Vous êtes sur la page 1sur 10

Chapitre 2 : Les débats autour de la spécificité des sciences

sociales
I – Le dualisme sciences de l’esprit/sciences de la nature

Processus d’historicisation des sciences de la nature au XVIIIème siècle. On bascule d’une


science qui vise à étudier des éléments constants à une science visant à étudier des
phénomènes s’inscrivant dans une suite historique. Période où une partie des sciences de la
nature accepte l’historicité de ses objets ; l’opposition qui se formalise au siècle suivant entre
sciences de l’esprit et sciences de la nature n’est alors pas inéluctable.

Critiques du positivisme et de ses excès, qui émergent au début du XXème siècle et se


poursuivent après-guerre, s’orientent vers l’aspect de croyance en un progrès constant. Les
philosophies critiques qui s’imposent :

- Herméneutique : un herméneute passe sa vie à étudier des textes, pour qui la


connaissance est nécessairement médiatisée à travers des textes écrits. Lecture
précise et pointilleuse des textes pour comprendre à la fois les logiques de
construction du texte et déconstruire la manière dont les arguments de l’auteur se
présentent. Principal philosophe herméneutique : Hanz GADAMER, Vérités et
méthodes. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, 1996. Le
dualisme entre sciences de l’esprit et de la nature reste important chez ces
philosophes.
- École de Francfort: théorie critique ; deuxième génération avec HABERMAS, critique
envers le positivisme scientifique, qui développe une série d’analyse sur la «
technoscience ».

Le positivisme va essayer de réduire l’opposition entre science de la nature et science de


l’esprit. Les auteurs les plus critiques du positivisme vont continuer de s’inscrire dans cette
opposition entre science de la nature et de l’esprit.

A) Wilhelm Dilthey

Un des premiers auteurs marquants dans cette problématique du dualisme entre sciences
de l’esprit et sciences de la nature est Wilhelm Dilthey. Son ouvrage Introduction aux
sciences de l’esprit, 1883, débute par une situation historique de la naissance des sciences
de l’esprit.

Définit la science comme: « un ensemble de propositions dont les éléments sont des
concepts, autrement dit des éléments parfaitement définis de matière constante et universel,
enfin un ensemble où les partis sont un tout. »

Apparition d’un dualisme déjà dans cette définition car les sciences de l’esprit sont, d’après
Dilthey, des moyens de penser des domaines du réel dans leur totalité, alors que les
sciences de la nature s’imposent à nous à travers des règles.

Qu’est-ce qui explique ce dualisme? C’est la conscience que l’homme a de lui-même,


d’abord (renvoie à la question de l’objectivité de la connaissance). Pour lui, les faits de
l’esprit sont accessibles à la connaissance car ils résultent d’actes de volonté. À l’inverse, la
nature se présente à nous comme quelque chose à laquelle on ne peut pas s’identifier car

– Kam 📷
son fonctionnement se base sur un ordre mécanique où l’évolution ne résulte pas d’actes de
volonté (même si on résiste fort, on ne pourra pas empêcher le soleil de se lever le matin).
Mode de connaissance qui relève d’une autre approche

Les sciences de l’esprit ne sont pas indépendantes des sciences naturelles; par cette
curiosité propre à l’espèce humaine, l'usage des capacité cognitives pour comprendre le
naturel. L’objet des sciences de l’esprit ne s’oriente pas qu’autour de l’Homme. Ouvrage qui
fait écho et s’oppose au matérialisme notamment dialectique de Marx, pour qui les idées ne
relèvent pas d’un ordre de connaissance distinct mais découlent de l’ordre mécanique du
monde.

La pensée dualiste qui oppose sciences de la nature et science de l’esprit se distingue de


l’objectivisme empirique pour qui tout est objet de connaissance ; mais en même temps se
distingue de la métaphysique en ce sens qu’elle considère que le seul fondement de la
connaissance est l’expérience interne du sujet. Elle permet de maintenir possible l’existence
de deux types de connaissance, de cumuler ces formes de connaissances qui par ailleurs
sont limitées.

Les sciences de l’esprit relèvent d’une forme d’historicité qui s’oppose à la logique
classificatoire des sciences de la nature, qui pour lui est un repoussoir, car elle conduit à une
présentation des choses qui nie ou gomme leur historicité.

La science de l’esprit qui paraît la plus importante selon Dilthey est la psychologie, la
science la plus élémentaire. Pour lui les sciences humaines doivent passer par la réflexivité
de la psychologie.

«La psychologie n’a donc pour objet que l’individu isolé de l’ensemble vivant qu’est la réalité
historique et sociale et elle est réduite à définir par effort d’abstraction les qualités générales que les
individualités psychiques acquièrent de cet ensemble»

Ensuite, il y a l'ethnologie qui se pose comme « science des règles générales qui définit les
rapports entre entités psychiques ». Puis les sciences particulières englobent les sciences de
l’État, de la religion, de l’économie politique… qui se consacrent à des catégories de faits
précis. Enfin, on retrouve la science des mœurs, qui a pour objet les contraintes qui pèsent
sur les individus, est placée en bas de la hiérarchie établie par l’auteur.

Impossibilité de faire une synthèse des sciences de l’esprit, parce que sinon ,on retombe
dans une théorie classificatoire ou dans une philosophie de l’histoire. Pour lui la philosophie
de l’histoire et la métaphysique c'est un peu la même chose. Les sciences de l’esprit sont à
l’opposé de la perspective tracée par Comte qu'on considère comme un métaphysicien.

Pour Dilthey, il est cependant nécessaire que les sciences de l’esprit reposent sur une
théorie de la connaissance (épistémologie), pour mettre en œuvre une méthodologie,
baptisée parfois d’encyclopédie par l’auteur.

Chez Weber la théorie de la connaissance s’articule chez autour de notion de sociologie


compréhensive, où les valeurs sont vues à travers les individus + chez Weber c'est les
rapports aux valeurs. Toute une série d'auteurs vont, à cette époque, embrayer sur cette
opposition entre science de la nature et science historique; opposition binaire forte en
Allemagne

– Kam 📷
B) Jean Piaget

Auteur moins connu et lu aujourd’hui qu’il y a quelques années, mais non négligeable.
Psychologue spécialisé dans l’enfance. Du pdv des sociologues, on s’intéresse assez peu à
la psychologie en général ; c’est via l’intérêt qu’y montrait Bourdieu que des auteurs tels que
Piaget ont été mis en avant sur la scène intellectuelle.

Théorie dite épistémo génétique, relecture de la théorie kantienne de la connaissance, à la


lumière de la psychologie pour étudier la manière dont se forment les connaissances. Il écrit
également à la même époque, à la demande de l’unesco, un rapport intitulé Epistémologie
des sciences de l’homme dans lequel il établit une classification des sciences qui, d’une
certaine manière, va reproduire pour une part ce dualisme entre sciences de l’esprit et
sciences de la nature. 4 groupes distincts:

- Les disciplines philosophiques


- Les sciences juridiques
- Les sciences historiques de l’homme
- Les sciences nomothétiques; « disciplines qui cherchent à dégager des lois, au sens
parfois de relations quantitatives, relativement constantes et exprimables sous la
forme de fonctions mathématiques mais au sens également de faits généraux ou de
relations ordinales, d’analyses structurales, etc., se traduisant aux moyens du
langage courant ou d’un langage plus ou moins formalisé »

Piaget considère que ce dualisme entre science de la nature et science de l’esprit peut être
dépassé. Il anticipe le dépassement du dualisme qui pourrait résulter d’un croisement des
méthodes entre différentes disciplines qu’il appelle une soudure. Les sciences de l’hommes
utilisent de plus en plus des modèles statistiques abstraits; se rapprochent de l’expérience
des sciences nomothétiques; emprunts méthodologiques des sciences de l’esprit aux
sciences de la nature, et vice versa (par exemple, la théorie du jeu produite par les sciences
de l’homme influence la biologie)

Le dernier élément que l'on trouve chez Piaget, c'est l’idée qu’à travers le langage, les
perceptions il y a des interactions entre sujet et objet permanentes. Il cherche à réconcilier
l’opposition entre sujet et objet, de trouver une forme de dépassement, qu’il va proposer via
la structuralisme génétique, qui vise à repenser les rapports entre objet et sujet.

Là où Piaget est intéressant, c’est qu’il écrit à une période où les débats de l’époque se
tournent vers le structuralisme. Le structuralisme apparaît alors comme le seul horizon
possible des sciences sociales. Problème de définition des sciences sociales et des
sciences de l’homme : est-ce vraiment la même chose ? Un des aspects du débat
structuraliste des années 1950- 1960 est justement de limiter le périmètre des sciences de
l’homme pour faire accéder un certain nombre de sciences sociales au niveau des sciences
naturelles. Le structuralisme ne s’appuyant pas sur l’historicité des phénomènes qu’il étudie,
il fait basculer du côté des sciences nomothétiques une partie des sciences de l’esprit.
Finalement, ce qui caractérise la force d’une discipline aux yeux de Piaget c’est la capacité
d’organisation d’expériences méthodiques.

II – L’épistémologie normative des sciences

– Kam 📷
L’épistémologie normative des sciences revient à distinguer ce qui relève de la science ou
pas ; le dualisme sciences de l’esprit/sciences de la nature participe à cette problématique
en déterminant des critères stricts de scientificité et en classant les sciences. Les auteurs
reviennent sur la question de l’objectivité de la connaissance, mais qu’ils vont aborder sur le
mode de la recherche de critère de scientificité. Ces auteurs sont pour la plupart des
physiciens. Ces physiciens sont ceux qui vont le plus facilement considérer que
l'épistémologie ont une dimension normative c'est-à-dire établir des critères scientifiques de
spécificité. On trouve deux auteur Karl Popper et Thomas Kuhn

A) La logique de la découverte scientifique

Karl Popper, La logique de la découverte scientifique, 1934. Décalage entre une œuvre
savante et sa réception tardive. Il cherche à comprendre la logique de la découverte
scientifique mais il vise aussi à comprendre et expliquer leur condition de validité. À quelle
condition une découverte scientifique peut-elle être considérée comme valable? Ce qui
sous-entend que parmi les découvertes scientifiques qui sont faites, certaines sont valables
et d'autres non; tri entre les bonnes et les mauvaises connaissances. Ouvrage critique et de
la théorie de la connaissance que l'on trouve chez Kant, évolution de l’inductivisme.

La découverte scientifique ne se réduit pas à son propre énoncé, elle suppose toute une
série d’opérations, qui doivent pouvoir être vérifiées. Enjeu de remise en question du principe
de causalité universelle qui se traduit par le passage d’un énoncé particulier à un énoncé
universel, et de la méthode inductive qui en résulte. Popper prétend mettre en défaut la
logique inductive en mettant l’accent sur l’importance d’opérations de contrôle. Il fait des
hypothèses et les soumet à l’épreuve de l'expérience par l'observation et l'expérimentation
(méthode empirique). On est à ce stade proche du modèle de Claude Bernard.

La seule différence majeure c'est que contrairement à Claude Bernard, Poper ne


s'intéresse pas à la possibilité que le savant peut avoir l’intuition d’une théorie. Pour lui, cette
question relève de la psychologie de la connaissance et non pas de l’épistémologie. Il
propose un procédé déductif de mise à l’épreuve des théories. Ce modèle est en 4 étape:
- La première étape c’est la comparaison logique des conclusion pour éprouver leur
cohérence interne; on vérifie la cohérence interne des énoncés et on écarte les
énoncés contradictoires
- La deuxième étape c'est la recherche de la forme logique de la théorie
- La troisième étape est la comparaison avec d’autres théories
- La quatrième étape c'est l’application empirique des conclusion c'est-à-dire la phase
de test; moment le plus important

Si ces hypothèses sont vérifiées, on a une théorie provisoirement validée. En revanche, si


les conclusions sont falsifiées, alors la théorie l’est aussi. On ne garde donc que les théories
logiques et dont les conclusions n’ont pas encore été falsifiées.

Attention ça ne veut pas dire que les connaissances n’ont qu'une valeur relative. Une théorie
n’est vraie que si elle n’a pas encore été falsifiée. Il y a chez Popper une exigence de
falsification. Aucune théorie ne peut prétendre au statut d’énoncé scientifique si elle repose
sur des hypothèses invérifiables.

– Kam 📷
Ce principe de falsification est central dans le raisonnement de Popper, règle importante
mais pas suffisante, elle doit s'accompagner d’autres règles qui forment une théorie de la
méthode scientifique. C'est des règles de méthodes, qui sont des règles qui permettent les
tests empiriques. La science n’est pas uniquement une théorie de la connaissance en actes,
c'est aussi quelque chose qui repose sur des méthodes. La science ne peut aboutir à des
énoncés stables, ils sont chacun susceptible d’être falsifié. Mais certains énoncés vont
survivre à des générations de chercheurs de de tests qui vont chercher à falsifier l’énoncé.

Le principe de falsification fait qu’il n’y pas de vérité scientifique. La science ne produit pas
d’énoncé véridique; argument qui dépasse la problématique vérité/relativité. La question de
la relativité est étrangère à la théorie de la connaissance de Popper. Notre science n’est
pas une connaissance, elle ne peut atteindre la vérité, pas même l’un de ses substituts
comme la probabilité.

L’idée même d’universalité, non susceptible d'être remise en cause, est quelque chose qu’il
écarte. Théorie de la connaissance très limitative, très pessimiste. Toute théorie à prétention
universelle relève de la métaphysique plus que de la science, selon Popper; pour lui, les
sciences sociales actuelles ne sont pas des sciences. Ne sont des sciences, que les
disciplines académiques qui peuvent produire des énoncés pouvant être testés
empiriquement et potentiellement falsifiés. La science se réduit ainsi à un nombre très limité
de disciplines.

Bourdieu, dans son livre Science de la science et réflexivité, considère que la théorie de
Popper conduit à une fausse alternative entre logicisme et relativisme; forme de
raisonnement logique. Il dit qu’il faut sortir de l'épistémologie postmoderne et du logicisme
de Popper. Bourdieu considère que le le travail d'évaluation scientifique ne peut reposer
que sur des codes de loi immuables qui distinguent la bonne de la mauvaise science. Il ne
faut pas idéaliser la pratique scientifique mais faire de la sociologie des sciences; nécessité
de prendre le monde scientifique tel qu'il l'est et pas tel que l'on aimerait qu’il soit. La
sociologie de sciences est une sociologie réflexive qui devient un substitut à l’épistémologie.
Il y a chez Bourdieu un refus de l'épistémologie logistique, au profit d’une sociologie réaliste
et réflexive des sciences.

Besoin d'autres critères de validité que ceux de Popper. Réponses et critique chez
Passeron et Bourdieu, c'est de dire contrairement à ce qu’il disait dans le métier de
sociologue, il ne faut pas idéaliser la pratique scientifique mais partir d’une analyse
proprement sociologique du champs scientifique pour aboutir à une théorie de la
connaissance qui soit sociologiquement fondée et qui soit autre chose qu’une épistémologie
normative et ou logiciste tel que celle de Popper.

B) Thomas Kuhn et la science normale

Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, 1962, plusieurs notions


importantes pour les sciences sociales et l’épistémologie (notamment l’idée de paradigme).

Le travail de Kuhn relève de l’épistémologie mais aussi de l’histoire des sciences. Le


développement des connaissances, contrairement à une idée assez répandue, ne se fait
pas par accumulation progressive mais par l’idée que peuvent coexister des visions du
monde différentes, qui déboucheraient sur des méthodes scientifiques dont les résultats ne

– Kam 📷
peuvent de fait pas être opposés les uns aux autres.

Idée selon laquelle les idées scientifiques ne prennent sens que dans le cadre d’un
paradigme (≠ relativisme de Popper); c’est-à-dire dans une manière de faire de la science à
un moment donné. Cela explique pourquoi quand on fait de l’histoire des sciences, on est
confronté à des cimetières, composés de toutes les théories et connaissances abandonnées.
D’une certaine manière, Kuhn hiérarchise les connaissances. Pour lui il y a la science en
train de se faire et l’histoire des sciences; le paradigme actuel et l’histoire des paradigmes
antérieurs. Les énoncés qui sont trouvés dépassés appartiennent à l’histoire des sciences;
forme de connaissance qui n 'a pas vocation à disparaître complètement mais qui ne relève
pas du mythe. L’historien des sciences contrairement à celui qui fait la science doit prendre
les énoncés et les paradigmes antérieurs. C'est une manière de séparer la science et
l’histoire des sciences (discipline propre aux historiens des sciences, division du travail
académique); forme de contribution globale. C'est par exemple une manière de lutter contre
le fait que des énoncés scientifiques qui échappent au contrôle scientifique deviennent des
mythes. Alors que pour Popper, l'histoire des sciences relève de la métaphysique.

Kuhn se demande si ces connaissances passées auxquelles on fait référence ne seraient


pas en fait des mythes. Il répond que les « théories ne sont pas en principe contraires à la
science parce qu’elles ont été abandonnées ». En s’appuyant sur l’histoire des sciences,
Kuhn montre qu’il existe un certain nombre de mécanismes à travers desquels se constitue
une science normale qu’il définit comme « la recherche solidement fondée sur un ou
plusieurs accomplissements scientifiques passés, accomplissement que tel groupe
scientifique considère comme suffisant pour fournir de point de départ d’autres travaux »
continuité repose sur l’idée que celle-ci sera utilisée comme point de départ pour d’autres
recherches; théorie cumulative. La science normale repose sur un paradigme, un ensemble
de solutions et de nouveaux problèmes à résoudre qui va réunir une communauté de
chercheurs; communauté épistémique.

L’adhésion à un paradigme est une question qui se pose chez Kuhn. Adhérer à un
paradigme nécessite une phase d’apprentissage, qui se fait à un moment, dans un pays,
dans un établissement donné, et c’est au cours de cette phase qu’on est confronté à la
science normale.

Ces paradigmes ont une durée de vie limitée, dans la mesure où on observe
rétrospectivement des moments de rupture que l’on appréhende comme des révolutions
scientifiques, correspondant à un « modèle normal du développement d’une science
adulte».

La science normale est une science telle qu’elle se fait à un instant T. Elle s’appuie sur un
paradigme et pas uniquement sur une série d’énoncés conjoncturels, mais sur un certain
nombre de solutions passées et de problèmes qui restent en suspens. Une science normale
est une science paradigmatique (avec un paradigme dominant). Ce paradigme a une durée
de vie limitée comme on l’a déjà dit : le changement de paradigme correspond à un
bouleversement scientifique, qui a des conséquences sur la nouvelle science qui va en
résulter mais aussi sur l’apprentissage. Nécessaire pour intégrer le paradigme et laisser de
côté ce qui est extérieur au paradigme. Chaque révolution scientifique se traduit par
l’abandon d’une série de théories, qui se trouvent remises en cause et laissées de côté.
Cette révolution renvoie à l’idée de l’épuisement du paradigme (idée qu’on a fini de répondre

– Kam 📷
aux questions d’un paradigme).

Il faut noter que tous ces mécanismes de changement sont des mécanismes internes au
monde scientifique. On est sur des changements endogènes et qui ne se reposent pas sur
une demande sociale extérieure. Vision dynamique qui repose sur des mécanismes
d’exclusion de ceux qui adhèrent à un paradigme ancien mais aussi de création de nouvelles
disciplines (exemple : chimistes supplantant les alchimistes). 3 temps dans le processus de
changement de paradigme:

- Établissement des faits : à travers des observations qui soient compatibles avec les
précisions du paradigme; faits centraux dont la détermination doit être précise
- Élaboration des problèmes théoriques à partir de ces faits : ajustement, les
«opérations de nettoyage»; faits comparables avec les prévisions du paradigme
- Phase de concordance entre faits et théorie; faits permettant d’ajuster le paradigme

Pour Kuhn, le travail scientifique est comparable à la résolution d’énigmes. Ces énigmes
peuvent prendre plusieurs formes. C’est cette dynamique de résolution des énigmes qui va
permettre des révolutions scientifiques qui expliquent le caractère cyclique des découvertes
scientifiques. Pour Kuhn ce qui est au principe d'un changement de paradigme c'est
l'apparition d'anomalies. Ces résultats vont contredire, ce qui amène à remettre les théories
à partir desquelles on arrive à ces résultats prévisionnels. Il y a deux possibilités:
- soit on résout l’anomalie dans la cadre du paradigme existant
- soit on est amené à changer de paradigme parce que la science actuelle butte.

Ces anomalies peuvent être liées à des observations. Dans beaucoup de cas, les anomalies
peuvent être résolues dans le cadre du paradigme existant, mais dans certains cas on doit
changer de paradigme. Une bonne partie de la recherche scientifique est routinière. Ce qui
explique qu’il y ait une forme de résistance au changement de paradigme. Ainsi, les
anomalies ne sont pas immédiatement perçues. Cependant les anomalies sont souvent
source de découverte potentielle.

Quand les anomalies sont très nombreuses ou persistantes, elles provoquent des situations
de crise, qui montrent que la science normale est en situation d’échec. Là encore, il s’agit de
mécanisme endogène au monde scientifique. Une théorie va être abandonnée non pas
parce qu’elle est falsifiée. Le schéma que propose Kuhn c'est que l'anomalie ne peut
déboucher que sur 3 possibilités:
- résolution du paradigme existant
- apparition d’un nouveau paradigme
- aucune solution: crises durables.

→ La révolution scientifique c'est un ensemble d'épisodes non cumulatifs de


développement dans lequel un paradigme ancien est remplacé en totalité ou en partie
par un nouveau paradigme incompatible. Incompatible veut dire que chaque paradigme
propose et dispose de ses propres dispositifs, de ses propres processus de validation.

Nécessité de revoir entièrement comment on enseigne les sciences à chaque apparition


d’un nouveau paradigme. Pour les chercheureuses formé.e.s dans le cadre du paradigme
ancien, compliqué; conversion par l’addition de 3 éléments:

– Kam 📷
- nouveau paradigme présente des caractéristiques qui sont intrinsèquement
intéressantes, parce qu’il est mieux à même de résoudre les anomalies qui ont été le
point de départ de la révolution scientifique
- possibilité dans le cadre du nouveau paradigme d’arriver à des mesures + précises
- capacité du nouveau paradigme à prédire de nouveaux phénomènes, situations pas
encore observées

Perspective de révolution scientifique évolutionniste; progrès que lors révolution scientifique

Critique de Masterman qui repère les glissement de sens dans l’usage du terme paradigme;
21 définitions différentes, paradigme comme croyances, vision, ou conception du monde qui
renvoie à ensemble d'institutions précises. Chaque définition est une manière de faire de la
science. Glissments signifie que c’est une concept synthétique (définition simple) qui n’est
pas réductible à une définition stricte.

Critique de Feyerabend (spécialiste d’épistémologie auquel on associe l'anarchisme


épistémologique). Selon lui, ill n’y a pas de critère de validité scientifique, le plus important
c'est que ça marche. Théorie de Kuhn = épistémologie normative.

Bourdieu se propose de réinterpréter très librement Kuhn; hypothèse que le révolutionnaire


au sens de Kuhn a du capital scientifique, nécessaire pour intégrer le champ scientifique

→ Révolutionnaires dépendants du passé, des ressources collectives accumulées, base


d’un capital accumulé

III – Débats contemporains

Le raisonnement sociologique: un espace non-poppérien de l’argumentation, 1990; synthèse


de tous les travaux épistémologiques de l’auteur, dont sa thèse portant sur les mots de la
sociologie. Thèse argumentée en faveur d’une spécificité partielle des sciences sociales,
hors de tout dualisme. Il existerait d’après Passeron une spécificité des sciences sociales
qui tiendrait à la manière dont ces sciences mettent en œuvre leurs argumentaires
(spécificité argumentative); raisonnement sociologique comme forme de raisonnement
commune à l’ensemble des sciences sociales.

Passeron montre en quoi la logique expérimentale n’est pas la seule possible pour les
sciences de l’homme; méthodes historiques et anthropologiques s’inscrivent aussi dans une
logique scientifique. Pour Passeron, le modèle expérimental, imposé aux sciences sociales
par ceux qui se réclament de l’épistémologie normative de Popper, pas suffisant; les
sciences sociales sont prises dans un espace argumentatif mais ne disposent pas de
vocabulaire propre

Impossibilité de dépasser «l’état chaotique» de la langue des sciences sociales (dépendance


au langage naturel); innovation de mots repris, vulgarisé, peut être même compris mais
devient alors inutilisable par le savant.e. Superposition de registres de vocabulaires dans les
sciences sociales, qui finit par les rendre incompréhensibles; mots voués à la polysémie.

Dès lors, quelle va être la tâche des sciences sociales ? Non pas à produire des lois avec
des langages spécifiques contrôlés mais, dans une perspective que Bourdieu aurait
qualifiée de génétique, faire ce que font les historiens, une cartographie ou historiographie
de la manière dont ces mots seront utilisés. Comprendre comment ces mots sont utilisés

– Kam 📷
dans différents contextes, comme répertoire formant un espace d’interprétation et de
compréhension qui se veut ouvert; compréhension des répertoires incontournable.

Passeron propose de réfléchir à ce qu’est un concept en sciences sociales = convergence


épistémologique de l’histoire et la sociologie, qui dans leur dimension analytique se trouve
limitée à ce qu’il appelle « description contextuelle » et « idéal typique ». Cela interdit une
forme de généralisation via des lois. Les concepts des sciences sociales ne peuvent
prétendre être des concepts génériques, mais plutôt concepts historiques qui s’inscrivent
dans une temporalité. Récit historique ne peut déboucher sur une explication causale.

Pour Passeron la méthode scientifique permet d’introduire des moments de raisonnements


expérimentaux. Le raisonnement sociologique s’appuie donc sur une logique de va et vient
entre conceptualisation historique et recherche expérimentale (comparaison entre différents
contextes, ce qui permet de mettre à jour des idéaux-types). Relations causales que l'on va
mettre à jour ne pourront prendre forme de lois, mais d’idéaux-types. Le travail des sciences
sociales prend la forme d’une énonciation historique. Elle se subdivise en trois éléments :

- la forme que prend la connaissance produite par les sciences sociales; formulation
empirique. Ce qu’il y a de vérifiable dans les sciences sociales. Pour Popper c'est
l’expérience qui est vérificable. Dans les sciences sociales la validation se fait au
niveau empirique. La vérification porte d’abord sur les coordonnées
spatio-temporelles de toutes les données empiriques que l'on va produire.
- effets de connaissances; repose sur la mise en relation d’énoncés descriptifs; mise
en relation déjà une forme d’expérimentation qui n’a pas pour enjeu de produire une
relation de causalité
- effets d’intelligibilité; met en œuvre le raisonnement comparatif de type analogique,
on va là construire des types idéaux (= manière de construire l’espace de la
recherche à partir de deux énoncés descriptifs singuliers et qui vont dessiner un
champ des possibles). Ainsi, on ne compare pas n’importe quoi, on compare que qui
permet de construire ces types-idéaux, eux même nous permettant d’interpréter.
L’interprétation c'est être capable de produire une énoncé historique qui produise à la
fois des effets de connaissance et d’intelligibilité. Pour Passeron, les sciences
sociales sont des sciences interprétatives. Pour qu'il y ait interprétation faut qu'il y ait
comparaison, sur la base de données empiriques vérifiées; effet d’éviter 2 risques
simétriques: l’empirisme béat et une théorisation sauvage.

Logique très différente du modèle expériemntal, mais en même temps qui n’est pas
réductive à l’herméneutique (texte jamais comaprable à un autre) puisqu’il y a une
comparaison. Comprasion comme mode de raisonnement qui permet de valider les
connaissance produites par les sciences sociales.

Analogie produit des effets de connaissance. Chez Passeron l’intelligibilité des énoncés des
sciences sociales repose sur un résonnement compratif de type analogique. Une analogie
c'est une rapport qui existe entre plusieurs choses. Il suffit que deux chosent aient un
élément en commun pour que l'on puisse mettre en place un résonnement analogique;
analogie = moyen très efficace pour consteuire des hypothsèes et prendre ses distances
avec les variables du modèle inductif. Problème du résonnement analogique: nous est
assez intuitif. Le résonnement analogique doit rester sous contrôle.

– Kam 📷
Jacques Bouveresse, dit que certains auteurs de sciences sociales font des résonnements
analogique à partir de sciences expérimentales qu'il sont incapables de comprendre. Cette
manière de faire référence à des théories scientifiques dans un objectifs d’autopromotion
n’est qu’une façon habile de domienr un public litterraire. Double danger du résonnement
analogique:monter en épingle des dissemblances pas très importantes et prendre ça pour
un découverte révolutionnaires

L’analogie ne doit donc pas s’attarder sur des détails négligeables. Les termes de la
comparaison doivent faire l’objet d’une évaluation rigoureuse. Le risque c'est une analogie
qui ne renvoie pas à une réalité. En pratique, il ne faut jamais faire de résonnement
anlogique sur la base d’une disciplien que l’on ne maîtrise pas. Il faut maitriser parfaitement
tout ce que l'on mobbilise dans ce résonnement.

→Pour Passeron il n'y a pas d’unité des sciences sociales. Raisonnement sociologique,
chez Passeron, forme d’interprétation qui relève bien de la logique scientifique qui permet
de reformuler le dualisme social/naturel, sans retomber dans une forme d’épistémologie
dont l’ultime justification serait une nature sociale spécifique, et sans écarter les sciences
sociales du champ scientifique de par leur faiblesse ou leur impossibilité à recourir à la
méthode expérimentale.

– Kam 📷

Vous aimerez peut-être aussi