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Revue de géographie alpine

Les sols d'Algérie


Maurice Benchetrit

Citer ce document / Cite this document :

Benchetrit Maurice. Les sols d'Algérie. In: Revue de géographie alpine, tome 44, n°4, 1956. pp. 749-761;

doi : https://doi.org/10.3406/rga.1956.1790

https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1956_num_44_4_1790

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1 Les 300 pages consacrées aux sols dans la « Géologie appliquée de


l'Algérie » de M. Dalloni (Alger, 1939).
2 Le chapitre consacré aux sols dans « L'Afrique du Nord » de J. Despois
(Paris, P.U.F., 1949) et H. Del Villar : « Types de sols de l'Afrique du Nord »
(inachevé, Tunis, Rabat, 1947, 2 vol.).
3 Carte générale des sols d'Algérie : 8 feuilles en couleur au 1/500 000*.
* Publié par le Gouvernement général de l'Algérie (Alger, 1954).
750 MAURICE BÉNCHETftlT.

I. Le problème de la classification des sols.

Pourquoi ces difficultés particulières ? Parce que les sols d'Afrique


du Nord présentent des caractères qui ne permettent pas l'emploi des
schémas classiques conçus par les pédologues de l'Ecole russe pour les
sols de l'Europe centrale et orientale. La classification générale des sols
de Robinson 5 et celle d'Aubert 6 pour la France sont fondées sur le
même principe : les sols sont classés d'après leur structure,
accessoirement leur couleur, et essentiellement d'après leur degré de lessivage.
Applicable aux sols de régions humides (bien qu'elles soient encore
discutées), ces classifications sont pratiquement inutilisables en Afrique
du Nord où le degré de lessivage des sols ne peut être considéré que
comme un caractère secondaire et non déterminant. En outre, ces
classifications classiques sont fondées sur la définition précise d'un
certain nombre de « types de sol » (tchernozem, podzol, toundra, etc.).
Or la plupart des sols d'Afrique du Nord ne présentent que des caractères
plus ou moins voisins de ceux des grands types classiques, et ce du fait
de l'originalité des processus de pedogenese dans cette région à climat
mixte : tempéré humide à affinités arides. Dès lors, on était amené à
négliger ces termes intermédiaires^ ou le plus souvent on les assimilait
aux prototypes (pseudo-rendzines, pseudo-tchernozem, etc.). Mais en
fait ces différences de caractères ne viennent pas toujours d'une simple
différence de « stade » dans l'évolution d'un même processus, mais bien
d'une différence de processus de pedogenese, la convergence des
caractères ne justifiant pas une classification fondée sur les caractères
typologiques.
D'où, comme le soulignait G. Gaucher ?, la nécessité d'une
classification adaptée aux conditions originales de la pedogenese en Algérie,
c'est-à-dire fondée sur les processus de pedogenese plutôt que sur des
caractères typologiques bien définis.
Dans son étude sur les sols d'Algérie, M. Dalloni se contentait de
calquer la carte des sols sur la carte géologique. Partant du fait que la
composition d'un sol est toujours le reflet de celle des roches dont il
dérive, il postule qu'on peut retrouver, presque sans modifications,
certains types de sol sur toute l'étendue d'une même zone sédimentaire 8.
Le rôle des influences climatiques est ici considéré comme négligeable
au moins pour l'Algérie tellienne où, selon C. Arambourg 9, « il ne saurait
être question de sols climatiques ». L'étude des sols d'Algérie se réduit
alors au simple exposé des caractéristiques des différents sols formés
à partir des différentes formations de roches-mères, depuis les sols des
terrains schisteux et éruptifs des massifs anciens et volcaniques jusqu'aux
sols alluvionnaires, dunaires ou marécageux en passant par les sols du
Trias, du Lias, du Jurassique, du Crétacé, etc..
Cette nomenclature n'est pas dépourvue d'intérêt pour le géographe.
Elle est commode par sa simplicité même et s'ordonne souvent suivant

s G. W. Robinson, Soils (Londres, 1949).


e In Demolon, La Dynamique du sol (Paris, 1948).
7 G. Gaucher, La classification des sols nord-africains (Bull. Soc. Géo.
d'Oran, 1952).
s Géologie appliquée de l'Algérie, p. 564-565.
» Cité par Dalloni, op. cit.
LES SOLS D'ALGÉRIE. 751

un plan géographique. Mais seul le chapitre sur les sols des formations
quaternaires constitue une véritable étude des sols, distinguant les sols
alluvionnaires (du Tell et des hautes plaines, de l'Atlas pré-saharien et
des régions sahariennes), les sols des bassins fermés (dépôts des dayas,
des sebkhas et des chotts), les sols des terrains à croûte ou carapace, les
sols des dunes et des plages quaternaires (dunes littorales et dépôts de
plage, dunes continentales et sable des plateaux) et enfin les sols d'éboulis
et dépôts de pente.
Mais en fait, comme le montrent très nettement les cartes des sols
établies depuis, la liaison évidente entre sols et roches-mères n'entraîne
cependant pas identité entre carte géologique et carte des sols (cf.
lig. 3 et 4). De plus, aucun compte n'était tenu des processus de pédo-
génèse.
La classification des sols de l'Afrique du Nord de Del Villar est
fondée sur la définition d'un certain nombre de «types», selon la
méthode classique. Mais, adaptée aux sols méditerranéens, au lieu de
se fonder sur la structure ou le degré de lessivage, elle est fondée sur
la distinction du métabolisme propre de chaque type de sol,
métabolisme variant d'après sa composition et le milieu. Ainsi, trois grands
types de sols sont distingués en Afrique du Nord : types sodiques (sols
salins ou alcalins), types calcaires (les plus répandus) et types sialfer-
riques (correspondant aux pédalfers de la classification de Robinson),
Classification plus systématique que la précédente et sans doute plus
rationnelle, mais orientée plutôt vers une nomenclature d'échantillons
typiques que vers l'étude des combinaisons, des rapports du sol et du
milieu, et de l'extension spatiale des différents sols en Afrique du Nord.
D'où la difficulté pour le géographe d'utiliser les travaux de Del Villar.
Le sol, élément du milieu où il exprime l'équilibre entre le jeu de
plusieurs facteurs antagonistes de pedogenese, actifs (climat, végétation)
et passifs (roche-mère, modelé), doit être défini comme tel et non comme
une entité analysée comme un simple corps chimique.
Ce qui fait le grand intérêt de l'ouvrage de M. Durand pour les
géographes, c'est que c'est précisément une optique essentiellement
géographique qui a guidé son étude. En effet la classification des sols
d'Algérie qu'il présente est d'abord fondée sur le facteur climatique
qui a joué le rôle essentiel dans la formation du sol (vent, pluie,
température), ensuite sur le degré d'évolution du sol (nombre d'horizons
différenciés), enfin, accessoirement, sur le degré de lessivage. Les sols d'Algérie
peuvent ainsi être regroupés, en fonction du facteur climatique dominant
dans leur formation, en trois grands groupes de sols zonaux ayant chacun
leurs caractères propres déterminés par les conditions du milieu
commandant les processus de pedogenese :
— Sols sahariens où le facteur dominant de formation des sols est
le vent (mais peut-on considérer comme négligeable, comme le dit
l'auteur, la température et la sécheresse qui permettent justement l'action
du vent et dont l'action propre fournit le matériel meuble ?);
— Sols des régions semi-arides où le sol zonal serait dû à l'équilibre
climatique vent-piuie (ou plus exactement à l'équilibre : action du vent-
résistance de la végétation);
— Sols des régions telliennes humides où humidité et végétation
deviennent les principaux facteurs de formation des sols zonaux.
A côté de ces bols zonaux, toute une série ô!e sols azonaux font l'objet
d'une classification à part. Il serait d'ailleurs peut-être plus juste de les

il
752 Maurice benchetrit.

qualifier ď « extra-zonaux » ou mieux de sols locaux, car ces sols


se forment non pas sous l'influence de facteurs « azonaux », mais bien
de facteurs locaux qui créent, à l'intérieur d'une zone climatique, des
microclimats donnant à l'évolution du sol des conditions spéciales.

II. Les sols d'Algérie (d'après J.-H. Durand).

1. Les sols des régions sahariennes.


La formation des sols dans cette région est entièrement dominée
par les conditions climatiques où le vent joue un rôle prépondérant.
D'où formation de deux grands types de sols éoliens :
Sols éoliêns d'ablation sans « terre fine » et dont le caractère
essentiel, l'absence de terre fine, ne dépend pas de la roche mère.
L'enlèvement de toutes les parties de roches suffisamment fines pour être
entraînées ne laisse sur place que des cailloux plus ou moins grossiers
qui se concentrent en surface et donnent ce qu'on appelle à tort un
« reg » 10. La roche mère ne joue ici qu'un rôle secondaire : elle
n'intervient que pour différencier le produit final : sol calcaire dont
les éléments sont finement vermiculés, sol siliceux, gypseux... Le « reg »
est pař excellence un sol zonal, son caractère est constant : surface
couverte de cailloux éolisés reposant sur une épaisseur très variable
d'alluvions plus ou moins meubles.
Sols éoliens d'accumulation formés par les particules entraînées par
le vent qui s'accumulent dans les zones abritées formant des dépôts de
sable plus ou moins développés : rehboub, nebka, dunes, jusqu'aux
grands Ergs. Ces accumulations de sable peuvent grimper le long des
versants des montagnes et former des placages sableux plus ou moins
importants (dans la région d'Aïn-Sefra, de Beni-Ounif, de Laghouat). La
roche mère n'intervient ici que pour différencier le sable accumulé, mais
ne joue aucun rôle déterminant dans la genèse du sol formé par l'action
du vent. Un profil étudié dans la région de Laghouat peut caractériser
les sols de ces dunes. Bien drainé, sans végétation ni culture, il est
homogène sur toute son épaisseur (4 à 5 m) et le sable roux qui le
constitue ne contient pas de sels solubles. La granulométrie révèle deux
maxima : à 0,3 mm (39,4 %) et à 0,15 mm (37,4 %),

2. Les sols des régions semi-arides.


Il n'existe pas de définition nette de la semi-aridité. Selon
J.-H. Durand, on peut dire pour la pédologie qu'on passe de la zone
aride à la zone semi-aride lorsque la végétation, entretenue par une
pluviométrie encore faible (de 200 à 500 mm par an), est cependant
suffisante pour freiner l'action du vent dont le rôle devient dès lors
secondaire dans la pedogenese. Et l'on passe de la zone semi-aride à la

10 Le mot « reg » signifie simplement en arabe : une région plate. La


déformation du sens vient de ce qu'au Sahara, ces régions plates sont presque
toujours caillouteuses.
LES SOLS D'ALGÉRIE.

zone « humide •» lorsque la pluviométrie est suffisante pour donner un


tapis végétal herbacé continu ou subcontinu et un couvert forestier.
C'est pourquoi on peut dire que le sol zonal est, dans ces conditions,
dû à l'équilibre vent-pluie dans la zone semi-aride. Les régions où ces
conditions d'équilibre semi-aride sont réalisées en Algérie ont été
sommairement délimitées dans la carte de la figure 1. L'armoise blanche
et l'alfa qui constituent la végétation de ces régions ont un enracinement
assez profond pour pouvoir résister à la sécheresse. Les sols de cette
région peuvent ainsi être fixés par cette végétation steppique, mais leur
évolution est freinée par le manque d'eau de percolation. La pluviosité

Illustration non autorisée à la diffusion

Fig. 1. — Carte schématique des sols zonaux d'Algérie


(.d'après J.-H. Durand, Les sols d'Algérie).

n'est pas assez forte pour modifier le complexe absorbant qui reste dans
son état primitif. D'où la stabilité du profil de ces sols. Les roches
mères sont en général calcifères : alluvions éoliennes déposées sur des
calcaires pulvérulents. Elles constituent cependant un facteur de
différenciation donnant, suivant leur nature : des sols contenant du calcaire
ou du gypse (sols calciques), et des sols qui n'en contiennent pas (sols
«en équilibre»), mais ces derniers sont rares.
Les sols calciques ne présentent qu'un seul horizon différencié peu
épais. Ils sont plus ou moins riches en calcaire, leur complexe
absorbant est saturé par l'ion Ca et leur pH est toujours compris entre 7 et 8.
Ils contiennent des doses appréciables de matières organiques (entre
0,3 et 1 %), mais pas de sels solubles, l'ensemble donnant à leur horizon
meuble une structure motteuse. Dans ces sols, le calcaire est surtout
754 MAURICE BENCHETRIT.

présent dans la fraction sableuse et n'intervient que peu dans leur


dynamique. Ce sont donc des sols calciques typiques.
Ces conditions seraient favorables à l'agriculture, mais ces sols
reposent en général sur une croûte calcaire pulvérulente imperméable
aux racines, sur laquelle nous reviendrons. A côté des sols calciques
typiques, on observe deux sous-types : des sols gypseux et des sols
formés aux dépens d'éboulis des deux précédents, présentant toujours
les mêmes caractères : texture légère, bonne perméabilité mais faible
capacité de rétention de l'eau due à leur relative pauvreté en colloïdes.
Les sols en équilibre : sols ayant les mêmes caractères que les sols
calciques mais formés sur roche mère non calcifère. Leur complexe
absorbant est encore saturé en ion Ca, les mouvements de substances
y sont inexistants et ils ne présentent qu'un seul horizon différencié.
Ces sols sont rares en Algérie car les roches calcaires ou gypseuses
couvrent environ 90 % de la surface des zones semi-arides. Cependant,
on peut retrouver de ces sols « en équilibre » , non calciques, dans la
région d'Aflou et sur les formations d'épanchement de l'Oranie
occidentale (basaltes par exemple).
Enfin, on trouve encore dans ces zones semi-arides, en position intra-
zonale, des sols éoliens d'ablation ou d'accumulation et des sols lessivés.
Mais, d'une façon générale, l'étude des sols des régions semi-arides
montre que, contrairement à l'opinion souvent admise, les sols n'y sont
pas normalement riches en sels solubles. Par contre, il est fréquent
d'y rencontrer des solontchak (sols salins) dans les bas-fonds mal
drainés ou alimentés en eau par une nappe phréatique superficielle.
Il en est de même d'ailleurs dans les régions sahariennes.

3. Les sols des régions telliennes humides.


Les sols de ces régions humides peuvent se définir par leur mode
de formation original : entraînement de substances en profondeur sous
l'action des eaux d'infiltration. Mais cette migration est conditionnée
par la nature de la roche mère, très variable dans le Tell algérien du fait
de sa structure plissée. D'où une grande variété de sols dont le seuJ
caractère commun est un lessivage plus ou moins poussé, et que
J.-H, Durand classe en trois grands groupes.
a) Le groupe calcaire comporte tous les sols formés à partir de
roches calcaires. Deux types de sols : sols calcaires et sols décalcifiés.
Les sols calcaires ne présentent qu'un seul horizon différencié et se
caractérisent par l'accumulation de calcaire au sommet du profil. Cet
apport de calcaire vers la surface n'est pas partout le fait du même
processus. Il peut se faire par l'intermédiaire des végétaux, soit
mécaniquement, les racines remontant les débris de roche pris en profondeur,
soit chimiquement, la plante accumulant dans ses parties aériennes du
calcaire libéré ensuite par destruction des matières organiques. La
chaleur et l'humidité provoquent également un mouvement qui peut se
produire pour les sels solubles, même avec une faible hydratation si la
perméabilité du sol est suffisante pour que les mouvements de l'eau
soient rapides sous l'action de fortes températures. Enfin, cette
accumulation superficielle peut encore résulter d'une attaque du complexe
absorbant par le gaz carbonique de l'eau de pluie, fixant le calcaire
dissous qui précipite ensuite par suite d'une sécheresse trop grande du
milieu et d'une forte température.
LES SOLS D'ALGÉRIE. 755

Les sols décalcifiés sont également formés sur roches calcaires et


ont une teneur en calcaire variable avec la profondeur. Mais à la
différence des précédents, les horizons superficiels en contiennent moins que
les horizons sous-jacents, le calcaire s'accumulant au sommet de la
roche mère sous forme de nodules et à l'état diffus. Ces sols décalcifiés
sont très répandus en Algérie où ils couvrent de grandes surfaces. Dans
les régions telliennes. ils se forment chaque fois que la roche mère est
argileuse ou donne des produits de décomposition argileux. En d'autres
termes, les sols calcaires occupent en Algérie les régions dans lesquelles
les roches mères calcifères donnent par altération des produits de
décomposition perméables et les sols décalcifiés là où -tout ou partie du
carbonate de chaux a disparu de la roche mère calcaire et où, par
conséquent, sa décomposition superficielle donne des produits argileux
imperméables.
b) Groupe non-calcaire, qui comporte les sols formés sur roche mère
non calcaire. Deux types principaux : sols insaturés et sols podzoliques.
Les sols insaturés résultent de la décomposition superficielle de
roches non calcaires donnant des éléments grossiers riches en bases (les
granites de Nedroma par exemple) ou encore des éléments argileux
imperméables : sols formés par les schistes, les micaschistes, basaltes,
granites basiques, ainsi que sur les alluvions argileuses. Des roches
comme les gneiss et leurs arènes, certains schistes (schistes crétacés
par exemple), relativement perméables et donnant par altération des
produits fins peu perméables" et pauvres en bases, donnent une autre
variété de sols insaturés : des sols insaturés acides. Ce sont en général
des sols de montagne plus ou moins argileux.
Les sols podzoliques se forment dans des conditions d'humidité telles
que les sels sont dissous et entraînés en profondeur de même que les
colloïdes organiques et minéraux (argile, silice colloïdale). D'une façon
générale, dans les régions où la pluviosité annuelle est supérieure à
500 mm, les sols podzoliques se forment en Algérie à partir de roches non
calcaires produisant des éléments grossiers pauvres en bases;
perméabilité et pluviométrie sont alors suffisants pour permettre la destruction
quasi totale du complexe absorbant. Ces sols, très acides,~se rencontrent
dans les régions Nord de l'Algérie, sur les grès de Numidie, les gneiss et
certaines dunes, et supportent normalement de belles forêts d'arbres
acidophiles (chênes) avec sous-bois dense de bruyère, de dyss, etc.
caractéristique.
c) Groupe des terres rouges méditerranéennes : il s'agit des sols
fortement rubéfiés qui se rencontrent fréquemment en Algérie. Leur
aspect est variable suivant les régions, et on peut trouver ces sols en
profils normaux sur des terrasses alluviales ou mélangés intimement à
des affleurements de roches mères. Dans le premier cas il est à peu près
admis que ces sols proviennent du dépôt de limons rouges entraînés dans
les plaines par les eaux. Dans le second cas, le problème de leur
formation est toujours posé. Ils sont très probablement fossiles, la rubéfaction
résultant de la formation de composés ferrifères rouges à partir des
silicates n.

11 G. Gaucher, La classification des sols..., op. cit.


756 MAURICE BENCHETRIT.

\
4. Les sols «azonaux» (sols locaux).
A peu près toutes les variétés de sols « azonaux » se retrouvent en
Algérie : sols de marais, sols dunaires, sols d'éboulis, sols alluviaux
divers, etc. Nous ne reprendrons ici que les plus caractéristiques,
laissant de côté ceux qui ne présentent pas de caractères particuliers en
Algérie (par exemple les sols dunaires, les sols d'éboulis ou les sols
alluviaux), ou ceux qui n'ont qu'une extension très limitée (sols tourbeux,
sols de marais), pour nous en tenir à deux séries de sols locaux
particulièrement importants en Algérie : les sols salins et les sols à encroû
tement 12,
Les sols salins, qui contiennent ou ont contenu aux premiers stades
de leur évolution un excès de sels solubles, sont très répandus dans
le Tell algérien (plaines de la Mleta et de l'Habra en Oranie,
notamment, où la salinité des sols est le principal problème de la mise en
valeur) et dans les Hautes Plaines où ils forment de vastes placages
aux alentours des chotts. Ce sont surtout des solontchak où les chlorures
de sodium sont en quantités telles (plus de 0,2 %) que la végétation
naturelle de la région laisse place à une végétation halophile qui
disparaît elle-même lorsque la proportion de sels augmente trop.
L'origine des sels peut être variée. Ils proviennent souvent de la
décomposition de roches salifères sous l'influence des agents climatiques
et des facteurs biologiques. Très nombreux sont les affleurements de
roches salifères en Algérie : gypse triasique; grès du Crétacé moyen;
marnes sénoniennes dans le Sud-Constantinois; poudingues, grès et
limons rougeâtres de l'Oligocène continental (Aquitanien) ; poudingues
et grès carténiens; argiles, grès et poudingues helvétiens; gypse, marnes
et calcaires du Sahélien; grès du Pliocène continental (bassins fermés
des Hautes Plaines); formations quaternaires des plaines littorales, des
basses plaines oranaises et des dépressions fermées... pour ne citer que
les principaux.
Mais de toutes façons, les solontchak ne peuvent pas se former sur
place car il n'y a jamais assez de sels solubles dans les roches mères,
même dans les gypses triasiques affleurant en diapirs. Ils ne peuvent
se former que par accumulation des sels en surface dans des bassins
fermés, la pluviométrie étant insuffisante pour entraîner en profondeur
les sels accumulés. Les solontchak se forment donc par remontée
capillaire d'eaux de nappes souterraines et evaporation in situ. Du fait de
l'excès de sels, les colloïdes sont floculés, le sol garde une bonne
structure, est perméable à l'air et à l'eau, mais les cultures comme le
développement de toute végétation y sont impossibles sans drainage.
Les sols à encroûtement sont particulièrement nombreux en Algérie.
Ils ne constituent pas un type de sol original, mais se caractérisent par
la formation d'une croûte, plus ou moins épaisse et souvent très dure,
au sommet du profil, formant un encroûtement calcaire, gypseux ou
salin (dans ce dernier cas, il s'agit simplement de solontchak encroûtés)
Ces encroûtements résultent d'une remontée capillaire de substances
dissoutes dans l'eau. Dans tous les profils à encroûtement calcaire, le
matériau encroûté n'est pas en surface mais à une certaine profondeur.

12 Voir M. Dalloni, Géologie appliquée, op. cit., p. 730-862, et J.-H. Durand,


Les sols d'Algérie, op. cit., p. 137-153.
LES SOLS D'ALGÉRIE. 757

fonction du niveau de la nappe qui fournit l'eau de percolation et de


l'amplitude locale des températures dont les variations provoquent les
mouvements de l'eau. C'est au contraire toujours en surface que se
présente l'horizon cimenté par le gypse dans les sols à encroûtements gypseux
(région du Souf).
Le mode de formation de ces encroûtements (qui est d'ailleurs
toujours discuté, certains, comme G. Gaucher, contestant la possibilité
d'une remontée capillaire du calcaire sous l'influence de la seule
evaporation dans les conditions actuelles en Algérie) a longtemps été
confondu avec celui des grands placages de croûte calcaire qui recou-

Illustration non autorisée à la diffusion

Fig. 2. — Répartition des formations croûtales en Algérie


(d'après J.-H. Durand).

vrent d'immenses espaces dans les Hautes Plaines (schéma fig. 2). Gomme
Га montré J.-H. Durand dans sa thèse 13, ces confusions résultaient
de l'imprécision des définitions des différentes formations croûtales en
Algérie et de l'absence d'une étude morphologique de l'ensemble du
phénomène en rapport avec les conditions du milieu.
La croûte calcaire proprement dite, ou croûte zonaire, constitue une
véritable carapace continue. Ce n'est pas un sol, mais un dépôt de
nappe. Elle résulte en effet du ruissellement en nappe sur des surfaces
en faible pente d'eau chargée de bicarbonate de chaux, soumise ensuite

ip J.-H. Durant, Elude géologique, hydrogéologique et pédologique des


croûtes eu Algérie (Alger, 1953) ; compte rendu dans la Revue de Géomorpho^
logie dynamique, 1953, n° 5.
I

758 MAURICE BENCHETRIT.

à un échauffement provoquant l'évaporation de l'eau et la précipitation


du calcaire. La croûte zonaire en Algérie est fossile. C'est très vraisern*
blablement au Villafranchien qu'ont pu être réalisées les conditions
climatiques nécessaires à son dépôt : pluies d'orage et fortes
températures. La croûte zonaire se trouve partout où de l'eau chargée de
calcaire a pu ruisseler en nappe : sur les confins sahariens où elle forme
de vastes placages, sur les calcaires pulvérulents des Hautes Plaines
steppiques ainsi que sur les terrasses anciennes du moyen et du bas
Chelif qu'elle a protégées contre l'érosion et qui se trouvent ainsi ец
relief en bordure des plaines.
On a souvent confondu, avec les croûtes calcaires proprement dites,
certaines formations calcaires ou gypseuses d'aspect pulvérulent. Les
calcaires pulv&ruients surtout couvrent de grandes surfaces dans la partie
occidentale des Hautes Plaines autour des chotts. Ils reposent en général
sur des calcaires lacustres. Ce sont des formations de dépôt aqueux
qui se forment par précipitation du bicarbonate de chaux en solution
dans l'eau par suite de son échauffement et du départ du gaz carbonique
d'équilibre. Ce ne sont donc que des calcaires précipités par voie
chimique : une boue calcaire se dépose rapidement et vient tapisser le fond
des lagunes. On trouve également des dépôts localisés aux abords des
sources, dépôts de source se formant dans les mêmes conditions. Ces
calcaires pulvérulents, constituent donc simplement deux types de tuf
calcaire, sans rapport avec les croûtes.
Les gypses pulvérulents, beaucoup moins répandus, sont des dépôts
typiques de nappes d'eau salée, chotts et sebkhas. Leur dépôt est dû à
l'évaporation de l'eau et à sa concentration jusqu'à saturation. Lorsque
la concentration augmente, les sels plus solubles se déposent à leur tour
sous forme de cristaux plus ou moins fins, dépôts lagunaires typiques.

Ш. La carte des sols d'Algérie.

La classification des sols que nous venons d'exposer tire sa


simplicité et sa logique du souci de cartographie qui a présidé à son
élaboration. On sait que la cartographie des sols a longtemps été discutée,
morphologistes et chimistes s'opposant. Ces derniers ont toujours
considéré que les cartes des sols ne pouvaient être que d'inutiles copies des
cartes géologiques, montrant simplement les rapports étroits entre sols
et roches mères, mais incapables d'aider en quoi que ce soit à résoudre
les problèmes pratiques et théoriques.
En réalité, aussi bien pour l'agronome que pour le géographe, la
carte des sols d'Algérie apporte une contribution très importante pour
l'étude de ce pays. Parente de la carte géologique, elle reflète
évidemment les liaisons entre sols et roches mères (un peu comme la carte
pluviométrique de l'Algérie par Gaussen reflète les liaisons entre pluies
et. reliefs), mais elle fait surtout apparaître nettement la disposition
zonale des sols algériens :
— sols éoliens formés dans les régions désertiques;
— sols stables formés dans la zone semi-aride;
— sols lessivés formés dans la zone tellienne humide.
LES SOLS D'ALGÉRIE. 759

Elle montre que c'est surtout dans cette dernière zone que les
liaisons entre sols et roches mères sont remarquables.. Toutefois, deux
croquis calqués sur la carte géologique et sur la carte pédologique,
indiquant d'une part les affleurements de roches mères dans la région de'
Nemours (fig. 3), d'autre part la répartition des sols dans cette même
région (fig. 4) suífisent à montrer, sans autre commentaire,
l'enrichissement que la carte des sols apporte à la connaissance de ce pays.

Fig. 3. — Carte lithologique au 1/500 000e de la région de Nemours


(Oranie occidentale).
1, alluvions quaternaires (continental); 2, Pliocène continental; 3, marnes,
calcaires, grès du Miocène moyen; 4, poudingues et grès du Miocène inférieur;
5, grès tendres de l'Oligocène marin; 6, grès et marnes schisteuses de l'Eocène
supérieur; 7, calcaires marneux du Crétacé supérieur; 8, marnes du Crétacé
inférieur; 9, grès et calcaires du Jurassique supérieur; 10, calcaires du Lias;
11, roches volcaniques (basaltes); 12, socle primaire (granites et schistes
cristallins).

Les types de sols sont représentés par des teintes plates, des indices
et parfois des signes conventionnels pour les variétés. Les teintes ont
été choisies d'après la couleur qu'évoque le sol considéré, compte tenu
de son aspect, de son mode de formation et de ses propriétés. Les sols
éoliens d'ablation par exemple sont formés de roches noires ou grises
et ont été représentés en gris; les sols éoliens d'accumulation et les sols
dunaires sont généralement roux, ils sont représentés en orangé, etc..
L'auteur avertit que cette première édition ne peut être tenue que
760 MAURICE BENCHETRIT.

comme une première approximation 14. Mais comme il le note lui-même


très justement : « L'expérience a montré que l'étude géologique (et l'étude
géographique, ajouterons-nous) de l'Algérie n'a fait de réels progrès
que lorsque la première carte géologique en a été publiée. » II doit en
être de même après ia publication de cette première carte générale des
sols qui permettra dans les études géographiques à venir de tenir compte
plus exactement de cet élément essentiel du milieu que constituent les
sols d'une région considérée.

Fig. 4. — Carte des sols au 1/500000* de la région de Nemours.


1, sols. salins; 2, sols calcaires; 3, sols insaturés; 4, sols calciques; 5, sols
en équilibre; 6, sols alluviaux.

Conclusion

Le sol est un élément du milieu naturel lié à la fois à la structure,


au modelé, à la végétation, au climat et à l'action de l'homme. Son
évolution passée et présente, parallèle à l'évolution de ces différents
facteurs de sa formation, rend compte de l'évolution passée et présente
de ce milieu naturel dont il exprime l'équilibre. La nature du sol est
d'autre part une donnée essentielle, sinon déterminante, de la mise en
valeur agricole d'une région. A ce double titre la description et }a

i/* Des cartes de reconnaissance au 1/200 000* sont actuellement levées et


deux ont déjà paru : les feuilles Nemours et Bône.
LES SOLS D'ALGÉRIE. 761

cartographie des sols sont d'un intérêt fondamental pour les recherches
géographiques. Les travaux que M. Durand vient de publier apportent
ainsi une contribution extrêmement importante à ce chapitre de la
géographie algérienne.
L'étude génétique approfondie des sols n'est possible qu'en liaison
avec celle du milieu qui l'explique et qu'elle éclaire à son tour. Mais
dans la formation du sol, chacun des éléments du milieu agit en grande
partie indépendamment : il y a plutôt convergence d'effets que
combinaison. En Algérie, cette convergence se solde par une érosion des sols
très active et généralisée. Elle traduit donc un déséquilibre fondamental
entre les éléments du milieu.
Comme le note J.-H. Durand, si l'érosion peut changer l'état d'un sol,
elle ne donne pas naissance à un nouveau type génétique de sol. Les
solonetz formés sur les marnes miocènes par exemple sont
particulièrement sensibles à l'attaque de l'érosion; mais il ne résulte rien d'autre
de cette érosion qu'un solonetz dégradé, tronqué ou entièrement détruit.
L'érosion n'intervient donc dans la formation des sols d'Algérie que
comme facteur d'évolution régressive en quelque sorte.
Les diverses manifestations de l'érosion (ravinements, glissements
de terrain, etc.) sont partout présentes dans le Tell algérien. On connaît
l'importance du phénomène et la gravité du danger qu'il représente.
Mais l'étude des formes et des processus Je l'érosion des sols en Algérie
reste encore à faire. La question essentielle est celle-ci : quelles sont les
conditions exactes du déclenchement du phénomène en Algérie, comment
expliquer ce déséquilibre dont l'érosion accélérée est la résultante 15 ?

Maurice Benchetrit.

** J.-H. Durand consacre à cette question, qui sort du cadre de son sujet,
quelques pages seulement. Voir : J. Pouquet, Les monts du Tessala (SEDES,
Paris, 1952, p. 263-298), et M. Benchetrit, L'érosion accélérée dans les chaînes
telliennes d'Oranie (Rev. Géom. dyn., 1954, n° 5) et Le problème de l'érosion
des sols en montagne (R.G.A., 1965, n° 3).

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