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Marina Vallejo Espinoza

M1-HHAARD

Séminaire d’iconographie précolombienne

Réflexions sur
Lenguaje ceremonial en los códices mixtecos – Maarten E.R.G.N Jansen & Gabina Aurora Pérez Jiménez
et
El estilo como cualidad histórica – Ian Hodder

Le texte de Maarten et Pérez Jiménez est moins directement applicable à mes recherches, en ce
sens qu’il concerne l’étude de la langue Mixteca. Cependant, la manière dont la recherche est
appréhendée est tout à fait intéressante.

En effet, l’étude veut tenir en compte non seulement les manuscrits « bilingues-biculturels », qui
datent de l’époque coloniale et sont également rédigés en espagnol, mais aussi à l’aspect
pictographique, qui semblerait être en relation avec l’organisation interne du discours et de la
syntaxe des phrases parlées. Ceci est un détail important, en ce fait que cette syntaxe s’organise
de manière différente à la syntaxe occidentale : on trouve, dans les textes cérémoniaux
coloniaux, l’usage de parallélismes et de difrasismos.
Il se trouve, additionnellement, que ces deux caractéristiques ont un parallèle linguistique dans
la langue Mixteca actuelle, ils sont connus respectivement comme hablar en pares et
parangones.

En tant que chercheur.euses occidentaux.ales, il semble dès lors important de garder à l’esprit,
dans un premier temps, que notre manière de faire sens, tant à l’écrit qu’à l’oral, peut être
différente, et même assez fondamentalement différente, de celle d’une autre culture. Ce constat
peut paraître simple, mais ce sont en réalité des schémas de pensée profondément ancrés qui
sont remis en cause.
En prendre seulement conscience constitue déjà, à mon sens, un point de départ favorable. Ce
premier pas donne place au suivant, d’autant plus souhaitable : celui de le déconstruction de
nos schémas d’interprétation et de pensée. Pour comprendre l’autre, il faut pouvoir le faire
autant que possible en les termes de l’autre.

Deuxièmement, les exemples développés dans le texte montrent que la méthode de recherche à
tout à gagner dans sa diversité. En effet, il faut comprendre la culture étudiée comme un tout,
comprenant langage parlé et écrit dans ce cas, et qui est souvent intimement lié à des pratiques
culturelles. Pour comprendre les textes dont il est question, se borner à une seule piste
d’interprétation aurait amoindri l’exactitude du propos.

De plus, il semble pertinent de considérer la culture étudiée dans le temps, dans la durée. Quand
bien même elle ait subi des bouleversements considérables, le matériel archéologique, ou le
texte pré ou post colonial, s’inscrivent dans une certaine continuité. Les sources contemporaines
ethnologiques sont alors d’une utilité indéniable dans la compréhension des textes.

Même si je comprends les réserves de certains chercheurs à s’appuyer sur le présent, peut-être
trop directement, pour comprendre le passé dans certains cas, ici la démarche semble faire
sens. Les textes coloniaux datent environ de la seconde moitié du 16 e siècle. Si on avait affaire à
un texte européen, français par exemple, de la même époque, la connaissance du français
contemporain aiderait grandement à son interprétation. Bien sûr, le sens de certains mots ont
changé suffisamment pour qu’une traduction trop littérale résulte en un contre-sens.
Néanmoins, ça n’est pas raison suffisante pour négliger la source contemporaine comme
valable. Ce même principe, avec les mêmes précautions, peut s’appliquer à l’étude des cultures
mésoaméricaines.

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L’article de Ian Hodder, qui aborde la question du style dans un contexte historique, pose des
questions qui, je l’espère, pourront orienter mes recherches.
En effet, l’objet de mon mémoire est d’étudier une série de figurines Chancay. Cette étude
comprend une approche typologique : il s’agirait de définir les figurines pour pouvoir les classer,
les attribuer dans la suite logique d’une telle typologie ou d’une autre. Ensuite, il s’agira
d’interpréter ces figurines, d’essayer de les contextualiser, en quelques sortes il s’agira de leur
donner sens.

C’est surtout pour cette dernière partie que l’article m’a marquée. Jusqu’à présent, je ne m’étais
jamais penchée sur la question du style de la manière dont l’entend Hodder, c’est-à-dire, le style
comme porteur de sens, sens qui est en réalité une réflexion de celui qui essaye de le faire.
Son exemple des chaussures à talons aiguille et des verres allongés est très parlant. Il explique
que, ces deux éléments peuvent être associés à un « style féminin », car ils possèdent des
qualités (délicats, fragiles) qui sont associés à une certaine idée de ce qui est féminin.
Pourtant, non seulement cette association stylistique est basée sur des généralités, mais elle est
également arbitraire ; on pourrait donner à ces deux éléments une signification inverse (aigu,
griffes, agression). On sent alors que définir ce qu’est un style, et par conséquent attribuer un
style, est ambigu et moins clair qu’on n’imagine instinctivement.

De ce fait, face à des associations imagées méconnues, il est facile, si on ne prend gare, de
définir des styles qui feraient sens avec notre propre conception du monde, mais peut-être pas
avec celle de la culture concernée. Cependant, arriver à une définition d’un style exacte reste
très difficile en archéologie, d’autant plus pour les cultures qui n’ont pas laissé de traces écrites
derrière elles, ou qui n’ont pas été en contact avec des peuples qui les auraient immortalisées
dans leurs textes. En tant que chercheuse, cela me pousse à décupler les sources d’information,
et à ne pas me borner à une seule interprétation, quoi qu’elle puisse paraître évidente, sans
avant avoir considéré d’autres pistes. Cela m’incite également à ne pas forcer un sens pour le
fait d’en trouver un : si les conclusions sont ambigües, la recherche n’en sera en réalité que plus
exacte.

Le cœur de la question, à mon sens, se retrouve bien dans les citations suivantes :

« […] il n’est plus nécessaire pour les archéologues d’assumer qu’ « un » style a
« une » signification.»

« Le travail des archéologues est d’identifier les contradictions et les ambigüités


dont ces jeux de style regorgent. Le style fait sens dans le processus de référence.
Ansi, le style a des significations multiples, et contradictoires qui n’existent pas
dans le style, mais uniquement dans le style utilisé dans les contextes sociaux. Le
style n’a pas « un » sens, mais il fait plutôt partie d’un processus de création de
sens. »

Ces extraits soulignent un autre aspect fort important, le contexte social dans lequel le style est
créé. Le style fait partie d’un certain discours, il n’est pas un discours en lui-même. De plus,
comme il est expliqué plus loin dans le texte, l’archéologue, dans sa manière de s’exprimer, est
lui aussi porteur d’un certain style, qui va alors influencer le sens de son objet d’étude.

Somme toute, ce sont là des considérations et des pistes de réflexion que j’envisage d’explorer
d’avantage dans la suite de mes recherches.

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