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Croissance et

développement durable

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Table des matières

Table des matières


I. Objectifs 3

II. Introduction 3

III. La nécessité du développement durable 3


A. Les limites écologiques et sociales de la croissance ..................................................................................................3
1. Les limites de la croissance liées à l'épuisement des ressources ...............................................................................................3
2. Les limites de la croissance en termes d'équilibres écologiques et climatiques .......................................................................4
3. Les limites de la croissance au niveau du développement humain ...........................................................................................5
B. Le concept de développement durable ......................................................................................................................5
1. L'origine du concept de développement durable ........................................................................................................................5
2. La portée du concept de Développement Durable (DD) .............................................................................................................6
3. Les implications du développement durable ..............................................................................................................................6

IV. Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques 8
A. Le renouveau de l'analyse économique : l'analyse des différents types de capitaux ...............................................8
B. La soutenabilité faible ou forte détermine le modèle de croissance.........................................................................9
C. Les indicateurs du développement soutenable .......................................................................................................11
1. La difficulté de la mesure de la soutenabilité de la croissance..................................................................................................11
2. L'épargne nette ajustée................................................................................................................................................................12
3. L'indicateur de progrès véritable (IPV) ........................................................................................................................................13
D. Les nouveaux modèles économiques : économie circulaire et économie de la fonctionnalité .............................15
1. L'économie circulaire ...................................................................................................................................................................16
E. L'économie de fonctionnalité ....................................................................................................................................18

V. Les politiques environnementales 20


A. Le climat, l'environnement, les équilibres écologiques : des biens communs parfois mondiaux .........................20
1. Qu'est-ce qu'un bien commun ? ..................................................................................................................................................20
2. La tragédie des biens communs..................................................................................................................................................20
3. Comment gérer efficacement les biens communs ?...................................................................................................................21
B. La nécessaire intervention des pouvoirs publics......................................................................................................21
1. Le rôle des normes et de la réglementation ...............................................................................................................................22
2. Le rôle des taxes ...........................................................................................................................................................................23
3. Les subventions et les incitations fiscales ..................................................................................................................................23
4. L'utilisation de mécanismes de marché......................................................................................................................................24

VI. Synthèse 26

VII. Exercez-vous ! 28

Solutions des exercices 30

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I. Objectifs
L'étude de ce thème, vous permettra de :
Comprendre pour quelles raisons une finalité différente doit être donnée au système économique qui doit être
plus respectueux des hommes et de la nature.
Connaître les fondements théoriques du développement durable et des bases d'une nouvelle philosophie
économique à mettre en œuvre.
Réfléchir aux différentes méthodes à utiliser pour parvenir à un développement durable et lutter contre le
réchauffement climatique.
Comprendre le rôle à la fois de la puissance publique, des institutions supra-nationales, mais aussi des
solidarités locales et des prises de conscience individuelles dans la génération d'un autre mode de
développement.

II. Introduction
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale se sont enchaînées de formidables périodes de croissance dans les pays
développés, en Europe notamment. Les économies européennes, après la période de reconstruction, sont entrées
dans le cycle production-consommation de masse générant les 30 glorieuses caractérisées par une forte croissance
de la production, de l'emploi, des revenus et des niveaux de vie. Les économies de marché, mais aussi les
économies administrées et planifiées étaient lancées dans la course à la croissance, finalité ultime des systèmes
économiques et des politiques économiques censées les réguler.
Puis, dans les années 1970 vint le temps des chocs pétroliers qui fit prendre conscience au monde que les énergies
et matières premières constituaient un stock épuisable et que tôt ou tard le monde devrait gérer leur pénurie. Dans
le même temps, le développement des pollutions industrielles touchant l'eau, l'air, les mers, les forêts et les milieux
naturels donne naissance aux premières réflexions écologistes étudiant les interactions entre la nature et l'activité
économique.
Les années 1980-1990 sont celles d'un libéralisme débridé où lʻextrême richesse se montre, alors même que le
chômage de masse gagne les pays développés et où la situation des 2/3 monde non développé stagne, voire
s'aggrave. Tous les ingrédients sont là pour penser un développement économique différent qui permette la
satisfaction des besoins de l'humanité dans sa totalité et qui soit respectueux de notre planète. Voici venue l'heure
du développement durable.

III. La nécessité du développement durable


A. Les limites écologiques et sociales de la croissance
La croissance économique suppose une augmentation des quantités de biens et de services produits, ce qui
entraîne des prélèvements de plus en plus importants sur le stock de capital naturel disponible pour l'humanité. De
plus, l'activité humaine, par le biais des rejets polluants, modifierait les équilibres écologiques et climatiques.

1. Les limites de la croissance liées à l'épuisement des ressources


La croissance économique accroît les prélèvements sur les ressources naturelles non renouvelables, le plus
souvent :
Les énergies fossiles, le gaz, le pétrole et le charbon dont devraient voir leurs réserves épuisées
respectivement dans 65, 40 et 120 ans. Il y a donc nécessité de trouver un nouveau modèle énergétique qui
repose à la fois sur l'amélioration de l'efficacité énergétique (donc de limiter la consommation d'énergie pour
produire la même quantité de richesses) et de développer des énergies de substitution qui soient
renouvelables, comme l'énergie solaire, éolienne ou issue de la biomasse, etc.
La nécessité du développement durable

Les ressources minérales comme les métaux et composants rares indispensables aux industries
électroniques s'épuisent. La prospective en la matière prévoit par exemple la disparition du cuivre en 2039, du
nickel en 2048, au rythme de croissance de l'exploitation de ces minerais. Il y a nécessité de limiter ces
prélèvements, d'utiliser des matériaux de substitution, de prévoir le recyclage des produits composés de ces
matières premières épuisables.
Les terres cultivables s'épuisent, par une surexploitation de l'agriculture intensive qui entraîne la dégradation
des sols, alors que l'extension de leur surface nécessitée par la croissance démographique est de plus en plus
limitée.
Les ressources en eau douce, sont de plus en plus absorbées par l'activité agricole polluées par le
développement économique, surutilisées par une population de plus en plus nombreuse. Ces phénomènes
sont aggravés par le changement climatique qui modifie le cycle planétaire de l'eau et contribue à la
désertification de certaines zones. L'accès à l'eau sera un défi du XXIe siècle et nécessite dès maintenant une
transformation du modèle agricole et de notre modèle de consommation ainsi que des investissements très
importants pour augmenter la ressource (stations d'épuration usines de désalinisation par exemple).
La surface des forêts recule au niveau de la planète, aggravant le phénomène de réchauffement climatique.
En cause, l'élevage et la culture intensive, l'urbanisation galopante et la surexploitation du bois.
La diminution de la biodiversité (disparition d'espèces animales et végétales) comme la disparition
progressive des ressources en poissons pour cause de surpêche où celle des abeilles pour cause de pollution
chimique. Or la biodiversité est un capital qui permet de produire des services économiques et du bien-être
comme la fertilisation des sols, la pollinisation ou la dépollution de l'eau.

2. Les limites de la croissance en termes d'équilibres écologiques et climatiques


L'augmentation des pollutions liées à l'activité économique
Les pollutions de l'eau, de l'air et du sol sont croissantes à l'échelle mondiale (bien qu'en diminution depuis deux
décennies en Europe, sous l'action de la législation et du progrès technique) en rapport avec l'augmentation de
l'activité économique. Elles sont liées :
À l'urbanisation croissante (plus de 50 % de la population mondiale vit dans des villes).
À la civilisation industrielle qui produit des déchets lors de la fabrication, de l'utilisation et après la mort des
produits. Une partie de ces déchets est très dangereuse et durable comme les métaux lourds ou les
combustibles radioactifs.
Aux moyens de transport et de déplacement.
Aux techniques agricoles intensives.
L'activité économique précipite le réchauffement climatique

Les températures mondiales ont en moyenne augmenté de 0,75 °C par rapport au début du XXe siècle, et le rythme
de leur augmentation s'accélère. La cause principale en serait l'activité humaine et l'activité économique, en
particulier l'utilisation de combustibles fossiles, la déforestation ou bien certaines activités comme la fabrication de
ciment. Ces activités accroissent les émissions de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre qui
provoque le réchauffement climatique.
Le dernier rapport du GIEC prévoit une hausse des températures de 1,5 degré dès 2030. Ce rapport révèle également
que le réchauffement observé n'a pas d'équivalent depuis au moins 2 000 ans. Dans leur scénario le plus pessimiste,
le GIEC projette un doublement des émissions de CO2 à l'horizon 2050, provoquant un réchauffement qui devrait
être supérieur à 4 degrés à la fin du siècle (4,4 °C, avec une fourchette d'incertitude de 3,3 à 5,7 °C). Ceci impliquerait
un bouleversement climatique sans précédent (intensification du cycle hydrologique, une fonte des glaces, une
montée du niveau des mers et un dérèglement climatique général).

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La nécessité du développement durable

3. Les limites de la croissance au niveau du développement humain

Attention Avertissement
Cette question a déjà été évoquée dans un précédent thème, dans la présentation des indicateurs économiques
et sociaux alternatifs au PIB par habitant.

Le très fort développement de l'activité économique depuis 1950 a incontestablement permis d'accroître le niveau
de vie de la population mondiale prise dans sa globalité.
Pour autant, nous avons montré que la croissance économique ne s'accompagne pas toujours d'une progression du
développement humain mesuré par exemple par l'Indice de Développement Humain, même si en règle générale,
l'IDH suit la progression du PIB. Pour autant, on constate aussi que plus le PIB augmente et moins l'IDH progresse.
La croissance de l'activité économique, telle que nous la connaissons dans nos économies de marché de type
capitalistes, peut au contraire s'accompagner :
D'une augmentation des inégalités sociales liées à une répartition inégalitaire des revenus de la croissance,
des phénomènes de paupérisation d'une partie des populations, d'exclusion sociale et de déclassement et
d'un chômage de masse provoqué par un bouleversement trop rapide de l'activité économique.
De l'absence de progression des niveaux de vie d'une partie de la population et d'une régression du bien-être
ou du sentiment de bien-être.
Par ailleurs, plus le niveau de développement humain est élevé et plus la pression écologique exercée par les
nations, mesurée par l'empreinte écologique par exemple, est forte. L'IDH étant lié au niveau de l'activité
économique, cette dernière a des effets négatifs sur les équilibres écologiques. Ainsi, les pays à IDH élevé sont
responsables depuis 1850 des 2/3 des émissions de CO2, et les pays en développement (qui voient l'IDH de leur
population progresser le plus rapidement) sont responsables des ¾ de la croissance des émissions depuis 1970 !
Enfin, il est utile de préciser que le progrès du développement humain ne nécessite pas toujours une activité
économique et une croissance forte. Il suffit d'améliorer l'IDH par des progrès sanitaires et de l'éducation ou bien
encore lutter efficacement contre les inégalités. Ceci ne nécessite pas une production matérielle très élevée et
contribue peu à augmenter l'empreinte écologique. Cʻest par exemple le cas de la Nouvelle-Zélande qui se situe
dans le peloton de tête en matière d'IDH, malgré un revenu moyen inférieur à 30 000 dollars et avec une empreinte
écologique très acceptable.
C'est en réaction à tous ces problèmes écologiques et sociaux engendrés par la croissance économique que le
concept de développement durable est apparu dans les années 1970 et s'est depuis popularisé.

B. Le concept de développement durable


La croissance économique actuelle n'est pas soutenable à long terme sur le plan environnemental, elle ne pourra
continuer longtemps, butant sur l'épuisement de ressources naturelles indispensables et sur des dégradations
irréversibles de notre planète. Il faut donc revoir nos modes production et de consommation, penser en termes de
développement durable.

1. L'origine du concept de développement durable


Une première réflexion sur l'épuisement des ressources naturelles entraînée par la croissance de l'activité
économique a été menée en 1972 lors des travaux du Club de Rome. Mais il faut attendre 1987 et le rapport de la
Commission Brundtland pour que le concept de développement durable fasse son apparition. Le concept a été
popularisé par la présentation de ce rapport au sommet de la terre à Rio en 1992. Le développement durable et
soutenable y est défini comme :
« Un développement qui satisfait les besoins de chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis,
sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ».

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La nécessité du développement durable

Le concept de développement durable est l'aboutissement d'une lente prise de conscience qui commence dans les
années 1970 à partir des évènements suivants :
Le rapport du Club de Rome en 1972 qui préconise la « croissance 0 » pour éviter l'épuisement des ressources.
Les chocs pétroliers des années 1970-1980 qui révèlent la fragilité de cette ressource naturelle.
Les craintes sur la diminution de la biodiversité, l'extinction de certaines espèces animales ou la déforestation.
Les accidents industriels majeurs comme celui de l'usine de Bhopal en Inde en 1984, de Tchernobyl en 1986, de
Fukushima en 2015, auxquels il faut rajouter les multiples marées noires.
Les premières mesures et études du réchauffement climatique avec les premiers rapports du GIEC (Groupe
d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat).

2. La portée du concept de Développement Durable (DD)


Le Développement Durable (DD) concerne :
« Les besoins essentiels des plus démunis auxquels il convient de donner la plus grande priorité ».
« Les limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de
l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir ».
Les deux dimensions sociales et environnementales sont donc indissociables.
Le développement durable est désormais l'objectif à suivre pour les institutions internationales (Programme des
Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), Banque Mondiale, OMC, Commission et Parlement de l'UE, etc.), les
pouvoirs publics et les agents économiques, en particulier les entreprises, qui sont sensibilisées pour concilier les
« 3P » (People, Planet, Profit), dans le cadre de politiques d'entreprises qualifiées de « Responsabilité Sociale et
Environnementale » (RSE).

Complément La RSE des entreprises


Les entreprises n'ont pas qu'une responsabilité économique et financière vis-à-vis de leurs actionnaires, elles ont
des responsabilités sociales (à l'égard de leur personnel, de leurs clients ou des sociétés d'accueil) et des
responsabilités environnementales et écologiques. Les entreprises sont responsables devant l'ensemble des
parties prenantes (clients, fournisseurs, salariés, actionnaires, pouvoirs publics, opinion publique). Pour faire face
à cette responsabilité :
Elles anticipent un durcissement de la réglementation,
Elles peuvent utiliser la RSE pour se différencier, améliorer leur image de marque et leur réputation,
Elles peuvent par ces politiques diminuer leurs coûts,
Elles peuvent motiver leur personnel par sa participation à l'atteinte des objectifs de la RSE.
Donc, la RSE peut être au service de la performance économique.

3. Les implications du développement durable


Le développement durable intègre 3 dimensions :
Économique : la croissance des richesses doit être possible ; le développement doit être économiquement
performant.
Sociale : la richesse doit être équitablement répartie entre les hommes et les générations ; le développement
doit être socialement équitable.
Environnementale : les ressources de la planète doivent être préservées ; c'est-à-dire écologiquement
soutenable.

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La nécessité du développement durable

La représentation du développement
durable

https://rse-pro.com/piliers-du-developpement-durable-1066

Remarque Commentaire
Ce schéma illustre parfaitement le concept de développement durable qui se situe à l'intersection de l'économie,
du social et de l'environnemental. L'économique et le social sont en équilibre par l'équité qui doit être à la fois
intra-générationnelle et inter-générationnelle. L'économie et l'environnement sont compatibles par la viabilité (le
développement économique est viable s'il respecte les contraintes environnementales). Le social et
l'environnement sont en équilibre par le caractère vivable de notre environnement pour la société.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

IV. Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des


logiques économiques
A. Le renouveau de l'analyse économique : l'analyse des différents types de capitaux
Il existe différents modèles économiques compatibles avec le développement durable, qui reposent sur une analyse
originale en termes de stocks de capitaux, de différents types.
Le caractère soutenable du développement dépend en fait du stock de 4 types de capitaux (contrairement à
l'analyse économique traditionnelle de la croissance qui repose sur deux facteurs de production : le capital et le
travail).
Ces 4 types de capitaux sont le capital naturel, physique, humain et social auxquels certains auteurs ajoutent le
capital institutionnel. Les 4 derniers types de capitaux sont construits (l'activité humaine peut les augmenter),
alors que le capital naturel, au mieux ne l'est que très partiellement.
Le capital naturel réunit les ressources diverses de la nature susceptibles d'engendrer une production de richesses
(ressources de la mer, du sol, du sous-sol, écosystèmes, biodiversité, etc.). Ce capital s'accumule rarement (c'est
donc un stock) ou alors il peut augmenter indépendamment de la volonté des hommes. Au contraire, il a tendance à
diminuer suite aux prélèvements de l'homme.
Pour les ressources naturelles non renouvelables de type pétrole, la diminution du stock est relative, puisque
l'augmentation du prix conduit à mettre en évidence de nouvelles ressources inconnues ou inexploitées (pétrole en
eau profonde, gaz de schiste, etc.).

Complément Les fonctions du capital naturel


Il existe 3 grandes catégories de capital naturel : les stocks de ressources naturelles, les terrains, les
écosystèmes.
Les stocks de ressources naturelles ont essentiellement une fonction de ressource puisqu'elles sont
transformées par l'activité humaine. Il s'agit des ressources énergétiques, des minerais, des forêts primaires, des
poissons sauvages, etc. l'activité humaine en fait baisser les stocks, y compris quand ils sont renouvelables (par
exemple, la déforestation, ou la surpêche, etc.).
Mais le capital naturel joue aussi une fonction d'absorption (l'environnement est le réceptacle des émissions de
pollution liées à l'activité économique). C'est un rôle essentiel de la forêt, des écosystèmes ou de la mer.
Il y a enfin une fonction de cadre de vie qui rassemble les services essentiels à la survie, comme la respiration ou
l'hydratation des espèces vivantes, mais aussi les services liés au bien-être (qualité de l'eau de baignade, beauté
des paysages, etc.).

Le capital physique est l'ensemble des moyens de production (bâtiments, machines, matériels, etc.). Il s'accumule
(par l'investissement), se détériore et doit être remplacé.
Le capital humain regroupe les capacités physiques, intellectuelles, les compétences, l'état de santé d'un individu
ou d'un groupe d'individus. Il peut être accumulé par la qualité du système de santé, l'éducation, la formation
initiale ou professionnelle.
Le capital social est constitué du réseau de relations d'un individu ou d'un groupe, qui peut être considéré aussi
comme une ressource mobilisable (pour trouver un emploi, par exemple). Lui aussi s'accumule.
Le capital institutionnel regroupe les institutions, c'est-à-dire l'ensemble des contraintes humaines qui structurent
les interactions politiques, économiques et sociales (appareil législatif, normes, formelles ou informelles, valeurs)
qui peuvent à la fois contribuer au bien-être humain et à la croissance économique. Lui aussi peut s'accumuler.
Ces différents types de capitaux, combinés, contribuent à la production de richesses et au bien-être des
populations. Ces capitaux sont donc complémentaires.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Mais ces capitaux sont aussi partiellement substituables (l'un peut remplacer l'autre) en fonction de leur prix et
du développement de la science et de la technologie.

Exemple
Pour obtenir des colorants pour le textile, on peut utiliser des colorants naturels (capital naturel prédominant) ou
utiliser des produits chimiques (produits avec du capital physique et humain).
Pour obtenir un bien, on peut utiliser le savoir-faire de l'artisan (capital humain) ou utiliser une imprimante 3D
(capital physique).

Or, c'est de la plus ou moins grande substituabilité entre ces différents types de capitaux que dépend le caractère
soutenable de notre développement.

La représentation de l'économie du développement


durable

B. La soutenabilité faible ou forte détermine le modèle de croissance


En fonction de l'intensité de la substituabilité entre les différents types de capitaux, l'analyse du développement
durable débouche sur trois perspectives économiques très différentes : la soutenabilité faible, la soutenabilité forte,
l'insoutenabilité de la croissance.

La soutenabilité faible
Les partisans de la « soutenabilité faible » qui pensent que les différents types de capitaux sont fortement
substituables, estiment que la nature est avant tout un capital productif.
Ce capital est substituable. S'il se raréfie, son prix augmentera et les agents économiques s'efforceront de trouver
les technologies productives qui utilisent davantage des autres facteurs de production devenus relativement moins
coûteux.
Le progrès technique peut alors repousser les limites posées à la croissance économique par la raréfaction des
ressources naturelles.
La liberté des agents, qui les pousse à rechercher la technologie optimale pour produire, peut donc suffire à assurer
la soutenabilité environnementale de la croissance de la production et à notre développement. Il faut donc faire
confiance aux forces du marché et au progrès technique.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Exemple Quelques exemples au service de cette thèse


L'homme a pu :
Sauvegarder et même réintroduire des espèces animales.
Reconstruire des milieux naturels menacés.
Dépolluer les fleuves, les nappes phréatiques, l'air, etc.
Replanter des forêts.
Dessaler l'eau de mer.
Reconstituer la biodiversité.
Capturer le CO2, par la fabrication de puits à carbone.
Développer des énergies renouvelables.

Complément La règle de Hartwick


Cet économiste a énoncé la condition pour que les investissements s'orientent vers les bonnes activités de
substitution : il faut que la rente perçue par les producteurs de ressources naturelles (dont le prix augmente avec
leur raréfaction, mais pas les coûts de production, ce qui fait exploser les profits) soit réinvestie dans les
technologies de substitution (la rente pétrolière réinvestie dans les énergies renouvelables, par exemple).
L'augmentation du prix d'une ressource naturelle est une incitation à la recherche d'une ressource de
substitution, car elle permet d'en augmenter le prix de vente, donc la rentabilité.

Pour que le développement soit durable, il suffit de maintenir une capacité à produire du bien-être économique au
moins égale à celle des générations présentes. Pour l'assurer, le niveau de capital total (naturel et construit) doit être
maintenu constant dans l'hypothèse d'une stagnation démographique.
Comme le précise l'économiste Robert Solow, pour que son développement soit soutenable, une société doit
maintenir indéfiniment sa capacité productive globale, pour cela il suffit que le taux d'épargne soit au moins égal
au taux de dépréciation du capital physique et naturel.
La « courbe environnementale de Kuznets » est une représentation de cet espoir : comme les inégalités sociales (la
courbe de Kuznets initiale met en rapport inégalités et croissance dans le temps), les émissions polluantes
augmentent dans un premier temps à mesure que le niveau de développement et celui du revenu moyen
s'accroissent. Dans un second temps, les nouvelles technologies plus « propres » inverseraient la tendance. Au bout
du compte, augmentation des niveaux de vie et baisse de la pollution sont compatibles. Il est à noter que la
croissance n'est alors pas contradictoire avec la préservation de l'environnement, correctement orientée (équilibre
des capitaux et maintien du volume global de capital), elle est une condition de cette préservation.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Source : André Meunié - Centre dʼÉconomie du Développement - Université Bordeaux IV

La soutenabilité forte
Les partisans de la « soutenabilité forte » ne partagent pas cet optimisme. Ils considèrent en effet que les atteintes au
capital naturel sont, dans une certaine mesure, irréversibles : les dommages causés à l'environnement restent en
partie irréparables et certaines ressources naturelles épuisables sont irremplaçables. Cela signifie que le capital
naturel est très faiblement substituable.
Dans cette hypothèse, il ne peut suffire de maintenir le capital global constant. Le capital naturel doit faire l'objet
d'une conservation spécifique, puisqu'il n'y a pas de substituabilité forte entre capital construit et capital naturel (la
technique ne peut remplacer la nature). Les innovations technologiques seules ne peuvent repousser les limites
environnementales de la croissance économique. Il est donc nécessaire de transformer le système économique et
nos modes de vie pour accéder au développement durable.

L'insoutenabilité de la croissance
Les partisans de l'insoutenabilité de la croissance, (les « extrémistes » de la soutenabilité forte) militent pour la
décroissance, qui consiste donc à produire moins, à limiter les besoins, donc la consommation, et les atteintes au
capital naturel. C'est une remise en cause des modes de vie et du capitalisme dans son essence même.

Complément La théorie de la décroissance


Nous devons à l'économiste marxiste français, Serge Latouche, le concept de décroissance développé dans deux
ouvrages publiés en 2006. Lui-même parle d'a-croissance.
Pour atteindre l'objectif de décroissance, il propose le programme huit « R » : Revaloriser, Reconceptualiser,
Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler.
Revaloriser, reconceptualiser : c'est-à-dire revenir aux vraies valeurs de l'humanité (sortir des logiques
d'enrichissement et de consommation).
Restructurer : sortir des logiques du capitalisme pour inventer un nouveau système économique.
Redistribuer :
La terre aux paysans pour sortir de la logique productiviste,
Le travail autour des activités écologiques,
Les revenus en fonction de l'utilité sociale, en plafonnant le revenu maximum et en inventant un revenu
de citoyenneté déconnecté du travail.
Relocaliser : la production, consommer local, favoriser l'autoproduction.
Réduire : la production, la consommation, les besoins, le temps de travail, les déchets.
Réutiliser : ne pas jeter, en finir avec le produit jetable à usage unique.
Recycler : pratiquer l'économie circulaire.

C. Les indicateurs du développement soutenable

1. La difficulté de la mesure de la soutenabilité de la croissance


On pourrait penser mesurer la soutenabilité du développement et de la croissance économique à l'aide d'un
indicateur du stock total de capital (qui serait la somme des 4 types de capitaux).
La mesure du stock de capital physique est connue, c'est celle du stock d'investissement.
Par contre, il est très difficile de mesurer le stocks des 3 autres types de capital, puisque le capital humain et le
capital social sont par essence qualitatifs.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Le capital humain présente, par exemple, de nombreuses difficultés d'évaluation : si l'on peut estimer le coût d'une
formation, il est délicat de valoriser (quantifier et trouver une unité de valorisation) des compétences, du savoir-être
ou du savoir-faire. Cette mesure est encore plus difficile pour le capital social.
La mesure du capital naturel pose d'autres problèmes. Peut-on, de façon fiable, estimer les ressources disponibles
en poissons, en pétrole, en charbon, en bois, en air pur ? Il est de plus impossible de mesurer les autres apports, en
termes de bien-être, de ces ressources naturelles : est-il possible de chiffrer le plaisir associé à la contemplation de
la nature ou ce qu'apporte réellement la biodiversité ?
Il est donc complexe d'établir des indicateurs de soutenabilité. Il s'agit en fait d'associer différents indicateurs à
l'intérieur d'un tableau de bord.

Complément Les sept indicateurs pour mesurer la croissance soutenable, proposés par France Stratégie
L'évolution des stocks d'actifs, incorporels et physiques, du secteur productif.
La proportion de titulaires d'un diplôme supérieur au brevet des collèges parmi les 25 à 64 ans.
La proportion artificialisée du territoire national.
L'empreinte carbone française annuelle, importations incluses.
Le rapport entre les revenus détenus par le cinquième le plus riche de la population et ceux détenus par le
cinquième le plus pauvre.
La dette publique nette rapportée au PIB.
La dette extérieure nette rapportée au PIB.
Source : https://www.strategie.gouv.fr/espace-presse/france-strategie

2. L'épargne nette ajustée


L'épargne nette ajustée, appelée aussi « le PIB vert » est un indicateur de soutenabilité de la croissance proposé par
la banque mondiale évalue la variation du stock de capital économique, humain et naturel sur une période. Il est
calculé ainsi :

Le taux d'épargne nette ajustée dans le monde entre 1990 et 2019

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Source : Banque mondiale1

Une critique du taux d'épargne nette ajustée


Qu'est-ce qui empêche de tenir cet indicateur pour représentatif du bien-être présent et futur ? Le fait qu'on ne sorte
pas d'une évaluation monétaire. Celle-ci ne pose pas de problème insurmontable pour la dépréciation du capital
technique (encore que...), mais relève de l'arbitraire pour la dégradation de la nature que l'on ne peut mesurer que
par le coût de réparation éventuelle de cette dernière, et surtout parce que, pour déterminer une dépréciation, il
faut connaître la valeur de départ, chose impossible pour la nature qui n'a pas de valeur économique intrinsèque
préalable à l'activité humaine.
Source : Richesse : de la mesure à la démesure, examen critique du rapport Stiglitz, Jean-Marie Harribey2

3. L'indicateur de progrès véritable (IPV)


On ajoute à la consommation des ménages, l'investissement net et le travail domestique et on retranche des coûts
sociaux (délits, accidents, chômage) et environnementaux (pollutions, émissions de gaz à effets de serre,
destructions de ressources non renouvelables), tout ceci rapporté à la population.

Exemple
L'IPV a augmenté de 50 % aux USA entre 1950 et 2005, alors que le PIB/habitant a été multiplié par 3 sur la même
période. L'IPV stagne depuis 25 ans dans ce pays. Ce qui prouve que la croissance n'entraîne pas nécessairement
une amélioration des conditions de vie.

1 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur
2 http://harribey.u-bordeaux.fr/travaux/valeur/stiglitz.pdf

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Revenu par habitant et IPV (GPI) par


habitant
aux États-Unis entre 1950 et 2005

Source : Alternatives économiques1

L'empreinte écologique
L'empreinte écologique mesure la surface terrestre bio-productive (la surface terrestre bio-productive est estimée à
21 % de la surface totale de la Terre) nécessaire pour produire les biens et services que nous consommons et
absorber les déchets que nous produisons.
Si l'on divise la surface bio-productive par le nombre d'habitants de la planète, cela donne 1,8 hectares en moyenne
par terrien.

1 https://www.alternatives-economiques.fr/indicateur-de-progres-veritable-pib-de-2000-habitant-aux-etats-unis-011020075738
4.html

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Complément Commentaire
Seuls les pays en couleur jaune pâle et intermédiaire ont une empreinte écologique permettant de sauvegarder la
planète, c'est-à-dire générant des modes de vie nécessitant moins de deux hectares par personne (les pays
d'Afrique centrale, l'Inde le Pakistan et l'Asie du sud-est). Tous les autres ont une empreinte écologique très
supérieure aux capacités de la planète. Le mode de vie nord-américain et australien est particulièrement
catastrophique du point de vue écologique, nécessitant une surface bio-productive 3 à 5 fois supérieure à la
moyenne tolérable. Autrement dit, si tous les terriens partageaient ce mode de vie, il faudrait pour respecter les
limites écologiques de notre planète avoir à disposition entre 3 et 5 planètes Terre ! Ces données qui bien sûr
peuvent être contestées datent de 2011, mais la situation a eu tendance à stagner (surtout à ne pas s'aggraver)
entre 2011 et 2018.

À partir des données de l'empreinte écologique des pays, il a été proposé une présentation très frappante des
résultats, appelée « le jour du dépassement mondial », qui consiste à transformer les empreintes écologiques en
nombre de jours de l'année. Ainsi, comme l'empreinte écologique mondiale est de 1,75 (il faudrait 1,75 planète pour
que notre empreinte écologique puisse être supportée par notre environnement), et que nous avons à disposition
qu'une seule planète, et bien le 29 juillet 2019, nous avons atteint ses limites. Par conséquent, l'activité humaine
réalisée entre le 30 juillet et le 31 décembre a dégradé notre environnement. On observe sur le graphique que
depuis 1971 le dépassement mondial a progressé de 9 mois. Notons que la pandémie en 2020, avec le
ralentissement considérable de l'activité économique, a eu pour effet de rendre plus tardif le jour du dépassement
mondial. En 2020, ce jour est le 22 août.

D. Les nouveaux modèles économiques : économie circulaire et économie de la


fonctionnalité
Ces modèles économiques sont des alternatives au fonctionnement économique traditionnel, permettant de
concilier progrès humain et respect de l'environnement.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

1. L'économie circulaire
L'économie circulaire est un modèle d'activité économique que l'on peut rattacher à la soutenabilité faible, puisqu'il
ne remet pas en cause la croissance économique, à partir du moment où celle-ci est obtenue par le développement
d'activités reposant sur le principe d'économie des ressources conformément aux principes du développement
durable.
Dans le cadre de l'épuisement des ressources (matières premières agricoles et minières, eau, énergie) l'économie
circulaire vise à en limiter le prélèvement, pour ensuite limiter la consommation puis la production de déchets. Elle
permet donc de créer des richesses et de nouveaux emplois tout en respectant les contraintes écologiques et si
possible les principes de l'économie sociale et solidaire.
L'économie circulaire suppose aussi une modification du comportement du consommateur, un changement de la
norme de consommation et par conséquent une adhésion et une participation active des citoyens.

Définition Nations Unies


« L'économie circulaire est un système de production, d'échanges et de partage permettant le progrès social, la
préservation du capital naturel et développement économique tel que défini par la commission de Brundtland.
Son objectif ultime est de parvenir à découpler la croissance économique de l'épuisement des ressources naturelles
par la création de produits, services, modèles d'affaire et politiques publiques, innovants prenant en compte
l'ensemble des flux tout au long de la vie du produit ou service.
Ce modèle repose sur une utilisation optimum des ressources et sur la création de boucles de valeur positives. Il met
notamment l'accent sur de nouveaux modes de conception, production et consommation, le prolongement de la
durée d'usage des produits, la réutilisation et le recyclage des composants. »

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Représentation de l'économie circulaire (source ADEME)

Représentation de l'économie circulaire (source


ADEME)

L'économie circulaire concerne 3 domaines : la production , la consommation et la gestion des déchets et repose sur
7 principes :
L'éco-conception, l'écologie industrielle et territoriale,
L'économie de la fonctionnalité,
La consommation responsable,
La durabilité de l'utilisation,
La réparation,
La réutilisation,
Le recyclage.
Les produits doivent être conçus sobrement, pour une utilisation durable, pour être facilement réparables et en fin
de vie facilement déconstruits, les composants pouvant être réutilisés ou recyclés.
Le système repose sur la participation active et la coopération de toutes les parties prenantes, collectivités,
entreprises, fournisseurs. Le cadre local doit être privilégié pour éviter au maximum le transport, le commerce
équitable privilégié dans les approvisionnements et la consommation raisonnée en privilégiant le cadre de
l'économie de la fonctionnalité.

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

Exemple Activité rattachée à l'économie circulaire


Source ADEME1
Équiper les communes de solutions de compostage
D'ici 2025, la loi relative à la transition énergétique imposera la généralisation du tri à la source des déchets
organiques pour tous les producteurs de déchets.
Pour anticiper les dispositions de cette loi, la Communauté de communes Cœur du Var souhaite équiper 20 % des
foyers qui résident en habitat collectif, d'une solution de gestion de proximité (compostage de quartier ou en
établissement).
Le but est de valoriser les bio-déchets sous forme de fertilisant naturel utilisable par les usagers participants et les
services techniques communaux pour l'entretien des espaces verts.
L'opération a été lancée en août 2018. Elle vise à installer 15 composteurs partagés d'ici 2020, puis 15 autres
entre 2021 et 2023. Au total, ce sont 4 000 foyers qui sont visés par cette opération qui permettra de valoriser 50 kg
de déchets organiques par habitant.

E. L'économie de fonctionnalité
L'économie de la fonctionnalité peut être intégrée à l'économie circulaire. Elle remet en cause les fondements de la
consommation, il est donc important d'en présenter les principes fondamentaux.
Elle peut se définir comme un système privilégiant l'usage plutôt que l'achat et la propriété d'un produit, dans une
perspective de développement durable.
Le modèle économique ne repose plus sur la vente des biens, qui restent la propriété du producteur tout au long de
leur cycle de vie, mais sur l'usage des produits. L'économie de la fonctionnalité consiste donc en la substitution de la
vente d'un produit par la vente de son usage.
La valeur d'un produit pour le consommateur est contenue dans sa ou ses fonctions, donc des bénéfices qu'il retire
de son utilisation en fonction de ses besoins et non plus de la propriété du produit lui-même. Le fait que l'industriel
conserve la propriété du bien, constitue une incitation économique à la qualité et à la durabilité du produit.
L'allongement de la durée de vie des produits qui s'en suit contribue à la diminution de la consommation de
matières premières non renouvelables, ce qui favorise le développement durable.
Notons que l'économie de la fonctionnalité peut être connectée à l'économie collaborative dans laquelle les
consommateurs partagent l'usage et les coûts d'un produit ou d'un service. L'exemple le plus concret de ces
nouvelles pratiques est le co-voiturage tel qu'il est proposé par la société Blablacar, ou bien encore le partage de
places de parking dans les grandes agglomérations.

Complément Quelques illustrations du développement de l'économie de la fonctionnalité


Michelin propose aux entreprises de gérer les pneumatiques de leur flotte de camions sur le principe de l'usage :
avec la « fleet solution », le coût de l'entretien est facturé au kilomètre parcouru. Seule condition : posséder une
flotte comptant au minimum 200 poids lourds.
Chez Canon, un nouveau modèle économique est proposé : on n'achète plus l'imprimante, c'est l'impression qui
est facturée.
Et bien sûr, il faut parler des services de partage des moyens de transport (vélos, auto, trottinette) comme Velib et
Autolib qui fonctionnent sur ces nouveaux principes.

1 https://paca.ademe.fr/collectivites-et-secteur-public

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Le développement durable : le renouveau des analyses, des indicateurs et des logiques économiques

La possession ou
l'usage ?

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Les politiques environnementales

Les écolohumanistes1

V. Les politiques environnementales


A. Le climat, l'environnement, les équilibres écologiques : des biens communs parfois
mondiaux

1. Qu'est-ce qu'un bien commun ?


Les biens communs sont des biens qui sont le plus souvent rivaux (leur utilisation par un agent peut dégrader
l'utilisation par un autre agent), comme par l'exemple l'usage d'une matière première épuisable.

Rappel
Il y a rivalité pour tous les biens marchands, mais pas pour les biens libres (comme l'air) ni pour les services
publics (non marchands) comme la justice par exemple.

Et les biens communs sont difficilement excluables (on ne peut en limiter l'usage aux autres). Il est donc impossible
de faire payer l'utilisateur. Ils sont souvent épuisables ou très faiblement renouvelables. Les ressources
halieutiques, les nappes d'eau souterraines, le climat, la biodiversité, la qualité de l'air sont des biens communs.

2. La tragédie des biens communs


Dans une ville médiévale spécialisée dans l'élevage de moutons, les différentes familles possèdent un troupeau, et font
paître les moutons dans les pâturages communs entourant la ville. Aucune famille n'est propriétaire. Devant le succès
de leur activité, les familles augmentent la taille de leurs troupeaux, mais les pâturages sont toujours de la même
taille, ce qui entraîne l'épuisement des terres et l'effondrement de l'activité d'élevage.
Des solutions auraient pu être trouvées : réglementation de la taille des troupeaux, privatisation des terrains en
attribuant des parcelles aux familles, etc. Donc, droits de propriété...
Les biens communs sont porteurs d'externalités fortes, le plus souvent positives.
Un bien commun, comme la qualité de l'environnement, de l'air ou de l'eau profite à tous, mais personne n'a intérêt
à en financer l'entretien. Un bien commun génère donc des comportements de passager clandestin qui consiste à
profiter du bien sans payer.

Exemple
Pour les émissions de dioxyde de carbone (lié à la combustion du pétrole) à l'origine du réchauffement
climatique, chaque pays a intérêt à ce que les autres pays diminuent leurs émissions et à ne rien faire lui-même,
et plus les autres pays diminuent leurs émissions, moins les combustibles fossiles sont chers et plus il a intérêt à
en consommer !

En matière environnementale, il vaut mieux éviter la tragédie des communs et mettre en place des dispositifs de
gestion adaptés. On peut voir clairement à travers cette histoire de la tragédie des communs que les mécanismes de
marchés et la seule recherche de l'intérêt individuel ne peuvent à eux seuls permettre d'apporter une réponse
satisfaisante pour la gestion des bien communs et en particulier pour celle relative au climat.

1 https://lesecolohumanistes.fr/economie-fonctionnalite-exemple-velo/

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Les politiques environnementales

3. Comment gérer efficacement les biens communs ?


Il existe différentes solutions :
Accorder des droits de propriété. Il s'agit ainsi de rendre le bien excluable (et du coup, créer des inégalités
quant à son usage). Mais, l'avantage d'une telle solution est que les propriétaires auront intérêt à entretenir le
bien. Cette solution conduit à la privatisation des biens communs. Notons que si cela est envisageable pour
une forêt par exemple, cela ne l'est pas pour le climat.
Au contraire, étatiser le bien, c'est-à-dire développer la propriété collective des biens communs. Se pose alors
la question des biens communs mondiaux qui ne peuvent être étatisés c'est-à-dire confiés aux nations. Il
faudrait alors envisager la création d'une institution supranationale à laquelle adhéreraient tous les pays et qui
aurait comme finalité la gestion du climat.
Utiliser le pouvoir réglementaire des États comme la définition des quotas de pêche, normes anti-pollution,
l'interdiction de certaines activités ou produits, la création de parcs et réserves naturelles, etc.
Le prix Nobel d'économie de 2009, Elinor Ostrom propose une solution innovante avec la gestion communautaire
ou coopérative des ressources communes. Ses études comparatives de tels modes de gestion qui sont pratiqués
au niveau local montrent l'importance des institutions et de la confiance pour créer les conditions de l'adoption de
comportements coopératifs permettant de gérer ces ressources dans l'intérêt commun (y compris dans l'intérêt des
générations futures).

B. La nécessaire intervention des pouvoirs publics


Pour tenir compte des équilibres écologiques, limiter le réchauffement climatique et amorcer un développement
plus durable, l'intervention des pouvoirs publics est donc indispensable. Ces derniers peuvent mobiliser différents
types d'instruments comme la réglementation, les normes, les labels ou bien encore la fiscalité et les subventions.
Dans certains cas, les mécanismes de marché sont utilisés, mais ils doivent être suscités et mis en place par la
puissance publique.
Nous illustrerons notre propos essentiellement en nous appuyant sur les actions visant à mettre en place la
transition énergétique et de manière plus globale, sur les moyens de lutte contre le réchauffement climatique.

Complément Le climat est un bien commun


L'activité économique produit des externalités négatives du point de vue environnemental, dont les rejets de
gaz à effets de serre qui sont responsables du réchauffement climatique. Les coûts liés aux conséquences du
réchauffement climatique (inondations, sécheresse, incendies, etc.) supportés par certains agents ne sont pas
compensés monétairement par les agents qui en sont responsables.
Ces externalités négatives signifient la défaillance du marché (car le coût privé est inférieur au coût social), donc
la nécessité de l'intervention des pouvoirs publics. Mais comme il s'agit d'un bien commun mondial, les mesures
doivent être prises au niveau planétaire (davantage qu'au niveau national, niveau qui pour ce problème
encourage le phénomène de passager clandestin, voir par exemple l'attitude des États-Unis de D. Trump dans les
conférences pour le climat).
Idéalement, il faut mettre en place des accords, actions, incitations au niveau supranational (dont les décisions
s'imposent aux nations). C'est ce qui est fait sous l'égide des Nations Unies au niveau des conférences pour le
climat. En 2019 s'est tenue la dernière en date, la COP 25 de Madrid qui s'est achevée sur un constat d'échec

En fait, 2 types de méthodes peuvent être utilisés pour tenter de résoudre le problème du réchauffement
climatique : la contrainte et les incitations. Ces deux méthodes peuvent utiliser deux types d'instruments :
réglementaires et économiques.

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Les politiques environnementales

Exemple
Les taxes environnementales et les normes sont des contraintes réglementaires, les marchés de droits d'émission
de CO2 sont une incitation économique

On cherche :
À faire internaliser les coûts environnementaux par les agents qui en sont à l'origine (entreprises,
consommateurs) par les taxes ou les droits à polluer, par exemple.
Et/ou à faire directement diminuer les coûts environnementaux par des normes ou des interdictions.
La réglementation environnementale est toujours une contrainte, mais qui peut s'accompagner d'incitations.

1. Le rôle des normes et de la réglementation


La réglementation concerne l'interdiction directe ou indirecte, partielle ou totale de certaines externalités négatives
du comportement des agents, en matière environnementale. Le non-respect de la réglementation est sanctionné, ce
qui suppose l'efficacité du contrôle.
L'État peut donc lutter contre un problème lié à une externalité en obligeant ou en interdisant certains
comportements. Les réglementations environnementales peuvent prendre différentes formes : niveau maximal de
pollution émis par une usine, obligation d'adopter une technologie moins polluante, interdiction de certains
produits normes de fabrication (phosphates dans les lessives, pot catalytique, etc.), procédures d'autorisation
administratives de mise sur le marché (homologation des pesticides).
Notons, aussi la présence de normes incitatives comme les labels : Éco-Responsable ; ECO-Label ; ECO-Emballage ;
AB, Agriculture Biologique ; NF Environnement, ISO 26000, Commerce équitable dans le domaine de la
responsabilité sociale qui permettent aux industriels de valoriser leur effort en matière de développement durable,
au moins par une amélioration de leur image auprès des consommateurs.

Exemple Quelques exemples de réglementations et de normes dans le domaine environnemental


L'interdiction du gaz CFC (1987) présent dans les aérosols et responsable de la destruction de la couche
d'ozone, donc du réchauffement climatique.
La loi littoral, qui limite depuis 25 ans l'urbanisation à proximité du rivage et rend inconstructibles les
espaces naturels.
La réduction des émissions de CO2 des automobiles. L'UE est la première région du monde à introduire un
objectif moyen de 130 g de CO2 au kilomètre pour les voitures vendues sur le sol européen dès 2015. En 2021,
ce seuil passe à 95 grammes. Des pénalités financières sont fixées par l'UE à l'encontre des constructeurs en
cas de non-respect des limites d'émissions autorisées.
À cette norme est assortie en France une taxe et une incitation : le bonus-malus écologique. À partir du
1er janvier 2020, le malus maximum passe de 10 500 à 12 500 € et concernera les véhicules émettant dès
173 g/km contre 191 en 2019.
La réglementation européenne sur les pesticides (certaines substances hautement toxiques notamment
sont interdites, la pulvérisation aérienne est interdite, limitation des zones de pulvérisation, etc.).
Les quotas de pêche sont fixés par l'Union européenne afin de préserver la ressource halieutique.

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Les politiques environnementales

La réglementation est utile pour les pollutions jugées particulièrement dangereuses pour la santé ou dans le cas
d'irréversibilité des dommages (interdiction de l'amiante, par exemple). Pour qu'elle soir efficace, il faut également
qu'elle soit contrôlée et le cas échéant la non-conformité sanctionnée. D'autre part, son caractère uniforme pose
problème, puisqu'il ne permet pas de tenir compte de la plus ou moins grande difficulté à réduire les émissions. Elle
défavorise aussi les nouveaux entrants et les producteurs de petite taille et peut être parfois interprétée comme une
forme de protectionnisme. Enfin, dans certains cas, la réglementation n'est pas adaptée.

2. Le rôle des taxes


L'État peut faire internaliser les externalités négatives des activités des producteurs ou des consommateurs en
taxant ces activités, ou bien en subventionnant celles qui engendrent des externalités positives (prime pour
l'achat des véhicules électriques, par exemple).
C'est le principe du pollueur/payeur qui a été développé par l'économiste britannique Arthur Cecil Pigou. Il fut le
premier en 1920 à proposer une taxe payée par le pollueur pour chaque unité produite à hauteur du coût
environnemental provoqué. Il s'agit donc d'internaliser le coût environnemental et de l'intégrer au coût de
production. Les écotaxes comme la taxe carbone basées sur le principe de pollueur/payeur sont des taxes
pigouviennes.
La taxe carbone, comme les autres écotaxes, est un instrument fondé sur le prix des biens. Les écotaxes accroissent
le coût de certains biens et services, faisant décroître en cela la quantité demandée et produite (modification du
calcul du producteur, quand les coûts augmentent). On constate aussi que cet effet prix provoque des effets de
substitution vers des produits moins carbonés donc moins chers ou l'utilisation des transports en commun, du
covoiturage et des innovations de la part des industriels concernés pour réduire les émissions de carbone.
Une taxe est efficace si on fixe son montant à un niveau qui incite au changement de comportement. Il faut par
ailleurs tenir compte du fait que la taxe est toujours politiquement impopulaire d'autant plus que son montant qui
s'applique à tous quel que soit le niveau de revenu, en fait un outil très inégalitaire.

Exemple L'exemple de la taxe carbone


L'objectif de la taxe carbone ou Contribution Climat Énergie (CCE) est de réduire les émissions en dioxyde de
carbone. Elle a un sens économique et environnemental, car elle taxe l'externalité (production de CO2)
directement. Elle s'applique à toutes les énergies et son montant est proportionnel aux émissions de C02 par
chaque type de produit. C'est le consommateur de ce type d'énergies qui in fine paie cette taxe.
En France, cette taxe a été mise en place en 2014, comme dans 46 autres pays. Il s'agit d'encourager la transition
énergétique, d'inciter les consommateurs à réduire leurs émissions de CO2, principal responsable de l'effet de
serre, donc du réchauffement climatique.
Cette taxe de 7 € par tonne de C02 émise en 2014, devait être augmenter progressivement. De 30 € en 2017, elle
devait passer à 86 € en 2022 et 140 € en 2030. Mais en raison de la mobilisation des gilets jaunes contre cette taxe,
à la fin de 2018, elle est restée au niveau de 44,6 € la tonne.
Cette difficulté de mise en place illustre les limites de la taxation, qui pénalise les consommateurs les moins
fortunés, dans la mesure où la part de l'énergie dans leur budget est beaucoup plus importante que dans le
budget des consommateurs aisés. La taxe carbone a donc un caractère inégalitaire très prononcé qui nécessiterait
des mesures d'accompagnement ou de compensation.

3. Les subventions et les incitations fiscales


Les recettes fiscales de ces taxes et fiscalité environnementale peuvent être utilisées pour subventionner les
activités plus propres ou réparer les dommages de la pollution.

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Les politiques environnementales

Exemple
Les communes françaises ont bénéficié de subventions pour la dépollution ou d'une subvention pour la
rénovation de l'éclairage public.

Contrairement aux taxes, les subventions sont très populaires, au point d'être parfois très difficile à supprimer. Par
ailleurs, leur niveau doit être suffisant pour inciter le changement de comportement. Enfin, la subvention provoque
des effets d'aubaine, c'est-à-dire qu'elle bénéficie à des agents qui n'en ont pas besoin.

Exemple
On peut aussi citer le rachat aux particuliers à un tarif supérieur au prix de vente d'EDF, des excédents d'électricité
produits à l'aide d'énergies renouvelables.

4. L'utilisation de mécanismes de marché


Nous allons étudier les marchés de quotas d'émission encore appelés « droits à polluer » ou « permis d'émission »
ou « marché carbone ».
Il est à préciser que ce marché n'existe pas à l'initiative des agents privés : il a été décidé, imposé et organisé par la
puissance publique, à l'initiative de l'Union européenne en 2005. Il s'agit donc de l'utilisation de mécanismes de
marchés au service de la politique environnementale. Ces marchés ont été introduits dans l'UE, mais se sont
développés ailleurs ces dernières années comme en Chine, au Canada, en Australie ou en Californie.

Objectif
Il s'agit de réguler les émissions de carbone, gaz à effet de serre, en agissant sur les quantités et non directement
sur les prix comme dans le cas de la taxe carbone.
Les droits à polluer sont complémentaires de la taxe carbone dans la mesure où le marché des droits à polluer ne
peut s'appliquer qu'à un nombre limité de secteurs et d'entreprises (car les coûts de transaction sont très élevés).

Principes du système d'échange de quotas d'émission


1. L'autorité de régulation (l'UE, au nom du respect de ses engagements du protocole de Kyoto) fixe un objectif
global (réduction de 20 % des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 1990).
2. L'objectif est traduit en quotas d'émissions répartis par pays, par secteur et par entreprise (seuls les secteurs
les plus émetteurs sont concernés, puis le système est progressivement étendu à d'autres secteurs).
Les secteurs concernés : la combustion (production électrique, le chauffage urbain, les raffineries) et les
productions de métal, de ciment, de verre et de papier. Puis les compagnies aériennes seront intégrées au
système et ensuite d'autres activités.
3. Les entreprises peuvent s'échanger sur un marché spécifique ces quotas, la confrontation entre l'offre et la
demande fixant le prix de la tonne de carbone rejetée.
Les entreprises arbitrent en fonction du prix du carbone, entre :
Réduire leurs émissions pour ne pas avoir de droits nouveaux à acheter,
Acheter de nouveaux droits,
Réduire davantage leurs émissions afin d'être vendeuses sur le marché du carbone.
4. Désormais une partie des quotas n'est plus distribuée gratuitement aux entreprises, mais vendue aux enchères
(nouveau principe de leur répartition).
Le prix du carbone, issu de ce mécanisme des droits à polluer a favorisé des réductions d'émissions en Europe.

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Les politiques environnementales

Avantages et limites de la taxe et du marché carbone


Les taxes et marchés de quotas agissent directement sur les incitations financières des agents émetteurs de C02 et
permettent de moduler les efforts de réduction de manière économiquement efficace, c'est-à-dire en fonction des
coûts qu'engendre cette réduction. Les taxes procurent parallèlement une recette fiscale supplémentaire, de même
que les quotas d'émission lorsqu'ils sont vendus, notamment aux enchères.
Toutefois, pour que ces instruments atteignent leurs objectifs, le coût supplémentaire qu'ils représentent pour les
pollueurs doit être suffisamment élevé. Or, tant la taxe que le marché des quotas d'émission peuvent aboutir à la
fixation d'un prix trop faible pour le carbone, insuffisant pour inciter à une réduction assez forte des émissions. C'est
notamment le cas du marché européen du carbone, sur lequel le prix a été, presque toujours depuis son lancement,
très bas. La quantité totale de permis d'émissions mis sur le marché joue ici un rôle clé puisque le prix résulte de la
confrontation de l'offre et la demande.
Le problème de taxes ou d'un prix du carbone suffisamment dissuasif pour modifier les comportements, est la perte
de compétitivité des industriels qui y sont soumis, alors que leurs concurrents internationaux y échappent, cela
fausse donc la concurrence et nuit à la compétitivité des entreprises qui y sont soumises.
Les transactions sur le marché carbone ne concernent que 38 % des émissions de carbone de la France. C'est
l'importance des coûts de transaction liés à ce type de marché qui empêchent sa généralisation à tous les gaz à
effet de serre et à tous les agents économiques (ménages notamment).
Le marché du carbone ne peut s'appliquer qu'aux grandes entreprises et qu'aux secteurs d'activité les plus
concernés par l'émission de carbone, car les coûts de transaction (négociation avec les acteurs pour la répartition
des droits) et de surveillance (mesure des pollutions effectivement réalisé) des acteurs sont très élevés. Il faut aussi
être capable de mesurer la pollution des différents acteurs.
Le marché des droits à polluer n'est qu'un outil particulier parmi d'autres instruments, qu'il faut utiliser, mais en
complément des taxes et de la réglementation et des normes. Le choix entre ces différents outils, leur combinaison,
se fait en fonction de leur efficacité relative pour régler chaque problème ; il est aussi le fruit d'arbitrages, entre les
États, les groupes sociaux et les générations.

Complément

Évolution récente du prix de la tonne de


carbone sur le marché

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Synthèse

En 2018, tirant les leçons de ses erreurs, l'Europe entreprend une profonde réforme du système ETS : baisse du
plafond, généralisation du système des enchères, élargissement des secteurs concernés, etc. Mais rien n'y fait : les
mesures n'ont toujours pas d'impact sur le prix du carbone.
L'Europe adopte alors la mise en place d'une réserve de stabilité. Ce mécanisme permet de moduler
automatiquement la quantité de quotas mise aux enchères en fonction de la quantité de quotas en circulation, et
de retirer un nombre significatif de quotas. La réserve de stabilité va avoir pour effet d'absorber 2,3 milliards de
quotas à l'horizon 2023.
Les résultats ne se sont pas fait attendre : depuis 2018, le prix de la tonne de CO2 grimpe, comme l'illustre le
graphique ci-dessus.

Source : Ember, Carbon price viewer1, 04 juin 2021.

VI. Synthèse
La croissance économique a des limites liées à l'épuisement des ressources naturelles, à la remise en cause des
équilibres écologiques et climatiques et à la mauvaise qualité du développement humain.
La croissance économique que le monde a connu depuis la première révolution industrielle n'est plus soutenable.
Le développement durable doit permettre la satisfaction des besoins humains actuels sans compromettre celle des
générations futures.
Dans le développement durable les dimensions économiques, sociales et environnementales sont en interaction et
indissociables.
Notre développement doit être viable, vivable et équitable pour être durable.
Le développement durable repose sur des analyses en termes de complémentarité de quatre types de capitaux :
naturel, physique humain et social.
Le capital naturel, contrairement aux 3 autres, est faiblement reproductible et accumulable.
Le capital naturel remplit trois fonctions : de ressource pour produire, d'absorption de nos pollutions et de cadre de
vie.
Ces 4 types de capitaux sont partiellement substituables.

1 https://ember-climate.org/data/carbon-price-viewer/

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Synthèse

La thèse de la soutenabilité faible développe l'idée que la substitution entre les différents types de capitaux est
forte. Donc si le capital naturel diminue ou se dégrade, son prix va augmenter ce qui constituera une incitation pour
lui trouver des substituts générés par le capital humain et le capital physique.
Cette thèse est très optimiste, elle croît dans les possibilités sans limite de la science et de la technique.
La règle est simple : pour pallier la dégradation du capital naturel et pour maintenir un développement durable, il
suffit de maintenir au minimum le niveau d'investissement global des différents types de capitaux.
Pour Solow, il suffit que le taux d'épargne soit au moins égal au taux de dépréciation du capital physique et naturel.
Pour Kuznets, le niveau de développement humain conduit à la baisse des dégradations de l'environnement.
La thèse de la soutenabilité forte repose sur l'idée que le capital naturel est très faiblement substituable et donc que
toutes les atteintes apportées à l'environnement sont irrémédiables.
Les partisans de la décroissance vont encore plus loin ; il faut absolument produire moins et changer radicalement
nos modes de vie.
Le développement durable est difficile à mesurer par des indicateurs précis relatifs aux différents stocks de capitaux.
Néanmoins, plusieurs indicateurs ont été élaborés, comme l'épargne nette ajustée (aussi dénommée PIB vert),
l'Indicateur de Progrès Véritable (IPV) ou l'Empreinte Écologique.
La réflexion sur le développement durable a donné naissance à de nouveaux modèles économiques ; l'économie
circulaire et l'économie de la fonctionnalité.
L'économie circulaire vise à découpler l'activité économique de l'épuisement des ressources, par une éco
conception des produits, une production raisonnée, une consommation responsable et le recyclage des produits en
fin de vie.
L'économie de la fonctionnalité est un système économique qui repose sur la vente de l'usage d'un produit plutôt
que sur la vente du produit.
L'économie collaborative ou l'économie du partage sont aussi au service du développement durable.
L'analyse de l'environnement, des équilibres écologiques et climatiques repose sur l'analyse des biens communs.
Les biens communs environnementaux sont le plus souvent rivaux et non excluables.
Les biens communs environnementaux sont porteurs d'externalités positives fortes et génèrent des comportements
de passager clandestin.
Pour cette raison, il faut mettre en place des modes de gestion adaptés, le marché n'étant pas une bonne solution
en la matière.
Les interventions des pouvoirs publics sont indispensables pour la gestion des biens communs environnementaux.
Pour résoudre le problème du réchauffement, climatique la puissance publique peut utiliser 2 méthodes
(l'incitation et la contrainte) et 2 types d'outils (réglementaires et économiques).
L'objectif de la puissance publique en matière de politique environnementale est de faire internaliser les coûts
environnementaux par ceux qui en sont responsables et/ou de faire baisser les coûts environnementaux.
L'État ou une organisation supra-nationale comme la Commission de Bruxelles peuvent fixer des normes et des
réglementations, interdire la production de certains produits ou l'utilisation de certains procédés.
L'État peut favoriser l'éclosion de normes positives que sont les éco-labels par exemple.
Les pouvoirs publics peuvent aussi taxer les activités jugées les plus nuisibles (taxe carbone par exemple), en
appliquant le principe du pollueur/payeur.
Les pouvoirs publics peuvent aussi organiser des marchés comme celui du carbone pour inciter les pollueurs à des
comportements plus vertueux.
À l'inverse, l'État peut subventionner des substituts aux produits polluants (comme la voiture électrique par
exemple).

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Exercez-vous !

Aucun de ces outils n'est entièrement satisfaisant, ils comportent des avantages et des inconvénients. Il s'agit pour
chaque problème à résoudre, choisir l'outil le plus performant pour atteindre l'objectif fixé, voire d'associer
plusieurs outils pour traiter un problème (pour lutter contre le réchauffement climatique, nous avons adopté des
normes imposées aux constructeurs automobiles, des taxes sur les émissions de carbone liées aux carburants et
institué un marché carbone).

VII. Exercez-vous !
Exercice 1 : Quiz [solution n°1 p.31]

Question 1
Le développement durable a comme seul objectif de rendre compatibles activité économique et équilibres
écologiques et climatiques ?
 Vrai

 Faux

Question 2
En France, pour limiter les émissions de C02, on utilise (1 seule réponse juste) :

 La norme

 La taxe

 Le marché des droits à polluer

 Les subventions/crédit d'impôt

 Deux des outils mentionnés en réponse A, B, C, D

 Trois des outils mentionnés en réponse A, B, C, D

 La totalité des outils mentionnés en réponse A, B, C, D

Question 3
La soutenabilité faible signifie que les différents types de capitaux sont substituables et la soutenabilité forte que
le capital naturel est faiblement substituable ?
 Vrai

 Faux

Question 4
On peut rattacher l'économie circulaire et de la fonctionnalité au paradigme de la soutenabilité forte ?

 Vrai

 Faux

Question 5
L'économiste Kuznets est à l'origine de la théorie de la décroissance ?
 Vrai

 Faux

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Exercez-vous !

Question 6
La théorie de la soutenabilité repose sur l'analyse du stock des 3 catégories de capitaux : capital naturel, capital
humain et capital social ?
 Vrai

 Faux

Question 7
Les biens communs sont plutôt :
 Rivaux et excluables

 Non rivaux et non excluables

 Rivaux et non excluables

 Non rivaux et excluables

Question 8
Au niveau mondial, on échange davantage de produits agricoles, de combustibles et de produits miniers, que de
produits manufacturés ?

 Vrai

 Faux

Question 9
Hormis le capital naturel, les 3 autres types de capitaux sont construits ?
 Vrai

 Faux

Question 10
L'objectif d'une politique gouvernementale est :

 Internaliser les coûts environnementaux

 Faire baisser des coûts environnementaux

 Internaliser et faire baisser les coûts environnementaux

Question 11
Pour R. Solow, le niveau de développement humain conduit à la baisse des dégradations de l'environnement ?
 Vrai

 Faux

Question 12
Pour être durable, notre développement doit être viable, vivable et stable ?
 Vrai

 Faux

Question 13

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Solutions des exercices

Du point de vue du développement durable, les limites de la croissance sont uniquement liées à l'épuisement des
ressources naturelles et à la remise en cause des équilibres écologiques et climatiques.

 Vrai

 Faux

Solutions des exercices

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Solutions des exercices

Exercice p. 28 Solution n°1

Question 1

Le développement durable a comme seul objectif de rendre compatibles activité économique et équilibres
écologiques et climatiques ?
 Vrai
Non, le DD doit rendre compatibles activité économique, équilibres écologiques et climatiques et développement
humain.

 Faux
Vous avez raison, le DD doit rendre compatibles activité économique, équilibres écologiques et climatiques et
développement humain.

Question 2

En France, pour limiter les émissions de C02, on utilise (1 seule réponse juste) :
 La norme
Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 La taxe
Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 Le marché des droits à polluer


Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 Les subventions/crédit d'impôt


Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 Deux des outils mentionnés en réponse A, B, C, D


Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 Trois des outils mentionnés en réponse A, B, C, D


Réponse incomplète, en France nous utilisons les 4 outils mentionnés.

 La totalité des outils mentionnés en réponse A, B, C, D


Bonne réponse : en France les 4 outils mentionnés sont utilisés.

Question 3

La soutenabilité faible signifie que les différents types de capitaux sont substituables et la soutenabilité forte que
le capital naturel est faiblement substituable ?
 Vrai
Non, c'est l'inverse !

 Faux
Bravo, bonne réponse.

Question 4

On peut rattacher l'économie circulaire et de la fonctionnalité au paradigme de la soutenabilité forte ?

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Solutions des exercices

 Vrai
Non, l'économie circulaire et de la fonctionnalité se rattachent au paradigme de la soutenabilité faible.

 Faux
Effectivement, l'économie circulaire et de la fonctionnalité se rattachent au paradigme de la soutenabilité faible.

Question 5

L'économiste Kuznets est à l'origine de la théorie de la décroissance ?


 Vrai
Non, en France, c'est S. Latouche qui a développé la théorie de la décroissance.

 Faux
Effectivement en France, c'est S. Latouche qui a développé la théorie de la décroissance.

Question 6

La théorie de la soutenabilité repose sur l'analyse du stock des 3 catégories de capitaux : capital naturel, capital
humain et capital social ?
 Vrai
Réponse fausse, il manque le capital physique.

 Faux
Vous avez raison, il manque le capital physique.

Question 7

Les biens communs sont plutôt :


 Rivaux et excluables
Non, les biens communs sont plutôt rivaux et non excluables.

 Non rivaux et non excluables


Non, les biens communs sont plutôt rivaux et non excluables.

 Rivaux et non excluables

 Non rivaux et excluables


Non, les biens communs sont plutôt rivaux et non excluables.

Question 8

Au niveau mondial, on échange davantage de produits agricoles, de combustibles et de produits miniers, que de
produits manufacturés ?

 Vrai
Non, les produits agricoles, miniers et énergétiques représentent moins de 30 % des échanges de marchandises
contre plus de 70 % pour les produits manufacturés.

 Faux
Oui, les produits agricoles, miniers et énergétiques représentent moins de 30 % des échanges de marchandises
contre plus de 70 % pour les produits manufacturés.

Question 9

Hormis le capital naturel, les 3 autres types de capitaux sont construits ?

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Solutions des exercices

 Vrai
Oui, le capital physique, humain et social sont construits, leur stock peut donc s'accroître.

 Faux
Réponse inexacte : les 3 autres types de capitaux ne sont pas naturels, ils sont construits par l'action humaine.

Question 10

L'objectif d'une politique gouvernementale est :


 Internaliser les coûts environnementaux

 Faire baisser des coûts environnementaux

 Internaliser et faire baisser les coûts environnementaux

Question 11

Pour R. Solow, le niveau de développement humain conduit à la baisse des dégradations de l'environnement ?
 Vrai
Non, c'est la thèse de Kuznets.

 Faux
Effectivement, il s'agit de la thèse de Kuznets.

Question 12

Pour être durable, notre développement doit être viable, vivable et stable ?
 Vrai
Non, notre développement doit être viable, vivable et équitable.

 Faux
Bonne réponse ! Pour être durable, notre développement doit bien être viable, vivable et équitable.

Question 13

Du point de vue du développement durable, les limites de la croissance sont uniquement liées à l'épuisement des
ressources naturelles et à la remise en cause des équilibres écologiques et climatiques.

 Vrai
Non du point de vue du DD, il y a une troisième limite à la croissance : la mauvaise qualité du développement
humain.

 Faux
Vous avez raison, il y a également la limite de la mauvaise qualité du développement humain.

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