LE CONDITIONNEMENT ET LE TRANSPORT

DES PRODUITS ET SOUS-PRODUITS DE LA

PECHE DANS LES ILES OCEANIENNES

Un solide bateau neuf pour le ramassage du poisson

dans les îles.

Par A.P.J. HOLNESS, Chef du Service des pêches des Iles Gilbert

Tous les pays, grands ou petits, connaissent un jour ou l'autre des problèmes
au niveau du ramassage et de la distribution du poisson fraîchement péché.
Les moyens detransport routiers, maritimes et aériensjouent un rôle important
dans l'approvisionnement des marchés situés dans les grands centres.
Il arrive toujours un moment où l'on préconise un accroissement de la
production, où l'on pousse les pêcheurs à augmenter leurs prises.... "il faut
vous secouer un peu" dit-on; "on manque de poisson dans les villes et les
villages", etc.. C'est alors, pour les services responsables, le moment de
s'interroger. Quelles seraient les conséquences d'un effort de pêche
maximum? Qui toucherait-il? Quelles en seraient les incidences
économiques? Il convient, à cet égard, d'étudier les facteurs ci-aprés. Ainsi
pourra-t-on élaborer un plan qui évitera le gaspillage de crédits, de main-
d'oeuvre, de matériel et du temps.

Les produits l'eau et celui où il est placé en réfrigération ou en

Deux catégories de produits sont à retenir dès le
départ : d'une part le poisson frais, d'autre part le
poisson conditionné (salé, séché, etc.). Le premier doit
arriver au centre d'entreposage ou de distribution
aussi rapidement et aussi économiquement que
possible, sans perdre la fraîcheur ni la qualité que
l'acheteur et le consommateur exigent à juste titre.
Indépendamment des autres précautions à prendre
(qui peuvent varier en fonction des espèces) le temps
qui s'écoule entre le moment où le poisson est sorti de
congélation à une incidence considérable sur la qualité
du produit offert au public, qu'il s'agisse de poissons
frais ou en conserve. La conservation est un facteur
primordial, surtout dans les zones éloignées ou isolées
où il peut se passer plusieurs jours, voire des semaines
entières avant qu'un pêcheur ait la possibilité
d'acheminer ses prises vers les villages ou les centres
urbains. 11 doit toujours assurer la livraison d'un
produit de qualité, et c'est pourquoi les mesures qu'il
prendra pour assurer une bonne conservation et un
bon conditionnement revêtent une importance

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 extrême. La qualité du poisson conditionné doit rester
intacte au moins deux à trois semaines. Les mol-
lusques et les crustacés entrent tous dans la catégorie
des produits de mer frais, qui exigent d'être très
rapidement mis en réfrigération.
La distance est un facteur qui joue un grand rôle
dans toutes les opérations de réfrigération ou de
congélation. Une distance maximale est à convenir dès
que l'on envisage le transport de produits de mer, frais
ou conditionnés. Elle est d'ailleurs fonction du mode
de transport envisagé. En Océanie, on a l'habitude de
recourir à un service de ramassage, le plus souvent par
voie maritime. Les bateaux locaux ont rarement une
vitesse de croisière supérieure à 8 ou 10 noeuds, ce qui
limite forcément leur rayon d'action s'ils veulent
assurer la livraison de poisson frais de première
qualité.
Bateau déchargeant la glace destinée à conserver le
poisson péché par les villageois.
Certains pays sont aujourd'hui à même de fournir
de la glace aux pêcheurs sur les lieux mêmes de leur
campagne et vont parfois jusqu'à leur assurer des
installations de froid. Mais nombreux sont encore les
cas où de la glace pilée doit être emportée par le bateau
qui assure le ramassage des prises. La façon dont on
procède dans ce cas est la suivante : un chargement de
glace nouvelle est déversé dans une grande glacière dès
que le premier lot de prises a été chargé sur le bateau de
ramassage, et les pêcheurs peuvent immédiatement
repartir en campagne, conservant les nouvelles prises
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dans la glace jusqu'au retour du bateau de ramassage.
Ce système donne satisfaction sous réserve des
conditions suivantes :
a) le bateau de ramassage doit effectuer des
rotations régulières;
b) il faut pouvoir disposer d'un bateau de
remplacement en cas de besoin ;
c) il faut disposer de moyens permettant d'éviter
toute rupture d'approvisionnement en glace.
Il est difficile de convaincre le pêcheur dans son
village que le service de ramassage est la seule solution
possible à ses problèmes d'argent et que toute
défaillance dans les opérations de ramassage peut
avoir les conséquences suivantes :
a) le poisson péché va s'avarier ;
b) si les communications laissent à désirer, le
pêcheur continuera à entasser ses prises avant
de réaliser qu'il se passe quelque chose d'anor-
mal ;
c) les opérations de pêche vont s'arrêter;
d) il pourrait s'écouler un certain temps avant que
l'on puisse persuader les pêcheurs de reprendre
leurs activités ;
e) l'approvisionnement n'étant plus assuré sur le
marché, le prix du poisson va augmenter et le
commissionnaire va essayer de se fournir
ailleurs.
Tout cela montre bien la nécessité de mettre en place
un service de ramassage régulier et ininterrompu.
Comment cela peut-il être réalisé?
Tout d'abord, l'approvisionnement en glace doit
être constant et régulier, quitte au besoin à doubler les
circuits pour ne jamais manquer de glace. (On doit
avoir les mêmes garanties en ce qui concerne les
chambres froides, le cas échéant). Ensuite, il importe
de veiller à ne jamais demander l'impossible au service
de ramassage. A cet égard, il est conseillé de ne
desservir que les endroits normalement accessibles
quel que soit le temps. Au plan des télécommunica-
tions, il faut aussi pouvoir compter sur de bonnes
liaisons avec les divers dépôts.
Dans la plupart des cas, le bateau de ramassage
assurera la desserte de plusieurs centres de dépôt au
cours d'un même voyage, d'où l'importance critique
du facteur distance. Mieux vaut avoir un bon service
opérant dans un rayon d'action raisonnable que
chercher à contenter la totalité des pêcheurs habitant
les villages éloignés. Hors de ce rayon d'action — qui
est susceptible d'être progressivement étendu — le
poisson devra être conditionné.
Les télécommunications jouent un rôle primordial
aux plans du transport et du ramassage. Par
télécommunications, on entend les moyens tels que le
téléphone, le radio-téléphone, ou les contacts en
émission-réception directe. Parfois, ce sont les
pêcheurs eux-mêmes qui manquent à l'appel; il en
résulte alors que bateau, glace, équipage, etc., malgré
une expédition soigneusement organisée, ne trouvent
pas de poisson à destination.
Les frais de transport sont importants. Il est
évidemment plus pratique et souvent plus économique
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 d'utiliser le transport routier, lorsque cela est possible.
La qualité de la marchandise a des chances de s'en
ressentir beaucoup moins du fait de la rapidité des
opérations; les distances franchissables en toute
sécurité par la route seront plus grandes que celles
couvertes par tout autre moyen de transport. De plus,
lorsqu'une zone de pêche est desservie par la route, les
risques de problèmes sont moindres étant donné que,
dans la plupart des cas, il existe des transporteurs
privés auxquels on peut faire appel en cas d'urgence.
Le transport aérien du poisson est souvent impossi-
ble pour plusieurs raisons : frais élevés, espace limité
réservé au fret, réticence naturelle des transporteurs
aériens à charger une marchandise dont l'odeur
persiste souvent plusieurs jours. Aussi le ramassage
par bateau est-il une meilleure solution pour les
localités ne pouvant être atteintes par la route.
sont donc peu pratiques elles aussi, le choix se limite à
des coques en fibre de verre, aluminium ou ciment.
Elles ne nécessitent qu'une opération de peinture par
an et un bon nettoyage deux fois par an seulement, ce
qui diminue considérablement les frais d'entretien.
Les centres de débarquement et de stockage peuvent
être considérés comme la pierre angulaire de tout le
système. Si l'on ne dispose pas d'un complexe de
conditionnement pour recevoir, nettoyer et emballer
les prises qui sont ensuite calibrées et stockées dans des
installations spéciales (en chambre froide ou en
congélation) en vue de leur distribution ultérieure, il
est inutile d'envisager un vrai commerce du poisson.
La création d'un centre de ce genre doit faire l'objet de
plans minutieux et mûrement réfléchis. Une installa-

Le bateau de ramassage doit être bien conçu. Toute

modification postérieure s'avère généralement très
onéreuse sans pour autant donner d'aussi bons
résultats que les aménagements d'origine. La dimen-
sion du bateau est essentiellement fonction des
conditions dans lesquelles il sera appelé à opérer. Si,
dans la zone à desservir, la mer est souvent forte ou
houleuse, le bateau doit être suffisamment solide pour
résister à ce genre de navigation. 11 doit être équipé
pour le travail auquel il est destiné, une attention
particulière étant apportée aux moyens de stockage du
poisson. Transporté dans de mauvaises conditions,
celui-ci s'abîmera au point d'être invendable à
l'arrivée. On placera donc des conteneurs bien conçus
dans des compartiments séparés, où ils ne pourront
glisser. S'il y a suffisamment de place, il serait
également souhaitable de prévoir à bord un poste de
réfrigération pour le cas où les points de centralisation
des prises auraient besoin d'une quantité de glace
supérieure aux prévisions. Au retour, le bateau
utilisera le poste de réfrigération pour ses propres
besoins.

La capacité de charge d'un bateau est toujours une

question délicate. Il convient de ne pas oublier qu'avec
un bon service de ramassage, les pêcheurs se sentent
encouragés à pêcher davantage. Si l'on prévoit une
chambre froide destinée à recevoir le nombre de
tonnes de poisson que devrait fournir la région
considérée on s'expose à des déboires. 11 se pourrait
qu'en l'espace d'une année, les pêcheurs, désormais
sûrs d'écouler leurs prises, arrivent à les augmenter de
25%. Construire un deuxième bateau reviendrait trop
cher, aussi une marge de manoeuvre suffisante doit-
elle être prévue dès le départ. En outre, il ne faut pas
perdre de vue la possibilité de desservir, une fois le
service lancé, quelques villages supplémentaires situés
dans la zone d'opération, qui devront pouvoir, eux
aussi, loger leurs prises à bord.
L'installation motrice du bateau devra naturelle-
ment être d'une marque et d'un modèle courants, facile
à entretenir et à réparer. Il faudra établir le calendrier
rationnel des interventions d'entretien et de carénage
et veiller à disposer de l'infrastructure nécessaire pour
assurer la bonne marche du service. Les bateaux en
bois ne sont pas pratiques, car ils nécessitent une
attention constante. Outre les coques en acier, qui
doivent sans doute passer en radoub trois fois par an et
Vne installation de froid rationnellement implantée
près de la jetée.
tion mixte est peut-être la formule qui conviendrait le
mieux et serait la plus rentable pour une industrie en
développement. Elle serait installée en bordure de mer
et les bateaux viendraient s'y amarrer, décharger, se
ravitailler en carburant, glace et provisions avant de
partir pour une nouvelle campagne de pêche.
Une fois le poisson déchargé, il est acheminé vers les
tables de nettoyage et de tri; il est ensuite calibré et
placé dans des bacs spéciaux avec de la glace, qui sont
rangés dans des chambres froides pour être vendus au
marché de détail ou acheminés vers des unités de
congélation avant d'être placés dans des congélateurs
de stockage. Un même complexe peut abriter un
service de vente au détail pour répondre à la demande
locale, et une section de vente en gros, fournissant du
poisson frais, réfrigéré ou congelé, au commerce de
détail et aux entreprises de restauration.
Deux machines à glace au minimum sont néces-
saires, l'une approvisionnant le centre, l'autre les
bateaux ou les pêcheurs. En cas de panne ou de
réparation d'une d'entre elles, l'autre pourra être

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 momentanément utilisée pour faire face à tous les
besoins. Une bonne gestion des stocks de glace devrait
même permettre certains "à côté", comme par exemple
l'approvisionnement, ou la création, de buvettes le
long des routes.
Le chargement de la glace dans les bateaux est une
opération importante: en Océanie, où la température
moyenne avoisine quotidiennement les 28°, il est
absolument indispensable que le transport de la glace
s'effectue le plus rapidement possible, donc en
réduisant les distances. On peut utiliser un transbor-
deur à condition qu'il ne soit pas trop long (15 mètres
maximum). Si la distance est plus longue, il conviend-
ra d'utiliser une glissière en bois ou en fibre de verre.
On peut aussi avoir recours à un camion à benne
Pesage du poisson au village au retour des pêcheurs.
basculante à condition de le munir d'un entonnoir de
déversement équipé d'un tuyau souple permettant de
répandre la glace en couche uniforme.
Si, pour une raison quelconque, un bateau
transporteur de glace doit être immobilisé pendant
une période plus ou moins longue, il est conseillé de
garnir constamment la soute prévue à cet effet d'une
certaine quantité de glace afin d'y maintenir une
température relativement basse. Il s'agit là d'une
opération simple lorsque le bateau a déjà eu à son bord
de la glace et du poisson ; la température étant basse au
départ, quelques petits apports de glace suffiront pour
la maintenir à ce niveau (La présence d'une petite
quantité de glace n'empêchera d'ailleurs pas de
nettoyer la soute au besoin). Si on néglige cette
précaution, le prochain chargement de glace fondra
très rapidement ce qui risque de compromettre le
succès de la première campagne de ramassage qui
suivra l'immobilisation.
En climat tropical l'emballage du poisson exige des
précautions particulières. Si l'on se contente de
déverser les prises dans les bacs en étendant simple-
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ment une couche de glace par dessus, les poissons du
bas de la pile risquent de s'avarier et de provoquer
l'altération de toute la cargaison. On aura donc soin de
faire alterner les couches de glace et les couches de
poisson, ce qui permettra d'obtenir la température la
plus basse possible sans avoir à aller jusqu'à mettre de
la glace à l'intérieur du poisson.
11 est indispensable de vider le poisson pour qu'il se
conserve bien. Les centres de manutention préfèrent
recevoir un produit nettoyé car, outre qu'on y gagne en
volume de stockage, cela accélère les opérations de
mise en glace. Le nettoyage du poisson en haute mer
évite également la pollution des zones portuaires qui,
au plan de l'hygiène, est particulièrement nocive,
surtout aux abords des villages.
L'avarie du poisson due à son écrasement lorsqu'il
est transporté en grande quantité dans les cales peut
entraîner des pertes financières considérables. Au
risque de perdre un peu de place, il est conseillé de
diviser la cale en compartiments destinés à recevoir
chacune un certain nombre de bacs de poissons,
limitant ainsi le déplacement de la cargaison en cas de
mauvais temps. L'utilisation des bacs empilables est la
seule façon d'éviter que le poisson s'abîme. Si toutefois
il n'était pas possible de charger une grande quantité
de poisson dans des bacs séparés, il conviendrait de
cloisonner soigneusement la cale pour assurer une
répartition égale de la cargaison, mais il faudrait alors
veiller à ce que la couche inférieure ne soit pas écrasée
par le poids excessif des autres couches.
Les marchés sont le maillon terminal de la chaîne,
sans lequel tout le secteur de la pêche s'effondrerait.
Dans les petites îles océaniennes, la mise en marché
des produits se heurte généralement à l'insuffisance de
l'infrastructure commerciale, des installations de
stockage en chambres froides et des moyens d'organi-
sation et de contrôle nécessaires.
11 faut rechercher des financements, élaborer des
plans d'ensemble et de détail et disposer de chiffres
sûrs en ce qui concerne les approvisionnements, la
consommation et la demande. Ces renseignements
peuvent être obtenus grâce à un travail de statistique
rationnellement organisé. Une fois brossé un tableau
d'ensemble, on peut dresser des plans, à court et à long
terme, portant sur le nombre et la dimension des
marchés. A long terme, on prévoira l'implantation
dans les zones fortement peuplées de centres de
réception et de stockage. Les installations à prévoir à
court terme pourraient comporter des antennes
mobiles de congélation, des chambres froides ou
glacières, qui seront implantées de façon à desservir le
plus grand nombre possible au prix d'un minimum
d'efforts et de frais; mais ce premier embryon
d'infrastructure doit être placé sous la responsabilité
de gens qualifiés et nécessite une attention constante
de façon à éviter toute défaillance au niveau des
communications.
La composition des prises doit être soigneusement
étudiée. 11 faut en effet fixer des prix qui soient
particulièrement rémunérateurs pour les espèces de
premier et deuxième choix, sans pour autant pénaliser
(suite à la page 40)
BULLETIN DU PACIFIQUE SUD
 PRODUITS DE LA PECHE

(suite de la page 18)

le tout venant, tout en tenant compte des goûts

particuliers de chaque région. Il faut savoir que la
production, la manutention et le transport des
produits de la mer, dans les îles océaniennes isolées,
posent des problèmes totalement différents de ceux
que connaissent les pays disposant de moyens de
capture et de circuits de distribution plus élaborés. Le
contexte local oblige souvent à faire appel à des
solutions imaginatives pour s'adapter aux différentes
circonstances. 11 arrive fréquemment que l'on soit
confronté à un comportement ou à un droit coutumier
parfaitement logique et acceptable au plan local, qui
nécessite un remaniement complet des plans de
développement de la pêche. Avec le temps, les
Océaniens apprendront à se familiariser avec les idées
et les techniques modernes et consentiront à changer
leurs habitudes pour répondre aux impératifs écono-
miques ; jusque là, il sera nécessaire d'adapter la
technique aux conditions particulières de l'endroit.

La carence protéique est un problème alimentaire

majeur dans le monde, alors que la mer constitue l'une
des réserves alimentaires les plus importantes qui
soient. Nous nous devons de prospecter et d'exploiter
aussi complètement que possible les ressources qu'elle
recèle. Le temps et l'argent consacrés à assurer le
succès d'un programme de pêche ne sont jamais
perdus. D

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