Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Serra i Baldó Alfons. Les paysages pyrénéens dans l'oeuvre lyrique de Joan Maragall. In: Littératures 5, février 1957. pp. 67-
84;
doi : https://doi.org/10.3406/litts.1957.955
https://www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_1957_num_5_1_955
Joan MaragaU
minutieuse
qui
lyrique
vers
quinze
chaque
indissolublement
contemplation
Les
Avant
ses
ne
irrésistiblement
cette
thèmes
forces
ans,
repli
se
de
lui,
chaîne
de
départit
Maragall
etavait
de
un
ses
diserte.
pyrénéens
telluriques
patiente
la
autre
vallées.
qui,
àété
montagne
jamais
une
C1).
vers
Mais
au
aussi
poète
et
occupent
histoire
Les
dernier
ses
et
Verdaguer
appliquée
fasciné
les
catalan,
pour
yeux
cimes
quels
charmes
plan
etune
en
du
altières
àpar
que
Jacint
goûter
était
une
place
poète
de les
son
furent
de
un
tradition,
vraie
importante
et
se
Verdaguer,
Pyrénées.
une
ses
horizon
enfant
nues
sont
poésie
les
paysages
géographie
et
souvent
ilfamilier,
de
avatars
leS'attardant
dans
tira
où
la
son
vert
campagne
lade
tournés
aîné
l'uvre
lyrique
de
nature
s'allie
cette
son
deà
aimprimés
duMaragall
ainsi
(13)
mariage
que
Ce àpremier
des
comme
du traductions
l'insu
poète,
de
recueil
cadeau
l'auteur
un dede
de
deses
poèmes,
en
noces.
Goethe,
amis,
un petit
Pep
Poésies,
pour
volume
Soler,
les date
montrer
lui
à tirage
de
demanda
1895.
àréduit,
des
Mais
quelques
amis.
furent
en 1891,
Ces
poèmes,
offerts
vers
lors
ben verd, ben verd, sota d'un cel ben blau... (15).
(III : Ben ajagut a terra...)
Il aime aussi, « le bourdon du chemineau au poing », embrasser
d'un regard l'horizon et faire siens
l'immensitat del cel
i el gran adormiment de les muntanyes (,6).
et, le soleil couché, descendre tout ému au moment où les ténèbres
s'élèvent lentement des vallées (VI : Plau-me el bastô del caminant
alpuny...).
Tous ces poèmes qui traduisent si justement, dans toute sa
l'impact du paysage sur la sensibilité du poète, ne sont pas
des « récits à histoire », la pensée n'y avance pas à partir d'un point
de départ pour conclure après un exposé : l'impression nous est
transmise en bloc. Ce n'est pas, certes, que le mouvement y soit
absent : le brouillard s'élève et s'effiloche, les ombres du crépuscule
montent peu à peu, les arbres scintillent, les eaux bouillonnent et
chantent. Mais ce mouvement nous est offert comme une présence
et non point comme un écoulement. D'ailleurs, même dans les rares
poèmes où une action se déroule plus explicitement, la narration de
l'événement finit toujours par se résoudre, après un acheminement
rapide, et même à travers, dans ce que Maragall lui-même appelait
une « vision enchantée ».
C'est le cas du célèbre poème La vaca cega du même recueil (17).
Dans une vallée pyrénéenne, Maragall rencontre une vache aveugle
qui s'avance solitaire le long du chemin de l'eau cependant que
ses companyes, pels cingles, per les cornes,
pel silenci del s prats i la ribera,
fan dringar l'esquellot mentre pasturen
l'herba fresca a l'atzar... (18).
Un souffle de tragédie antique agite le paysage, pourtant apaisé
autant qu'apaisant, comme le suggèrent des mots très simples.
Le poète suit la bête, note minutieusement sa démarche et ses
réflexes :
Topa de morro en l'esmolada pica
i recula afrontada... Pero torna
(15) « Les membres détendus, couché par terre, / vidé de toute force et de
tout désir, / ma pensée se détache lentement de moi... / Et je deviens un peu
de cette douce prairie, / oh ! combien verte sous ce ciel si bleu... »
(16) « ... l'immensité du ciel / et le grand assoupissement des montagnes. »
(17) O.C., p. 24.
(18) « Ses surs, par cimes et par vaux, / dans le silence des prairies et sur
les berges, / font tinter leurs sonnettes en paissant / l'herbe fraîche, de ci
et là. »
72 ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE
(19) « Elle heurte du museau l'auge usée / et recule humiliée... Mais elle
revient, / penche sa tête vers l'eau et boit placidement. »
(20) « Elle boit peu, guère assoiffée. Puis lève / vers le ciel son énorme tête
encornée / d'un grand geste tragique; ses paupières battent / sur ses prunelles
mortes. Et elle s'en retourne, / privée de lumière, sous le soleil qui brûle,
/ chancelant sur les chemins inoubliables / et balance languissamment sa
longue queue. »
(21) Poème daté de 1894, O.C., p. 25.
(22) « Vierge de la vallée de Nûria : / les foules s'acheminent vers vous,
/ elles avancent vers vous dans l'incertitude. »
LITTÉRATURES V 73
(23) « Châtiez nos sens / avec tant de fièvres oubliées ! / Donnez une âme
à nos ténèbres ! / Donnez-nous la foi de la Nuit ! »
(24) Inclus dans l'Intermezzo qui sépare la série de Visions de celles des
Chants qui composent son second livre de poèmes, O.C, p. 43.
(25) Sur cette opposition, voir aussi l'article La Montana, de novembre 1901
(O.C, p. 10â2), reproduit en version catalane du même Maragall dans le livre
Tria, publié en 1909, à l'usage des enfants des écoles (O.C, p. 617).
(26) « Comme il doit pleuvoir dans les gorges profondes / et dans les plaines
solitaires des vallées !... / Mais sur le grand balcon de la muraille on n'entend
rien... »
(27) Autre poème inclus dans l'Intermezzo de Visions % Cants, O.C, p. 43.
74 ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE
oh Pirineu terrible !?
a la plana de Tarbes
me n'he baixat corrents
{Retorn, III.)
Lourdes avec ses troupeaux humains « bêlant d'un grand
bêlement devant la Vierge blanche » le retient un moment sous son beau
ciel, rougi par le soleil couchant ou scintillant de petites lumières
jaunes marchant dans l'obscurité bruissante de voix (Retorn,
IV) (39). Et au départ, depuis le balcon de Pau, il salue pour la
dernière fois ces cimes enneigées, « fantômes habillés de lumière
dans le bleu du ciel », dont il rêvera de loin :
Que en deus estar d'hermosa
a l'hivern, sota el sol, blanca de neu C40).
(Retorn, V.)
Et, en effet, de retour à la ville et la paix et la douceur du foyer
retrouvées, il pensera de nouveau à ces montagnes lointaines, depuis
les cimes de Barcelone, entre les amandiers de janvier fleuris et la
mer qui s'étale éclatante jusqu'à Majorque :
A l'hivern, sota el sol, blanca de neu,
com visiô mésf ilunyana i mes formosa,
jo t'he vist resplandir en l'aire clar... (41).
(Represa. )
Pirinenca (42) traduit un autre de ces moments d'éternité ressentis
par le poète. Prisonnier de la sombre montagne qui se dresse
immobile comme une sentinelle ferme et muette, il s'endort tout seul dans
une petite chambre en rêvant à la plaine où l'amour l'attend près
de la mer ensoleillée. Par des mots répétés avec une grâce que l'on
dirait puisée à la naïveté du langage enfantin, il souligne adroi-
(43) « Dans ma chambre toute petite, / je dors la nuit tout seul; / au dehors,
toute noire, / la montagne veille sur mon sommeil. / La montagne haute, très
haute, / qui mange tout mon ciel... /Et mes songes s'envolent et s'envolent... »
(44) O.C., p. 1730.
18 ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE
(48) Voyez plus haut ce qu'il a été dit au sujet de la rédaction de Les Mun-
tanyes, à Cauterets, en 1901.
(49) Maragall a continué à visiter les Pyrénées et il y a puisé des motifs
d'iaspiratiori. Mais parmi la production maragallienne de ces quelques années,
il n'y a pas- de poèmes strictement lyrique se rattachant directement à de»
paysages pyrénéens.
(50) Publié dans son cinquième recueil Seqilèndes, O.Q., p. 74.
80 ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE
(56) « Vois-tu, au cœur de la sombre forêt, / une touffe toute blanche / qui
s'agite parmi les sapins ? »
(57) « Saute, enfant; chante, chante. / Tu ne sais pas, tu ne sauras jamais /
à quel point tu ressembles, oh cascade ! / à une fleur joliment ouverte / à une
nuit très étoilée, / à une femme très aimée, / et à mon cœur tout épanoui... »
LITTÉRATURES V
(58) Préface au tome 23 des Obres complètes (éd. des fils de poète), Barce-
lona, 1936.
(59) Aima contempordnea, O.C, p. 1327.
(60) « Pour lui le romantisme retourne à des sources plus pures qui avaient
été oubliées, à Goethe et à Novalis. » (Jean Camp, La littérature espagnole, des
origines à nos jours, Paris, P.U.F., 1943, p. 124). Voir aussi : J.J.A. Bertrand,
Goethe en Catalogne : Joan Maragall, dans la « Bévue de Littérature
comparée », t. 12 (1932), p. 174-182; Manuel Reventos_, Préface au t. II des Obres
complètes (éd. des fils de poète) qui comprend la trad. d'Henri d'Oftendinguen
de Novalis par Maragall; et l'important prologue de Maragall à cette traduction.
(61) Lettre à P. Pijoan, du 22 février 1904, O.C, p. 1751.
(82) Faut-ii rappeler que Maragall, traducteur de Goethe et de Novalis, >a été
aussi celui des Hymnes Homériques et de la Première Olympique de Pindare ?
84 ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE
A. Serra-Baldô.