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Décroissance radioactive

La décroissance radioactive est la réduction du nombre de noyaux radioactifs (instables) dans


un échantillon. La décroissance radioactive se produit jusqu'à ce que tous les noyaux radioactifs de
l'échantillon deviennent stables.

Enjeux
La décroissance radioactive est un paramètre très important pour le secteur de la gestion des
déchets nucléaires, la radioprotection et la modélisation et prévision des effets radiotoxicologique
ou radioécologiques de l'exposition à une pollution radioactive. Dans certains cas, il faut également
tenir compte de phénomènes complexes tels que l'absorption, l'accumulation et éventuellement la
bioaccumulation ou bioamplification…
Différents modes de désintégration
Loi de désintégration radioactive radioactive : radioactivités α, β– et
β+, capture électronique ε, émission
Un noyau radioactif quelconque a autant de chances de se désintégrer à un moment donné qu'un de neutron n et émission de proton p.
autre radionucléide de la même espèce, et la désintégration ne dépend pas des conditions physico-
a
chimiques dans lesquelles le nucléide se trouve . En d'autres termes, la désintégration est régie par
le hasard, et la loi de désintégration radioactive est une loi statistique.

NB : dans le détail, des mesures continues semblent montrer des variations de la décroissance radioactive en fonction du taux
2
d'exposition aux neutrinos, taux qui varie légèrement avec la position de la Terre par rapport au Soleil .

Si l'on observe un échantillon de matériaux radioactifs pendant un intervalle de temps donné, la proportion de noyaux qui subissent
une désintégration radioactive sera sensiblement constante, à cause de la loi des grands nombres.

On montre mathématiquement que cela implique que le nombre N de noyaux diminue avec le temps t suivant une décroissance
exponentielle : . Ceci se démontre de la manière suivante :

Démonstration mathématique de la loi exponentielle

Soit le nombre de noyaux radioactifs d'un isotope donné présents dans un échantillon à un instant quelconque. Comme la
probabilité de désintégration d'un de ces noyaux ne dépend ni de la présence d'autres radioisotopes ni du milieu environnant, le
nombre total de désintégrations pendant un petit intervalle de temps ( diminue au cours du temps : est la variation
de ( ), le nombre de noyaux disparus est ) est proportionnel au nombre de noyaux présents à l'instant et à la durée
de cet intervalle :

où la constante de proportionnalité , appelée constante de désintégration (ou constante radioactive) du radioisotope considéré,
possède la dimension de l'inverse d'un temps ; la constante est positive.

En intégrant l'équation différentielle précédente, on trouve le nombre de noyaux radioactifs présents dans le corps à un instant
quelconque, sachant qu'à un instant donné il y en avait ; c'est une loi de décroissance exponentielle :

où :

est le nombre initial de noyaux non-désintégrés ;


est la constante de désintégration du radioisotope.

Il faut cependant remarquer que cette loi de décroissance ne concerne que la radioactivité issue du radionucléide initial ; mais les
radionucléides qui résultent de la désintégration radioactive d'un radionucléide initial peuvent eux-mêmes être radioactifs, et induire
leur propre radioactivité. Dans ce cas, leur radioactivité vient s'ajouter progressivement à celle du radionucléide initial. L'activité du
mélange ainsi créé entre le radionucléide initiale et son (ou ses) descendant(s) est discutée dans la section « Filiation de deux isotopes
dépendants » ci-dessous.

Période radioactive
La « période radioactive », ou demi-vie, d'un isotope radioactif est la durée au bout de laquelle le nombre de noyaux de cet isotope
présents dans l'échantillon est réduit de moitié. On la note généralement T ou t½.

Si l'on observe un échantillon de matière radioactive, au bout d'un temps t½, cet échantillon aura (par définition) perdu la moitié de sa
matière, et il ne restera plus que la moitié de la matière initiale. Mais au bout de deux fois ce temps, la perte de matière supplémentaire
ne porte plus que sur la moitié restante et non sur le total initial ; au bout de deux fois t½ il restera donc la moitié de la moitié de la
matière initiale, c'est-à-dire le quart. De même, au bout de trois fois t½ il ne restera plus que (1/2)3 = 1/8 de l'échantillon initial, et ainsi
de suite. Au bout de dix fois cette demi-vie, l'activité aura été réduite d'un facteur 210 = 1 024, donc sensiblement divisée par mille. t½
est la durée au bout de laquelle le nombre de noyaux radioactifs présents dans l'échantillon est réduit de moitié, mais la « vie » de
l'échantillon est beaucoup plus grande que sa « demi-vie » : il reste toujours un peu de substance radioactive, même après un grand
nombre de « demi-vies ».

La loi de décroissance d'un échantillon radioactif peut se caractériser mathématiquement de la manière suivante :

Caractérisation mathématique de la demi-vie et de la vie moyenne

Si représente le nombre de noyaux radioactifs à un instant , alors :

On en déduit immédiatement :

ou encore:

où est le nombre de noyaux initiaux, et est la constante radioactive correspondant au type de noyaux.

Survie moyenne

Il ne faut pas confondre la demi-vie avec la vie moyenne . Celle-ci s'obtient par le raisonnement suivant : la quantité de noyaux qui
se désintègrent à l'instant a « vécu » pendant cette durée ou, plus exactement, à l'instant il reste noyaux présents.
De ceux-ci, pendant une durée , il s'en détruit :

Ces ont donc une durée de vie comprise entre et . On peut donc définir la durée moyenne de vie pour l'ensemble des
radionucléides de l'échantillon (ou simplement vie moyenne) par :

b
En tenant compte de l'expression de dN donnée ci-dessus, on obtient donc

Dans la littérature scientifique, on désigne généralement la durée de vie radioactive moyenne par la lettre grecque , donc

Cette durée de vie ne dépend pas de la taille de l'échantillon ; c'est un temps caractéristique du radionucléide considéré, tout
comme sa période . Au bout de ce temps caractéristique , l'activité est réduite à la fraction de sa valeur initiale :

On peut remarquer que cette « durée de vie » est en réalité le temps moyen de survie d'un atome de l'échantillon à partir du début de
l'observation. Dans le cas d'un radionucléide naturel, sa vie antérieure a pu être beaucoup plus importante, se comptant parfois en
millions d'années, voire plus. Un exemple emblématique est celui du Plutonium 244, de demi-vie 80,8 Mega-années, dont on trouve
dans le sol terrestre des traces d'atomes formés par des processus r d'explosions stellaires primitives longtemps avant la Formation et
évolution du Système solaire, donc il y a plus de 5 Giga-années. Ces atomes avaient initialement une survie moyenne de l'ordre de 80,8
/ Ln(2)= 80,8 x 1,4427 Ma, soit 116,7 millions d'années ; mais ceux que l'on détecte aujourd'hui - le peu qu'il en reste - ont eu une survie
au moins cinquante fois plus grande. Ils ont survécu par chance ; et en moyenne leur potentiel de survie compté à partir d'aujourd'hui
est de 80,8 Mega-années, comme au premier jour.

Activité moyenne

Activité d'un élément

On appelle « activité » le nombre de désintégrations par seconde d'un échantillon composé de noyaux radioactifs. L'activité
moyenne, notée est exprimée en becquerels (Bq), qui représente le taux de désintégration des noyaux (nombre de désintégrations par
seconde).

L'activité d'un radioisotope se relie mathématiquement à sa demi-vie, de la manière suivante :

Lien mathématique entre activité et vie moyenne

On note :

où :

est le nombre de noyaux qui se sont désintégrés durant une période

la variation du nombre de noyaux non désintégrés, qui sera fatalement négative pour une durée positive (Car les noyaux se
désintègrent et donc leur nombre diminue).

En différenciant, on a immédiatement :

En remplaçant la constance radioactive par sa valeur exprimée en demi-vie, on voit que l'activité est inversement proportionnelle à la
demi-vie de l'élément :

Le becquerel est une unité très petite. Quand un élément radioactif est présent en quantités métriques, le nombre d'atomes impliqués
est de l'ordre du nombre d'Avogadro, soit 6,02 ×1023. Pour un élément dont la demi-vie est d'un million d'années, soit 30 ×1012 s, une
mole de matière radioactive aura une activité de l'ordre de 20 ×109 Bq.

Ce nombre (plusieurs milliards de becquerels) paraît élevé, mais est relativement peu significatif en termes de radioprotection : même
pour des activités de l'ordre du millier de becquerel, les quantités usuellement rencontrées sont des fractions infinitésimales de moles ;
de leur côté, les ordres de grandeurs typique en radiotoxicité sont exprimées en µSv/Bq ; il faut des millions de becquerels pour
conduire à un résultat non négligeable en termes de radioprotection.

Activité d'un mélange dans le temps


D'une manière générale, un isotope radioactif présente une activité massique d'autant plus grande que sa demi-vie est brève. Les
radioactivités fortes disparaissent donc rapidement, à échelle géologique. Les matières très radioactives ne le sont que pendant un
temps relativement faible, et la radioactivité de vie longue (à échelle géologique) ne peut atteindre que des niveaux de radioactivité
relativement faibles.

Dans le cas d'un mélange comme les produits de fission, au bout d'un certain temps de refroidissement, la radioactivité est dominée par
les radioisotopes dont la demi-vie est de l'ordre de grandeur de ce temps de refroidissement : les radioisotopes dont la demi-vie est
significativement plus courte se sont désintégrés plus rapidement, et leur niveau de radioactivité résiduel est négligeable ; et ceux dont
la demi-vie est significativement plus longue sont moins radioactifs, et leur niveau de radioactivité est noyé par celui des éléments plus
actifs.

Ainsi, dans le cas des produits de fission qui forment la majeure partie des déchets HAVL :

Au bout d'une trentaine d'années, la radioactivité dominante est celle du césium 137 (30 ans) et du strontium 90 (28,8 ans), qui
ont une activité massique de l'ordre de 3,3 et 5,2 TBq/g respectivement. Comme ces deux éléments représentent de l'ordre de
10 % des produits de fission, les produits de fission ont alors une activité massique globale de l'ordre de quelques centaines de
GBq/g.
Au bout de quelque dix mille ans, la radioactivité dominante est celle du technétium 99 (211 000 ans), qui représente de l'ordre de
5 % des produits de fissions. Son activité massique étant de 630 MBq/g, l'activité massique des produits de fissions est alors de
l'ordre de 31 MBq/g.
Comme aucun produit de fission n'a de durée de vie comprise entre cent et dix mille ans, l'activité du Technétium est celle des
produits de fission pendant tout cet intervalle de temps.

Filiation de deux isotopes dépendants


Cas général

Soit l'isotope 1 qui se transforme en isotope 2 selon une constante radioactive . L'isotope 2 décroît
selon la constante radioactive .

La décroissance de l'isotope 1 n'est pas influencée par l'isotope 2. Par contre, la quantité d'isotope 2
au temps t dépend de la quantité d'isotope 1 à l'origine et des deux constantes radioactives et .

On a donc : et

Ainsi, pour atteindre un éventuel équilibre entre les activités des deux isotopes, il faut une durée : Décroissance radioactive de deux
corps, lorsque (échelle
logarithmique).

La période de l'isotope 1 est inférieure à la période de l'isotope 2

Quand , alors
Au bout d'une durée équivalente à au moins 10 fois la période de l'isotope 1, la décroissance de
l'isotope 2 ne dépend plus de l'isotope 1.

La période de l'isotope 1 est supérieure à la période de l'isotope 2

Au bout d'un certain temps, un équilibre de régime est obtenu, tel que :

Décroissance radioactive de deux


La période de l'isotope 1 est très supérieure à la période de l'isotope 2 corps, cas où t1<T2 (échelle
logarithmique).
Un équilibre séculaire est observé au bout d'environ 10 fois la période de l'isotope 2.
Les activités des deux isotopes sont alors équivalentes et décroissent selon la constante radioactive
de l'isotope 1.

Exemple : Décroissance du plutonium 240

Le plutonium 240 (période 6 560 ans) se désintègre en uranium 236 (période : 23,42×106 ans),
lequel se désintègre à son tour en thorium 232 pratiquement stable (période : 14,05×109 ans).
Quand on représente la radioactivité de ces trois corps en fonction du temps, sur un diagramme
log/log, on distingue bien trois zones distinctes :

le temps du plutonium 240 : tant que l'on ne dépasse pas la demi-vie du plutonium 240, la
radioactivité du plutonium reste sensiblement constante. Pendant ce temps, la radioactivité de
l'uranium 236 croît linéairement en fonction du temps (la pente de la courbe est de 1), et le
thorium 232 croît comme le carré du temps (la pente de la courbe est de 2). Quand on Radioactivité des descendants du Pu
dépasse la demi-vie du plutonium (entre 10 000 et 100 000 ans), son taux de radioactivité 240.
baisse significativement, et devient inférieur à celui de l'uranium 236 ;
le temps de l'uranium 236 : entre la demi-vie du plutonium et celle de l'uranium, la radioactivité
reste sensiblement constante, mais c'est celle de l'uranium qui domine à présent. Pendant ce temps, la radioactivité du plutonium
240 perd plusieurs ordres de grandeurs, et devient globalement négligeable devant le reste. La radioactivité du thorium 232
continue à croître, mais sa croissance n'est à présent que linéaire (parce que la quantité d'uranium n'augmente plus). Quand la
demi-vie de l'uranium 236 est dépassée (100 à 1000 millions d'années), le taux de radioactivité de l'uranium 236 devient inférieur
à celui du thorium 232 ;
le temps du thorium 232 : après un milliard d'années, c'est la radioactivité du thorium qui est dominante, et celle de ses
précurseurs devient négligeable. Le thorium devient lui-même négligeable longtemps après sa demi-vie, une dizaine de période
soit plus de cent milliards d'années.

Par rapport à l'Univers, nous sommes actuellement à l'âge du thorium. La Terre s'est formée il y a un peu plus de quatre milliards
d'années, et le Big Bang ne date « que » de 13 milliards d'années : le plutonium 240 et l'uranium 236 qui avaient pu se former dans les
étoiles de première génération ont disparu depuis longtemps, mais le thorium 232 originel subsiste encore en quantités appréciables.

Dans cet exemple caractéristique important l'étagement très marqué des périodes est tel que :

lorsque le plutonium 240 (vie moyenne = 6560/Ln(2) = 9 464 ans) a disparu, l'uranium 236 (vie moyenne = 33 788 000 ans soit
3570 fois plus) a à peine décru et l'essentiel du plutonium s'est transformé en uranium 236 augmentant d'autant la quantité
d'uranium ;
de même, lorsque l'uranium 236 a disparu, le thorium 232 (vie moyenne = 20 269 900 000 ans soit 600 fois plus) a à peine décru
et l'essentiel de l'uranium s'est transformé en thorium 232 augmentant d'autant la quantité de thorium dont la demi-vie est telle
qu'il n'en finit pas de décroître.

Filiations de n isotopes dépendants


Soit une filiation de n isotopes :

L'activité du énième isotope peut être calculé d'après les équations de Bateman et à partir de la quantité d'isotope 1 au départ (N1) selon
la relation :

Dans le cas particulier où le premier isotope aurait une période (T1) très longue par rapport à celles des isotopes-fils, au bout de dix fois
(T1), un équilibre séculaire s'installe et tous les isotopes ont la même activité.

cet équilibre n'est réalisé que si les différents isotopes de la chaine restent piégés.

Exemple

Un exemple particulier est celui des trois chaînes radioactives présentes naturellement dans l'écorce terrestre et dont les isotopes pères
sont : l'uranium 238, le thorium 232 et l'uranium 235.

Énergie radiogénique
L'énergie radiogénique (ou chaleur radiogénique) est l'énergie libérée par la décroissance radioactive d'un ou plusieurs radioisotopes.
3
Elle est particulièrement importante dans le bilan thermique de la Terre , où elle résulte principalement de la radioactivité de l'uranium
(isotopes 238 U et 235 232 40
U), du thorium ( Th) et du potassium ( K).

Notes et références

Notes
a. En toute rigueur, cette indépendance des conditions physico-chimiques est inexacte pour les modes de désintégration impliquant
des électrons ou des positons (désintégrations β−, β+ et ε). Dans le cas d'atomes extrêmement ionisés, la période radioactive peut
être différente de plusieurs ordres de grandeur. Le rhénium 187 totalement dénudé de ses électrons a ainsi une période de
32,9 ± 2,0 ans 1 contre 41 milliards d'années pour l'atome neutre. Voir « Constante de désintégration#Variabilité de la constante de
désintégration ».

b. En effet, intégrons par parties en posant , , , :

puisque . D'où le résultat annoncé : .

Références
1. F. Bosch, T. Faestermann, J. Friese, F. Heine, P. Kienle, E. Wefers, K. Zeitelhack, K. Beckert, B. Franzke, O. Klepper, C.
(en)
Kozhuharov, G. Menzel, R. Moshammer, F. Nolden, H. Reich, B. Schlitt, M. Steck, T. Stöhlker, T. Winkler et K. Takahashi,
« Observation of bound-state β− decay of fully ionized 187Re:187Re-187Os Cosmochronometry », Physical Review Letters, vol. 77,
no 26, 1996, p. 5190–5193 (PMID 10062738 (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10062738),
DOI 10.1103/PhysRevLett.77.5190 (https://dx.doi.org/10.1103/PhysRevLett.77.5190),
Bibcode 1996PhRvL..77.5190B (https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1996PhRvL..77.5190B)).
2. (en) Peter Andrew Sturrock, « Strange case of solar flares and radioactive elements » (https://www.sciencedaily.com/releases/2010/
08/100825093253.htm), Stanford University, ScienceDaily, 25 août 2010.
3. John C. Mutter, « The Earth as a Heat Engine (http://www.columbia.edu/itc/ldeo/v1011x-1/jcm/Topic3/Topic3.html) », Introduction to
Earth Sciences I, sur Université Columbia (consulté le 2 mars 2021), p. 3.2 Mantle convection.

Voir aussi
Articles connexes
Période radioactive
Décroissance exponentielle
Chaîne de désintégration

Liens externes
Cours niveau Terminale S sur la décroissance radioactive (http://www.mescours.info/physique-Decroissance_radioactive-32.xhtml
)
(Histoire des sciences) L'article de Rutherford et Soddy (1903) mettant en évidence la décroissance radioactive, site BibNum (http
://www.bibnum.education.fr/physique/radioactivit%C3%A9/la-transformation-radioactive).

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