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Guy Déniélou : Vous savez, les universités, les grandes écoles, ça n’a jamais fonctionné ensemble.

Le
projet de l’UTC, c’était d’unifier ces deux grands univers. On a des exemples à l’étranger, des grandes
écoles qui font de la recherche. Il fallait inévitablement ramener cela en France. C'est en octobre
1972 que ce projet vit le jour sous le nom d’Université de Technologie de Compiègne.

Déjà, en mai de la même année, Monsieur Olivier Guichard m'avait choisi pour en être le Directeur.
Reçu par lui un quart d'heure, je ne l'ai plus revu.

Mais je n'ai jamais oublié son unique consigne.

M. Guichard : Ne faites pas une université, ne faites pas une grande école. Débrouillez-vous !

Guy Déniélou : J'étais ébahi. Il me congédia en me regardant du haut de ses un mètre quatre-vingt-
dix et en me disant…

M. Guichard : Déniélou, vous ne savez pas dans quel merdier vous allez tomber.

Guy Déniélou : J'ai suivi, je crois, fidèlement sa consigne.

Imaginez bien qu’au début, il n’y avait pas ce bâtiment où nous nous trouvons actuellement. Il n’y
avait que des idées, des projets, et des gens. Le premier bureau que monsieur le Maire me donna à
l'Hôtel de Ville était sans mobilier. Ainsi, j'entrai chez un commerçant compiégnois.

Le serveur récupère le verre et la chaise. Il pose le verre plus loin et s’installe sur la chaise et fait mine
d’être à son bureau. Il devient le commerçant.

S’adressant au commerçant : Il me faut une armoire, une table, un fauteuil.

Le commerçant : Quand ?

Guy Déniélou : Tout de suite !

De nouveau vers le public : Il me regarda interloqué, puis vida son bureau et me livra le tout. Enfin.
J’avais un bureau. L’UTC avait un directeur.

Le commerçant se lève de sa chaise et l’emporte de l’autre côté de la scène, puis il sort avec elle.

Je rappellerai aussi la première rentrée plutôt folklorique de 80 étudiants bien courageux qui ont
travaillé, mangé et dormi à la Maison de l'Europe. Ces mêmes étudiants que nous avions recrutés
quelques mois plus tôt sur les marchés et les forums. Ils ne savaient pas dans quoi ils se lançaient,
mais la suite je crois que vous la connaissez. Je dirais seulement que cette création de l’UTC demeure
pour moi l'une des plus belles époques de ma vie.

Pause.

Toutefois, je ne resterai pas la tête tournée vers le passé. Ainsi faut-il se méfier des anniversaires ! Ce
qui est passionnant est toujours devant nous. Il vaut mieux imaginer que se souvenir. Ceci est vrai
tout particulièrement aujourd’hui pour une université comme la nôtre : le bouleversement de
civilisation qu’entraîne l’irrésistible avènement de la technologie exige de tous une mobilisation des
énergies, une attention à ce qui apparaît, une capacité de réaction rapide. Nous naviguons sur des
eaux inconnues.

Pourquoi donc croyez-vous que l’on crie partout à l’innovation ? C’est que le nouveau est inéluctable
et que nous faisons bien de nous en aviser en sorte qu’il tourne pour tous le mieux qu’il est possible !
Et ce qui est encore plus nouveau c’est que le changement de société loin de demander des
générations est perceptible au cours d’une seule existence. Les modèles qui ont réussi au milieu du
siècle sont sans doute inadéquats au moment où il va finir.

Mieux vaut le provisoire : lui seul aujourd’hui a l’avenir devant lui.

Ainsi, un dixième anniversaire n’est pas l’occasion d’une crise d’autosatisfaction. Ce n’est pas le
moment de s’endormir sur ses lauriers.

Claire Rossi entre et le coupe.

Claire Rossi : Monsieur Déniélou, nous fêtons aujourd’hui le cinquantième anniversaire.

Guy Déniélou : Le cinquantième ? Ma foi, j’ai dû manquer quelques épisodes. Cinquante ans alors.
Bravo, et merci pour ces cinquante ans si particuliers.

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