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Katheline Schubert1
Paris School of Economics, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
1. Je remercie Mouez Fodha, François Langot et Aude Pommeret pour leur relecture éclairée.
1.1. La littérature
On relève dans la littérature macroéconomique d’avant la crise
de nombreux travaux sur les effets macroéconomiques des chocs
pétroliers, mais c’est à peu près le seul angle sous lequel les ques-
tions environnementales sont abordées. Ces travaux, empiriques
Macroéconomie et environnement 135
pour la très grande majorité, ont été initiés au milieu des années
1970. Ils entrent dans la catégorie plus générale des travaux sur les
impacts des fluctuations des prix des commodités. Nous ne les
détaillerons pas ici.
Le tour de la littérature plus récente est vite fait : il n’existe, à
ma connaissance, qu’une dizaine de papiers publiés qui intro-
duisent l’environnement, sous une forme ou une autre, dans les
outils du macroéconomiste de court terme moderne que sont les
DSGE. Ces articles sont de deux types : ils s’intéressent, comme les
travaux plus anciens cités plus haut, aux impacts du prix de
l’énergie et des chocs pétroliers sur les fluctuations macroécono-
miques, ou, de façon plus novatrice, évaluent les coûts de court
terme des politiques environnementales.
Dans la première catégorie, l’article de Kim et Loungani (1992)
fait figure de précurseur. Les auteurs introduisent l’énergie comme
facteur de production dans un modèle RBC à la Kydland-Prescott-
Hansen, afin d’étudier les conséquences sur le cycle de chocs sur le
prix de l’énergie. Bodenstein et al. (2011), Schwark (2014) et
Acurio-Vasconez et al. (2015) poursuivent le même objectif, à l’aide
de modèles DSGE.
Les travaux de la deuxième catégorie appartiennent à une
littérature récente qui cherche à identifier les politiques environne-
mentales les moins coûteuses en termes d’activité économique. En
effet, si, dans le long terme, préservation de l’environnement et
croissance peuvent sous certaines conditions aller de pair et non
pas entrer en conflit, les travaux s’intéressant au court terme les
opposent. La préservation de l’environnement est coûteuse, et il
est important d’analyser et de quantifier les termes du trade-off
entre celle-ci et l’activité économique.
Angelopoulos et al. (2010, 2013), Heutel (2012), Fischer et
Springborn (2011) étudient les performances de différents types de
politique environnementale dans des modèles RBC incorporant la
pollution. La question posée est de savoir quelle politique environ-
nementale, en prix (taxe) ou en quantité (marché de permis
d’émission) est la plus performante, du point de vue du bien-être
mais aussi de la volatilité des variables macroéconomiques, dans
un contexte où les fluctuations sont causées par des chocs de
productivité (voir Heutel et Fischer, 2013). Dissou et Karnizova
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2.1. La littérature
À l’exception des modèles de croissance ricardiens dans lesquels
la terre est une ressource rare imposant une limite physique à la
croissance, les théories de la croissance modernes ont longtemps
ignoré l’environnement, perçu comme inépuisable. Elles se sont
concentrées sur l’étude d’un monde stylisé dans lequel les agents
produisent à l’aide de capital manufacturé et de travail, et retirent
de la satisfaction de la seule consommation de biens manufacturés.
Les archétypes de cette approche sont le modèle de Solow (1956) et
le modèle de croissance optimale de Ramsey (1928). À partir des
années 1970 et des chocs pétroliers cependant, quelques écono-
mistes ont reconnu la nécessité de tenir compte de
l’environnement naturel, sous différents aspects, dans les modèles
de croissance. L’actualité les a poussés à s’intéresser d’abord aux
ressources non renouvelables et en particulier aux énergies fossiles.
Dans la tradition ricardienne, ils ont principalement cherché à
savoir dans quelles circonstances le caractère fini de l’environne-
ment et la rareté des ressources naturelles constituent une limite
physique à la croissance, et à quel rythme les ressources non renou-
velables doivent être extraites. Les articles fondateurs de cet axe de
recherche ont tous été écrits par des économistes fameux dont la
spécialité n’était pas l’économie de l’environnement, qui n’existait
d’ailleurs pas à cette époque en tant que champ de recherche spéci-
fique, et publiés pour beaucoup d’entre eux dans un numéro
spécial de la Review of Economic Studies de 1974 (vol. 41, n° 5,
décembre), où l’on trouve les articles fondateurs de Dasgupta et
Heal (1974), Solow (1974) et Stiglitz (1974).
Très vite cependant, l’introduction de considérations environ-
nementales dans les modèles de croissance est devenue l’apanage
des seuls économistes de l’environnement. Les travaux précurseurs
de Dasgupta, Heal, Solow et Stiglitz n’ont eu que peu de retentisse-
ment auprès de la très grande majorité des macroéconomistes qui,
une fois les effets des chocs pétroliers estompés, se sont remis à
s’intéresser exclusivement aux variables macroéconomiques tradi-
tionnelles – inflation, output, emploi – et aux seules politiques
monétaires et fiscales. Les revues de littérature de Xepapadeas
(2005) et de Brock et Taylor (2005) en témoignent.
Les enseignements des modèles de croissance incorporant des
ressources naturelles de cette époque sont clairs. La croissance de
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3. Conclusion
La prise de conscience des limites du mode de croissance initié
par la révolution industrielle a été progressive, mais elle est
aujourd’hui réelle. Les pays développés se sont révélés capables de
régler quelques-uns des problèmes environnementaux locaux créés
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