répondant.
Pour vous aider à vous repérer, les mots importants des questions sont en gras.
L’entretien se termine de façon classique en ouvrant la possibilité au répondant d’ajouter ou de préciser des éléments. On invite aussi la personne à exprimer ce qu’elle
a ressenti pendant l’entretien, à la fois pour disposer d’éléments d’interprétation supplémentaires et pour s’améliorer comme enquêteur (éléments importants pour
votre journal de bord).
Ne pas oublier le formulaire « socio-démographique » à la fin, ni de prendre des notes sur les conditions de réalisation de l’entretien (cf. journal de bord)

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Références :
Dupuy, A. (2014). Regard(s) « sur » et « par » l’alimentation pour renverser et comprendre comment sont renversés les rapports de générations : l’exemple de la
socialisation alimentaire inversée. Enfances, Familles, Générations, (20), 79–108. https://doi.org/10.7202/1025331ar
Josion-Portail, M. (2021). Intergenerational Transmission of Culinary Heritage: An Object-Centred Approach. International Journal of Arts Management, 23 (3), pp.46-58.
⟨hal-03335038⟩
Jourdan, C., & Poirier, S. (2012). Le goût en Héritage : Exploration des transformations alimentaires dans quelques familles montréalaises. Anthropologica, 54(2), 281-
292. Retrieved from https://www.proquest.com/scholarly-journals/le-goût-en-héritage1-exploration-des/docview/1264435919/se-2?accountid=17194
Lalanne, M. & Tibère, L. (2008). Quand les enfants font craquer les modèles alimentaires des adultes. Enfance, 60, 271-279.
https://doi-org.ezproxy.ulb.ac.be/10.3917/enf.603.0271

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Préambule

Je vous remercie d’avoir accepté de participer à cet entretien. Nous aimerions mieux connaître les différentes manières dont les jeunes perçoivent leur alimentation et la
manière dont celle-ci est influencée ou non par les éléments qu’ils ont reçu de leur famille.

Il s’agit d’une enquête que je réalise dans le cadre de mes études, avec d’autres étudiants 1. Les données seront analysées par les étudiants et pourraient être mobilisés à
des fins de recherche par la suite.

Durant cet entretien, qui va durer environ trois quarts d’heure, je vais vous poser quelques questions, le but est que vous me parliez aussi librement que possible de vos
ressentis, de ce que vous pensez et peut-être de ce que vous avez vécu. Il n’y a donc pas de bonnes ou mauvaises réponses, ce sont vraiment vos ressentis qui
m’intéressent.

À tout moment, vous pouvez décider d’annuler ou d’arrêter cet entretien. Est-ce que vous êtes d’accord de participer ? Tout ce que vous direz sera traité de façon
strictement anonyme. Toutefois, afin de me permettre de réaliser l’entretien dans de bonnes conditions, sans devoir tout noter, est-ce que vous acceptez d’être
enregistré ? (si nécessaire, mentionner qu’il s’agit d’une demande de la part de l’enseignant).

Avant de débuter l’entretien, est-ce que vous avez des questions ?

1
Mettre en avant votre identité d’étudiant ou une autre, en fonction de ce qui est plus propice à la discussion.
4
Guide d’entretien

Objectifs pour l’enquêteur Questions (l’enchaînement des questions suit une certaine logique, cependant : rebondir en fonction de ce que livre le répondant, ne
et thématiques (ne pas lire lire les sous-questions (à la ligne) que si le répondant n’aborde pas spontanément ces aspects)
au répondant)
Avoir un aperçu général de Pourriez-vous me décrire l’objet que vous avez choisi pour montrer ce qui est important pour vous dans l’alimentation ?
la manière dont [ si la personne n’a pas prévu d’objet : Pourriez-vous me décrire un objet personnel qui représente bien ce qui est important
l’alimentation joue un rôle et pour vous dans l’alimentation ?]
fait sens dans le vécu de la
Pourquoi avez-vous choisi cet objet en particulier ?
personne (lien affectif,
plaisir, autre) En quoi cet objet est-il lié ou non à votre famille et à la manière dont elle conçoit les repas et l’alimentation ?
En quoi cet objet est-il lié ou non à votre propre vécu personnel des repas et de l’alimentation ?
Identifier les facteurs Quels sont les aliments ou ingrédients qui revenaient souvent dans votre alimentation pendant votre enfance et votre adolescence ?
intervenant dans le choix des Pourquoi à votre avis ces aliments étaient-ils souvent utilisés par votre famille ?
aliments pendant l’enfance
Y a-t-il des plats « typiques » dans votre famille ?
et leur éventuelle
transmission En quoi la transmission d’une culture familiale jouait-elle un rôle dans ce choix d’aliments ou de plats ?
intergénérationnelle En quoi la transmission d’une appartenance à une région jouait-elle un rôle dans ce choix d’aliments ou de plats ?
(l’héritage en matière de En quoi la transmission d’une religion jouait-elle un rôle dans ce choix d’aliments ?
goûts et de critères de choix) En quoi la santé était-elle un facteur qui orientait le choix des aliments ?
D’autres facteurs ont-ils joué un rôle ?
Quels sont les aliments ou ingrédients qui au contraire étaient interdits ou très rares dans votre alimentation pendant votre enfance
et votre adolescence ?
Pourquoi à votre avis ces aliments étaient-ils interdits ou rares dans votre famille ?
En quoi la transmission d’une culture familiale jouait-elle un rôle dans cette interdiction/rareté de certains aliments ?
En quoi la transmission d’une appartenance à une région jouait-elle un rôle dans cette interdiction/rareté de certains aliments ?
En quoi la transmission d’une religion jouait-elle un rôle dans cette interdiction/rareté de certains aliments ?
En quoi la santé était-elle un facteur qui orientait cette interdiction/rareté de certains aliments ?
D’autres facteurs ont-ils joué un rôle ?
Quelles habitudes en matière de choix d’aliments ou d’ingrédients avez-vous conservées ?
Quelles habitudes en matière de choix d’aliments ou d’ingrédients avez-vous adaptées ou abandonnées ?
Pourquoi ?
Identifier la transmission Dans votre famille, quelle(s) étai(en)t la ou les personnes chargées de faire les courses en général ?
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éventuelle ou la contestation
des rôles sociaux et des Pourquoi à votre avis ?
normes à travers les achats,
la préparation et le Dans votre famille, quelle(s) étai(en)t la ou les personnes chargées de préparer les repas en général ?
déroulement des repas Pourquoi à votre avis ?
Y avait-il des exceptions à cette répartition des tâches entre les membres de la famille ? Lesquelles ?
Dans cette répartition des tâches pour les courses et la préparation des repas, quels éléments souhaitez-vous conserver et lesquels
souhaitez-vous abandonner ?
Pourquoi ?
Quelles étaient les « règles » entre guillemets qui organisaient le rythme et le déroulement des repas dans votre famille ?
Pourquoi à votre avis les repas étaient-ils organisés comme cela ?
Quelles règles vous paraissent importantes à conserver ?
Quelles règles avez-vous décidé d’abandonner ou d’adapter ? Pourquoi ?
Identifier les autres sources Lorsque vous devez préparer un repas de tous les jours, quelles sont vos sources d’inspiration pour les recettes ?
influençant l’alimentation Lorsque vous devez préparer un repas de fête ou inviter des amis, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Que pensez-vous des messages délivrés par les autorités en matière d’alimentation saine ?
En quoi le contenu des messages vous paraît-il adapté ? En quoi le contenu des messages vous paraît-il inadapté ?
En quoi les canaux de communication employés vous paraissent-ils adaptés ? En quoi les canaux de communication employés vous
paraissent-ils inadaptés ?
Clôturer l’entretien, vérifier Y a-t-il un élément que vous voudriez ajouter/préciser ? un aspect qui n’a pas été abordé dans notre entretien ?
que la personne a pu Comment avez-vous vécu cette interview ? Certains éléments vous ont-ils mis à l’aise ou mal à l’aise ?
exprimer son point de vue
complet et évaluer son Pour clôturer cet entretien, puis-je vous demander de compléter le petit formulaire que voici ? (cf. ci-dessous)
ressenti par rapport à la Je vous remercie d’avoir participé.
situation d’entretien (en vue
du journal de bord)

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Formulaire à compléter après l’entretien (si les réponses ne sont pas déjà connues au terme de cet entretien )
Dans quelle commune habitez-vous ? …………………..
Sexe : M  F 
Quelle est votre catégorie d’âge ? :
o 18-21 ans
o 22-25 ans
o 26-30 ans

Etes-vous :
o Etudiant
o En recherche d’emploi
o En activité professionnelle, préciser le métier/la fonction : …………………………………………….

Quel est le diplôme le plus élevé que vous ayez obtenu à ce jour ? (entourer une seule réponse) :
o Primaire ou sans diplôme
o Secondaire inférieur
o Secondaire supérieur
o Supérieur non universitaire
o Universitaire

Quelle activité/profession exerce votre mère ? ……………………………………………


Quelle activité/profession exerce votre père ?................................................
Quelle est votre situation familiale ? (entourer une seule réponse et compléter le nombre d’enfants le cas échéant) :
o Je vis chez mes parents
o Je vis seul-e sans enfants
o Je vis seul-e avec enfants (nombre : . .)
o Je vis en couple sans enfants
o Je vis en couple avec enfants (nombre : . .)

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