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Activer Ses Neurones
Activer Ses Neurones
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5151-3
*
Depuis une trentaine d’années, les connaissances sur le cerveau ont
beaucoup progressé. Grâce aux avancées de l’imagerie cérébrale et des
recherches en neurosciences, nous connaissons de mieux en mieux
comment le cerveau fonctionne et rend possible l’apprentissage. Plus
intéressant encore, nous connaissons maintenant plusieurs facteurs qui
facilitent, ou compliquent, l’apprentissage et les modifications cérébrales
qui en découlent.
L’objectif de ce livre est de donner accès de façon rigoureuse et
documentée à ces connaissances sur le cerveau et l’apprentissage, et surtout
de les rendre utiles aux lecteurs pour qu’elles les aident à apprendre. Ce
double objectif constitue un défi considérable, d’une part parce que les
connaissances sur le cerveau peuvent être particulièrement complexes et,
d’autre part, parce que établir des liens entre la recherche et la pratique
n’est pas toujours simple. Il constitue également un élément distinctif de cet
ouvrage, puisque, contrairement à d’autres, ce livre ne porte pas
spécifiquement sur les mécanismes fondamentaux de l’apprentissage, mais
plutôt sur l’articulation entre ces mécanismes et des stratégies concrètes
pour mieux apprendre non seulement à l’école, mais aussi à la maison et au
travail.
Pour atteindre cet objectif, ce livre est structuré autour de sept principes
neuroéducatifs qui, comme le montre la figure ci-après, établissent des
ponts entre les neurosciences (qui permettent de comprendre le cerveau) et
des stratégies concrètes (qui permettent d’aider à apprendre).
Figure 1. L’objectif de ce livre est de proposer des principes fondés sur les sciences du
cerveau et de l’apprentissage qui permettent de faire le pont entre le fonctionnement du
cerveau et des stratégies concrètes pouvant aider à apprendre.
Pour apprendre, il faut que le cerveau change et, pour changer, il doit
s’activer. C’est la règle la plus importante qui régisse la neuroplasticité et la
condition essentielle à tout apprentissage. Nous allons ici aborder l’un des
principes neuroéducatifs les plus fondamentaux et importants pour
apprendre : l’activation des neurones liés à l’apprentissage que l’on
souhaite réaliser.
Figure 9. Pour que les neurones liés à l’apprentissage visé s’activent, mieux vaut éviter les
sources de distraction. La simple présence d’un téléphone portable sur le bureau de travail
peut réduire les performances à une tâche d’attention et de mémoire de travail. S’il est dans
un sac ou dans les poches, les performances sont un peu meilleures, mais pas autant que
si le téléphone est dans une autre pièce (d’après Ward et al., 2017).
Figure 11. Apprendre, c’est créer des sentiers dans le cerveau. Ces sentiers (ou réseaux
de neurones) se créent de façon similaire aux sentiers d’une forêt : en empruntant plusieurs
fois le même chemin (c’est-à-dire en activant à plusieurs reprises les neurones liés à un
apprentissage), des sentiers apparaissent progressivement. Plus les sentiers sont utilisés,
plus ils deviennent importants et permettent de passer rapidement et facilement du point A
au point B.
Le cerveau se comporte aussi comme une forêt à un autre égard : si
l’apprenant cesse d’emprunter le sentier créé, lentement, les herbes, les
arbustes et les arbres y reprennent leur place. Le sentier s’efface alors
progressivement et il redevient difficile de passer du point A au point B. De
la même manière, si on cesse d’activer les réseaux de neurones créés grâce
à l’apprentissage, les neurones peuvent réduire la force de leurs connexions.
Ils s’activeront donc ensemble de moins en moins spontanément et les
réseaux de neurones s’affaibliront et disparaîtront progressivement. Quand
les connexions neuronales s’affaiblissent et disparaissent, nous oublions.
L’oubli est fondamental au fonctionnement cérébral. Avant
l’apprentissage, il existe déjà des connexions neuronales dans le cerveau.
Apprendre, ce n’est donc pas simplement ajouter de nouvelles connexions
neuronales, c’est modifier les connexions existantes. Il existe ainsi une
compétition entre les connexions neuronales présentes avant et après
l’apprentissage. Pour gérer cette compétition, le cerveau utilise un principe
simple et particulièrement efficace : ce qui est utilisé est conservé et
renforcé et ce qui ne l’est pas s’affaiblit et est oublié – c’est le « use it or
lose it » déjà évoqué.
Cette analogie entre un cerveau et une forêt permet également de mieux
comprendre pourquoi certaines erreurs sont difficiles à corriger. Lorsque
l’apprenant voit un grand sentier qui semble l’amener à la destination
choisie, il est tenté de l’emprunter plutôt que de traverser la forêt sauvage ;
cela est plus facile et plus rapide. Cependant, il arrive que le sentier ne
mène pas à la destination souhaitée et qu’il soit alors nécessaire de sortir du
sentier et de traverser une région sauvage de la forêt en écartant la
végétation avec ses mains et ses pieds. Après être passé quelques fois par le
chemin sauvage, il devient de plus en plus praticable, mais le sentier initial,
qui mène à une mauvaise destination, est toujours présent et il est encore
tentant de l’emprunter. Pour cette raison, certaines réponses et stratégies
utilisées spontanément, mais inappropriées ou inefficaces pour accomplir la
tâche, peuvent être particulièrement difficiles à changer. Dans ce cas, il faut
non seulement apprendre et créer de nouvelles connexions, mais il faut
aussi désapprendre et gérer les connexions existantes qui ne sont pas
appropriées pour une certaine tâche.
Parce que les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble,
les neurones liés à un apprentissage peuvent s’associer à ceux liés au
contexte dans lequel une tâche est accomplie, rendant ainsi plus difficile la
réalisation d’une tâche dans un contexte différent de celui vécu lors de
l’apprentissage. Le fait que les neurones qui s’activent ensemble de façon
répétée se connectent progressivement ensemble suggère que le lien entre
un apprentissage et un contexte donné peut être renforcé ou atténué. Si les
activités d’apprentissage se font toujours dans le même contexte, les liens
entre ce contexte et l’apprentissage visé seront probablement plus forts, et
vice versa (voir chapitre 1).
Un dernier aspect particulièrement intéressant lié à l’importance de
l’activation neuronale répétée est que l’apprentissage n’est pas une
dichotomie, mais plutôt un continuum. Généralement, on considère qu’une
personne a appris lorsqu’elle est capable d’accomplir la tâche visée par
l’apprentissage – c’est-à-dire répondre à une question, résoudre un
problème, etc. – et qu’elle n’a pas appris lorsqu’elle en est incapable. Au
niveau neuronal, la situation est plus complexe.
Si l’on définit l’apprentissage comme la modification des connexions
neuronales, il est alors possible d’avoir appris, c’est-à-dire d’avoir changé
ses connexions neuronales, tout en demeurant incapable d’accomplir la
tâche visée. Il est aussi possible de continuer à apprendre même lorsque
l’on est déjà capable de l’accomplir. Au début de l’apprentissage, les
neurones s’activent et commencent timidement à renforcer leurs
connexions. Puisque les connexions ne sont pas assez solides, il n’est pas
encore possible d’accomplir la tâche visée, mais cela ne signifie pas
qu’aucun changement ne se soit déroulé dans le cerveau. Les changements
cérébraux ne sont peut-être pas suffisants pour observer une amélioration
des performances, mais cela ne signifie pas que ces changements n’existent
pas. Cet aspect est particulièrement important pour garder la motivation à la
suite d’activités d’apprentissage qui n’ont pas mené à une amélioration
visible : ce n’est pas parce qu’on est incapable d’accomplir une tâche après
un entraînement que celui-ci n’a servi à rien : il peut avoir contribué au
renforcement de connexions cérébrales, sans que cela soit assez pour que ce
soit observable.
Dans le même ordre d’idée, ce n’est pas la réussite d’une tâche qui doit
annoncer la fin de l’apprentissage. Même lorsqu’on est capable de répondre
à une question ou de résoudre un problème lié à l’apprentissage visé, c’est-
à-dire même lorsque les connexions neuronales sont suffisamment fortes,
l’apprentissage n’est pas terminé : en continuant à s’entraîner, on peut
encore renforcer les réseaux de neurones. Plus les neurones sont connectés
fortement, plus une tâche peut être accomplie efficacement et facilement. Il
y a donc des avantages à réaliser un surapprentissage, c’est-à-dire continuer
à faire des exercices même après être devenu capable d’accomplir des
exercices similaires : non seulement les exercices deviendront de plus en
plus faciles à réaliser, mais les connexions neuronales qui seront ainsi très
fortement établies dans le cerveau prendront également plus de temps à se
défaire et l’oubli se fera moins rapidement (voir aussi chapitre 5).
Réalisez un surapprentissage
S’il est vrai qu’il est préférable d’éviter de s’entraîner trop longtemps de
la même façon pour éviter l’habituation et la réduction de l’activité
cérébrale, cela ne signifie pas qu’il faille arrêter tout entraînement dès
qu’une notion est maîtrisée. Il en a été question précédemment :
l’apprentissage n’est pas une dichotomie. Il y a tout un continuum entre le
non-apprentissage et l’apprentissage complet. La réussite d’une tâche
n’indique pas que l’apprentissage est terminé. Même après avoir créé
suffisamment de connexions neuronales pour réussir une tâche, les neurones
liés à cette tâche peuvent continuer à se renforcer. On parle alors de
surapprentissage.
Le surapprentissage réalisé en continuant à s’entraîner même après
avoir atteint l’objectif poursuivi a des effets bénéfiques notables. Prenons
l’exemple de l’apprentissage du jonglage. Au début de l’entraînement, il est
impossible de jongler correctement. Progressivement, des réseaux de
neurones se développent, ce qui rend possible la jonglerie. Même si une
personne est capable de jongler, la poursuite de l’entraînement n’est pas
inutile, car elle mène à un plus grand renforcement des réseaux de neurones
liés à cet apprentissage.
Le surapprentissage possède conséquemment au moins deux avantages.
Le premier avantage est une réduction de la charge cérébrale nécessaire à
l’accomplissement d’une tâche qui permet de réduire les chances d’être
dans un état de surcharge cérébrale, ce qui est particulièrement nuisible à
l’apprentissage. Le deuxième avantage du surapprentissage est la réduction
de l’oubli et l’augmentation de la rétention 14 causées par la stabilisation des
connexions neuronales, les rendant moins susceptibles de s’affaiblir à cause
de nouveaux apprentissages et de l’établissement de nouvelles connexions
neuronales 15. Pour toutes ces raisons, il faut prévoir des moments
d’activation des neurones, même après l’atteinte de l’objectif
d’apprentissage visé.
Entraînez la récupération
en mémoire
Figure 16. Le cortex préfrontal ventro-latéral et l’hippocampe sont deux régions cérébrales
qui s’activent davantage lors de l’entraînement à la récupération en mémoire que lors de
l’étude. Ces deux régions sont connues pour jouer un rôle dans l’encodage efficace des
informations. La zone pointillée blanche au centre de la figure indique que l’hippocampe ne
se situe pas à la surface du cerveau, mais à l’intérieur (à mi-chemin entre le centre du
cerveau et la surface) (d’après Vestergren et al., 2014).
Figure 18. L’entraînement à la récupération en mémoire (par exemple, à l’aide de tests) est
plus efficace que l’étude. Le graphique ci-dessous montre bien que le nombre de tests
accomplis est plus important que le nombre de périodes d’étude. En effet, le taux de
réussite est plus élevé chez les personnes ayant passé deux ou quatre tests, même si le
nombre de périodes d’étude est proportionnellement réduit (d’après Zaromb et Roediger,
2010).
Figure 21. L’une des premières études portant sur l’importance du niveau de traitement de
l’information montre que rattacher un mot à une connaissance antérieure (par exemple, la
distinction entre vivant et non-vivant) mène à une meilleure rétention du mot et à une plus
grande activation de régions du cortex préfrontal pouvant être associées, notamment, à la
mémoire de travail et à la mise en relation de différentes informations (d’après Kapur et al.,
1994).
D’autres études impliquant l’imagerie cérébrale confirment que la mise
en relation de nouvelles connaissances avec des connaissances antérieures
provoque une activation du cortex préfrontal bénéfique à l’apprentissage.
Par exemple, dans une étude portant sur la compréhension en lecture 2, des
étudiants devaient lire des textes de biologie en utilisant différentes
stratégies dont la relecture et l’autoexplication, qui est une forme
d’élaboration d’explications consistant à se poser à soi-même des questions
sur le texte lu. Comme on peut s’y attendre, l’autoexplication permet de
mieux comprendre le texte – 51 % de réponses correctes lors d’un test de
compréhension – comparativement à la relecture – 41 % de réponses
correctes. Cette étude confirme donc le fait que se poser des questions à soi-
même et élaborer des explications est bénéfique à l’apprentissage. De plus,
comme l’étude précédente, plusieurs régions du cortex préfrontal,
notamment les trois régions mentionnées plus haut, étaient davantage
activées par l’autoexplication que par la relecture du texte (voir figure 22).
Figure 22. L’autoexplication d’un texte en biologie, comparativement à la relecture, mène à
une meilleure compréhension et à une plus grande activité de régions du cortex préfrontal
et de régions associées aux connaissances antérieures (d’après Moss et al., 2011).
Figure 23. Plus le cortex préfrontal antérieur est activé par l’élaboration d’explications
concernant le contenu d’un texte, plus la compréhension de ce dernier est élevée. Dans ce
contexte, le cortex préfrontal antérieur sert probablement à établir des liens entre le contenu
du texte et les connaissances antérieures (d’après Moss et al., 2011).
S’autoexpliquez
Cette stratégie consiste à se poser des questions à soi-même et à y
répondre, en silence ou à voix haute, pour établir des liens entre les idées,
mais aussi entre les connaissances nouvellement apprises et les
connaissances antérieures.
Lors de la lecture d’un texte, on peut par exemple se demander quels
sont les faits sur cette page que je ne connaissais pas déjà et pourquoi
l’auteur présente ceci avant cela. Lorsqu’une démarche est nécessaire pour
accomplir une tâche ou résoudre un problème, on peut s’expliquer à soi-
même les différentes étapes à parcourir, le pourquoi de leur existence et de
leur ordonnancement, ou encore pourquoi une démarche est préférable à
une autre.
L’autoexplication est une stratégie qui n’est pas naturelle pour tous,
parce qu’elle implique de s’arrêter en cours de processus pour se « parler »
à soi-même. Lire un texte ou résoudre un problème sans interruption est
effectivement moins long et exigeant que de s’arrêter en cours de route pour
prendre le temps de se questionner et de s’autoexpliquer. C’est pourquoi il
faut essayer de développer l’habitude de se parler à soi-même lors d’un
apprentissage et de ne pas tenir pour acquis que tout apprenant
s’autoexplique spontanément les éléments associés à la tâche qu’il
accomplit.
Bien qu’il ne semble pas exister d’études portant spécifiquement sur
cette question, il est plausible de penser qu’une façon d’apprendre à
s’autoexpliquer est d’être en contact avec des exemples d’autoexplication,
c’est-à-dire d’entendre des gens exprimer à voix haute les explications
qu’ils donnent à leur démarche et les questions qu’ils se posent. Puis,
progressivement, de s’autoexpliquer des choses avec une tierce personne
qui nous pose des questions seulement lorsqu’on arrête de s’autoexpliquer
ou lorsque l’autoexplication est trop superficielle ou trop implicite.
On peut également planifier des pauses pendant une tâche afin de
s’obliger à avoir des moments d’autoexplication. Ces pauses
autoexplicatives peuvent être planifiées à intervalle régulier, comme à
chaque page d’un livre, ou bien à l’aide de marqueurs (comme des
astérisques) placés à des endroits stratégiques d’un texte à lire ou d’une
tâche à accomplir. On peut même utiliser un compte à rebours pour
s’obliger à s’autoexpliquer après un certain temps. Une autre technique est
de prévoir un espace vide dédié à noter des autoexplications (au bas de la
section d’un livre, par exemple). Bien que tout porte à croire que les pauses
explicatives puissent favoriser l’apprentissage en encourageant
l’autoexplicitation, il est probable qu’une fréquence trop élevée de ce type
de pauses nuise à l’apprentissage en interrompant le fil des idées de
l’apprenant. Un sain équilibre entre l’absence complète de pauses
explicatives et un très grand nombre est donc de toute évidence souhaitable.
Une autre façon d’encourager l’autoexplication et l’organisation des
nouvelles connaissances au sein d’un système structuré de connaissances
(incluant notamment les connaissances antérieures) est de réaliser une carte
conceptuelle, c’est-à-dire un schéma contenant des mots représentant des
idées ou des concepts et des lignes désignant les liens entre les notions.
Un exemple de carte conceptuelle de ce qui a été expliqué jusqu’à
maintenant dans ce livre est présenté à la figure 25. Cette carte comporte les
mots associés aux principes (activation, activation répétée, récupération en
mémoire et élaboration d’explications) et aux concepts abordés
(neuroplasticité, connexions neuronales, apprentissage, etc.), ainsi que des
lignes pour les interrelations entre les concepts et les principes. On y voit
que les connaissances et les habiletés dépendent de l’activation des
neurones, qui peut être provoquée par la récupération en mémoire ou
l’élaboration d’explications. Ensuite, que l’activation peut être unique ou
répétée, mais que, lorsqu’elle est répétée, elle modifie davantage les
connexions neuronales, qui elles-mêmes influencent à leur tour l’activation
des neurones. Finalement, l’activation des neurones modifie les connexions
neuronales grâce à la neuroplasticité, la capacité à modifier les connexions
neuronales, qui rend possible l’apprentissage et le développement des
connaissances et des habiletés.
Figure 25. La création d’une carte conceptuelle est un moyen de favoriser l’élaboration
d’explications. Ci-dessus se trouve la carte conceptuelle associée aux principes et concepts
discutés jusqu’à maintenant.
Ce résultat est important, car il suggère que l’on peut travailler pour
rien. Dans cet exemple, les périodes d’apprentissage 1 et 2 contribuent à
l’apprentissage puisque les neurones s’activent et que cette activation mène
à la création et à la consolidation des connexions neuronales. Cependant, les
périodes 3 et 4 ne servent pour ainsi dire à rien, car les neurones s’activent
peu ou pas au cours de ces périodes. Il ne faut donc pas juste travailler fort
et longtemps pour apprendre : il faut travailler intelligemment.
Comme le montre la partie droite de la figure 27, l’espacement de
l’apprentissage permet d’éviter la diminution de l’activité cérébrale causée
par l’effet de répétition et d’habituation. En effet, non seulement une
activité cérébrale significative est présente aux périodes 1 et 2, mais ce
niveau élevé d’activation est également maintenu au cours des périodes 3 et
4. Ces résultats suggèrent donc que le temps et l’énergie consacrés à
l’apprentissage aux périodes 3 et 4 ne sont pas perdus lorsque les périodes
d’apprentissage sont espacées.
Il est intéressant de noter que lorsqu’on compare l’activité cérébrale des
personnes ayant profité de l’espacement aux autres ayant appris de façon
regroupée, la différence la plus significative est observée dans le cortex
préfrontal ventro-latéral 3. Rappelons que cette région, connue notamment
pour être associée à un encodage efficace de l’information, est également
plus activée lors de l’entraînement à la récupération en mémoire et lors de
l’élaboration d’explications. Il est donc possible que les effets bénéfiques de
l’espacement sur l’activité cérébrale ne soient pas indépendants des
avantages liés à la récupération en mémoire et à l’élaboration
d’explications. En effet, si les périodes sont espacées, il faut davantage faire
d’effort pour récupérer en mémoire les informations encodées et cette
récupération nécessitera peut-être d’établir des liens avec d’autres
connaissances pour faciliter la réactivation.
Figure 28. L’espacement des périodes d’apprentissage permet de profiter des bienfaits du
sommeil sur le cerveau et l’apprentissage. À gauche, les résultats montrent qu’après une
sieste les mélodies A et B apprises au piano sont mieux réussies qu’avant la sieste.
L’amélioration plus grande observée pour la mélodie A est causée par une plus grande
activation des neurones associés à cette mélodie durant le sommeil. À droite, l’image
montre l’activation du cortex prémoteur durant la sieste (d’après Antony et al., 2012).
Pour expliquer cet écart, il faut préciser que les chercheurs de cette
étude avaient pour ambition non seulement de confirmer un résultat déjà
connu voulant que le sommeil améliore l’apprentissage, mais aussi, et
surtout, de tester spécifiquement l’hypothèse selon laquelle le sommeil
améliore l’apprentissage par une réactivation des neurones liés à cet
apprentissage.
Les chercheurs ont alors cherché un moyen pour que les neurones
associés à la mélodie A s’activent davantage durant le sommeil que ceux de
la mélodie B. En s’appuyant sur des études antérieures, ils ont eu l’idée de
faire jouer un enregistrement de la mélodie A pendant la sieste afin de
favoriser davantage l’activation des neurones liés à cette mélodie. Même si
la diffusion à faible volume de l’enregistrement de la mélodie ne réveillait
pas les participants, elle pouvait tout de même biaiser l’activation du
cerveau et augmenter la probabilité de réactivation des neurones de la
mélodie entendue durant la sieste.
Comme les gains à la mélodie A sont supérieurs à ceux de la mélodie B,
les résultats de cette étude confirment donc l’hypothèse de la réactivation
spécifique des neurones liés à l’apprentissage. Pour plus de certitude, les
chercheurs ont également mesuré l’activité cérébrale des participants
pendant leur sieste à l’aide de l’électroencéphalographie. Ils ont observé
que l’activité observée au-dessus du cortex prémoteur droit était corrélée
avec le gain relatif observé entre les mélodies A et B. Autrement dit, plus
l’écoute de la mélodie A durant le sommeil améliorait spécifiquement la
performance de cette mélodie, plus l’activité observée près du cortex
prémoteur droit était grande. Cette région cérébrale située dans
l’hémisphère droit du cerveau est notamment responsable de la planification
des mouvements de la main gauche. Comme les mélodies étaient jouées
avec la main gauche, ce résultat renforce l’idée que des réactivations durant
le sommeil contribuent à la consolidation des apprentissages.
Il est tentant de penser que cette étude est un appui direct à l’idée que
l’on puisse apprendre en dormant, en écoutant des enregistrements de ses
cours par exemple. Il convient d’être prudent à ce propos. L’apprentissage
réalisé dans cette étude est relativement simple : il s’agit d’associer une
information visuelle – une note de musique – à un mouvement spécifique
des doigts – ce type d’apprentissage est dit visuo-moteur. Il n’est pas du
tout assuré que l’effet observé dans cette étude soit reproductible dans le cas
d’apprentissages plus complexes. Cela dit, quelques études récentes 7
suggèrent que l’on peut favoriser l’apprentissage d’associations de mots
durant le sommeil.
Figure 33. La durée d’espacement optimale dépend de la durée de rétention. Les quatre
courbes ci-dessus montrent l’évolution de la proportion de réponses correctes en fonction
de la durée d’espacement. Le sommet de chaque courbe est la durée d’espacement
optimale pour chacune des périodes de rétention étudiées (d’après Cepeda et al., 2008).
Figure 34. La stratégie de distribution consiste à étaler dans les temps les moments alloués
à un apprentissage. Dans cet exemple, au lieu de regrouper les trois activités
d’apprentissage sur une seule période, ces dernières sont réparties sur trois périodes
différentes.
Figure 40. Mélanger les exercices est une façon d’entrelacer les apprentissages. Dans
l’exemple ci-dessus, les exercices de multiplication et d’addition de fractions sont mélangés
rendant ainsi leurs effets sur l’apprentissage plus importants.
Cela dit, il est plausible de penser qu’il est préférable que le mélange
des exercices se produise graduellement. Il faut en effet que la tâche
demandée soit assez difficile pour activer le cerveau, mais pas difficile au
point d’empêcher sa réussite. En conséquence, au début de l’apprentissage,
quand une tâche est si difficile à accomplir que la moindre difficulté
supplémentaire peut empêcher sa réussite, le mélange des exercices n’est
peut-être pas souhaitable. Cependant, dans les autres situations, ce mélange
est susceptible de faciliter l’apprentissage.
Figure 42. Espacer l’activation des neurones permet de favoriser le maintien de l’activité cérébrale, de
réactiver les neurones pendant le sommeil, de laisser le temps au cerveau de renforcer ses connexions et
d’améliorer l’apprentissage, en plus de diminuer l’oubli. Pour mettre en application le principe
d’espacement de façon optimale, il faut distribuer les périodes d’apprentissage, augmenter
progressivement l’espacement, entrelacer les apprentissages et résister à l’intuition selon laquelle le
regroupement est plus efficace que le regroupement.
CHAPITRE 6
Maximisez la rétroaction
Figure 44. L’effet de la rétroaction négative sur l’activation des régions cérébrales
associées à la correction d’erreur est influencé par l’âge. De façon générale, l’activation du
cortex préfrontal dorso-latéral et du cortex cingulaire antérieur observée à la suite de la
rétroaction négative augmente entre 8 et 25 ans (d’après Peters et al., 2014).
S’il est vrai que le cerveau immature du jeune enfant ne lui permet pas
aussi facilement que celui d’un adulte de tirer profit de la rétroaction
négative, il ne faut pas pour autant conclure qu’il ne faut jamais dire à un
enfant qu’il a commis une erreur. En effet, il faut bien comprendre que les
mécanismes de correction d’erreur sont fonctionnels chez l’enfant ; ils sont
tout simplement moins efficaces que chez l’adulte. En d’autres mots, la
rétroaction négative n’est souvent pas suffisante pour aider un enfant à
apprendre. Ainsi, il ne faut pas croire que le simple fait de mentionner une
erreur à un enfant la fera disparaître : il faut prévoir un soutien
supplémentaire.
Il ne faut pas non plus conclure de ces recherches que la correction est
toujours facile chez l’adulte à cause de la maturité de son système de
correction d’erreur. Il est clair, du moins pour les apprentissages complexes
et contre-intuitifs, que la rétroaction négative n’est souvent pas suffisante
pour permettre à l’adulte de corriger ses erreurs. Cependant, toutes choses
étant égales par ailleurs, l’adulte devrait pouvoir apprendre plus facilement
de la rétroaction négative que l’enfant. Des études montrent d’ailleurs que
les adultes peuvent, du moins dans certaines circonstances, apprendre
davantage de la rétroaction négative que de la rétroaction positive 6. Plus
important encore, la rétroaction négative peut même améliorer dans certains
cas la rétention chez l’adulte de 494 % (sic) comparativement à la
rétroaction positive 7. Cela dit, il y a fort à parier que les bénéfices de la
rétroaction négative par rapport à la rétroaction positive observés chez les
adultes ne seraient pas aussi élevés chez les enfants.
Figure 51. Le type de rétroaction utilisé et le moment de la rétroaction ont une influence
significative sur l’ampleur de l’effet de la rétroaction sur l’apprentissage. De façon générale,
fournir une explication est plus efficace que de dire si la réponse donnée est correcte ou
encore de simplement fournir la réponse correcte. De plus, la rétroaction ayant lieu
immédiatement après la formulation d’une réponse est généralement plus efficace qu’une
rétroaction faite plus tard (d’après Van Der Kleij, Fesken et Eggen, 2015).
Un autre facteur déterminant est le moment de la rétroaction. De façon
générale, la rétroaction immédiate qui a lieu juste après qu’une réponse soit
fournie est plus efficace que la rétroaction différée qui a lieu plus tard
(ampleur de l’effet de 0,46 vs 0,22). Au moins deux raisons expliquent ce
résultat. Premièrement, il est possible qu’une rétroaction qui suit
immédiatement une prédiction enclenche plus facilement les mécanismes
cérébraux liés à la rétroaction, c’est-à-dire les mécanismes de correction
d’erreur pour la rétroaction négative et les mécanismes de renforcement et
de récompense pour la rétroaction positive. Deuxièmement, il est possible
que la rétroaction immédiate évite un obstacle important à l’apprentissage :
celui du renforcement des réseaux de neurones associés à une erreur.
Comme nous l’avons vu, les neurones qui s’activent ensemble se
connectent ensemble. Ainsi, plus les neurones associés à une erreur
s’activent, plus ils se connectent et plus la probabilité qu’ils s’activent à
nouveau augmente. La rétroaction immédiate préviendrait donc ce
problème.
À ce propos, une étude 19 montre d’ailleurs que l’entraînement à la
récupération en mémoire, bien connu pour ses effets bénéfiques sur
l’apprentissage (voir chapitre 3), peut aussi avoir un effet négatif sur
l’apprentissage en l’absence de rétroaction. En effet, bien que
l’entraînement à la récupération en mémoire augmente l’apprentissage, il
augmente aussi la probabilité que les erreurs commises lors de
l’entraînement se reproduisent à nouveau lors du test final. Cela dit, lorsque
de la rétroaction corrective immédiate est fournie, cette augmentation de la
probabilité de l’erreur s’efface. En règle générale, les résultats de cette
étude suggèrent que si l’entraînement à la récupération en mémoire porte
sur du contenu difficile où les erreurs sont fréquentes, la rétroaction
immédiate devient particulièrement importante.
Bien que la rétroaction immédiate soit généralement préférable à la
rétroaction différée, en particulier pour les cas où des erreurs sont fortement
susceptibles de se produire, il n’est pas impossible que, dans certaines
circonstances, la rétroaction différée soit préférable. Par exemple, il est
possible que, dans une tâche où le risque d’erreur est très faible, il soit
préférable de ne pas déranger l’apprenant par une rétroaction immédiate
après chaque réponse. Il est également possible que la rétroaction différée
soit plus efficace dans les tâches complexes qui nécessitent une grande
concentration, puisque la rétroaction immédiate pourrait avoir pour effet de
déranger et surcharger l’apprenant, le rendant ainsi moins apte à
comprendre la tâche en même temps que la rétroaction fournie.
Ce résultat est compatible avec l’idée que l’erreur n’a pas le même
statut dans la tête d’une personne ayant un état d’esprit fixe que dans celle
d’une personne ayant un état d’esprit dynamique. En effet, quelqu’un qui
croit pouvoir s’améliorer aura tendance à percevoir les erreurs commises
comme des outils pour apprendre et s’améliorer. L’erreur est alors perçue
comme une indication qu’il est nécessaire de se concentrer davantage et
qu’il reste du travail à accomplir pour se perfectionner et s’améliorer. À
l’opposé, une personne ayant un état d’esprit fixe et qui ne croit pas pouvoir
s’améliorer aura plutôt tendance à voir les erreurs commises comme une
confirmation de son incapacité à accomplir une tâche. Loin de stimuler
l’activation cérébrale, les erreurs mènent alors, au contraire, à un
désengagement du cerveau.
Pour mesurer le niveau d’activité cérébrale des personnes ayant un état
d’esprit fixe ou dynamique, des chercheurs ont utilisé
l’électroencéphalographie. Cette technique permet de mesurer les
différences de potentiel électrique à la surface de la tête causées par
l’activité du cerveau. Le graphique A de la figure 56 montre que les
personnes ayant un état d’esprit dynamique activent davantage leur cerveau
environ 300 millisecondes après avoir commis une erreur. Ce pic
d’activation nommé Pe (potentiel électrique positif lié à l’erreur) est
généralement associé à une plus grande mobilisation de l’attention. Ce
résultat suggère donc que les personnes ayant un état d’esprit dynamique
portent davantage attention à l’erreur commise et s’engagent davantage
dans un processus d’analyse de leur erreur que les personnes ayant un état
d’esprit fixe. Comme le montre d’ailleurs la partie B de la figure 56,
l’activité cérébrale posterreur des personnes ayant un état d’esprit
dynamique est nettement plus élevée que celle des personnes ayant un état
d’esprit fixe.
Figure 56. Les personnes avec un état d’esprit dynamique activent davantage leur cerveau
après avoir commis une erreur que celles ayant un état d’esprit fixe. Le pic d’activation
observé environ 300 millisecondes (ms) après avoir commis une erreur (voir partie A)
indique qu’une plus grande attention est portée à l’erreur. La partie B de la figure montre les
différences d’activation à la suite d’une erreur entre les personnes ayant un état d’esprit fixe
ou dynamique (d’après Moser et al., 2011).
L’état d’esprit est généralement mesuré à l’aide d’un questionnaire où il
est demandé de donner son niveau d’accord à différents énoncés – par
exemple, « vous avez un certain niveau d’intelligence et vous ne pouvez
vraiment pas faire grand-chose pour le changer ». Ce questionnaire permet
de situer les gens sur une échelle allant habituellement de 1 à 6 – 1 étant
associé à un état d’esprit très fixe et 6 à un état d’esprit dynamique très
élevé.
La figure 57 montre le niveau d’activation du cerveau à la suite d’une
erreur en fonction du niveau d’état d’esprit. Chaque point du graphique
représente un individu. Une tendance claire est observée : plus une
personne possède un état d’esprit dynamique, plus le niveau d’activation est
élevé. La dichotomie voulant qu’une personne possède un état d’esprit fixe
ou un état d’esprit dynamique est donc à rejeter. Dans les faits, l’état
d’esprit d’une personne face à sa capacité à s’améliorer se situe au sein d’un
continuum allant d’un état d’esprit très fixe à un état d’esprit dynamique
très élevé.
Figure 57. De façon générale, plus une personne possède un état d’esprit dynamique, plus
son cerveau s’active à la suite d’une erreur (d’après Moser et al., 2011).
Ces mêmes chercheurs ont aussi constaté qu’il existe une corrélation
entre l’état d’esprit et la force de la connectivité entre le striatum et le
cortex préfrontal dorso-latéral (voir figure 60). Autrement dit, plus les
personnes ont un état d’esprit dynamique, plus la connectivité est grande
entre ces deux régions. Cette étude, comme les autres discutées
précédemment, appuie donc l’idée que l’influence positive de l’état d’esprit
est d’autant plus grande que la croyance en la possibilité d’améliorer ses
capacités est élevée.
Figure 60. En général, plus une personne possède un état d’esprit dynamique, plus la
connectivité fonctionnelle entre le striatum et le cortex préfrontal dorso-latéral est élevée
(d’après Myers et al., 2016).
Figure 62. Un état d’esprit dynamique permet peut-être de développer le grit, c’est-à-dire la
persévérance et la motivation à long terme dans l’atteinte d’un but. Dans ce graphique, la
densité de matière grise dans le cortex préfrontal dorso-latéral est négativement corrélée
avec le grit (-0,27). Cette relation semble être influencée par l’état d’esprit. En effet, il existe
une corrélation négative comparable entre la densité de matière grise et l’état d’esprit
(-0,19) et une corrélation positive est observée entre l’état d’esprit et le grit (0,18) (d’après
Wang et al., 2018).
Pour déterminer de façon plus directe l’existence d’un lien causal entre
l’état d’esprit et la réussite scolaire, des chercheurs ont également étudié
l’effet d’une intervention sur la réussite en mathématiques. Pour y arriver,
ils ont réparti les élèves en deux groupes. Dans le premier, une intervention
comportant huit séances de 55 minutes (une séance par semaine) et portant
notamment sur la plasticité du cerveau a eu lieu. Dans le deuxième groupe,
une intervention contrôle de même durée et portant en partie sur des thèmes
similaires a eu lieu, mais aucune des activités ne portait spécifiquement sur
la neuroplasticité, ni sur des thématiques présentant l’intelligence et les
capacités cognitives comme pouvant se développer.
Dans le graphique B de la figure 66, on observe que les notes des élèves
ayant suivi une intervention de type « état d’esprit fixe » (groupe contrôle)
déclinent avant et après l’intervention : elles passent d’environ 2,7 à 2,5,
pour descendre ensuite à 2,4 (sur un maximum de 4). À l’opposé, les élèves
de l’intervention de type « état d’esprit dynamique » arrivent à renverser le
déclin des notes après intervention : elles passent d’environ 2,9 à 2,6 avant
l’intervention pour rebondir à environ 2,7 après l’intervention. Cette étude
suggère qu’il est non seulement possible d’influencer l’état d’esprit par une
intervention ciblée, mais aussi la réussite scolaire.
Figure 66. L’état d’esprit peut avoir une incidence sur la réussite scolaire. Dans ce
graphique, on observe au graphique A que les notes en mathématiques augmentent entre
la 7e et la 8e année pour les élèves ayant un état d’esprit dynamique, mais qu’elles
déclinent pour les autres. Le graphique B montre qu’une intervention visant à favoriser un
état d’esprit dynamique peut renverser le déclin des notes en mathématiques (d’après
Blackwell, Trzesniewski et Dweck, 2007).
Des résultats similaires ont été obtenus à grande échelle avec plus de
1 500 élèves grâce à une intervention disponible sur Internet qui présentait,
elle aussi, de l’information sur la neuroplasticité susceptible d’encourager
un état d’esprit dynamique 12. Les effets de cette intervention étaient
bénéfiques dans toutes les matières pour tous les élèves, mais elle était
encore plus bénéfique pour les élèves à risque d’échouer et dans certaines
matières comme les mathématiques (voir figure 67). Ce résultat suggère que
les interventions visant à favoriser un état d’esprit dynamique peuvent aider
tous les élèves, mais de façon encore plus significative ceux qui rencontrent
des difficultés et qui doivent faire preuve de persévérance. De plus, il est
possible que l’effet soit plus important pour les matières présentant des
difficultés particulières ou associées davantage à un état d’esprit fixe et à
capacités innées, comme les mathématiques – par exemple, la bosse des
mathématiques.
Bien que la présentation faite dans ce chapitre montre que l’état d’esprit
est une variable importante pouvant influencer le fonctionnement cérébral
et l’apprentissage, il existe cependant dans les écrits scientifiques des
résultats contradictoires qui peuvent semer des doutes quant à l’efficacité
des approches visant à prendre en compte l’état d’esprit des individus dans
leur apprentissage.
Figure 67. Même une intervention disponible sur Internet peut avoir un effet sur l’état
d’esprit et la réussite scolaire. Les graphiques de la partie A montrent qu’une intervention
visant à favoriser un état d’esprit dynamique a un effet positif dans toutes les matières
(comparativement aux participants d’un groupe contrôle ne participant pas à l’intervention),
notamment en mathématiques. Le graphique de la partie B montre l’effet global de
l’intervention sur tous les cours (d’après Paunesku et al., 2015).
Ainsi, une méta-analyse 13 de 129 études montre que l’état d’esprit a un
effet sur la réussite scolaire, mais l’ampleur de cet effet n’est que de 0,1.
Cela signifie qu’en général les apprenants ayant un état d’esprit dynamique
réussissent mieux que ceux ayant un état d’esprit fixe, mais que l’écart entre
les deux est somme toute assez mineur.
Ce résultat n’est pas très surprenant. En effet, il existe assurément
plusieurs facteurs pouvant influencer la réussite – les approches
pédagogiques et les capacités cognitives de l’apprenant comme la mémoire
de travail, l’attention et le contrôle cognitif en sont de bons exemples. Par
conséquent, il serait étonnant qu’un seul facteur, à savoir l’état d’esprit, ait,
à lui seul, un impact très important sur la réussite. Ce qui est plus
intéressant est d’évaluer l’impact d’interventions visant à favoriser un état
d’esprit dynamique et favoriser ainsi l’apprentissage et la réussite.
Une deuxième méta-analyse, publiée dans le même article que la
précédente, s’est justement intéressée à l’efficacité des interventions visant
à développer un état d’esprit dynamique sur l’apprentissage et la réussite.
En apparence, les résultats ne sont pas plus encourageants. En effet, après
avoir analysé les résultats de 29 études, les chercheurs ont calculé que
l’ampleur moyenne de l’effet des études d’interventions de ce type sur la
réussite académique est de seulement 0,08. Contrairement aux résultats de
la première méta-analyse, la faible ampleur de l’effet mesurée dans cette
deuxième méta-analyse est surprenante. Pour bien la comprendre, il est
nécessaire d’examiner plus en détail la façon dont cette méta-analyse a été
conduite.
Pour prendre en compte le plus grand nombre d’études possibles, les
chercheurs ont inclus dans leurs calculs les données publiées dans les
revues scientifiques, mais aussi les données non publiées. Ces dernières ont
été obtenues notamment à partir d’un appel demandant à tous les chercheurs
ayant des données sur le sujet, même si elles sont non publiées, de
transmettre leurs résultats. Ainsi, 42 % des données utilisées dans la méta-
analyse n’ont pas été publiées dans une revue scientifique et n’ont donc pas
été évaluées de façon indépendante par un comité de lecture formé
d’experts du domaine. Inclure des données non publiées présente l’avantage
d’éviter le biais associé au fait que les revues scientifiques ont tendance à
rejeter les résultats non significatifs, mais comporte aussi l’inconvénient
majeur de ne faire aucune évaluation rigoureuse de la qualité de ces
données et des méthodes ayant permis de les obtenir.
De plus, en examinant plus attentivement les données utilisées dans la
méta-analyse, on remarque qu’une proportion importante des données plus
négatives quant à l’efficacité des interventions de type état d’esprit
dynamique n’a pas été publiée dans des revues scientifiques. Autrement dit,
l’ampleur moyenne de l’effet des interventions de ce type est très faible,
principalement à cause de l’inclusion de données non publiées. Le fait que
les données ne soient pas publiées ne signifie pas nécessairement que ces
données ne sont pas valables, mais cela sème un doute légitime sur leur
qualité. Il est donc possible que cette méta-analyse sous-estime l’ampleur
de l’effet des interventions.
En plus de souvent provenir d’études non publiées, on remarque
également que les données réduisant le plus l’ampleur moyenne de l’effet
proviennent d’une seule étude qui a comparé les effets d’un cours de
neurosciences portant notamment sur la neuroplasticité et d’un cours
portant sur les stratégies d’étude, lequel porte sur la façon dont on peut se
préparer pour apprendre, sur l’influence de l’environnement
d’apprentissage et de la préparation physique, sur le rôle et le contrôle des
émotions pour mieux apprendre, sur la façon dont on mémorise des
contenus et sur les techniques permettant d’améliorer la mémorisation. Bien
qu’il ne soit pas question de neuroplasticité dans l’intervention contrôle, on
y présente toutefois de nombreux éléments appuyant l’idée selon laquelle il
est possible d’apprendre et d’améliorer ses compétences en utilisant de
bonnes stratégies. Bref, les deux interventions sont susceptibles de favoriser
un état d’esprit dynamique. Dit autrement, l’étude a comparé deux
interventions de type état d’esprit dynamique. Il n’est donc pas surprenant
que leurs effets soient similaires.
Une autre méta-analyse 14 menée par mon laboratoire de recherche s’est
cette fois limitée aux articles publiés dans les revues scientifiques utilisant
les neurosciences comme façon de stimuler un état d’esprit dynamique.
Malgré le fait que cette méta-analyse intègre l’étude précitée avec les deux
interventions de type état d’esprit dynamique, l’ampleur de l’effet calculée
est tout de même de 0,4.
Pour évaluer l’hypothèse selon laquelle les élèves à risque de subir des
échecs profitent davantage de l’effet bénéfique d’en savoir plus sur le
fonctionnement du cerveau, cette méta-analyse présente aussi séparément
l’ampleur de l’effet pour cette catégorie d’élèves (voir figure 68), laquelle
est de 0,44 par rapport à 0,31 pour les autres. De plus, en examinant plus
spécifiquement l’ampleur de l’effet sur la motivation et la réussite scolaire,
un résultat similaire est obtenu : les élèves à risque profitent davantage des
effets de l’intervention sur la motivation (0,55 vs 0,19) et sur la réussite
(0,39 vs 0,28). Il semblerait aussi que l’écart entre les élèves à risque et les
autres élèves soit particulièrement important en mathématiques (0,78 vs
0,09), une matière souvent qualifiée de difficile et fréquemment associée à
des capacités innées.
Figure 68. Enseigner comment fonctionne le cerveau a des effets bénéfiques importants
sur la motivation et la réussite, en particulier chez les élèves à risque d’échec. Ce tableau
présente l’ampleur de l’effet d’enseigner le fonctionnement cérébral sur la motivation et la
réussite pour tous les élèves, de même que distinctement pour les élèves à risque et les
autres élèves (d’après Blanchette Sarrasin et al., 2018).
Figure 70. Un état d’esprit dynamique peut parfois avoir des effets négatifs. Le graphique
montre que plus les enseignants possèdent un état d’esprit dynamique, moins ils donnent
de rétroactions aux élèves (d’après De Kraker-Pauw et al., 2017).
Un article scientifique récent met d’ailleurs en garde contre le fait
d’exagérer le contrôle que nous pouvons avoir sur notre réussite et nos
apprentissages 17. Les auteurs soutiennent avec raison qu’en plus des
facteurs environnementaux, des facteurs d’origine génétique jouent
également un rôle dans nos capacités et notre intelligence. Surestimer
l’importance des facteurs environnementaux dans la réussite peut avoir au
moins deux conséquences négatives.
La première est qu’une trop grande croyance en la malléabilité de nos
capacités et de notre intelligence peut nous encourager à croire à des
approches inefficaces – par exemple, croire qu’il est possible de développer
son intelligence grâce à des exercices cognitifs de type brain training ou
des exercices de coordination de type brain gym, alors qu’il n’existe en fait
aucune preuve de leur efficacité 18.
La seconde conséquence négative est qu’une trop forte croyance en la
capacité d’un individu à apprendre et changer peut mener à une certaine
forme de stigmatisation de l’apprenant qui rencontre l’échec. En effet, s’il
suffit de s’entraîner pour « muscler » son cerveau et devenir plus intelligent
et d’utiliser les bonnes stratégies pour bien apprendre, comment peut-on
alors expliquer l’échec et les difficultés d’apprentissage sinon par un
manque d’effort, d’entraînement ou d’utilisation de stratégies efficaces
d’apprentissage ?
Si tout le monde était capable de tout apprendre, l’échec devrait donc
avoir un responsable. Par exemple, il pourrait être causé par le faible
encadrement parental, par l’absence de stimulation au cours de la petite
enfance, par l’utilisation de mauvaises approches pédagogiques à l’école,
par la paresse de l’élève, par le système scolaire, par l’institution
responsable de la formation des enseignants, par la société, etc. Or la réalité
est bien plus complexe.
Somme toute, il faut croire au pouvoir de la neuroplasticité et adhérer à
un état d’esprit dynamique, mais il est également primordial de reconnaître
que les causes de la réussite et de l’échec sont complexes et
multifactorielles et incluent, notamment, des facteurs sur lesquels nous
n’avons pas de contrôle.
Puisque l’apprentissage est sans aucun doute l’un des aspects les plus
importants de notre vie, qu’il conditionne en bonne partie qui nous sommes
aujourd’hui et qui nous deviendrons demain, il est dommage de constater
que peu de gens ont eu la chance, à l’école ou ailleurs, d’en savoir plus sur
les mécanismes d’apprentissage de leur cerveau, ainsi que les principes et
stratégies, appuyés par la science, pour aider à apprendre et permettre à
chacun de développer tout son potentiel.
L’objectif premier de ce livre était de combler ce vide en donnant accès
de façon rigoureuse et compréhensible aux dernières avancées des
recherches sur le cerveau et l’apprentissage, et de les expliquer de manière à
permettre à tous de mieux apprendre. La figure 73 propose une synthèse des
différentes notions abordées dans cet ouvrage et de leurs interrelations. Au
centre de cette figure se trouvent les notions d’activation et de connexions
neuronales et, tout autour, les autres notions vues dans les différents
chapitres : l’activation neuronale répétée, la récupération en mémoire,
l’élaboration d’explications, l’espacement, la rétroaction et l’état d’esprit.
Reprenons une dernière fois. Apprendre permet d’améliorer nos
connaissances et nos habiletés. Ces dernières dépendent notamment de la
façon dont les neurones s’activent. Or, puisque l’activation des neurones est
influencée par les connexions neuronales présentes dans notre cerveau, il
faut donc, pour apprendre, changer nos connexions neuronales grâce à la
neuroplasticité. Pour y arriver, il faut activer les neurones liés à
l’apprentissage visé. Sans aucun doute, il s’agit là de l’idée centrale de ce
livre. Comme les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble,
le fait d’activer certains neurones renforce leurs interconnexions. À
l’opposé, les neurones qui ne s’activent pas ensemble diminuent quant à
eux la force de leurs connexions.
Pour apprendre, il faut donc activer des neurones qui pourront créer des
réseaux de neurones permettant d’emmagasiner de nouvelles connaissances
et de développer de nouvelles habiletés. Alors que l’activation neuronale
unique modifie peu les connexions neuronales, l’activation répétée mène à
une modification plus significative de celles-ci. Il faut donc privilégier ce
dernier type d’activation.
Parmi les éléments les plus susceptibles de permettre l’activation
efficace des neurones liés à l’apprentissage visé, l’entraînement à la
récupération en mémoire, qui consiste à faire l’effort de se souvenir des
éléments appris à plusieurs reprises, est sans doute le plus important, suivi
de près par l’élaboration d’explications qui obligent non seulement à
récupérer en mémoire, mais aussi à établir des liens entre les notions
apprises et entre les connaissances antérieures et les connaissances
nouvelles. Qu’elles découlent de la récupération en mémoire, de
l’élaboration d’explications ou d’un autre type d’exercice, l’activation
répétée des neurones peut être sans espacement ou avec espacement.
Lorsqu’elles sont espacées dans le temps, les activations contribuent de
façon plus importante à la modification des connexions neuronales et,
conséquemment, à l’apprentissage.
Au centre de la figure 73, on remarque un cycle allant de l’activation
des neurones vers les connexions neuronales et, aussi, des connexions
neuronales vers l’activation des neurones. Ce cycle met ainsi en évidence la
relation bidirectionnelle entre ces deux éléments : d’un côté, les connexions
neuronales influencent la façon dont les neurones s’activent ; de l’autre,
l’activation des neurones modifie les connexions neuronales. Si l’activation
des neurones n’était influencée que par les connexions neuronales, ce cycle
serait alors fermé et les possibilités d’apprentissage seraient limitées, voire
inexistantes. Pour éviter cette situation, il faut qu’un élément externe puisse
influencer ce cycle.
Figure 73. Comprendre le cerveau peut aider à mieux apprendre et enseigner. Cette carte
conceptuelle montre les relations entre le cerveau et les notions vues dans chacun des
chapitres de ce livre, ainsi que le rôle central de l’activation des neurones dans
l’apprentissage et la neuroplasticité.
Cet élément externe est la rétroaction. En effet, le retour d’information
sur nos prédictions et sur les actions qui en découlent, qu’il provienne de
l’environnement ou d’une autre personne, joue un rôle crucial dans
l’apprentissage. Il permet d’évaluer la valeur des prédictions produites par
nos connexions neuronales et, conséquemment, d’évaluer la valeur des
connexions neuronales elles-mêmes. Lorsque la prédiction est correcte, le
cerveau reçoit alors une rétroaction positive qui déclenche un relâchement
de dopamine dans le striatum et contribue au renforcement des connexions
neuronales efficaces. À l’opposé, si le retour d’information contredit la
prédiction, il agit alors comme une rétroaction négative qui peut enclencher
un processus d’analyse et de correction d’erreur. Les rétroactions positives
et négatives constituent donc un élément crucial de la plasticité du cerveau
et, plus spécifiquement, de la modification et du renforcement des
connexions neuronales.
Enfin, l’état d’esprit d’un individu, c’est-à-dire sa croyance concernant
le caractère fixe ou évolutif de ses capacités, peut influencer l’efficacité de
la rétroaction. En effet, plus une personne possède un état d’esprit
dynamique, plus l’effet de la rétroaction sur l’activité cérébrale sera grand,
en particulier à la suite d’une rétroaction négative.
De ces notions discutées tout au long de l’ouvrage découlent les sept
principes neuroéducatifs que nous avons exposés (voir figure 74). Issus des
recherches sur le cerveau et l’apprentissage, ils ouvrent la voie à des mises
en application concrètes pour mieux apprendre et enseigner.
Le premier principe est le plus central : pour apprendre, il faut activer
les neurones liés à l’apprentissage visé. Cette activation déclenche un
ensemble de mécanismes biochimiques menant à la création et au
renforcement des connexions neuronales. Cependant, pour créer des
connexions pertinentes à l’apprentissage visé, il ne faut pas seulement
activer son cerveau : il faut également l’activer correctement en évitant non
seulement l’activation et le renforcement d’idées ou de stratégies
inappropriées, mais aussi les sources de distraction pouvant mener à
l’activation de neurones qui n’ont rien à voir avec l’apprentissage visé.
Le deuxième principe est une extension du premier : pour apprendre, il
faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé à plusieurs reprises. Une
seule activation contribue peu à la consolidation des réseaux de neurones
nécessaires à la réussite d’un apprentissage, mais l’activation neuronale
répétée des mêmes groupes de neurones permet de renforcer
progressivement les connexions neuronales. Ce renforcement est important,
car il permet d’accomplir de plus en plus facilement et efficacement les
tâches apprises. Pour aider à apprendre, il faut donc planifier plusieurs
moments d’activation pour renforcer les connexions et réduire les chances
d’oubli.
Figure 74. Pour aider à apprendre et faciliter la neuroplasticité, il faut activer les neurones à
plusieurs reprises de façon espacée, notamment en s’entraînant à récupérer l’information
en mémoire et en élaborant des explications. Lors des activations neuronales, il faut
également s’assurer de maximiser la rétroaction et de cultiver un état d’esprit dynamique.
Pour activer efficacement son cerveau, il faut généralement privilégier
les activités d’apprentissage lors desquelles l’apprenant doit être actif et
produire une réponse. Le troisième principe porte donc sur un type
d’activité parmi les plus efficaces pour activer son cerveau et consolider les
réseaux de neurones liés à un apprentissage : s’entraîner à récupérer en
mémoire. Dans ce type d’activité, il faut faire l’effort de se souvenir de
l’information apprise à plusieurs reprises. Cette récupération de
l’information permet la réactivation des neurones liés à l’apprentissage visé
et, donc, la consolidation des connexions neuronales. Cet entraînement à la
récupération en mémoire peut être accompli de différentes façons : en
faisant fréquemment des tests, en répondant à des questions, etc.
Le quatrième principe propose un deuxième type d’activité pour activer
les neurones de son cerveau : élaborer des explications. Ce type d’activité
est intéressant, car il mène non seulement à récupérer en mémoire
l’information apprise, mais aussi à établir des liens avec d’autres
connaissances. Il ne faut cependant pas croire que l’élaboration
d’explications est supérieure à l’entraînement à la récupération en mémoire,
puisque certaines des études discutées dans ce livre montrent que le
principe d’élaboration est surtout efficace lorsque les connaissances
antérieures sont bien développées. Par conséquent, il est sans doute
préférable de consolider d’abord ses connaissances en s’entraînant à
récupérer en mémoire et, ensuite, chercher à élaborer des explications.
Le cinquième principe porte sur la planification des activations. Pour
aider à apprendre et optimiser au maximum l’efficacité des périodes
d’apprentissage, il faut non seulement planifier plusieurs activations
neuronales, mais aussi espacer l’activation des neurones. Cet espacement
permet d’optimiser l’impact de chaque activation sur l’apprentissage et la
consolidation des réseaux de neurones. Pour mieux apprendre, il faut donc
distribuer dans le temps les périodes d’apprentissage et entrelacer les
différents apprentissages. Pour rendre l’espacement encore plus efficace,
l’intervalle entre les activations liées à un apprentissage peut être
progressivement augmenté.
Alors que les cinq premiers principes gravitent autour de l’importance
d’activer les neurones pour apprendre et des façons de rendre les activations
plus efficaces, le sixième principe est différent, car il vise à réguler les
connexions neuronales qui doivent être renforcées et celles qui doivent être
affaiblies. Pour aider à créer des connexions neuronales pertinentes, c’est-à-
dire qui permettent de faire de meilleures prédictions et d’agir de façon plus
efficace, il faut donc maximiser la rétroaction. C’est grâce à elle que le
cerveau reçoit un signal lui indiquant de modifier ou de renforcer ses
connexions neuronales existantes. Il est donc important de rechercher un
maximum de rétroaction immédiate et élaborée, tant positive que négative.
Le septième et dernier principe pour aider à apprendre est de cultiver un
état d’esprit dynamique. Si l’on croit qu’il est possible de développer ses
capacités et d’apprendre, le cerveau a alors tendance à s’activer davantage,
en particulier en présence de rétroaction négative. Cultiver un état d’esprit
dynamique permet donc, notamment, d’optimiser les effets positifs de la
rétroaction sur le cerveau et l’apprentissage. Pour développer un état
d’esprit dynamique, il faut connaître la notion de neuroplasticité qui
explique pourquoi il est possible d’apprendre et d’évoluer, en plus de
connaître ce qui l’influence et de prendre soin d’avoir des rétroactions et
des encouragements attribuant la réussite à un processus nécessitant des
efforts et l’utilisation de stratégies adéquates.
Puisque les sept principes neuroéducatifs discutés dans ce livre sont
généraux, c’est-à-dire qu’ils s’appliquent à tous les apprentissages et à tous
les apprenants, il faudrait essayer de toujours les mettre tous en application.
La figure 75 présente les stratégies discutées dans ce livre pour mettre en
application chacun des principes.
Pour maximiser l’apprentissage, il faut idéalement recourir au plus
grand nombre de stratégies possibles. Comme il est probable que vous
utilisiez déjà certaines de ces stratégies, pour optimiser davantage
l’apprentissage, vous devriez faire des efforts pour mettre également en
application les stratégies que vous utilisez plus rarement. Pour éviter
d’utiliser seulement les stratégies qui vous sont peut-être plus naturelles,
une bonne idée serait de faire une copie de la figure 75 et de cocher toutes
les stratégies utilisées lors de la planification d’un apprentissage. De cette
façon, vous vous assurez de prendre en compte toutes les stratégies, y
compris celles que vous avez peut-être tendance, sans vous en rendre
compte, à négliger ou à oublier.
Tout au long de cet ouvrage, nous avons cherché à mieux comprendre le
cerveau et les mécanismes qui régissent sa plasticité. Cette compréhension
est importante, puisqu’elle procure non seulement un certain degré de
certitude quant à l’efficacité de chaque principe, mais aussi un cadre de
référence pour faciliter leur mise en application de manière intelligente dans
différents contextes. En effet, même si les principes et les stratégies
proposés dans ce livre se veulent les plus utiles et concrets possible, un
travail de transposition et d’adaptation est toujours nécessaire pour prendre
en compte le contexte et les contraintes avec lesquelles il faut composer. En
comprenant mieux les raisons qui justifient les principes et les stratégies
proposées, il y a fort à parier que votre mise en application sera plus
raisonnée et plus efficace.
Figure 75. Pour aider à apprendre, il faut essayer de mettre en application les sept
principes présentés dans ce livre. Pour y arriver, plusieurs stratégies peuvent être utilisées
comme le montre cette figure. Chaque fois que vous planifiez un apprentissage, vous
devriez tenter de mettre en application le plus grand nombre de ces principes et stratégies.
Tout ce livre appuie l’idée selon laquelle il est possible d’avoir une
influence significative sur les apprentissages de nos élèves, de nos enfants
et de nos collègues, ainsi que sur nos propres apprentissages. Pour mieux
apprendre, il faut connaître les règles du jeu imposées par le
fonctionnement de notre cerveau et identifier les principes et stratégies
compatibles avec ses mécanismes de plasticité. C’était l’objectif premier de
ce livre : mieux comprendre le cerveau pour mieux apprendre et enseigner.
Espérons que les sept principes neuroéducatifs proposés dans ce livre
permettront à chacun de développer tout son potentiel.
Notes
Introduction
1. Découverte du neurone : Purkinje (1837).
2. Découverte de l’axone : Debanne et al. (2011).
3. Découverte des dendrites : Tubbs et al. (2009).
4. Découverte de la synapse : Berlucchi et Buchtel (2009).
5. Découverte des neurotransmetteurs : Valenstein (2002).
6. Découverte du potentiel d’action ou influx nerveux : Hodgins et Huxley (1952).
7. Traitement hiérarchique de l’information : Taylor et al. (2015).
8. Cerveau de conducteurs de taxi londoniens : Maguire et al. (2000).
9. Effets de l’apprentissage de la jonglerie : Draganski et al. (2004).
10. Effets de l’apprentissage de noms de couleurs : Kwok et al. (2011).
11. Observation de connexions neuronales : Munz et al. (2014).
12. Transport de protéines pour le prolongement des neurones : Al-Bassam et al. (2012).
13. Rôle des astrocytes dans la neuroplasticité : Bernardinelli et al. (2014).
14. Modification de l’expression de certains gènes : Wang et al. (2009).
CHAPITRE 1
Activez les neurones liés à l’apprentissage visé
1. Modèle de Hebb : Hebb (1949).
2. Méta-analyse sur les approches actives : Freeman et al. (2014).
3. Interprétation de l’ampleur de l’effet en éducation : Hattie (2009).
4. Efficacité des devoirs : ibid.
5. Neurones miroirs : Monfardini et al. (2009); Mukamel et al. (2010).
6. Effets négatifs de l’utilisation des ordinateurs en classe : Sana, Weston et Cepeda
(2013).
7. Traitement non parallèle lors du multitâche : Marti, King et Dehaene (2015).
8. Effet d’une classe trop décorée : Fisher, Godwin et Seltman (2014).
9. Cortex occipito-temporal gauche lié à la lecture : Puce et al. (1996); Dehaene et al.
(2002); Tarkiainen, Cornelissen et Salmelin (2002).
10. Évolution de l’activité du cortex occipito-temporal gauche lors de l’acquisition de la
lecture : Shaywitz et al. (2007); Brem et al. (2010).
11. Lien entre compétence en lecture et le cortex occipito-temporal gauche : Shaywitz et
al. (2002).
12. Influence de la stratégie employée sur les mécanismes cérébraux de la lecture :
Yoncheva et al. (2010); Yoncheva, Wise et McCandliss (2015).
13. Efficacité de l’approche graphophonétique d’apprentissage de la lecture : Rayner et al.
(2001).
14. Mémorisation sous l’eau : Godden et Baddeley (1975).
15. Contextualisation, transfert et consolidation de la mémoire : Squire (1992).
16. Inefficacité de la relecture : Dunlosky et al. (2013).
17. Impact de la présence d’un téléphone intelligent : Ward et al. (2017).
18. Impact de la musique et du bruit sur l’apprentissage : Vasilev, Kirkby et Angele (2018).
CHAPITRE 2
Activez les neurones à plusieurs reprises
1. Traduction libre de Hebb (1949), p. 62.
2. Preuve expérimentale du modèle de Hebb : Bliss et Lomo (1973).
3. Analogie entre le cerveau et une forêt : Potvin (2011).
4. Effets de l’apprentissage de l’arithmétique : Rivera et al. (2005).
5. Effets de l’apprentissage de la lecture : Shaywitz et al. (2007).
6. Effets de l’entraînement : Chein et Schneider (2005).
7. Loi de l’exercice : Thorndike (1911, p. 244).
8. Étude utilisant la suppression par la répétition : Piazza et al. (2004).
9. Loi de l’oubli : Jost (1897).
10. Synthèse sur la loi de l’oubli : Wixted (2004).
11. Effet de l’entraînement : Macnamara, Hambrick et Oswald (2014).
12. Efficacité de l’enseignement direct : Stockard et al. (2018).
13. Durée de l’attention : Bradbury (2016).
14. Effet du surapprentissage sur la rétention : Driskell, Willis et Cooper (1992).
15. Effet du surapprentissage sur le cerveau : Shibata et al. (2017).
CHAPITRE 3
Entraînez la récupération en mémoire
1. Effet de la récupération en mémoire sur le cerveau : Vestergren et Nyberg (2014).
2. Régions cérébrales liées à une meilleure rétention : Wagner et al. (1998).
3. Recension des écrits scientifiques sur l’entraînement à la récupération : Roediger et Pyc
(2012).
4. Effet de l’entraînement à la récupération en mémoire sur l’apprentissage : Eriksson,
Kalpouzos et Nyberg (2011).
5. Efficacité des tests par rapport à l’étude : Zaromb et Roediger (2010).
6. Efficacité de l’entraînement à la récupération en mémoire vs l’élaboration de cartes
conceptuelles : Karpicke et Blunt (2011).
7. Perception négative associée aux tests : Buck et al. (2010).
8. Réduction de l’anxiété par l’utilisation de tests : Agarwal et al. (2014).
9. Perception positive des étudiants sur les tests fréquents : Leeming (2002).
10. Tests pour favoriser le transfert : Butler (2010) ; Pan et Rickard (2018) ; Thomas et al.
(2018).
11. Faible croyance en l’efficacité de tests chez les enseignants : Blanchette Sarrasin,
Riopel et Masson (2019).
12. Effet d’oubli causé par la récupération en mémoire : Roediger, Putnam et Smith
(2011), p. 30.
13. Popularité de la relecture comme stratégie d’étude : Karpicke, Butler et Roediger
(2009).
14. Inefficacité de la relecture comme stratégie d’étude : Dunlosky et al. (2013).
15. Bénéfices d’attendre après avoir posé une question : Tobin (1987).
CHAPITRE 4
Élaborez des explications
1. Effet du traitement en profondeur sur le cerveau : Kapur et al. (1994).
2. Effet de l’autoexplication sur le cerveau : Moss et al. (2011).
3. Efficacité du questionnement visant l’élaboration d’explication : Pressley et al. (1987).
4. Efficacité de l’autoexplication : Aleven et Koedinger (2002).
5. Généralisation de l’effet de l’élaboration d’explications : Dunlosky et al. (2013).
6. Facilitation du transfert causée par l’élaboration d’explications : Rittle-Johnson (2006).
7. Effet des connaissances antérieures sur les bénéfices de l’élaboration d’explications :
Woloshyn, Pressley et Schneider (1992).
8. Efficacité des cartes conceptuelles : Schroeder et al. (2018).
9. Supériorité de la récupération en mémoire vs cartes conceptuelles : Karpicke et Blunt
(2011).
10. Étude sur les conceptions non scientifiques fréquentes : Masson et al. (2014).
CHAPITRE 5
Espacez l’activation des neurones
1. Maintien de l’activité cérébrale grâce à l’espacement : Callan et Schweighofer (2010).
2. Diminution de l’activité causée par le regroupement : Bradley et al. (2015) ; Xue et al.
(2011) ; Zhao et al. (2015).
3. Activation plus grande du cortex ventro-latéral lors de l’espacement : Callan et
Schweighofer (2010) ; Zhao et al. (2015).
4. Bienfaits du sommeil sur la mémoire : Rasch et Born (2013).
5. Réactivation des neurones durant le sommeil : Antony et al. (2012) ; Ngo et al. (2013) ;
Rudoy et al. (2009).
6. Effet du sommeil sur l’apprentissage d’une mélodie au piano : Antony et al. (2012).
7. Nouveaux apprentissages durant le sommeil : Zust et al. (2019).
8. Synthèse des mécanismes liés à l’effet d’espacement : Smolen, Zhang et Byrne (2016).
9. Découverte de l’espacement datant de 1885 : Roediger et Pyc (2012) ; Ebbinghaus
(1913).
10. L’effet d’espacement considéré comme l’une des grandes contributions de la
psychologie cognitive à l’éducation : Weinstein, Madan et Sumeracki (2018).
11. L’effet d’espacement présent dans une variété de contextes : Gerbier et Toppino
(2015).
12. Étude sur l’espacement de fiches d’étude : Kornell (2009).
13. Méta-analyse sur l’effet d’espacement : Cepeda et al. (2006).
14. Espacement optimal en fonction de la durée de rétention : Cepeda et al. (2008).
15. Avantage de l’augmentation progressive de l’espacement : Kang et al. (2014).
16. Effet de l’entrelacement pendant et après les exercices : Rohrer et Taylor (2007).
CHAPITRE 6
Maximisez la rétroaction
CHAPITRE 7
Cultivez un état d’esprit dynamique
Avant-propos
Introduction
Conclusion
Notes
Bibliographie
Remerciements
Présentation de l’auteur
www.odilejacob.fr