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© ODILE JACOB, MARS 2020

15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS

www.odilejacob.fr

ISBN : 978-2-7381-5151-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-


5 et 3 a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à
l’usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part,
que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration,
« toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art.
L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


Avant-propos

Dès la naissance, et tout au long de la vie, nous apprenons sans cesse.


Nous apprenons d’abord à nous déplacer et à parler. Puis, à l’école, nous
apprenons à lire, à écrire, à compter et à développer de multiples autres
compétences. Même à l’âge adulte, nous continuons constamment à
apprendre pour nous adapter et nous développer tant dans notre vie
personnelle que professionnelle.
L’apprentissage est non seulement omniprésent à toutes les étapes de la
vie, il est aussi la cause de ce qui rend chacun unique. Nous sommes qui
nous sommes grâce à ce que nous avons appris. Nos souvenirs, nos
connaissances, nos habiletés et même notre personnalité dépendent, en
partie, de ce que nous avons appris et de la trace que ces apprentissages ont
laissée dans notre cerveau.
Même si l’apprentissage constitue l’une des facettes les plus
importantes de notre existence, il est étonnant de constater que nous parlons
généralement assez peu de la façon dont nous apprenons, que ce soit à la
maison, au travail ou même à l’école. Nous savons tous qu’apprendre se
déroule dans le cerveau, mais nous ne connaissons pas exactement les effets
de l’apprentissage sur celui-ci et encore moins les mécanismes qui régissent
les changements cérébraux nécessaires à l’apprentissage.
Pourtant, comprendre le cerveau et ses mécanismes d’apprentissage
peut donner des pistes pour aider à apprendre. Ces pistes peuvent être utiles
pour mieux éduquer les enfants à la maison, pour mieux apprendre et
enseigner à l’école, de même que pour mieux former et développer son
potentiel au travail. Nous devrions tous connaître un peu mieux le
fonctionnement de notre cerveau pour mieux nous comprendre, mais aussi
pour faciliter et améliorer nos propres apprentissages, ainsi que ceux de nos
enfants, de nos élèves ou de nos collègues de travail.

*
Depuis une trentaine d’années, les connaissances sur le cerveau ont
beaucoup progressé. Grâce aux avancées de l’imagerie cérébrale et des
recherches en neurosciences, nous connaissons de mieux en mieux
comment le cerveau fonctionne et rend possible l’apprentissage. Plus
intéressant encore, nous connaissons maintenant plusieurs facteurs qui
facilitent, ou compliquent, l’apprentissage et les modifications cérébrales
qui en découlent.
L’objectif de ce livre est de donner accès de façon rigoureuse et
documentée à ces connaissances sur le cerveau et l’apprentissage, et surtout
de les rendre utiles aux lecteurs pour qu’elles les aident à apprendre. Ce
double objectif constitue un défi considérable, d’une part parce que les
connaissances sur le cerveau peuvent être particulièrement complexes et,
d’autre part, parce que établir des liens entre la recherche et la pratique
n’est pas toujours simple. Il constitue également un élément distinctif de cet
ouvrage, puisque, contrairement à d’autres, ce livre ne porte pas
spécifiquement sur les mécanismes fondamentaux de l’apprentissage, mais
plutôt sur l’articulation entre ces mécanismes et des stratégies concrètes
pour mieux apprendre non seulement à l’école, mais aussi à la maison et au
travail.
Pour atteindre cet objectif, ce livre est structuré autour de sept principes
neuroéducatifs qui, comme le montre la figure ci-après, établissent des
ponts entre les neurosciences (qui permettent de comprendre le cerveau) et
des stratégies concrètes (qui permettent d’aider à apprendre).

Figure 1. L’objectif de ce livre est de proposer des principes fondés sur les sciences du
cerveau et de l’apprentissage qui permettent de faire le pont entre le fonctionnement du
cerveau et des stratégies concrètes pouvant aider à apprendre.

Ces principes, à l’intersection entre la recherche et la pratique, ont été


sélectionnés à partir de trois critères :
1. Ils s’appuient sur des données cérébrales publiées dans des revues
scientifiques. Ce type de revues utilise un système d’évaluation par les
pairs, c’est-à-dire un système où chaque article est évalué avant sa
publication par des chercheurs-experts indépendants. Ce critère permet de
s’assurer de la qualité des données sur lesquelles reposent les principes
proposés. Dans cet ouvrage, des données de recherche seront souvent
présentées afin d’aider à mieux comprendre comment fonctionnent le
cerveau et l’apprentissage, mais aussi pour aider le lecteur à évaluer le
degré d’efficacité et de certitude des principes proposés ainsi que leurs
limites.
2. Ils sont généraux au sens où ils s’appliquent à tous les contenus
d’apprentissage pour tous les types d’apprenants. Ces principes s’appliquent
donc autant aux étudiants qui apprennent les mathématiques, les langues ou
les sciences à l’école, qu’aux jeunes enfants qui apprennent à parler et
socialiser à la maison et aux adultes qui doivent apprendre à utiliser un
nouveau logiciel ou une nouvelle procédure au travail. Les principes
proposés sont donc pertinents pour les étudiants, les parents, les
enseignants, les formateurs – en fait, pour toute personne qui souhaite
apprendre à apprendre.
3. Ils sont compatibles avec les données publiées dans des revues
scientifiques de différents domaines de recherche, notamment ceux de
l’éducation et de la psychologie, en plus de celui des neurosciences. Ce
critère permet donc d’augmenter le niveau de certitude. En effet, lorsqu’un
principe est compatible avec des données issues de différents courants de
recherche, de différents niveaux d’analyse et de différentes approches
méthodologiques – qui possèdent tous leurs forces et leurs limites –, le
degré de certitude de ce principe augmente. Pour cette raison, dans cet
ouvrage, des données issues non seulement des recherches en
neurosciences, mais aussi notamment des domaines de l’éducation et de la
psychologie seront souvent présentées pour corroborer et compléter les
explications et les mises en application.
Figure 2. Ce livre comporte sept chapitres, chacun portant sur un principe permettant de
faciliter la neuroplasticité et d’aider à apprendre. Dans chaque chapitre, les raisons justifiant
le principe et les stratégies pour le mettre en application sont présentées.

Cet ouvrage comporte, au total, sept chapitres, chacun portant sur un


principe permettant d’aider à apprendre (voir figure 2). Ces chapitres
possèdent tous la même structure : d’abord, expliquer les raisons pour
lesquelles il est important de mettre en application le principe en question ;
proposer ensuite des stratégies concrètes pour y parvenir. L’idée au centre
de ce livre est celle de neuroplasticité. En effet, pour apprendre, il faut
changer son cerveau et, plus spécifiquement, il faut changer ses connexions
neuronales. Ces modifications sont possibles grâce à cette capacité qu’a le
cerveau humain de modifier ses connexions neuronales par l’apprentissage
et que l’on nomme neuroplasticité. Tous les principes présentés dans
ce livre ont, en ce sens, pour objectif de faciliter les modifications
neuronales essentielles à l’apprentissage.
Introduction

Notre cerveau présente la remarquable capacité de pouvoir modifier ses


connexions neuronales. Pour mieux comprendre cette neuroplasticité,
fondamentale dans tout apprentissage, nous allons voir comment les
neurones s’activent, pourquoi il faut modifier leurs connexions pour
apprendre, mais aussi quelles sont les preuves scientifiques que les
connexions peuvent se modifier et que notre cerveau est capable de
plasticité.

Comment s’activent les neurones ?


Le cerveau est d’une très grande complexité. Il est constitué de
différents types de cellules, dont les neurones 1. Comme le montre la
figure 3, chaque neurone est constitué d’un axone 2 et de dendrites 3. Dans le
cerveau humain, il y a environ 85 milliards de neurones interconnectés les
uns aux autres. Les dendrites correspondent à la matière grise du cerveau et
l’axone, à la matière blanche.
En général, il existe un petit espace à l’endroit où l’axone d’un neurone
se connecte à la dendrite d’un autre neurone. Cet espace se nomme la
synapse 4. Pour communiquer, c’est-à-dire pour transmettre un signal
électrique, un neurone libère, au bout de son axone, des molécules
nommées neurotransmetteurs 5. Ces neurotransmetteurs flottent alors dans la
synapse et se collent à la surface de la dendrite du neurone voisin. Les
neurotransmetteurs peuvent être excitateurs ou inhibiteurs.
Figure 3. Un neurone est constitué de dendrites (qui captent les signaux provenant de
neurones environnants) et d’un axone (qui transmet le signal aux autres neurones). La
transmission d’un influx nerveux jusqu’au bout de l’axone provoque le relâchement de
neurotransmetteurs dans la synapse qui, une fois captés par le neurone voisin, influence
l’activation de ce dernier. Les dendrites correspondent à la matière grise du cerveau et
l’axone, à la matière blanche.
Lorsqu’ils se fixent au bout de la dendrite d’un neurone, les
neurotransmetteurs excitateurs provoquent la création d’un courant positif
qui circule dans la dendrite pour atteindre le début de l’axone. Les
neurotransmetteurs inhibiteurs provoquent plutôt un courant négatif
annulant les effets des neurotransmetteurs excitateurs. Pour s’activer, c’est-
à-dire pour émettre un influx nerveux dans son axone, le neurone doit avoir
un bilan net de courants positifs et négatifs suffisamment positif. Autrement
dit, si la somme des courants est assez importante et dépasse un certain
seuil, un potentiel d’action aussi appelé influx nerveux 6 est créé dans
l’axone. À ce moment, le neurone s’active et un courant se propage du
début jusqu’au bout de l’axone, qui peut alors relâcher des
neurotransmetteurs qui viendront exciter ou inhiber l’activation d’un autre
neurone (voir figure 3).
Il faut insister sur le fait qu’au niveau cellulaire un neurone est
généralement connecté à environ 10 000 autres neurones. Ainsi, l’activation
d’un neurone ne dépend généralement pas de l’action d’un seul neurone,
mais bien de l’action concertée de nombreux neurones. De plus, il faut
savoir qu’un neurone est souvent excité en même temps qu’il est inhibé et
que ce n’est que lorsque l’excitation est suffisamment plus importante que
l’inhibition qu’un neurone s’active.
Une analogie peut aider à comprendre ce mécanisme d’activation des
neurones. Le cerveau se comporte un peu comme un conducteur automobile
qui aurait constamment un pied sur le frein (inhibition) et l’autre sur
l’accélérateur (excitation). S’il appuie fort sur le frein – autrement dit, s’il y
a un important courant négatif dans les dendrites causé par l’effet de
neurotransmetteurs inhibiteurs –, il sera très difficile de faire avancer la
voiture, c’est-à-dire d’activer le neurone, même en appuyant fortement sur
la pédale d’accélération. Au contraire, si la pression exercée sur la pédale
de frein est faible – s’il y a peu de neurotransmetteurs inhibiteurs et donc
peu de courant négatif –, une faible pression sur l’accélérateur peut s’avérer
suffisante pour faire avancer la voiture. Au niveau neuronal, le même
phénomène se produit. L’activation, ou non, d’un neurone dépend
conséquemment d’une compétition constante entre l’excitation et
l’inhibition.

Pourquoi faut-il modifier les connexions


cérébrales pour apprendre ?
La façon dont les neurones sont interconnectés joue un rôle déterminant
dans le traitement et l’encodage de l’information. La figure 4 donne un
aperçu de la façon dont les connexions neuronales permettent de traiter et
d’encoder l’information. La partie A de la figure décrit un exemple
hypothétique de processus permettant d’identifier la syllabe FA et la
partie B, celui pour décoder le mot FACILE.
Figure 4. Le traitement et l’encodage d’information dans le cerveau dépendent notamment
de l’activation et des interconnexions des neurones. La partie A présente les activations (en
gris) et les connexions nécessaires (représentées par les flèches) à l’activation des
neurones associés à la syllabe FA et la partie B présente celles nécessaires à l’activation
des neurones associés au mot FACILE.

Dans la partie A de la figure, des neurones sont interconnectés les uns


aux autres dans une représentation extrêmement simplifiée, puisque, dans
les faits, chaque neurone est connecté en moyenne à 10 000 autres neurones
et que l’identification des mots passe généralement par un processus de
conversion des lettres en sons du langage. Dans ce réseau de neurones
simplifié, certains neurones, situés à l’arrière de notre cerveau dans le
cortex occipital, s’activent lorsque nos yeux voient différents types de
lignes (voir étape 1 de la partie A). Certains neurones s’activent donc pour
les lignes verticales et d’autres s’activent plutôt pour les lignes horizontales
ou courbes. Parmi les neurones réagissant aux lignes horizontales, des sous-
groupes s’activent davantage si la ligne est en haut, au milieu ou en bas.
Pour identifier la syllabe FA, il faut que certains neurones s’activent
spécifiquement pour cette syllabe et pas pour d’autres. Des études 7
montrent que le cerveau traite l’information de façon hiérarchique : pour
identifier la syllabe FA, le cerveau doit d’abord identifier les lettres F et A
et, pour identifier ces lettres, il doit préalablement identifier les types de
lignes permettant de former ces lettres. La lettre F est constituée d’une ligne
verticale à gauche et de deux lignes horizontales, l’une en haut et l’autre au
milieu. En conséquence, les neurones liés à ce type de lignes s’activent à
l’étape 1 à gauche dans la figure 4. Cette activation engendre ensuite une
activation des neurones encodant la lettre F à l’étape 2. Le mécanisme pour
la lettre A est le même. Finalement, l’activation des neurones du F et du A
provoque, à l’étape 3, l’activation des neurones de la syllabe FA.
Pour identifier le mot FACILE, le mécanisme est le même, mais
comporte une étape supplémentaire (étape 4 de la partie B de la figure 4).
En effet, pour que certains neurones s’activent spécifiquement pour le mot
FACILE, il faut que les neurones associés aux syllabes FA, CI et LE
s’activent simultanément pour exciter suffisamment les neurones associés
au mot FACILE. Ces derniers ne sont pas fondamentalement différents des
neurones qui encodent les mots AGILE ou BANANE, mais ils s’activent de
façon différente à cause de leurs connexions particulières aux autres
neurones. Les connexions neuronales sont donc essentielles dans notre
capacité à traiter l’information. Pour apprendre à décoder le mot FACILE, il
faut développer des connexions neuronales faisant en sorte que le cerveau
s’activera de façon unique pour ce mot.
Il faut insister sur le fait que ce mécanisme de traitement de
l’information est présenté ici de façon très simplifiée, car il n’y a pas juste
la présence ou l’absence de connexions neuronales qui joue un rôle dans
l’activation ou non d’un neurone ou d’un groupe de neurones. La force de
connexions entre les neurones a également un impact. Plus une connexion
est forte, plus un neurone peut contribuer à l’activation d’un autre neurone –
en améliorant le relâchement et la captation de neurotransmetteurs, par
exemple. D’ailleurs, lorsque nous apprenons, les connexions peuvent
changer, mais le plus souvent, en particulier après l’enfance, c’est surtout la
force des connexions qui est modulée à la hausse ou à la baisse.

Peut-on vraiment modifier les connexions


neuronales ?
Les connexions cérébrales jouent un rôle déterminant dans nos
connaissances et nos habiletés. Apprendre, c’est changer la façon dont les
neurones sont connectés les uns aux autres. Quelles preuves avons-nous que
les connexions cérébrales peuvent changer ?
Puisqu’elles se déroulent à l’échelle cellulaire et moléculaire, les
modifications de connexions neuronales sont difficiles à observer
directement de façon non invasive. Pour cette raison, les chercheurs
intéressés par la neuroplasticité chez l’humain ont souvent recours à
l’imagerie par résonance magnétique qui permet, notamment, d’obtenir des
images de la structure du cerveau. Ces images permettent, entre autres, de
déterminer la quantité de matière grise dans chacune des régions du
cerveau. Rappelons que la matière grise correspond aux dendrites des
neurones (voir figure 3). Généralement, plus une région possède de
connexions neuronales, plus les dendrites sont nombreuses et longues, et
plus la matière grise est élevée. L’augmentation de matière grise peut donc
être un indice d’une augmentation de connexions dans une région du
cerveau.
L’une des premières études 8 ayant utilisé cet indice porte sur le cerveau
de conducteurs de taxi londoniens qui, pour se déplacer, doivent développer
une carte mentale particulièrement détaillée des rues de la ville. L’étude
montre que ceux-ci ont davantage de matière grise dans une partie de leur
cerveau nommée hippocampe postérieur, une région connue pour son rôle
dans l’élaboration de cartes spatiales et la navigation. Plus intéressant
encore, les résultats établissent que plus les conducteurs de taxi possèdent
d’années d’expérience, plus la matière grise est élevée dans leur
hippocampe postérieur. Ce qui suggère que les conducteurs de taxi
possèdent plus de matière grise dans l’hippocampe, parce qu’ils ont appris
de façon détaillée les noms des rues, leur position les unes par rapport aux
autres, les sens uniques, etc.
Alors que l’étude précédente comparait la quantité de matière grise de
conducteurs de taxi londoniens à celle d’un groupe de référence, une autre
étude 9 a comparé plus directement la quantité de matière grise avant et
après un apprentissage. Les chercheurs ont ici demandé à des volontaires ne
sachant pas jongler d’apprendre à le faire. Des images de la structure du
cerveau ont été obtenues avant et après l’apprentissage. Des images ont
aussi été obtenues trois mois après l’arrêt complet de l’entraînement. Les
résultats obtenus sont présentés à la figure 5.
Avant l’entraînement, les participants possèdent un certain niveau de
matière grise dans une région associée à la perception des mouvements (en
gris sur la figure 5). Après trois mois d’entraînement, les participants ayant
appris à jongler montrent une augmentation significative de la matière grise
dans cette région. L’apprentissage de la jonglerie requiert probablement une
amélioration dans l’analyse du mouvement des objets et donc un ajustement
des connexions cérébrales de la région associée à cette fonction.
Un des aspects les plus intéressants de cette étude est que les chercheurs
ont également collecté des images du cerveau trois mois après l’arrêt de
l’entraînement de la jonglerie. Ils ont observé que la quantité de matière
grise diminue à la suite de l’arrêt de l’entraînement, mais demeure plus
élevée qu’avant l’entraînement. D’ailleurs, la plupart des participants ne
maîtrisaient plus parfaitement la jonglerie trois mois après l’arrêt de leur
entraînement. Ces résultats sont compatibles avec l’idée qu’apprendre
change le cerveau et que, lorsqu’on cesse d’utiliser ce qui a été appris, le
cerveau revient progressivement à son niveau initial et on oublie. D’où
l’adage anglais bien connu : « Use it or lose it » – ce qui revient à dire que
l’on perd ce dont on ne se sert pas.

Figure 5. Après trois mois d’entraînement à la jonglerie, la quantité de matière grise


augmente significativement, en particulier dans une région du cortex liée à la perception du
mouvement. Si, ensuite, l’entraînement s’arrête durant trois mois, la quantité de matière
grise diminue, sans toutefois revenir entièrement au niveau initial. La figure présente les
changements se déroulant dans l’hémisphère gauche du cerveau, mais des changements
similaires se déroulent aussi dans l’hémisphère droit (d’après Draganski et al., 2004).
La neuroplasticité ne touche évidemment pas juste l’apprentissage de la
navigation et de la jonglerie. Une autre étude 10 met en évidence que la
quantité de matière grise augmente, notamment dans une région cérébrale
associée à l’identification de couleurs, lorsqu’on apprend des noms de
couleurs. Ce qui est particulièrement intéressant ici, c’est que les
changements significatifs dans la densité de matière grise étaient détectés
après seulement deux heures d’apprentissage. Il ne faut donc pas trois mois
pour changer les connexions de son cerveau : tout porte à croire qu’à
chaque instant, les neurones du cerveau ajustent leurs interconnexions,
rendant ainsi possible l’apprentissage.
Bien sûr, la visualisation directe des modifications neuronales découlant
de l’apprentissage peut difficilement être réalisée chez l’être humain de
façon non invasive. Pour cette raison, les chercheurs ont parfois recours à
d’autres espèces animales pour y arriver. Certains ont ainsi utilisé un type
de têtards albinos et une technique sophistiquée d’imagerie à deux photons
pour observer des changements dans les connexions neuronales 11.
La partie A de la figure 6 montre les résultats obtenus dans cette étude à
la suite de stimulations visuelles. On voit qu’après cinq jours,
l’arborescence neuronale s’est particulièrement développée. Cette
arborescence diffère en fonction du type de stimulation utilisé lors de
l’expérimentation. C’est ce prolongement des neurones, causé par de
complexes mécanismes de transport et d’utilisation des protéines 12, qui rend
possible le développement des neurones et l’établissement de nouvelles
connexions.
La partie B de la figure 6 montre une nouvelle connexion s’établissant
grâce au prolongement d’une dendrite (voir cercle gris). L’image de gauche
montre la configuration neuronale au début de la stimulation (après dix
minutes). Sur celle du milieu, après deux heures de stimulation, une
dendrite du neurone de droite s’est prolongée et se rapproche du neurone
central. Sur l’image de droite, quatre heures après le début de la stimulation,
une nouvelle connexion est établie. Ces images de la neuroplasticité en
action sont fascinantes – elles ont d’ailleurs été présentées lors d’un
reportage diffusé dans l’émission Le code Chastenay sur les ondes de Télé-
Québec.
Il faut préciser que la modification des connexions neuronales n’est pas
le seul mécanisme cérébral en jeu dans l’apprentissage. Des études
montrent en effet que les astrocytes (un type de cellule responsable
notamment de l’approvisionnement des neurones en nutriments) influencent
les connexions neuronales qui elles-mêmes influencent les astrocytes 13.
D’autres études montrent même que des changements neuronaux peuvent
influencer l’expression de certains gènes 14. Bien que tout porte à croire que
le principal mécanisme de plasticité soit la modification de connexions
neuronales, les mécanismes cérébraux d’apprentissage sont cependant
présentés ici de façon simplifiée.
Figure 6. Apprendre change le cerveau. Dans la partie A, les dendrites d’un neurone se
prolongent et de nouvelles dendrites secondaires se créent par un complexe mécanisme
biochimique impliquant le transport et l’utilisation de protéines. Dans la partie B, une
nouvelle connexion s’établit grâce au prolongement d’une dendrite. Apprendre change non
seulement la force des connexions neuronales, mais aussi parfois la taille et la forme des
neurones (d’après Munz et al., 2014).

Loin d’être un phénomène uniquement psychologique, l’apprentissage


est également un phénomène biologique. Littéralement, il y a du
mouvement dans notre cerveau : des neurones se prolongent et se
connectent les uns aux autres. Pour apprendre et aider à apprendre, il faut
donc modifier le cerveau et ses interconnexions. Dans les chapitres qui
suivent, nous allons maintenant voir quels sont les facteurs qui peuvent
influencer les modifications de connexions neuronales nécessaires à
l’apprentissage.
CHAPITRE 1

Activez les neurones liés


à l’apprentissage visé

Pour apprendre, il faut que le cerveau change et, pour changer, il doit
s’activer. C’est la règle la plus importante qui régisse la neuroplasticité et la
condition essentielle à tout apprentissage. Nous allons ici aborder l’un des
principes neuroéducatifs les plus fondamentaux et importants pour
apprendre : l’activation des neurones liés à l’apprentissage que l’on
souhaite réaliser.

Pourquoi faut-il activer les neurones liés


à l’apprentissage visé ?
Trois raisons expliquent l’importance d’activer les neurones liés à
l’apprentissage visé. Les deux premières raisons justifient pourquoi il faut
activer les neurones et la troisième raison justifie pourquoi il ne faut pas
activer n’importe quels neurones, mais spécifiquement les neurones
appropriés pour l’apprentissage visé.
Pour changer les connexions neuronales
Longtemps, on a cru que le cerveau se développait au cours du
développement fœtal et de la petite enfance et que, après, la structure et les
connexions neuronales étaient plutôt fixes. Aujourd’hui, nous savons que le
cerveau, même chez l’adulte, fait preuve de plasticité et peut changer ses
connexions neuronales pour apprendre. C’est sans doute l’une des
découvertes les plus importantes du XXe siècle. Cette grande découverte
mène à définir un but clair derrière chaque apprentissage : modifier
significativement et durablement les connexions neuronales du cerveau.
Simplement savoir que le cerveau peut et doit changer pour apprendre
peut certes enrichir notre conception de ce qu’est l’apprentissage, mais cela
ne nous indique pas comment favoriser l’apprentissage et les modifications
neuronales nécessaires à cet apprentissage. Pour y arriver, il faut aller plus
loin : il faut connaître par quels mécanismes les connexions neuronales
s’établissent et se renforcent. Autrement dit, il faut connaître les règles qui
régissent et influencent la neuroplasticité.
Donald O. Hebb est l’un des premiers chercheurs à proposer un modèle
expliquant ce qui provoque des modifications de connexions neuronales
dans le cerveau 1 (voir aussi chapitre 2). Il est aussi l’un des premiers à
soutenir que la pensée et le comportement résultent de la façon dont les
neurones sont interconnectés. Les travaux de Hebb liés aux effets de
l’apprentissage sur les connexions neuronales ont ouvert, avec d’autres, la
voie à l’étude de la neuroplasticité.
L’idée centrale dans le modèle de Hebb est que des neurones qui
s’activent ensemble se connectent ensemble (neurons that fire together wire
together). Autrement dit, si deux neurones près l’un de l’autre s’activent en
même temps, ils se connectent ensemble et renforcent leur connexion. Ce
renforcement des connexions augmente ainsi la probabilité que ces
neurones s’activent à nouveau ensemble. Un cycle de renforcement se
produit : les neurones s’activent ensemble et se connectent ensemble, ce qui
fait qu’ils s’activent davantage ensemble et qu’ils se connectent ensemble
encore davantage. L’activation des neurones est donc centrale à
l’établissement des nouvelles connexions.
On soutient souvent en éducation et ailleurs qu’il est important que
l’apprenant soit actif dans ses apprentissages. Cette affirmation est juste.
Cependant, être actif pour apprendre ne signifie pas nécessairement bouger
ou accomplir une tâche nécessitant de manipuler du matériel. Être actif pour
apprendre signifie, d’abord et avant tout, activer son cerveau. Pour
apprendre, il faut que le cerveau s’active. L’important n’est donc pas de
bouger ; l’important, c’est d’activer les neurones, car les neurones qui
s’activent ensemble se connectent ensemble.

Pour apprendre plus efficacement


Plusieurs études montrent d’ailleurs qu’un enseignement ayant recours à
des stratégies ou des activités exigeant que l’apprenant soit actif – en
demandant à l’apprenant de répondre à des questions, par exemple, ce qui
implique l’activation des neurones liés à l’apprentissage visé – est plus
efficace qu’un enseignement où l’apprenant est plus passif – où l’apprenant
ne doit qu’écouter les explications, par exemple, et où, conséquemment, la
probabilité que les neurones soient activés est moins grande.
Une synthèse 2 de plusieurs études sur le sujet a été réalisée. Dans cette
méta-analyse, les chercheurs ont analysé les résultats de 225 études ayant
comparé l’efficacité d’un enseignement magistral en sciences,
mathématiques ou ingénierie et celle d’un enseignement où les apprenants
doivent être actifs. Comme le montre la figure 7, les effets bénéfiques d’un
apprentissage actif sont clairs : on observe une diminution moyenne de
12 % du nombre d’étudiants en échec.
Figure 7. Plusieurs études ont comparé l’efficacité d’un enseignement magistral et d’un
enseignement où les apprenants doivent être actifs. En général, l’apprentissage actif est
plus efficace et mène à un moins grand taux d’échec. La partie A montre que la plupart des
études observent une diminution d’échec à la suite de l’adoption d’activités d’apprentissage
actif. La partie B présente la distribution d’étudiants en échec dans plusieurs classes de
sciences, mathématiques et ingénierie. Alors que le pourcentage moyen d’étudiants en
échec est de 34 % dans les classes ayant recours à l’enseignement magistral, il n’est que
de 22 % dans les classes où les apprentissages se font de façon plus active.
L’apprentissage actif mène donc à une diminution moyenne de 12 % du taux d’échec
(d’après Freeman et al., 2014).

Comme dans toute méta-analyse, les chercheurs ont réalisé un calcul


mathématique permettant de déterminer ce qu’on appelle l’ampleur de
l’effet (aussi appelée « taille de l’effet » ou effect size). Cette mesure est une
valeur numérique obtenue en combinant les données statistiques de
plusieurs études qui permet de savoir à quel point l’effet d’une approche par
rapport à une autre est grand. Elle permet de déterminer la tendance
générale d’un ensemble d’études. Connaître l’ampleur de l’effet est très
utile, car cela indique non seulement si une approche est efficace ou non,
mais aussi à quel point elle est efficace. En effet, dire qu’une approche
fonctionne ou ne fonctionne pas n’a pas beaucoup de sens en éducation,
puisque la plupart des approches favorisent l’apprentissage. La question
pertinente est de savoir quelles sont les approches qui aident davantage les
apprenants.
L’ampleur de l’effet calculée dans la méta-analyse sur les approches
actives est de 0,47. En langage technique, cela signifie que l’utilisation des
approches actives améliore en moyenne les résultats des étudiants de 0,47
écart-type – l’écart-type évalue à quel point les notes obtenues sont
variables d’un étudiant à l’autre. Dans cette étude, étant donné l’écart-type
de l’échantillon, l’ampleur de l’effet de 0,47 correspond à une amélioration
des notes des étudiants de 6 % – et à une diminution du taux d’échec de
12 %.
Si l’écart-type entre les notes des étudiants avait été plus grand, une
ampleur de l’effet de 0,47 aurait été associée à une augmentation des notes
plus grandes. À l’inverse, si l’écart-type des notes des étudiants avait été
plus petit – si les étudiants avaient presque tous la même note –, le gain en
pourcentage aurait été plus faible. L’ampleur de l’effet n’est donc pas une
mesure absolue, mais relative de l’efficacité d’une approche. En éducation,
il est reconnu qu’une ampleur de l’effet supérieure à 0,4 indique une
approche qui est plus efficace que la moyenne des approches 3. Le recours à
des approches actives (vs passives) produit donc une ampleur de l’effet
légèrement supérieure à la moyenne des autres approches.
Bien que la méta-analyse soit un outil extrêmement intéressant et
pertinent pour connaître l’efficacité globale d’une approche, elle comporte
aussi une importante limite. En effet, en faisant une synthèse de plusieurs
études, elle ne permet pas de comparer l’efficacité relative d’une stratégie
spécifique par rapport à toutes les autres stratégies de la même approche.
Par exemple, des méta-analyses 4 révèlent que de donner des devoirs aux
élèves de l’école primaire (6-10 ans) n’influence pas de façon très
importante leur réussite – les devoirs jouent cependant un rôle plus
déterminant dans la réussite à partir de l’adolescence. De ces méta-analyses,
on pourrait inférer que les devoirs ne sont pas efficaces au primaire et que
l’on devrait les abolir. Mais la méta-analyse ne distingue pas entre les
différents types de devoirs, elle fait une moyenne de l’effet de tous les types
de devoirs utilisés dans les études. Or, comme nous le verrons plus loin,
certains types de devoirs sont beaucoup plus efficaces que d’autres. La
question n’est donc pas tant de donner des devoirs ou non, mais plutôt
d’identifier quels types de devoirs sont les plus efficaces.
Cette limite propre à toute méta-analyse se retrouve dans la méta-
analyse sur les approches actives : elle fait état de l’effet global d’une
variété de stratégies visant à rendre l’apprentissage plus actif. Or, pour en
savoir plus sur la façon optimale de rendre l’apprentissage actif et efficace,
il faut non seulement connaître l’effet moyen des interventions, mais aussi
l’efficacité relative des différentes interventions utilisées dans les études. En
outre, et comme nous le verrons tout au long de ce livre, il est toujours
préférable de connaître les raisons qui rendent une approche plus efficace
qu’une autre si l’on veut pouvoir mettre en application les résultats obtenus
dans un certain contexte et les transposer intelligemment à un autre
contexte.
Autre nuance à apporter à la méta-analyse sur les approches actives :
même si l’enseignement magistral n’est pas aussi efficace, en général,
qu’un enseignement utilisant des stratégies d’apprentissage actif, cela ne
signifie pas que l’enseignement magistral est entièrement à proscrire. Ce
qui est le plus important, c’est que le cerveau des apprenants soit actif, et
les étudiants peuvent avoir les neurones activés même lors d’un
enseignement magistral. Des études 5 montrent en effet qu’observer
quelqu’un accomplir ou apprendre une tâche peut activer les mêmes
neurones que ceux de la personne observée, à l’exception des neurones liés
au mouvement puisque la personne qui observe est immobile. On se réfère
souvent à cette activation, en bonne partie équivalente chez la personne
observée et la personne qui observe, quand on parle des neurones miroirs.
Cela dit, même si l’enseignement magistral peut effectivement
contribuer à l’activation des neurones, ce n’est pas nécessairement le cas. Et
là est tout le problème. La probabilité que les élèves ne soient pas attentifs
lors d’un cours magistral, qu’ils soient incapables de suivre les explications
parce qu’ils sont en surcharge ou qu’ils ne possèdent pas les connaissances
antérieures nécessaires pour intégrer l’information présentée est bien plus
élevée que lorsque l’enseignement fait appel à des activités obligeant
l’apprenant à accomplir une tâche et à être actif.

Pour créer des connexions neuronales


pertinentes
Dans le modèle de Hebb, il faut que les neurones s’activent ensemble
pour qu’ils se connectent ensemble. Cependant, pour qu’un apprentissage
ait lieu, il faut non seulement que les neurones s’activent, mais aussi, et
surtout, que les « bons » neurones s’activent. Le principe d’activation
neuronale n’est donc pas seulement d’activer les neurones, c’est également
d’activer les neurones liés à l’apprentissage visé (et pas les autres), c’est-à-
dire d’activer les neurones liés à la connaissance ou à la stratégie qu’il faut
développer.
Plusieurs raisons peuvent faire en sorte que le cerveau s’active, mais
qu’il n’active pas les neurones qui doivent se connecter pour apprendre.
Une première raison, la plus évidente, est que l’on pense à autre chose
qu’aux contenus à apprendre. Un étudiant qui n’est pas attentif en classe,
car il pense à ce qu’il fera le soir, activera son cerveau pour imaginer sa
soirée, mais il n’activera pas les neurones liés à l’apprentissage visé.
Même chose pour un étudiant qui navigue sur les réseaux sociaux
durant un de ses cours : il active son cerveau, mais il n’active pas les
neurones liés à l’apprentissage qu’il doit réaliser. Une étude 6 établit
d’ailleurs que des étudiants qui utilisent leur ordinateur durant leur cours,
notamment pour aller sur les réseaux sociaux, ont une moins bonne
compréhension du contenu abordé pendant le cours que les autres étudiants
(55 % vs 66 %). Si l’étudiant est à proximité d’un autre étudiant qui fait
autre chose sur son ordinateur, il apprend également significativement
moins (56 % vs 73 %), même s’il n’a lui-même aucun ordinateur. Une
hypothèse plausible pour expliquer ce résultat est que les étudiants activent
durant leur cours d’autres neurones que ceux liés à leur apprentissage.
On pourrait penser que les étudiants peuvent écouter en classe en même
temps qu’ils naviguent sur Internet. Les études 7 montrent que,
contrairement à la croyance populaire, il n’est pas possible de faire du
multitâche, c’est-à-dire d’accomplir en parallèle plus d’une tâche à la fois.
Dès que l’on fait plus d’une chose en même temps, les performances
diminuent, et c’est très probablement ce qui explique la sous-performance
des étudiants utilisant leur ordinateur en classe.
Une autre source pouvant détourner l’attention et influencer l’activité
cérébrale est la décoration d’une pièce. Des chercheurs 8 ont examiné
l’impact de la décoration de la classe sur l’apprentissage de jeunes enfants
de la maternelle. Lorsqu’une classe est décorée de plusieurs affiches,
comparativement à une classe sans décoration, cela peut nuire aux
apprentissages, car les élèves de la classe décorée passent plus de temps à
faire autre chose que la tâche demandée (39 % vs 28 %) et ils réussissent
significativement moins bien (42 % vs 55 %).
En plus des distractions, une deuxième raison peut expliquer pourquoi il
est parfois possible d’activer son cerveau sans pour autant activer les
neurones liés à l’apprentissage visé. Cette situation survient lorsqu’on
active les neurones liés à une idée ou une stratégie qui est erronée ou qui
n’est pas pertinente pour l’apprentissage que l’on cherche à réaliser. Cette
idée ou cette stratégie spontanée qui nous vient en tête activent des réseaux
de neurones qui ne sont pas utiles et qui peuvent même, dans certains cas,
nuire à l’apprentissage.
Il arrive également que les stratégies employées spontanément pour
accomplir une tâche ne soient pas les plus optimales à court, moyen ou long
terme. Le fait d’utiliser une stratégie inefficace active le réseau de neurones
liés à cette stratégie et cela peut la renforcer et nuire à l’activation des
neurones liés à une autre stratégie qui, elle, est plus efficace.
Par exemple, plusieurs recherches 9 attestent que les personnes ayant
appris à lire activent de façon prédominante l’hémisphère gauche de leur
cerveau lors de la lecture, en particulier une région que l’on appelle le
cortex occipito-temporal gauche, située à l’intersection entre le lobe
occipital de l’arrière du cerveau et le lobe temporal du côté du cerveau.
Cette région devient d’ailleurs de plus en plus activée au cours de
l’acquisition de la lecture 10 et, en général, plus elle est activée, plus une
personne est compétente en lecture 11. Pour apprendre à lire, il est donc
souhaitable d’activer cette région. Or des études 12 montrent que l’activation
de la région occipito-temporale gauche dépend de la stratégie de décodage
des mots utilisée. Une stratégie globale – consistant à reconnaître l’image
globale du mot sans porter attention aux composantes du mot, c’est-à-dire
les lettres – active davantage la région occipito-temporale droite, alors
qu’une stratégie graphophonétique – consistant à identifier le son des lettres
composant un mot – active plutôt la région occipito-temporale gauche. Pour
appliquer le principe d’activation neuronale dans le contexte de
l’acquisition de la lecture, il ne suffit donc pas d’activer le cerveau en lisant,
il faut activer le cortex occipito-temporal gauche en encourageant l’élève à
recourir à une stratégie de décodage graphophonétique des mots. D’ailleurs,
de nombreux travaux 13 prouvent qu’une approche graphophonétique
d’apprentissage de la lecture est nettement plus efficace qu’une approche
globale.
Un autre aspect du modèle de Hebb selon lequel les neurones qui
s’activent ensemble se connectent ensemble est l’importance que des
neurones s’activent de façon synchronisée pour se connecter. En effet, le
modèle de Hebb dit que, pour se connecter et renforcer leurs connexions, il
faut que (1) les neurones s’activent et (2) que les neurones s’activent
ensemble. Lorsqu’on évoque une idée ou qu’on utilise une stratégie, c’est
un ensemble de neurones – que l’on appelle souvent réseau de neurones –
qui s’activent ensemble et qui, donc, renforcent leurs interconnexions. Cela
dit, apprendre, c’est souvent plus qu’intégrer une idée ou une stratégie, c’est
établir des liens entre deux ou plusieurs éléments. Pour favoriser
l’établissement de ces liens, il faut activer de façon simultanée les éléments
à mettre en commun.
L’exemple de l’apprentissage de la lecture illustre bien cette situation.
Apprendre à lire, c’est notamment apprendre à établir des liens entre les
lettres (graphèmes) et les sons du langage (phonèmes). Alors que le code
permettant d’identifier les graphèmes se trouve généralement dans le lobe
occipito-temporal gauche, le traitement des sons du langage est plutôt
associé à une région juste au-dessus appelée le cortex temporo-pariétal
gauche qui, comme son nom l’indique se trouve à l’intersection entre le
lobe temporal et le lobe pariétal situé en haut du cerveau (voir figure 8).
Selon le modèle de Hebb, en activant ensemble les régions occipito-
temporale et temporo-pariétale, on leur permet de se connecter ensemble.
La connexion de ces deux régions est d’ailleurs un élément central dans
l’établissement des réseaux de neurones de la lecture.
Figure 8. Apprendre, c’est changer ses connexions cérébrales. Puisque les neurones qui
s’activent ensemble se connectent ensemble, pour apprendre, il faut activer les neurones
liés à l’apprentissage visé. La figure ci-dessus illustre le principe d’activation neuronale
dans le contexte de l’apprentissage de la lecture. Les zones grises représentent les régions
activées. Dans cet exemple, non seulement les neurones sont activés (condition 1 : les
neurones doivent s’activer), mais ce sont les neurones connus pour jouer un rôle clé dans
l’apprentissage de la lecture qui sont activés (condition 2 : les neurones pertinents pour
l’apprentissage visé sont activés). La région grise du bas est le cortex occipito-temporal
associé à l’identification des lettres et la région grise du haut est le cortex temporo-pariétal
gauche lié au traitement des sons du langage. L’activation simultanée de ces deux régions
mène non seulement à un renforcement des connexions à l’intérieur de chaque région,
mais aussi à l’établissement de connexions entre les régions (voir flèche noire sur la figure).

Le fait que des neurones qui s’activent ensemble se connectent


ensemble permet d’établir des liens entre deux ou plusieurs éléments, à
condition bien entendu que ces deux éléments soient activés en même
temps. Par exemple, en activant les connaissances antérieures en même
temps que de nouveaux contenus à acquérir, il se crée des liens entre les
nouvelles connaissances et les connaissances antérieures et entre les réseaux
de neurones associés à ces connaissances. Plus il y a de liens entre deux ou
plusieurs réseaux de neurones, plus il y a de chance que l’activation d’un
réseau engendre l’activation de l’autre réseau. Établir des liens augmente
donc la probabilité d’être capable de réactiver et de se souvenir de ce qui
vient d’être appris.
Bien que la plupart du temps cette propriété soit bénéfique à
l’apprentissage, le fait que des neurones qui s’activent ensemble se
connectent ensemble peut aussi avoir un effet négatif en nuisant au transfert
des apprentissages. Lorsqu’on apprend quelque chose, on le fait toujours
dans un certain contexte. Comme ce contexte active des neurones
spécifiques, les neurones « de contexte » auront tendance à se connecter aux
neurones de l’apprentissage à réaliser. Autrement dit, le fait d’apprendre
l’addition de fractions à l’école, à l’aide de certains types de problèmes, en
position assise, avec un certain type d’éclairage, dans un certain état émotif
et avec un certain état d’esprit rendra plus probable la réactivation des
connaissances apprises dans ce même contexte. Corollairement, il sera plus
difficile de réactiver ces connaissances apprises dans un contexte différent.
Une étude 14 est très éloquente à ce propos. Les chercheurs ont demandé
à des participants d’apprendre une liste de mots dans deux environnements
nettement différents : sous l’eau et au-dessus de l’eau sur la terre ferme. Les
résultats montrent qu’il est plus facile de se rappeler des mots appris sous
l’eau lorsqu’on est sous l’eau que sur la terre (11,4 vs 8,4 mots retenus) et
qu’inversement, il est plus facile de se souvenir des mots appris sur la terre
lorsqu’on est sur la terre que sous l’eau (13,5 vs 8,6 mots retenus). Ces
résultats corroborent l’idée qu’il est plus facile de réactiver les
connaissances apprises si on se trouve dans le même contexte que celui
dans lequel l’apprentissage a été réalisé.
En conséquence, on ne doit pas considérer le transfert des
apprentissages d’un contexte à l’autre comme quelque chose s’effectuant
naturellement et sans effort. Jusqu’à un certain point, il faut non seulement
planifier du temps pour apprendre, mais il faut aussi planifier du temps pour
apprendre à transférer et décontextualiser les apprentissages. De façon
générale, au début de l’apprentissage, il est sans doute préférable de ne pas
trop varier les contextes – pour assurer une certaine constance dans
l’activation cérébrale et faciliter la création de connexions neuronales ; en
revanche, par la suite, il sera souhaitable de varier les contextes et les types
d’exercices – pour faciliter le transfert, permettre aux apprentissages d’être
décontextualisés et de s’activer de façon moins dépendante d’un contexte
spécifique 15.
Dans ce livre, nous allons voir ensemble différentes stratégies générales
adaptées au fonctionnement cérébral et cognitif et qui favorisent tous les
apprentissages. Par souci de concision, il ne sera pas possible d’aborder ici
les stratégies qui sont spécifiques à certains contenus.

Comment mettre en application


le principe d’activation neuronale ?
Puisque les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble, il
faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé pour apprendre. Voyons
maintenant quatre stratégies pour mettre en application ce principe, soit
deux stratégies pour favoriser l’activation des neurones, puis deux stratégies
pour favoriser l’activation spécifique des neurones liés à l’apprentissage
visé.

Évitez d’utiliser fréquemment des approches


passives
Pour apprendre, il faut être actif. Plus précisément, il faut que le cerveau
soit activé. Certaines approches d’apprentissage ou d’enseignement sont
associées à une probabilité plus élevée d’être inattentif, de penser à autre
chose ou de ne plus être capable de suivre. Toutes les approches demandant
une écoute passive d’information, sans possibilité d’interaction immédiate,
entrent dans cette catégorie.
L’enseignement magistral dans lequel un enseignant ou un formateur
communique de l’information à un apprenant, qui ne peut pas interagir
immédiatement en posant des questions et en échangeant, est associé à une
plus faible probabilité d’activation que les approches plus actives. Mieux
vaut donc éviter de recourir à ce type d’approche trop fréquemment.
L’enseignement magistral ne doit pas pour autant être proscrit, car il
possède des avantages indéniables. En effet, il constitue souvent la façon la
plus rapide de présenter beaucoup d’information en peu de temps. Recourir
à des approches plus actives demande généralement plus de temps et,
souvent, il faut trouver un équilibre entre l’efficacité d’une approche et la
quantité de contenu qui pourra être abordé dans une certaine période. De
plus, l’enseignement magistral peut permettre l’activation chez l’apprenant
attentif des idées ou des stratégies les plus appropriées à l’apprentissage
visé, évitant ainsi l’activation et le renforcement de réseaux de neurones
associés à des idées erronées ou des stratégies inefficaces pouvant nuire,
voire empêcher, certains apprentissages.
Même en dehors des contextes formels d’apprentissage comme l’école
et la formation en entreprise, l’écoute passive est souvent présente.
Lorsqu’on regarde un documentaire à la télévision ou même lorsqu’une
personne nous parle pour nous informer de quelque chose, nous sommes
aussi placés dans une situation où la probabilité de non-activation des
neurones liés au contenu à intégrer est élevée. Évidemment, il est possible
de recourir aux stratégies d’écoute active dont il va être question un peu
plus loin, mais ces stratégies exigent généralement d’interrompre le
documentaire ou la personne qui nous parle. Ce qui est heureusement
souvent possible dans un contexte informel d’apprentissage, mais n’est pas
toujours souhaitable. En effet, à l’instar de l’enseignement magistral,
l’écoute passive d’un documentaire ou d’une personne qui nous parle n’est
pas toujours à proscrire pour mieux apprendre. Il y a des avantages certains
à écouter sans rien dire. Ne pas interrompre la personne qui nous parle
permet d’accéder à plus d’information rapidement. Cela évite également
que la personne perde le fil de ses idées et que son discours devienne alors
moins clair, ou encore qu’elle perde entièrement l’idée qu’elle souhaitait
nous communiquer. Un équilibre entre écoute passive et écoute active est à
privilégier.
On apprend à l’école, au travail, en écoutant un documentaire ou une
personne, mais on apprend aussi souvent en lisant. L’écrit est d’ailleurs un
puissant outil d’apprentissage, puisqu’il nous permet d’accéder à des
contenus variés, à notre rythme et en fonction de nos disponibilités.
Spontanément, on pourrait croire que la lecture est un processus plus actif
que l’écoute d’une personne ou d’un documentaire – ce qui est en partie
vrai puisque l’on active les neurones de la lecture pour décoder les mots et
accéder à leur sens –, mais il est tout à fait possible de lire sans être
concentré ou engagé dans ce qu’on lit.
De même qu’il nous arrive parfois de devoir recommencer la lecture
d’une page de roman, car certaines idées ou certains événements n’ont pas
été bien retenus ou compris, ou parce que nos pensées se sont attardées
involontairement sur un autre sujet, il est également possible de lire des
informations de façon passive – ce qui augmente évidemment la probabilité
que les neurones associés à l’apprentissage visé ne s’activent pas. La lecture
passive est généralement à éviter. Il est d’ailleurs démontré que, parmi un
ensemble de stratégies d’étude et d’apprentissage, la lecture et la relecture
passive d’informations constituent des stratégies parmi les moins
efficaces 16.

Utilisez fréquemment des approches actives


Dans les prochains chapitres, nous verrons plusieurs exemples
d’activités associées à des approches actives. Pour l’instant, contentons-
nous de dire que l’écoute et la lecture ne sont pas nécessairement toujours
passives. En effet, certaines techniques peuvent être utilisées lorsque nous
sommes dans un contexte où l’on doit apprendre, par exemple, à partir d’un
enseignement magistral, que ce soit dans un cours à l’école ou dans une
formation au travail. La technique la plus efficace est probablement d’être
très bien préparé avant un cours ou une formation afin de pouvoir suivre le
fil des explications. S’assurer de posséder tous les prérequis pour
comprendre l’information à acquérir et connaître les objectifs derrière
chacun des éléments présentés sont deux techniques pouvant aider à suivre
les explications et le fil conducteur qui les sous-tend.
Contrairement aux contextes formels d’apprentissage comme l’école ou
la formation au travail, les contextes informels d’apprentissage rendent
généralement possible et approprié le fait d’interrompre la personne qui
nous parle ou le documentaire que l’on visionne. Cet arrêt peut permettre de
reformuler ce qu’une personne vient de dire pour s’assurer que nous avons
appris, de lui demander de répéter, de réexpliquer, de confirmer le lien entre
ceci ou cela, etc. Bref, dans les contextes informels, il est possible d’être
actif, ce qui facilite l’apprentissage. Encore faut-il utiliser cet avantage et
dialoguer avec une personne qui accepte d’être interrompue…
Même chose pour la lecture de textes : il est possible d’interrompre sa
lecture, de s’engager dans une démarche plus active et d’activer ses
neurones. Par exemple, on peut s’arrêter pour réfléchir, établir des liens
avec ce que l’on connaît, relire un passage, anticiper ce qui vient, chercher
la définition d’un mot, faire l’effort de se souvenir de ce qui vient d’être lu,
se demander pourquoi l’auteur présente l’information de cette façon plutôt
qu’une autre, etc.
Évitez les sources de distraction
Pour mettre en application le principe d’activation neuronale, il faut non
seulement utiliser des stratégies pour que le cerveau s’active, mais s’assurer
que ce qui s’active dans le cerveau est spécifiquement lié à l’apprentissage
visé. En effet, puisque les neurones qui s’activent ensemble se connectent
ensemble, si ce ne sont pas les bons réseaux de neurones qui s’activent,
alors les modifications neuronales nécessaires pour réaliser un
apprentissage n’auront pas lieu. Certains réseaux de neurones s’activeront,
et cette activation pourrait modifier des connexions dans le cerveau, sans
que ce ne soit utile pour l’apprentissage visé. Autrement dit, si l’on active
les mauvais réseaux de neurones, on apprend, mais on n’apprend pas ce que
l’on doit apprendre… Pour cette raison, il faut éviter les sources de
distraction qui risquent d’activer des groupes de neurones qui ne sont pas
liés à l’apprentissage visé.
La première source de distraction à éviter est les réseaux sociaux. Nous
avons vu plus haut que les étudiants qui y ont accès pendant les cours ont
tendance à moins bien réussir. Si on doit étudier, assister à un cours ou à
une formation, il est donc préférable de se priver d’ordinateur ou de
téléphone portable ou, du moins, de contrôler l’accès aux réseaux sociaux.
Il existe d’ailleurs des logiciels pour limiter le temps et les heures
d’utilisation de certains sites Web.
Évidemment, les réseaux sociaux ne constituent pas la seule source de
distraction possible. Tout appareil connecté à Internet est une source
potentielle de distraction. Outre les médias sociaux, il est possible de
consulter des sites de nouvelles en continu, des blogs, des vidéos et, bien
sûr, de jouer à des jeux vidéo.
Une étude 17 montre que la simple présence de son téléphone portable
dans la pièce réduit significativement les performances à une tâche
d’attention et de mémoire de travail (voir figure 9). Même s’il est dans les
poches, l’appareil nuit quand même aux performances (diminution du score
de 2,37). Et s’il est sur le bureau, les performances sont encore plus réduites
(diminution du score de 4,67). Dans toutes les situations d’apprentissage –
que ce soit pendant les cours à l’école, pendant la lecture, pendant les
formations au travail et même pendant les conversations –, il est préférable
de mettre son portable dans sa poche ou, mieux, de le laisser le plus loin
possible.

Figure 9. Pour que les neurones liés à l’apprentissage visé s’activent, mieux vaut éviter les
sources de distraction. La simple présence d’un téléphone portable sur le bureau de travail
peut réduire les performances à une tâche d’attention et de mémoire de travail. S’il est dans
un sac ou dans les poches, les performances sont un peu meilleures, mais pas autant que
si le téléphone est dans une autre pièce (d’après Ward et al., 2017).

Bien qu’ils puissent être des sources importantes de distraction, les


réseaux sociaux, l’ordinateur et le téléphone portable peuvent aussi être des
sources d’apprentissage. Ils nous donnent accès presque instantanément à
une banque d’informations quasi illimitée qui peut, bien sûr, soutenir
l’apprentissage. Comme tout outil comportant des avantages et des
inconvénients, il faut chercher à maximiser les avantages et réduire autant
que possible les inconvénients.
La décoration excessive d’une pièce peut également être une source de
distraction. Comme nous l’avons vu, une classe de maternelle comportant
trop d’affiches peut nuire à l’apprentissage. Cet effet est probablement
moindre chez les apprenants plus âgés, mais tout porte à croire qu’en
matière de décoration, la modération est souhaitable. Cela dit, l’absence
complète de décoration qui rendrait une pièce étrange n’est peut-être pas
préférable à une pièce excessivement décorée. Mieux vaut sans doute une
décoration sobre et qui passe inaperçue. En revanche, mettre plusieurs
affiches comportant des informations est sans doute à éviter dans une pièce
dédiée à l’apprentissage ou à la formation.
De façon plus générale, le fait que les sources de distraction nuisent
à l’apprentissage est une indication qu’il est impossible d’accomplir deux
tâches en même temps à son plein potentiel. Il n’est pas possible de se
concentrer pleinement sur la lecture d’un livre et d’écouter la télévision. Il
n’est pas possible d’écouter un cours attentivement et de penser à son
téléphone portable et à ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Il n’est pas
non plus possible d’étudier efficacement dans la cuisine et d’écouter ou de
participer aux discussions de la maisonnée. Pas plus qu’il n’est possible de
rédiger de manière optimale un texte sur son ordinateur tout en ayant accès
à sa messagerie… Il est préférable d’éviter les situations de multitâche.
Une question fréquente concerne l’écoute de musique sur les lieux de
travail ou d’étude. Une méta-analyse récente 18 montre que l’écoute de la
musique pendant la lecture d’un texte en réduit généralement sa
compréhension. Les chercheurs ont déterminé que l’ampleur de l’effet est
ici de − 0,19 ; le symbole « moins » (−) indique que l’impact de la musique
est négatif et le chiffre 0,19 à quel point cet impact est négatif (diminution
des performances de 0,19 écart-type). Dans ce cas, l’ampleur de l’effet est
considérée comme petite, car nettement inférieure à 0,40. Autrement dit,
écouter de la musique réduit généralement un peu notre compréhension en
lecture. Dans cette même étude, les chercheurs ont aussi examiné l’impact
d’un environnement bruyant ou dans lequel des personnes parlent. Ils
obtiennent des résultats similaires, l’ampleur de l’effet sur la
compréhension en lecture étant respectivement de − 0,17 et − 0,26 dans ces
situations. Cela dit, il n’est pas impossible qu’une musique peu distrayante
(sans paroles et sans variation brusque) qui masque des bruits très
distrayants soit bénéfique pour l’apprentissage, mais cela reste à confirmer.

Évitez d’activer des idées ou des stratégies


inappropriées
Si la pensée cesse de se concentrer sur la tâche à cause d’une
distraction, l’apprentissage en est affecté. Mais ce dernier sera également
affecté si l’attention est ciblée sur la tâche, mais que les neurones qui
s’activent ne sont pas les neurones pertinents ou utiles à l’accomplissement
de cette tâche. Cela se produit, par exemple, si l’on active des idées ou des
conceptions erronées ou inappropriées lors d’une séance d’apprentissage.
Dans la plupart des domaines, nous avons tous des idées spontanées,
présentes souvent avant même l’apprentissage, qui sont erronées ou non
conformes au savoir que l’on souhaite acquérir. Par exemple, il est fréquent
de croire que les objets plus lourds tombent toujours plus rapidement, alors
qu’ils tombent avec la même accélération que des objets plus légers si la
résistance de l’air est négligeable. Il est aussi fréquent de croire qu’il fait
plus chaud l’été que l’hiver, parce que le Soleil est plus près de la Terre,
alors que cette explication est scientifiquement erronée. Lorsqu’il est
question d’apprentissage, plusieurs idées ou conceptions non fondées
peuvent nous venir en tête. Si, pour comprendre et expliquer un
phénomène, on formule des idées spontanées ou des intuitions qui ne sont
pas valables, alors les neurones en lien avec ces idées inappropriées
s’activent et se renforcent. Loin de contribuer à l’apprentissage, l’activation
de conceptions ou idées non fondées peut ainsi nuire à l’apprentissage, car
cela les renforce au lieu de les affaiblir (voir plus loin chapitre 6).
Voici une autre situation où il est possible d’activer son cerveau sans
pourtant activer les neurones utiles à un apprentissage : lorsque, pour
accomplir une tâche en cours d’apprentissage, une stratégie inefficace à
court, moyen ou long terme est utilisée. Nous avons vu plus haut l’exemple
éloquent des stratégies de lecture : une stratégie de lecture
graphophonétique active les neurones clés pour l’apprentissage de la
lecture, alors qu’une stratégie de lecture globale active plutôt d’autres
neurones. Dans plusieurs situations, plus d’une stratégie peut être adoptée.
Bien que la plupart du temps l’utilisation de l’une ou l’autre soit valable, il
arrive parfois que l’une soit nettement à privilégier. Dans ces situations, il
est important d’activer la bonne stratégie pour la renforcer.
Connaître quelles sont les meilleures stratégies est un défi, puisqu’elles
sont parfois spécifiques à une tâche ou à un domaine – par exemple,
l’apprentissage de la lecture. Il serait possible d’écrire un ouvrage entier
seulement sur cette question des stratégies propres à chacun des domaines
d’apprentissage (lecture, mathématiques, sciences, etc.). Il est donc utile, en
plus de mettre en application les principes exposés dans ce livre, de
consulter les travaux de recherches propres à chacun des domaines
d’apprentissage.
En somme…
L’activation des neurones liés à l’apprentissage visé est le premier des principes
neuroéducatifs à retenir ici. Cela signifie que l’activation est nécessaire pour
changer les connexions des neurones. Par ailleurs, les approches actives
d’apprentissage sont généralement plus efficaces que celles plus passives. Enfin,
l’activation des neurones liés à l’apprentissage visé, et pas les autres, permet de
s’assurer que les connexions neuronales changent dans une direction positive et
susceptible de mener à l’amélioration des connaissances ou des habiletés.
Pour mettre en application ce principe, quatre stratégies ont été proposées. Pour
faciliter l’activation des neurones, il faut éviter d’utiliser fréquemment des
approches passives et, corollairement, utiliser fréquemment des approches
actives. Il faut également s’assurer que les neurones qui s’activent sont les
neurones qui contribueront à l’apprentissage visé.
Il faut donc éviter les sources de distractions comme les médias sociaux, les
appareils électroniques, les environnements trop décorés ou bruyants et les
situations où il y a des risques de faire plus d’une tâche à la fois. Il faut finalement
éviter d’activer les idées, les conceptions ou les stratégies inappropriées à la
réalisation d’une tâche.
Figure 10. Il faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé pour changer les connexions neuronales,
les rendre plus efficaces et apprendre mieux. Pour y arriver, il est préférable d’éviter l’utilisation fréquente
d’approches d’apprentissage passives et privilégier des approches plus actives. Il faut également éviter
les distractions et d’activer des idées ou des stratégies inappropriées.
CHAPITRE 2

Activez les neurones à plusieurs


reprises

Pour apprendre, il faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé.


Cependant, la plupart du temps, une seule activation n’est pas suffisante
pour provoquer des changements significatifs et durables dans le cerveau.
Activer son cerveau est une condition nécessaire pour apprendre, mais elle
n’est pas suffisante. Nous allons voir pourquoi il faut non seulement activer
les neurones liés à l’apprentissage visé, mais également les activer à
plusieurs reprises. Puis nous discuterons de quelques stratégies pour mettre
en application ce principe d’activation neuronale répétée.

Pourquoi faut-il activer les neurones


à plusieurs reprises ?
Au moins trois raisons justifient l’importance d’activer à plusieurs
reprises les neurones liés à l’apprentissage visé : l’activation neuronale
répétée renforce les connexions neuronales, elle diminue l’activité du cortex
préfrontal (ce qui contribue à éviter la surcharge cérébrale) et elle favorise
la consolidation de l’apprentissage en plus de diminuer l’oubli.

Pour renforcer les connexions neuronales


Selon le modèle de Hebb, des neurones qui s’activent ensemble se
connectent ensemble. Ce modèle va plus loin en précisant : « Lorsque
l’axone d’un neurone A est assez près pour exciter un neurone B et que, de
façon répétée et persistante, le neurone A prend part à l’activation du
neurone B, un certain processus de croissance ou un changement
métabolique a lieu dans un neurone, ou dans les deux, de telle sorte que
l’efficacité du neurone A à contribuer à l’activation du neurone B
augmente 1. » Autrement dit, pour qu’il y ait un apprentissage, c’est-à-dire
une modification dans les connexions neuronales, il faut donc que les
neurones concernés (1) soient assez près l’un de l’autre, (2) qu’ils s’activent
en même temps et (3) de façon répétée.
Précisons avant de continuer que ce ne sont pas tous les types
d’apprentissages qui correspondent au modèle hebbien : certains
apprentissages, notamment les apprentissages impliquant une charge
émotive importante – lorsqu’un événement met notre vie en danger, par
exemple – peuvent avoir lieu sans qu’une activation répétée soit nécessaire.
Cependant, la plupart des apprentissages – apprendre à lire, à écrire, à
compter, à mettre en application une procédure, à jouer du piano, etc. –
nécessitent de l’entraînement et une certaine forme de répétition de
l’activation.
Proposée comme une hypothèse par Hebb dès 1949, l’importance de
l’activation répétée des neurones dans l’établissement et le renforcement de
connexions neuronales a été vérifiée expérimentalement à de nombreuses
reprises et a mené à tout un champ de recherche sur les mécanismes de
plasticité du cerveau. De nos jours, le renforcement des connexions
neuronales par l’activation simultanée et répétée des neurones est associé au
concept de potentialisation à long terme, alors que l’affaiblissement des
connexions neuronales est plutôt associé à celui de dépression à long terme.
L’une des plus célèbres expériences à ce sujet a été menée en 1973 2. À
l’aide d’électrodes, les chercheurs ont stimulé de façon simultanée et
répétée des neurones d’une région nommée hippocampe dans le cerveau de
lapins. Ils ont observé que les effets de cette stimulation de 3 à 15 secondes
perduraient de 30 minutes à 10 heures par la suite. Autrement dit, le fait que
les neurones se soient activés ensemble rend plus facile, et donc plus
probable, qu’ils s’activent à nouveau ensemble. Un cycle de renforcement
se produit : plus les neurones s’activent ensemble, plus la force et
l’efficacité de leurs connexions augmentent, et plus il y a de chance qu’ils
s’activent à nouveau ensemble et augmentent encore davantage leurs
connexions. Le cycle inverse peut également se produire : si les neurones ne
s’activent pas ensemble, ils ne renforcent pas leurs connexions et sont donc
moins susceptibles de s’activer à nouveau ensemble à l’avenir.
À certains égards, le cerveau est comme une forêt dans laquelle
l’apprenant marche 3. Cette forêt est densément peuplée avec une végétation
abondante. La marche y est donc difficile initialement. Pour se déplacer,
l’apprenant doit pousser les branches en plus d’écraser l’herbe et les petits
arbustes avec ses pieds. Le passage répété du marcheur crée
progressivement un sentier qu’il est de plus en plus facile d’emprunter. Bien
vite, ce sentier devient une voie privilégiée pour passer du point A au point
B.
Dans le cerveau, lorsque des neurones s’activent ensemble, ils
renforcent leurs connexions, ce qui crée des réseaux de neurones. Ces
réseaux sont comparables aux sentiers d’une forêt : ils s’établissent
progressivement (à condition d’être utilisés à plusieurs reprises) et
permettent de réaliser des tâches de plus en plus facilement.
Lorsqu’on apprend à lire, par exemple, on apprend notamment à établir
des correspondances entre les lettres et les sons du langage. Au début,
l’établissement de ces correspondances demande beaucoup de concentration
et de temps. Ce n’est que progressivement, grâce à l’activation répétée des
réseaux de neurones spécifiques à la tâche, que ceux-ci se renforcent et que
la tâche devient plus facile. Cette facilitation et cette automatisation sont
particulièrement importantes dans la réalisation de tâches complexes.

Figure 11. Apprendre, c’est créer des sentiers dans le cerveau. Ces sentiers (ou réseaux
de neurones) se créent de façon similaire aux sentiers d’une forêt : en empruntant plusieurs
fois le même chemin (c’est-à-dire en activant à plusieurs reprises les neurones liés à un
apprentissage), des sentiers apparaissent progressivement. Plus les sentiers sont utilisés,
plus ils deviennent importants et permettent de passer rapidement et facilement du point A
au point B.
Le cerveau se comporte aussi comme une forêt à un autre égard : si
l’apprenant cesse d’emprunter le sentier créé, lentement, les herbes, les
arbustes et les arbres y reprennent leur place. Le sentier s’efface alors
progressivement et il redevient difficile de passer du point A au point B. De
la même manière, si on cesse d’activer les réseaux de neurones créés grâce
à l’apprentissage, les neurones peuvent réduire la force de leurs connexions.
Ils s’activeront donc ensemble de moins en moins spontanément et les
réseaux de neurones s’affaibliront et disparaîtront progressivement. Quand
les connexions neuronales s’affaiblissent et disparaissent, nous oublions.
L’oubli est fondamental au fonctionnement cérébral. Avant
l’apprentissage, il existe déjà des connexions neuronales dans le cerveau.
Apprendre, ce n’est donc pas simplement ajouter de nouvelles connexions
neuronales, c’est modifier les connexions existantes. Il existe ainsi une
compétition entre les connexions neuronales présentes avant et après
l’apprentissage. Pour gérer cette compétition, le cerveau utilise un principe
simple et particulièrement efficace : ce qui est utilisé est conservé et
renforcé et ce qui ne l’est pas s’affaiblit et est oublié – c’est le « use it or
lose it » déjà évoqué.
Cette analogie entre un cerveau et une forêt permet également de mieux
comprendre pourquoi certaines erreurs sont difficiles à corriger. Lorsque
l’apprenant voit un grand sentier qui semble l’amener à la destination
choisie, il est tenté de l’emprunter plutôt que de traverser la forêt sauvage ;
cela est plus facile et plus rapide. Cependant, il arrive que le sentier ne
mène pas à la destination souhaitée et qu’il soit alors nécessaire de sortir du
sentier et de traverser une région sauvage de la forêt en écartant la
végétation avec ses mains et ses pieds. Après être passé quelques fois par le
chemin sauvage, il devient de plus en plus praticable, mais le sentier initial,
qui mène à une mauvaise destination, est toujours présent et il est encore
tentant de l’emprunter. Pour cette raison, certaines réponses et stratégies
utilisées spontanément, mais inappropriées ou inefficaces pour accomplir la
tâche, peuvent être particulièrement difficiles à changer. Dans ce cas, il faut
non seulement apprendre et créer de nouvelles connexions, mais il faut
aussi désapprendre et gérer les connexions existantes qui ne sont pas
appropriées pour une certaine tâche.
Parce que les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble,
les neurones liés à un apprentissage peuvent s’associer à ceux liés au
contexte dans lequel une tâche est accomplie, rendant ainsi plus difficile la
réalisation d’une tâche dans un contexte différent de celui vécu lors de
l’apprentissage. Le fait que les neurones qui s’activent ensemble de façon
répétée se connectent progressivement ensemble suggère que le lien entre
un apprentissage et un contexte donné peut être renforcé ou atténué. Si les
activités d’apprentissage se font toujours dans le même contexte, les liens
entre ce contexte et l’apprentissage visé seront probablement plus forts, et
vice versa (voir chapitre 1).
Un dernier aspect particulièrement intéressant lié à l’importance de
l’activation neuronale répétée est que l’apprentissage n’est pas une
dichotomie, mais plutôt un continuum. Généralement, on considère qu’une
personne a appris lorsqu’elle est capable d’accomplir la tâche visée par
l’apprentissage – c’est-à-dire répondre à une question, résoudre un
problème, etc. – et qu’elle n’a pas appris lorsqu’elle en est incapable. Au
niveau neuronal, la situation est plus complexe.
Si l’on définit l’apprentissage comme la modification des connexions
neuronales, il est alors possible d’avoir appris, c’est-à-dire d’avoir changé
ses connexions neuronales, tout en demeurant incapable d’accomplir la
tâche visée. Il est aussi possible de continuer à apprendre même lorsque
l’on est déjà capable de l’accomplir. Au début de l’apprentissage, les
neurones s’activent et commencent timidement à renforcer leurs
connexions. Puisque les connexions ne sont pas assez solides, il n’est pas
encore possible d’accomplir la tâche visée, mais cela ne signifie pas
qu’aucun changement ne se soit déroulé dans le cerveau. Les changements
cérébraux ne sont peut-être pas suffisants pour observer une amélioration
des performances, mais cela ne signifie pas que ces changements n’existent
pas. Cet aspect est particulièrement important pour garder la motivation à la
suite d’activités d’apprentissage qui n’ont pas mené à une amélioration
visible : ce n’est pas parce qu’on est incapable d’accomplir une tâche après
un entraînement que celui-ci n’a servi à rien : il peut avoir contribué au
renforcement de connexions cérébrales, sans que cela soit assez pour que ce
soit observable.
Dans le même ordre d’idée, ce n’est pas la réussite d’une tâche qui doit
annoncer la fin de l’apprentissage. Même lorsqu’on est capable de répondre
à une question ou de résoudre un problème lié à l’apprentissage visé, c’est-
à-dire même lorsque les connexions neuronales sont suffisamment fortes,
l’apprentissage n’est pas terminé : en continuant à s’entraîner, on peut
encore renforcer les réseaux de neurones. Plus les neurones sont connectés
fortement, plus une tâche peut être accomplie efficacement et facilement. Il
y a donc des avantages à réaliser un surapprentissage, c’est-à-dire continuer
à faire des exercices même après être devenu capable d’accomplir des
exercices similaires : non seulement les exercices deviendront de plus en
plus faciles à réaliser, mais les connexions neuronales qui seront ainsi très
fortement établies dans le cerveau prendront également plus de temps à se
défaire et l’oubli se fera moins rapidement (voir aussi chapitre 5).

Pour diminuer l’activité du cortex préfrontal


Une deuxième raison justifie l’importance d’activer à plusieurs reprises
les neurones liés à un apprentissage : la diminution de l’activité du cortex
préfrontal qui mène à une diminution de la charge cérébrale. Au début de
l’apprentissage, alors que des réseaux de neurones spécifiques à
l’apprentissage visé n’ont pas encore été créés et renforcés, le cerveau
active des régions du cortex préfrontal pour traiter les nouvelles
informations. Ces régions, situées à l’avant du cerveau (voir figure 12), sont
responsables de fonctions cognitives de haut niveau comme la gestion de la
mémoire de travail. En général, plus une tâche est difficile et requiert notre
attention, plus le cortex préfrontal est activé.
L’activation du cortex préfrontal n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Cela
dit, en général, lorsque le cortex préfrontal est activé, c’est une indication
que la tâche n’est pas facile et requiert une attention et un contrôle
soutenus. Plus une tâche est difficile et exige de la concentration, plus le
cortex préfrontal s’active et plus le cerveau subit une charge cérébrale
importante. Comme la charge que peut gérer le cerveau est limitée, le
cerveau peut entrer dans un état de surcharge lors duquel le traitement
efficace de l’information n’est plus possible. Une diminution de l’activité
du cortex préfrontal peut donc être vue, dans le contexte d’un nouvel
apprentissage, comme étant bénéfique et indiquant une diminution de la
charge cérébrale nécessaire pour accomplir la tâche.
Figure 12. Le cortex préfrontal (en gris) est associé à des fonctions cognitives de haut
niveau, comme la gestion de la mémoire de travail. Il est généralement très activé au début
de l’apprentissage et diminue progressivement son activité quand des réseaux de neurones
spécifiques à un apprentissage se développent.

À ce propos, une étude 4 a permis d’examiner l’évolution de l’activité


cérébrale liée à l’addition et à la soustraction entre 8 et 19 ans, une période
au cours de laquelle on apprend notamment l’arithmétique. Les résultats
présentés dans la partie A de la figure 13 montrent que plusieurs régions du
cortex préfrontal sont de moins en moins activées lors d’une tâche de
comptage entre 8 et 19 ans (partie gauche de la figure) et que, en
contrepartie, certaines régions postérieures du cerveau s’activent de plus en
plus au cours de la même période (partie droite de la figure). Ces résultats
sont compatibles avec l’idée qu’au cours de l’apprentissage de
l’arithmétique, des réseaux de neurones de la partie postérieure se créent et
se renforcent, ce qui rend le cerveau capable de traiter plus efficacement
l’information nécessaire au comptage, ce qui, à son tour, entraîne une
réduction de l’activité du cortex préfrontal et de la charge cérébrale
nécessaire au comptage.
Figure 13. En général, au cours de l’apprentissage et de l’activation répétée des neurones,
l’activité du cortex préfrontal diminue, tandis que celle de régions plus postérieures
augmente. La partie A de la figure montre les changements d’activité cérébrale associés à
l’apprentissage de l’arithmétique (d’après Rivera et al., 2005) et la partie B, ceux associés à
l’apprentissage de la lecture (d’après Shaywitz et al., 2007). Les images de gauche dans
les parties A et B montrent en gris les régions qui diminuent leur activité au cours de
l’apprentissage et, à droite, les régions qui à l’inverse augmentent leur activité. Les images
de la partie B montrent une tranche de cerveau vue d’en haut : la gauche représente
l’hémisphère gauche, la droite montre l’hémisphère droit, le haut représente la partie avant
du cerveau et le bas représente la partie postérieure du cerveau. La hauteur de la tranche
est représentée par la ligne pointillée.

Lors de l’apprentissage de la lecture, un phénomène similaire se


produit 5 : l’activité du cortex préfrontal lors de la lecture diminue entre 7 et
18 ans et l’activité de certaines régions de la partie plus postérieure du
cerveau augmente, en particulier le cortex occipito-temporal gauche. Ces
résultats sont présentés dans la partie B de la figure 13. Les images
montrent une tranche de cerveau vue d’en haut. Les régions cérébrales en
gris à gauche sont les régions qui diminuent leur activité, alors que celles à
droite montrent le cortex occipito-temporal qui augmente son activité entre
7 et 18 ans.
Cette diminution de l’activité du cortex préfrontal au cours de
l’apprentissage et d’activations neuronales répétées est observée dans
plusieurs apprentissages comme le montre une méta-analyse 6 faisant la
synthèse des effets de l’entraînement sur l’activité cérébrale de 29 études
impliquant des apprentissages variés. Bien que chaque apprentissage
engendre des changements spécifiques de l’activité cérébrale, certains
changements étaient communs à plusieurs types d’apprentissages (verbaux,
non verbaux et visuo-moteurs). En effet, en cohérence avec les résultats
obtenus pour l’apprentissage de l’arithmétique et de la lecture, plusieurs
régions diminuent leur activation au cours de l’entraînement, incluant
plusieurs régions du cortex préfrontal.
Ainsi, l’activation répétée des neurones associés à un apprentissage
mène à la création et au renforcement de connexions permettant un
traitement plus efficace de l’information. Cette augmentation de l’efficacité
des connexions fait en sorte que l’accomplissement de la tâche à apprendre
se fait de plus en plus facilement, ce qui se manifeste par une moins grande
charge cérébrale et une diminution de l’activité du cortex préfrontal.

Pour consolider l’apprentissage et réduire


l’oubli
Le rôle de l’entraînement et de l’activation répétée dans l’apprentissage
est connu depuis très longtemps. Dès 1911, à la suite de plusieurs
expérimentations, le psychologue américain Edward Thorndike établit la loi
de l’exercice : « Toute réponse à une situation sera, toutes autres choses
étant égales, plus fortement connectée avec la situation en fonction du
nombre de fois qu’elle a été connectée à cette situation, ainsi que de la
vigueur et de la durée moyenne des connexions 7. »
Autrement dit, plus une tâche est accomplie d’une certaine façon, plus il
y a de chance que cette même façon d’accomplir la tâche soit réutilisée.
Selon la loi de l’exercice, le nombre de répétitions est donc important, de
même que la vigueur et la durée de la connexion entre une réponse et une
situation. Conséquemment, selon la loi de l’exercice, trois facteurs
influencent l’établissement d’une connexion entre une réponse et une
situation : le nombre de répétitions, l’intensité ou la vigueur de la connexion
entre réponse et situation et la durée de la connexion.
L’entraînement et la répétition sont souvent perçus négativement en
éducation… et ailleurs. L’expression anglaise « drill and kill », dont la
traduction littérale est « répéter et tuer », laisse clairement entendre
combien des exercices répétitifs – ceux de type drill and practice – sont
susceptibles de tuer la motivation chez l’apprenant, en plus de nuire à une
véritable compréhension des éléments en jeu dans l’apprentissage visé. Cela
dit, négliger le rôle de l’entraînement et de la répétition dans l’apprentissage
est une erreur. La consolidation et l’automatisation des apprentissages
qu’apporte l’activation répétée jouent un rôle déterminant dans la capacité
d’accomplir des tâches complexes. La répétition n’est souvent pas
suffisante pour apprendre des tâches complexes, mais elle est souvent
nécessaire.
Il faut également prendre garde à ne pas confondre la répétition et le
principe d’activation neuronale répétée. Activer à plusieurs reprises les
neurones liés à un apprentissage n’est pas synonyme de répétition. Selon le
principe de l’activation neuronale répétée, l’élément clé n’est pas de répéter,
mais d’activer et réactiver les neurones liés à l’apprentissage visé à
plusieurs reprises. Il y a une différence fondamentale entre les deux, car la
répétition peut nuire à l’activation des neurones, un phénomène connu sous
le nom anglais de repetition suppression.
La suppression de l’activité cérébrale causée par la répétition est un
phénomène bien connu et souvent utilisé comme outil méthodologique par
les chercheurs. Par exemple, dans une étude 8 visant à identifier les régions
cérébrales réagissant au nombre d’éléments dans un ensemble, des
participants doivent observer des points sur un écran. À plusieurs reprises,
16 petits points, positionnés chaque fois à différents endroits sur l’écran,
sont présentés. Bien que la position des points soit différente chaque fois, le
nombre d’items est constant (16). S’il y a des neurones s’activant
systématiquement lors de la présentation d’un nombre précis d’éléments –
16 ici –, on doit donc assister à une diminution progressive de l’activité
cérébrale de ces neurones à la suite de la présentation répétée de
16 éléments – à cause de la suppression de l’activité provoquée par
l’habituation. Dans cette étude, les chercheurs ont effectivement noté que
l’activité des sillons intrapariétaux situés sur le dessus du cerveau dans le
lobe pariétal était affectée par la répétition. Les neurones du nombre 16
s’activaient de moins en moins à la suite de la présentation répétée de 16
points.
En contrepartie, lorsque le nombre de points présentés changeait – par
exemple 8 points –, l’activité revenait dans les sillons intrapariétaux, car les
neurones associés au nombre 8 n’étaient pas activés par le nombre 16. Ces
résultats appuient donc l’idée qu’il existe au sein des sillons intrapariétaux
des neurones qui réagissent davantage à la présentation de 16 éléments et
d’autres à la présentation de 8 éléments. Voilà pourquoi demander à un
enfant de répéter à plusieurs reprises que 4 × 8 = 32 ne permet pas d’activer
à plusieurs reprises les neurones liés à ce fait mathématique, car une
répétition trop rapprochée et qui ne requiert aucun effort ne sera pas
efficace : elle cause la suppression de l’activité cérébrale (voir chapitres 3 à
5).
Il existe encore une autre raison pour mettre en application le principe
d’activation neuronale répétée : en activant à plusieurs reprises les neurones
liés à un apprentissage, on observe non seulement une consolidation et une
automatisation des apprentissages qui sont nécessaires à la réduction de la
charge cérébrale, mais aussi à une réduction de l’oubli. L’oubli est un
mécanisme naturel et essentiel au fonctionnement cérébral. Il faut ainsi
prendre pour acquis que tout ce qui est appris peut être oublié. La question
qui se pose alors est : comment éviter ou réduire cet oubli ? L’une des
meilleures stratégies est de renforcer les connexions neuronales afin que les
sentiers du cerveau soient fortement tracés grâce au principe d’activation
neuronale répétée : plus on active de façon répétée les neurones liés à un
apprentissage, plus les connexions se consolident et plus il faudra du temps
avant que ces connexions s’affaiblissent.
L’oubli est évidemment un phénomène connu depuis longtemps. En
1897 était déjà formulée une loi de l’oubli selon laquelle ce que l’on
apprend est généralement progressivement oublié 9. Des courbes d’oubli
comme celle présentée à la figure 14 ont également été proposées 10. Après
avoir appris quelque chose qui n’est plus réactivé par la suite, on se met à
l’oublier. Comme le montre la figure, le niveau de performance chute
rapidement après la fin des activations, expliquant pourquoi il peut être
difficile de conserver un très haut niveau de performance après un
apprentissage qui n’a pas été consolidé. Ensuite, le niveau de performance
continue à diminuer, mais de façon moins rapide. Cela suggère que, bien
que le niveau de performance diminue rapidement, il reste pendant
longtemps des traces des apprentissages réalisés. C’est sans doute pour cette
raison que ce qui est oublié peut souvent « revenir » rapidement lorsque
l’on recommence à s’entraîner. Dans tous les cas, plus un apprentissage est
consolidé – c’est-à-dire plus les neurones sont fortement connectés à la
suite d’activations neuronales répétées – et plus l’oubli se fera lentement.
Figure 14. Lorsqu’on cesse d’activer les neurones liés à un apprentissage, les connexions
s’affaiblissent et on oublie. Lorsque l’apprentissage est faiblement consolidé (ligne
pointillée), le niveau de performance est généralement un peu moins élevé et la vitesse
d’oubli après la fin de l’entraînement est rapide. À l’inverse, lorsque l’apprentissage est
fortement consolidé (ligne continue), le niveau de performance est un peu plus grand et
l’oubli est moins rapide.

Un dernier élément concernant le rôle de l’entraînement et de la


répétition mérite d’être souligné : il n’est pas suffisant d’activer à plusieurs
reprises le cerveau. Comme nous l’avons déjà indiqué à propos du principe
d’activation neuronale, il faut aussi activer les « bons » neurones, c’est-à-
dire les neurones qui mènent à créer des connexions neuronales efficaces. Si
l’on s’entraîne en faisant une erreur, et que l’on répète l’erreur commise à
plusieurs reprises, cela ne favorisera pas l’apprentissage. À l’inverse, cela
peut consolider l’erreur et nuire considérablement à l’amélioration des
performances. Dans le même ordre d’idée, s’entraîner pendant des heures
avec les mauvaises techniques ou avec des stratégies peu ou pas efficaces
peut s’avérer inutile.
On dit souvent qu’il faut 10 000 heures d’entraînement pour devenir un
expert dans un domaine. Mais l’entraînement, à lui seul, ne suffit pas. En
effet, une étude montre que le temps d’entraînement n’explique en moyenne
que seulement 26 % de la variance de performance observée entre les
individus 11. Cela ne signifie pas que l’entraînement n’est pas important pour
maîtriser une habileté, mais plutôt que d’autres facteurs sont également en
jeu, incluant le niveau initial de compétence et d’habileté de l’individu
avant l’entraînement, et la façon dont l’entraînement est mené. Par exemple,
jouer de la guitare pendant 10 000 heures ne rend pas nécessairement
excellent à la guitare si ces 10 000 heures sont consacrées à répéter de
mauvaises techniques et ne mettent pas à profit des stratégies pour
optimiser l’efficacité de l’entraînement et son impact sur le cerveau.

Comment mettre en application


le principe d’activation neuronale
répétée ?
Pour activer à plusieurs reprises les neurones liés à un apprentissage,
plusieurs stratégies peuvent être utilisées. Quatre stratégies sont
particulièrement utiles ici : planifier plusieurs moments d’activation ; éviter
les entraînements prolongés portant sur le même sujet ; continuer les
entraînements même après l’atteinte de l’objectif visé pour réaliser un
surapprentissage ; enfin, éviter d’activer une erreur de façon répétée.

Planifiez plusieurs moments d’activation


Une des stratégies les plus importantes pour mettre en application le
principe d’activation neuronale répétée est de prévoir plusieurs moments où
les neurones liés à l’apprentissage visé pourront s’activer. En effet, que l’on
soit un enseignant, un formateur en entreprise, un étudiant ou un parent
souhaitant aider son enfant dans les leçons et les devoirs, il faut toujours
prévoir un bon nombre d’activités où les neurones liés à un apprentissage
pourront s’activer afin de renforcer les connexions neuronales, diminuer
l’activité du cortex préfrontal, consolider les apprentissages et réduire
l’oubli.
Bien entendu, il est préférable de planifier des activités impliquant des
approches actives où l’apprenant doit nécessairement activer ses neurones
pour « produire » quelque chose, par opposition aux approches passives qui
requièrent seulement de lire ou d’écouter – le terme « produire » est utilisé
ici au sens large et ne se limite pas à la fabrication d’un objet physique,
mais vaut de façon plus générale pour toute émission de réponse : répondre
à une question, expliquer une démarche ou un phénomène, faire un schéma,
résoudre un problème, se rappeler une définition, etc.
Le plus important pour favoriser l’apprentissage et le développement de
réseaux de neurones n’est pas la durée des activités d’apprentissage, mais le
nombre, l’intensité et la durée des activations qui auront lieu lors de ces
activités. Si une activité demande plusieurs minutes et que, durant cette
période, les neurones liés à l’apprentissage visé ne s’activent qu’une seule
fois, elle ne sera probablement pas la plus efficace pour favoriser
l’apprentissage. Par exemple, si l’objectif d’apprentissage visé est
d’apprendre les tables de multiplication (par exemple, savoir que 7 × 8
= 56), un exercice nécessitant de résoudre un problème mathématique
complexe, impliquant plusieurs étapes et nécessitant beaucoup de temps, ne
sera peut-être pas le plus efficace pour apprendre que 7 × 8 = 56, si ce fait
arithmétique n’est activé qu’une seule fois durant tout le processus de
résolution de problème.
C’est l’un des défis posés par les activités d’apprentissage ayant recours
à des problèmes ou à des situations complexes : comment s’assurer que
l’apprenant active plusieurs fois les neurones associés à un apprentissage
pendant ce type d’activités ? Généralement, dans un problème ou une
situation complexe, l’apprenant doit d’abord comprendre le problème ou la
situation dont il est question pour ensuite chercher une façon d’utiliser ses
connaissances ou son habileté pour résoudre un problème. Si la
compréhension de la situation demande beaucoup de temps et d’effort et
que, conséquemment, moins de temps et d’effort sont alloués à l’activation
directe de l’apprentissage visé, alors cette approche n’est sans doute pas la
plus efficace.
Bien que le recours à des situations complexes soit à éviter au début de
l’apprentissage et dans la phase de consolidation des apprentissages, cette
approche comporte toutefois certains avantages. En effet, soumettre un
apprenant à une situation complexe peut être un moyen de vérifier s’il est
capable d’utiliser et de transférer ses apprentissages à des situations
nécessitant de comprendre et de prendre en compte plus d’éléments – c’est-
à-dire à des situations impliquant une charge cognitive élevée. Cependant,
ce n’est sans doute pas le meilleur moyen pour favoriser l’apprentissage et
les réseaux neuronaux qui les sous-tendent. En conséquence, il est
préférable de ne pas recourir fréquemment à des situations complexes lors
des premières étapes d’un apprentissage, et ce même pour apprendre à
réaliser des tâches complexes qui nécessitent de développer des
compétences.
En plus d’éviter de recourir fréquemment à des situations complexes, il
faut également faire preuve de retenue dans l’utilisation d’approches
d’apprentissage par la découverte, par exemple lorsqu’un apprenant doit
découvrir lui-même une définition, une règle ou une procédure. L’utilisation
d’une pédagogie par la découverte peut mener l’élève à consacrer plus de
temps à explorer et chercher qu’à activer les neurones liés à l’apprentissage
visé. Cette conclusion suggérant de limiter l’utilisation d’une pédagogie par
la découverte peut paraître contre-intuitive, en particulier pour les
enseignants, puisqu’il est souvent soutenu en éducation que les
connaissances ou les stratégies qui ont été découvertes sont mieux
intégrées, comprises et retenues par les apprenants. Pourtant, les approches
d’apprentissage plus directes ou explicites sont généralement reconnues
comme étant plus efficaces 12 comparativement aux approches moins
directives et davantage axées sur la découverte.

Évitez l’entraînement prolongé


L’importance d’activer à plusieurs reprises les neurones liés à un
apprentissage peut laisser entendre qu’il est préférable d’utiliser des
activités d’apprentissage longues et répétitives pour apprendre. Ce n’est pas
le cas, car, en fait, il est préférable d’éviter d’utiliser de longues activités
répétitives. L’activation neuronale répétée n’est pas synonyme d’activités
d’apprentissage très répétitives, puisque le cerveau se désactive
généralement lorsque les activations sont trop rapprochées pendant trop
longtemps : c’est ce qu’on appelle la repetition suppression, c’est-à-dire la
réduction progressive de l’activité cérébrale d’un groupe de neurones
impliqué dans une tâche à cause de l’activation répétée du même groupe de
neurones. Ce phénomène de réduction de l’activation, similaire à une
désensibilisation, doit être pris en compte pour éviter de consacrer du temps
à des activités d’apprentissage qui ne contribueront pas de façon efficace à
la construction et à la consolidation des réseaux de neurones.
En conséquence, il est important de ne pas s’entraîner trop longtemps de
la même façon. Si le même type d’exercices ou d’activités est utilisé
pendant longtemps, le cerveau se désactive progressivement, et ce même si
on continue à s’exercer, rendant ainsi inefficace, ou moins efficace, le temps
consacré à un apprentissage.
Il n’est pas possible de déterminer précisément après combien de temps
ou de répétitions le cerveau se désactive, d’abord, parce que cette
désactivation se fait progressivement, mais aussi parce que cela dépend du
degré de consolidation de l’apprentissage visé. De façon générale, lorsqu’un
type d’exercices devient facile, il est préférable d’arrêter les exercices en
cours. Il faut alors remettre à plus tard les exercices restants ou changer le
type d’exercices – en changeant le type de questions ou le contexte dans
lequel les questions sont posées – à condition qu’il ne soit pas trop facile à
réaliser. Il faut en effet que les exercices demeurent relativement difficiles
pour que l’effet des exercices sur le cerveau se manifeste. Le fait qu’il soit
important de ne pas s’entraîner trop longtemps amène à poser la question de
l’espacement des périodes d’apprentissage (voir chapitre 5).
La raison pour laquelle il faut éviter de s’entraîner longtemps est donc
liée à l’effet d’habituation qui mène à une suppression de l’activité
cérébrale, et non à la fatigue. En effet, bien qu’il soit juste de penser que la
fatigue puisse réduire nos capacités cognitives – les effets du sommeil sur la
cognition et l’apprentissage en sont sans doute l’une des manifestations les
plus connues –, il ne semble pas qu’il y ait, contrairement à ce que l’on
pourrait croire, une période de temps précise après laquelle il n’est plus
possible d’apprendre et être attentif. Une recension des écrits scientifiques 13
à ce sujet suggère d’ailleurs que la durée maximale d’attention des étudiants
dans un cours universitaire n’est pas fixe et dépend, notamment, de
l’enseignant et de sa façon de maintenir l’intérêt. La durée d’attention ne
serait donc pas fixée par une limite spécifique et universelle du système
cérébral – par exemple, 10 ou 15 minutes.

Réalisez un surapprentissage
S’il est vrai qu’il est préférable d’éviter de s’entraîner trop longtemps de
la même façon pour éviter l’habituation et la réduction de l’activité
cérébrale, cela ne signifie pas qu’il faille arrêter tout entraînement dès
qu’une notion est maîtrisée. Il en a été question précédemment :
l’apprentissage n’est pas une dichotomie. Il y a tout un continuum entre le
non-apprentissage et l’apprentissage complet. La réussite d’une tâche
n’indique pas que l’apprentissage est terminé. Même après avoir créé
suffisamment de connexions neuronales pour réussir une tâche, les neurones
liés à cette tâche peuvent continuer à se renforcer. On parle alors de
surapprentissage.
Le surapprentissage réalisé en continuant à s’entraîner même après
avoir atteint l’objectif poursuivi a des effets bénéfiques notables. Prenons
l’exemple de l’apprentissage du jonglage. Au début de l’entraînement, il est
impossible de jongler correctement. Progressivement, des réseaux de
neurones se développent, ce qui rend possible la jonglerie. Même si une
personne est capable de jongler, la poursuite de l’entraînement n’est pas
inutile, car elle mène à un plus grand renforcement des réseaux de neurones
liés à cet apprentissage.
Le surapprentissage possède conséquemment au moins deux avantages.
Le premier avantage est une réduction de la charge cérébrale nécessaire à
l’accomplissement d’une tâche qui permet de réduire les chances d’être
dans un état de surcharge cérébrale, ce qui est particulièrement nuisible à
l’apprentissage. Le deuxième avantage du surapprentissage est la réduction
de l’oubli et l’augmentation de la rétention 14 causées par la stabilisation des
connexions neuronales, les rendant moins susceptibles de s’affaiblir à cause
de nouveaux apprentissages et de l’établissement de nouvelles connexions
neuronales 15. Pour toutes ces raisons, il faut prévoir des moments
d’activation des neurones, même après l’atteinte de l’objectif
d’apprentissage visé.

Évitez la répétition d’une erreur


Puisque les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble, il
faut faire particulièrement attention à ne pas répéter la même erreur
plusieurs fois, car les neurones associés à cette erreur peuvent renforcer
leurs connexions, augmentant ainsi la probabilité que l’erreur soit répétée.
Si une erreur est répétée, il devient alors plus difficile de la corriger.
Les personnes qui apprennent à jouer du piano le savent bien : une
erreur répétée et automatisée peut devenir particulièrement difficile à
corriger. Lorsqu’on joue une mélodie au piano pour la première fois, il est
donc préférable de la jouer lentement pour éviter de commettre une erreur
sans s’en rendre compte. En plus de réduire la vitesse d’exécution d’une
tâche au début de l’apprentissage, il est souhaitable de chercher à
maximiser les possibilités de rétroaction afin d’être averti le plus tôt
possible si une erreur est commise (voir chapitre 6). Bien que l’erreur soit à
éviter, il ne faut pas pour autant la percevoir négativement (voir aussi
chapitre 7).
Mentionnons, pour terminer, qu’il existe des situations où les erreurs
peuvent être particulièrement difficiles à éviter, car elles reposent sur des
automatismes associés à des réseaux de neurones qui sont déjà fortement
consolidés, avant même le début de l’apprentissage. Pour ce type
d’apprentissage, il faut non seulement apprendre de nouvelles choses, mais
il faut également apprendre à désapprendre ou apprendre à contrôler un
automatisme.
En somme…
L’activation neuronale répétée est essentielle dans la plupart des apprentissages
pour renforcer les connexions neuronales ; elle constitue le deuxième principe
neuroéducatif ici. Le renforcement des connexions neuronales permet en effet de
réduire l’activité du cortex préfrontal – ce qui peut être est un indicateur qu’une
tâche devient plus facile et surcharge moins le cerveau –, de consolider
l’apprentissage et réduire l’oubli.
La principale stratégie pour mettre en application ce principe est de planifier
plusieurs moments d’activation, c’est-à-dire de planifier plusieurs activités où il faut
« produire » quelque chose (une réponse, un schéma, etc.). Il faut cependant
éviter d’avoir recours à des activités demandant beaucoup de temps qui ne soit
pas consacré à l’activation des réseaux de neurones liés à l’apprentissage visé,
comme le font parfois les activités reposant sur l’analyse de situations complexes
ou sur un apprentissage par la découverte. Lors de la planification des activités, il
faut également éviter que les entraînements soient trop longs, répétitifs et faciles,
ce qui diminue l’activation du cerveau et conséquemment les bénéfices sur le
renforcement des connexions cérébrales. Il faut finalement planifier suffisamment
de moments d’activation pour atteindre un surapprentissage et éviter, autant que
possible, que des erreurs soient commises et répétées durant les activités
d’apprentissage.
Figure 15. Il faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé à plusieurs reprises pour renforcer les
connexions neuronales, pour diminuer l’activité du cortex préfrontal et la charge cérébrale, ainsi que pour
consolider l’apprentissage et réduire l’oubli. Pour y arriver, il faut planifier plusieurs moments où des
neurones seront activés pour atteindre un surapprentissage, tout en évitant de s’entraîner trop longtemps
et de répéter une erreur.
CHAPITRE 3

Entraînez la récupération
en mémoire

L’entraînement à la récupération en mémoire est l’un des exercices les


plus efficaces pour faciliter l’apprentissage. Il a été étudié depuis plusieurs
années en psychologie cognitive et les mécanismes cérébraux sous-jacents à
son efficacité sont de mieux en mieux connus. Qu’est-ce exactement que
l’entraînement à la récupération en mémoire ? Lors de l’apprentissage, les
connexions des neurones du cerveau changent. Au niveau cognitif, on dit
alors que la mémoire à long terme change. Le contenu de la mémoire à long
terme n’est pas toujours présent à l’esprit : il faut récupérer en mémoire une
information pour qu’elle devienne consciente et utilisable. Par exemple, s’il
faut calculer l’aire d’un cercle, l’information selon laquelle l’aire est égale à
une constante (π) multipliée par la longueur du rayon au carré doit être
récupérée en mémoire. Cette connaissance n’était pas présente à l’esprit
avant qu’elle soit réactivée. Il a donc fallu la récupérer. L’entraînement à la
récupération en mémoire (retrieval practice) consiste à récupérer en
mémoire, c’est-à-dire à faire l’effort de se souvenir d’une connaissance à
plusieurs reprises.
Pourquoi faut-il entraîner la récupération
en mémoire ?
Au moins trois raisons justifient la pertinence de l’entraînement à la
récupération en mémoire : ce type d’exercices permet de mettre en
application les principes neuroéducatifs d’activation neuronale et
d’activation neuronale répétée de façon particulièrement efficace, il
provoque une plus grande activation de certaines régions cérébrales
associées à une meilleure rétention de l’information et, enfin, il mène à une
amélioration significative de l’apprentissage.

Pour mettre en application les principes


d’activation et d’activation répétée
L’entraînement à la récupération en mémoire est d’abord un outil
particulièrement efficace pour mettre en application les deux principes vus
précédemment. Il peut en effet contribuer à l’activation des neurones liés à
l’apprentissage visé (voir chapitre 1), puisque récupérer en mémoire, c’est
réactiver les neurones associés à un apprentissage. De plus, contrairement
aux approches passives, comme écouter ou lire, la récupération en mémoire
oblige l’apprenant à activer ses neurones.
L’entraînement à la récupération en mémoire est également un outil
particulièrement puissant pour favoriser l’activation répétée de neurones
(voir chapitre 2). Chaque récupération en mémoire est en fait une
réactivation. Lors de l’entraînement à la récupération en mémoire, chaque
fois qu’une connaissance est récupérée, les neurones s’activent. En
conséquence, plus on récupère, plus on active de façon répétée les neurones
et plus on consolide les connexions neuronales.
Évidemment, comme pour tout exercice d’activation neuronale répétée,
il faut éviter que les entraînements soient trop longs et trop répétitifs, car
cela peut causer un effet d’habituation qui mènera plutôt à une suppression
de l’activité des neurones. Cela dit, l’entraînement à la récupération en
mémoire demeure une excellente façon de favoriser l’activation neuronale
répétée.

Pour activer des régions cérébrales


importantes dans l’apprentissage
En plus de permettre d’activer les neurones liés à un apprentissage à
plusieurs reprises et ainsi contribuer à l’établissement et au renforcement
des réseaux de neurones, l’entraînement à la récupération en mémoire
comporte aussi des avantages plus spécifiques.
Une recherche 1 a, par exemple, montré que l’activité cérébrale
engendrée par l’entraînement à la récupération en mémoire est plus grande
dans le cortex préfrontal ventro-latéral et dans l’hippocampe (voir
figure 16) que celle provoquée par l’étude, c’est-à-dire par la lecture et la
relecture de l’information à apprendre. À l’opposé, l’activité cérébrale
engendrée par l’étude est, quant à elle, plus élevée dans le précuneus et
d’autres régions qui sont généralement associés au « mode par défaut » du
cerveau. Ces régions du mode par défaut s’activent généralement
lorsqu’une personne n’a aucune tâche spécifique à accomplir et que sa
pensée erre dans différentes directions.
L’activation plus grande du mode par défaut du cerveau pour l’étude
n’est évidemment pas un gage d’apprentissage réussi. Au contraire, cela
laisse entendre une certaine passivité ou un certain état de distraction, ce qui
selon toute vraisemblance ne contribue pas positivement à l’apprentissage.
En contrepartie, l’activation du cortex préfrontal ventro-latéral et de
l’hippocampe est très positive. En effet, il a déjà été démontré qu’une plus
grande activation de ces deux régions est associée à une plus grande
rétention de l’information 2. Autrement dit, plus ces deux régions cérébrales
s’activent au moment du traitement de l’information à apprendre, plus une
personne a de chances de se souvenir de l’information plus tard.

Figure 16. Le cortex préfrontal ventro-latéral et l’hippocampe sont deux régions cérébrales
qui s’activent davantage lors de l’entraînement à la récupération en mémoire que lors de
l’étude. Ces deux régions sont connues pour jouer un rôle dans l’encodage efficace des
informations. La zone pointillée blanche au centre de la figure indique que l’hippocampe ne
se situe pas à la surface du cerveau, mais à l’intérieur (à mi-chemin entre le centre du
cerveau et la surface) (d’après Vestergren et al., 2014).

Pour améliorer significativement


l’apprentissage
Un nombre impressionnant d’études de grande qualité démontre
l’efficacité de l’entraînement à la récupération en mémoire 3, ce qui fait du
principe de récupération en mémoire l’un des plus solidement appuyés par
la recherche.
La figure 17 montre quelques-uns des effets positifs de l’entraînement à
la récupération en mémoire 4. Le graphique A fait voir l’évolution du
pourcentage d’éléments correctement rappelés en fonction du nombre de
tests. Chaque test étant un entraînement à la récupération en mémoire, ce
graphique établit donc que plus le nombre d’entraînements à la récupération
est élevé, plus le nombre d’éléments retenu est également élevé. On observe
également sur le graphique A que le pourcentage de rappel en mémoire
augmente d’abord de façon relativement constante (d’environ 15 % après
chaque période de récupération en mémoire) et que, ensuite, en approchant
d’un taux de 100 % de rappel, le gain entre chaque période d’entraînement
diminue progressivement.
Figure 17. Le nombre de récupérations en mémoire est lié au taux de réussite et au niveau
de rétention de l’information. Le graphique A montre que le pourcentage de rappel évolue
en fonction du nombre de tests ou de périodes de récupération en mémoire, tandis que le
graphique B montre que la probabilité de se rappeler dans une semaine des éléments
appris augmente en fonction du nombre de récupérations réussies (d’après Ericksson et al.,
2011).

Une autre caractéristique du graphique A mérite d’être soulignée :


l’écart entre les individus diminue en fonction du nombre d’entraînements.
En effet, dans ce graphique, les barres verticales en haut et en bas de chaque
point donnent un aperçu de la variance du pourcentage de rappel d’un
individu à l’autre. Plus les barres sont longues, plus les pourcentages de
rappel sont différents d’une personne à l’autre. De façon générale, on
observe une diminution de la longueur des lignes verticales en fonction du
nombre de tests. Pour le dire autrement, plus il y a de tests ou de périodes
de récupération en mémoire, plus le pourcentage de rappel des apprenants
plus faibles rejoint celui des apprenants plus forts. Basé sur ces résultats, il
semblerait que l’entraînement à la récupération en mémoire permet de
favoriser la réussite de tous, y compris les apprenants ayant plus de
difficulté.
Le graphique B de la figure 17 établit un autre avantage : le nombre de
récupérations réussies est lié à une probabilité plus grande de rappel, et ce,
même une semaine après la dernière récupération en mémoire. Ainsi, plus
on s’entraîne à récupérer en mémoire, plus grandes sont les chances de s’en
souvenir à plus long terme.
En plus de s’intéresser à l’effet du nombre de récupérations en mémoire
sur l’apprentissage, des chercheurs ont également évalué l’efficacité relative
de l’entraînement de la récupération en mémoire par rapport à d’autres
types d’activités. La figure 18 présente les résultats d’une étude 5 ayant
comparé l’efficacité de l’entraînement à la récupération en mémoire par
rapport à l’étude. Les participants à cette recherche ont été répartis en trois
groupes ayant chacun huit périodes d’apprentissage : le premier groupe
avait huit périodes pour étudier, le deuxième groupe avait six périodes
d’étude, car deux périodes étaient des périodes de test où la récupération en
mémoire était requise pour répondre aux questions et le troisième groupe
avait autant de tests que de périodes d’étude (quatre périodes d’étude et
quatre tests).
Les résultats de cette recherche sont clairs : le fait d’avoir plus de tests
et donc plus d’entraînement à la récupération en mémoire augmente
significativement la réussite. Les personnes ayant eu seulement des
périodes d’étude ont en moyenne un taux de rappel de seulement 17 %.
Ceux qui ont eu deux tests (et six périodes d’étude) ont mieux réussi avec
un résultat moyen de 25 %. Et finalement, ceux qui ont bénéficié du plus
grand nombre de tests (quatre tests et quatre périodes d’étude) sont ceux qui
ont le mieux réussi avec un taux moyen de rappel de 39 %.
Bien que plusieurs recherches aient comparé l’efficacité de
l’entraînement à la récupération en mémoire à celle des périodes d’étude,
certains chercheurs ont examiné d’autres comparaisons, notamment
l’efficacité de la récupération en mémoire par rapport à la réalisation de
cartes conceptuelles. Ces études montrent que l’entraînement à la
récupération en mémoire est en général plus efficace, et ce même pour des
questions relativement complexes de compréhension qui nécessitent de
faire des inférences 6.

Figure 18. L’entraînement à la récupération en mémoire (par exemple, à l’aide de tests) est
plus efficace que l’étude. Le graphique ci-dessous montre bien que le nombre de tests
accomplis est plus important que le nombre de périodes d’étude. En effet, le taux de
réussite est plus élevé chez les personnes ayant passé deux ou quatre tests, même si le
nombre de périodes d’étude est proportionnellement réduit (d’après Zaromb et Roediger,
2010).

La grande efficacité de l’entraînement à la récupération en mémoire a


été confirmée par une méta-analyse portant sur 118 articles scientifiques
présentant en tout 217 expériences et 272 comparaisons indépendantes. La
distribution de l’ampleur de l’effet mesuré dans ces études est présentée à la
figure 19. Rappelons que l’ampleur de l’effet est une mesure statistique du
degré d’efficacité d’une approche.
On remarque que la plupart des études montrent une ampleur de l’effet
de l’entraînement à la récupération nettement supérieure à 0,4 – qui est
l’ampleur moyenne de l’effet des facteurs pouvant influencer
l’apprentissage. L’ampleur moyenne de l’effet mesuré est de 0,74, ce qui
suggère que la récupération en mémoire est une approche particulièrement
efficace pour améliorer l’apprentissage.
La méta-analyse révèle également que le recours à des formats variés de
questions pour la pratique de la récupération en mémoire – c’est-à-dire
l’utilisation de questions à choix de réponses, à réponses courtes, etc. – rend
cette approche encore plus efficace. De plus, il est intéressant de noter que
l’ampleur de l’effet est aussi élevée pour les études réalisées en classe que
pour celles réalisées en laboratoire et que les élèves de tous les niveaux
d’enseignement profitent d’entraînements à la récupération en mémoire,
bien que les élèves du secondaire semblent en profiter davantage (ampleur :
0,83) que les élèves du primaire (ampleur : 0,64) et du postsecondaire
(ampleur : 0,60).
Figure 19. L’entraînement à la récupération en mémoire a un effet considérable sur la
réussite. Ce graphique montre que la très grande majorité des recherches ayant étudié les
effets de l’entraînement à la récupération en mémoire ou de l’utilisation de tests obtient une
ampleur de l’effet élevée. L’ampleur moyenne de l’effet est de 0,74 (d’après Adescope,
Trevisan et Sundararajan, 2017).

Comment mettre en application le principe


de récupération en mémoire ?
Pour mettre en application le principe de récupération en mémoire,
plusieurs stratégies sont possibles. Puisque l’entraînement à la récupération
en mémoire est une forme d’activation neuronale répétée, toutes les
stratégies de mise en application du principe d’activation neuronale répétée
sont applicables. Il faut planifier plusieurs moments de récupération, tout en
évitant de s’entraîner trop longtemps chaque fois pour éviter l’effet
d’habituation causant la réduction de l’activité cérébrale. En effet, lorsque
l’entraînement est long et que la récupération en mémoire devient trop
facile au cours d’un entraînement, il est préférable de prendre une pause et
de recommencer plus tard. Cela dit, il ne faut pas en conclure que
l’apprentissage est terminé dès que la récupération en mémoire se fait
aisément, car, comme nous l’avons vu, il est préférable de faire un
surapprentissage pour consolider l’apprentissage et les réseaux de neurones.
Finalement, il faut également faire attention de ne pas s’entraîner à
récupérer en mémoire une information incorrecte, ce qui aurait pour effet de
consolider l’erreur et d’augmenter la probabilité qu’elle soit commise à
nouveau (voir chapitre 6).
Lors de la mise en application de ces stratégies, il faut insister sur
l’importance de conserver un équilibre entre le degré de difficulté de la
récupération en mémoire et le risque que l’apprenant commette une erreur
lors du processus de récupération. En effet, il faut que la récupération en
mémoire soit relativement difficile pour activer les neurones et être efficace,
mais pas difficile au point d’augmenter significativement le risque d’erreur.
En plus des stratégies s’appliquant à la fois au principe d’activation
neuronale répétée et au principe de récupération en mémoire, il existe des
stratégies spécifiques à l’entraînement à la récupération en mémoire. Ces
stratégies ont pour objectif de maximiser l’efficacité des moments de
récupération en mémoire. Faire fréquemment des tests, répondre souvent à
des questions, laisser du temps pour récupérer en mémoire et donner des
indices font partie de ces stratégies.

Faites fréquemment des tests


L’une des stratégies les plus efficaces pour mettre en application le
principe de récupération en mémoire est de faire fréquemment des tests, car
ces derniers impliquent de récupérer en mémoire pour répondre. Cette
stratégie est si importante que l’efficacité de l’entraînement à la
récupération se nomme souvent l’effet de test (testing effect).
L’utilisation fréquente de tests est souvent mal perçue en éducation. Une
compilation 7 révèle en effet qu’environ 90 % des articles publiés entre 1995
et 2000 dans trois revues axées sur les politiques éducatives (Educational
Researcher, Educational Leadership et Phi Delta Kappan) sont critiques à
l’endroit de l’utilisation de tests à l’école. De nos jours, il y a toujours de
fortes résistances lorsqu’il est question d’utiliser fréquemment des tests.
Quatre arguments sont souvent évoqués.
Le premier est que les tests créent de l’anxiété de performance chez les
jeunes. S’il est vrai que certains élèves (et certains parents !) sont anxieux
lors des périodes de tests et d’examens, est-il également vrai que
l’entraînement à la récupération en mémoire, réalisé notamment à partir de
petits tests fréquents qui ne comptent pas ou qui comptent peu dans la
moyenne globale d’un cours, contribue à augmenter l’anxiété ? La réponse
est non. En fait, il semblerait que ce soit l’inverse. Une étude 8 montre que
72 % des élèves se trouvant dans une classe où les entraînements à la
récupération en mémoire et les tests sont fréquents rapportent être moins
anxieux lors des examens. La réduction de l’anxiété est probablement due
au fait que 92 % des élèves trouvent que les entraînements à la récupération
en mémoire et les tests les aident à mieux apprendre : comme ils se sentent
plus compétents, ils craignent moins d’échouer aux examens, ce qui les
rend moins anxieux.
Un deuxième argument est d’affirmer que les étudiants n’aiment pas les
cours comportant des tests fréquents. À ce sujet, une recherche 9 montre que
48 % des étudiants sont effectivement sceptiques par rapport à l’intérêt de
faire plusieurs tests dans un cours, mais qu’après avoir été dans une classe
où il y avait un test chaque jour, ces mêmes étudiants rapportent que les
tests fréquents leur ont permis d’apprendre plus (79 %), de mieux suivre
dans le cours (91 %) et même de l’aimer davantage (77 %). D’ailleurs, s’ils
avaient le choix, les étudiants choisiraient à nouveau d’avoir un test par jour
plutôt que seulement quelques tests (67 %).
Le troisième argument contre les tests fréquents est de dire que faire
plusieurs tests demande du temps, lequel pourrait être consacré à d’autres
types d’activités d’apprentissage. Effectivement. Mais la question est de
savoir quelles seraient les activités d’apprentissage qui seraient plus
efficaces que les tests. Répondre à cette question est difficile, puisque de
nombreuses études montrent la très grande efficacité de l’entraînement à la
récupération en mémoire. L’idée n’est évidemment pas d’avoir recours
seulement à des tests et à aucun autre type d’activités. Cela dit, ce serait une
erreur de mettre de côté un outil aussi efficace pour apprendre.
Le quatrième et dernier argument, souvent évoqué contre les tests, est
que l’utilisation fréquente des tests mène à un apprentissage par cœur ou à
un apprentissage seulement pour l’examen, ce qui est superficiel et qui ne
mène pas à une réelle compréhension. À ce sujet, des études 10 montrent, au
contraire, que la passation fréquente de tests peut, au moins dans certains
cas, mener à une meilleure compréhension et à un meilleur transfert.
D’ailleurs, une forte consolidation des connaissances et l’aisance à
récupérer facilement l’information en mémoire peuvent contribuer à une
réduction de la charge cérébrale et faciliter l’apprentissage de tâches
complexes.
Il est probable qu’une bonne partie des résistances à l’égard de
l’utilisation fréquente de tests découle du fait que peu de personnes
connaissent suffisamment leurs effets bénéfiques élevés et documentés sur
l’apprentissage. Une étude menée dans mon laboratoire a d’ailleurs montré
que l’efficacité reconnue des tests dans l’apprentissage est l’une des
connaissances pédagogiques les moins connues des enseignants, puisque
seulement 37 % de ceux-ci croient à l’efficacité des tests pour activer des
régions cérébrales importantes à l’apprentissage 11.
Lorsqu’on n’a pas conscience de la grande efficacité des tests pour
apprendre, il est facile de penser qu’ils sont seulement, ou surtout, un outil
pour évaluer, noter, classer et sanctionner les élèves. Un changement de
paradigme est nécessaire : il faut percevoir les tests et les examens comme
faisant partie intégrante du processus d’apprentissage et non pas
uniquement comme un outil permettant de vérifier la réussite des
apprentissages.
Évidemment, il faut tout de même faire preuve de jugement dans
l’utilisation des tests et tenter d’en varier le format et les questions qui les
composent. Cette variation mène à un plus grand apprentissage et on peut
penser que cela favorise le transfert. Il faut aussi éviter de récupérer en
mémoire des erreurs pour ne pas les renforcer et, donc, éviter les questions
auxquelles l’apprenant n’est pas préparé et où le risque de se tromper est
élevé. En outre, comme il n’est pas possible d’éviter toute erreur, il faut
idéalement obtenir rapidement une rétroaction permettant de corriger le tir
si une erreur a été commise dans un test.
Un dernier élément à prendre en considération dans le choix et la
planification des tests est d’éviter de récupérer en mémoire à plusieurs
reprises certaines connaissances et rarement d’autres. Il faut donc équilibrer
les contenus impliqués dans la récupération en mémoire. La raison en est
que les éléments souvent récupérés peuvent devenir si prédominants dans la
mémoire et si faciles à récupérer que les autres éléments, moins souvent
récupérés et moins consolidés, deviennent moins prédominants et donc plus
difficiles à récupérer ou même soient oubliés 12. Cela peut être
particulièrement problématique lors de situations où deux connaissances
sont en compétition pour expliquer un phénomène, ou pour résoudre un
problème. En effet, si une connaissance est très consolidée, elle peut
s’activer spontanément même si elle n’est pas pertinente à la réalisation de
la tâche demandée, ce qui peut évidemment nuire à l’activation d’une
connaissance pertinente.
Somme toute, comme les tests sont particulièrement efficaces, les
enseignants et les formateurs devraient les utiliser fréquemment. Utiliser
plusieurs courts tests qui comptent peu ou pas dans l’évaluation finale peut
être une stratégie pédagogique particulièrement utile, d’autant plus que ces
tests donnent également la chance à l’enseignant de savoir où en sont
exactement les élèves dans leur apprentissage et d’ajuster leur enseignement
en conséquence.
Les étudiants (et les parents qui aident leurs enfants dans leurs devoirs
et leçons) devraient également avoir recours fréquemment aux tests pour
favoriser les apprentissages et optimiser l’étude. Refaire des tests ou des
exercices est une stratégie de révision particulièrement efficace. Si des tests
ne sont pas disponibles, on peut en créer un. Tout cela, en s’assurant qu’il
existe un équilibre entre les contenus, qu’une rétroaction sur les réponses
fournies est disponible et que le format des questions est varié.

Répondez souvent à des questions


Chaque fois qu’il faut répondre à une question et que la réponse
nécessite d’utiliser une connaissance stockée dans la mémoire à long terme,
il y a récupération en mémoire. Il est donc crucial aussi de multiplier les
moments où il faut répondre à des questions et de ne pas se limiter aux seuls
moments où l’on répond aux questions d’un test.
L’un des contextes où cette stratégie est la plus négligée est l’étude. En
effet, une recherche 13 montre que seulement 10 % des étudiants rapportent
étudier en s’entraînant à récupérer en mémoire et en se posant des
questions, et à peine plus de 1 % affirment qu’il s’agit de leur stratégie
d’étude la plus fréquemment utilisée. En contrepartie, 84 % des étudiants
rapportent utiliser la relecture de leurs notes de cours ou de leur manuel
comme stratégie d’étude et 55 % des étudiants rapportent même que la
relecture est leur stratégie d’étude la plus fréquemment utilisée, alors qu’il
s’agit pourtant d’une des stratégies d’étude les moins efficaces 14.
Ces données suggèrent qu’il est possible d’améliorer significativement
l’efficacité des stratégies d’étude des apprenants. Au lieu de relire ses notes
de cours, l’étudiant devrait masquer ses notes et s’autoquestionner sur le
contenu, en essayant de se souvenir du contenu d’un cours, notamment en
répondant à ses propres questions. S’il ne se rappelle rien, ou très peu de
chose, l’étudiant doit alors bien sûr relire ses notes, mais il doit ensuite
essayer à nouveau de s’en souvenir sans les regarder. Il peut aussi créer des
fiches d’étude, avec une question au recto et la réponse au verso, et
s’entraîner à répondre aux questions présentes dans les fiches. Il existe
même des applications informatiques pour créer rapidement des fiches
d’étude virtuelles. Faire ce travail de récupération en mémoire à quelques
reprises rendra les réseaux de neurones liés aux connaissances à apprendre
de plus en plus consolidés et faciles à réactiver.
Lorsqu’un élève du primaire doit apprendre l’orthographe de nouveaux
mots de vocabulaire, la stratégie est la même. Au lieu de relire les mots de
vocabulaire ou de les retranscrire par la copie, mieux vaut qu’il se demande
comment s’écrit tel ou tel mot et faire l’effort de tenter de récupérer en
mémoire la façon d’écrire le mot sans le voir. Un parent ou un collègue de
classe peut lui lire le mot qu’il doit orthographier correctement, mais si
personne n’est disponible pour l’aider, il peut enregistrer sa voix, nommant
chacun des mots à apprendre, et faire ensuite jouer cet enregistrement pour
savoir quel mot écrire.
À la place de relire la solution à un problème, l’étudiant a intérêt à
refaire le problème ou chercher à se rappeler, sans regarder la solution, la
démarche ou les connaissances requises pour résoudre le problème (en se
posant la question « comment peut-on résoudre ce problème ? »). Encore
une fois, s’il ne s’en souvient pas, il doit regarder la solution, mais il doit
ensuite chercher à nouveau à s’en souvenir sans regarder.
Après avoir lu un texte, il peut également s’autoquestionner sur le
contenu : de quoi parlait le texte ? Quels étaient les principaux points
abordés ? Quelle est la conclusion ? Si l’étudiant n’arrive pas à répondre
aux questions, il doit relire le texte, puis tenter à nouveau d’y répondre.
Cette stratégie de poser des questions peut même être utilisée par les
parents pour l’apprentissage de la vie quotidienne. Au lieu de dire à un
enfant de se laver, de brosser ses dents et de ranger ses vêtements, on peut
lui demander ce qu’il doit faire pour la routine du soir. L’enfant doit alors
récupérer en mémoire les éléments et le séquençage de ces éléments. Ce
travail de récupération en mémoire pourra ainsi renforcer sa connaissance
des tâches à effectuer avant d’aller se coucher.
Outre les parents, les enseignants devraient également poser
constamment des questions à leurs élèves, non seulement pour vérifier leur
compréhension, mais aussi pour qu’ils s’entraînent à récupérer en mémoire
l’information.
Une intéressante façon de poser des questions en s’assurant que tous les
élèvent font ce travail de récupération en mémoire – et pas seulement les
quelques élèves qui lèvent la main pour répondre – est d’utiliser une
application informatique qui recueille les réponses de chaque élève.
Typiquement, un enseignant fournit quelques questions à la base de données
d’un site Web. Ces questions sont ensuite présentées une à la fois sur un
écran devant la classe et les élèves répondent aux questions, tous en même
temps, à l’aide d’une tablette électronique, d’un téléphone intelligent ou
d’une manette dédiée à cette fin. Les réponses de tous les élèves sont alors
compilées automatiquement après chaque question et présentées à l’écran
devant la classe, ce qui permet à l’enseignant de faire une rétroaction rapide
sur les réponses fournies. Si la technologie n’est pas disponible en classe,
on peut également inventer un système tout simple où chaque élève détient
quatre bouts de papier de différentes couleurs, ou comportant différentes
lettres (A, B, C et D), qui correspondent au choix de réponses fournies.
L’élève doit alors lever le bout de papier correspondant à sa réponse.
Même dans la vie de tous les jours et au travail, il est possible d’utiliser
cette stratégie qui consiste à se poser des questions à soi-même pour s’en
souvenir plus tard. Lors d’une discussion, on peut reformuler ce qui vient
d’être dit et demander à son interlocuteur s’il est d’accord avec la
reformulation. On peut également poser des questions à son interlocuteur
pour vérifier la compréhension de son message. Le fait de poser des
questions implique d’utiliser ce qui vient tout juste d’être dit, ce qui est
aussi une forme de récupération en mémoire. Si une personne essaie de
nous apprendre une procédure ou de nous expliquer le chemin à prendre
pour se rendre à un certain endroit, on peut faire l’effort de redire les étapes
à franchir, d’une part pour vérifier notre compréhension, mais aussi parce
que ce travail de rappel contribuera au maintien et à la récupération de
l’information en mémoire.

Laissez du temps pour récupérer en mémoire


Lorsque les réseaux de neurones associés à de nouvelles connaissances
sont fragiles, il peut être difficile de les réactiver pour récupérer en mémoire
l’information souhaitée. La procédure de récupération en mémoire peut
alors prendre du temps. Un enseignant, un formateur ou un parent devrait
donc toujours laisser du temps après avoir posé une question. Attendre une
réponse sans rien dire et sans rien faire est parfois difficile, car le silence
peut créer un malaise, conscient ou inconscient, qui mène à parler ou à
réagir de façon non verbale pour combler le vide. Il est donc tentant de
donner tout de suite la réponse ou d’enchaîner immédiatement avec un
commentaire ou une autre question. Il faut toutefois essayer de résister à
cette tendance. Quand l’apprenant cherche dans sa tête une information, il
est préférable de ne pas intervenir. Lorsque le processus de récupération en
mémoire est difficile, il laisse une trace plus importante dans les réseaux de
neurones. Les périodes de recherche de l’information, en particulier les
périodes difficiles, ne doivent pas être interrompues.
Une synthèse 15 de plusieurs études montre d’ailleurs qu’attendre plus de
trois secondes après avoir posé une question a des effets bénéfiques sur la
capacité ultérieure de rappel, mais aussi sur la qualité et la complexité de la
réponse fournie. Un autre avantage collatéral est que l’attente permet à la
personne qui pose la question de réfléchir plus longtemps à sa prochaine
question, explication ou commentaire, ce qui améliore la qualité globale de
l’interaction.
Pendant que l’apprenant cherche une information, il faut donc éviter de
parler, mais il faut en fait éviter toute forme de distraction. Il faut
notamment éviter qu’une tierce personne, un bruit ou un événement vienne
perturber le processus de récupération en mémoire. Récupérer une
information en mémoire n’est pas un processus instantané. En effet, lorsque
l’on cherche dans sa tête, des idées ou des images s’activent les unes après
les autres. Par exemple, si on souhaite se souvenir de l’endroit où nos clés
ont été récemment déposées, il faut reconstruire ce qui s’est passé : « Où ai-
je mis mes clés ? Hier, quand je suis revenu du travail, je n’ai pas rangé mes
clés tout de suite. Qu’ai-je fait ?… Ah oui, je me souviens : je suis allé aller
vider la boîte aux lettres. Ensuite… J’ai déposé les lettres sur la petite
table… Oui, je me souviens maintenant : mes clés sont sur la petite table. »
Pour retrouver comment additionner deux fractions, le processus est
similaire : « Comment fait-on pour additionner deux fractions ?… Je me
souviens que je ne peux pas simplement additionner les deux chiffres. Que
dois-je faire ? Ah oui, je dois m’assurer que le chiffre du bas de chaque
fraction (le… dénominateur) est le même. Comment fait-on déjà pour que
le… dénominateur soit identique ?… » Comme le processus de
récupération en mémoire peut impliquer un ensemble d’étapes et
d’activations qui demandent du temps, il faut éviter les distractions qui
pourraient interrompre ou nuire à ce processus.
Cette stratégie d’attendre pour donner du temps au processus de
récupération en mémoire de se dérouler s’applique également à l’étudiant et
à toute personne souhaitant apprendre : il doit se laisser du temps pour
récupérer en mémoire et se placer dans un environnement favorable à cette
récupération. Il doit donc éviter les sources de distraction et également
résister à sa tendance de chercher tout de suite une réponse dans ses notes
de cours ou ailleurs.

Donnez des indices


S’il est suggéré de laisser au moins trois secondes pour récupérer une
information en mémoire, après un certain temps de recherche infructueuse,
il est préférable d’intervenir. Lorsque la personne cesse son processus de
recherche d’information parce qu’elle n’y arrive pas, les signes de son
abandon sont souvent évidents : la personne se met à parler, à regarder vers
une autre personne ou montre clairement que son attention s’est réorientée
vers autre chose. C’est à ce moment qu’il faut réagir en tant qu’enseignant,
formateur ou parent.
Si le processus de récupération de l’apprenant échoue, un réflexe
fréquent est de lui donner tout de suite la réponse. Une approche alternative
serait plutôt de l’aider juste assez dans son processus de récupération de
l’information pour qu’il y arrive lui-même.
On peut simplement lui demander d’expliquer à quoi il pensait, ce qui
forcera pour une deuxième fois la mise en place du processus de
récupération en mémoire qui pourrait alors s’avérer fructueux. Si la
récupération n’est toujours pas réussie, on peut alors reformuler le
processus de récupération explicité précédemment par l’élève en ajoutant
des indices ou en précisant quelques éléments pour l’aider.
Une autre façon de faciliter la récupération en mémoire est de
questionner en intégrant des indices, d’abord subtils, puis de plus en plus
précis et explicites. Par exemple, si un élève ne se rappelle plus comment
additionner deux fractions, on peut d’abord lui demander si les fractions
s’additionnent de la même façon que les nombres entiers. Ensuite, on peut
lui demander ce qui est différent entre un nombre entier et une fraction.
Progressivement, on peut alors orienter son attention vers le
dénominateur en lui demandant ce que signifie ce chiffre, etc. Il s’agit donc
de fournir à l’apprenant juste assez d’indices pour faciliter l’activation des
connaissances périphériques à la connaissance à récupérer en mémoire afin
d’aider la récupération de cette dernière.
Lorsqu’on est seul pour apprendre, il peut évidemment être difficile de
se donner à soi-même des indices. Cependant, si l’information que l’on
souhaite récupérer se trouve dans les notes de cours, dans un livre ou sur
Internet, on peut simplement regarder rapidement cette source
d’information afin de retrouver seulement certains éléments de réponse
pour ensuite tenter à nouveau le processus de récupération en mémoire.
En somme…
Plusieurs raisons soutiennent le principe qui est d’activer ses neurones en
s’entraînant à récupérer en mémoire (troisième principe). D’abord, ce type
d’entraînement permet une mise en application optimale des principes d’activation
des neurones liés à l’apprentissage visé et d’activation neuronale répétée.
Ensuite, il permet une plus grande activation de l’hippocampe et du cortex
préfrontal ventro-latéral, deux régions cérébrales qui sont davantage activées
lorsque l’encodage de l’information est efficace et que l’on se souvient plus tard de
ce qui a été présenté plus tôt. Enfin, un très grand nombre d’études de grande
qualité et de méta-analyses montre que l’entraînement à la récupération en
mémoire améliore significativement l’apprentissage.
Pour s’entraîner efficacement à récupérer en mémoire, plusieurs stratégies sont
possibles. La première stratégie – la plus documentée en recherche comme étant
très efficace – est de faire souvent des tests, non pas pour noter et juger de la
réussite d’un objectif d’apprentissage, mais pour s’entraîner à récupérer en
mémoire. La deuxième stratégie est de poser et répondre souvent à des
questions, puisque chaque fois qu’il faut répondre, il faut récupérer en mémoire le
contenu nécessaire à la formulation de cette réponse. La troisième stratégie est de
laisser du temps pour ne pas interrompre le processus de récupération en
mémoire. La quatrième et dernière stratégie s’applique lorsque la récupération en
mémoire n’est pas réussie : elle consiste à donner des indices, d’abord subtils puis
plus explicites, en reformulant ce que l’apprenant vient de dire ou en lui posant
des questions pour orienter sa pensée.
Figure 20. L’entraînement à la récupération en mémoire facilite les apprentissages, parce qu’il permet non
seulement d’activer les neurones liés à un apprentissage et consolider ainsi les connexions neuronales,
mais aussi parce qu’il permet d’activer des régions cérébrales importantes dans l’apprentissage, ce qui
permet d’améliorer significativement les apprentissages. Pour s’entraîner à récupérer en mémoire, on peut
faire fréquemment des tests, répondre souvent à des questions, laisser du temps pour répondre à une
question et, si nécessaire, donner des indices.
CHAPITRE 4

Élaborez des explications

Une autre façon de rendre les activations cérébrales efficaces pour


soutenir l’apprentissage et les modifications neuronales est d’élaborer des
explications. Le principe d’élaboration consiste à expliquer de façon
détaillée un phénomène ou une démarche en établissant non seulement des
liens entre les notions à apprendre, mais aussi entre ces notions et les
connaissances antérieures. Nous allons maintenant mettre en évidence
quelques-uns des effets bénéfiques de l’élaboration d’explications, de même
que des stratégies concrètes pour mettre en application ce principe.

Pourquoi faut-il élaborer


des explications ?
Au moins trois raisons justifient le principe d’élaboration.
Premièrement, l’élaboration d’explications permet d’activer les neurones
liés à l’apprentissage et d’établir des liens entre les réseaux de neurones
existants et ceux associés au nouvel apprentissage. Deuxièmement, des
études montrent que l’élaboration d’explications mène à une plus grande
activation de régions cérébrales importantes dans l’établissement de liens
entre les connaissances. Troisièmement, il existe un nombre considérable
d’études démontrant que l’élaboration d’explications mène à de meilleurs
apprentissages, et ce, dans une variété de contextes.

Pour établir des connexions avec les réseaux


de neurones existants
L’élaboration d’explications est un type particulier de récupération en
mémoire. En effet, pour expliquer un phénomène ou une démarche, il faut
récupérer en mémoire nos connaissances et activer les neurones qui y sont
associés. En conséquence, élaborer des explications contribue à la
consolidation des connexions neuronales et à l’apprentissage, puisque les
neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble (voir chapitres 1
et 2). Élaborer des explications est donc une façon de mettre en application
les principes d’activation neuronale et de récupération en mémoire.
Cela dit, les activations associées à l’élaboration d’explications ne se
limitent pas aux neurones liés à l’apprentissage visé. En effet, expliquer
nécessite d’établir des liens entre les notions, entre les connaissances
antérieures et nouvelles et, donc, entre différents réseaux de neurones.
Expliquer, c’est donc activer de façon synchronisée un ensemble de réseaux
de neurones. Puisque les réseaux de neurones s’activent ensemble en même
temps, ces réseaux seront davantage interconnectés, ce qui augmentera les
chances qu’ils se réactivent à nouveau.
Pour comprendre ce phénomène, rappelons que les neurones s’activent
selon un principe de réaction en chaîne : des neurones s’activent, ce qui
active d’autres neurones qui eux-mêmes activeront d’autres neurones en
fonction de la force de leurs interconnexions. Le fait qu’un réseau de
neurones X renforce sa connexion à d’autres réseaux de neurones Y et Z
facilite donc sa réactivation ultérieure, puisque désormais l’activation des
réseaux Y et Z contribuera davantage à l’activation du réseau de
neurones X.
C’est sans doute en partie pour cette raison que certaines personnes sont
capables de mémoriser de façon remarquable de grandes suites aléatoires de
nombres ou de cartes. Mémoriser un ensemble d’éléments n’ayant aucun
lien entre eux est particulièrement difficile. Cependant, en imaginant que les
nombres sont en fait des personnages, des lieux et des actions, il est
possible de faciliter la mémorisation en créant des liens entre des éléments
qui a priori n’en ont aucun – par exemple, avant de mémoriser une suite de
nombres, on peut attribuer le nombre 1 à une maison, le nombre 2 à une
forêt, le nombre 3 à personnage nommé Thomas, etc. Ainsi, au lieu de
mémoriser une suite de nombres sans relation comme 7, 5, 2, 3, 9, 3, 5, 7, 1,
9 et 2, on peut plutôt mémoriser que « Simon (7) marche (5) dans la forêt
(2) avec Thomas (3) et Olivier (9), puis Thomas (3) marche (5) avec Simon
(7) en direction de la maison (1) et Olivier (9) reste dans la forêt (2) ».
L’établissement de liens entre les nombres rend la mémorisation de ces
derniers bien plus facile.
Intuitivement, la mémorisation est souvent mise en opposition avec la
compréhension. Cette distinction n’est pourtant pas aussi tranchée que l’on
pourrait le croire. Mémoriser un grand nombre d’éléments n’ayant aucun
lien entre eux ou avec nos connaissances antérieures est extrêmement
difficile. Les liens entre les éléments facilitent la mémorisation. Autrement
dit, comprendre, c’est-à-dire être capable d’élaborer des explications en
établissant des liens entre les connaissances, facilite considérablement
l’encodage en mémoire, puis la récupération en mémoire future de
l’information, ce qui à son tour facilite la compréhension… Il est donc sans
doute préférable d’éviter une dichotomie trop prononcée entre
compréhension et mémorisation.
Pour activer des régions cérébrales
permettant de lier les connaissances
Un traitement en profondeur d’une information, qui consiste à mettre
cette dernière en relation avec d’autres éléments, mène à une plus grande
activation de régions du cortex préfrontal. Dans l’une des premières études
portant sur ce sujet 1, des participants devaient mémoriser une liste de
80 mots présentés sur un écran les uns à la suite des autres. En plus
d’observer chacun des mots, un premier groupe de participants devait
déterminer si le mot observé représentait une chose vivante ou non, tandis
que le deuxième devait simplement déterminer si le mot contenait ou non la
lettre « a ». Le premier groupe devait donc réaliser un traitement plus
élaboré de l’information que le deuxième, car il devait rattacher chacun des
mots à une connaissance antérieure, soit la distinction entre vivant et non-
vivant.
Les résultats montrent que les participants ayant dû relier les mots à leur
connaissance antérieure sur le vivant et le non-vivant se souvenaient de
75 % des mots présentés, alors que les autres participants ne se souvenaient
que de 57 % des mots. De plus, comme le montre la figure 21, les
participants ayant dû déterminer si les mots observés représentaient des
choses vivantes ou non vivantes activaient davantage des régions du cortex
préfrontal.
L’activation cérébrale observée dans cette étude implique plus
spécifiquement le cortex préfrontal ventro-latéral, le cortex préfrontal
dorso-latéral et le cortex préfrontal antérieur (voir figure 21). Ces trois
régions sont impliquées dans un ensemble de fonctions cognitives,
notamment la mémoire de travail, qui est un espace de travail mental qui
nous permet de réfléchir et d’établir des relations entre nos idées.
Nous avons déjà vu que le cortex préfrontal ventro-latéral est lié à
l’encodage efficace des informations : l’activation de cette région est
significativement corrélée avec la capacité de rappel d’une information.
Cette même région est également impliquée dans la mémoire de travail.
Plus spécifiquement, grâce notamment à ses connexions avec plusieurs
régions cérébrales postérieures, elle peut avoir pour tâche de récupérer et
maintenir en mémoire de travail une information, et de la faire parvenir à
son voisin, le cortex préfrontal dorso-latéral. Ce dernier, également
impliqué dans la mémoire de travail, permet de mettre en relation deux ou
plusieurs informations pouvant être encodées à différents endroits dans le
cerveau. Le cortex préfrontal antérieur, quant à lui, est notamment associé à
la mise en relation d’informations, comme nous le verrons un peu plus loin.

Figure 21. L’une des premières études portant sur l’importance du niveau de traitement de
l’information montre que rattacher un mot à une connaissance antérieure (par exemple, la
distinction entre vivant et non-vivant) mène à une meilleure rétention du mot et à une plus
grande activation de régions du cortex préfrontal pouvant être associées, notamment, à la
mémoire de travail et à la mise en relation de différentes informations (d’après Kapur et al.,
1994).
D’autres études impliquant l’imagerie cérébrale confirment que la mise
en relation de nouvelles connaissances avec des connaissances antérieures
provoque une activation du cortex préfrontal bénéfique à l’apprentissage.
Par exemple, dans une étude portant sur la compréhension en lecture 2, des
étudiants devaient lire des textes de biologie en utilisant différentes
stratégies dont la relecture et l’autoexplication, qui est une forme
d’élaboration d’explications consistant à se poser à soi-même des questions
sur le texte lu. Comme on peut s’y attendre, l’autoexplication permet de
mieux comprendre le texte – 51 % de réponses correctes lors d’un test de
compréhension – comparativement à la relecture – 41 % de réponses
correctes. Cette étude confirme donc le fait que se poser des questions à soi-
même et élaborer des explications est bénéfique à l’apprentissage. De plus,
comme l’étude précédente, plusieurs régions du cortex préfrontal,
notamment les trois régions mentionnées plus haut, étaient davantage
activées par l’autoexplication que par la relecture du texte (voir figure 22).
Figure 22. L’autoexplication d’un texte en biologie, comparativement à la relecture, mène à
une meilleure compréhension et à une plus grande activité de régions du cortex préfrontal
et de régions associées aux connaissances antérieures (d’après Moss et al., 2011).

Cette étude portant sur la compréhension de textes en biologie est


également allée plus loin en examinant si l’augmentation de l’activité de
certaines régions cérébrales est corrélée à une meilleure compréhension.
Les chercheurs de l’étude ont en effet trouvé qu’une plus grande activation
du cortex préfrontal antérieur (voir figure 23) est liée de façon linéaire à une
meilleure compréhension du texte. Autrement dit, plus le cortex préfrontal
antérieur s’active lors de l’élaboration d’explications, plus les étudiants
comprennent le texte lu. Tout comme le cortex préfrontal ventro-latéral et le
cortex préfrontal dorso-latéral, le cortex préfrontal antérieur peut accomplir
différents rôles en fonction de la tâche demandée. Dans le contexte de cette
étude, les chercheurs soutiennent que cette région sert probablement ici à
établir des liens entre les connaissances antérieures des participants et le
contenu du texte. D’ailleurs, en plus des régions du cortex préfrontal, des
régions pouvant être associées à l’utilisation des connaissances antérieures
étaient également davantage activées avec l’autoexplication que la
relecture.

Figure 23. Plus le cortex préfrontal antérieur est activé par l’élaboration d’explications
concernant le contenu d’un texte, plus la compréhension de ce dernier est élevée. Dans ce
contexte, le cortex préfrontal antérieur sert probablement à établir des liens entre le contenu
du texte et les connaissances antérieures (d’après Moss et al., 2011).

Pour améliorer l’apprentissage


Un grand nombre d’études réalisées dans une variété de contextes
montre les bénéfices de l’élaboration d’explications sur l’apprentissage. En
effet, bien avant les études d’imagerie cérébrale, des chercheurs ont montré
que le fait de poser des questions amenant les apprenants à élaborer des
explications est particulièrement efficace pour retenir en mémoire de
l’information.
Dans l’une des premières études portant sur cette thématique 3, des
chercheurs ont présenté plusieurs phrases à des participants qui étaient
répartis aléatoirement en trois groupes. Dans le premier, des phrases de base
comme « un homme courageux entre en courant dans la maison » étaient
présentées. Dans le deuxième groupe, on présentait les mêmes phrases en
précisant le motif : « Un homme courageux entre en courant dans la maison
pour sauver un bébé des flammes. » Et, dans le troisième groupe, on ne
présentait que la phrase de base, « un homme courageux entre en courant
dans la maison », mais en demandant aux participants d’élaborer des
explications en répondant à la question : « Pourquoi cet homme a-t-il fait
cela ? »
Les résultats montrent qu’à la suite de l’élaboration d’explications par le
questionnement, les participants se souviennent du contenu des textes avec
une précision de 71 %, tandis que les personnes ayant seulement lu les
phrases de base n’ont obtenu qu’en moyenne 37 % et ceux ayant eu des
phrases plus précises, 35 %.
Au lieu d’utiliser le questionnement pour stimuler l’élaboration
d’explications, d’autres chercheurs ont plutôt étudié les effets de
l’autoexplication – élaborer des explications en se posant des questions à
soi-même 4. Les résultats obtenus vont dans le même sens : les étudiants
réussissent nettement mieux lorsqu’ils s’autoexpliquent les étapes à suivre
pour résoudre un problème comparativement à des étudiants qui ne font que
résoudre les problèmes sans devoir expliquer les étapes, et ce, même après
avoir contrôlé le fait que les étudiants qui s’autoexpliquaient la matière
consacraient plus de temps à la tâche.
Les effets bénéfiques de l’élaboration d’explications, par le
questionnement ou l’autoexplication, ont été démontrés pour une variété de
types d’apprentissages et de types d’apprenants, des plus âgés aux plus
jeunes 5. De plus, certaines études suggèrent qu’en plus de favoriser
l’apprentissage, l’élaboration d’explications peut même parfois faciliter le
transfert des apprentissages 6. Ce principe d’élaboration est donc efficace
pour faciliter l’apprentissage et mène à des effets bénéfiques reconnus. Cela
dit, un facteur est susceptible d’avoir un impact sur le degré d’efficacité de
ce principe : le niveau des connaissances antérieures.
En effet, lorsqu’on demande d’élaborer des explications, la qualité de
celles-ci dépend notamment du degré de connaissances antérieures liées au
phénomène ou à la démarche à expliquer. Un apprenant ayant un système
de connaissances antérieures précis et organisé pourra plus aisément fournir
des explications détaillées et pertinentes. À l’opposé, un apprenant ayant
peu de connaissances antérieures ou des connaissances antérieures erronées
aura plus de difficultés à fournir des explications et à établir des liens
pertinents entre les idées. Il paraît donc logique de faire l’hypothèse que le
degré de connaissances antérieures influence la qualité des explications qui,
elle-même, influence les effets bénéfiques de l’élaboration d’explications.
Cette hypothèse a notamment été confirmée par une étude 7 impliquant
des Canadiens et des Allemands qui devaient apprendre un ensemble de
faits sur les provinces canadiennes et les États allemands. Les Canadiens
avaient évidemment davantage de connaissances antérieures sur le Canada
que les Allemands, et vice versa. Les résultats présentés à la figure 24
montrent bien que l’élaboration d’explications, qui consiste ici à expliquer
pourquoi les faits présentés sont vrais, est bénéfique à tous, qu’ils aient des
connaissances antérieures élevées ou peu élevées, mais que le bénéfice est
encore plus grand si les connaissances antérieures sont élevées. On observe
en effet un gain de 11 % lorsque les connaissances antérieures sont peu
élevées, c’est-à-dire lorsque les Canadiens étudient des faits sur les États
allemands et les Allemands étudient des faits sur les provinces canadiennes,
et un gain de plus du double (23 %) lorsque les connaissances sont élevées,
c’est-à-dire lorsque les Canadiens étudient des faits sur les provinces
canadiennes et les Allemands étudient des faits sur les États allemands. Il
est donc préférable d’avoir un certain niveau de connaissances initiales pour
profiter davantage de l’effet d’élaboration d’explications.

Figure 24. L’efficacité du principe d’élaboration d’explications dépend du degré de


connaissances antérieures des apprenants. Plus les connaissances antérieures sont
élevées, plus l’élaboration d’explications est efficace (d’après Woloshyn et al., 1992).

Les effets bénéfiques de l’élaboration d’explications sont documentés


dans plusieurs études. Récemment, des chercheurs ont fait une méta-analyse
de 64 études. Ils ont évalué que l’ampleur moyenne de l’effet de
l’élaboration d’explications est de 0,55. En guise de comparaison, rappelons
que l’ampleur de l’effet des approches actives est de 0,47 et celle de
l’entraînement à la récupération en mémoire est de 0,74. Ces chercheurs ont
également confirmé que l’effet de l’élaboration d’explications est présent
dans une variété de conditions et que son ampleur est particulièrement
élevée pour les tâches nécessitant de faire des inférences (1,79).

Comment mettre en application le principe


d’élaboration ?
Plusieurs stratégies permettent une mise en application optimale du
principe d’élaboration. Deux stratégies permettent de stimuler la
formulation d’explications : le questionnement menant un apprenant à
expliquer le « pourquoi » et le « comment » des choses et l’autoexplication
qui consiste à s’expliquer à soi-même comment résoudre un problème, par
exemple. Deux autres stratégies ont davantage pour objectif de maximiser
les effets bénéfiques du questionnement et de l’autoexplication : le
développement des connaissances antérieures liées à la notion à expliquer et
la rétroaction permettant d’éviter l’émergence d’explications erronées.

Questionnez pour élaborer des explications


Poser des questions est une stratégie intéressante pour mettre en
application le principe de récupération en mémoire. Pour répondre à une
question, il faut en effet récupérer une connaissance en mémoire. Par
exemple, si un enseignant demande à un élève la formule permettant de
calculer l’aire d’un triangle, ce dernier doit réactiver les réseaux de
neurones liés à cette connaissance pour dire que l’aire (A) est égale à la
longueur de la base (b) multipliée par la hauteur (h), le tout divisé par deux,
ce qui renforce cette connaissance dans le cerveau et facilite sa récupération
ultérieure.
Élaborer des explications, c’est récupérer en mémoire, mais ce n’est pas
seulement cela : c’est récupérer et mettre en relation ce qui est récupéré
avec d’autres connaissances. Par conséquent, il est important que les
questions posées pour stimuler l’élaboration d’explications soient formulées
de façon à encourager la recherche de liens entre les notions.
Une bonne façon de procéder est de demander pourquoi ceci est vrai.
Dans l’exemple du calcul de l’aire d’un triangle, il s’agirait alors de
demander à l’élève pourquoi l’aire d’un triangle est égale à bh/2. L’élève
pourrait alors expliquer que l’aire est une surface et que, pour déterminer la
surface d’une figure, il faut multiplier deux longueurs, mais que, pour un
triangle, il faut diviser par deux, car un triangle n’est pas comme un
rectangle. Cette explication, bien qu’incomplète, permet de mettre en
relation la formule A = bh/2, la définition de l’aire comme étant une mesure
de la surface, la notion de rectangle et le calcul de l’aire d’un rectangle.
Alternativement, au lieu de demander simplement : « Pourquoi ceci est
vrai ? », on peut demander : « Pourquoi ceci est vrai et pas cela ? » Dans
l’exemple précédent, l’enseignant pourrait demander pourquoi il faut
diviser par 2 pour mesurer l’aire d’un triangle, et non pas simplement
multiplier la longueur de la base par la hauteur. Les explications de l’élève
nécessiteraient, encore une fois, d’établir des liens entre les notions. L’élève
pourrait alors répondre que, si l’on multiplie b par h, c’est en fait l’aire d’un
rectangle que l’on calcule et qu’un triangle, c’est plus petit qu’un rectangle.
Cette explication pourrait même encourager l’élève à définir plus
précisément ce qu’est la hauteur d’un triangle (segment qui relie le sommet
du triangle à son côté opposé et qui est perpendiculaire à ce dernier) et à
expliquer, schéma à l’appui, qu’en multipliant b et h, l’aire calculée est
toujours deux fois celle du triangle.
Les exemples de questionnement utilisant la question « pourquoi ceci
est vrai et pas cela » sont nombreux : pourquoi 3 + 2 est-il égal à 2 + 3 alors
que 3 − 2 n’est pas égal à 2 – 3 ; pourquoi est-il important d’avoir une
virgule après le mot « imbécile » et non après le mot « toi » dans la phrase
« puisque c’est un imbécile, comme toi je pense qu’il ne faut pas
l’écouter » ; pourquoi les saisons sont-elles causées par l’inclinaison de la
Terre et non par la distance entre la Terre et le Soleil, etc.
Les questions commençant par « comment » ont également un bon
potentiel pour stimuler l’élaboration d’explications, en particulier lorsqu’un
processus se déroule en différentes étapes. Par exemple, on peut demander
d’expliquer comment faire pour résoudre tel ou tel problème, comment un
avion fait pour s’envoler ou bien comment les aliments sont absorbés par
l’organisme.
L’utilisation de questions commençant par les mots « pourquoi » ou
« comment » est efficace, car elle force l’apprenant à récupérer en mémoire
et, surtout, à établir des liens entre les connaissances. Ces liens, comme
nous l’avons vu, permettent d’établir des connexions entre différents
réseaux de neurones déjà présents dans le cerveau, ce qui facilitera leur
réactivation ultérieure.

S’autoexpliquez
Cette stratégie consiste à se poser des questions à soi-même et à y
répondre, en silence ou à voix haute, pour établir des liens entre les idées,
mais aussi entre les connaissances nouvellement apprises et les
connaissances antérieures.
Lors de la lecture d’un texte, on peut par exemple se demander quels
sont les faits sur cette page que je ne connaissais pas déjà et pourquoi
l’auteur présente ceci avant cela. Lorsqu’une démarche est nécessaire pour
accomplir une tâche ou résoudre un problème, on peut s’expliquer à soi-
même les différentes étapes à parcourir, le pourquoi de leur existence et de
leur ordonnancement, ou encore pourquoi une démarche est préférable à
une autre.
L’autoexplication est une stratégie qui n’est pas naturelle pour tous,
parce qu’elle implique de s’arrêter en cours de processus pour se « parler »
à soi-même. Lire un texte ou résoudre un problème sans interruption est
effectivement moins long et exigeant que de s’arrêter en cours de route pour
prendre le temps de se questionner et de s’autoexpliquer. C’est pourquoi il
faut essayer de développer l’habitude de se parler à soi-même lors d’un
apprentissage et de ne pas tenir pour acquis que tout apprenant
s’autoexplique spontanément les éléments associés à la tâche qu’il
accomplit.
Bien qu’il ne semble pas exister d’études portant spécifiquement sur
cette question, il est plausible de penser qu’une façon d’apprendre à
s’autoexpliquer est d’être en contact avec des exemples d’autoexplication,
c’est-à-dire d’entendre des gens exprimer à voix haute les explications
qu’ils donnent à leur démarche et les questions qu’ils se posent. Puis,
progressivement, de s’autoexpliquer des choses avec une tierce personne
qui nous pose des questions seulement lorsqu’on arrête de s’autoexpliquer
ou lorsque l’autoexplication est trop superficielle ou trop implicite.
On peut également planifier des pauses pendant une tâche afin de
s’obliger à avoir des moments d’autoexplication. Ces pauses
autoexplicatives peuvent être planifiées à intervalle régulier, comme à
chaque page d’un livre, ou bien à l’aide de marqueurs (comme des
astérisques) placés à des endroits stratégiques d’un texte à lire ou d’une
tâche à accomplir. On peut même utiliser un compte à rebours pour
s’obliger à s’autoexpliquer après un certain temps. Une autre technique est
de prévoir un espace vide dédié à noter des autoexplications (au bas de la
section d’un livre, par exemple). Bien que tout porte à croire que les pauses
explicatives puissent favoriser l’apprentissage en encourageant
l’autoexplicitation, il est probable qu’une fréquence trop élevée de ce type
de pauses nuise à l’apprentissage en interrompant le fil des idées de
l’apprenant. Un sain équilibre entre l’absence complète de pauses
explicatives et un très grand nombre est donc de toute évidence souhaitable.
Une autre façon d’encourager l’autoexplication et l’organisation des
nouvelles connaissances au sein d’un système structuré de connaissances
(incluant notamment les connaissances antérieures) est de réaliser une carte
conceptuelle, c’est-à-dire un schéma contenant des mots représentant des
idées ou des concepts et des lignes désignant les liens entre les notions.
Un exemple de carte conceptuelle de ce qui a été expliqué jusqu’à
maintenant dans ce livre est présenté à la figure 25. Cette carte comporte les
mots associés aux principes (activation, activation répétée, récupération en
mémoire et élaboration d’explications) et aux concepts abordés
(neuroplasticité, connexions neuronales, apprentissage, etc.), ainsi que des
lignes pour les interrelations entre les concepts et les principes. On y voit
que les connaissances et les habiletés dépendent de l’activation des
neurones, qui peut être provoquée par la récupération en mémoire ou
l’élaboration d’explications. Ensuite, que l’activation peut être unique ou
répétée, mais que, lorsqu’elle est répétée, elle modifie davantage les
connexions neuronales, qui elles-mêmes influencent à leur tour l’activation
des neurones. Finalement, l’activation des neurones modifie les connexions
neuronales grâce à la neuroplasticité, la capacité à modifier les connexions
neuronales, qui rend possible l’apprentissage et le développement des
connaissances et des habiletés.
Figure 25. La création d’une carte conceptuelle est un moyen de favoriser l’élaboration
d’explications. Ci-dessus se trouve la carte conceptuelle associée aux principes et concepts
discutés jusqu’à maintenant.

Une méta-analyse 8 révèle que l’ampleur de l’effet de l’élaboration de


cartes conceptuelles est de 0,58 et que la création de cartes conceptuelles est
nettement plus efficace que l’étude d’une carte déjà conçue.
Cela dit, des données montrent par ailleurs que l’entraînement à la
récupération en mémoire est plus efficace que l’élaboration de cartes
conceptuelles 9. Il ne faudrait donc pas privilégier la création de cartes
conceptuelles au détriment de l’entraînement à la récupération qui,
rappelons-le, à une ampleur d’effet de 0,74. Le scénario idéal est donc de
s’entraîner à récupérer en mémoire et, par la suite, d’ajouter quelques
moments de création de cartes conceptuelles.
Développez les connaissances antérieures
avant d’élaborer
L’efficacité du principe d’élaboration dépend du niveau de
connaissances antérieures. En général, plus les connaissances antérieures
sont grandes, plus l’élaboration d’explications aura des effets bénéfiques sur
l’apprentissage. Ce résultat s’explique aisément, puisque élaborer des
explications, c’est notamment établir des liens entre les notions apprises et
les connaissances antérieures. Plus les connaissances antérieures sont riches
et détaillées, plus les explications seront également riches et détaillées, ce
qui aura pour effet de rendre l’élaboration d’explications plus efficace.
En conséquence, le principe d’élaboration a pour préalable un certain
degré de connaissances antérieures. Avant d’utiliser ce principe, il faut donc
s’assurer d’un niveau minimal de connaissances antérieures des notions
liées aux notions à apprendre.
Avant un exercice d’élaboration, il peut être pertinent de faire un rappel
des connaissances antérieures. Ce rappel permettra non seulement de
renforcer les connaissances antérieures, mais également de les rendre plus
facilement accessibles à la conscience. En effet, une connaissance activée
récemment a généralement plus de chance de pouvoir se réactiver à
nouveau et contribuer à l’élaboration d’une explication.
Si le principe d’élaboration est mis en application à partir d’un
questionnement mené par un enseignant, un parent ou un formateur, ce
dernier peut orienter les questions en les formulant de façon à intégrer
certaines notions ou idées susceptibles d’être réutilisées dans l’explication
que pourra fournir l’apprenant. Cette orientation peut être subtile tout en
étant efficace. Si l’on reprend l’exemple du calcul de l’aire d’un triangle, il
s’agira de faciliter l’explication de la nécessité de diviser par deux la
longueur de la base multipliée par la hauteur en intégrant la notion de
rectangle dans son questionnement : « Comme tu le sais, on ne calcule pas
l’aire de toutes les figures de la même façon. Pour un rectangle, il faut
multiplier la longueur de la base par la hauteur. Pour un triangle, c’est
différent. Pourquoi l’aire d’un triangle est obtenue en divisant par deux la
longueur de la base multipliée par la hauteur ? » Le fait de mentionner la
notion de rectangle en préambule à la question aura pour effet d’encourager
l’utilisation de cette notion dans l’explication. Il est donc possible de
combler un manque de connaissances antérieures de cette façon, mais aussi
d’en profiter pour réactiver des connaissances qui s’en trouveront ensuite
mieux consolidées.

Obtenez de la rétroaction sur l’exactitude


des explications
S’il est vrai que le manque de connaissances antérieures peut nuire à la
qualité des explications, des connaissances erronées peuvent, quant à elles,
rendre l’élaboration d’explications carrément contre-productive. Plusieurs
études, notamment dans le domaine de la didactique des sciences, montrent
qu’une personne devant expliquer un phénomène construira souvent ses
explications à partir de ses intuitions et des premières idées qui lui viennent
en tête 10. Or ces idées ou ces intuitions peuvent ne pas être pertinentes à
l’explication d’un phénomène, ce qui peut venir renforcer une croyance
erronée. Par exemple, en demandant à un élève d’expliquer pourquoi il fait
plus chaud l’été que l’hiver, il risque d’affirmer qu’il fait plus chaud, car
l’été le Soleil est plus près de la Terre. Cette explication est plausible,
puisque le fait de se rapprocher d’une source de chaleur augmente
effectivement la chaleur ressentie. Pourtant, l’été est une saison plus chaude
non pas à cause de la distance Terre-Soleil, mais à cause de l’inclinaison de
la Terre faisant en sorte que la quantité de rayons lumineux touchant la
surface terrestre est plus grande qu’en hiver.
Les exemples d’explications spontanées incorrectes sont très nombreux
et très fréquents. Par exemple, pour expliquer pourquoi un objet en
mouvement ralentit progressivement puis s’arrête, plusieurs soutiennent que
c’est parce que tout objet en mouvement perd de son élan – alors qu’en fait,
un objet en mouvement ne ralentit jamais à moins que l’air ou un frottement
s’oppose à son mouvement. D’autres diront qu’un clou coule dans l’eau,
parce qu’il est lourd – alors qu’ils savent pourtant bien qu’un paquebot ne
coule pas même s’il est plus lourd qu’un clou. D’autres encore diront
qu’une ampoule s’allume lorsqu’un fil électrique connecte celle-ci à une
pile, parce que l’électricité peut circuler dans un fil électrique et peut
ensuite être consommée par l’ampoule pour s’allumer – ce qui est
également erroné, puisqu’en fait une ampoule ne s’allume pas s’il n’y a
qu’un seul fil liant l’ampoule à la pile ; il en faut deux pour créer une
différence de potentiel menant les électrons d’un fil conducteur à se
déplacer.
Les exemples sont si nombreux qu’il convient en fait d’être
particulièrement prudent dans la mise en application du principe
d’élaboration. Dans les situations où une explication erronée est possible, il
vaut peut-être mieux éviter complètement l’élaboration d’explications ou,
du moins, s’assurer qu’il soit possible d’avoir une rétroaction rapide
permettant d’évaluer la qualité et l’exactitude des explications.
Si l’élaboration est menée par le questionnement d’un enseignant, un
parent ou un formateur, ce dernier peut alors intervenir rapidement dès
qu’une erreur est commise afin de donner immédiatement une rétroaction
permettant de corriger le lien ou la notion qui n’a pas été comprise. Nous
avons vu qu’il faut laisser du temps pour récupérer en mémoire une
information. Cependant, dès que l’information est récupérée et utilisée pour
fournir une explication, il faut intervenir rapidement si cette information ou
le lien entre cette information et une autre sont incorrects, et ce, pour éviter
le renforcement de l’erreur.
Si l’élaboration est faite de façon individuelle par l’autoexplication, il
est évidemment moins facile d’obtenir de la rétroaction rapidement.
Pourtant, dès qu’un doute subsiste quant à la vérité d’une explication, il faut
arrêter l’autoexplication et chercher à vérifier ses explications. Cette
vérification peut consister à relire une partie de son manuel ou de ses notes
de cours ou à chercher sur Internet une information permettant de vérifier si
l’explication fournie est valable, tout en prenant soin, bien entendu, de ne
pas se fier aveuglément à l’information trouvée sur un site Web plus ou
moins crédible. Si l’information recherchée n’est pas disponible, il est alors
préférable de mettre de côté l’élaboration d’explications jusqu’à ce qu’une
vérification de l’information puisse être effectuée.
En somme…
Au moins trois raisons justifient l’utilisation du principe d’élaboration et de sa mise
en application, qui constitue ici le quatrième principe. D’abord, activer les
neurones en élaborant des explications permet d’établir et de renforcer des
connexions entre les réseaux de neurones liés aux connaissances antérieures et
ceux liés aux connaissances nouvellement acquises. Ces liens peuvent par la
suite faciliter la réactivation des nouvelles connaissances, car une plus grande
variété de réseaux de neurones pourra contribuer à leur réactivation. Ensuite,
l’élaboration d’explications permet également d’activer des régions du cortex
préfrontal – en particulier le cortex préfrontal ventro-latéral, le cortex préfrontal
dorso-latéral et le cortex préfrontal antérieur – qui sont associées à la mémoire de
travail, c’est-à-dire à l’espace de travail mental permettant de rendre présentes à
l’esprit les connaissances antérieures et d’établir des liens avec de récentes
connaissances. Finalement, plusieurs études, incluant des méta-analyses,
montrent que l’élaboration d’explications a des effets bénéfiques et significatifs sur
l’apprentissage.
Pour mettre en application le principe d’élaboration, deux stratégies sont
particulièrement importantes. La première est le questionnement menant un
apprenant à élaborer des explications. Parmi les questions possibles, celles
demandant de dire pourquoi quelque chose est vrai, pourquoi ceci est vrai et non
cela et comment une procédure doit s’effectuer, comment un phénomène se
déroule ou comment un objet fonctionne sont particulièrement efficaces pour
susciter l’élaboration d’explications riches et l’établissement de liens avec les
connaissances antérieures. La deuxième stratégie est l’autoexplication. Elle
consiste à s’expliquer à soi-même, à voix haute ou en silence dans sa tête, une
démarche permettant de résoudre un problème ou pourquoi un phénomène se
déroule comme il se déroule. L’autoexplication n’est pas naturelle pour tous ; il est
donc préférable d’avoir déjà eu des exemples de ce à quoi peut ressembler une
telle autoexplication. On peut également planifier des pauses (après chaque page
lue, par exemple) pour prendre le temps de s’autoexpliquer. La création de cartes
conceptuelles permet aussi de faciliter l’élaboration d’explications par la mise en
relation de différents concepts liés à un phénomène.
Des précautions doivent cependant être prises en compte lors de l’application du
principe d’élaboration. La première précaution concerne le degré de
connaissances antérieures. Puisque l’efficacité du principe d’élaboration dépend
du degré de connaissances antérieures, il faut que les connaissances soient bien
développées avant l’élaboration et exploitées de la façon la plus optimale possible.
Pour y arriver, un rappel des connaissances antérieures peut-être fait au préalable
et les questions posées peuvent être formulées de façon à orienter et faciliter les
explications. Puisqu’il arrive parfois que les connaissances antérieures soient
erronées ou que les explications s’appuient sur des intuitions spontanées non
fondées, il est important de s’assurer que les explications erronées ou mal
formulées fassent l’objet d’une rétroaction la plus rapide possible. Si un doute
émerge quant à la justesse des explications exprimées, il faut alors interrompre le
processus d’élaboration d’explications et chercher une source d’information
permettant de confirmer l’explication fournie et la corriger au besoin.
Terminons en mentionnant que, bien que le principe d’élaboration s’appuie sur un
bon nombre de recherches de bonne qualité, la certitude des effets bénéfiques de
ce principe et l’ampleur de l’effet de sa mise en application sont moindres que
pour les autres principes vus jusqu’à présent. En conséquence, il est préférable de
concentrer d’abord les efforts sur l’activation répétée et l’entraînement à la
récupération en mémoire avant d’utiliser le principe d’élaboration pour consolider
encore davantage les nouveaux apprentissages et leur organisation dans le
système de connaissances préexistant.
Figure 26. Il faut élaborer des explications pour établir des connexions avec les réseaux de neurones
préexistants, activer des régions cérébrales permettant de lier les nouvelles connaissances aux
connaissances antérieures et améliorer l’apprentissage. L’élaboration d’explication peut être accomplie en
répondant à des questions ou en faisant de l’autoexplication. Il faut cependant s’assurer que les
connaissances antérieures soient bien développées et que les explications formulées fassent l’objet d’une
rétroaction et d’une vérification en cas de doute sur leur exactitude.
CHAPITRE 5

Espacez l’activation des neurones

Tous les principes neuroéducatifs discutés jusqu’à présent portent sur


l’activation du cerveau : pour apprendre et modifier les connexions
neuronales, il faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé
(chapitre 1) à plusieurs reprises (chapitre 2) en ayant recours notamment à
l’entraînement à la récupération en mémoire (chapitre 3) et à l’élaboration
d’explications (chapitre 4).
Bien que l’activation du cerveau soit une condition essentielle à
l’apprentissage, d’autres facteurs jouent également un rôle important. Nous
allons voir maintenant que la façon dont les activations cérébrales sont
espacées dans le temps joue également un rôle central. Plus spécifiquement,
nous verrons que d’espacer les activations neuronales est plus efficace pour
apprendre que de les regrouper. Ce principe d’espacement est
particulièrement intéressant en raison du fait que son efficacité a été très
solidement démontrée dans des centaines d’études, mais aussi parce que,
contrairement aux principes discutés jusqu’à présent, il ne nécessite pas de
temps ou d’exercices supplémentaires. Il exige seulement une planification
différente des moments d’activation. Apprendre mieux en ne travaillant pas
plus, c’est ce que propose le principe d’espacement.
Pourquoi faut-il espacer l’activation
des neurones ?
Au moins trois raisons justifient l’utilisation du principe d’espacement :
l’espacement des activations favorise le maintien de l’activité cérébrale tout
au long des périodes d’apprentissage, il permet de profiter de réactivations
neuronales spontanées se déroulant durant le sommeil, il laisse enfin le
temps au cerveau de renforcer ses connexions et favorise significativement
l’apprentissage en plus de diminuer l’oubli.

Pour favoriser le maintien de l’activité


cérébrale
Puisque les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble, il
faut activer le cerveau pour apprendre, et ce, à plusieurs reprises.
L’activation du cerveau et le maintien de cette activation tout au long des
activités d’apprentissage constituent donc des éléments essentiels à
l’apprentissage. Or, lorsqu’une tâche est accomplie à plusieurs reprises au
cours d’une courte période, un effet d’habituation cause une réduction de
l’activité cérébrale. Nous sommes donc placés face à un paradoxe : il faut
activer les neurones liés à un apprentissage à plusieurs reprises, mais cette
activation répétée cause une réduction de l’activité cérébrale qui empêche
d’activer les neurones à plusieurs reprises.
Le principe d’espacement propose une solution à ce paradoxe en
permettant de conserver un grand nombre d’activations, tout en évitant que
ces activations soient trop regroupées dans le temps, causant ainsi une
diminution de l’activité cérébrale.
Les données présentées à la figure 27 illustrent bien l’avantage de
l’espacement sur le maintien de l’activité cérébrale 1. La partie gauche de la
figure montre l’évolution de l’activité cérébrale entre la première et la
quatrième période d’apprentissage, lorsque les périodes sont regroupées,
c’est-à-dire lorsqu’elles se déroulent l’une à la suite de l’autre. Une
importante diminution de l’activité est observée, en particulier lors des
périodes 3 et 4. Cette diminution peut être associée à un état de fatigue,
mais le même phénomène se produit en absence de fatigue : accomplir
plusieurs fois la même tâche rend progressivement cette tâche très facile et
diminue conséquemment l’activité du cerveau 2.
Figure 27. Espacer les périodes d’apprentissage permet au cerveau de maintenir son
activité durant toutes les périodes, alors que le regroupement des périodes mène plutôt à
une diminution de l’activité cérébrale (d’après Callan et Schweighofer, 2010).

Ce résultat est important, car il suggère que l’on peut travailler pour
rien. Dans cet exemple, les périodes d’apprentissage 1 et 2 contribuent à
l’apprentissage puisque les neurones s’activent et que cette activation mène
à la création et à la consolidation des connexions neuronales. Cependant, les
périodes 3 et 4 ne servent pour ainsi dire à rien, car les neurones s’activent
peu ou pas au cours de ces périodes. Il ne faut donc pas juste travailler fort
et longtemps pour apprendre : il faut travailler intelligemment.
Comme le montre la partie droite de la figure 27, l’espacement de
l’apprentissage permet d’éviter la diminution de l’activité cérébrale causée
par l’effet de répétition et d’habituation. En effet, non seulement une
activité cérébrale significative est présente aux périodes 1 et 2, mais ce
niveau élevé d’activation est également maintenu au cours des périodes 3 et
4. Ces résultats suggèrent donc que le temps et l’énergie consacrés à
l’apprentissage aux périodes 3 et 4 ne sont pas perdus lorsque les périodes
d’apprentissage sont espacées.
Il est intéressant de noter que lorsqu’on compare l’activité cérébrale des
personnes ayant profité de l’espacement aux autres ayant appris de façon
regroupée, la différence la plus significative est observée dans le cortex
préfrontal ventro-latéral 3. Rappelons que cette région, connue notamment
pour être associée à un encodage efficace de l’information, est également
plus activée lors de l’entraînement à la récupération en mémoire et lors de
l’élaboration d’explications. Il est donc possible que les effets bénéfiques de
l’espacement sur l’activité cérébrale ne soient pas indépendants des
avantages liés à la récupération en mémoire et à l’élaboration
d’explications. En effet, si les périodes sont espacées, il faut davantage faire
d’effort pour récupérer en mémoire les informations encodées et cette
récupération nécessitera peut-être d’établir des liens avec d’autres
connaissances pour faciliter la réactivation.

Pour réactiver les neurones durant


le sommeil
Espacer les périodes d’apprentissage permet non seulement un meilleur
maintien de l’activité cérébrale, mais permet aussi de profiter des nombreux
bienfaits du sommeil sur l’apprentissage 4. Si l’espacement entre les
périodes d’apprentissage est d’une journée ou plus, il faut bien entendu
dormir entre celles-ci. Par conséquent, espacer l’apprentissage, c’est aussi
profiter des effets du sommeil sur le cerveau et la consolidation des
connexions neuronales.
Un des effets bénéfiques du sommeil est particulièrement important
pour aider à apprendre : la réactivation spontanée et inconsciente des
neurones liés aux apprentissages durant le sommeil. Plusieurs études
montrent effectivement que le cerveau réactive pendant la nuit les neurones
qui se sont activés précédemment 5. Autrement dit, le cerveau rejoue
pendant notre sommeil les événements vécus en cours d’éveil, ce qui inclut
bien sûr nos apprentissages. Ainsi, si un élève apprend l’addition de
fractions à l’école, il y a de fortes chances que son cerveau réactive
(pendant son sommeil) les neurones associés à l’addition de fractions.
Même si ces activations sont inconscientes, elles n’en contribuent pas
moins à l’apprentissage et à la modification des connexions neuronales.
Que l’on soit éveillé ou endormi, les neurones qui s’activent ensemble se
connectent ensemble. Ainsi, dormir entre les périodes d’apprentissage
permet d’obtenir des activations supplémentaires, et ce, sans aucun effort.
Profiter de l’effet du sommeil pour apprendre, c’est en quelque sorte
profiter d’activations « gratuites », c’est-à-dire qui ne demandent ni temps
ni effort. Indirectement, espacer les périodes d’apprentissage, c’est donc
aussi mettre en application le principe de l’activation neuronale répétée,
puisque le sommeil mène à des activations neuronales supplémentaires.
Les données présentées à la figure 28 montrent bien le rôle du sommeil
sur le cerveau et l’apprentissage. Dans cette étude, des participants devaient
apprendre des mélodies au piano 6. Après l’entraînement, les performances
aux mélodies A et B étaient mesurées en comptant le nombre de fois où les
bonnes touches étaient enfoncées au bon moment. Comme le montre la
partie A de la figure 28, les deux mélodies étaient réussies de façon
similaire avant la sieste.
Après la sieste, les participants devaient jouer à nouveau les deux
mélodies et les performances étaient mesurées à nouveau. Les performances
enregistrées après la sieste étaient significativement supérieures à celles
mesurées avant la sieste pour les deux mélodies, mais l’amélioration de la
performance pour la mélodie A était supérieure (+ 7,9 %) à celle de la
mélodie B (+ 2,6 %).

Figure 28. L’espacement des périodes d’apprentissage permet de profiter des bienfaits du
sommeil sur le cerveau et l’apprentissage. À gauche, les résultats montrent qu’après une
sieste les mélodies A et B apprises au piano sont mieux réussies qu’avant la sieste.
L’amélioration plus grande observée pour la mélodie A est causée par une plus grande
activation des neurones associés à cette mélodie durant le sommeil. À droite, l’image
montre l’activation du cortex prémoteur durant la sieste (d’après Antony et al., 2012).

Pour expliquer cet écart, il faut préciser que les chercheurs de cette
étude avaient pour ambition non seulement de confirmer un résultat déjà
connu voulant que le sommeil améliore l’apprentissage, mais aussi, et
surtout, de tester spécifiquement l’hypothèse selon laquelle le sommeil
améliore l’apprentissage par une réactivation des neurones liés à cet
apprentissage.
Les chercheurs ont alors cherché un moyen pour que les neurones
associés à la mélodie A s’activent davantage durant le sommeil que ceux de
la mélodie B. En s’appuyant sur des études antérieures, ils ont eu l’idée de
faire jouer un enregistrement de la mélodie A pendant la sieste afin de
favoriser davantage l’activation des neurones liés à cette mélodie. Même si
la diffusion à faible volume de l’enregistrement de la mélodie ne réveillait
pas les participants, elle pouvait tout de même biaiser l’activation du
cerveau et augmenter la probabilité de réactivation des neurones de la
mélodie entendue durant la sieste.
Comme les gains à la mélodie A sont supérieurs à ceux de la mélodie B,
les résultats de cette étude confirment donc l’hypothèse de la réactivation
spécifique des neurones liés à l’apprentissage. Pour plus de certitude, les
chercheurs ont également mesuré l’activité cérébrale des participants
pendant leur sieste à l’aide de l’électroencéphalographie. Ils ont observé
que l’activité observée au-dessus du cortex prémoteur droit était corrélée
avec le gain relatif observé entre les mélodies A et B. Autrement dit, plus
l’écoute de la mélodie A durant le sommeil améliorait spécifiquement la
performance de cette mélodie, plus l’activité observée près du cortex
prémoteur droit était grande. Cette région cérébrale située dans
l’hémisphère droit du cerveau est notamment responsable de la planification
des mouvements de la main gauche. Comme les mélodies étaient jouées
avec la main gauche, ce résultat renforce l’idée que des réactivations durant
le sommeil contribuent à la consolidation des apprentissages.
Il est tentant de penser que cette étude est un appui direct à l’idée que
l’on puisse apprendre en dormant, en écoutant des enregistrements de ses
cours par exemple. Il convient d’être prudent à ce propos. L’apprentissage
réalisé dans cette étude est relativement simple : il s’agit d’associer une
information visuelle – une note de musique – à un mouvement spécifique
des doigts – ce type d’apprentissage est dit visuo-moteur. Il n’est pas du
tout assuré que l’effet observé dans cette étude soit reproductible dans le cas
d’apprentissages plus complexes. Cela dit, quelques études récentes 7
suggèrent que l’on peut favoriser l’apprentissage d’associations de mots
durant le sommeil.

Pour laisser le temps au cerveau de renforcer


ses connexions
Les deux raisons précédentes étaient en lien avec l’activation cérébrale :
espacer les périodes d’apprentissage permet au cerveau de maintenir son
activité tout au long de celles-ci et de profiter d’activations neuronales
supplémentaires lors du sommeil. Une autre raison explique pourquoi il est
important d’espacer l’activation des neurones : cela laisse le temps au
cerveau de renforcer ses connexions neuronales.
Le renforcement des connexions neuronales à la suite d’une activation
neuronale implique un ensemble complexe de processus, notamment
moléculaires et cellulaires, qui se déroulent à différentes échelles de temps
allant de quelques secondes à quelques jours 8. Conséquemment, la trace
laissée dans le cerveau à la suite d’une activation demande du temps pour se
concrétiser entièrement.
Lorsque deux activations sont éloignées dans le temps, l’effet des deux
activations sur le renforcement des connexions neuronales est cumulatif
(voir figure 29, partie A). Par contre, si les deux activations sont
rapprochées, l’effet de la deuxième activation n’est pas cumulatif, car il se
confond alors avec l’effet de la première (voir figure 29, partie B). Ainsi,
s’il n’y a pas assez de temps entre deux activations, il est impossible de
profiter pleinement de l’effet de chacune.
Figure 29. Lorsque deux activations sont espacées, l’effet de ces activations sur le
renforcement des connexions cérébrales est cumulatif. Cependant, lorsque la première
activation n’a pas eu le temps de consolider son effet, l’effet de la seconde activation se
confond à l’effet de la première (d’après Smolen et al., 2016).

Pour améliorer l’apprentissage et diminuer


l’oubli
Bien que les mécanismes cérébraux qui sous-tendent l’effet
d’espacement n’aient été mis en lumière qu’assez récemment, la découverte
des bénéfices de l’espacement sur l’apprentissage est l’une des plus
anciennes de la psychologie expérimentale et remonte en 1885 9. Encore
aujourd’hui, l’effet d’espacement est considéré comme l’un des plus grands
10
apports de la psychologie cognitive à l’éducation .
Les avantages de l’espacement sur l’apprentissage et la rétention de
l’information ont fait l’objet de centaines d’études et le succès de
11
l’espacement a été vérifié dans une grande variété de contextes . Les
études ont en effet montré que les bénéfices de l’espacement s’observent
chez les apprenants les plus jeunes comme chez les plus vieux, pour les
apprentissages simples et complexes et dans des domaines variés comme
les langues, les statistiques, l’histoire, la psychologie, la lecture, les
sciences, les neurosciences, etc. De plus, l’effet d’espacement est également
observé chez les animaux qui partagent avec nous bon nombre de
mécanismes cérébraux d’apprentissage.
Les bénéfices de l’espacement sur l’apprentissage peuvent être
considérables. Dans une recherche portant sur l’utilisation de fiches d’étude
(flashcards), des étudiants devaient apprendre le contenu de 40 fiches lors
de quatre séances d’études réparties sur quatre jours 12. Le lendemain des
quatre journées d’étude, les étudiants avaient un test. La moitié des fiches
étaient étudiées de façon regroupée et l’autre moitié de façon espacée.
Les 20 fiches étudiées de façon regroupée étaient réparties en quatre
paquets de cinq fiches. Les apprenants étudiaient un paquet différent chaque
jour. Le paquet 1 était donc étudié la première journée, le paquet 2 la
deuxième journée, etc. Le temps alloué permettait aux étudiants d’étudier à
huit reprises chacune des fiches. L’étude était faite de façon regroupée, car
les fiches de chaque paquet étaient étudiées huit fois durant une seule
journée (les autres journées servant à étudier les fiches des autres paquets).
Les 20 fiches étudiées de façon espacée étaient quant à elles placées
dans un seul paquet qui était étudié chaque jour. Étant donné le temps
alloué, chaque fiche était étudiée seulement à deux reprises chaque jour. Au
total, les fiches étudiées de façon espacée étaient vues à huit reprises
(comme pour les fiches étudiées de façon regroupée), mais ces huit
moments d’étude étaient espacés sur quatre jours au lieu d’être regroupés en
une seule journée.
Lors de la cinquième journée, tous les étudiants devaient répondre aux
questions d’un test portant sur les éléments étudiés dans les fiches. Cette
situation est comparable à celle d’un étudiant devant étudier quatre
chapitres de son manuel scolaire en vue d’un examen : il peut étudier un
chapitre par jour (étude regroupée) ou il peut étudier un peu chacun des
quatre chapitres chaque jour (étude espacée).
La partie A de la figure 30 présente les résultats obtenus. Le contenu
des fiches étudiées de façon espacée a été significativement mieux appris
(54 % d’éléments retenus) comparativement aux fiches étudiées de façon
regroupée (21 % d’éléments retenus). Dans cette étude, l’espacement
permettait donc de retenir 2,6 fois plus d’information, et ce, même si la
durée consacrée à l’étude était la même. Il va sans dire qu’il s’agit d’un
effet élevé (ampleur de l’effet : 1,18).
Un esprit critique pourrait contester ces résultats en faisant l’hypothèse
que l’avantage mesuré ne dépend pas de l’espacement, mais du fait que
toutes les fiches ont été révisées la veille du test pour le groupe « avec
espacement », alors que seulement les fiches du quatrième paquet ont été
révisées la veille pour le groupe « sans espacement ».
Le graphique B de la figure 30 montre que ce n’est pas le cas. Ce
graphique reprend les résultats présentés au graphique A, mais en donnant
plus de détails sur les résultats de la condition « regroupé ». Au-dessus des
nombres 1, 2, 3 et 4 sont présentés les résultats au test final des fiches ayant
été étudiées aux jours 1, 2, 3 et 4. Le contenu des fiches ayant été étudiées
au quatrième jour, soit la veille du test, a été mieux retenu (ce qui est
prévisible étant donné le peu de temps pour oublier entre l’étude des fiches
du quatrième paquet et le test), mais il demeure nettement en dessous des
résultats obtenus grâce à l’espacement. Même les fiches étudiées
intensément la veille d’un test sont donc moins bien réussies que celles
apprises de façon espacée.
Figure 30. L’espacement des périodes d’entraînement mène à de meilleurs
apprentissages. Le graphique A montre les gains de performance pouvant être associés à
l’espacement comparativement au regroupement. Le graphique B montre que les éléments
appris de façon regroupée, peu importe le jour où ils ont été étudiés, sont moins bien
réussis que ceux étudiés de façon espacée (d’après Kornell, 2009).

Cette étude illustre bien l’un des avantages de l’espacement : un


meilleur apprentissage. Un deuxième avantage est présenté cette fois à la
figure 31. On y voit que l’espacement des périodes d’apprentissage mène à
un niveau d’apprentissage supérieur comparativement au regroupement (la
hauteur de la dernière flèche noire à droite est plus élevée que la flèche
grise), mais aussi que l’oubli, représenté par les lignes pointillées, est un
peu moins rapide pour les apprentissages réalisés avec espacement (la pente
de la ligne pointillée noire est moins prononcée que la grise).
Une des questions qui se posent lorsqu’il est question d’espacement
concerne l’espacement optimal : quelle durée faut-il laisser entre les
activations pour assurer le meilleur apprentissage possible ? Cette question
est évidemment très pertinente, d’autant que l’existence d’un espacement
optimal est plausible étant donné que deux tendances s’opposent : (1)
laisser du temps entre les activations augmente leur effet sur la
consolidation des connexions neuronales et (2) laisser du temps entre les
activations augmente l’oubli et l’affaiblissement des connexions neuronales
entre les activations. En conséquence, si la durée entre les activations est
trop grande, ce qui a été appris lors de la première activation peut avoir été
complètement oublié et, si la durée de l’espacement n’est pas assez grande,
l’effet des deux activations n’est pas cumulatif et le renforcement des
connexions cérébrales est moindre. Il doit donc exister une durée optimale
permettant de maximiser les avantages et de minimiser les inconvénients de
l’espacement.
Figure 31. L’espacement des périodes d’apprentissage mène à de meilleurs
apprentissages et à un plus faible oubli. Les séances d’apprentissage réalisées de façon
regroupée augmentent rapidement le niveau d’apprentissage, mais ce dernier décline
ensuite rapidement à cause de l’oubli. L’espacement des séances d’apprentissage permet
non seulement d’atteindre un niveau final d’apprentissage plus élevé, mais aussi de réduire
la vitesse de l’oubli par la suite.

Cette question a fait l’objet de plusieurs études. Les chercheurs sont


arrivés à la conclusion que la durée optimale d’espacement n’est pas
absolue, car elle dépend de la durée de rétention souhaitée. De façon
générale, plus on souhaite se souvenir longtemps d’une information, plus la
durée d’espacement doit être longue.
Cela dit, il est important de préciser que peu importe la durée de
l’espacement, il est toujours préférable d’espacer plutôt que de regrouper, à
condition que l’espacement ne soit pas beaucoup trop grand. La figure 32
montre l’ampleur de l’effet de l’espacement en fonction de la durée de
rétention et de la durée d’espacement 13. On voit que l’ampleur de l’effet est
grande dans la plupart des situations et peut même être supérieure à 1,0
pour des durées de rétention allant de 1 à 28 jours avec un espacement d’un
jour entre les moments d’activation. Cependant, l’ampleur de l’effet peut
être négative lorsque la durée de l’espacement est trop grande.
Pour en savoir plus sur la relation entre la durée de rétention souhaitée
et l’espacement optimal, les chercheurs ont fait des courbes comme celles
présentées à la figure 33. Ces courbes combinent les résultats de plusieurs
études 14. La courbe associée à une durée de rétention de 7 jours atteint son
maximum avec un espacement de 3 jours. Cela signifie que si l’on veut
retenir une information 7 jours après la dernière activation, l’espacement
optimal est de 3 jours pour avoir la plus grande proportion de réponses
correctes. Si la durée de rétention souhaitée est de 35, 70 ou 350 jours,
l’espacement optimal est respectivement de 8 jours, 12 jours et 23 jours.
Figure 32. L’espacement peut avoir un très grand effet sur l’apprentissage. Les données de
ce graphique suggèrent que la durée d’espacement optimale dépend de la durée de
rétention souhaitée (d’après Cepeda et al., 2006).

En général, pour les périodes de rétention allant de 7 à 35 jours,


l’espacement optimal varie entre 20 et 45 % de la durée de rétention voulue.
Ainsi, si la durée de rétention souhaitée est de 10 jours, l’espacement
optimal se situe entre 2 et 4,5 jours. Bien que cette règle confirme le rôle de
l’espacement dans la rétention à long terme, ses implications pratiques sont
relativement restreintes, puisque, dans les faits, on veut habituellement se
souvenir à court, moyen et long terme des connaissances apprises et on peut
en général étudier ou s’entraîner jusqu’au moment où un apprentissage nous
sera utile – jusqu’à un examen, par exemple. Cela dit, il est possible
d’imaginer une situation dans laquelle un événement comme un voyage
nous empêchera d’étudier juste avant un examen. Si l’examen a lieu au
retour d’un voyage de 14 jours, alors il est souhaitable d’étudier avant le
voyage avec un espacement de 20 à 45 % de la durée de rétention – donc
d’étudier tous les 3 à 6 jours.

Figure 33. La durée d’espacement optimale dépend de la durée de rétention. Les quatre
courbes ci-dessus montrent l’évolution de la proportion de réponses correctes en fonction
de la durée d’espacement. Le sommet de chaque courbe est la durée d’espacement
optimale pour chacune des périodes de rétention étudiées (d’après Cepeda et al., 2008).

Comment mettre en application le principe


d’espacement ?
Il existe de nombreuses façons de mettre en application le principe
d’espacement. Nous allons en voir quatre principales : distribuer dans le
temps des périodes d’apprentissage, augmenter progressivement la durée de
l’espacement, entrelacer les apprentissages et résister à l’intuition erronée
selon laquelle le regroupement est plus efficace.

Distribuez les périodes d’apprentissage


La stratégie la plus intuitive pour mettre en place l’effet d’espacement
est de distribuer dans le temps les périodes allouées à un apprentissage.
Lorsque l’apprentissage est regroupé, les activités d’apprentissage ont lieu
au cours d’une même période. Pour profiter de l’effet d’espacement, il faut
distribuer ces activités sur plus d’une période. La figure 34 donne une idée
globale de cette stratégie : les activités d’apprentissage (en gris) sont
distribuées sur trois périodes plutôt que de se dérouler sur une seule.

Figure 34. La stratégie de distribution consiste à étaler dans les temps les moments alloués
à un apprentissage. Dans cet exemple, au lieu de regrouper les trois activités
d’apprentissage sur une seule période, ces dernières sont réparties sur trois périodes
différentes.

DISTRIBUER EN S’ENTRAÎNANT PLUS SOUVENT


MOINS LONGTEMPS

Pour distribuer les périodes d’apprentissage, une première technique est


de s’entraîner plus souvent, mais moins longtemps. Si l’objectif est
d’apprendre à jouer de la guitare ou d’apprendre une nouvelle langue, il est
préférable de s’exercer plus souvent, mais moins longtemps, plutôt que
beaucoup d’un coup. Par exemple, s’entraîner 10 minutes chaque jour est
préférable à s’entraîner deux fois par semaine pendant 35 minutes. Dans les
deux scénarios, 70 minutes sont allouées à l’apprentissage, mais, puisque ce
temps est distribué sur quelques jours, s’entraîner pendant 10 minutes
chaque jour sera plus efficace.
Lorsqu’on met en application le principe d’espacement, il faut
évidemment prendre en compte le contexte, car il y a une limite en pratique
au fractionnement du temps. Imaginons le scénario extrême d’une personne
qui, pour optimiser l’effet d’espacement, s’exerce à la guitare pendant
seulement 30 secondes 20 fois par jour. En théorie, comme les périodes
d’apprentissage sont distribuées, l’apprentissage réalisé sera plus grand et
plus durable. En pratique cependant, ce scénario comporte plusieurs
inconvénients. D’abord, il faut additionner aux 30 secondes le temps
nécessaire pour s’installer, sortir sa guitare et ses partitions et commencer à
jouer. Ce temps additionnel qui n’est pas alloué à l’apprentissage peut
engendrer une perte de temps considérable. Ensuite, il faut trouver
20 moments au cours de la journée pour s’entraîner, ce qui signifie qu’il
faut probablement interrompre ce que l’on fait 20 fois au cours de la
journée. Finalement, tous ces moments où l’on s’arrête pour s’entraîner
peuvent être une source de distraction importante dans l’accomplissement
des obligations quotidiennes, ce qui peut nous rendre moins productifs. Il
faut donc prendre en compte le contexte dans lequel est réalisé un
apprentissage pour évaluer à quel point il est possible de fractionner le
temps d’apprentissage sans qu’il y ait d’effets secondaires trop importants.
La technique « plus souvent moins longtemps » devrait notamment être
prise en compte dans l’organisation des horaires à l’école. En règle
générale, il est préférable d’avoir de courtes périodes nombreuses plutôt que
seulement quelques longues périodes. Ainsi, six périodes d’une heure sont
préférables à deux périodes de trois heures. Ici également, il y a une limite
au fractionnement qui doit être évaluée en fonction du contexte. Par
exemple, il est difficile d’imaginer un horaire d’école avec des périodes de
seulement 20 minutes si les étudiants doivent se déplacer d’une salle à
l’autre entre les périodes. Il y aurait en effet beaucoup de perte de temps en
déplacement. Il faut aussi avoir assez de temps pour se mettre au travail. Si
les périodes sont de 20 minutes, et que la prise des présences, la préparation
du matériel d’apprentissage et autres routines demandent 5 à 10 minutes, il
ne reste alors que 10 ou 15 minutes pour les apprentissages ; 25 à 50 % du
temps seront alors alloués à des tâches qui ne contribuent pas à
l’apprentissage, ce qui n’a évidemment aucun sens. Les cours universitaires
constituent un autre exemple. Généralement, un cours universitaire a lieu
une fois par semaine pendant trois heures. En théorie, il vaut mieux
distribuer ces 3 heures d’enseignement par semaine sur deux ou trois cours
de 90 minutes ou 60 minutes. Pourtant, rares sont les universités qui le font,
car il faut tenir compte du fait que souvent les étudiants ne sont pas à
l’université toute la journée et ne se déplacent que pour leur cours. S’ils ne
se déplacent que pour 60 ou 90 minutes de cours, ils pourraient argumenter
avec raison que c’est trop peu.
En plus d’influencer l’organisation de la grille horaire, la mise en
application du principe d’espacement a également des répercussions sur
l’organisation des devoirs et de l’étude. Donner des devoirs et de l’étude
aux élèves est une façon simple d’espacer sans modifier la structure de la
grille horaire. En effet, comme les devoirs et l’étude ont lieu après les cours,
il y a donc nécessairement un espacement entre ces derniers et les moments
alloués aux devoirs et à l’étude.
Les enseignants peuvent aller plus loin en donnant non seulement des
devoirs et de l’étude, mais aussi en planifiant de façon optimale ceux-ci. Par
exemple, un enseignant peut donner plus souvent des devoirs plus courts.
Ainsi, plutôt que de donner aux élèves un seul devoir de 30 minutes chaque
semaine, il peut donner trois devoirs, répartis au cours de la semaine, qui
nécessitent chacun une dizaine de minutes.
Autant que possible, la formation en entreprise devrait également tenter
de répartir le temps alloué à la formation. Au lieu d’avoir une longue
semaine de formation par année, il est préférable de planifier cinq
formations d’une journée réparties au cours de l’année. Évidemment, des
contraintes d’horaire peuvent rendre difficile la distribution des moments de
formation, mais tout ce qui peut réalistement être fait pour favoriser la
distribution des moments de formation devrait l’être.
Malheureusement, les formateurs peuvent rarement répartir le temps de
formation, puisque le moment de formation est souvent imposé par la
personne ou l’organisme qui les engagent. Ils peuvent cependant prévoir
une activité pré- ou postformation en suggérant, par exemple, la lecture
d’un texte à lire avant ou après la formation. Évidemment, l’ajout d’une
activité dépasse le cadre du simple espacement, car il ne s’agit pas juste de
distribuer les activités prévues, mais d’ajouter une activité. Cela dit,
planifier une activité pré- ou postformation peut constituer une façon de
mettre en application l’espacement.

DISTRIBUER EN MAXIMISANT LE TEMPS ENTRE


LES PÉRIODES D’APPRENTISSAGE

Pour optimiser encore davantage l’espacement de l’apprentissage, une


deuxième technique est de planifier les périodes d’apprentissage de façon à
ce qu’il y ait le plus de temps possible entre chaque période.
Par exemple, la grille horaire des écoles devrait être conçue de façon à
éviter qu’il y ait deux cours consécutifs de la même matière (par exemple,
deux cours de mathématiques d’une heure en après-midi) et que les cours
d’une matière soient concentrés sur une partie restreinte de la semaine (par
exemple, un cours le lundi et un autre le mardi, mais aucun autre cours le
reste de la semaine). Il faut également éviter que des périodes de rattrapage
dans une matière suivent ou précèdent immédiatement les cours de cette
même matière (par exemple, une période de rattrapage en mathématiques à
midi juste après ou avant un cours de cette matière).
Une autre façon d’optimiser l’impact des devoirs et de l’étude sur
l’apprentissage est d’aider les élèves (et les parents qui les encadrent) à
planifier un horaire d’étude et de devoir. On peut par exemple suggérer de
compléter un devoir long en deux ou trois jours plutôt qu’en une seule
journée.
Même chose pour l’étude : on peut aider les élèves à organiser l’étude
de façon à répartir le temps alloué à une matière sur quelques jours plutôt
qu’une seule longue soirée. D’ailleurs, il arrive malheureusement trop
souvent que les élèves n’étudient qu’une seule fois la veille d’un examen. Il
faut leur conseiller et leur expliquer qu’il est à leur avantage de distribuer
leur temps d’étude sur quelques jours pour mieux réussir, et ce, en ne
travaillant pas davantage.
Il est possible d’aller encore plus loin dans la mise en application du
principe d’espacement et dans la maximisation du temps entre les périodes
d’apprentissage. On peut en effet organiser l’horaire de façon à ce que les
devoirs et l’étude d’une matière n’aient pas lieu les mêmes jours où se
déroulent les cours de cette matière. La figure 35 fournit un exemple de ce
qui peut être fait. Si les cours de mathématiques ont lieu le lundi, le mardi,
le jeudi et le vendredi, l’étude et les devoirs de mathématiques devraient
idéalement être faits le mercredi (journée où il n’y a pas de cours de
mathématiques) de façon à augmenter le temps entre les périodes dédiées à
l’apprentissage des mathématiques.
Figure 35. Planifier les périodes d’étude et de devoirs est un moyen simple de mettre en
application le principe d’espacement. Dans cette grille horaire, l’étude en mathématiques
est prévue la journée qui ne comporte aucun cours de mathématiques.

Augmentez progressivement l’espacement


Distribuer les périodes d’apprentissage n’indique pas précisément
quelle est la période de temps optimale entre les activations. La question de
la durée optimale d’espacement est complexe, car cette dernière dépend de
la durée de rétention. De plus, la pertinence pratique de cette règle reliant la
durée d’espacement à la durée de rétention est limitée à un très faible
nombre de situations exceptionnelles.
Il existe cependant une façon plus pertinente et plus simple d’aborder
concrètement la question de l’espacement optimal. En effet, des recherches
ont montré qu’augmenter progressivement le temps s’écoulant entre les
périodes d’apprentissage est souvent plus efficace que d’utiliser toujours la
même durée d’espacement. Ainsi, au lieu de rechercher une durée fixe
d’espacement (par exemple, tous les 2 jours), il est préférable d’augmenter
progressivement l’intervalle entre les séances d’apprentissage (par exemple,
en passant d’un intervalle de 1 à 2 jours, puis de 2 à 3 jours et ainsi de
suite).
Les résultats d’une étude 15 portant sur cette question sont présentés à la
figure 36. Les courbes présentées montrent l’évolution du niveau
d’apprentissage en fonction du temps. La courbe grise montre l’évolution
du pourcentage de rappel lorsque l’espacement est constant (10 jours entre
les entraînements), tandis que la courbe noire ce qui se produit quand
l’espacement est progressif (passant de 3 à 9 jours pour finalement atteindre
28 jours). À chaque période d’apprentissage, une montée rapide du
pourcentage de rappel est observée, suivi d’une descente causée par l’oubli.
Deux avantages à l’espacement progressif sont observables sur ce
graphique. Premièrement, la courbe noire de l’espacement progressif est
généralement plus élevée que celle de l’espacement constant. Cela signifie
que la performance des apprenants profitant de l’espacement progressif est,
à presque tous les moments, supérieure à celle des autres. La seule
exception est observée à 20 jours au moment où les apprenants du groupe
d’espacement constant viennent tout juste d’avoir un entraînement, alors
qu’il s’est écoulé plus de 10 jours depuis le dernier entraînement dans le
groupe d’espacement progressif. Un second avantage, limité, mais qui
mérite tout de même d’être souligné, est qu’à long terme l’espacement
progressif diminue peut-être légèrement la vitesse d’oubli (la courbe noire
est plus élevée que la courbe grise dans la partie droite du graphique).
Figure 36. Augmenter progressivement l’intervalle entre les périodes d’apprentissage
comporte des avantages. Ici, la courbe d’apprentissage noire représentant un espacement
progressif est généralement au-dessus de la courbe associée à un espacement constant.
De plus, l’espacement progressif réduit très légèrement l’oubli (voir la partie droite du
graphique) (d’après Kong et al., 2014).

Au lieu de viser un espacement constant, il est donc préférable de


préconiser un espacement progressif. D’ailleurs, les effets positifs de
l’espacement progressif sont cohérents avec ce que l’on peut anticiper
lorsqu’on tient compte du rôle de l’oubli dans l’apprentissage. En effet, au
début d’un apprentissage, les connexions neuronales commencent à se
renforcer, mais elles demeurent somme toute assez faibles.
Conséquemment, il est plausible de penser qu’il ne faut pas attendre trop
longtemps au début d’un apprentissage avant de poursuivre les
entraînements, et ce, afin de ne pas oublier et défaire entièrement les
fragiles connexions récemment établies. Par contre, après quelques séances
d’apprentissage, la force des connexions neuronales s’est considérablement
améliorée, si bien qu’il est possible d’augmenter l’espacement sans que les
connexions s’affaiblissent de façon trop significative. Finalement, après
plusieurs périodes d’activités, les connexions neuronales sont assez
renforcées pour survivre à une longue période sans activation.
La figure 37 présente un exemple de planification intégrant
l’espacement progressif. La partie A en haut montre une vue générale de
l’augmentation progressive de l’espacement entre les huit séances
d’apprentissage. La partie B quant à elle présente une planification plus
précise des moments où pourraient se dérouler les séances d’apprentissage
sur une période d’un mois. On y voit que la séance 2 a lieu un jour après la
séance 1, que la séance 3 se déroule 2 jours après la séance 2, etc. Il est
important de noter que l’espacement progressif peut également s’effectuer à
une échelle de temps plus courte. Par exemple, la deuxième activation liée à
un apprentissage peut avoir lieu 2 minutes après la première, la troisième
survenir 5 minutes après la deuxième, etc.
Figure 37. Pour réaliser un espacement progressif, il faut augmenter l’intervalle entre
chaque période d’apprentissage. Dans la partie A, huit périodes d’apprentissage sont
réparties de façon à augmenter l’espacement entre chaque période. La partie B présente
un exemple d’espacement progressif pour un apprentissage incluant huit périodes réparties
sur un mois.

Entrelacez les apprentissages


Une des difficultés dans l’application de la stratégie de la distribution
des périodes d’apprentissage est qu’il faut disposer de plusieurs courts
moments d’apprentissage répartis dans le temps. Or il arrive souvent que le
nombre de moments disponibles pour les apprentissages soit limité. Par
exemple, les formations et les cours doivent souvent avoir lieu une ou deux
fois par semaine lors de journées précises (le lundi et le jeudi, par exemple).
Les fins de journée où il est possible d’étudier ou de faire ses devoirs
peuvent aussi être limitées par des activités sportives et d’autres contraintes.
Même lorsqu’il s’agit d’apprentissages réalisés à des fins personnelles
comme apprendre une nouvelle langue ou apprendre le piano, des
obligations personnelles, familiales ou professionnelles peuvent restreindre
les moments où peuvent se dérouler les activités d’apprentissage.
Par ailleurs, la plupart du temps, un apprentissage nécessite l’atteinte de
plusieurs objectifs relativement indépendants les uns des autres. Apprendre
la guitare, par exemple, nécessite d’apprendre la lecture de notes et
d’accords, la position exacte pour produire chaque note et chaque accord,
etc. Apprendre la guitare, ce n’est donc pas juste « apprendre la guitare »,
c’est notamment apprendre l’accord de mi, l’accord de ré, l’accord de sol,
etc. Au cours d’une même séance d’apprentissage, différentes activités
peuvent être réalisées pour atteindre différents objectifs. Il est possible
d’utiliser cette caractéristique pour mettre en application l’effet
d’espacement, même lorsque le nombre de séances d’apprentissage est
limité, en entrelaçant les activités reliées à différents objectifs au cours
d’une même séance.
La figure 38 donne un aperçu général de ce qu’entrelacer les
apprentissages signifie. De façon comparable à la stratégie de distribution,
la stratégie d’entrelacement consiste à répartir les activités liées à un
objectif d’apprentissage sur plus d’une période. Cependant, contrairement à
la distribution, des activités liées à d’autres objectifs d’apprentissage
peuvent avoir lieu pendant le reste de la période d’apprentissage. Par
exemple, plutôt que de regrouper toutes les activités liées à l’objectif
d’apprentissage 1 à la période 1, elles peuvent être réparties sur trois
périodes (voir figure 38). Le reste de la période qui n’est pas consacré à
l’objectif 1 peut alors être alloué à des activités visant les objectifs 2 et 3.
Figure 38. Pour mettre en application le principe d’espacement, il est possible d’entrelacer
les activités visant différents objectifs d’apprentissage au cours d’une même période. Si
trois périodes sont disponibles pour atteindre trois objectifs d’apprentissage, les activités de
chacun des objectifs peuvent être réparties sur les trois périodes plutôt que d’avoir lieu
pendant une seule période.

ENTRELACER EN SUBDIVISANT LES PÉRIODES


D’APPRENTISSAGE

Entrelacer les périodes d’apprentissage s’applique particulièrement bien


aux situations comme les cours et les formations où il faut obligatoirement
profiter de tout le temps disponible pendant une période fixe. En effet, selon
le principe d’espacement, il faut s’exercer plus souvent, moins longtemps ;
que fait-on alors avec le temps restant d’un cours ou d’une formation s’il ne
faut pas faire toutes les activités liées à un apprentissage d’un coup ? Si un
cours ou une formation se déroule sur plusieurs périodes, on peut subdiviser
chaque période en deux ou en trois. Par exemple, si chaque période dure
une heure, l’enseignant ou le formateur peut la diviser en trois sous-
périodes de vingt minutes, chacune dédiée à un objectif d’apprentissage
différent.
Pour faire cela, il ne faut évidemment pas que les objectifs soient
hiérarchisés les uns par rapport aux autres. Si l’objectif 2 a pour préalable
l’objectif 1, il peut alors être impossible, ou du moins non souhaitable,
d’entrelacer les activités des objectifs 1 et 2, puisqu’il faut d’abord acquérir
les savoirs et habiletés de l’objectif 1 avant ceux de l’objectif 2.
Heureusement, un cours ou une formation comporte souvent des objectifs
ou des thématiques qui sont relativement indépendants les uns des autres.
Par exemple, un enseignant de physique qui doit aborder des objectifs
d’apprentissage liés à la mécanique et à l’électricité durant l’année scolaire
peut entrelacer les deux thématiques. Ainsi, plutôt que d’aborder la
mécanique durant la première partie de l’année et l’électricité durant la
deuxième, il peut diviser chaque séance de cours en deux, la première étant
réservée à la mécanique et la seconde à l’électricité.
La technique de la subdivision des périodes d’apprentissage s’applique
également à l’organisation des périodes d’étude. Au lieu de consacrer une
journée différente à l’étude de chaque matière, chaque période d’étude peut
porter sur plus d’une matière. Par exemple, plutôt que d’étudier l’anglais le
lundi, le français le mardi et les sciences le mercredi, chaque période
d’étude peut comprendre les trois matières. Ainsi, chaque jour, les trois
matières peuvent être abordées de façon entrelacée sans exiger plus de
temps d’étude.
Cette planification de l’étude n’étant pas naturelle à tous, il faut que les
enseignants et les parents aident les élèves à organiser leur étude de cette
manière. En début d’année scolaire, une école peut par exemple décider
d’informer les parents de l’importance de mettre en application cette
stratégie et proposer un plan hebdomadaire d’étude incluant la technique de
la subdivision. La figure 39 donne un exemple d’un tel plan. Au lieu de
seulement annoncer qu’il faut étudier cette semaine le vocabulaire du bloc
#4, la table de multiplication de 7 et les types d’énergie, en plus de faire le
devoir en histoire, on peut suggérer un horaire dans lequel chaque période
d’étude est subdivisée, ce qui permet d’entrelacer et de répartir chaque
élément sur plus d’une journée.
Figure 39. Entrelacer l’étude et les devoirs permet de mettre en application le principe
d’espacement. Par exemple, plutôt que de consacrer une période complète à l’étude d’un
bloc de vocabulaire, il est préférable de ne consacrer qu’une partie d’une période à cette
fin, d’utiliser le reste du temps de cette période pour autre chose et de compléter le reste de
l’étude du vocabulaire à d’autres moments.

ENTRELACER EN MÉLANGEANT LES EXERCICES

En plus d’entrelacer les activités portant sur différents objectifs


d’apprentissage, il est également possible de réaliser un microentrelacement
en mélangeant les types d’exercices au sein d’une même activité
d’apprentissage. Cela peut être particulièrement pertinent pour les exercices
de révision. Si, par exemple, il faut apprendre à additionner et multiplier des
fractions, il est préférable de faire des exercices qui entrelacent les
différents types de problèmes plutôt que de les regrouper (voir figure 40).
Le mélange des exercices peut être réalisé dans une variété de
contextes. Pour apprendre la guitare par exemple, les exercices portant sur
les accords ré, sol et mi peuvent être mélangés. Ainsi, plutôt que de répéter
l’accord ré à plusieurs reprises, puis les accords de sol et mi, il est
préférable d’alterner les exercices de chacun des accords. En entrelaçant
ainsi les exercices, les activations seront davantage espacées.
Au moins trois raisons peuvent expliquer l’efficacité du mélange des
exercices. La première raison, nous l’avons vue, est que l’entrelacement
mène à un plus grand espacement des activations, ce qui provoque un plus
grand maintien de l’activation au cours des exercices en évitant
l’habituation. La deuxième raison est que, dans ce type d’exercices
mélangés, il faut récupérer en mémoire une information (par exemple, la
position des doigts pour faire l’accord de ré), la retirer de la mémoire de
travail pour récupérer une autre information (par exemple, la position des
doigts de l’accord de sol) et l’activer ensuite à nouveau en mémoire lorsque
nécessaire. Cette gymnastique fait en sorte que la récupération en mémoire
est plus exigeante et plus efficace pour apprendre. La troisième raison est
que ce passage d’un type d’exercices à l’autre renforce la capacité à
distinguer les différents types d’exercices et nécessite un traitement plus en
profondeur et plus exigeant de l’information. Comme nous l’avons vu, un
certain niveau de difficulté est désirable pour faciliter l’apprentissage.

Figure 40. Mélanger les exercices est une façon d’entrelacer les apprentissages. Dans
l’exemple ci-dessus, les exercices de multiplication et d’addition de fractions sont mélangés
rendant ainsi leurs effets sur l’apprentissage plus importants.

Cela dit, il est plausible de penser qu’il est préférable que le mélange
des exercices se produise graduellement. Il faut en effet que la tâche
demandée soit assez difficile pour activer le cerveau, mais pas difficile au
point d’empêcher sa réussite. En conséquence, au début de l’apprentissage,
quand une tâche est si difficile à accomplir que la moindre difficulté
supplémentaire peut empêcher sa réussite, le mélange des exercices n’est
peut-être pas souhaitable. Cependant, dans les autres situations, ce mélange
est susceptible de faciliter l’apprentissage.

ENTRELACER EN REVENANT SUR LES CONTENUS


DÉJÀ ABORDÉS

L’une des techniques les plus faciles à utiliser pour mettre en


application l’entrelacement des apprentissages est de faire un retour sur les
contenus appris antérieurement. Il est question ici non seulement des
contenus abordés au dernier cours ou récemment, mais aussi, et surtout, des
contenus vus il y a quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois.
Un avantage de cette technique est qu’elle ne nécessite pas de changer
de façon importante la planification des séances d’apprentissage déjà
prévues, mais seulement d’intégrer de courts moments au sein de celles-ci
pour réactiver les connaissances. Autrement dit, au lieu de subdiviser une
période en deux ou trois sous-périodes de durée similaire, la période est
divisée en deux parties d’une durée très différente : une partie de quelques
minutes seulement visant la réactivation et une période presque aussi
longue qu’habituellement pour les apprentissages prévus.
En classe et en formation, ce retour sur les contenus déjà abordés peut
être intégré à la routine de classe et avoir lieu, par exemple, au début de
chaque séance. Il peut prendre la forme d’une question ou d’un court
exercice impliquant la réactivation d’éléments vus il y a plus ou moins
longtemps. Cet intermède de révision peut être présenté aux élèves comme
un défi à relever. L’un des avantages de cette approche est qu’elle ne
nécessite pas de changer la planification existante, mais seulement de
prévoir le contenu de courtes révisions.
Une autre façon de revenir sur les contenus abordés pour entrelacer les
apprentissages est d’ajouter aux exercices et examens existants une question
ne portant pas sur le contenu actuellement vu en classe, mais sur le contenu
appris il y a longtemps. Cette question supplémentaire peut être présentée
comme une question défi permettant d’accumuler des points
supplémentaires. Encore une fois, cette approche ne nécessite pas de
changer de façon significative sa planification ou ses exercices, mais
simplement d’ajouter une question au matériel existant.
Cette technique de retour sur le contenu peut également être utilisée
pour l’étude. Si trente minutes sont prévues pour étudier, quelques minutes
peuvent être réservées à un retour sur du contenu ancien. Ce contenu peut
être lié ou complètement indépendant du contenu à l’étude. L’objectif est
d’activer à nouveau les neurones liés à un apprentissage ancien et de le faire
de façon espacée.
La même technique peut être appliquée aux apprentissages autodidactes
comme l’apprentissage de la guitare ou d’une nouvelle langue. On peut en
effet réserver une courte partie des séances d’étude pour réactiver les
connaissances antérieures. Par exemple, si les accords de ré et mi ont été
vus lors des séances précédentes et que la séance actuelle porte sur les
accords de sol et de la, quelques minutes en début de séance peuvent être
consacrées aux accords de ré et mi déjà vus, sans perturber de façon
significative les activités prévues pour l’apprentissage des nouveaux
accords.

Résistez à l’intuition selon laquelle


le regroupement est plus efficace
Après avoir lu le présent chapitre, les bienfaits de l’espacement des
apprentissages vous apparaissent probablement de plus en plus évidents. Il
peut alors être tentant de penser que tout le monde croit spontanément que
l’espacement est préférable au regroupement. Ce n’est pourtant pas le cas.
Vous rappelez-vous la recherche portant sur l’utilisation de fiches
d’étude (flashcards) discutée plus haut dans ce chapitre ? Les résultats
montraient clairement que les fiches étudiées de façon espacée étaient
mieux retenues que les fiches étudiées de façon regroupée. Pourtant,
lorsque les chercheurs de cette recherche ont demandé aux participants s’ils
avaient mieux appris les fiches étudiées de façon espacée ou regroupée,
72 % soutenaient à la fin de la première séance d’étude qu’ils avaient appris
davantage de façon regroupée que de façon espacée. Or les résultats
obtenus au test final montraient clairement que les fiches étudiées de façon
espacée avaient été mieux apprises. Les bienfaits de l’espacement peuvent
donc apparaître contre-intuitifs pour certains.
Cela s’explique sûrement par le fait que l’activation d’un groupe de
neurones lié à un apprentissage rend l’activation suivante plus facile. En
conséquence, si une même fiche d’étude est révisée huit fois durant une
période d’étude relativement courte, l’apprenant aura alors l’impression,
avec raison, que se rappeler le contenu de cette fiche est maintenant facile
pour lui. Toutefois, comme nous l’avons vu, les activations rapprochées ne
contribuent pas autant aux renforcements des connexions neuronales et ne
laissent donc pas autant de traces dans le cerveau que les activations
espacées. C’est donc dire que les activations répétées rapprochées ne
contribuent pas autant à l’apprentissage que les activations espacées.
Bien qu’en général les enseignants, les formateurs et les parents
trouvent assez intuitive l’idée que l’espacement contribue davantage à
l’apprentissage que le regroupement, il n’en demeure pas moins que les
observations quotidiennes peuvent renforcer la croyance inverse. En effet,
après avoir réalisé successivement cinq activités d’apprentissage visant
l’apprentissage de l’orthographe d’un groupe de mots, les élèves atteindront
souvent un très haut taux de réussite avec une facilité parfois évidente, ce
qui peut donner l’impression que le regroupement est une stratégie efficace.
Un autre élément peut renforcer la croyance en l’efficacité du
regroupement : l’oubli causé par l’espacement entre les activités. En effet,
comme le niveau de performance au début de la deuxième activité est
généralement plus bas qu’à la fin de la première à cause de l’oubli provoqué
par l’espacement, cela peut donner l’impression que l’espacement n’est pas
une bonne idée, car l’oubli fait en sorte qu’il faut recommencer
l’apprentissage.
Les résultats d’une étude présentée à la figure 41 illustrent bien ce
propos 16. À gauche, le graphique indique que les performances enregistrées
au cours des séances d’exercices sont plus élevées si les exercices du même
type sont regroupés plutôt qu’entrelacés. Cette meilleure performance peut
donner l’impression que le regroupement est préférable à l’espacement.
Pourtant, les résultats obtenus au test qui suit tous les exercices montrent
très clairement que l’entrelacement est plus efficace que le regroupement.
Le fait de regrouper les questions du même type rend les exercices plus
faciles, mais cette facilité trop grande nuit à l’apprentissage et cela se reflète
dans les résultats obtenus au test final. Autrement dit, si la performance
optimale à une tâche (et non l’apprentissage) est ce qui compte le plus, il est
préférable de regrouper les sous-tâches similaires. Pour mieux apprendre
cependant, il est plus efficace d’entrelacer.
Figure 41. Entrelacer les types de questions lors d’un exercice est plus efficace que de les
regrouper, comme le montrent les résultats obtenus à un test (partie droite de la figure).
Cependant, le regroupement des exercices de même nature rend la tâche plus facile, alors
que de meilleurs résultats sont observés pendant l’entraînement, ce qui peut créer une
fausse impression d’efficacité (d’après Rohrer et Taylor, 2007).
En somme…
Plusieurs raisons justifient l’espacement des apprentissages qui est le cinquième
principe à retenir ici. La première raison découle de l’effet d’habituation causée par
l’activation répétée et rapprochée des neurones. Cette habituation provoque une
réduction progressive de l’activité cérébrale pouvant nuire à l’apprentissage et au
renforcement des connexions neuronales. Par conséquent, espacer l’activation
des neurones permet un meilleur maintien de l’activité cérébrale tout au long des
périodes d’apprentissage. La deuxième raison est que, pendant le sommeil, le
cerveau rejoue les événements vécus en réactivant notamment les mêmes
neurones que ceux impliqués dans les apprentissages réalisés. Espacer permet
donc de profiter de réactivations spontanées pendant le sommeil, qui contribuent à
l’apprentissage, comme les activations causées par l’entraînement. La troisième
raison est que les mécanismes biochimiques permettant de modifier les
connexions neuronales prennent du temps à se finaliser. Si les processus de
renforcement neuronal découlant d’un groupe d’activations ne sont pas complétés,
les réactivations supplémentaires n’apporteront que peu de gains en ce qui
concerne le renforcement des connexions cérébrales. Espacer, c’est donc profiter
davantage de l’effet bénéfique de chaque activation. La quatrième raison est que
l’espacement permet non seulement d’améliorer l’apprentissage, mais aussi de
réduire l’oubli en créant des connexions cérébrales plus fortes et durables.
Pour mettre en application le principe d’espacement, au moins quatre stratégies
peuvent être envisagées. La première est de distribuer dans le temps les périodes
allouées à un apprentissage plutôt que de les regrouper. Autrement dit, il faut
s’entraîner plus souvent, mais moins longtemps pour apprendre mieux. Il faut
également chercher à maximiser le temps s’écoulant entre les périodes
d’apprentissage. La deuxième stratégie porte sur la durée optimale d’espacement.
Des études suggèrent qu’il est préférable d’augmenter progressivement le temps
s’écoulant entre les activations pour optimiser les bienfaits de l’espacement. Il est
donc préférable que les activations liées à un apprentissage soient d’abord
rapprochées, puis progressivement éloignées. Une troisième stratégie est
d’entrelacer les apprentissages. On peut entrelacer en divisant les périodes en
sous-périodes qui seront chacune dédiée à un objectif d’apprentissage différent,
en mélangeant les différents types de questions dans un exercice ou encore en
faisant un bref retour sur le contenu abordé il y a quelques jours, quelques
semaines ou même quelques mois. La quatrième et dernière stratégie est un
appel à la prudence. En effet, comme le regroupement des périodes
d’apprentissage et des types d’exercices peut rendre une tâche plus facile à
réaliser, il faut résister à l’intuition de croire que le regroupement mène à de
meilleurs apprentissages que l’espacement et ne pas confondre la facilité à
accomplir une tâche avec l’apprentissage, c’est-à-dire avec la modification des
connexions neuronales.

Figure 42. Espacer l’activation des neurones permet de favoriser le maintien de l’activité cérébrale, de
réactiver les neurones pendant le sommeil, de laisser le temps au cerveau de renforcer ses connexions et
d’améliorer l’apprentissage, en plus de diminuer l’oubli. Pour mettre en application le principe
d’espacement de façon optimale, il faut distribuer les périodes d’apprentissage, augmenter
progressivement l’espacement, entrelacer les apprentissages et résister à l’intuition selon laquelle le
regroupement est plus efficace que le regroupement.
CHAPITRE 6

Maximisez la rétroaction

Pour apprendre, il faut changer son cerveau. Les enseignants, les


formateurs, les parents et les apprenants eux-mêmes peuvent faciliter les
changements neuronaux essentiels à l’apprentissage en mettant en
application des principes neuroéducatifs et des stratégies prenant en compte
les mécanismes de plasticité du cerveau. Activer les neurones liés à un
apprentissage à plusieurs reprises de façon espacée, notamment grâce à
l’entraînement à la récupération en mémoire et à l’élaboration
d’explications, permet en effet de tirer pleinement profit de la plasticité du
cerveau et de faciliter significativement l’apprentissage.
Dans ce chapitre, nous allons voir l’importance de maximiser la qualité
et la quantité de rétroaction (ou feedback). En effet, le retour d’information
survenant à la suite d’une action est non seulement utile pour aider le
cerveau à changer ses connexions neuronales, mais aussi pour assurer que
ces changements sont pertinents et utiles.

Pourquoi faut-il maximiser


la rétroaction ?
Au moins quatre raisons justifient l’importance de maximiser la
rétroaction. Premièrement, la rétroaction peut stimuler l’activation de
mécanismes cérébraux de correction d’erreur. Ces derniers aident le cerveau
à modifier des connexions neuronales afin de corriger une erreur et agir
plus efficacement. Deuxièmement, la rétroaction peut stimuler l’activation
des mécanismes cérébraux de renforcement et augmenter la quantité de
dopamine dans le cerveau, ce qui peut contribuer au renforcement des
connexions neuronales efficaces et utiles. Troisièmement, la rétroaction
permet de façon plus globale d’améliorer le pouvoir prédictif du cerveau et
de maximiser ses dépenses énergétiques. Quatrièmement, plusieurs
recherches montrent que la rétroaction influence de façon significative
l’apprentissage, en particulier si elle est faite de façon optimale, en plus de
diminuer les risques de répétition d’une erreur.

Pour activer les mécanismes cérébraux


de correction d’erreur
Au début d’un apprentissage, il est fréquent de commettre des erreurs.
Ces dernières peuvent découler de l’activation de réseaux de neurones
préexistants qui orientent nos idées et nos actions dans une mauvaise
direction. Ces réseaux de neurones peuvent notamment découler de la
répétition d’une erreur. En effet, comme les neurones qui s’activent
ensemble se connectent ensemble, le fait d’activer les neurones menant à
une erreur augmente la probabilité de répéter celle-ci. La rétroaction
négative, qui consiste à fournir à l’apprenant une information lui indiquant
qu’une erreur a été commise, est donc importante, en particulier au début de
l’apprentissage, pour éviter le renforcement de l’erreur et des réseaux de
neurones qui la sous-tendent.
L’existence de réseaux de neurones causant des erreurs peut également
s’expliquer d’une autre façon. Au début de l’apprentissage, le cerveau n’est
pas « vide ». Il contient déjà de multiples connexions neuronales formant de
vastes réseaux de connaissances et d’habilités. Probablement pour
économiser de l’énergie, le cerveau a tendance à recruter les réseaux de
neurones qui s’activent spontanément pour accomplir une tâche. Bien que
ces réseaux de neurones puissent mener à la réussite d’une certaine tâche,
ils peuvent aussi mener à commettre des erreurs dans une autre. La
rétroaction négative aide le cerveau à sortir de son mode intuitif, spontané
et automatique en activant les mécanismes de correction d’erreur qui
requièrent plus d’effort et d’énergie, mais qui sont nécessaires pour
contrôler l’activation spontanée du cerveau et ajuster ses connexions
neuronales pour éviter l’erreur.
Plusieurs études montrent que la rétroaction négative qui consiste à
informer une personne qu’une erreur a été commise peut mener à
l’activation des mécanismes cérébraux de correction d’erreur. La figure 43
montre les résultats d’une de ces études 1. Les trois régions cérébrales les
plus activées à la suite de la rétroaction négative sont le cortex cingulaire
antérieur, le cortex préfrontal ventro-latéral et le cortex préfrontal dorso-
latéral.
Le cortex cingulaire antérieur est une région particulièrement
importante dans l’apprentissage et le fonctionnement cérébral. Il est situé
entre le système limbique (système associé, comme nous le verrons, aux
émotions et au système de récompense) et le cortex préfrontal. Il s’active
généralement lorsqu’un conflit d’information est détecté 2. Ce conflit peut
prendre différentes formes. Il peut être causé notamment par un élément
inhabituel dans une situation familière (par exemple, un ballon qui rebondit
sur la route) ou encore par une inadéquation entre deux informations
contradictoires (par exemple, croire que les objets lourds coulent davantage
que les plus légers, mais voir qu’une petite bille coule, alors qu’un lourd
bateau flotte). Il peut aussi résulter de la rétroaction négative fournie à la
suite d’une action ou d’une réponse.
Figure 43. Lorsqu’une rétroaction négative est fournie, des régions cérébrales associées à
la correction d’erreur peuvent s’activer. L’image de gauche montre la surface interne du
cerveau (visible lorsque les deux hémisphères sont séparés par une coupe au milieu du
cerveau) avec, en gris, le cortex cingulaire antérieur responsable du déclenchement des
mécanismes de correction d’erreur. L’image de droite présente quant à elle la surface
externe du cerveau avec, en gris, le cortex préfrontal dorso-latéral et le cortex préfrontal
ventro-latéral qui sont responsables de traiter l’information pour analyser et corriger l’erreur
(d’après Monchi et al., 2001).

L’activation du cortex cingulaire antérieur permet notamment au


cerveau de passer d’un mode de fonctionnement automatisé, et qui requiert
très peu d’effort, à un mode plus contrôlé et attentif qui, lui, nécessite des
efforts et une dépense énergétique plus importante. Par exemple, la conduite
automobile chez le conducteur expérimenté requiert très peu d’effort et de
contrôle. Jusqu’à un certain point, un conducteur expérimenté fonctionne
« sur le pilote automatique ». Cependant, lorsque ce conducteur aperçoit un
élément surprenant sur la route, un élément qui entre en conflit avec ses
attentes et ses habitudes – comme un ballon qui roule sur la route –, il
active alors son cortex cingulaire antérieur qui envoie un signal au cortex
préfrontal de s’activer pour analyser la situation de façon plus soutenue et
prendre la décision de ralentir et de chercher s’il n’y aurait pas un enfant
qui tenterait d’aller chercher son ballon sur la route. Le cortex cingulaire
antérieur permet donc d’activer le cortex préfrontal et de réaliser une
analyse plus approfondie d’une situation.
À certains égards, le cerveau respecte donc une loi du moindre effort 3,
c’est-à-dire qu’il essaie, autant que possible, d’éviter une demande
cognitive élevée. Par contre, lorsque cela est nécessaire, le cortex cingulaire
antérieur peut déclencher un processus menant à un plus grand contrôle
cognitif. Un autre aspect important concernant le cortex cingulaire antérieur
est que son activation peut agir comme un renforcement négatif qui mène à
corriger ses erreurs et parfois même à éviter les tâches ou les stratégies
provoquant des conflits d’information, ce qui pourrait contribuer à
l’apprentissage. Nous reviendrons sur cet aspect fondamental un peu plus
loin.
Une fois le signal d’alarme déclenché par le cortex cingulaire antérieur,
le cortex préfrontal ventro-latéral et le cortex préfrontal dorso-latéral
débutent une analyse susceptible de corriger les erreurs. Plus
spécifiquement, le cortex préfrontal dorso-latéral associé à la mémoire de
travail permet de comparer les éléments en conflit, de même que les
différentes pistes de solution pour le résoudre, alors que le cortex préfrontal
ventro-latéral, à cause de ses multiples connexions avec des régions
postérieures du cerveau, peut agir sur les réseaux de neurones à la source de
l’erreur commise pour les modifier ou les désactiver temporairement.
Cette activation du cortex cingulaire antérieur et du cortex préfrontal à
la suite de la rétroaction négative ne mène évidemment pas toujours à la
correction d’une erreur. Il peut arriver que l’information agissant à titre de
rétroaction négative soit jugée impertinente ou erronée et que la
mobilisation des mécanismes de correction d’erreur soit abandonnée en
cours d’analyse. Il peut arriver aussi que l’analyse du rapport coût/bénéfice
mène à ne pas vouloir faire les efforts requis pour apprendre et corriger ses
erreurs. On peut en effet réaliser que l’on commet une erreur, mais juger
que les efforts nécessaires pour la corriger n’en valent pas la peine. Une
autre raison peut être à l’origine de l’incapacité à corriger une erreur à la
suite d’une rétroaction négative : l’immaturité des régions cérébrales
associées à la correction d’erreur.
En effet, des études montrent que le cerveau des enfants ne réagit pas de
la même façon que celui des adultes à la rétroaction négative. Plus
spécifiquement, le cerveau de ces derniers est plus sensible à la rétroaction
négative que celui des enfants 4. Cette différence est probablement due au
fait que le cortex préfrontal est une des régions qui demandent le plus de
temps avant d’arriver à pleine maturité. Alors que la plupart des régions
cérébrales arrivent à maturité au cours de l’enfance, le cortex préfrontal
continue à se développer jusqu’au début de l’âge adulte. On assiste
d’ailleurs à une importante augmentation des capacités cognitives associées
au cortex préfrontal (comme la mémoire de travail et l’inhibition) au cours
de l’adolescence.
Les données présentées à la figure 44 mettent bien en évidence l’effet
de l’âge sur l’activation des régions associées à la correction d’erreur 5.
Dans la partie du haut, les régions cérébrales plus activées pour la
rétroaction négative que pour la rétroaction positive sont présentées. On
remarque notamment l’activation du cortex préfrontal dorso-latéral et du
cortex cingulaire antérieur. Plus bas, les graphiques montrent l’évolution de
l’activation de ces régions entre 8 et 25 ans. Une augmentation relativement
linéaire de l’activation causée par la rétroaction négative est observée pour
ces deux régions en fonction de l’âge.
Ces résultats sont compatibles avec l’idée que le cortex préfrontal
immature de l’enfant ne lui permet pas de tirer pleinement profit de la
rétroaction négative autant qu’un adulte peut le faire. La rétroaction
négative n’agit que comme un déclencheur à l’activation du cortex
cingulaire antérieur. Pour corriger une erreur, il faut beaucoup plus : il faut
activer le cortex préfrontal dorso-latéral pour comparer l’information
fournie par la rétroaction à nos connaissances antérieures et activer le cortex
préfrontal ventro-latéral pour agir sur les réseaux de neurones associés à ces
connaissances. Tout cela est particulièrement exigeant, surtout si nos
capacités de mémoire de travail et d’analyse des informations sont limitées
par un manque de maturité.

Figure 44. L’effet de la rétroaction négative sur l’activation des régions cérébrales
associées à la correction d’erreur est influencé par l’âge. De façon générale, l’activation du
cortex préfrontal dorso-latéral et du cortex cingulaire antérieur observée à la suite de la
rétroaction négative augmente entre 8 et 25 ans (d’après Peters et al., 2014).

S’il est vrai que le cerveau immature du jeune enfant ne lui permet pas
aussi facilement que celui d’un adulte de tirer profit de la rétroaction
négative, il ne faut pas pour autant conclure qu’il ne faut jamais dire à un
enfant qu’il a commis une erreur. En effet, il faut bien comprendre que les
mécanismes de correction d’erreur sont fonctionnels chez l’enfant ; ils sont
tout simplement moins efficaces que chez l’adulte. En d’autres mots, la
rétroaction négative n’est souvent pas suffisante pour aider un enfant à
apprendre. Ainsi, il ne faut pas croire que le simple fait de mentionner une
erreur à un enfant la fera disparaître : il faut prévoir un soutien
supplémentaire.
Il ne faut pas non plus conclure de ces recherches que la correction est
toujours facile chez l’adulte à cause de la maturité de son système de
correction d’erreur. Il est clair, du moins pour les apprentissages complexes
et contre-intuitifs, que la rétroaction négative n’est souvent pas suffisante
pour permettre à l’adulte de corriger ses erreurs. Cependant, toutes choses
étant égales par ailleurs, l’adulte devrait pouvoir apprendre plus facilement
de la rétroaction négative que l’enfant. Des études montrent d’ailleurs que
les adultes peuvent, du moins dans certaines circonstances, apprendre
davantage de la rétroaction négative que de la rétroaction positive 6. Plus
important encore, la rétroaction négative peut même améliorer dans certains
cas la rétention chez l’adulte de 494 % (sic) comparativement à la
rétroaction positive 7. Cela dit, il y a fort à parier que les bénéfices de la
rétroaction négative par rapport à la rétroaction positive observés chez les
adultes ne seraient pas aussi élevés chez les enfants.

Pour augmenter la quantité de dopamine dans


le cerveau
Bien que la rétroaction négative joue un rôle des plus importants dans
l’apprentissage en activant les mécanismes de correction d’erreur, la
rétroaction positive – qui est un retour d’information confirmant la réussite
ou les bienfaits d’une action – joue quant à elle un rôle différent, mais tout
aussi important dans l’apprentissage : elle active les mécanismes cérébraux
de renforcement et de récompense, ce qui encourage à répéter la même
action ou la même réponse dans le futur.
La figure 45 présente une structure interne du cerveau nommée le
striatum. De façon générale, les structures internes du cerveau sont
associées aux émotions. Le striatum joue plus spécifiquement un rôle dans
le système de récompense et de renforcement du cerveau. Il est composé du
noyau caudé et du putamen. Les graphiques au bas de la figure 45 montrent
que ces deux régions s’activent davantage pour la rétroaction positive que
pour la rétroaction négative 8. Autrement dit, recevoir de la rétroaction
positive mène à l’activation de régions cérébrales qui agissent comme un
renforcement positif interne, lequel engendre un certain état de plaisir
pouvant motiver à répéter une action et à réactiver le réseau de neurones qui
la sous-tend.
La figure 45 montre également l’effet de présenter la tâche à accomplir
comme étant facile ou difficile. Sur les graphiques, on remarque que le
noyau caudé et le putamen s’activent davantage pour la rétroaction positive
que pour la rétroaction négative, et ce, que la tâche ait été initialement
présentée comme étant facile ou comme étant difficile. Cependant,
l’activation de ces deux régions du striatum est encore plus grande si la
tâche à accomplir est annoncée comme étant difficile. Ce résultat est
compatible avec l’idée que la réussite d’une tâche difficile apporte une plus
grande satisfaction que la réussite d’une tâche facile.
Figure 45. La rétroaction positive active davantage que la rétroaction négative deux régions
du striatum : le noyau caudé et le putamen. L’activation de ces deux régions est
particulièrement élevée si la tâche à accomplir est annoncée comme étant difficile (d’après
DePasque, Swanson et Tricomi, 2014).

Le striatum joue un rôle important dans le système de récompense et de


renforcement, parce qu’il peut y avoir une augmentation de dopamine dans
cette région à la suite d’une rétroaction positive. La dopamine est une
molécule qui joue différents rôles dans le cerveau. L’un d’eux est
d’engendrer un sentiment de plaisir et de satisfaction.
Dans une étude dont les résultats sont présentés à la figure 46, des
participants devaient apprendre à prédire la météo en regardant trois cartes
comportant différents dessins – chaque carte était associée à une probabilité
plus ou moins grande de pluie. Une partie des participants devaient faire
une prédiction en regardant les trois cartes, puis ils recevaient une
rétroaction leur indiquant s’ils avaient correctement prédit la météo. Après
quelques essais, ces participants apprenaient que certaines cartes étaient
associées à une probabilité plus grande de pluie et leurs prédictions
s’amélioraient. Une autre partie des participants devaient également
apprendre à prédire la météo à partir de trois cartes. Cependant, au lieu de
demander aux participants de faire une prédiction, les trois cartes leur
étaient présentées en même temps que la réponse – pluie ou soleil. Ces
participants ne recevaient donc pas de rétroaction pendant leur
apprentissage.
Le graphique A de la figure 46 montre clairement que les personnes du
groupe avec rétroaction avaient un niveau plus élevé de dopamine dans le
striatum que celles du groupe sans rétroaction pendant l’apprentissage. La
rétroaction peut donc activer des mécanismes pouvant mener à un état de
plaisir et de satisfaction plus élevé, ce qui est susceptible de favoriser le
bien-être, la motivation et l’intérêt. Comme on pourrait s’en douter,
l’augmentation de dopamine est plus grande pour la rétroaction positive que
négative. C’est du moins ce que suggère le graphique B qui montre que plus
le pourcentage de réponses correctes est élevé – et, conséquemment, plus il
y a de rétroactions positives –, plus le niveau de dopamine dans le striatum
est élevé. Pour stimuler le plaisir d’apprendre, la motivation et l’intérêt, il
est donc préférable que les apprenants vivent un bon nombre de succès afin
de stimuler le relâchement de dopamine dans leur cerveau.
Figure 46. La rétroaction, en particulier la rétroaction positive, a un impact important sur le
système de récompense et de renforcement du cerveau. Le graphique de gauche montre
que la présence de rétroaction dans une tâche mène à un plus grand niveau de dopamine
dans le striatum. À droite, on observe que plus la quantité de réponses correctes est
élevée, plus il y a de dopamine dans le striatum (d’après Wilkinson et al., 2014).

La motivation et l’intérêt sont souvent perçus comme des conditions à


l’apprentissage. Selon cette perception, un élève motivé et intéressé est un
élève qui apprend. Cela semble plausible, mais est-ce réellement le cas ? La
motivation et l’intérêt mènent-ils à la réussite ou est-ce possible que ce soit
plutôt la réussite qui mène à la motivation et à l’intérêt ? Cette proposition
peut paraître surprenante, mais elle n’est pas dépourvue de sens si l’on
considère les résultats discutés précédemment. En effet, le fait de vivre un
succès et d’obtenir une rétroaction positive contribue à l’augmentation du
niveau de dopamine dans le cerveau et à un sentiment de plaisir et de
satisfaction. Ce sentiment positif constitue un renforcement puissant
pouvant nous encourager à nous replacer dans les mêmes circonstances
pour réaliser les mêmes actions et obtenir ainsi les mêmes succès.
Des chercheurs ont examiné cette question dans le contexte de
l’apprentissage des mathématiques 9. Ils cherchaient à savoir si c’est la
motivation intrinsèque en mathématiques qui cause la réussite ou si, à
l’inverse, c’est la réussite qui cause la motivation. Pour y arriver, ils ont
suivi l’évolution de la motivation et de la réussite en mathématiques
d’élèves entre la première et la quatrième année de l’école primaire (de 7 à
10 ans).
Les résultats sont présentés à la figure 47. Comme on pouvait s’y
attendre, il existe des liens forts, représentés par les flèches horizontales,
entre la réussite et la réussite ultérieure (corrélation de 0,76 et 0,74) et entre
la motivation et la motivation ultérieure (corrélation de 0,31 et 0,42). Pour
connaître l’influence de la réussite sur la motivation et vice versa, il faut
examiner les flèches obliques passant de la réussite d’une année à la
motivation d’une année ultérieure et de la motivation d’une année à la
réussite de l’année ultérieure. On note que la motivation n’est pas corrélée
significativement au résultat ultérieur (corrélation de – 0,01 et 0,02), mais
qu’à l’inverse la réussite est, quant à elle, faiblement mais significativement
liée à la motivation ultérieure (corrélation de 0,09 et 0,14). Ce n’est donc
pas la motivation en mathématiques qui mènent à avoir de meilleurs
résultats en mathématiques, mais ce sont plutôt de meilleurs résultats qui
mènent à une plus grande motivation.
Figure 47. La réussite et la rétroaction positive qui l’accompagne augmentent la motivation.
Dans ce schéma, la réussite en mathématiques obtenue à un moment donné est corrélée à
la motivation dans ce même domaine plus tard, alors que la motivation en mathématiques à
un moment donné n’est pas significativement liée à la réussite future (d’après Garon-Carrier
et al., 2016).

Des chercheurs ont également examiné le lien causal entre réussite et


motivation dans le contexte de l’apprentissage de la lecture 10. Sachant qu’il
existe une corrélation de 0,41 entre le niveau des habiletés en lecture et le
temps consacré à lire à la maison, les chercheurs ont voulu savoir si c’est le
fait de lire plus qui mène à de meilleures habiletés en lecture ou si ce sont
les habiletés en lecture élevées qui causent un plus grand intérêt pour la
lecture. En s’appuyant sur une méthodologie sophistiquée impliquant des
jumeaux et prenant en compte à la fois des facteurs génétiques et
environnementaux, ils arrivent à la conclusion que ce sont les habiletés en
lecture qui causent un plus grand temps de lecture et non l’inverse.
Autrement dit, l’intérêt pour les livres est causé par le fait d’être capable de
lire aisément et ce n’est donc pas l’intérêt initial pour les livres qui
conditionne la réussite en lecture.
Dans le même ordre d’idées, une méta-analyse 11 portant sur les effets de
la rétroaction sur la motivation intrinsèque montre que, comparativement à
la rétroaction positive, la rétroaction négative mène à une diminution de la
motivation intrinsèque. Toutes ces études renforcent l’idée qu’il faut réussir
et recevoir de la rétroaction positive dans un domaine pour être motivé.
Les bienfaits de la rétroaction positive sur la motivation et le
relâchement de dopamine mènent à se demander si certains types de
rétroactions positives ont plus d’effets sur le cerveau que d’autres. Nous
avons déjà vu que la rétroaction positive obtenue à la suite d’une tâche
présentée comme difficile mènera à une plus grande activation du striatum.
Parfois, en plus d’informer un individu qu’il a réussi, on peut lui donner une
récompense, qui est également une forme de rétroaction positive. Pour les
enfants, cette récompense peut prendre la forme d’un privilège, de points
supplémentaires ou d’un autocollant. Pour les adultes, elle peut prendre la
forme d’une promotion ou d’une augmentation de salaire. Règle générale,
plus la récompense est élevée, plus elle aura d’effet – contrairement à la
punition qui peut avoir un effet comparable peu importe son ampleur 12.
Cela laisse entendre que les récompenses peuvent être utiles pour
augmenter l’effet de la rétroaction positive. Cependant, pour juger de la
pertinence d’utiliser des récompenses, il faut non seulement connaître leur
impact sur la motivation, l’apprentissage et le cerveau, mais il faut aussi
savoir ce qui se produit lorsque la récompense est retirée.
Il est assez clairement démontré que la récompense peut avoir, du moins
temporairement, un effet bénéfique sur la motivation et l’apprentissage,
mais que cet effet s’arrête lorsque la récompense cesse. Le fait que l’effet
ne perdure pas dans le temps n’est pas surprenant, ce qui l’est davantage est
que l’arrêt de la récompense peut réduire la motivation intrinsèque qu’un
individu avait avant la mise en place du système de récompense. Autrement
dit, si une récompense est offerte pour chaque livre lu à un enfant qui aime
déjà lire, qu’il y a ensuite l’arrêt des récompenses, il lira moins
qu’auparavant et il aura aussi moins de motivation intrinsèque face à la
lecture comparativement à avant l’arrivée des récompenses. Une méta-
analyse a d’ailleurs montré que l’ampleur de l’effet de l’arrêt de la
récompense sur la motivation n’est pas négligeable : – 0,40 pour une
récompense basée sur l’engagement dans la tâche ; – 0,36 pour une
récompense basée sur la finalisation de la tâche ; et – 0,28 pour une
récompense basée sur la performance.
Ces résultats suggèrent donc qu’il est préférable de ne pas donner de
récompense s’il existe déjà une motivation intrinsèque élevée pour la tâche
à accomplir. Une situation où la mise en place d’un système de récompense
est cependant une bonne idée est lorsqu’il n’est pas important de conserver
son intérêt ou sa motivation après l’arrêt des récompenses. L’apprentissage
des tables de multiplication en est un exemple : si un système de
récompense visant à motiver un élève à apprendre ses tables de
multiplication est mis en place et qu’une fois les tables apprises, les
récompenses sont retirées et que la motivation diminue, ce n’est pas trop
préjudiciable, car l’élève aura déjà appris ce qu’il avait à apprendre et il
n’est pas nécessaire qu’il conserve sa motivation pour l’apprentissage des
tables.
Nous avons vu plus haut que les enfants activent moins que les adultes
les mécanismes cérébraux de correction d’erreur à la suite d’une rétroaction
négative. Cette moins grande activation s’explique par un cortex préfrontal
moins mature chez l’enfant comparativement à l’adulte, mais qu’en est-il du
système de récompense chez l’enfant ? Son striatum est-il aussi moins
mature que chez l’adulte et donc moins sensible à la rétroaction positive ?
Ce n’est heureusement pas le cas. En utilisant un appareil
d’électroencéphalographie, des chercheurs ont montré que le cerveau des
enfants (8-13 ans) et celui des adultes (18-23 ans) réagissent de façon
comparable à la rétroaction positive 13. Le système de récompense est donc
pleinement fonctionnel dès l’enfance, contrairement au système de
correction d’erreur qui s’optimise de façon significative au cours de
l’adolescence.
Cela dit, des études 14 montrent que le striatum ventral (partie inférieure
du striatum), en particulier le noyau accumbens, s’active plus fortement à la
suite de rétroaction et de renforcement positif chez les adolescents,
comparativement aux enfants et aux adultes. Dans la partie A de la
figure 48, on observe en effet que le striatum ventral s’active nettement plus
pour les adolescents lorsque des récompenses importantes sont en jeu et,
dans la partie B, on remarque également que la réactivité du cerveau à la
victoire comparativement à la défaite atteint un maximum vers 16 ans. Le
rôle de la rétroaction et des récompenses est donc peut-être particulièrement
important au cours de l’adolescence, qui serait une période sensible pour
apprendre par la rétroaction.
Figure 48. Le cerveau des adolescents réagit plus fortement que celui des enfants et des
adultes à la rétroaction et au renforcement positif. La partie A de la figure montre que le
striatum ventral (plus spécifiquement le noyau accumbens) réagit plus fortement aux
récompenses à l’adolescence (d’après Galvan et al., 2006). La partie B montre quant à elle
que cette même région réagit également plus fortement à l’adolescence face à la victoire
comparativement à la défaite, le maximum de réactivité étant atteint vers 16 ans (d’après
Schreuders et al., 2018).

Pour améliorer le pouvoir prédictif


du cerveau et maximiser les dépenses
énergétiques
La rétroaction est un outil indispensable pour apprendre. En activant les
mécanismes de correction d’erreur et de récompense, les rétroactions
négatives et positives aident le cerveau à ajuster progressivement ses
connexions neuronales pour mieux s’adapter à son environnement. Sans le
retour d’information fourni par la rétroaction – qu’elle provienne d’une
autre personne ou de nos propres observations –, le cerveau serait un
système fermé pouvant difficilement évoluer.
Pour bien comprendre le rôle fondamental de la rétroaction sur le
fonctionnement et la régulation du cerveau, il faut situer celui-ci dans son
environnement (voir figure 49). Grâce à la perception, le cerveau peut
recevoir de l’information de son environnement. En effet, l’information
captée par les sens est envoyée grâce aux nerfs aux régions sensorielles du
cerveau comme le cortex visuel, le cortex auditif et le cortex somato-
sensoriel. Cette information peut ensuite être utilisée par le cerveau comme
rétroaction pour ajuster ses connexions neuronales. Loin de se contenter de
recevoir de l’information du monde extérieur, le cerveau comporte aussi des
groupes de neurones situés dans le cortex moteur qui envoient des signaux
aux muscles permettant ainsi d’agir sur l’environnement. Cette action est
importante non seulement parce qu’elle est essentielle à la survie – pour se
nourrir, par exemple –, mais aussi parce qu’elle permet de recueillir de
nouvelles données sur l’environnement et ainsi amplifier les effets de la
perception.
Figure 49. Le cerveau est en interaction constante avec son environnement. Grâce à la
perception, il peut recueillir de l’information sur l’environnement et, grâce à l’action, il peut
agir sur son environnement et ainsi influencer ce qu’il perçoit.

Pour expliquer le fonctionnement du cerveau et la façon dont ce dernier


apprend en interagissant avec l’environnement, des chercheurs ont élaboré
plusieurs théories. L’une des plus intéressantes, notamment parce qu’elle
permet de regrouper en une seule grande théorie unifiée plusieurs théories
proposées dans différents sous-domaines des neurosciences 15, est la théorie
de minimisation de l’énergie libre 16. L’énergie libre est une notion difficile
à comprendre. Originairement issue de la thermodynamique, elle permet
d’expliquer et prédire comment évolue un système, puisque les systèmes
évoluent naturellement pour atteindre le niveau minimal d’énergie libre.
Grâce à ce concept, on peut par exemple prédire si le mélange de deux
produits provoquera une réaction chimique – si la réaction diminue
l’énergie libre du système, elle se produira – et même quelle sera la
proportion relative de chaque produit lors de l’atteinte du point d’équilibre
après une réaction. Selon la formulation neuroscientifique du principe
d’énergie libre, le cerveau s’active et modifie ses connexions neuronales
afin de minimiser son énergie libre et atteindre ainsi un état d’équilibre avec
son environnement. La meilleure façon de comprendre cette théorie de
minimisation de l’énergie libre du cerveau est de comprendre deux de ses
éléments principaux : la notion de prédiction et celle de surprise.
Selon la théorie de minimisation de l’énergie libre, le cerveau construit
progressivement, grâce à ses interactions avec l’environnement, une
représentation du monde encodée dans ses connexions neuronales. Cette
représentation permet de faire des prédictions. Ces dernières sont
particulièrement utiles pour agir plus efficacement dans l’environnement et
y survivre. Par exemple, pour se nourrir à l’ère préhistorique, il fallait être
capable de prédire où se trouvait la nourriture (en fonction, notamment, de
la saison et des caractéristiques du territoire) et s’y déplacer. Voici un autre
exemple : lorsque vous vous êtes procuré ce livre, vous avez également fait
une prédiction en vous disant que sa lecture allait vous permettre de mieux
apprendre ou de mieux enseigner. Sans arrêt, nos actions et nos décisions
sont guidées par des prédictions qui sont le fruit de l’activité et de
l’organisation de notre cerveau.
Prédire est également essentiel pour réaliser une analyse coût/bénéfice.
Il y a en effet un coût énergétique au fait de se déplacer, de porter attention
à un élément de son environnement, de se concentrer, de lire un livre, etc.
Pour être efficace, il faut conséquemment évaluer les bénéfices qui
pourraient survenir à la suite de cette dépense énergétique. Plus le cerveau
est capable de faire de bonnes prédictions, plus il pourra interagir
efficacement avec son environnement et être en équilibre avec celui-ci.
Augmenter le pouvoir prédictif du cerveau est donc une façon de minimiser
l’énergie libre.
Suivant cette façon de voir, la rétroaction, c’est-à-dire le retour
d’information de l’environnement à la suite d’une action, joue un rôle
central. Elle permet d’envoyer un signal sensoriel au cerveau, lui indiquant
si sa prédiction est bonne. En résumé, le cerveau génère une prédiction qui
influence l’action et cette action influence à son tour ce qui sera perçu.
Cette information perçue peut alors servir à consolider certaines prédictions
ou, au contraire, à les modifier en minimisant ainsi l’énergie libre et en
améliorant l’équilibre entre le cerveau et son environnement.
Une autre façon de comprendre le principe de minimisation de l’énergie
libre est d’utiliser la notion de surprise. Celle-ci est causée par l’écart entre
une prédiction et le résultat observé. Par exemple, si une personne de l’ère
préhistorique fait la prédiction qu’il y aura de la nourriture près de la rivière
derrière la montagne et qu’il constate que ce n’est pas le cas, il sera alors
surpris. Pour minimiser l’énergie libre, le cerveau cherchera alors à
minimiser la probabilité que cette surprise se reproduise en changeant les
réseaux de neurones responsables de cette erreur de prédiction et, au besoin,
en orientant les actions dans le but de recueillir plus d’information et ainsi
améliorer la prédiction.
Dans ce cas, la rétroaction, en particulier la rétroaction négative, est
cruciale. Cette rétroaction peut engendrer un signal de surprise qui peut
mener à une analyse plus en profondeur d’une situation et éventuellement à
une modification des réseaux de neurones causant la prédiction erronée.
Nous l’avons dit, le cerveau, jusqu’à un certain point, respecte la loi du
moindre effort. Le signal de surprise est une indication qu’il est nécessaire
de faire un effort. Cet effort ponctuel a pour objectif d’améliorer
globalement la qualité et l’étendue des prédictions du cerveau, ce qui
permettra éventuellement d’économiser de l’énergie en étant plus efficace et
en minimisant les risques ultérieurs de surprise.
La figure 50 synthétise ce qui a été montré jusqu’à présent sur la
rétroaction négative, la rétroaction positive, le pouvoir prédictif du cerveau
et la surprise. Dans ce modèle, les neurones sont connectés les uns aux
autres et forment des réseaux de neurones. Ces réseaux permettent
d’engendrer une prédiction. Lorsque le résultat observé est conforme à la
prédiction, il devient alors une rétroaction positive qui engendre un
renforcement positif dans le cerveau par l’activation du striatum et
l’augmentation de dopamine. Ce renforcement mène à consolider les
connexions neuronales préexistantes ayant permis de faire une prédiction
réussie.
En contrepartie, si le résultat observé est non conforme à la prédiction,
il constitue alors une rétroaction négative et une surprise qui mène à
l’activation du cortex cingulaire antérieur. Cette activation agit à titre de
renforcement négatif qui encourage à éviter d’utiliser à nouveau la même
prédiction dans le même contexte et, éventuellement, à modifier les
connexions neuronales pour améliorer le pouvoir prédictif du cerveau et
diminuer les chances de surprise.

Figure 50. La rétroaction joue un rôle fondamental dans le développement du cerveau.


Dans ce modèle, les réseaux de neurones permettent de faire une prédiction qui, si elle est
correcte, mène à une augmentation de dopamine et à une consolidation des connexions
neuronales. Si la prédiction est incorrecte, le cortex cingulaire antérieur s’active et cette
activation agit comme un renforcement négatif pouvant mener éventuellement à la
modification des réseaux de neurones à l’origine de la prédiction.
Pour finir, mentionnons une conséquence étonnante de ce modèle. En
tant qu’enseignants, parents, formateurs ou étudiants, nous avons tous déjà
été témoins d’un apprenant qui semble heureux d’avoir échoué. Il est en
effet relativement fréquent de rencontrer un élève qui se vante auprès de ses
collègues de classe, avec le sourire, d’avoir échoué à un examen. Il peut
être difficile de comprendre pourquoi un individu semble fier d’avoir
échoué. Bien que plusieurs raisons puissent expliquer ce comportement, une
cause possible est que le fait d’échouer à un examen peut constituer une
rétroaction positive si la prédiction initiale était l’échec. En effet, si l’élève
avait prévu qu’il allait échouer, le fait qu’il échoue est une confirmation de
la justesse de sa prédiction initiale. Comme la prédiction est bonne, il n’est
pas impossible que cela relâche de la dopamine dans le cerveau et
encourage à faire à nouveau la même prédiction. Un cercle vicieux
s’installe alors : un échec est prédit et l’échec survient, ce qui augmente la
probabilité de prédire à nouveau un échec et d’échouer encore. Nous
verrons au prochain chapitre un principe pour aider à briser ce cycle.

Pour améliorer l’apprentissage et diminuer


les risques de répétition d’une erreur
L’importance de la rétroaction et des renforcements dans l’apprentissage
est reconnue depuis longtemps. En 1911, la même année où il a proposé la
loi de l’exercice discutée au chapitre 2, le psychologue Thorndike énonçait
la loi de l’effet selon laquelle les actions ou les réponses accompagnées ou
suivies de près d’une satisfaction sont plus susceptibles de se produire à
nouveau et, inversement, celles accompagnées ou suivies d’un inconfort ont
moins de chance d’être répétées. En termes plus modernes, on dirait que la
réussite d’une prédiction mène à un état de satisfaction – causé par
l’augmentation de dopamine – qui encourage à répéter la même prédiction
dans le même contexte et, qu’à l’opposé, une prédiction erronée mène à un
inconfort – causé possiblement par l’activation du cortex cingulaire
antérieur – qui décourage la réutilisation de la même prédiction dans la
même situation.
Les études montrant l’impact positif de la rétroaction sur
l’apprentissage sont si nombreuses qu’il existe non seulement des méta-
analyses sur le sujet, mais aussi des méta-analyses de méta-analyses (aussi
appelée des méga-analyses). En regroupant les résultats de 12 méta-
analyses, une méga-analyse 17 estime l’ampleur de l’effet de la rétroaction à
0,79, ce qui fait de la rétroaction l’un des facteurs les plus influents sur
l’apprentissage. D’une méta-analyse à l’autre, l’ampleur de l’effet varie de
0,12 à 1,24, ce qui suggère que la nature de la rétroaction et le contexte
dans lequel cette rétroaction est donnée peuvent avoir une influence
significative. De façon générale, l’analyse des résultats de cette méga-
analyse suggère qu’une rétroaction axée sur la tâche est plus efficace
qu’une rétroaction sans lien direct avec la tâche – comme les récompenses
et les punitions – et que le moment (rétroaction immédiate vs rétroaction
différée) peut également avoir une influence.
Une méta-analyse 18 a exploré de façon plus détaillée l’impact de
différents facteurs sur l’efficacité de la rétroaction (voir figure 51). Un
premier facteur important est le type de rétroaction. La rétroaction
consistant à simplement fournir la réponse correcte à l’apprenant est très
peu efficace. Son ampleur de l’effet est de seulement 0,05. Autrement dit, le
fait de donner ou non ce type de rétroaction n’a pour ainsi dire aucun
impact sur l’apprentissage. Un type de rétroaction plus efficace est de dire
si la réponse fournie est correcte ou incorrecte (ampleur de l’effet de 0,32).
Cette efficacité plus grande résulte probablement du fait que ce type de
rétroaction porte directement sur la réponse fournie qui découle d’une
prédiction. Cette rétroaction permet donc d’évaluer directement si le
résultat obtenu est conforme à la prédiction, ce qui a possiblement pour
effet d’activer davantage les mécanismes cérébraux de correction d’erreur –
si la rétroaction est négative – ou du système de récompense – si la
rétroaction est positive. Un autre type de rétroaction encore plus efficace
(ampleur de l’effet de 0,49) est la rétroaction élaborée qui consiste non
seulement à dire si la réponse fournie est correcte ou incorrecte, mais aussi
à expliquer pourquoi la réponse est correcte ou incorrecte. Il est probable
que cette efficacité supplémentaire découle du principe d’élaboration
d’explications (voir chapitre 4).

Figure 51. Le type de rétroaction utilisé et le moment de la rétroaction ont une influence
significative sur l’ampleur de l’effet de la rétroaction sur l’apprentissage. De façon générale,
fournir une explication est plus efficace que de dire si la réponse donnée est correcte ou
encore de simplement fournir la réponse correcte. De plus, la rétroaction ayant lieu
immédiatement après la formulation d’une réponse est généralement plus efficace qu’une
rétroaction faite plus tard (d’après Van Der Kleij, Fesken et Eggen, 2015).
Un autre facteur déterminant est le moment de la rétroaction. De façon
générale, la rétroaction immédiate qui a lieu juste après qu’une réponse soit
fournie est plus efficace que la rétroaction différée qui a lieu plus tard
(ampleur de l’effet de 0,46 vs 0,22). Au moins deux raisons expliquent ce
résultat. Premièrement, il est possible qu’une rétroaction qui suit
immédiatement une prédiction enclenche plus facilement les mécanismes
cérébraux liés à la rétroaction, c’est-à-dire les mécanismes de correction
d’erreur pour la rétroaction négative et les mécanismes de renforcement et
de récompense pour la rétroaction positive. Deuxièmement, il est possible
que la rétroaction immédiate évite un obstacle important à l’apprentissage :
celui du renforcement des réseaux de neurones associés à une erreur.
Comme nous l’avons vu, les neurones qui s’activent ensemble se
connectent ensemble. Ainsi, plus les neurones associés à une erreur
s’activent, plus ils se connectent et plus la probabilité qu’ils s’activent à
nouveau augmente. La rétroaction immédiate préviendrait donc ce
problème.
À ce propos, une étude 19 montre d’ailleurs que l’entraînement à la
récupération en mémoire, bien connu pour ses effets bénéfiques sur
l’apprentissage (voir chapitre 3), peut aussi avoir un effet négatif sur
l’apprentissage en l’absence de rétroaction. En effet, bien que
l’entraînement à la récupération en mémoire augmente l’apprentissage, il
augmente aussi la probabilité que les erreurs commises lors de
l’entraînement se reproduisent à nouveau lors du test final. Cela dit, lorsque
de la rétroaction corrective immédiate est fournie, cette augmentation de la
probabilité de l’erreur s’efface. En règle générale, les résultats de cette
étude suggèrent que si l’entraînement à la récupération en mémoire porte
sur du contenu difficile où les erreurs sont fréquentes, la rétroaction
immédiate devient particulièrement importante.
Bien que la rétroaction immédiate soit généralement préférable à la
rétroaction différée, en particulier pour les cas où des erreurs sont fortement
susceptibles de se produire, il n’est pas impossible que, dans certaines
circonstances, la rétroaction différée soit préférable. Par exemple, il est
possible que, dans une tâche où le risque d’erreur est très faible, il soit
préférable de ne pas déranger l’apprenant par une rétroaction immédiate
après chaque réponse. Il est également possible que la rétroaction différée
soit plus efficace dans les tâches complexes qui nécessitent une grande
concentration, puisque la rétroaction immédiate pourrait avoir pour effet de
déranger et surcharger l’apprenant, le rendant ainsi moins apte à
comprendre la tâche en même temps que la rétroaction fournie.

Comment mettre en application le principe


de rétroaction ?
Après avoir présenté quelques-unes des raisons appuyant le principe de
rétroaction, voici quatre stratégies pour faciliter sa mise en application
optimale : rechercher un maximum de rétroaction, viser un équilibre entre
rétroaction positive et négative, privilégier la rétroaction immédiate et
privilégier la rétroaction élaborée et axée sur la tâche.

Recherchez un maximum de rétroaction


La rétroaction est une composante essentielle au fonctionnement du
cerveau. Sans rétroaction, le cerveau ne reçoit plus les signaux externes lui
permettant d’ajuster ses connexions cérébrales pour apprendre et améliorer
la qualité de ses prédictions.
L’amélioration du pouvoir prédictif du cerveau est importante. Plus les
prédictions sont justes et précises, plus elles aident à agir efficacement et
prendre de bonnes décisions. En particulier, les prédictions engendrées par
le cerveau sont essentielles pour faire une évaluation du rapport
coût/bénéfice d’une action ou d’une décision. Par exemple, lorsque vous
décidez de vous procurer un livre et de le lire, vous évaluez, consciemment
ou inconsciemment, les coûts (notamment le temps, l’argent et l’énergie que
la lecture demandera), de même que les bénéfices qui pourraient en
découler. Puis vous jugez que le rapport coût/bénéfice en vaut la peine.
L’estimation du rapport coût/bénéfice, qui ne peut se faire que grâce à
un système capable de produire des prédictions, permet de maximiser les
effets de nos efforts et de nos ressources. Plus les rétroactions reçues sont
nombreuses, plus le système de prédictions du cerveau a de chances de
s’améliorer et plus les décisions et les actions en résultant pourront être
efficaces.
Étant donné le rôle fondamental de la rétroaction dans le
fonctionnement cérébral et l’apprentissage, la première stratégie pour
mettre en application le principe de rétroaction est de rechercher un
maximum de rétroaction. Il ne faut donc pas laisser au hasard la
rétroaction : il faut planifier et structurer plusieurs moments de rétroaction
pour assurer un accès maximal à cette dernière.
En règle générale, pour planifier des rétroactions fréquentes, il faut
d’abord planifier plusieurs activités où les apprenants doivent produire
quelque chose – une réponse, une explication, une démarche pour résoudre
un problème, etc. En effet, si les activités proposées n’obligent pas
l’apprenant à produire quelque chose, alors aucune rétroaction ne peut être
fournie. Ainsi, les enseignants et les formateurs devraient planifier plusieurs
exercices et tests et poser fréquemment des questions aux apprenants pour
maximiser les moments de rétroaction.
Cette planification est essentielle, surtout pour les enseignants et les
formateurs travaillant avec de grands groupes, parce que donner de la
rétroaction fréquente à chaque apprenant est un défi considérable. Il est en
effet relativement facile de donner une rétroaction verbale ou écrite à
quelques apprenants, mais lorsqu’un enseignant ou un formateur est
responsable de l’apprentissage de dizaines, voire de centaines de personnes,
comme c’est souvent le cas à l’école secondaire et à l’université, viser offrir
des rétroactions personnalisées, détaillées et fréquentes à chacun des
apprenants n’est tout simplement pas réaliste sans le recours à des
techniques permettant d’offrir un maximum de rétroaction avec un
minimum d’intervention de l’enseignant ou du formateur.
Une première technique, imparfaite mais souvent utilisée par les
enseignants et les formateurs, est de fournir une rétroaction globale qui est
la même pour tous. Par exemple, si l’on pose une question à l’ensemble du
groupe et qu’une personne lève la main et répond, on peut alors donner une
rétroaction à tous sur la réponse fournie par cette personne. Évidemment,
cette façon de faire a pour limite de ne pas fournir une rétroaction
personnalisée à chacune des réponses individuelles possibles, mais une
rétroaction imparfaite est évidemment mieux qu’une absence de rétroaction.
Pour améliorer ce type de rétroaction, l’enseignant ou le formateur peut
laisser du temps à tous après avoir posé une question pour réfléchir, prendre
la réponse d’une personne, donner une rétroaction sur sa réponse et, ensuite,
donner une rétroaction sur les autres réponses fréquentes. En plus de poser
fréquemment des questions au groupe, un enseignant ou un formateur peut
proposer fréquemment des exercices et des tests qui peuvent être corrigés
en grand groupe. Encore une fois, la rétroaction n’est pas personnalisée,
mais elle est toutefois mieux qu’une absence complète de rétroaction ou
qu’une rétroaction trop superficielle.
Une deuxième technique pour offrir une rétroaction plus fréquente et
plus personnalisée à un grand groupe est de donner accès aux apprenants à
une source leur permettant d’obtenir par eux-mêmes de la rétroaction. Cette
source peut être, par exemple, un document comprenant une clé de
correction présentant les solutions aux exercices. Les apprenants peuvent
ainsi consulter ce document après avoir fait les exercices afin d’obtenir
rapidement de la rétroaction sur le travail effectué. L’enseignant ou le
formateur est alors disponible en priorité aux apprenants n’arrivant pas à
comprendre les informations présentées dans le document de rétroaction.
Une autre source de rétroaction peut aussi être constituée d’une banque de
courts films préenregistrés par l’enseignant ou le formateur qui fournissent
une rétroaction détaillée aux différentes réponses possibles. L’apprenant
doit alors sélectionner le film correspondant à la réponse qu’il a donnée.
Une troisième technique pour maximiser la rétroaction dans un grand
groupe est d’utiliser la technologie pour fournir une rétroaction
automatisée. Il existe en effet des outils permettant de créer des
questionnaires en ligne qui donnent automatiquement de la rétroaction aux
apprenants et qui peuvent être utilisés comme devoir ou en classe, à l’aide
d’un appareil connecté à Internet comme une tablette électronique ou un
ordinateur.
Les parents souhaitant aider leur enfant à apprendre sont quant à eux
dans une meilleure position que les enseignants de grands groupes pour
fournir des rétroactions fréquentes et personnalisées. Les enseignants
devraient d’ailleurs tenter d’impliquer les parents dans la rétroaction,
lorsque cela est possible et pertinent, notamment en leur demandant de
fournir de la rétroaction à leur enfant sur un travail ou un exercice.
Pour les individus souhaitant apprendre de façon autodidacte, il est
également important de rechercher constamment de la rétroaction, qu’elle
soit positive ou négative, de ses pairs ou de personnes-ressources. Cette
rétroaction est essentielle pour se développer et devenir plus efficace. Si
l’objectif est, par exemple, d’apprendre une nouvelle langue, il faut alors
rechercher les situations dans lesquelles il sera possible d’avoir une
rétroaction sur notre façon d’utiliser cette langue, en suivant un cours
portant sur le sujet ou en échangeant avec une personne connaissant déjà
bien cette langue. Si l’objectif est plutôt d’apprendre à identifier les
oiseaux, il ne faudra alors pas se contenter de lire un livre et d’apprendre les
caractéristiques spécifiques de chaque type d’oiseaux ; il faudra aussi
rechercher la rétroaction sur les identifications que l’on fait, en s’inscrivant
dans un club d’ornithologie, par exemple. Cette rétroaction est
particulièrement importante pour éviter de répéter des erreurs, mais aussi de
façon plus générale pour apprendre plus efficacement.
Les entreprises devraient également rechercher sans cesse la rétroaction
de leurs clients et accueillir leurs critiques comme une information clé pour
améliorer leurs produits, leurs processus ou leurs services. Le recours
systématique aux sondages ou à des fiches d’appréciation devrait faire
partie intégrante des pratiques de la plupart des entreprises. Chaque
entreprise devrait également développer, dans la mesure de leur capacité, un
système permettant de hiérarchiser les critiques ou suggestions de leurs
clients en fonction de leur fréquence et de leur importance.
Une dernière technique étonnante pour améliorer facilement l’efficacité
de la rétroaction est de prévenir qu’une rétroaction sera fournie. En effet,
une étude dont les résultats sont présentés à la figure 52 montre que le
simple fait d’annoncer qu’une rétroaction sera fournie améliore les
stratégies utilisées par les apprenants de 9 % (80 % vs 71 %) et la
performance à la tâche de 14 % (51 % vs 37 %), et ce, avant même d’avoir
fourni quelque rétroaction que ce soit 20.
Figure 52. Annoncer que de la rétroaction sera fournie influence la qualité des stratégies
utilisées et les performances à une tâche, et ce, avant même que la rétroaction soit donnée.
Dans cette figure, la qualité des stratégies augmente de 9 % et les performances
progressent de 14 % grâce à l’influence de la rétroaction anticipée (d’après Vollmeyer et
Rheinberg, 2005).

Ce résultat surprenant s’explique peut-être par le fait que les


participants, sachant qu’ils recevront de la rétroaction, sont davantage
portés à utiliser de meilleures stratégies pour éviter ainsi les risques de
rétroaction négative. Il est possible également que l’annonce de la
rétroaction mène les participants à anticiper davantage les rétroactions
négatives pouvant survenir et, ce faisant, produit une forme
d’autorétroaction avant même qu’une rétroaction externe n’arrive.

Visez un équilibre entre rétroactions positive


et négative
En plus de permettre d’améliorer le pouvoir prédictif du cerveau et les
analyses coût/bénéfice, la rétroaction permet également de mettre à profit
deux mécanismes cérébraux puissants pour apprendre : les mécanismes de
correction d’erreur activés par la rétroaction négative et les mécanismes de
récompense et de renforcement activés par la rétroaction positive.
La rétroaction positive est importante pour renforcer les réseaux de
neurones existants capables de produire des prédictions correctes et
précises. En effet, en activant le striatum et en augmentant la quantité de
dopamine dans le cerveau, la rétroaction positive provoque une satisfaction
et un bien-être qui peuvent jouer un rôle important dans la motivation,
l’intérêt et le goût d’apprendre. Quant à la rétroaction négative, elle est
importante pour activer le cortex cingulaire antérieur qui déclenche une
activité cérébrale menant à porter attention à une erreur et à faire des efforts
pour résoudre le conflit entre la prédiction et le résultat observé. Ce
mécanisme de correction d’erreur permet au cerveau d’ajuster ses
connexions neuronales existantes pour les rendre plus aptes à produire des
prédictions précises et correctes à l’avenir.
Les deux types de rétroaction, négative et positive, apportent ainsi des
avantages distincts et complémentaires. Il convient donc d’optimiser les
périodes d’apprentissage afin de tirer profit de ces avantages et de viser un
équilibre entre la rétroaction positive et la rétroaction négative. Cet
équilibre permet de maximiser les avantages de chaque type de rétroaction
tout en minimisant les désavantages de chacun.
La rétroaction positive peut renforcer les connexions existantes et
susciter le plaisir, la motivation et l’intérêt, mais elle ne permet pas de
modifier les connexions cérébrales pour les améliorer. De la même manière,
la rétroaction négative permet de déclencher les mécanismes de correction
d’erreur et d’améliorer les connexions cérébrales, mais elle peut également
diminuer la motivation, l’intérêt et même décourager complètement certains
apprenants 21.
Pour atteindre l’équilibre entre rétroaction positive et rétroaction
négative et maximiser les effets bénéfiques de l’une comme de l’autre, il
faut notamment fixer des attentes élevées, mais réalistes.
D’une part, les activités d’apprentissage doivent être suffisamment
faciles pour que l’apprenant puisse vivre des réussites. Il doit pouvoir
répondre correctement à une bonne partie des questions afin de stimuler son
système de récompense et d’augmenter le relâchement de dopamine dans
son striatum. S’il est incapable de réussir quoi que ce soit en lien avec les
activités d’apprentissage proposées, l’apprenant deviendra rapidement
découragé et démotivé, car son système naturel de récompense ne sera pas
mis à profit. Comme la réussite d’une tâche jugée difficile provoque plus de
relâchement de dopamine que la réussite d’une tâche jugée facile (voir
figure 45), il faut idéalement que l’apprenant arrive à réussir un bon nombre
des exercices demandés, mais avec une certaine difficulté afin de maximiser
l’effet de la rétroaction positive sur le cerveau et la motivation.
D’autre part, pour déclencher les mécanismes de correction d’erreur, les
activités d’apprentissage doivent également être suffisamment difficiles
pour que l’apprenant fasse des erreurs et reçoive, de ce fait, de la rétroaction
négative. Cette dernière pourra l’encourager à changer ses connexions
neuronales et les prédictions qui l’accompagnent, et ainsi apprendre et
s’améliorer. Si une activité d’apprentissage est entièrement réussie, elle peut
tout de même avoir un effet bénéfique sur l’apprentissage qui est celui de
renforcer les connexions existantes pour mettre une plus grande
automatisation et une réduction de la charge cognitive demandée par une
tâche, mais, alors, les mécanismes de correction d’erreur ne pourront pas
être mis à profit. Il faut donc un équilibre : les activités d’apprentissage
doivent être ni trop faciles ni trop difficiles, ni trop réussies ni trop
échouées, d’où l’idée de fixer des attentes élevées, mais réalistes.
Lorsqu’on donne de la rétroaction, il faut aussi s’assurer d’un certain
équilibre entre la rétroaction négative et la rétroaction positive. Pour
épargner du temps et pour optimiser l’effet de la rétroaction, il peut être
tentant de donner aux apprenants seulement de la rétroaction négative, par
exemple en soulignant seulement les erreurs et les faiblesses d’une
production écrite et en ne mentionnant pas ses forces. Dans cette situation
comme dans toute autre, il faut cependant un équilibre entre les deux types
de rétroaction.
Cela dit, cet équilibre entre rétroaction positive et rétroaction négative
doit tenir compte de l’âge des apprenants, puisque le cerveau des enfants,
des adolescents et des adultes ne réagit pas de la même manière à la
rétroaction.
En raison de la plus grande maturation de leur cortex préfrontal, les
adultes activent davantage que les enfants les mécanismes cérébraux de
correction d’erreur à la suite de la rétroaction négative. Avec les adultes,
l’équilibre peut donc pencher du côté de la rétroaction négative, sans
toutefois négliger entièrement la rétroaction positive qui demeure quand
même importante. Pour minimiser les effets négatifs de la rétroaction
négative fréquente sur la motivation, il faut essayer de développer chez
l’apprenant un état d’esprit dans lequel l’erreur et la rétroaction négative qui
l’accompagne sont perçues comme un outil d’apprentissage, et non pas
comme une remise en question de ses capacités et de sa valeur (voir aussi
chapitre 7).
Corollairement, puisque leur cortex préfrontal est moins mature que
celui des adultes, les enfants activent moins leur cortex préfrontal à la suite
de la rétroaction négative. En contrepartie, le système de récompense et de
renforcement est quant à lui pleinement fonctionnel dès l’enfance. Avec les
enfants, l’équilibre entre les types de rétroaction peut donc pencher du côté
de la rétroaction positive, sans évidemment négliger le rôle important que
peut tout de même jouer la rétroaction négative dans l’apprentissage. On
peut ainsi souligner davantage les réussites et les bons comportements des
enfants, plutôt que d’insister sur leurs erreurs et leur mauvais
comportement. Par exemple, on peut féliciter un élève qui lève sa main
pour parler, plutôt que de punir ou réprimander systématiquement un élève
qui ne la lève pas.
C’est une règle générale que non seulement les enseignants devraient
suivre, mais également les parents avec leur enfant : féliciter les bons
comportements et ne pas accorder trop d’attention aux comportements
inappropriés. Pourtant, il arrive souvent que les parents, consciemment ou
non, fassent l’inverse. Lorsque leur enfant se comporte mal, ils vont le
regarder et exprimer leur insatisfaction en lui disant que ce qu’il fait n’est
pas acceptable. Ils vont donc le critiquer et même parfois le punir. Au lieu
d’agir comme une rétroaction négative enclenchant une réflexion
susceptible de mener à une amélioration du comportement, l’attention
portée à l’enfant qui se comporte mal peut parfois agir comme un
renforcement positif. En effet, bien que cela puisse sembler contre-intuitif,
l’attention accordée à l’enfant, même si cette attention vise à fournir une
rétroaction négative, peut avoir l’effet d’un renforcement positif : lorsqu’ils
se font réprimander, les enfants reçoivent alors de l’attention de leurs
parents, ce qui est une forme de renforcement positif. L’effet de ce
renforcement positif peut être encore plus fort si la critique des parents
envers leur enfant engendre un échange : les parents critiquent leur enfant
qui à son tour leur répond pour se défendre, ce qui mène les parents à
hausser la voix et, l’enfant, à répondre à nouveau avec plus de virulence.
Pour briser ce cycle de renforcement, il peut être souhaitable de ne pas
accorder trop d’attention aux comportements négatifs (sauf bien entendu
dans les cas de comportements déviants graves) en cessant tout échange
verbal et non verbal avec l’enfant, en changeant de pièce ou en obligeant
l’enfant à changer de pièce s’il le faut. En contrepartie, un bon
comportement peut être renforcé par des félicitations et de l’attention, en
particulier si l’enfant a déjà eu précédemment un comportement inapproprié
dans une situation similaire.
Comme le cerveau des adolescents réagit autant à la rétroaction positive
que négative, un réel équilibre entre ces deux types de rétroaction devrait
être visé à l’adolescence. Le cortex préfrontal se développe
considérablement au cours de cette période. Ainsi, la rétroaction négative a
un effet croissant sur le cerveau et l’apprentissage entre 13 et 18 ans. De
son côté, la rétroaction positive a quant à elle un effet particulièrement
grand à l’adolescence, puisque des études montrent que le cerveau réagit
plus fortement au cours de cette période à la rétroaction et au renforcement
positif (voir figure 48).
Le cerveau des adolescents est donc particulièrement bien adapté pour
réagir à la rétroaction. Il faut donc profiter au maximum de cette sensibilité
particulière en mettant en place un environnement susceptible de fournir un
maximum de rétroaction, tout en cherchant à minimiser l’influence négative
que peuvent avoir les pairs et les autres sources de rétroaction comme les
médias sociaux.
La figure 53 synthétise les éléments discutés concernant l’effet de la
rétroaction négative et positive sur le cerveau. Au cours de l’enfance, le
cerveau est plus sensible à la rétroaction positive. À l’adolescence, la
sensibilité à la rétroaction positive atteint un sommet et la sensibilité à la
rétroaction négative progresse rapidement, si bien que le cerveau adolescent
est aussi sensible à la rétroaction négative qu’à la rétroaction positive. À
l’âge adulte, le niveau de sensibilité face à la rétroaction positive redevient
comparable à celui observé au cours de l’enfance et la sensibilité à la
rétroaction négative se stabilise progressivement. Conséquemment, l’effet
de la rétroaction négative est plus important à l’âge adulte que celui de la
rétroaction positive.
Figure 53. L’effet de la rétroaction positive et négative évolue en fonction de l’âge. Au cours
de l’enfance, l’effet de la rétroaction positive sur le cerveau est plus important que celui de
la rétroaction négative et, à l’âge adulte, c’est l’inverse. À l’adolescence, les deux types de
rétroaction engendrent un effet comparable.

Privilégiez la rétroaction immédiate


Une troisième stratégie pour maximiser les effets bénéfiques de la
rétroaction est de privilégier la rétroaction immédiate. En effet, comme
nous l’avons vu, lorsque la rétroaction se déroule tout de suite après une
réponse ou une action, elle sera généralement plus efficace que si elle a lieu
plus tard (voir figure 51), probablement parce que cela permet de réduire les
chances de répéter une erreur et d’assurer une correspondance claire et
directe entre la rétroaction et l’action ou la réponse fournie.
Cela dit, la stratégie de la rétroaction immédiate entre en conflit avec
l’application du principe d’espacement voulant qu’il soit préférable que les
activations soient espacées. En effet, en donnant une rétroaction immédiate
plutôt que différée, les activations en lien avec un apprentissage sont alors
regroupées plutôt qu’espacées. Pour résoudre ce conflit, la rétroaction
immédiate devrait être privilégiée surtout dans les situations où la
probabilité d’erreur est élevée (comme au début d’un apprentissage), et le
recours à la rétroaction différée devrait plutôt être réservé aux situations où
la probabilité d’erreur est faible. Cette façon de procéder comporte
également l’avantage de ne pas distraire constamment l’apprenant faisant
un exercice visant l’automatisation d’un apprentissage déjà partiellement
accompli 22.
Comme pour la stratégie de recherche d’un maximum de rétroactions, la
stratégie de la rétroaction immédiate peut être difficile à appliquer pour les
enseignants et les formateurs intervenant auprès de grands groupes. En
effet, lorsqu’on travaille avec un seul apprenant, comme c’est le cas pour un
parent ou un tuteur, il est relativement facile de surveiller le travail de
l’apprenant et d’intervenir immédiatement lors de l’utilisation d’une
stratégie inappropriée ou d’une connaissance erronée. Par contre, cette
surveillance individuelle, ainsi que cette intervention immédiate et
personnalisée sont difficilement réalisables avec plus de trois ou quatre
apprenants.
Une première technique pouvant être utilisée pour offrir une rétroaction
plus rapide à un grand groupe d’apprenants est de donner un exemple
devant l’ensemble du groupe en fournissant de la rétroaction immédiate. Un
enseignant peut, par exemple, montrer comment résoudre un problème. Il
explique alors comment procéder pour comprendre le problème, identifier
les connaissances nécessaires pour le résoudre, élaborer une démarche et
trouver finalement une solution. À chaque étape, l’enseignant fournit alors
une rétroaction immédiate sur la pertinence et l’exactitude des
connaissances, des stratégies et des démarches utilisées. Ensuite,
l’enseignant peut demander à un élève de résoudre un problème similaire
devant ses collègues et lui fournir une rétroaction immédiate sur sa
démarche.
La plupart des autres techniques pour fournir de la rétroaction
immédiate à un grand groupe impliquent l’arrêt temporaire d’un exercice ou
d’une tâche. Par exemple, si un exercice comporte dix items, une
rétroaction immédiate impose que, tout de suite après le premier item, une
rétroaction soit fournie.
Un enseignant peut demander aux élèves de faire le premier numéro
d’un exercice et d’attendre de recevoir une rétroaction avant de passer au
numéro suivant. Si le numéro n’est pas trop long à réaliser, l’enseignant
peut attendre que tous les élèves aient terminé le premier numéro pour
ensuite expliquer la solution à tous en même temps. Si le numéro est plus
long et qu’il y a un risque que des élèves terminent bien avant d’autres, il
est alors préférable de demander aux élèves de prévenir lorsqu’ils ont
terminé le numéro ; l’enseignant peut alors, si cela est possible, fournir une
rétroaction à chaque élève, l’un à la suite de l’autre. Il peut même apposer
sa signature sur le travail de l’élève indiquant qu’il a vérifié la démarche de
ce dernier, qui peut alors passer au second numéro. Par contre, si le temps
nécessaire à la rétroaction est important, les élèves auront alors à attendre
longtemps avant que l’enseignant soit rendu à eux, ce qui peut engendrer de
l’impatience chez les élèves. Il faut donc des solutions alternatives.
Une des techniques pour éviter ce problème est de fournir un corrigé
aux élèves, c’est-à-dire un document contenant les solutions de tous les
exercices. Ainsi, après avoir fait le premier numéro d’un exercice, ils
peuvent alors vérifier eux-mêmes immédiatement s’ils ont procédé de la
façon attendue et, le cas échéant, demander de l’aide à l’enseignant en cas
d’erreur ou d’incompréhension. Il faut cependant bien faire comprendre aux
élèves qu’il faut d’abord compléter le numéro et, ensuite seulement, vérifier
sa réponse et sa démarche grâce au corrigé.
Une autre technique pour permettre une rétroaction immédiate est
d’utiliser des outils technologiques capables de donner une rétroaction
automatisée et immédiate aux apprenants. Il existe par exemple de
nombreuses applications pour apprendre les tables de multiplication. Dans
la plupart, une question est d’abord posée, une réponse est ensuite fournie
par l’apprenant et, enfin, une rétroaction corrective disant si la réponse est
correcte ou non est fournie, souvent avec une explication. Il existe aussi des
plateformes permettant aux enseignants de créer eux-mêmes des
questionnaires informatisés pouvant fournir une rétroaction automatisée et
immédiate.
Pour les personnes souhaitant apprendre de façon autodidacte, la
rétroaction immédiate est tout aussi importante, surtout au début de
l’apprentissage, pour éviter la répétition de l’erreur. Il est donc important de
prendre le temps de s’arrêter après un premier exercice pour s’assurer qu’il
est réussi avant de poursuivre l’apprentissage.

Privilégiez la rétroaction élaborée et axée


sur la tâche
Pour maximiser la rétroaction, il faut non seulement rechercher un
maximum de rétroaction, viser un équilibre entre les rétroactions positive et
négative et privilégier la rétroaction immédiate, mais il faut aussi que la
rétroaction soit élaborée et axée sur la tâche. Une rétroaction qui consiste à
ne montrer que la réponse correcte est très peu efficace (ampleur de l’effet :
0,05) comparativement à une rétroaction corrective consistant à dire si la
réponse fournie est correcte ou incorrecte (ampleur de l’effet : 0,32) et à une
rétroaction élaborée qui consiste à expliquer pourquoi une réponse est
correcte ou incorrecte (ampleur de l’effet : 0,49).
Pour faire une rétroaction élaborée et axée sur la tâche, il faut d’abord
éviter que la rétroaction porte uniquement sur les caractéristiques de
l’apprenant. En effet, dire à une personne qu’elle est bonne ou pas dans un
domaine n’est pas un type de rétroaction particulièrement efficace, car
celle-ci n’est pas axée sur la tâche à accomplir et les stratégies pour y
arriver. Comme nous le verrons au prochain chapitre, ce type de rétroaction
portant sur la personne et non sur la tâche peut d’ailleurs, dans certains cas,
avoir un impact négatif sur la motivation et l’apprentissage.
Ensuite, il faut être prudent dans l’utilisation de récompenses et de
punitions. En effet, donner un autocollant ou retirer un privilège à la suite
d’un succès ou d’un échec n’est pas un type de rétroaction axé sur la tâche.
Nous l’avons vu, les récompenses peuvent parfois stimuler temporairement
la motivation et l’apprentissage, mais elles peuvent aussi mener à une
baisse de la motivation intrinsèque lorsqu’elles sont retirées.
Pour donner une rétroaction élaborée et axée sur la tâche, il faut d’abord
établir un lien explicite entre la rétroaction et la réponse et,
conséquemment, éviter de donner seulement la réponse correcte en guise de
rétroaction. Effectivement, donner la réponse correcte sans faire le lien
explicite entre cette réponse et la réponse fournie par l’apprenant a très peu
d’effet sur l’apprentissage. En contrepartie, dès que la rétroaction porte sur
la réponse produite, l’effet bénéfique sur l’apprentissage est beaucoup plus
considérable.
Ensuite, une rétroaction élaborée devrait porter non seulement sur la
réponse, mais aussi sur le processus menant à cette réponse et sur les
stratégies de régulation à utiliser durant la tâche. C’est d’ailleurs en
combinant la rétroaction sur la réponse, le processus et les stratégies de
régulation que les gains sur l’apprentissage sont les plus importants
(ampleur de l’effet de 1,29) 23. Pour mieux apprendre, il faut donc dire si la
réponse est correcte ou incorrecte, commenter le processus ayant mené à
l’obtention de la réponse et interroger les stratégies de régulation mises en
place pour s’assurer que le processus évolue dans la bonne direction à
chaque étape. Parmi les stratégies de régulation, il y a celle visant à vérifier
si le résultat obtenu à chaque étape de la résolution d’un problème ou d’une
tâche a du sens, de se relire afin de vérifier si l’explication fournie est claire
et complète, de chercher dans le dictionnaire la définition d’un mot dont la
signification est incertaine, etc.
Finalement, il faut non seulement donner de la rétroaction sur la
réponse, le processus et les stratégies de régulation, mais aussi expliquer
pourquoi une réponse, un processus ou une stratégie de régulation est
important et préférable à un autre. Tel que mentionné précédemment,
l’efficacité de la rétroaction élaborée n’est sûrement pas étrangère au
principe d’élaboration d’explications.
En somme…
Voici les principaux éléments à retenir concernant le principe de maximisation de
la rétroaction, qui constitue le sixième principe. La rétroaction est importante pour
plusieurs raisons. Premièrement, la rétroaction négative permet d’informer qu’une
erreur est commise, ce qui peut enclencher les mécanismes cérébraux de
correction d’erreur et mener à une analyse plus en profondeur d’une situation.
Deuxièmement, la rétroaction positive permet de renforcer les réseaux de
neurones efficaces en provoquant un état de satisfaction causé par l’activation du
striatum et l’augmentation de dopamine dans le cerveau. Troisièmement, les
rétroactions négatives et positives mènent à renforcer les connexions neuronales
capables de faire les meilleures prédictions et modifier celles qui mènent à des
prédictions erronées. Cela contribue à l’amélioration progressive du pouvoir
prédictif du cerveau. Cette meilleure capacité à faire des prédictions permet de
prendre des décisions et d’agir plus efficacement, notamment en rendant le calcul
du rapport coût/bénéfice plus juste, ce qui mène à faire un usage stratégique des
dépenses énergétiques. Quatrièmement, la maximisation de la rétroaction mène à
de meilleurs apprentissages et à une diminution du risque de répétition d’une
erreur.
Pour mettre en application le principe de rétroaction, plusieurs stratégies peuvent
être envisagées. Une première stratégie est de rechercher un maximum de
rétroactions, ce qui peut être accompli notamment en planifiant rigoureusement
plusieurs moments de rétroaction. Le fait d’annoncer d’avance qu’il y aura de la
rétroaction peut également avoir pour effet d’anticiper la rétroaction et donc
d’encourager une certaine forme d’autorétroaction. Une deuxième stratégie pour
maximiser la rétroaction est de viser un équilibre entre les rétroactions positives et
négatives pour profiter des effets bénéfiques de chaque type de rétroaction. Une
façon d’y arriver est de choisir des activités d’apprentissage qui mèneront à des
succès (et donc à des rétroactions positives), mais aussi à quelques erreurs – et
donc à des rétroactions négatives. En d’autres mots, il faut choisir des activités
visant des objectifs réalistes, mais présentant un certain défi. D’ailleurs, lorsque le
défi est assez important et que les objectifs sont associés à des attentes élevées
et à un certain niveau de difficulté, l’impact positif de la rétroaction positive, sur
l’augmentation de dopamine par exemple, est encore plus grand. Troisièmement,
pour optimiser l’effet de la rétroaction, il est généralement préférable que la
rétroaction soit immédiate, en particulier dans les situations où il existe une
probabilité élevée d’erreur. Pour les autres situations visant l’automatisation d’un
apprentissage, la rétroaction différée peut cependant être préférable. Quant à la
rétroaction immédiate à un grand groupe d’apprenants, on peut donner un
exemple de démarche pour résoudre un problème en donnant en cours de route
de la rétroaction sur chacune des étapes présentées. On peut également fournir
un corrigé afin que les apprenants puissent eux-mêmes être responsables de
leurs rétroactions immédiates ou avoir recours à des outils technologiques
permettant d’automatiser la rétroaction. Quatrièmement, pour être plus efficace, la
rétroaction doit être élaborée et axée sur la tâche, ce qui signifie que la rétroaction
doit établir un lien explicite entre la réponse de l’apprenant et la rétroaction fournie
et ne doit pas seulement porter sur la réponse, mais également sur le processus
menant à celle-ci et sur les stratégies de régulation utilisées au cours de la tâche.
Si des explications justifient la rétroaction donnée sur la réponse, le processus et
les stratégies de régulation, l’impact sur l’apprentissage est alors encore plus
significatif.
Figure 54. Il faut maximiser la rétroaction pour activer les mécanismes de correction d’erreur, augmenter
la quantité de dopamine dans le cerveau, améliorer le pouvoir prédictif du cerveau et améliorer ainsi
l’apprentissage en plus de minimiser les risques de répétition d’une erreur. Pour ce faire, il faut rechercher
un maximum de rétroaction immédiate et élaborée, tant négative que positive.
CHAPITRE 7

Cultivez un état d’esprit dynamique

L’activation du cerveau et la rétroaction jouent un rôle central dans


l’apprentissage et le fonctionnement cérébral. L’activation répétée des
neurones permet de modifier les connexions neuronales pour apprendre et
la rétroaction permet de guider ces modifications en renforçant les
connexions neuronales efficaces et en modifiant celles menant à commettre
des erreurs. Bien qu’essentielles, l’activation et la rétroaction ne sont
toutefois pas toujours suffisantes pour apprendre : il faut aussi la motivation
de fournir les efforts requis pour activer son cerveau et corriger ses erreurs.
La motivation est un sujet vaste et complexe. Elle peut être influencée
par de nombreux facteurs souvent liés les uns aux autres. Le renforcement
positif découlant d’une prédiction réussie, qu’elle provienne d’une personne
ou de l’environnement, est l’un de ces facteurs. Il permet notamment le
relâchement de dopamine dans le striatum, ce qui crée un sentiment de
satisfaction pouvant stimuler la motivation et l’intérêt (voir chapitre 6).
Un autre facteur est lié à l’évaluation du rapport coût/bénéfice. Nous
avons vu que le cerveau fait constamment des prédictions. Ces prédictions
permettent notamment d’évaluer les bénéfices éventuels de nos actions et
de nos efforts afin de déterminer si le coût associé à ces derniers en vaut la
peine. Lorsqu’il est question d’apprentissage, un des éléments importants
dans la détermination de ce rapport coût/bénéfice est la croyance en sa
capacité de s’améliorer et d’apprendre. En effet, des études montrent que
notre état d’esprit (mindset) au sujet de notre capacité d’apprendre et
d’améliorer nos capacités peut avoir une influence significative sur la
motivation.
Les personnes ayant un état d’esprit dynamique (growth mindset)
croient qu’elles peuvent apprendre et améliorer leurs capacités. Elles ont
conséquemment tendance à être plus motivées dans leur apprentissage, car
elles font la prédiction que les efforts et l’énergie nécessaires pour
apprendre et s’améliorer leur permettront effectivement d’apprendre, de
s’améliorer et d’atteindre leur objectif.
À l’opposé, les personnes ayant un état d’esprit fixe (fixed mindset)
croient plutôt que leur capacité à réussir une tâche dépend de
caractéristiques intrinsèques qui sont prédéterminées et qui ne peuvent donc
pas évoluer. Pour ces personnes ayant un état d’esprit fixe, l’idée de fournir
des efforts pour activer leur cerveau et corriger leurs erreurs n’a pas de sens,
puisque les efforts ne serviront à rien. Elles croient que la réussite dépend
de facteurs hors de leur contrôle. Les personnes ayant un état d’esprit
dynamique peuvent donc être avantagées par rapport à celles ayant un état
d’esprit plus fixe.

Pourquoi cultiver un état d’esprit


dynamique ?
Trois raisons justifient le fait de chercher à cultiver un état d’esprit
dynamique. En effet, croire en l’amélioration de ses compétences et de ses
capacités permet de faciliter l’activation des mécanismes de correction
d’erreur, d’améliorer la connectivité cérébrale entre le striatum lié au
système de récompense et le lobe préfrontal lié notamment à l’attention et à
la correction d’erreur, en plus de stimuler la motivation et de favoriser
l’apprentissage.

Pour faciliter l’activation des mécanismes


cérébraux de correction d’erreur
Apprendre, c’est changer. L’un des aspects les plus essentiels pour
guider positivement ce changement est la rétroaction. C’est d’ailleurs en
bonne partie grâce à elle que le cerveau peut développer des réseaux de
neurones de plus en plus efficaces. Cela dit, ce n’est pas tant la rétroaction
en soi qui est importante, mais plutôt la réaction du cerveau face à la
rétroaction et l’erreur qui peut faire une différence. Si le cerveau réagit peu
à la rétroaction fournie, cette dernière n’aura que peu d’effet sur
l’apprentissage.
Or l’état d’esprit peut influencer de façon significative la réaction du
cerveau quand une erreur est commise. La figure 55 montre les liens entre
l’état d’esprit, la performance après l’erreur et l’activation du cerveau 1. On
y voit que l’état d’esprit est lié à la performance après erreur (corrélation de
0,43). Autrement dit, plus une personne possède un état d’esprit dynamique,
plus elle est susceptible de corriger ses erreurs et ainsi d’améliorer sa
performance après erreur. Cette relation entre l’état d’esprit et la correction
d’erreur est influencée par le niveau d’activation du cerveau : plus une
personne possède un état d’esprit dynamique, plus elle active son cerveau
après avoir commis une erreur (corrélation de 0,52) et, plus cette activation
est grande, plus le taux de correction d’erreur et le niveau de performance
après erreur sont élevés (corrélation de 0,62). Ces résultats suggèrent donc
que l’état d’esprit a un impact sur la correction d’erreur, parce qu’il
influence le niveau d’activation du cerveau.
Figure 55. L’état d’esprit influence le niveau d’activation du cerveau à la suite d’une erreur,
ce qui influence le niveau de correction d’erreur et conséquemment la performance après
erreur. En général, plus une personne possède un état d’esprit dynamique, plus elle active
son cerveau à la suite d’une rétroaction négative et plus elle a tendance à corriger ses
erreurs (d’après Moser et al., 2011).

Ce résultat est compatible avec l’idée que l’erreur n’a pas le même
statut dans la tête d’une personne ayant un état d’esprit fixe que dans celle
d’une personne ayant un état d’esprit dynamique. En effet, quelqu’un qui
croit pouvoir s’améliorer aura tendance à percevoir les erreurs commises
comme des outils pour apprendre et s’améliorer. L’erreur est alors perçue
comme une indication qu’il est nécessaire de se concentrer davantage et
qu’il reste du travail à accomplir pour se perfectionner et s’améliorer. À
l’opposé, une personne ayant un état d’esprit fixe et qui ne croit pas pouvoir
s’améliorer aura plutôt tendance à voir les erreurs commises comme une
confirmation de son incapacité à accomplir une tâche. Loin de stimuler
l’activation cérébrale, les erreurs mènent alors, au contraire, à un
désengagement du cerveau.
Pour mesurer le niveau d’activité cérébrale des personnes ayant un état
d’esprit fixe ou dynamique, des chercheurs ont utilisé
l’électroencéphalographie. Cette technique permet de mesurer les
différences de potentiel électrique à la surface de la tête causées par
l’activité du cerveau. Le graphique A de la figure 56 montre que les
personnes ayant un état d’esprit dynamique activent davantage leur cerveau
environ 300 millisecondes après avoir commis une erreur. Ce pic
d’activation nommé Pe (potentiel électrique positif lié à l’erreur) est
généralement associé à une plus grande mobilisation de l’attention. Ce
résultat suggère donc que les personnes ayant un état d’esprit dynamique
portent davantage attention à l’erreur commise et s’engagent davantage
dans un processus d’analyse de leur erreur que les personnes ayant un état
d’esprit fixe. Comme le montre d’ailleurs la partie B de la figure 56,
l’activité cérébrale posterreur des personnes ayant un état d’esprit
dynamique est nettement plus élevée que celle des personnes ayant un état
d’esprit fixe.

Figure 56. Les personnes avec un état d’esprit dynamique activent davantage leur cerveau
après avoir commis une erreur que celles ayant un état d’esprit fixe. Le pic d’activation
observé environ 300 millisecondes (ms) après avoir commis une erreur (voir partie A)
indique qu’une plus grande attention est portée à l’erreur. La partie B de la figure montre les
différences d’activation à la suite d’une erreur entre les personnes ayant un état d’esprit fixe
ou dynamique (d’après Moser et al., 2011).
L’état d’esprit est généralement mesuré à l’aide d’un questionnaire où il
est demandé de donner son niveau d’accord à différents énoncés – par
exemple, « vous avez un certain niveau d’intelligence et vous ne pouvez
vraiment pas faire grand-chose pour le changer ». Ce questionnaire permet
de situer les gens sur une échelle allant habituellement de 1 à 6 – 1 étant
associé à un état d’esprit très fixe et 6 à un état d’esprit dynamique très
élevé.
La figure 57 montre le niveau d’activation du cerveau à la suite d’une
erreur en fonction du niveau d’état d’esprit. Chaque point du graphique
représente un individu. Une tendance claire est observée : plus une
personne possède un état d’esprit dynamique, plus le niveau d’activation est
élevé. La dichotomie voulant qu’une personne possède un état d’esprit fixe
ou un état d’esprit dynamique est donc à rejeter. Dans les faits, l’état
d’esprit d’une personne face à sa capacité à s’améliorer se situe au sein d’un
continuum allant d’un état d’esprit très fixe à un état d’esprit dynamique
très élevé.
Figure 57. De façon générale, plus une personne possède un état d’esprit dynamique, plus
son cerveau s’active à la suite d’une erreur (d’après Moser et al., 2011).

Étant donné que l’état d’esprit a une influence considérable sur


l’activation des mécanismes cérébraux de correction d’erreur et sur
l’apprentissage, il apparaît souhaitable d’essayer de développer chez les
apprenants un état d’esprit dynamique. Mais est-il possible de changer
d’état d’esprit ? Bien que l’on puisse penser que ce soit difficile, il semble
au contraire relativement facile, du moins temporairement, d’influencer
l’état d’esprit des individus. Une étude 2 montre d’ailleurs que le simple fait
de lire un article portant sur l’intelligence quelques instants avant une tâche
peut influencer de façon notable l’activité du cerveau.
Dans l’étude en question, les participants devaient lire soit un article
suggérant que l’intelligence est déterminée par les gènes et ne peut donc pas
changer, soit un article suggérant plutôt que l’intelligence se développe
grâce à des environnements stimulants et peut changer par l’effort et
l’apprentissage. Le texte à lire était assigné de façon aléatoire aux
participants.
Les résultats sont présentés à la figure 58. Les participants ayant lu
l’article associé à un état d’esprit dynamique activent davantage leur
cerveau après avoir commis une erreur que ceux ayant lu un article associé
à un état d’esprit plus fixe. Ces résultats ressemblent donc beaucoup à ceux
obtenus dans l’étude précédente comparant les personnes ayant un état
d’esprit fixe ou dynamique. Il faut cependant réaliser ici que l’état d’esprit
des deux groupes de participants était le même au départ et que,
conséquemment, il ne devrait pas y avoir de différences entre les deux
groupes. C’est le fait d’avoir lu un article compatible avec un état d’esprit
fixe ou dynamique juste avant la tâche qui a mené à des différences
significatives. L’effet de l’état d’esprit sur l’activation des mécanismes de
correction d’erreur peut donc être influencé assez facilement.
Figure 58. Lire un article présentant l’intelligence comme fixe ou pouvant se développer par
l’effort et l’apprentissage influence l’activité du cerveau. Plus spécifiquement, la lecture d’un
article compatible avec un état d’esprit dynamique provoque une activité cérébrale
posterreur plus grande que la lecture d’un texte compatible avec un état d’esprit fixe
(d’après Schroder et al., 2014).

Pour améliorer la connectivité cérébrale entre


le système de récompense et les mécanismes
de correction d’erreur
Au chapitre précédent nous avons vu que la rétroaction peut activer
deux grands systèmes cérébraux : le système de récompense du striatum et
le système de correction d’erreur impliquant le cortex cingulaire antérieur et
le cortex préfrontal. Ces deux systèmes ne sont évidemment pas
entièrement indépendants l’un de l’autre, les aspects émotionnels des
renforcements liés au striatum jouant un rôle dans les aspects cognitifs liés
notamment à des régions du lobe frontal. Il est donc plausible de penser
qu’une meilleure connectivité entre le striatum et des régions cérébrales,
liées, notamment, à la correction d’erreur, contribue à l’apprentissage.
Il existe au moins deux techniques pour évaluer la connectivité entre les
régions cérébrales. La première permet de mesurer la connectivité
structurelle et consiste à déterminer l’orientation des axones des neurones
en examinant, grâce à l’imagerie par résonance magnétique, de quelle façon
les molécules d’eau se diffusent dans le cerveau (une technique appelée
l’imagerie en tenseur de diffusion). Ainsi, quand l’eau se diffuse dans une
direction précise, cela constitue un indice qu’il y a un grand nombre
d’axones orientés dans la même direction et, donc, qu’il y a une importante
connectivité entre deux régions cérébrales.
La seconde technique permet, quant à elle, de mesurer la connectivité
fonctionnelle et consiste à examiner quelles sont les régions cérébrales qui
ont tendance à s’activer de façon synchronisée. Plus une région a tendance à
s’activer et se désactiver en même temps qu’une autre région, plus la
connectivité fonctionnelle entre ces deux régions est grande. Généralement,
pour déterminer la force de la connectivité fonctionnelle entre les régions
cérébrales, les chercheurs mesurent les variations spontanées d’activité
cérébrale de participants au repos, c’est-à-dire alors qu’aucune tâche
cognitive n’est demandée.
Des chercheurs ont utilisé cette technique d’imagerie cérébrale au repos
afin de mesurer la connectivité fonctionnelle entre le striatum et le reste du
cerveau chez des personnes ayant un état d’esprit fixe ou un état d’esprit
dynamique 3. Ils ont montré que les personnes ayant un état d’esprit
dynamique ont généralement une meilleure connectivité entre le striatum et
des régions reconnues notamment pour leur rôle dans la correction d’erreur,
comme le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal dorso-latéral
(voir figure 59).
Figure 59. Les personnes ayant un état d’esprit dynamique possèdent une plus grande
connectivité fonctionnelle entre le striatum, associé notamment au système de récompense,
et le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal dorso-latéral pouvant être liés aux
mécanismes de correction d’erreur (d’après Myers et al., 2016).

Ces mêmes chercheurs ont aussi constaté qu’il existe une corrélation
entre l’état d’esprit et la force de la connectivité entre le striatum et le
cortex préfrontal dorso-latéral (voir figure 60). Autrement dit, plus les
personnes ont un état d’esprit dynamique, plus la connectivité est grande
entre ces deux régions. Cette étude, comme les autres discutées
précédemment, appuie donc l’idée que l’influence positive de l’état d’esprit
est d’autant plus grande que la croyance en la possibilité d’améliorer ses
capacités est élevée.
Figure 60. En général, plus une personne possède un état d’esprit dynamique, plus la
connectivité fonctionnelle entre le striatum et le cortex préfrontal dorso-latéral est élevée
(d’après Myers et al., 2016).

Nous l’avons dit, la motivation est influencée par plusieurs variables


pouvant être en relation les unes avec les autres. En plus de l’état d’esprit,
un autre concept est souvent utilisé pour parler de la motivation et de la
persévérance. En anglais, le terme utilisé est grit, ce qui se traduit par force
de caractère, courage, cran ou encore détermination. Le grit est la passion et
la persévérance, à long terme, dans l’accomplissement d’un objectif ou d’un
ensemble d’objectifs. Tout comme l’état d’esprit, le grit est associé à une
plus grande connectivité fonctionnelle entre le striatum et d’autres régions
cérébrales 4. Il est cependant intéressant de noter certaines différences. Alors
que l’état d’esprit influence la connectivité fonctionnelle à la fois du
striatum ventral (partie inférieure) et du striatum dorsal (partie supérieure),
le grit n’influence que la connectivité de la partie ventrale du striatum. De
plus, alors que l’état d’esprit est associé à une connectivité plus grande
entre le striatum et la partie dorsale du cortex cingulaire antérieur, c’est-à-
dire la partie plus haute, le grit est quant à lui associé à une plus grande
connectivité entre le striatum et la partie ventrale du cortex cingulaire
antérieur, c’est-à-dire la partie plus avant et plus en bas (voir figure 61). Ce
résultat est intéressant, car la partie dorsale est davantage associée à la
correction d’erreur tandis que la partie ventrale est plus souvent liée à la
persévérance, au délai de la gratification et à l’obtention de récompenses.
Cela suggère que le grit et l’état d’esprit ont beaucoup de points communs,
mais qu’ils constituent probablement des variables distinctes.
Figure 61. Alors que l’état d’esprit influence la force de la connectivité entre le striatum et le
cortex cingulaire dorsal (lié davantage à la correction d’erreur), le grit influence la force de
la connectivité entre le striatum et le cortex cingulaire antérieur ventral (lié davantage à la
motivation et la récompense) (d’après Myers et al., 2016).

En examinant la densité de la matière grise dans le striatum et le cortex


préfrontal dorso-latéral, d’autres chercheurs ont aussi constaté des
différences et de ressemblances entre le grit et l’état d’esprit 5. Un plus
grand niveau de grit est associé à une plus grande densité de matière grise
dans le striatum, ce qui est compatible avec l’idée que les personnes ayant
un grit plus élevé ont aussi un striatum plus développé. Cependant, il est
aussi observé qu’un grit plus élevé est lié à une moins grande densité de
matière grise dans le cortex préfrontal dorso-latéral. Loin d’être négative,
cette moins grande densité de matière peut être perçue comme étant un
indice que le cortex préfrontal dorso-latéral a atteint un niveau d’efficacité
élevé en éliminant les connexions cérébrales non optimales. D’ailleurs, la
réduction de densité de matière grise dans cette région peut être associée à
une augmentation de certaines capacités cognitives 6. Plus intéressant
encore, il semble que l’état d’esprit agit comme intermédiaire dans la
relation entre grit et densité de matière grise dans le cortex préfrontal dorso-
latéral, mais pas dans le striatum. Selon les chercheurs, ce résultat indique
que l’état d’esprit influence peut-être d’abord et avant tout les mécanismes
de correction d’erreur et non la motivation directement, mais que
l’influence sur la correction d’erreur mène éventuellement à un niveau de
motivation plus élevé et à un plus grand grit. Autrement dit, il est possible
qu’un état d’esprit dynamique contribue au développement du grit.

Figure 62. Un état d’esprit dynamique permet peut-être de développer le grit, c’est-à-dire la
persévérance et la motivation à long terme dans l’atteinte d’un but. Dans ce graphique, la
densité de matière grise dans le cortex préfrontal dorso-latéral est négativement corrélée
avec le grit (-0,27). Cette relation semble être influencée par l’état d’esprit. En effet, il existe
une corrélation négative comparable entre la densité de matière grise et l’état d’esprit
(-0,19) et une corrélation positive est observée entre l’état d’esprit et le grit (0,18) (d’après
Wang et al., 2018).

En somme, un état d’esprit dynamique permet une plus grande


activation des mécanismes cérébraux de correction d’erreur, ce qui a un
impact sur l’apprentissage. Cet avantage mène à une plus grande réussite,
ce qui influence probablement le striatum et le système de récompense et,
éventuellement, la motivation à long terme et le grit.

Pour améliorer l’apprentissage, en particulier


lorsque des difficultés sont rencontrées
Jusqu’à présent, nous avons examiné les effets de l’état d’esprit sur le
cerveau et vu qu’un état d’esprit dynamique facilite l’activation des
mécanismes cérébraux de correction d’erreur et améliore la connectivité
cérébrale entre le système de récompense (striatum) et les mécanismes de
correction d’erreur (le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal).
Examinons maintenant les facteurs pouvant influencer le développement
d’un état d’esprit dynamique et les effets de ce dernier sur l’apprentissage.
Bien qu’il paraisse plausible de penser que l’état d’esprit des parents et
des enseignants influence de façon importante celui de leurs enfants et de
leurs élèves, des études suggèrent que ce n’est pas le cas 7. En effet, les
jeunes entourés de parents et d’enseignants ayant un état d’esprit
dynamique n’adhèrent pas nécessairement eux-mêmes à cet état d’esprit.
L’une des raisons pouvant expliquer cette constatation surprenante est
que l’un des éléments les plus déterminants pour cultiver un état d’esprit
dynamique est ce qui est dit et fait pour encourager et motiver. Or les mots
utilisés par les parents et les enseignants face aux succès et échecs des
enfants ne semblent pas fortement influencés par leur état d’esprit, mais
plutôt par leurs croyances spontanées sur les façons optimales de motiver et
d’encourager les apprenants. Il est donc possible d’avoir un état d’esprit
dynamique, mais d’interagir de façon incompatible avec cet état.
Pour développer un état d’esprit dynamique, le type de rétroaction et
d’encouragement offert est particulièrement important. Il existe au moins
deux types d’encouragements : les encouragements portant sur le processus
(« tu as travaillé fort ») et ceux portant sur la personne (« tu es
intelligent »). Compatible avec un état d’esprit dynamique, le premier type
d’encouragement est nettement plus susceptible d’influencer positivement
l’état d’esprit de l’apprenant. Une étude montre d’ailleurs que la fréquence
des encouragements portant sur le processus qui sont donnés aux enfants
entre 15 et 38 mois constitue un bon prédicteur de leur état d’esprit à 7 et
8 ans (voir figure 63) 8. À l’opposé, une faible fréquence de ce type
d’encouragement augmente la probabilité de développer un état d’esprit
fixe.

Figure 63. Les encouragements portant sur le processus peuvent contribuer au


renforcement d’un état d’esprit dynamique. Dans ce graphique, une fréquence élevée
d’encouragements de ce type entre 15 et 38 mois est associée à la présence d’un état
d’esprit dynamique à 7-8 ans (d’après Gunderson et al., 2013).
En plus des encouragements portant sur le processus, un deuxième
facteur joue également un rôle important dans le développement de la
croyance selon laquelle il est possible d’améliorer ses capacités : le rôle de
l’erreur. Si l’erreur commise par l’enfant est perçue par le parent ou
l’enseignant comme un outil essentiel permettant d’évoluer et de
s’améliorer, il y a de fortes chances que cela influence positivement les
interactions parents-enfants et développe un état d’esprit dynamique chez
l’enfant.
En plus des attitudes des parents et des enseignants face aux succès et
aux échecs, des interventions spécifiques peuvent aussi cultiver un état
d’esprit dynamique. Des études montrent notamment qu’enseigner aux
élèves comment leur cerveau apprend peut contribuer à augmenter leur
croyance en leur capacité d’apprendre et de s’améliorer. Plus
spécifiquement, enseigner aux élèves que leur cerveau fait preuve de
neuroplasticité et que les connexions neuronales peuvent se modifier grâce
à l’apprentissage pour améliorer ses compétences peut influencer
significativement et positivement leur état d’esprit.
Par exemple, selon une étude présentée à la figure 64, une intervention
comportant trois séances de 45 minutes, portant sur le cerveau et
l’apprentissage, le développement du cerveau adolescent et l’influence de
l’activité physique et des habitudes de vie sur le cerveau, mène à une plus
grande proportion de jeunes adolescents ayant un état d’esprit dynamique
(78 % vs 71 %) 9.
Figure 64. Enseigner comment le cerveau fonctionne et apprend peut encourager un état
d’esprit dynamique. Ici, les jeunes adolescents ayant reçu une intervention portant sur le
fonctionnement du cerveau et l’apprentissage adoptent en plus grande proportion un état
d’esprit dynamique comparativement aux jeunes n’ayant pas reçu cette intervention
(d’après Dekker et Joles, 2015).

Si une intervention de trois fois 45 minutes permet de stimuler un état


d’esprit dynamique, qu’en est-il d’une intervention plus courte ? Une étude
montre qu’une seule intervention de 55 minutes permet d’influencer
modestement, mais significativement, l’état d’esprit 10. Les résultats de cette
étude ayant été menée dans deux écoles (pour s’assurer de la
reproductibilité de l’effet) sont présentés à la figure 65. Immédiatement
après l’intervention, le niveau d’état d’esprit passe de 4,66 à 5,22 dans
l’école 1 – sur une échelle de 1 à 6, 1 étant associé à l’état d’esprit le plus
fixe – et de 4,71 à 5,10 dans l’école 2. Plus intéressant encore, les
chercheurs ont voulu connaître l’effet à moyen terme de cette courte
intervention. À la figure 65, on observe que, malgré un léger déclin, l’état
d’esprit mesuré 2 semaines, 7 mois et même 10 mois après l’intervention
est plus élevé qu’avant l’intervention. Une intervention de courte durée peut
donc avoir un effet relativement durable sur l’état d’esprit.
Nous avons vu que le type de renforcement, la perception du rôle de
l’erreur dans l’apprentissage et la connaissance de l’existence de la
neuroplasticité peuvent favoriser un état d’esprit dynamique. Examinons
maintenant les liens directs entre l’état d’esprit et l’apprentissage. L’un des
articles scientifiques les plus cités lorsqu’il est question de l’effet de l’état
d’esprit sur la réussite scolaire est présenté à la figure 66 11. Le graphique A
de cette figure présente l’évolution des notes en mathématiques entre la 7e
et la 8e année. Alors que les notes des élèves ayant un état d’esprit plus fixe
déclinent légèrement mais systématiquement au cours de cette période,
celles des élèves présentant un état d’esprit dynamique augmentent
progressivement. Ce résultat est cohérent avec l’idée qu’un état d’esprit
dynamique aide les élèves à surmonter les difficultés rencontrées dans leur
parcours.
Figure 65. Même une courte intervention peut avoir un impact durable sur l’état d’esprit.
Dans les résultats de l’étude présentée dans ce graphique, l’effet positif d’une intervention
de seulement 55 minutes perdure 10 mois après l’intervention (d’après DeBacker et al,
2018).

Pour déterminer de façon plus directe l’existence d’un lien causal entre
l’état d’esprit et la réussite scolaire, des chercheurs ont également étudié
l’effet d’une intervention sur la réussite en mathématiques. Pour y arriver,
ils ont réparti les élèves en deux groupes. Dans le premier, une intervention
comportant huit séances de 55 minutes (une séance par semaine) et portant
notamment sur la plasticité du cerveau a eu lieu. Dans le deuxième groupe,
une intervention contrôle de même durée et portant en partie sur des thèmes
similaires a eu lieu, mais aucune des activités ne portait spécifiquement sur
la neuroplasticité, ni sur des thématiques présentant l’intelligence et les
capacités cognitives comme pouvant se développer.
Dans le graphique B de la figure 66, on observe que les notes des élèves
ayant suivi une intervention de type « état d’esprit fixe » (groupe contrôle)
déclinent avant et après l’intervention : elles passent d’environ 2,7 à 2,5,
pour descendre ensuite à 2,4 (sur un maximum de 4). À l’opposé, les élèves
de l’intervention de type « état d’esprit dynamique » arrivent à renverser le
déclin des notes après intervention : elles passent d’environ 2,9 à 2,6 avant
l’intervention pour rebondir à environ 2,7 après l’intervention. Cette étude
suggère qu’il est non seulement possible d’influencer l’état d’esprit par une
intervention ciblée, mais aussi la réussite scolaire.

Figure 66. L’état d’esprit peut avoir une incidence sur la réussite scolaire. Dans ce
graphique, on observe au graphique A que les notes en mathématiques augmentent entre
la 7e et la 8e année pour les élèves ayant un état d’esprit dynamique, mais qu’elles
déclinent pour les autres. Le graphique B montre qu’une intervention visant à favoriser un
état d’esprit dynamique peut renverser le déclin des notes en mathématiques (d’après
Blackwell, Trzesniewski et Dweck, 2007).

Des résultats similaires ont été obtenus à grande échelle avec plus de
1 500 élèves grâce à une intervention disponible sur Internet qui présentait,
elle aussi, de l’information sur la neuroplasticité susceptible d’encourager
un état d’esprit dynamique 12. Les effets de cette intervention étaient
bénéfiques dans toutes les matières pour tous les élèves, mais elle était
encore plus bénéfique pour les élèves à risque d’échouer et dans certaines
matières comme les mathématiques (voir figure 67). Ce résultat suggère que
les interventions visant à favoriser un état d’esprit dynamique peuvent aider
tous les élèves, mais de façon encore plus significative ceux qui rencontrent
des difficultés et qui doivent faire preuve de persévérance. De plus, il est
possible que l’effet soit plus important pour les matières présentant des
difficultés particulières ou associées davantage à un état d’esprit fixe et à
capacités innées, comme les mathématiques – par exemple, la bosse des
mathématiques.
Bien que la présentation faite dans ce chapitre montre que l’état d’esprit
est une variable importante pouvant influencer le fonctionnement cérébral
et l’apprentissage, il existe cependant dans les écrits scientifiques des
résultats contradictoires qui peuvent semer des doutes quant à l’efficacité
des approches visant à prendre en compte l’état d’esprit des individus dans
leur apprentissage.

Figure 67. Même une intervention disponible sur Internet peut avoir un effet sur l’état
d’esprit et la réussite scolaire. Les graphiques de la partie A montrent qu’une intervention
visant à favoriser un état d’esprit dynamique a un effet positif dans toutes les matières
(comparativement aux participants d’un groupe contrôle ne participant pas à l’intervention),
notamment en mathématiques. Le graphique de la partie B montre l’effet global de
l’intervention sur tous les cours (d’après Paunesku et al., 2015).
Ainsi, une méta-analyse 13 de 129 études montre que l’état d’esprit a un
effet sur la réussite scolaire, mais l’ampleur de cet effet n’est que de 0,1.
Cela signifie qu’en général les apprenants ayant un état d’esprit dynamique
réussissent mieux que ceux ayant un état d’esprit fixe, mais que l’écart entre
les deux est somme toute assez mineur.
Ce résultat n’est pas très surprenant. En effet, il existe assurément
plusieurs facteurs pouvant influencer la réussite – les approches
pédagogiques et les capacités cognitives de l’apprenant comme la mémoire
de travail, l’attention et le contrôle cognitif en sont de bons exemples. Par
conséquent, il serait étonnant qu’un seul facteur, à savoir l’état d’esprit, ait,
à lui seul, un impact très important sur la réussite. Ce qui est plus
intéressant est d’évaluer l’impact d’interventions visant à favoriser un état
d’esprit dynamique et favoriser ainsi l’apprentissage et la réussite.
Une deuxième méta-analyse, publiée dans le même article que la
précédente, s’est justement intéressée à l’efficacité des interventions visant
à développer un état d’esprit dynamique sur l’apprentissage et la réussite.
En apparence, les résultats ne sont pas plus encourageants. En effet, après
avoir analysé les résultats de 29 études, les chercheurs ont calculé que
l’ampleur moyenne de l’effet des études d’interventions de ce type sur la
réussite académique est de seulement 0,08. Contrairement aux résultats de
la première méta-analyse, la faible ampleur de l’effet mesurée dans cette
deuxième méta-analyse est surprenante. Pour bien la comprendre, il est
nécessaire d’examiner plus en détail la façon dont cette méta-analyse a été
conduite.
Pour prendre en compte le plus grand nombre d’études possibles, les
chercheurs ont inclus dans leurs calculs les données publiées dans les
revues scientifiques, mais aussi les données non publiées. Ces dernières ont
été obtenues notamment à partir d’un appel demandant à tous les chercheurs
ayant des données sur le sujet, même si elles sont non publiées, de
transmettre leurs résultats. Ainsi, 42 % des données utilisées dans la méta-
analyse n’ont pas été publiées dans une revue scientifique et n’ont donc pas
été évaluées de façon indépendante par un comité de lecture formé
d’experts du domaine. Inclure des données non publiées présente l’avantage
d’éviter le biais associé au fait que les revues scientifiques ont tendance à
rejeter les résultats non significatifs, mais comporte aussi l’inconvénient
majeur de ne faire aucune évaluation rigoureuse de la qualité de ces
données et des méthodes ayant permis de les obtenir.
De plus, en examinant plus attentivement les données utilisées dans la
méta-analyse, on remarque qu’une proportion importante des données plus
négatives quant à l’efficacité des interventions de type état d’esprit
dynamique n’a pas été publiée dans des revues scientifiques. Autrement dit,
l’ampleur moyenne de l’effet des interventions de ce type est très faible,
principalement à cause de l’inclusion de données non publiées. Le fait que
les données ne soient pas publiées ne signifie pas nécessairement que ces
données ne sont pas valables, mais cela sème un doute légitime sur leur
qualité. Il est donc possible que cette méta-analyse sous-estime l’ampleur
de l’effet des interventions.
En plus de souvent provenir d’études non publiées, on remarque
également que les données réduisant le plus l’ampleur moyenne de l’effet
proviennent d’une seule étude qui a comparé les effets d’un cours de
neurosciences portant notamment sur la neuroplasticité et d’un cours
portant sur les stratégies d’étude, lequel porte sur la façon dont on peut se
préparer pour apprendre, sur l’influence de l’environnement
d’apprentissage et de la préparation physique, sur le rôle et le contrôle des
émotions pour mieux apprendre, sur la façon dont on mémorise des
contenus et sur les techniques permettant d’améliorer la mémorisation. Bien
qu’il ne soit pas question de neuroplasticité dans l’intervention contrôle, on
y présente toutefois de nombreux éléments appuyant l’idée selon laquelle il
est possible d’apprendre et d’améliorer ses compétences en utilisant de
bonnes stratégies. Bref, les deux interventions sont susceptibles de favoriser
un état d’esprit dynamique. Dit autrement, l’étude a comparé deux
interventions de type état d’esprit dynamique. Il n’est donc pas surprenant
que leurs effets soient similaires.
Une autre méta-analyse 14 menée par mon laboratoire de recherche s’est
cette fois limitée aux articles publiés dans les revues scientifiques utilisant
les neurosciences comme façon de stimuler un état d’esprit dynamique.
Malgré le fait que cette méta-analyse intègre l’étude précitée avec les deux
interventions de type état d’esprit dynamique, l’ampleur de l’effet calculée
est tout de même de 0,4.
Pour évaluer l’hypothèse selon laquelle les élèves à risque de subir des
échecs profitent davantage de l’effet bénéfique d’en savoir plus sur le
fonctionnement du cerveau, cette méta-analyse présente aussi séparément
l’ampleur de l’effet pour cette catégorie d’élèves (voir figure 68), laquelle
est de 0,44 par rapport à 0,31 pour les autres. De plus, en examinant plus
spécifiquement l’ampleur de l’effet sur la motivation et la réussite scolaire,
un résultat similaire est obtenu : les élèves à risque profitent davantage des
effets de l’intervention sur la motivation (0,55 vs 0,19) et sur la réussite
(0,39 vs 0,28). Il semblerait aussi que l’écart entre les élèves à risque et les
autres élèves soit particulièrement important en mathématiques (0,78 vs
0,09), une matière souvent qualifiée de difficile et fréquemment associée à
des capacités innées.
Figure 68. Enseigner comment fonctionne le cerveau a des effets bénéfiques importants
sur la motivation et la réussite, en particulier chez les élèves à risque d’échec. Ce tableau
présente l’ampleur de l’effet d’enseigner le fonctionnement cérébral sur la motivation et la
réussite pour tous les élèves, de même que distinctement pour les élèves à risque et les
autres élèves (d’après Blanchette Sarrasin et al., 2018).

Comment mettre en application le principe


d’état d’esprit dynamique ?
Après avoir examiné les bienfaits de posséder un état d’esprit
dynamique, voyons maintenant quatre stratégies pour cultiver ce dernier :
connaître la notion de neuroplasticité, savoir qu’il est possible d’influencer
la neuroplasticité, éviter de croire qu’un état d’esprit dynamique suffit pour
apprendre et fournir des rétroactions compatibles avec un état d’esprit
dynamique.

Développez la notion de neuroplasticité


Comme l’ont démontré plusieurs des études citées, connaître la notion
de neuroplasticité peut avoir un impact positif sur notre état d’esprit. Pour
cultiver un état d’esprit dynamique, il est primordial de savoir que la
structure du cerveau n’est pas fixe après la petite enfance et que, tout au
long de la vie, il conserve la capacité de changer ses connexions pour
apprendre et continuer à se développer.
L’idée que la neuroplasticité existe tout au long de la vie n’est pas
évidente pour tout le monde. Une des raisons pouvant mener à croire que la
neuroplasticité n’existe qu’au début de la vie est le contraste marqué entre
le développement rapide du bébé et la relative stabilité des capacités de
l’adulte. En effet, nous voyons bien qu’un bébé évolue beaucoup plus
rapidement qu’un adulte. En deux ou trois ans, un bébé apprend à
manipuler des objets, à se déplacer, à marcher, à parler, etc. Il est facile d’en
tirer la conclusion que le cerveau du bébé se développe, puis qu’ensuite il
est plus stable.
C’est d’ailleurs en partie le cas : le cerveau adulte change moins que le
cerveau d’un jeune enfant. Cependant, ce n’est pas nécessairement à cause
d’une moins grande plasticité, mais plutôt parce que le cerveau de l’adulte
est mieux adapté à son environnement et qu’il a déjà créé des connexions
neuronales lui permettant de parler, de lire, d’écrire, d’interagir avec les
autres, etc.
À ce sujet, il existe une croyance répandue, mais non fondée, selon
laquelle tout se joue avant trois ans. Selon cette idée, les capacités
cognitives se développent en bas âge et, ensuite, nous ne faisons qu’utiliser
les capacités alors développées. Dans cette perspective, apprendre à lire ou
apprendre à compter, ce n’est pas changer le cerveau, mais simplement
apprendre à utiliser des capacités développées antérieurement. Pour changer
d’état d’esprit, il faut combattre cette croyance et savoir que tout le monde
peut changer son cerveau.
Il existe plusieurs façons de faire connaître la notion de neuroplasticité.
Les enseignants les plus ambitieux peuvent développer une séquence
d’apprentissage comprenant quelques activités visant à aider les élèves à
mieux connaître leur cerveau et la notion de neuroplasticité. Cette séquence
peut être intégrée à un cours de sciences ou même à un cours portant sur les
méthodes de travail et les stratégies d’apprentissage. Il peut aussi être
intégré à des activités de compréhension de lecture ou de compréhension
orale, ou encore à des activités de production écrite ou orale.
Une autre façon de faire connaître la notion de neuroplasticité est de
proposer une courte activité d’apprentissage portant sur le sujet. Par
exemple, on peut faire lire un court texte ou écouter une vidéo portant sur la
neuroplasticité. On peut aussi présenter et discuter de la figure 6 de ce livre
montrant la réorganisation des connexions neuronales causée par
l’apprentissage.
Il est également possible d’utiliser un questionnaire portant sur le
caractère fixe ou évolutif de certaines qualités 15. La figure 69 présente un
questionnaire sur l’intelligence qui peut servir d’amorce à une discussion
sur la faisabilité de développer ses qualités et ses capacités. Le terme
« intelligence » dans ce questionnaire peut aussi être remplacé par un terme
plus pertinent en fonction du contexte – par exemple, « talent artistique »,
« talent en sciences », « capacités sportives » ou « compétence en affaires ».
Figure 69. Pour déterminer l’état d’esprit d’un individu, des questions portant sur le
caractère fixe ou évolutif de l’intelligence sont souvent utilisées. Dans ce questionnaire, les
deux premiers énoncés reflètent un état d’esprit fixe, alors que les deux derniers sont en
accord avec un état d’esprit dynamique (d’après Dweck, 2010).

Au lieu de recourir à des activités formelles d’apprentissage, il est


possible de simplement parler informellement de la neuroplasticité. Cette
approche n’exige pas une grande planification et peut être utilisée dans la
plupart des contextes. Un parent peut simplement mentionner à son enfant
qui s’exerce à lacer ses chaussures que son cerveau est en cours de
transformation pour apprendre une nouvelle chose. Un enseignant peut
prendre une pause lors d’une explication pour mentionner que le cerveau
change pour mémoriser et développer des habiletés. Un formateur peut faire
référence à la neuroplasticité en insistant sur le fait que même les adultes
peuvent transformer leur cerveau pour développer de nouvelles
compétences.
Au-delà des discussions formelles ou informelles portant sur la
neuroplasticité, les écoles, les entreprises et les familles devraient chercher
à développer une culture de l’amélioration dans laquelle les individus sont
constamment encouragés à se développer et à devenir meilleurs. Cette
culture n’est malheureusement pas toujours présente dans ces milieux. À
titre d’exemple, pour favoriser un état d’esprit dynamique chez un employé,
il ne faut pas juste le voir comme une ressource humaine capable
d’accomplir un travail spécifique : il doit être considéré comme une
personne en constante évolution pouvant apprendre de nouvelles
compétences et redéfinir son rôle au sein de l’entreprise.

Sachez qu’il est possible d’influencer


la neuroplasticité
S’il est vrai que connaître la notion de neuroplasticité est important,
cette connaissance n’est pas toujours suffisante pour développer un état
d’esprit dynamique. Il est en effet possible de savoir que le cerveau est
capable de se transformer pour apprendre, mais de croire que cette
neuroplasticité n’est pas sous notre contrôle.
Dans certains cas, il se peut même que la connaissance de l’existence de
neuroplasticité renforce un état d’esprit fixe, si elle est perçue comme une
caractéristique prédéterminée du fonctionnement cérébral. Dans cette
conception fixe de la plasticité, les individus croient qu’ils possèdent une
plus ou moins grande plasticité. Autrement dit, apprendre change le cerveau
grâce à la neuroplasticité, mais certains individus possèdent de façon innée
une plus grande neuroplasticité que d’autres. Il en résulte alors un état
d’esprit fixe, puisqu’on ne croit pas avoir de contrôle sur notre capacité
d’apprendre et d’évoluer.
En conséquence, il faut non seulement connaître la notion de
neuroplasticité, mais savoir qu’il est possible d’influencer cette dernière.
Plus un apprenant croit qu’il a de contrôle sur ses apprentissages, plus il
aura un état d’esprit dynamique et plus les effets bénéfiques de ce dernier
seront marqués.
Une bonne technique pour y arriver est de faire connaître les principes
discutés dans ce livre qui démontrent qu’il est possible d’avoir un contrôle
sur la plasticité de son cerveau en ayant recours à de bonnes stratégies
d’apprentissage. Pour apprendre et changer les connexions neuronales de
son cerveau, il faut activer son cerveau grâce à des activités qui nécessitent
de produire une réponse et éviter les sources de distraction (principe
d’activation). En activant son cerveau à plusieurs reprises, des connexions
neuronales s’établissent et se renforcent progressivement pour nous rendre
de plus en plus compétents et aussi rendre les tâches à effectuer de plus en
plus faciles (principe d’activation répétée). S’entraîner à récupérer en
mémoire et élaborer des explications sont deux façons concrètes de
favoriser la plasticité du cerveau (principe de récupération et d’élaboration).
De plus, en espaçant les activations neuronales, les changements cérébraux
rendant possible l’apprentissage seront amplifiés (principe d’espacement).
Finalement, pour guider les modifications neuronales, il faut s’assurer
d’avoir suffisamment de rétroaction pour fournir au cerveau l’information
nécessaire pour ajuster efficacement la force relative des connexions
neuronales (principe de rétroaction). Tout apprenant devrait connaître au
moins une partie de ces principes pour comprendre qu’il a un contrôle sur
sa neuroplasticité et ses apprentissages.

Évitez de croire qu’un état d’esprit


dynamique suffit pour apprendre
Bien que croire en sa capacité d’apprendre et de développer ses qualités
ait plusieurs effets bénéfiques, adhérer trop fortement à un état d’esprit
dynamique, sans nuance, peut parfois avoir des conséquences négatives.
Une étude montre par exemple que les enseignants ayant un fort état
d’esprit dynamique ont tendance à donner moins de rétroaction à leurs
élèves (voir figure 70) 16. Une des explications plausibles de ce résultat
étonnant est que les enseignants ayant un état d’esprit dynamique croient
peut-être tellement en la capacité d’apprendre des élèves qu’ils négligent le
rôle fondamental de la rétroaction dans l’apprentissage. De façon plus
générale, on peut également se demander si les enseignants adoptant des
approches avec une faible guidance comme la pédagogie par la découverte
ne sont pas influencés par un état d’esprit trop optimiste face à
l’apprentissage.

Figure 70. Un état d’esprit dynamique peut parfois avoir des effets négatifs. Le graphique
montre que plus les enseignants possèdent un état d’esprit dynamique, moins ils donnent
de rétroactions aux élèves (d’après De Kraker-Pauw et al., 2017).
Un article scientifique récent met d’ailleurs en garde contre le fait
d’exagérer le contrôle que nous pouvons avoir sur notre réussite et nos
apprentissages 17. Les auteurs soutiennent avec raison qu’en plus des
facteurs environnementaux, des facteurs d’origine génétique jouent
également un rôle dans nos capacités et notre intelligence. Surestimer
l’importance des facteurs environnementaux dans la réussite peut avoir au
moins deux conséquences négatives.
La première est qu’une trop grande croyance en la malléabilité de nos
capacités et de notre intelligence peut nous encourager à croire à des
approches inefficaces – par exemple, croire qu’il est possible de développer
son intelligence grâce à des exercices cognitifs de type brain training ou
des exercices de coordination de type brain gym, alors qu’il n’existe en fait
aucune preuve de leur efficacité 18.
La seconde conséquence négative est qu’une trop forte croyance en la
capacité d’un individu à apprendre et changer peut mener à une certaine
forme de stigmatisation de l’apprenant qui rencontre l’échec. En effet, s’il
suffit de s’entraîner pour « muscler » son cerveau et devenir plus intelligent
et d’utiliser les bonnes stratégies pour bien apprendre, comment peut-on
alors expliquer l’échec et les difficultés d’apprentissage sinon par un
manque d’effort, d’entraînement ou d’utilisation de stratégies efficaces
d’apprentissage ?
Si tout le monde était capable de tout apprendre, l’échec devrait donc
avoir un responsable. Par exemple, il pourrait être causé par le faible
encadrement parental, par l’absence de stimulation au cours de la petite
enfance, par l’utilisation de mauvaises approches pédagogiques à l’école,
par la paresse de l’élève, par le système scolaire, par l’institution
responsable de la formation des enseignants, par la société, etc. Or la réalité
est bien plus complexe.
Somme toute, il faut croire au pouvoir de la neuroplasticité et adhérer à
un état d’esprit dynamique, mais il est également primordial de reconnaître
que les causes de la réussite et de l’échec sont complexes et
multifactorielles et incluent, notamment, des facteurs sur lesquels nous
n’avons pas de contrôle.

Fournissez des rétroactions compatibles avec


un état d’esprit dynamique
En plus de connaître la neuroplasticité et les stratégies pouvant
l’influencer, une autre façon de cultiver un état d’esprit dynamique est de
fournir des rétroactions et des renforcements compatibles avec l’idée que
les capacités et les qualités peuvent s’améliorer.

CONCEVOIR L’ERREUR COMME UN OUTIL


D’APPRENTISSAGE

La première technique pour fournir une rétroaction compatible avec un


état d’esprit dynamique concerne la façon de concevoir l’erreur. Si cette
dernière est présentée comme l’indication d’un manque de talent ou
d’intelligence, l’état d’esprit fixe peut alors être renforcé, en particulier si ce
manque est perçu comme un trait fixe sur lequel nous n’avons que peu de
contrôle.
Pour cultiver un état d’esprit dynamique, il faut, de toute évidence,
éviter de traiter une personne d’imbécile ou lui dire qu’elle est mauvaise
dans un domaine. Il faut toutefois éviter également les rétroactions visant à
réconforter la personne en lui disant qu’elle n’est peut-être pas très bonne
dans un domaine, mais qu’elle a par contre beaucoup de talent dans un
autre. Par exemple, en disant à un élève ayant de la difficulté en
mathématiques de ne pas s’en faire et qu’on comprend que les
mathématiques ne sont pas sa force, un enseignant ou un parent cherche
souvent à rassurer l’enfant et à préserver son estime de lui-même malgré les
échecs, ce qui est louable. Cette réaction est en effet compréhensible et très
humaine. Cela dit, elle risque cependant de stimuler un état d’esprit fixe
dans lequel le talent, ou son absence, est responsable des succès comme des
échecs.
Une étude 19 montre d’ailleurs que les enseignants ayant un état d’esprit
plus fixe ont davantage tendance à réconforter les élèves en leur disant, par
exemple : « Ne t’en fais pas. Ce n’est pas tout le monde qui peut être bon en
mathématiques. » Ce type de rétroaction peut évidemment avoir un effet
négatif sur la motivation et l’état d’esprit, voire encourager l’élève à
percevoir ses échecs comme une confirmation d’un manque de talent ou
d’intelligence.
Un autre type de rétroaction à éviter implique la théorie des
intelligences multiples. Selon cette théorie non fondée qui, de l’aveu même
de son auteur, n’est pas compatible avec les données actuelles sur le
fonctionnement cognitif et cérébral 20, il existerait plusieurs types
d’intelligence. Une personne pourrait donc avoir, par exemple, une grande
intelligence mathématique, mais une faible intelligence verbale. Cette
théorie est encore aujourd’hui souvent utilisée pour apporter du réconfort
aux personnes éprouvant de la difficulté. En leur disant qu’ils ont un profil
d’intelligence plus musicale que verbale ou mathématique, l’objectif
poursuivi de façon consciente ou inconsciente est souvent de dire à une
personne qu’elle est intelligente, à sa façon, et que ses difficultés ne lui
enlèvent pas sa « valeur » en tant que personne. Même si l’intention est
bonne, il faut éviter d’attribuer une intelligence spécifique (verbale,
mathématique ou autre) aux individus.
Une alternative pour réconforter l’apprenant face aux difficultés
rencontrées et qui est compatible avec un état d’esprit dynamique est de
traiter les erreurs et les échecs non pas comme la confirmation d’un manque
de talent ou d’intelligence, mais comme une indication qu’il reste du travail
à faire pour s’améliorer. Mieux encore, les erreurs peuvent être présentées
comme des indications précises qui doivent faire l’objet d’une analyse et de
travail additionnel pour mieux apprendre et s’accomplir.
Cette recommandation est valable à l’école, mais aussi au travail et dans
nos relations interpersonnelles. Il faut voir nos échecs, nos erreurs et nos
disputes non pas comme la confirmation de notre incompétence ou de notre
incompatibilité avec une autre personne, mais comme une source
d’information essentielle pour s’améliorer et nous aider à nous dépasser. Il
faut concevoir l’erreur comme un outil d’apprentissage.

ÉVITER D’ATTRIBUER LA RÉUSSITE AU TALENT

Une deuxième technique pour développer un état d’esprit dynamique


est d’éviter d’attribuer la réussite au talent. S’il est assez facile de
comprendre que d’associer l’erreur à un manque d’intelligence ou de talent
puisse avoir un effet négatif sur la motivation et l’apprentissage, il est
cependant moins évident de réaliser que certains mots utilisés pour
renforcer et féliciter la réussite peuvent avoir un impact négatif sur l’état
d’esprit.
En effet, quoi de plus naturel que de féliciter un élève ou un employé
qui a bien performé ? Quoi de plus naturel qu’un parent félicitant son enfant
ayant obtenu un bon résultat en mathématiques en lui disant : « Bravo pour
ton excellent résultat en mathématiques. Tu es vraiment bon en
mathématiques ! Tu as du talent ! » ? Quoi de plus naturel qu’un patron
facilitant son employé ayant accompli une tâche délicate en lui disant qu’il
a du talent et qu’il ira loin dans son domaine ?
Attribuer le succès au talent, ou à toute autre caractéristique qui est hors
de notre contrôle peut, involontairement, induire un état d’esprit fixe. En
effet, si la réussite est perçue comme étant causée par quelque chose sur
laquelle nous n’avons pas le contrôle (comme le talent), l’échec sera alors
également associé à un élément hors de notre contrôle. Dans cette
perspective, le succès comme l’échec ne dépendent ni de nos efforts, ni de
nos décisions, ni de nos stratégies, mais d’une chose fixe et sur laquelle
nous n’avons pas de contrôle. Pourquoi alors faire des efforts si ceux-ci ne
servent à rien ?

ÉVITER D’ASSOCIER LA RÉUSSITE UNIQUEMENT


À L’EFFORT

La façon la plus intuitive de cultiver un état d’esprit dynamique est


d’offrir des rétroactions et des renforcements qui associent la réussite à
l’effort. Selon cette approche, les efforts accomplis pour l’obtention d’un
bon résultat scolaire seront donc soulignés et on félicitera un employé pour
les heures de travail et les efforts consentis dans l’atteinte d’un objectif.
L’avantage principal de renforcer les efforts est d’attribuer la cause de la
réussite à un élément contrôlable (l’effort).
Il faut cependant prendre bien garde de ne pas attribuer la réussite
uniquement aux efforts. Pour bien comprendre cette troisième technique,
prenons un exemple concret et imaginons un élève ayant réussi son cours de
chimie. Pour le motiver et favoriser un état d’esprit dynamique, son
enseignant le félicite de son succès en soulignant tous les efforts consacrés :
« Bravo pour ta réussite du cours de chimie. Tu vois, en travaillant fort, on
obtient des résultats ! » Ce même élève a cependant échoué à son dernier
examen de français. Comme il associe le succès aux efforts, il décide de
redoubler d’ardeur dans son cours de français. Il ne manque aucun cours, il
est attentif, il fait tous ses devoirs et il étudie longtemps. Malgré tous ses
efforts, il échoue pourtant à nouveau à son examen de français. Cet élève
comprendra alors rapidement qu’il faut parfois plus que des efforts pour
réussir. Il se dira peut-être que les efforts donnent parfois des résultats, mais
pas toujours, car le succès dépend aussi d’autre chose. Il pourrait même
croire que cette autre chose, c’est le talent, renforçant ainsi un état d’esprit
fixe…
Il est assez aisé d’imaginer un scénario encore plus problématique.
Imaginons cette fois un élève en difficulté dans toutes les matières. De
façon concertée, tous ses enseignants lui soulignent la grande importance de
l’effort dans la réussite. On lui fait comprendre avec insistance que, pour
réussir, il faut faire des efforts et que, s’il en fait, il aura du succès. L’élève,
qui travaillait peut-être déjà très fort, se met à travailler encore plus fort. Il
étudie plus longtemps, il révise deux fois plus tous les exercices et participe
à toutes les séances de rattrapage, etc. Malgré tous ses efforts, cet élève
continue cependant à échouer. Le raisonnement logique découlant de son
expérience est qu’en général les efforts mènent au succès, mais pas pour lui.
Pourquoi ? Il se dira sûrement que c’est parce qu’il est stupide…
Ce scénario n’est malheureusement pas rare. Pour un élève n’ayant pas
les prérequis nécessaires à un apprentissage, les efforts ne seront pas
suffisants pour apprendre normalement. En attribuant la réussite
uniquement aux efforts, on peut donc, du moins dans certains cas, nuire à
l’émergence d’un état d’esprit dynamique. Selon l’une des pionnières de la
recherche portant sur le rôle de l’état d’esprit dans la motivation et
l’apprentissage, Carole Dweck, croire qu’associer la réussite à l’effort
favorise un état d’esprit dynamique est probablement la conception erronée
la plus fréquente concernant le développement de l’état d’esprit 21. Elle
soutient qu’il faut associer la réussite à des éléments sous notre contrôle,
mais l’effort n’est qu’un de ces éléments.

ASSOCIER LA RÉUSSITE À UN PROCESSUS EXIGEANT


EFFORTS ET STRATÉGIES

Pour pallier la faiblesse d’associer la réussite au talent ou uniquement à


l’effort, la quatrième technique propose d’associer la réussite à un processus
qui exige non seulement des efforts, mais aussi l’utilisation de bonnes
stratégies.
Si un échec est rencontré, il faut d’abord blâmer le manque d’effort ou
l’utilisation de stratégies inadéquates, deux éléments sur lesquels il est
possible d’avoir un certain contrôle. Ainsi, si un élève ne réussit pas, il faut
tenter de trouver la cause de cet échec. On peut d’abord se demander s’il
s’agit d’un manque d’effort. Est-ce que tous les exercices et les devoirs ont
été faits ? Est-ce que suffisamment de temps a été consacré à l’étude ?
Combien de cours ont été manqués ? Est-ce que l’élève était attentif en
classe ?
En plus de ces éléments permettant de quantifier les efforts, il faut
ensuite se questionner sur la qualité de ce qui a été fait et des stratégies
employées. Est-ce que l’étude consistait seulement à relire les notes de
cours ou impliquait-elle des séances de récupération en mémoire et
d’élaboration d’explications ? L’étude et les devoirs étaient-ils faits de
façon regroupée ou espacée ? Est-ce que toutes les causes de distractions
potentielles ont été réduites au maximum (bruit, appareil électronique,
etc.) ? Est-ce que tous les prérequis ont été suffisamment consolidés ?
Si un succès est rencontré, les renforcements doivent mettre l’accent sur
le processus ayant mené à cette réussite. Il faut alors non seulement
souligner les efforts, mais aussi les étapes qui ont été franchies et les
stratégies qui ont été employées. Pour souligner l’obtention d’un bon
résultat, on peut dire : « Bravo pour ton excellent résultat. Tu as travaillé
fort, tu as amélioré tes stratégies d’études et, depuis, tu ne cesses de
t’améliorer ! »
La figure 71 présente une synthèse des renforcements à éviter ou à
utiliser pour favoriser un état d’esprit dynamique. Il faut éviter d’associer le
succès ou l’échec à la présence ou à l’absence de talent. Il faut également
éviter d’attribuer la réussite uniquement à l’effort, car les efforts, à eux
seuls, ne donnent pas toujours de bons résultats. Il ne faut pas non plus
suggérer que le simple fait de continuer sans cesse à faire des efforts
donnera éventuellement des résultats, car si des stratégies inadéquates sont
utilisées, les résultats ne seront jamais au rendez-vous.
Il faut plutôt mettre l’accent sur le fait qu’apprendre est un processus
qui se fait étape par étape et qui exige des efforts et l’utilisation de bonnes
stratégies. Il faut montrer qu’il existe un chemin pointant vers la réussite et
que, si cette dernière n’est pas au rendez-vous, il faut faire plus d’effort et
changer les stratégies utilisées. Plus spécifiquement, il faut dire que
l’objectif n’est pas de tout réussir d’un coup et qu’il faut développer la
compréhension étape par étape. Si les approches utilisées ne sont pas
fructueuses, il faut se demander ce qu’on peut essayer d’autre et envisager
d’autres chemins et d’autres stratégies pour mieux réussir. C’est d’ailleurs
l’un des rôles les plus importants des parents, des enseignants ou des
formateurs : proposer de nouvelles stratégies pour sortir de l’impasse. Dans
nos renforcements, il faut également rappeler que le processus peut être
complexe et exiger des efforts considérables ; il est donc normal de parfois
trouver le parcours difficile.
Figure 71. Pour développer un état d’esprit dynamique, il faut donner des encouragements
qui attribuent le succès à un processus impliquant à la fois l’effort et l’utilisation de bonnes
stratégies. Quelques exemples de renforcements à dire ou à éviter pour favoriser un état
d’esprit dynamique sont proposés ci-dessus (inspiré de Dweck, 2015).
En somme…
Cultiver un état d’esprit dynamique constitue le septième et dernier principe. Ce
principe est important pour faciliter l’activation des mécanismes cérébraux de
l’erreur, augmenter l’attention portée à cette dernière et améliorer les effets de la
rétroaction sur l’apprentissage. Développer un état d’esprit dynamique permet
également une meilleure connectivité entre le système cérébral lié à la motivation
et la récompense et celui lié à la correction d’erreur. Ainsi, les rétroactions et les
récompenses obtenues sont davantage susceptibles d’avoir un impact sur la
correction d’erreur et l’apprentissage. Finalement, de façon globale, développer
son état d’esprit dynamique et sa croyance de pouvoir améliorer ses capacités
peut avoir une incidence positive sur l’apprentissage, en particulier lorsque des
difficultés sont rencontrées.
Pour favoriser un état d’esprit dynamique et profiter de ces bienfaits, quatre
stratégies peuvent être employées. Premièrement, il faut connaître la notion de
neuroplasticité et donc savoir que le cerveau n’est pas fixe, mais que les
connexions neuronales peuvent s’ajuster pour développer de nouvelles habiletés.
Deuxièmement, pour optimiser les effets de la première stratégie, il est possible
d’aller plus loin en sachant qu’il est
Figure 72. Cultiver un état d’esprit dynamique permet d’améliorer les mécanismes de correction et la
connectivité entre ces mécanismes et le système de récompense du cerveau, en plus d’améliorer de
façon globale l’apprentissage. Pour y arriver, il faut connaître la neuroplasticité et savoir qu’il est possible
de l’influencer. Il faut également éviter de croire qu’un état d’esprit dynamique suffit pour apprendre et
fournir des rétroactions associant la réussite à un processus nécessitant des efforts et l’utilisation de
bonnes stratégies. possible d’influencer la neuroplasticité en ayant recours aux principes vus dans ce livre
comme l’activation neuronale répétée, l’espacement et la rétroaction. Troisièmement, il ne faut pas
exagérer la malléabilité de nos capacités et de nos qualités pour ne pas croire qu’un état d’esprit
dynamique suffit pour apprendre, alors que plusieurs facteurs peuvent influencer la réussite.
Quatrièmement, il faut fournir des rétroactions et des renforcements compatibles avec un état d’esprit
dynamique. Il faut donc éviter d’associer la réussite ou l’échec à des facteurs incontrôlables comme le
talent. Il ne faut pas non plus attribuer le succès uniquement aux efforts, car sans l’utilisation de bonnes
stratégies les efforts peuvent ne pas mener à la réussite. Il faut plutôt considérer les erreurs comme des
outils nous permettant d’évoluer et voir la réussite comme étant le produit d’un processus impliquant non
seulement des efforts, mais aussi l’utilisation de stratégies adaptées et efficaces.
Conclusion

Puisque l’apprentissage est sans aucun doute l’un des aspects les plus
importants de notre vie, qu’il conditionne en bonne partie qui nous sommes
aujourd’hui et qui nous deviendrons demain, il est dommage de constater
que peu de gens ont eu la chance, à l’école ou ailleurs, d’en savoir plus sur
les mécanismes d’apprentissage de leur cerveau, ainsi que les principes et
stratégies, appuyés par la science, pour aider à apprendre et permettre à
chacun de développer tout son potentiel.
L’objectif premier de ce livre était de combler ce vide en donnant accès
de façon rigoureuse et compréhensible aux dernières avancées des
recherches sur le cerveau et l’apprentissage, et de les expliquer de manière à
permettre à tous de mieux apprendre. La figure 73 propose une synthèse des
différentes notions abordées dans cet ouvrage et de leurs interrelations. Au
centre de cette figure se trouvent les notions d’activation et de connexions
neuronales et, tout autour, les autres notions vues dans les différents
chapitres : l’activation neuronale répétée, la récupération en mémoire,
l’élaboration d’explications, l’espacement, la rétroaction et l’état d’esprit.
Reprenons une dernière fois. Apprendre permet d’améliorer nos
connaissances et nos habiletés. Ces dernières dépendent notamment de la
façon dont les neurones s’activent. Or, puisque l’activation des neurones est
influencée par les connexions neuronales présentes dans notre cerveau, il
faut donc, pour apprendre, changer nos connexions neuronales grâce à la
neuroplasticité. Pour y arriver, il faut activer les neurones liés à
l’apprentissage visé. Sans aucun doute, il s’agit là de l’idée centrale de ce
livre. Comme les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble,
le fait d’activer certains neurones renforce leurs interconnexions. À
l’opposé, les neurones qui ne s’activent pas ensemble diminuent quant à
eux la force de leurs connexions.
Pour apprendre, il faut donc activer des neurones qui pourront créer des
réseaux de neurones permettant d’emmagasiner de nouvelles connaissances
et de développer de nouvelles habiletés. Alors que l’activation neuronale
unique modifie peu les connexions neuronales, l’activation répétée mène à
une modification plus significative de celles-ci. Il faut donc privilégier ce
dernier type d’activation.
Parmi les éléments les plus susceptibles de permettre l’activation
efficace des neurones liés à l’apprentissage visé, l’entraînement à la
récupération en mémoire, qui consiste à faire l’effort de se souvenir des
éléments appris à plusieurs reprises, est sans doute le plus important, suivi
de près par l’élaboration d’explications qui obligent non seulement à
récupérer en mémoire, mais aussi à établir des liens entre les notions
apprises et entre les connaissances antérieures et les connaissances
nouvelles. Qu’elles découlent de la récupération en mémoire, de
l’élaboration d’explications ou d’un autre type d’exercice, l’activation
répétée des neurones peut être sans espacement ou avec espacement.
Lorsqu’elles sont espacées dans le temps, les activations contribuent de
façon plus importante à la modification des connexions neuronales et,
conséquemment, à l’apprentissage.
Au centre de la figure 73, on remarque un cycle allant de l’activation
des neurones vers les connexions neuronales et, aussi, des connexions
neuronales vers l’activation des neurones. Ce cycle met ainsi en évidence la
relation bidirectionnelle entre ces deux éléments : d’un côté, les connexions
neuronales influencent la façon dont les neurones s’activent ; de l’autre,
l’activation des neurones modifie les connexions neuronales. Si l’activation
des neurones n’était influencée que par les connexions neuronales, ce cycle
serait alors fermé et les possibilités d’apprentissage seraient limitées, voire
inexistantes. Pour éviter cette situation, il faut qu’un élément externe puisse
influencer ce cycle.

Figure 73. Comprendre le cerveau peut aider à mieux apprendre et enseigner. Cette carte
conceptuelle montre les relations entre le cerveau et les notions vues dans chacun des
chapitres de ce livre, ainsi que le rôle central de l’activation des neurones dans
l’apprentissage et la neuroplasticité.
Cet élément externe est la rétroaction. En effet, le retour d’information
sur nos prédictions et sur les actions qui en découlent, qu’il provienne de
l’environnement ou d’une autre personne, joue un rôle crucial dans
l’apprentissage. Il permet d’évaluer la valeur des prédictions produites par
nos connexions neuronales et, conséquemment, d’évaluer la valeur des
connexions neuronales elles-mêmes. Lorsque la prédiction est correcte, le
cerveau reçoit alors une rétroaction positive qui déclenche un relâchement
de dopamine dans le striatum et contribue au renforcement des connexions
neuronales efficaces. À l’opposé, si le retour d’information contredit la
prédiction, il agit alors comme une rétroaction négative qui peut enclencher
un processus d’analyse et de correction d’erreur. Les rétroactions positives
et négatives constituent donc un élément crucial de la plasticité du cerveau
et, plus spécifiquement, de la modification et du renforcement des
connexions neuronales.
Enfin, l’état d’esprit d’un individu, c’est-à-dire sa croyance concernant
le caractère fixe ou évolutif de ses capacités, peut influencer l’efficacité de
la rétroaction. En effet, plus une personne possède un état d’esprit
dynamique, plus l’effet de la rétroaction sur l’activité cérébrale sera grand,
en particulier à la suite d’une rétroaction négative.
De ces notions discutées tout au long de l’ouvrage découlent les sept
principes neuroéducatifs que nous avons exposés (voir figure 74). Issus des
recherches sur le cerveau et l’apprentissage, ils ouvrent la voie à des mises
en application concrètes pour mieux apprendre et enseigner.
Le premier principe est le plus central : pour apprendre, il faut activer
les neurones liés à l’apprentissage visé. Cette activation déclenche un
ensemble de mécanismes biochimiques menant à la création et au
renforcement des connexions neuronales. Cependant, pour créer des
connexions pertinentes à l’apprentissage visé, il ne faut pas seulement
activer son cerveau : il faut également l’activer correctement en évitant non
seulement l’activation et le renforcement d’idées ou de stratégies
inappropriées, mais aussi les sources de distraction pouvant mener à
l’activation de neurones qui n’ont rien à voir avec l’apprentissage visé.
Le deuxième principe est une extension du premier : pour apprendre, il
faut activer les neurones liés à l’apprentissage visé à plusieurs reprises. Une
seule activation contribue peu à la consolidation des réseaux de neurones
nécessaires à la réussite d’un apprentissage, mais l’activation neuronale
répétée des mêmes groupes de neurones permet de renforcer
progressivement les connexions neuronales. Ce renforcement est important,
car il permet d’accomplir de plus en plus facilement et efficacement les
tâches apprises. Pour aider à apprendre, il faut donc planifier plusieurs
moments d’activation pour renforcer les connexions et réduire les chances
d’oubli.

Figure 74. Pour aider à apprendre et faciliter la neuroplasticité, il faut activer les neurones à
plusieurs reprises de façon espacée, notamment en s’entraînant à récupérer l’information
en mémoire et en élaborant des explications. Lors des activations neuronales, il faut
également s’assurer de maximiser la rétroaction et de cultiver un état d’esprit dynamique.
Pour activer efficacement son cerveau, il faut généralement privilégier
les activités d’apprentissage lors desquelles l’apprenant doit être actif et
produire une réponse. Le troisième principe porte donc sur un type
d’activité parmi les plus efficaces pour activer son cerveau et consolider les
réseaux de neurones liés à un apprentissage : s’entraîner à récupérer en
mémoire. Dans ce type d’activité, il faut faire l’effort de se souvenir de
l’information apprise à plusieurs reprises. Cette récupération de
l’information permet la réactivation des neurones liés à l’apprentissage visé
et, donc, la consolidation des connexions neuronales. Cet entraînement à la
récupération en mémoire peut être accompli de différentes façons : en
faisant fréquemment des tests, en répondant à des questions, etc.
Le quatrième principe propose un deuxième type d’activité pour activer
les neurones de son cerveau : élaborer des explications. Ce type d’activité
est intéressant, car il mène non seulement à récupérer en mémoire
l’information apprise, mais aussi à établir des liens avec d’autres
connaissances. Il ne faut cependant pas croire que l’élaboration
d’explications est supérieure à l’entraînement à la récupération en mémoire,
puisque certaines des études discutées dans ce livre montrent que le
principe d’élaboration est surtout efficace lorsque les connaissances
antérieures sont bien développées. Par conséquent, il est sans doute
préférable de consolider d’abord ses connaissances en s’entraînant à
récupérer en mémoire et, ensuite, chercher à élaborer des explications.
Le cinquième principe porte sur la planification des activations. Pour
aider à apprendre et optimiser au maximum l’efficacité des périodes
d’apprentissage, il faut non seulement planifier plusieurs activations
neuronales, mais aussi espacer l’activation des neurones. Cet espacement
permet d’optimiser l’impact de chaque activation sur l’apprentissage et la
consolidation des réseaux de neurones. Pour mieux apprendre, il faut donc
distribuer dans le temps les périodes d’apprentissage et entrelacer les
différents apprentissages. Pour rendre l’espacement encore plus efficace,
l’intervalle entre les activations liées à un apprentissage peut être
progressivement augmenté.
Alors que les cinq premiers principes gravitent autour de l’importance
d’activer les neurones pour apprendre et des façons de rendre les activations
plus efficaces, le sixième principe est différent, car il vise à réguler les
connexions neuronales qui doivent être renforcées et celles qui doivent être
affaiblies. Pour aider à créer des connexions neuronales pertinentes, c’est-à-
dire qui permettent de faire de meilleures prédictions et d’agir de façon plus
efficace, il faut donc maximiser la rétroaction. C’est grâce à elle que le
cerveau reçoit un signal lui indiquant de modifier ou de renforcer ses
connexions neuronales existantes. Il est donc important de rechercher un
maximum de rétroaction immédiate et élaborée, tant positive que négative.
Le septième et dernier principe pour aider à apprendre est de cultiver un
état d’esprit dynamique. Si l’on croit qu’il est possible de développer ses
capacités et d’apprendre, le cerveau a alors tendance à s’activer davantage,
en particulier en présence de rétroaction négative. Cultiver un état d’esprit
dynamique permet donc, notamment, d’optimiser les effets positifs de la
rétroaction sur le cerveau et l’apprentissage. Pour développer un état
d’esprit dynamique, il faut connaître la notion de neuroplasticité qui
explique pourquoi il est possible d’apprendre et d’évoluer, en plus de
connaître ce qui l’influence et de prendre soin d’avoir des rétroactions et
des encouragements attribuant la réussite à un processus nécessitant des
efforts et l’utilisation de stratégies adéquates.
Puisque les sept principes neuroéducatifs discutés dans ce livre sont
généraux, c’est-à-dire qu’ils s’appliquent à tous les apprentissages et à tous
les apprenants, il faudrait essayer de toujours les mettre tous en application.
La figure 75 présente les stratégies discutées dans ce livre pour mettre en
application chacun des principes.
Pour maximiser l’apprentissage, il faut idéalement recourir au plus
grand nombre de stratégies possibles. Comme il est probable que vous
utilisiez déjà certaines de ces stratégies, pour optimiser davantage
l’apprentissage, vous devriez faire des efforts pour mettre également en
application les stratégies que vous utilisez plus rarement. Pour éviter
d’utiliser seulement les stratégies qui vous sont peut-être plus naturelles,
une bonne idée serait de faire une copie de la figure 75 et de cocher toutes
les stratégies utilisées lors de la planification d’un apprentissage. De cette
façon, vous vous assurez de prendre en compte toutes les stratégies, y
compris celles que vous avez peut-être tendance, sans vous en rendre
compte, à négliger ou à oublier.
Tout au long de cet ouvrage, nous avons cherché à mieux comprendre le
cerveau et les mécanismes qui régissent sa plasticité. Cette compréhension
est importante, puisqu’elle procure non seulement un certain degré de
certitude quant à l’efficacité de chaque principe, mais aussi un cadre de
référence pour faciliter leur mise en application de manière intelligente dans
différents contextes. En effet, même si les principes et les stratégies
proposés dans ce livre se veulent les plus utiles et concrets possible, un
travail de transposition et d’adaptation est toujours nécessaire pour prendre
en compte le contexte et les contraintes avec lesquelles il faut composer. En
comprenant mieux les raisons qui justifient les principes et les stratégies
proposées, il y a fort à parier que votre mise en application sera plus
raisonnée et plus efficace.
Figure 75. Pour aider à apprendre, il faut essayer de mettre en application les sept
principes présentés dans ce livre. Pour y arriver, plusieurs stratégies peuvent être utilisées
comme le montre cette figure. Chaque fois que vous planifiez un apprentissage, vous
devriez tenter de mettre en application le plus grand nombre de ces principes et stratégies.

Tout ce livre appuie l’idée selon laquelle il est possible d’avoir une
influence significative sur les apprentissages de nos élèves, de nos enfants
et de nos collègues, ainsi que sur nos propres apprentissages. Pour mieux
apprendre, il faut connaître les règles du jeu imposées par le
fonctionnement de notre cerveau et identifier les principes et stratégies
compatibles avec ses mécanismes de plasticité. C’était l’objectif premier de
ce livre : mieux comprendre le cerveau pour mieux apprendre et enseigner.
Espérons que les sept principes neuroéducatifs proposés dans ce livre
permettront à chacun de développer tout son potentiel.
Notes

Introduction
1. Découverte du neurone : Purkinje (1837).
2. Découverte de l’axone : Debanne et al. (2011).
3. Découverte des dendrites : Tubbs et al. (2009).
4. Découverte de la synapse : Berlucchi et Buchtel (2009).
5. Découverte des neurotransmetteurs : Valenstein (2002).
6. Découverte du potentiel d’action ou influx nerveux : Hodgins et Huxley (1952).
7. Traitement hiérarchique de l’information : Taylor et al. (2015).
8. Cerveau de conducteurs de taxi londoniens : Maguire et al. (2000).
9. Effets de l’apprentissage de la jonglerie : Draganski et al. (2004).
10. Effets de l’apprentissage de noms de couleurs : Kwok et al. (2011).
11. Observation de connexions neuronales : Munz et al. (2014).
12. Transport de protéines pour le prolongement des neurones : Al-Bassam et al. (2012).
13. Rôle des astrocytes dans la neuroplasticité : Bernardinelli et al. (2014).
14. Modification de l’expression de certains gènes : Wang et al. (2009).

CHAPITRE 1
Activez les neurones liés à l’apprentissage visé
1. Modèle de Hebb : Hebb (1949).
2. Méta-analyse sur les approches actives : Freeman et al. (2014).
3. Interprétation de l’ampleur de l’effet en éducation : Hattie (2009).
4. Efficacité des devoirs : ibid.
5. Neurones miroirs : Monfardini et al. (2009); Mukamel et al. (2010).
6. Effets négatifs de l’utilisation des ordinateurs en classe : Sana, Weston et Cepeda
(2013).
7. Traitement non parallèle lors du multitâche : Marti, King et Dehaene (2015).
8. Effet d’une classe trop décorée : Fisher, Godwin et Seltman (2014).
9. Cortex occipito-temporal gauche lié à la lecture : Puce et al. (1996); Dehaene et al.
(2002); Tarkiainen, Cornelissen et Salmelin (2002).
10. Évolution de l’activité du cortex occipito-temporal gauche lors de l’acquisition de la
lecture : Shaywitz et al. (2007); Brem et al. (2010).
11. Lien entre compétence en lecture et le cortex occipito-temporal gauche : Shaywitz et
al. (2002).
12. Influence de la stratégie employée sur les mécanismes cérébraux de la lecture :
Yoncheva et al. (2010); Yoncheva, Wise et McCandliss (2015).
13. Efficacité de l’approche graphophonétique d’apprentissage de la lecture : Rayner et al.
(2001).
14. Mémorisation sous l’eau : Godden et Baddeley (1975).
15. Contextualisation, transfert et consolidation de la mémoire : Squire (1992).
16. Inefficacité de la relecture : Dunlosky et al. (2013).
17. Impact de la présence d’un téléphone intelligent : Ward et al. (2017).
18. Impact de la musique et du bruit sur l’apprentissage : Vasilev, Kirkby et Angele (2018).

CHAPITRE 2
Activez les neurones à plusieurs reprises
1. Traduction libre de Hebb (1949), p. 62.
2. Preuve expérimentale du modèle de Hebb : Bliss et Lomo (1973).
3. Analogie entre le cerveau et une forêt : Potvin (2011).
4. Effets de l’apprentissage de l’arithmétique : Rivera et al. (2005).
5. Effets de l’apprentissage de la lecture : Shaywitz et al. (2007).
6. Effets de l’entraînement : Chein et Schneider (2005).
7. Loi de l’exercice : Thorndike (1911, p. 244).
8. Étude utilisant la suppression par la répétition : Piazza et al. (2004).
9. Loi de l’oubli : Jost (1897).
10. Synthèse sur la loi de l’oubli : Wixted (2004).
11. Effet de l’entraînement : Macnamara, Hambrick et Oswald (2014).
12. Efficacité de l’enseignement direct : Stockard et al. (2018).
13. Durée de l’attention : Bradbury (2016).
14. Effet du surapprentissage sur la rétention : Driskell, Willis et Cooper (1992).
15. Effet du surapprentissage sur le cerveau : Shibata et al. (2017).

CHAPITRE 3
Entraînez la récupération en mémoire
1. Effet de la récupération en mémoire sur le cerveau : Vestergren et Nyberg (2014).
2. Régions cérébrales liées à une meilleure rétention : Wagner et al. (1998).
3. Recension des écrits scientifiques sur l’entraînement à la récupération : Roediger et Pyc
(2012).
4. Effet de l’entraînement à la récupération en mémoire sur l’apprentissage : Eriksson,
Kalpouzos et Nyberg (2011).
5. Efficacité des tests par rapport à l’étude : Zaromb et Roediger (2010).
6. Efficacité de l’entraînement à la récupération en mémoire vs l’élaboration de cartes
conceptuelles : Karpicke et Blunt (2011).
7. Perception négative associée aux tests : Buck et al. (2010).
8. Réduction de l’anxiété par l’utilisation de tests : Agarwal et al. (2014).
9. Perception positive des étudiants sur les tests fréquents : Leeming (2002).
10. Tests pour favoriser le transfert : Butler (2010) ; Pan et Rickard (2018) ; Thomas et al.
(2018).
11. Faible croyance en l’efficacité de tests chez les enseignants : Blanchette Sarrasin,
Riopel et Masson (2019).
12. Effet d’oubli causé par la récupération en mémoire : Roediger, Putnam et Smith
(2011), p. 30.
13. Popularité de la relecture comme stratégie d’étude : Karpicke, Butler et Roediger
(2009).
14. Inefficacité de la relecture comme stratégie d’étude : Dunlosky et al. (2013).
15. Bénéfices d’attendre après avoir posé une question : Tobin (1987).
CHAPITRE 4
Élaborez des explications
1. Effet du traitement en profondeur sur le cerveau : Kapur et al. (1994).
2. Effet de l’autoexplication sur le cerveau : Moss et al. (2011).
3. Efficacité du questionnement visant l’élaboration d’explication : Pressley et al. (1987).
4. Efficacité de l’autoexplication : Aleven et Koedinger (2002).
5. Généralisation de l’effet de l’élaboration d’explications : Dunlosky et al. (2013).
6. Facilitation du transfert causée par l’élaboration d’explications : Rittle-Johnson (2006).
7. Effet des connaissances antérieures sur les bénéfices de l’élaboration d’explications :
Woloshyn, Pressley et Schneider (1992).
8. Efficacité des cartes conceptuelles : Schroeder et al. (2018).
9. Supériorité de la récupération en mémoire vs cartes conceptuelles : Karpicke et Blunt
(2011).
10. Étude sur les conceptions non scientifiques fréquentes : Masson et al. (2014).

CHAPITRE 5
Espacez l’activation des neurones
1. Maintien de l’activité cérébrale grâce à l’espacement : Callan et Schweighofer (2010).
2. Diminution de l’activité causée par le regroupement : Bradley et al. (2015) ; Xue et al.
(2011) ; Zhao et al. (2015).
3. Activation plus grande du cortex ventro-latéral lors de l’espacement : Callan et
Schweighofer (2010) ; Zhao et al. (2015).
4. Bienfaits du sommeil sur la mémoire : Rasch et Born (2013).
5. Réactivation des neurones durant le sommeil : Antony et al. (2012) ; Ngo et al. (2013) ;
Rudoy et al. (2009).
6. Effet du sommeil sur l’apprentissage d’une mélodie au piano : Antony et al. (2012).
7. Nouveaux apprentissages durant le sommeil : Zust et al. (2019).
8. Synthèse des mécanismes liés à l’effet d’espacement : Smolen, Zhang et Byrne (2016).
9. Découverte de l’espacement datant de 1885 : Roediger et Pyc (2012) ; Ebbinghaus
(1913).
10. L’effet d’espacement considéré comme l’une des grandes contributions de la
psychologie cognitive à l’éducation : Weinstein, Madan et Sumeracki (2018).
11. L’effet d’espacement présent dans une variété de contextes : Gerbier et Toppino
(2015).
12. Étude sur l’espacement de fiches d’étude : Kornell (2009).
13. Méta-analyse sur l’effet d’espacement : Cepeda et al. (2006).
14. Espacement optimal en fonction de la durée de rétention : Cepeda et al. (2008).
15. Avantage de l’augmentation progressive de l’espacement : Kang et al. (2014).
16. Effet de l’entrelacement pendant et après les exercices : Rohrer et Taylor (2007).

CHAPITRE 6
Maximisez la rétroaction

1. Mécanismes cérébraux de correction d’erreur : Monchi et al. (2001).


2. Rôle du cortex cingulaire antérieur : Botvinick (2007).
3. Loi du moindre effort : ibid.
4. Effet de l’âge sur l’activation des mécanismes de correction d’erreur à la suite de la
rétroaction négative : Van Duijvenvoorde et al. (2008).
5. Autre étude portant sur l’effet de l’âge sur l’activation des mécanismes de correction
d’erreur à la suite de la rétroaction négative : Peters et al. (2014).
6. Adultes apprenant davantage de la rétroaction négative : Freedberg et al. (2017).
7. Effet de la rétroaction négative sur la rétention : Pashler et al. (2005).
8. Activation du striatum à la suite de la rétroaction positive : DePasque Swanson et
Tricomi (2014).
9. Réussite comme cause de motivation en mathématiques : Garon-Carrier et al. (2016).
10. Réussite comme cause de l’intérêt à lire davantage : Van Bergen et al. (2018).
11. Méta-analyse sur les effets de la rétroaction négative et positive sur la motivation :
Fong et al. (2018).
12. Effet de l’intensité des récompenses et punitions : Kubanek, Snyder et Abrams (2015).
13. Activation similaire chez l’enfant et l’adulte après rétroaction positive : Lukie,
Montazer-Hojat et Holroyd (2014).
14. Cerveau adolescent et récompenses : Galvan et al. (2006) ; Schreuders et al. (2018).
15. Théorie unifiée sur le fonctionnement cérébral : Friston (2010).
16. Principe de l’énergie libre : Badcock, Friston et Ramstead (2019) ; Friston (2010).
17. Méga-analyse sur l’effet de la rétroaction sur l’apprentissage : Hattie et Timperley
(2007).
18. Méta-analyse sur les effets de la rétroaction sur l’apprentissage : Van der Kleij,
Feskens et Eggen (2015).
19. Importance de la rétroaction sur l’efficacité de l’entraînement à la récupération en
mémoire : Marsh, Fazio et Goswick (2012).
20. Impact de l’annonce d’une rétroaction ultérieure : Vollmeyer et Rheinberg (2005).
21. Méta-analyse sur les effets de la rétroaction négative sur la motivation intrinsèque :
Fong et al. (2018).
22. Avantages de la rétroaction immédiate ou différée selon le contexte : Hattie et
Timperley (2007).
23. Effet combiné de la rétroaction sur la réponse, le processus et la régulation : Van der
Kleij, Feskens et Eggen (2015).

CHAPITRE 7
Cultivez un état d’esprit dynamique

1. Lien entre état d’esprit et activité cérébrale : Moser et al. (2011).


2. Influence de la lecture d’un article portant sur l’intelligence : Schroder et al. (2014).
3. Effet de l’état d’esprit sur la connectivité : Myers et al. (2016).
4. Lien entre le grit et la connectivité : ibid.
5. Relation entre densité de matière grise, grit et état d’esprit : Wang et al. (2018).
6. Études montrant un lien entre l’optimisation de certaines fonctions cognitives et une
diminution de la densité de la matière grise : ibid.
7. Absence de relation entre l’état d’esprit des parents et des enseignants et celui des
enfants : Haimovitz et Dweck (2017).
8. Influence de type d’encouragement sur l’état d’esprit : Gunderson et al. (2013).
9. Effet d’intervention sur l’état d’esprit : Dekker et Jolles (2015).
10. Effet d’une courte intervention sur l’état d’esprit : DeBacker et al. (2018).
11. Effet de l’état d’esprit sur la réussite en mathématiques : Blackwell, Trzesniewski et
Dweck (2007).
12. Effet de l’état d’esprit sur la réussite scolaire : Paunesku et al. (2015).
13. Méta-analyse portant sur les effets de l’état d’esprit : Sisk et al. (2018).
14. Méta-analyse sur les effets d’enseigner la neuroplasticité : Sarrasin et al. (2018).
15. Questionnaire sur l’état d’esprit : Dweck (2010).
16. Effet négatif de l’état d’esprit dynamique sur la fréquence des rétroactions de
l’enseignant : De Kraker-Pauw et al. (2017).
17. Mise en garde contre la surestimation du rôle de l’environnement dans la réussite :
Moreau, Macnamara et Hambrick (2018).
18. Inefficacité du brain training et du brain gym : Spaulding, Mostert et Beam (2010) ;
Harrison et al. (2013).
19. Lien entre l’état d’esprit des enseignants et les rétroactions présentant l’échec comme
une confirmation d’un manque de talent : Rattan, Good et Dweck (2012).
20. Absence de fondement de la théorie des intelligences multiples : Gardner (2016).
21. Conception erronée dans l’application des études sur l’état d’esprit : Dweck (2015).
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Remerciements

Je tiens en premier lieu à remercier les étudiants exceptionnels que j’ai


eu la chance de diriger à la maîtrise et au doctorat : Geneviève Allaire-
Duquette, Alexandra Auclair, Jérémie Blanchette Sarrasin, Lorie-Marlène
Brault Foisy, Marilyne Larose, Guillaume Malenfant-Robichaud, Sophie
McMullin et Lucian Nenciovici. Nos conversations passionnantes ont
significativement contribué à la rédaction de ce livre !
Merci à mes collègues de l’Université du Québec à Montréal, en
particulier à mes collaborateurs et aux professeurs Patrice Potvin et Martin
Riopel, des mentors qui ont su me faire confiance à des moments clés de
mon développement professionnel. Je leur suis éternellement reconnaissant.
Merci également à mes collaborateurs hors Québec qui m’ont offert
généreusement leur expertise dans plusieurs projets de recherche, tout
particulièrement les professeurs Daniel Ansari, Grégoire Borst, Stanislas
Dehaene, Roland Grabner et Olivier Houdé.
Merci à Marie-Lorraine Colas des éditions Odile Jacob pour sa relecture
attentive de cet ouvrage et ses commentaires.
Un merci tout spécial à mes enfants, Laurie-Anne et Émeric, pour leur
intérêt et leur curiosité envers mes travaux de recherche et à ma conjointe,
Valérie Leroux, qui m’offre depuis plus de vingt ans son soutien
indéfectible et ses conseils toujours pertinents ! Je suis très chanceux de les
avoir à mes côtés !
En terminant, je tiens à remercier les enseignants, parents, formateurs et
étudiants qui m’ont gentiment « harcelé » afin que j’écrive ce livre.
Plusieurs ont pris le temps de me rencontrer ou de m’écrire pour me
remercier d’une conférence ou d’un article, et pour me faire part de leurs
suggestions toujours constructives. Je ne cesse d’être impressionné par leur
dévouement et leur recherche, constante, de nouvelles connaissances et
stratégies pour aider à apprendre. Ils sont la principale raison d’être de ce
livre.
Présentation de l’auteur

Steve Masson est auteur de plusieurs articles scientifiques et de textes à


l’intention des praticiens. Plusieurs de ses publications sont disponibles sur
le site web de son laboratoire de recherche
(labneuroeducation.org/publications).
Il est également coauteur, avec Grégoire Borst, du livre collectif
Méthodes de recherche en neuroéducation s’adressant aux chercheurs et
aux étudiants-chercheurs souhaitant mener un projet de recherche
combinant les neurosciences et l’éducation.
Il est possible de le suivre sur Twitter (twitter.com/stevemasson),
Facebook (facebook.com/ProfSteveMasson) et YouTube
(youtube.com/stevemasson).
TABLE

Avant-propos

Introduction

Comment s’activent les neurones ?


Pourquoi faut-il modifier les connexions cérébrales pour apprendre ?

Peut-on vraiment modifier les connexions neuronales ?

CHAPITRE 1 - Activez les neurones liés à l’apprentissage visé

Pourquoi faut-il activer les neurones liés à l’apprentissage visé ?


Comment mettre en application le principe d’activation neuronale ?

CHAPITRE 2 - Activez les neurones à plusieurs reprises

Pourquoi faut-il activer les neurones à plusieurs reprises ?

Comment mettre en application le principe d’activation neuronale répétée ?

CHAPITRE 3 - Entraînez la récupération en mémoire


Pourquoi faut-il entraîner la récupération en mémoire ?

Comment mettre en application le principe de récupération en mémoire ?

CHAPITRE 4 - Élaborez des explications

Pourquoi faut-il élaborer des explications ?

Comment mettre en application le principe d’élaboration ?

CHAPITRE 5 - Espacez l’activation des neurones


Pourquoi faut-il espacer l’activation des neurones ?

Comment mettre en application le principe d’espacement ?

CHAPITRE 6 - Maximisez la rétroaction

Pourquoi faut-il maximiser la rétroaction ?

Comment mettre en application le principe de rétroaction ?


CHAPITRE 7 - Cultivez un état d’esprit dynamique

Pourquoi cultiver un état d’esprit dynamique ?

Comment mettre en application le principe d’état d’esprit dynamique ?

Conclusion

Notes

Bibliographie

Remerciements

Présentation de l’auteur
www.odilejacob.fr

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