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Cours : Droit notarial

Auteur : Vincent Egéa


Leçon n° 1 : Le Notaire et son office

Table des matières


Section 1. Le notaire.................................................................................................................................................... p. 2
§1. Historique ..................................................................................................................................................................................... p. 2
§2. Le notaire : une définition.............................................................................................................................................................p. 2
A. Fonction du notaire..................................................................................................................................................................................................p. 2
B. Le statut du notaire................................................................................................................................................................................................. p. 4
Section 2. L’encadrement de la fonction de notaire.................................................................................................p. 5
§1. Les textes organisant la profession ............................................................................................................................................ p. 5
§2. Les organes représentatifs........................................................................................................................................................... p. 5
A. Les organes représentatifs locaux ......................................................................................................................................................................... p. 6
1. La chambre des notaires ........................................................................................................................................................................................................................ p. 7
2. Le Conseil régional des notaires............................................................................................................................................................................................................. p. 7
B. Le Conseil supérieur du notariat, organe représentatif national............................................................................................................................. p. 8
C. Le rôle du Congrès des notaires de France ......................................................................................................................................................... p. 8
Section 3. L’exercice de la profession de notaire ................................................................................................... p. 9
§1. L’office notarial .............................................................................................................................................................................p. 9
A. Les modalités d’exercice de la fonction notariale. ................................................................................................................................................. p. 9
B. Les membres de l’office.......................................................................................................................................................................................... p. 9
§2. Les obligations du notaire...........................................................................................................................................................p. 10
A. Les interdictions..................................................................................................................................................................................................... p. 10
B. Les devoirs ........................................................................................................................................................................................................... p. 12

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Le notaire est évidemment au centre de ce que l’on pourrait nommer le « droit notarial ». Une telle dénomination
n’a cependant qu’une vertu pédagogique et ne correspond en rien à une quelconque division matérielle du droit
positif de caractère opératoire. Pour être exact, l’expression « droit notarial » désigne les règles de droit qui sont
mises en œuvre par un professionnel du droit particulier : le notaire.

Il paraît donc somme toute assez logique de débuter cette étude par une présentation de ce professionnel du droit
qu’est le notaire (Section 1). Une telle présentation serait cependant bien incomplète si elle ne s’intéressait pas
au cadre d’exercice actuel de la profession de notaire qui est l’office (Section 2), ou pourrait-on dire son étude.

Section 1. Le notaire
Pour bien définir le notaire en droit positif (§2), il convient préalablement de procéder à un rappel historique (§1).

§1. Historique
Les origines de la profession de notaires sont particulièrement anciennes. Il semble établi qu’en Egypte, déjà,
les scribes étaient chargés de la rédaction des actes. De même, il semble qu’à Babylone, en Grèce et chez
les hébreux, il existait déjà des intermédiaires instruits et éclairés chargés de rédiger des actes pour le compte
d’autrui. Cela étant, une grande diversité des fonctions et statuts semble avoir existé (J.-F. Pillebout, J-Cl.
Notariat formulaire, Fasc. 10 : Notariat – Historique, n° 1 et s.). A Rome, ce sont les tabellionnes qui rédigeaient
des conventions qui ne bénéficiaient cependant pas de la pleine authenticité. Dans le dictionnaire de la culture
juridique, J. Hilaire retrace l’histoire du notariat français (J. Hilaire, V° Notaire, in Dict. cult. Juridique, dir. S. Rials
et D. Alland, éd. PUF et Lamy, 2003.). Le notariat actuel plonge ses racines dans le notariat public, apparue
dans les pays de droit écrit, en France, à partir du XIIe siècle. Il n’est pas surprenant que le notaire, de par sa
fonction d’authentification et de conservation des actes se soient d’abord développé dans les provinces du sud
de la France, pays de droit écrit. Ainsi l’authentification par un notaire remplace le système d’authentification
faite par l’apposition du sceau d’un magistrat. L’acte rédigé par le notaire est quant à lui authentique parce que
rédigé par le notaire.

Si sous l’ancien droit les notaires sont apparus très tôt dans les pays du Sud, pays de droit écrit et que
l’authentification des actes juridiques existait déjà et passait alors par l’apposition d’un sceau du notaire, une
très grande diversité se constatait alors quant à l’organisation du notariat. Certains notaires étaient rattachés à
l’Eglise, d’autres aux seigneurs. Il existait enfin des notaires apostoliques (sur cette diversité, cf. J. de Poulpiquet,
n° 6).

Dans les pays de droit coutumier en revanche, la fonction de notaire apparaît plus tardivement. Suite à édit de
Charlemagne et surtout de Saint-Louis, le notariat est organisé.

Il semble que le notariat ait connu un période de déclin à partir du début du XVIe siècle, dû notamment à
l’abandon de l’emploi du latin, à l’hérédité et à la vénalité des offices (J. De Poulpiquet, n° 7 et 8). Ce sera la
Révolution qui fera renaître la profession de notaire, par l’abolition de l’hérédité et de la vénalité des charges,
par l’unification du notariat. En définitive, la loi du 25 ventôse an XI (c’est à dire le 16 mars 1803) constitue le
texte fondateur du notariat moderne.

§2. Le notaire : une définition


Définir ce professionnel du droit particulier qu’est le notaire nécessite d’une part de s’intéresser à la fonction du
notaire (A), avant d’expliquer d’autre part le statut du notaire (B).

A. Fonction du notaire
En droit positif, selon le Vocabulaire juridique, rédigé sous la direction de Cornu (éd. PUF), le notaire est
« l’officier public qui a pour fonction de recevoir, dans l’étendue de son ressort, les actes auxquels les parties
doivent ou veulent donner un caractère authentique, d’en assurer la date, d’en conserver le dépôt et d’en
délivrer des copies exécutoires (grosses) et des expéditions ». Ces dernières sont des copies avec certification
de conformité à la minute, c'est-à-dire à l’original de l’acte authentique.

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D’emblée, il faut souligner qu’une telle définition met en avant :

Le statut du notaire La fonction du notaire Les actes du notaire

Le notaire est un agent public. Le notaire a pour fonction L’acte notarié est un acte
d’assurer l’authentification, la authentique qui a une place
conservation et la délivrance des particulière dans la hiérarchie
actes. française des actes juridiques
(Cf. infra.). L’acte authentique
est l’acte juridique le plus
incontestable, c'est-à-dire doté
de la plus grande force probante.

La définition précédemment rappelée évoque aussi la compétence du notaire « dans l’étendue de son ressort ».
Quelle est la compétence territoriale du notaire ?

Un décret du 29 avril 1986 a étendu la compétence territoriale du notaire à l’ensemble du territoire national.

Cette compétence territoriale large ne trouve une limite qu’en matière d’actes dits « répétitifs ». Ces derniers ne
pourront être reçus que dans le ressort de la Cour d’appel ou des tribunaux de grande instance limitrophes.

Au-delà de cette compétence territoriale élargie, l’on peut donc retenir de la définition du notaire précédemment
rappelée les traits caractéristiques suivants :
• un statut (officier public et ministériel) ;
• une fonction (authentifier et conserver des actes) ;
• des actes spécifiques (les actes notariés sont des actes authentiques).

Remarque
L’on pourra ajouter à ces trois traits caractéristiques une définition du Conseiller d’Etat Réal, dans l’exposé
des motifs de la loi du 25 Ventôse an XI, demeurée très célèbre et qui définissait ce que l’on pourrait nommer
l’office du notaire, au sens de charge du notaire : « Ces conseils désintéressés, ces rédacteurs impartiaux,
cette espèce de juges volontaires qui obligent irrévocablement les parties contractantes, sont les notaires ».

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B. Le statut du notaire
Le notaire présente la particularité d’être un officier public et ministériel. Selon le vocabulaire juridique rédigé
sous la direction de Cornu (éd. PUF), l’officier ministériel est titulaire d’une charge – d’une fonction publique
- rattachée à l’administration de la justice, alors que l’officier public est titulaire d’un office non rattaché à
l’administration de la justice. Il faut reconnaître au demeurant, avec les auteurs du Vocabulaire juridique, que
la distinction tend à s’estomper puisque la réglementation est en partie commune et que les officiers publics et
ministériels sont tous propriétaires de leur office et rémunérés par leur clientèle.

D’un point de vue strictement statutaire, le notaire n’est bien évidemment pas un fonctionnaire. Pour autant,
d’un point de vue fonctionnel, il n’est sans doute pas inexact d’affirmer comme le fait Mme de Poulpiquet que
le notaire « assume une mission de service public dont la permanence et la continuité doivent être maintenues.
Le notaire doit être toujours disponible. Il n’y a pas de fermeture des études en dehors des dimanches et jours
fériés. On peut, à tout instant, en cas d’urgence, demander à un notaire d’instrumenter. Il ne peut s’y refuser.
La pérennité de son office est assurée par la transmission des minutes et de la comptabilité à son successeur.
Il est nommé par arrêté du garde des Sceaux. Cette nomination, toutefois, a lieu en principe sur la présentation
de son prédécesseur. Après cette nomination, le notaire exerce sa fonction sous la surveillance et le contrôle
des parquets sans être subordonné à l’autorité hiérarchique du garde des Sceaux. Sa rémunération n’est pas
libre, mais tarifée par la loi » (J. De Poulpiquet, Rép. Civ. Dalloz, V° Notaire, n° 10).

A cette énumération, il convient d’ajouter sans doute d’autres éléments qui attestent de cette mission de service
public assumée par le notaire.

• D’une part, le notaire joue un rôle central en matière de publicité foncière et hypothécaire (cf. infra). On
peut là aussi y voir une fonction tout à fait spécifique directement liée à la sécurité juridique.
• D’autre part, le notaire a une tâche importante en matière de fiscalité, par exemple en ce qui concerne les
droits de mutation à titre gratuit.

Parce qu’il est chargé par la puissance publique de cette mission de service public, le notaire est statutairement
un officier public. C’est la raison pour laquelle il appose son sceau sur les actes juridiques et que ses certains
actes notariés sont énumérés par l’article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des voies civiles
d’exécution parmi les titres exécutoires.

Remarque
Il convient ici de noter que ce texte sera remplacé à compter du 1er juin 2012 par le Code des voies d’exécution,
suite à l’ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 qui codifie « à droit constant le droit français des
voies d’exécution ».

Pour autant, il serait erroné de cantonner la fonction du notaire à cette seule mission de service public. A bien
des égards en effet, le notaire exerce aussi une profession libérale. Cette affirmation fait l’objet il est vrai de
débats et controverses (cf. J. de Poulpiquet, op. cit., n° 11 et s.). Ces éléments ont été particulièrement visibles
à l’occasion des discussions menées dans le cadre de la Commission Darrois dont les travaux ont servi de
base pour la rédaction de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou
juridiques et certaines professions règlementées.

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Section 2. L’encadrement de la fonction de notaire
La profession de notaire est très strictement encadrée. Ceci ne surprend guère au regard du rôle joué par le
notaire en droit positif. L’encadrement strict de la fonction de notaire est donc un gage de sécurité juridique. Il
s’exprime d’une part au travers des textes organisant la profession (§1) et d’autre part au travers de la création
d’organes représentatifs (§2).

§1. Les textes organisant la profession


La loi du 25 ventôse an XI constitue le texte fondateur de l’organisation française du notariat. En deux siècles,
cette loi a subi des modifications et réformes, notamment opérées par une loi n° 66-1012 du 28 décembre 1966,
par les décrets n° 71-941 et 71-942 du 26 novembre 1971. Pour autant, les fondements de la profession de
notaire mis en place par la loi du 25 ventôse an XI continuent aujourd’hui encore de définir cette profession.

D’un point de vue statutaire, la profession de notaire est organisée par une importante ordonnance n° 45-2590
du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, et par un décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour
l’application du statut du notariat. Ces textes font régulièrement l’objet de modifications. La dernière en date a été
introduite par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative aux professions judiciaires, dite loi « Béteille »,
qui a, notamment, mis en place une importante obligation de formation continue du notaire (cf. art. 1 quater
de l’ord. n° 45-2590 du 2 nov. 1945, dans sa réd. issue de la loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010).

L’article 1er de cette ordonnance définit la fonction de notaire : « Les notaires sont les officiers publics,
établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère
d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en
délivrer des grosses et expéditions ».

Le notaire occupe donc une place centrale en droit français, puisqu’il est chargé d’une importante fonction
d’authentification des actes juridiques. Une telle fonction a un lien direct avec l’impératif de sécurité
juridique. Pour autant, il serait erroné de cantonner le notaire à cette seule fonction d’authentification des actes.
A côté de cette fonction première, il existe en effet d’autres fonctions, très importantes qui en sont le complément
direct, telles que la conservation des actes ou encore la délivrance de copie. L’article 1er de l’ordonnance n°
45-2590 du 2 novembre 1945 est explicite sur ce point. Les fonctions de conservation des actes et de délivrance
de copies constituent des conséquences directes de la fonction d’authentification des actes. Elles en sont à la
fois le support et le prolongement.
De manière plus large, le notaire est aussi investi d’une importante mission de conseil juridique, à propos
des actes qu’il rédige bien sûr. Nous verrons en effet (cf. infra) que, tenu d’assurer l’efficacité juridique des
actes qu’il rédige, le notaire est investi d’un devoir de conseil important et répond à ce titre d’une responsabilité
professionnelle. Cela étant, la mission de conseil peut en réalité dépasser le cadre strict des actes rédigés par
le notaire pour concerner des questions juridiques qui ne donneront pas nécessairement lieu à la rédaction d’un
acte.
Ensuite, le texte détermine les organes représentatifs de la profession, tant au niveau local que national, en
précise la composition et les attributions (cf. infra).

A ce texte, il faut ajouter également un important décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes rédigés
par les notaires. Ce texte, qui fera l’objet d’une étude plus détaillée lors du thème consacré à l’acte notarié (cf.
infra), fixe un nombre important de règles en matière de rédaction et de conservation des actes notariés.

§2. Les organes représentatifs


L’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, et le décret n° 45-0117 du 19
décembre 1945 pris pour l’application du statut du notariat, organisent des organes représentatifs locaux (A), les
chambres des notaires (département) et le conseil régional des notaires (ressort de Cour d’appel), mais aussi le
Conseil supérieur du notariat, organe représentatif national (B). Il faut ajouter le rôle joué par le congrès annuel
des notaires de France (C) qui ne constitue pas, à proprement parler, un organe représentatif de la profession,
mais dont l’importance et la qualité des travaux sont tels que les rapports de clôture exercent une véritable
influence tant sur la pratique notariale que sur le pouvoir législatif et exécutif.

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Juridiquement, ces organes représentatifs de la profession de notaires sont des groupements d’utilité publique.

A. Les organes représentatifs locaux


Les organes représentatifs locaux sont organisés sur une division géographique et territoriale relativement
simple. Dans chaque département se trouve en principe une chambre des notaires (1). Un Conseil régional

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des notaires est constitué dans chaque ressort de Cour d’Appel (2). Par souci de clarté de la présentation, les
attributions de ces organes représentatifs locaux seront présentées sous forme de schéma.

1. La chambre des notaires


Comme indiqué précédemment, la chambre de notaires est l’organe représentatif du notariat à l’échelle d’un
département. La chambre des notaires a pour attributions :

2. Le Conseil régional des notaires


Le Conseil régional des notaires correspond quant à lui au ressort territorial des Cours d’appel. Par conséquent,
un Conseil régional des notaires représente la profession de notaire sur le territoire de plusieurs chambres de
notaires. Hiérarchiquement, le Conseil régional des notaires se trouve placé à un rang supérieur à celui des
chambres de notaires qu’il regroupe.

Les attributions des Conseils régionaux des notaires peuvent être ainsi synthétisées :

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B. Le Conseil supérieur du notariat, organe représentatif national

C. Le rôle du Congrès des notaires de France


Le Congrès des notaires de France (Sur le Congrès des notaires de France, cf. J.-F. Pillebout, J.-Cl. Notariat
Formulaires, Fasc. 62, Congrès des notaires de France) ne constitue pas, à proprement parler, un organe
représentatif de la profession de notaire. Son importance doit cependant être soulignée car le Congrès des
notaires de France joue un rôle fondamental en pratique.

D’un point de vue juridique, le Congrès des notaires de France qui est une manifestation professionnelle
annuelle, est organisé depuis 1999 par une Association du Congrès des Notaires de France.

Le rôle important du Congrès des notaires de France s’explique sans doute par le nombre très important de
participants. Plus de 3000 congressistes participent en effet chaque année à ce congrès, ce qui représente
un peu moins de la moitié des notaires de France. Un tel chiffre est considérable pour une telle réunion
professionnelle.

Le rôle du Congrès des notaires de France est double. D’une part, il a pour vocation d’attirer l’attention du
législateur et du pouvoir exécutif sur des difficultés d’ordre pratiques et professionnelles. Il s’agit ainsi de
susciter des réformes. D’autre part, les discussions menées lors du Congrès des notaires de France fournissent
souvent d’importantes réponses pratiques et opératoires aux professionnels.

Chaque année, le Congrès des notaires de France place ses travaux sous le signe d’un thème de réflexion et
d’étude spécifique. Ainsi le Congrès des notaires de France de 2012, qui se tiendra à Montpellier aura pour
thème « la transmission ». Le Congrès des notaires de France de 2011, qui s’est déroulé à Cannes avait pour
thème « le financement, les moyens de ses projets, la maîtrise des risques ».

A plusieurs reprises, des réformes législatives ont pu apparaître comme les reprises de propositions formulées
lors du Congrès des notaires de France.

Exemple
L’on peut citer (Cet exemple est donné par M. J.-F. Pillebout dans son fascicule précisément consacré au
Congrès des notaires de France (op. cit.), n° 19.) ainsi les donations-partage transgénérationnelles consacrées
par l’importante loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 de réforme des successions et qui a tenu compte ainsi des
souhaits exprimés par le notariat dès le Congrès de Deauville en 1975, puis de Versailles en 1984 et enfin
de Lille en 2000. L’influence normative des travaux des notaires est donc loin d’être négligeable. Elle tient
notamment à la qualité de ces études faites.

Dans cette perspective, l’on recommandera la lecture de l’Annexe rédigée par M. J.-F. Pillebout à la fin d’un
fascicule juris-classeur consacré au Congrès des notaires de France et qui recense scrupuleusement les
différentes avancées législatives reprises des propositions formulées par le notariat à l’occasion du Congrès
annuel.

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Section 3. L’exercice de la profession de notaire
L’exercice de la profession de notaire concerne la pratique quotidienne du notaire. Cette pratique s’effectue au
sein d’un office notarial (§1) et repose sur des obligations juridiques strictement définies (§2).

§1. L’office notarial


A. Les modalités d’exercice de la fonction notariale.
Plusieurs modalités d’exercice de la fonction de notaire existent désormais. Depuis la loi du 31 décembre 1990,
le notaire conserve bien sûr la possibilité d’exercer sa fonction à titre individuel. Cela étant, il peut également
être associé d’une société civile professionnelle ou bien d’une société d’exercice libéral. Le notaire peut
également être salarié.

La récente loi de réforme des professions judiciaires du 22 décembre 2010 n’a pas apporté de modification sur
ce point. Ses principales innovations, pour le notariat, concernent la formation continue.

La possibilité d’exercer la fonction de notaire en qualité d’associé doit être mise en perspective avec la numerus
clausus des notaires. Le nombre de notaires n’est en effet pas illimité. C’est le garde des sceaux qui a
compétence pour créer, transférer voire supprimer un office notarial. En ce sens, il convient de parler d’un
véritable numerus clausus. En revanche, au sein d’une même société, le nombre de notaires associés ou le
nombre de notaires salariés ne rencontre point de limitation. Ainsi le numerus clausus ne concerne que les
études puisque par le biais de l’association le nombre de notaires ne connaît plus de limitation.
L’office notarial constitue le cadre d’exercice, matériel et juridique, de la profession de notaires.

B. Les membres de l’office


L’on peut énumérer ainsi les membres de l’office notarial :

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L’assistant notarial A pour fonction d’assurer un travail de secrétariat
de l’étude. L’assistant notarial peut même, selon la
taille de l’office notarial qui l’emploie, être chargé de
la constitution de dossier par exemple en sollicitant
des clients la production de pièces et autres
informations nécessaire à la rédaction prochaine
d’un acte.

Le « formaliste » Est un clerc employé de l’office notarial qui


a généralement une double fonction. Avant la
rédaction de l’acte, le formaliste recueille l’ensemble
des pièces nécessaires à ladite rédaction. Il
s’agit de préparer cette fameuse rédaction en
demandant toute une série de pièces, telles que des
justificatifs d’identité ou de domicile par exemple.
Juridiquement, le formaliste a aussi en charge
de vérifier le contenu des actes, afin là encore
d’en préparer la rédaction. Après la rédaction de
l’acte, le formaliste a généralement pour fonction
de procéder aux formalités nécessaires pour le
dépôt de l’acte. Ainsi le formaliste peut être
chargé par exemple de déposer une hypothèque
constituée auprès du bureau des hypothèques. De
manière concrète, il sera donc souvent en lien non
seulement avec le notaire qui l’emploie, mais aussi
avec les clients de l’office d’une part et avec les
différentes administrations qui assurent la publicité
des actes d’autre part.

Le « comptable taxateur » Désigne la fonction occupée par un comptable, c’est


à dire un professionnel du chiffre qui a une tâche
particulière au sein d’un office notarial puisqu’il
est non seulement chargé de la gestion de l’office
(fonction de comptable) mais aussi du calcul de la
part d’impôts versée à l’Etat pour chaque acte.

Des juristes débutants ou confirmés Sont employés par les offices notariaux.
Collaborateur du notaire, le juriste prépare les
dossiers et les projets d’actes pour le notaire. Ce
sont des juristes qui sont en général en lien avec les
clients de l’office et jouent un rôle central aux côtés
du notaire.

Un négociateur immobilier Peut également exister dans certains offices,


généralement de taille moyenne ou importante. Cet
employé de l’office a en charge les contrats de
vente et les contrats de bail de biens immobiliers. Le
négociateur immobilier peut non seulement délivrer
une information aux clients de l’office relative à
l’acquisition immobilière par exemple. Il peut aussi
faire visiter des biens ou rédiger des états des lieux,
lorsque la gestion de ces biens est confiée à l’office
notarial qui l’emploie.

§2. Les obligations du notaire


Les obligations pesant sur le notaire sont de deux ordres. A côté d’interdictions faites au notaire (A), des devoirs
pèsent sur lui (B).

A. Les interdictions
Au titre des obligations juridiques du notaire, il convient d’évoquer déjà les interdictions de recevoir certains actes
de proches parents ou alliés. Nous reviendrons sur cette interdiction en étudiant l’acte notarié. Pour autant, il

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convient d’ores et déjà de mentionner au titre des obligations juridiques du notaire la nécessité d’observer une
forme de neutralité qui évince par voie de conséquence l’acte rédigé au profit d’un proche.

Au-delà de cette interdiction très générale, le notaire est soumis à d’importantes obligations, fixées notamment
par le décret n° 45-117 du 19 décembre 1945.

Ainsi l’article 13 énumère une longue série d’interdiction : « Art. 13. - Il est interdit aux notaires, soit par
eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :
1° De se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage;
2° De s'immiscer dans l'administration d'aucune société ou entreprise de commerce ou d'industrie;
3° De faire des spéculations relatives à l'acquisition et à la revente des immeubles, à la cession des créances,
droits successifs, actions industrielles et autres droits incorporels;
4° De s'intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère;
5° De recevoir ou conserver des fonds, à charge d'en servir l'intérêt;
6° De se constituer garants ou cautions, à quelque titre que ce soit, des prêts à la négociation desquels ils
auraient participé, comme aussi de ceux dont les actes seraient dressés par eux ou avec leur participation;
7° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus;
8° De consentir avec leurs deniers personnels des prêts qui ne seraient pas constatés par acte authentique;
9° De contracter pour leur propre compte aucun emprunt par souscription de billet sous seing privé ».

Cet article, malgré sa lettre rigoureuse, reçoit tout de même une interprétation qualifiée de « souple », en ce
qui concerne l’interdiction des opérations spéculatives (J. de Poulpiquet, op. cit., n° 42). Est interdite en effet
la recherche systématique et répétée du profit par ce type d’opérations, à titre habituel. En ce qui concerne en
revanche son patrimoine personnel, le notaire peut procéder à des opérations boursières.

Un autre assouplissement est apporté par l’article 13-1 du décret, à propos du droit des sociétés. Ce texte
dispose en effet que par dérogation aux dispositions du 2° de l'article 13, un notaire peut être administrateur ou
membre du conseil de surveillance d'une société par actions. Lorsqu'il exerce ces fonctions, il ne peut recevoir
les actes de la société.

Le notaire élu dans l'une de ces fonctions en informe, dans les quinze jours, le procureur de la République et le
président de la chambre des notaires. Il joint à sa déclaration un exemplaire des statuts sociaux et, lorsque la
société a au moins un an d'activité, une copie du dernier bilan. Il lui est délivré récépissé de sa déclaration.

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D’autres opérations, liées notamment aux opérations comptables, sont également prohibées. Ainsi, il est interdit
au notaire :

« 1° D'employer, même temporairement, les sommes ou valeurs dont ils sont constitués détenteurs, à un titre
quelconque, à un usage auquel elles ne seraient pas destinées, et notamment de les placer en leur nom
personnel;
2° De retenir, même en cas d'opposition, les sommes qui doivent être versées par eux à la caisse des dépôts
et consignations dans les cas prévus par les lois, décrets ou règlements;
3° De recevoir ou conserver aucune somme en vue de son placement par prêt, si celui-ci ne doit pas être
constaté par acte authentique;
4° De négocier, de rédiger, de faire signer des billets ou reconnaissances sous seing privé et de s'immiscer
de quelque manière que ce soit dans la négociation, l'établissement ou la prorogation de tels billets ou
reconnaissances;
5° De négocier des prêts autres qu'en la forme authentique et qu'assortis d'une sûreté réelle ou de la caution
d'un établissement financier ou bancaire ;
6° De laisser intervenir leurs clercs sans un mandat écrit dans les actes qu'ils reçoivent ».

B. Les devoirs
La première des obligations pesant sur le notaire est l’obligation de recevoir les actes authentiques lorsqu’il
en est requis par la loi, on parlera alors d’actes obligatoirement authentiques, ou par les parties. Dans cette
seconde hypothèse, ce sont les parties à l’acte qui, volontairement, soumettent l’acte au notaire.

Comme le notaire est un officier public, il ne saurait refuser de recevoir ces actes authentiques, sauf bien
évidemment lorsqu’il est frappé d’une interdiction de recevoir.

Par ailleurs, le notaire est tenu de respecter la tarification de certains actes déterminée par les autorités
publiques. On parle alors des émoluments du notaire, dont le montant est fixé par décret. Ce montant peut
être fixe ou proportionnel à la valeur de l’acte.

En savoir plus : Les émoluments


Cette détermination du montant des émoluments est faite par un décret n° 78-262 du 8 mars 1978, récemment
modifié par un décret n° 2011-188 du 17 février 2011.

A côté de ces émoluments, le notaire peut également percevoir des honoraires. Les émoluments sont alors
perçus pour les actes pour lesquels le pouvoir exécutif n’a pas fixé de tarif. La rémunération est alors librement
convenue entre le notaire et le client.

En savoir plus : Les modes de rémunération


Cette dualité des modes de rémunération entre émoluments et honoraires reflète parfaitement le double statut
du notaire, à la fois officier public et professionnel libéral.

Au-delà de cette obligation le notaire est ensuite tenu de respecter un certain nombre d’obligations directement
issues de sa fonction de rédacteur d’actes authentiques. Ainsi, il est tenu de conserver les actes en minute.
Par ailleurs, il est tenu de délivrer des copies de ces actes, quand il en est requis. Ces obligations seront
détaillées plus avant dans le thème consacré à l’acte notarié.

Deux autres obligations sont liées à la fonction d’authentification du notaire.

• D’une part, le notaire est tenu de conserver les actes en minute (cf. infra acte notarié) ;
• D’autre part, le notaire est tenu de délivrer des copies des actes qu’il conserve, quand il en est requis.

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 2 : L'acte notarié

Table des matières


Section 1. Utilité de l’acte notarié ............................................................................................................................. p. 3
§1. La distinction entre acte authentique et acte sous seing privé.................................................................................................... p. 3
§2. Les qualités de l’acte notarié ...................................................................................................................................................... p. 4
A. La date certaine.......................................................................................................................................................................................................p. 4
B. La conservation de l’acte authentique.....................................................................................................................................................................p. 4
C. La force exécutoire ................................................................................................................................................................................................ p. 5
§3. Le recours à l’acte notarié............................................................................................................................................................p. 6
Section 2. La rédaction de l’acte notarié .................................................................................................................. p. 7
§1. La manière de rédiger ................................................................................................................................................................. p. 7
A. Le contenu de l’acte ...............................................................................................................................................................................................p. 7
B. La forme de l’acte....................................................................................................................................................................................................p. 7
§2. Les interdictions de recevoir.........................................................................................................................................................p. 8
§3. La rédaction par un clerc de notaire............................................................................................................................................ p. 8
Section 3. La contestation de l’acte notarié............................................................................................................ p. 10
§1. Charge de la preuve...................................................................................................................................................................p. 10
§2. L’inscription de faux à dire incident............................................................................................................................................ p. 11
§3. L’inscription de faux à titre principal........................................................................................................................................... p. 11

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L’acte notarié se trouve au cœur de l’exercice de la profession de notaire. C’est par l’acte notarié et dans l’acte
notarié que s’exprime l’authentification dont le notaire a la lourde charge.

L’acte notarié est un mode de preuve, par écrit, doté de la plus haute force probante concevable.
Dit autrement, la véracité d’un acte notarié est particulièrement difficile à contester car il s’agit d’un acte
authentique et non pas d’un simple acte sous seing privé.

Classiquement, il convient ici d’établir une distinction fondamentale entre la force probante de deux catégories
d’actes juridiques, les actes sous seing privé et les actes authentiques. Très simplement, l’acte sous seing
privé a une force probante dont l’intensité est inférieure à celle des actes authentiques. Une telle
présentation classique doit aujourd’hui être complétée en raison de la création récente d’un acte, l’acte avec
contreseing d’avocat.

En savoir plus : L’acte avec contreseing d’avocat


Créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et
certaines professions réglementées, l’acte sous contreseing d’avocat créé un échelon entre l’acte sous seing
privé et l’acte authentique.

En effet, l’article 66-3-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2011-331 du 28 mars
2011, dispose qu’en contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement les parties
qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

Le texte suivant précise quant à lui que l’acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des
parties ou par l’avocat de toutes les parties fait pleine foi de l’écriture et de la signature de celles-ci tant à leur
égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile
lui est applicable.

Cette précision étant faite, il convient donc de présenter l’utilité de l’acte notarié (Section 1), avant de voir sa
rédaction (Section 2) et sa contestation (Section 3).

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Section 1. Utilité de l’acte notarié
§1. La distinction entre acte authentique et acte sous seing privé
Ainsi peut-on classer les actes juridiques, en fonction de leur force probante, selon un schéma :

On le voit à la lecture du schéma qui précède, la force probante particulièrement importante de l’acte authentique
est liée à la qualité de son auteur. C’est parce qu’il est rédigé par un officier public que l’acte authentique sera
bien plus difficile à contester qu’un acte sous seing privé.

L’acte sous seing privé, comme l’indique le schéma qui précède, est rédigé par les parties à l’acte ou par leurs
mandataires, sans formalités particulières. Par conséquent, l’acte sous seing privé tire sa valeur de la signature
des parties intéressées dont il est revêtu. Cela ne signifie pas que l’acte sous seing privé sera systématiquement
remis en cause, mais simplement qu’il sera plus aisé de remettre en cause la véracité d’un acte sous seing privé
que la véracité d’un acte authentique. L’acte sous seing privé fait en effet foi jusqu’à preuve contraire.

L’acte authentique quant à lui fait foi jusqu’à inscription en faux, c’est à dire jusqu’à la mise en place d’une
procédure relativement lourde qui consiste à contester l’authentification faite par leur rédacteur. Au demeurant, le
notaire n’est pas le seul officier public chargé de rédiger des actes authentiques. L’officier de l’état civil, l’huissier
de justice ou encore le consul sont également des officiers publics et doivent donc procéder à la rédaction de
certains actes authentiques. Le notaire quant à lui présente la particularité, sa raison d’être pourrait-on dire, d’être
chargé de manière générale de rédiger des actes authentiques. Dit autrement, leur compétence ne se limite
pas à un seul type d’acte authentique, à la différence de l’officier de l’état civil qui n’est compétent qu’en matière
d’acte de l’état civil (acte de naissance, acte de mariage, acte de décès), c'est-à-dire des actes authentiques qui
rendent compte et rendent publics les événements les plus importants de la vie d’une personne physiques. Dans
le même ordre d’idées, les consuls sont chargés de rédiger les seuls actes authentiques dressés à l’étranger.

Cette compétence très générale du notaire provient de l’ordonnance du 2 novembre 1945 elle –même qui dispose
en son article 1er que les notaires reçoivent les actes et conventions qui intéressent les particuliers. Le notaire
a donc le monopole de la rédaction des actes authentiques.

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La personne du notaire, habilitée à cette fin par la loi, justifie la force probante de l’acte notarié, quant à sa
signature, sa date et son contenu. L’acte sous seing privé quant à lui ne tire sa force, moindre, que de la
signature des parties.

Il faut ajouter pour compléter cette distinction entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique, que les actes
authentiques sont en principe revêtus de la force exécutoire.

§2. Les qualités de l’acte notarié


L’acte authentique présente plusieurs qualités qui le distingue de l’acte sous seing privé et qui témoigne de sa
grande force probante. Il s’agit
• de la force date certaine (A) ;
• de la conservation de l’acte (B) ensuite, et ;
• de la force exécutoire parfois accordée (C) enfin.

A. La date certaine
La première qualité attachée à l’acte notarié est la date certaine. L’intervention du notaire rend la date de l’acte
absolument incontestable. Cette force probante très intense provient de l’article 1319 du Code civil.

En savoir plus : L’article 1319 du Code civil


Article 1319 al. 1er du Code civil : « L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les
parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ».

La jurisprudence a prolongé ceci en précisant, au sujet de la date de l’acte qu’un acte authentique fait foi de sa
date vis-à-vis des tiers avant même d’être soumis à l’enregistrement (Civ. 2e, 9 mai 1974, Bull. II, n° 160). Ainsi,
par lui-même, l’acte authentique a date certaine, indépendamment d’une quelconque réalisation de formalités
d’enregistrement.

B. La conservation de l’acte authentique


L’obligation de conserver les actes notariés est liée à une exigence de véracité de l’acte.

La conservation par le notaire atténue très largement les risques de falsification. Cette importante obligation
provient d’une part de la définition même de la mission du notaire, définie par l’article 1er de l’ordonnance n°
45-2590 du 2 novembre 1945 du comme l’obligation de « recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties
doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en
assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ». Elle repose également sur
l’article 13 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 qui dispose que « les notaires sont tenus de garder minute
de tous les actes qu'ils reçoivent à l'exception de ceux qui d'après la loi peuvent être délivrés en brevet et des
certificats de vie, procurations, actes de notoriété, quittances de fermages, de loyers, de salaires, arrérages
de pensions et rentes ».

La minute peut se définir comme « le nom donné à l’original d’un acte authentique dans les cas où l’autorité
qui en est dépositaire ne peut s’en dessaisir, sauf à en remettre des copies ou des extraits (Cornu G., dir.,
Vocabulaire juridique, V° Minute). En pratique, l’on désigne par le terme « minutier » le registre des actes d’un
office notarial.

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L’article 21 du décret 71-941 du 26 novembre 1971 dispose en effet que les notaires tiennent répertoire de
tous les actes qu'ils reçoivent. Puis l’article suivant précise quant à lui les conditions de cette conservation :
« Les répertoires peuvent être établis sur feuilles mobiles. Leurs pages sont numérotées. Elles sont visées et
paraphées par le président de la chambre des notaires ou son délégué. La formalité du paraphe peut toutefois
être remplacée par l'utilisation d'un procédé empêchant toute substitution ou addition de feuilles. Les répertoires
sont tenus jour par jour. Ils contiennent la date, la nature, l'espèce de l'acte, les noms des parties et toutes
autres mentions prescrites par les lois et règlements ».

L’obligation de conservation complète la fonction d’authentification du notaire. En effet, la conservation facilite


la délivrance de copies et constitue donc une garantie face à d’éventuelles falsifications de l’acte.

C. La force exécutoire
Les actes notariés sont parfois dotés de la force exécutoire. Le Vocabulaire juridique Cornu définit la force
exécutoire d’un acte juridique comme « qui peut être mis à exécution, au besoin par la force (avec le concours
de la force publique) ». La force exécutoire est d’ordinaire attachée aux décisions de justice qui sont revêtues
de la formule exécutoire, dont la lettre est explicite.

En savoir plus : La lettre


La République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à
exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance
d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.

Un lien doit être fait entre la force exécutoire dont l’acte peut être doté et sa conservation. Le notaire est en effet
chargé de conserver les actes qu’il rédige. Cette obligation est inhérente à sa fonction d’authentification des actes
et à sa qualité de rédacteur. S’il en est requis le notaire délivre une copie de l’acte, que l’on nomme la « copie
exécutoire » et qui précédemment se nommait « la grosse ». En pratique, ce terme de « grosse » est encore
couramment employé. Quand une telle copie lui est réclamée, le notaire vérifie sa conformité à l’acte original
et bénéficie de la possibilité d’apposer la formule exécutoire sur cette copie exécutoire, lorsque la créance est
liquide et exigible. Concrètement, cela signifie donc que le créancier n’aura pas à faire reconnaître en justice sa
créance et qu’il pourra donc faire procéder directement par un huissier de justice à une voie civile d’exécution.
C’est la raison pour laquelle les actes notariés revêtus de la formule exécutoires sont énumérés par la loi du 9
juillet 1991 parmi les « seuls titres exécutoires » de droit positif.

Par souci de sécurité juridique, le notaire qui délivre une telle copie exécutoire a l’obligation de mentionner qu’il
s’agit d’une « copie exécutoire unique », si tel est le cas, ou bien d’indiquer le numéro éventuel de cette copie.

D’un point de vue formel, l’article 15 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 apporte les précisions
suivantes :
• Les grosses et expéditions sont établies de façon lisible et indélébile sur un papier d'une qualité offrant
toute garantie de conservation.
• Elles respectent les paragraphes et les alinéas de la minute. Chaque page de texte est numérotée, le
nombre de ces pages est indiqué à la dernière d'entre elles.
• Chaque feuille est revêtue du paraphe du notaire à moins que toutes les feuilles ne soient réunies par un
procédé empêchant toute substitution ou addition ou qu'elles ne reproduisent les paraphes et signatures
de la minute.
• La signature du notaire et l'empreinte du sceau sont apposées à la dernière page et il est fait mention de
la conformité de la grosse ou de l'expédition avec l'original.
• Les erreurs et omissions sont corrigées par des renvois portés soit en marge, soit au bas de la page,
soit à la fin de la grosse ou de l'expédition et, dans ce dernier cas, sans interligne entre eux. Les renvois
sont paraphés, sauf ceux qui figurent à la fin de la grosse ou de l'expédition pour l'ensemble desquels le
notaire appose un seul paraphe.
• Le nombre des mots, des chiffres annulés, celui des nombres et des renvois est mentionné à la dernière
page. Cette mention est paraphée. Les paraphes et signatures apposés sur la grosse et l'expédition sont
toujours manuscrits.

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§3. Le recours à l’acte notarié
Les hypothèses de recours à l’acte notarié, obligatoire ou facultatif, peuvent être récapitulées sous forme d’un
tableau, qui mentionne aussi la présence d’un seul ou de deux notaires.

Présence d’un ou plusieurs Acte notarié obligatoire Acte notarié facultatif


notaires

Un seul notaire • Contrat de mariage ; • Tout acte auquel les parties


• Bail de débit de boisson ; veulent donner une force
probante élevée ;
• Mainlevée d’inscription sur
fonds de commerce ; • Acte constitutif d’une
société, convention de
• Consentement à mariage PACS ;
des ascendants ;
• Convention de PACS ;
• Vente d’immeuble à
construire. • Actes translatifs ou
constitues de droits réels
immobiliers (vente, baux
de longue durée). La
forme notariée de l’acte
n’est pas obligatoire mais
l’authenticité de l’acte est
une condition de la publicité
foncière. La publication
de l’acte ne sera pas
possible si l’acte n’est
pas authentique, ce qui
rend la forme notariée
incontournable pour rendre
l’acte opposable.

Deux notaires • Testament authentique


(rédaction) ;
• Testament authentique
(révocation) ;
• Actes pour lequel une partie
ne sait pas signer.

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Section 2. La rédaction de l’acte notarié
Si la manière de rédiger l’acte notarié (§1) est très strictement encadrée, il est des hypothèses dans lesquelles
le notaire est frappé d’une véritable interdiction de recevoir certains actes (§2), expression là encore d’un
encadrement très rigoureux de l’acte notarié.

§1. La manière de rédiger


A. Le contenu de l’acte
En ce qui concerne le contenu de l’acte notarié, comme le notaire est chargé d’une mission d’authentification,
l’acte qu’il rédige ne peut relater que des éléments constatés par le notaire lui-même. La pleine foi attachée à
l’acte, qui justifie sa force probante, concerne des faits accomplis par le notaire lui-même ou, ce qui est bien
plus fréquent en pratique, des faits qui se sont passés devant lui.

En savoir plus : L’acte authentique


Ainsi, il est admis, de jurisprudence constante, que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux des faits
que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence
dans l’exercice de ses fonctions (Civ. 1re, 26 mai 1964, D. 1964.627 ; Civ. 1re, 11 juin 2003, Bull. I, n° 139).

B. La forme de l’acte
La rédaction de l’acte notarié obéit à certaines obligations formelles extrêmement précises. Ainsi, l’acte notarié
doit-il être rédigé en langue française, sans blanc ni interligne. Les renvois sont portés soit en marge, soit au
bas de la page, soit à la fin de l'acte.

Par ailleurs, les renvois portés en marge ou au bas de la page sont, à peine de nullité, paraphés par le notaire et
les autres signataires de l'acte. Les renvois portés à la fin de l'acte sont numérotés. S'ils précèdent les signatures
il n'y a pas lieu de les parapher (Décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, art. 9).

Précision importante en pratique : chaque feuille est paraphée par le notaire et les signataires de l'acte sous
peine de nullité des feuilles non paraphées. Ceci permet d’assurer l’authenticité de l’acte. Chaque page
de l’acte notariée doit être paraphée, sauf si l’acte est entièrement écrit à la main. Il s’agit ainsi d’éviter une
substitution de feuilles. Une nuance est tout de même prévue, puisque si les feuilles de l'acte et de ses annexes
sont, lors de la signature par les parties, réunies par un procédé empêchant toute substitution ou addition, il n'y
a pas lieu de les parapher (Décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, art. 9).

En cas d’éventuelles modifications, renvois, surcharges, interlignes, ratures, l’acte doit en rendre compte. Ainsi
ces modifications, renvois ou ratures doivent-ils être paraphés. De surcroît, l’acte notarié doit porter mention, à
la fin, d’un décompte de ces modifications et autres ratures (Décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, art. 10).

Par ailleurs l’acte est signé par les parties, les éventuels témoins et, bien sûr, par le notaire lui-même. Le décret
n° 71-941 du 26 nov. 1971 prévoit cependant que lorsque les parties ne savent ou ne peuvent signer, leur
déclaration à cet égard doit être mentionnée à la fin de l’acte.

Jurisprudence
La jurisprudence se montre particulièrement rigoureuse quant à cette exigence de signature en décidant par
exemple que le défaut de signature par l’une des parties, fût-elle simplement l’un des codonataires, constitue
un vice de forme infectant l’acte notarié de nullité absolue (Civ. 1re, 28 nov. 1972, JCP 1973, II, 17461, note
Dagot). La jurisprudence est d’ailleurs constante sur ce point (Cf. par ex. Civ. 1re, 12 juillet 2007, Bull. I, n° 267).
En cas de défaut de signature, l’acte encourt une nullité absolue (Civ. 1re, 29 nov. 1989, Bull. I, n° 368, Rép.
Def. 1990.738, obs. Aubert). Dernier signe de cette rigueur, la nullité de l’acte authentique entraîne la nullité de
tous les actes qu’il contient. Tel est le cas par exemple d’un prêt notarié qui comporterait des cautionnements
et garanties hypothécaires. Ces derniers seraient également nuls (Civ. 1re, 10 mai 2005, Bull. I, n° 207).

Remarque
Ce formalisme est en pratique extrêmement important.

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L’article 1318 du Code civil dispose en effet que « l’acte qui n’est point authentique par l’incompétence
ou l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme preuve écrite privée, s’il a été signé des
parties ».
Par conséquent, l’acte notarié vicié est ravalé au rang de simple acte sous seing privé.

Remarque
Il perd pourrait-on dire le bénéfice de son authenticité.

Jurisprudence
En revanche, lorsque le vice est trop important, tel un défaut de signature par exemple, il ne s’agit par
simplement d’une perte de l’authenticité. Dans cette hypothèse alors, les mentions d’un acte notarié frappées
de nullité ne peuvent faire preuve comme écriture privée (Civ. 1re, 28 oct. 1986, Rép. Def. 1987.252, note Vion ;
Civ. 1re, 21 fév. 2006, Bull. I, n° 85).

En savoir plus : Evolutions technologiques


Tenant compte des évolutions technologiques, une loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 a ajouté un alinéa à l’article
1317 du Code civil disposant que l’acte authentique peut être dressé sur support électronique s’il est établi et
conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

§2. Les interdictions de recevoir


Il convient de préciser que le notaire est frappé d’un certain nombre d’interdictions de recevoir des actes.

De par sa qualité d’officier public, le notaire est tenu d’observer une certaine neutralité.

C’est la raison pour laquelle, l’article 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par
les notaires dispose (Réd. n°2005-973 du 10 août 2005) : « Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans
lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle
ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur ».

Tenant compte de l’exercice de la profession de notaire au sein de société, l’alinéa second ajoute quant à lui
que « les notaires associés d’une société titulaire d’un office notarial ou d’une société de notaires ne peuvent
recevoir des actes dans lesquels l’un d’entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par
l’alinéa précédent sont parties ou intéressés ».

§3. La rédaction par un clerc de notaire


Une loi n° 73-546 du 25 juin 1973 a apporté une importante modification à l’article 10 de la loi du 25 ventôse
an XI (sur laquelle, cf. supra). Ce texte permet en effet aux notaires de confier la réception des actes notariés à
un clerc assermenté à certaines conditions. Les actes ainsi dressés ont la valeur d’actes authentiques au sens
des articles 1317 et suivants du Code civil.

Dans sa rédaction issue de la loi du 25 juin 1973, l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI dispose que « le
notaire peut habiliter un ou plusieurs de ses clercs assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois
et recueillir les signatures des parties ».

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En savoir plus : Conditions pour bénéficier de l'habilitation
Une telle habilitation d’un ou plusieurs clercs nécessite cependant la réunion de plusieurs conditions.

S’agissant des conditions relatives à la S’agissant des actes reçus


personne du clerc

Il faut que ce dernier ait la qualité de clerc, Il convient de préciser que l’habilitation ne peut pas
c’est à dire remplir des conditions de diplômes jouer pour une série d’actes énumérés par le texte,
(titulaire de l’examen d’aptitude aux fonctions de tels que la réception des testaments authentiques,
notaire, diplôme de premier clerc) ou d’ancienneté les actes de consentement à mariage, les actes
professionnelle. Il doit ensuite avoir prêté serment de consentement à l’adoption. On retrouve ici
par écrit. l’énumération des actes pour lesquels la forme
notariée est obligatoire.

Si le clerc de notaire habilité lit l’acte et reçoit les signatures de parties, c’est le notaire qui continue d’authentifier
l’acte.

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Section 3. La contestation de l’acte notarié
La contestation de l’acte notarié est volontairement compliquée par la loi. Seule une procédure exceptionnelle,
l’inscription de faux en écriture publique permet de contester la validité de l’acte notarié. De la difficulté de
remettre en cause la véracité de l’acte notarié provient sa très haute force probante.

Pour autant, si la remise en cause est difficile, elle n’est pas pour autant impossible. Avant d’évoquer la procédure
d’inscription de faux proprement dite, à titre principal (§3) et surtout à titre incident (§2), il convient de préciser
certains principes relatifs à la charge de la preuve (§1).

§1. Charge de la preuve


En matière d’inscription en faux, la charge de la preuve pèse sur celui qui s’inscrit en faux contre l’acte
authentique. Concrètement, c’est donc à la partie qui conteste l’exactitude des énonciations contenues dans
l’acte notarié d’établir cette inexactitude.

Jurisprudence
La jurisprudence rappelle ainsi qu’en matière d’inscription en faux, c’est à celui qui conteste l’exactitude des
énonciations litigieuses que comporte l’acte de démontrer cette inexactitude (Civ. 1re, 19 déc. 2006, Bull. I,
n° 555).

Cette charge de la preuve s’explique logiquement et conformément au droit commun par la position procédurale
occupée par celui qui conteste la sincérité de l’acte. Il se trouve en effet en position de demandeur. Pour autant, et
de manière plus large, l’article 1319 alinéa 1er du Code civil dispose que l’acte authentique – donc l’acte notarié
– fait foi par lui-même jusqu’à inscription de faux. C’est à dire qu’une véritable présomption d’authenticité pèse
sur l’acte notarié. Par sa forme et par la qualité de son rédacteur – le notaire -, il dispense donc celui qui s’en
prévaut de démontrer plus avant l’authenticité de l’acte qui fait donc foi, par lui-même.

En savoir plus : L’étendue de l’authenticité


Pour ces raisons celui qui conteste l’authenticité de l’acte supporte la charge de la preuve dans le cadre d’une
inscription en faux. Ceci vaut non seulement pour une contestation de l’authenticité même de l’acte. De manière
plus large, liée cette fois-ci au contenu de l’acte, l’inscription en faux va permettre également de contester les
faits que l’officier public doit vérifier personnellement.

Cela signifie, que seules les énonciations que le notaire se contente de relater, c’est à dire les énonciations qu’il
n’a pas vérifiées personnellement mais qui émanent des parties elles-mêmes, font foi jusqu’à preuve contraire.
Ces énonciations-là échappent en quelque sorte au bénéfice de l’authenticité. Leur force probante est donc
moindre quoique ces énonciations apparaissent dans un acte notarié. Par conséquent, leur exactitude peut être
contestée comme celle d’un acte sous seing privé.

En ce qui concerne la procédure elle-même, il convient d’indiquer que l’inscription de faux en écriture
publique constitue une procédure volontairement compliquée. En érigeant nombre d’obstacles devant l’action
du demandeur, il s’agit de protéger les actes authentiques d’une remise en cause trop systématique. Dans un
ordre d’idées voisin, le demandeur encourt une amende civile, en cas d’échec de son action. Il s’agit ainsi de
décourager les actions fantaisistes, dilatoires, ou constitutives d’un « harcèlement » procédural.
De cette difficile remise en cause de l’acte authentique dépend en effet directement l’impératif de sécurité
juridique. Or, faut-il le rappeler, la force probante de l’acte authentique constitue précisément un gage de
sécurité juridique.

La procédure de faux en écriture publique est organisée par les articles 303 et suivants du Code de procédure
civile.

Signe de cette volonté de protéger l’acte authentique par le biais de la procédure, le chapitre du Code de
procédure civile relative à l’inscription de faux contre les actes authentiques débute par un texte qui rappelle
que l’inscription de faux contre un acte authentique donne lieu à communication au ministère public (CPC, art.
303). Puis, il est précisé dans la foulée que le demandeur qui succombe est condamné à une amende civile
d’un montant maximum de 3000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés
(CPC, art. 305).

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§2. L’inscription de faux à dire incident
L’inscription de faux contre un acte authentique peut d’une part être fait à titre incident. Dès lors, cette défense
est soulevée en réponse à une demande principale. Celui qui s’inscrit en faux doit remette au greffe de la
juridiction l’inscription en faux. En cas de représentation de la partie par un mandataire, ce dernier doit être
muni d’un pouvoir spécial. Puis dans le mois de cette inscription, la dénonciation doit être faite par notification
entre avocat, c’est à dire par acte du palais.

Jurisprudence
Faute de dénonciation de l’inscription faite dans ce délai d’un mois, le tribunal peut passer outre l’inscription et
statuer au vu de la pièce arguée de faux. Civ. 1re, 25 mai 2000, Procédures 2000, com. N° 213, note Junillon.

Le juge va statuer sur le faux, sauf s’il peut statuer sans tenir compte de cette fameuse pièce (CPC, art. 307).
Quand il statue sur la pièce arguée de faux, il peut ordonner toutes les mesures d’instruction nécessaires et il
est procédé, précise le Code de procédure civile (art. 308) comme en matière de vérification d’écriture, c’est à
dire avec des comparaisons d’écriture, des comparutions de personnes, voire avec l’aide d’un technicien.

Quand le jugement déclare l’acte comme étant bien un faux, cette décision judiciaire est mentionnée en marge
de l’acte reconnu faux (CPC, art. 310).

Remarque
Pour le notaire auteur d’un faux, ce type de décision est extrêmement grave. Le faux en écriture publique
constitue en effet la négation même de la mission du notaire qui est précisément l’authentification. C’est
la raison pour laquelle le notaire qui procéderait à la rédaction de faux s’exposerait à des poursuites pénales.
Dans ce cas, il est sursis au jugement civil jusqu’à ce que le juge pénal se soit prononcé.

En savoir plus : Droit pénal


Le faux en écriture authentique constitue également une infraction pénale sévèrement punie par le Code pénal.

Ainsi, l’article 441-4 du Code pénal prévoit que : « Le faux commis dans une écriture publique ou authentique
ou dans un enregistrement ordonné par l'autorité publique est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150
000 € d'amende.
L'usage du faux mentionné à l'alinéa qui précède est puni des mêmes peines. »

En ce qui concerne plus spécifiquement un éventuel faux en écriture authentique qui serait commis par le
notaire, l’article 441-4 du Code pénal prévoit dans un alinéa troisième que : « Les peines sont portées à quinze
ans de réclusion criminelle et à 225 000 € d'amende lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par une
personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice
de ses fonctions ou de sa mission ».

La procédure qui vient d’être décrite concerne l’incident d’inscription en faux soulevé devant le tribunal de grande
instance ou devant la Cour d’appel. Il convient de préciser ici que l’inscription de faux incidente peut, aussi, être
soulevée devant d’autres juridictions. Dans cette hypothèse, il est alors sursis à statuer jusqu’à jugement sur
le faux (CPC, art. 313), sauf à écarter directement la pièce litigieuse, lorsque l’on peut statuer sur le principal
sans tenir compte de cette pièce.

§3. L’inscription de faux à titre principal


La procédure d’inscription de faux à titre principal est organisée par les articles 314 à 316 du Code de procédure
civile. Formée à titre principal, cette procédure à pour finalité de faire constater l’inexactitude de l’acte.
L’introduction de l’instance débute, comme pour l’inscription à titre incident, par une inscription en faux faite
au greffe de la juridiction. Une copie de l’acte d’inscription devra être jointe à l’assignation. Il s’agit donc ici
d’une formalité préalable qui va conditionner l’introduction de l’instance. L’assignation doit en outre contenir la
sommation pour le défendeur de déclarer s’il entend ou no faire usage de l’acte prétendu faux ou falsifié.

Ici encore, un délai d’un mois est prévu par le Code de procédure civile suite à l’inscription en faux. A peine de
caducité de cette dernière, l’assignation doit être faite dans ce délai d’un mois (CPC, art. 314).

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Suite à cette assignation comportant la sommation évoquée, deux issues sont concevables :

Soit le défendeur déclare ne pas vouloir se servir de Soit le défendeur ne comparaît pas ou déclare
la pièce arguée de faux et le juge en donne acte au vouloir se servir de la pièce litigieuse et il est
demandeur (CPC, art. 315). procédé comme pour l’inscription de faux à titre
incident (CPC, art. 316).

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 3 : Le devoir de conseil du notaire

Table des matières


Section 1. L’étendue du devoir de conseil du notaire..............................................................................................p. 2
§1. Assurer l’efficacité des actes rédigés ..........................................................................................................................................p. 2
§2. Procéder à des vérifications ........................................................................................................................................................p. 3
§3. Eclairer les parties sur la portée des actes rédigés..................................................................................................................... p. 4
Section 2. La responsabilité encourue.......................................................................................................................p. 6
§1. Le caractère absolu de l’obligation...............................................................................................................................................p. 6
§2. Le régime de l’action en responsabilité ...................................................................................................................................... p. 7

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Comme l’activité du notaire est organisée autour de la tâche d’authentification des actes, ce professionnel du
droit a l’obligation de rédiger l’acte notarié quand il en est requis. A ce titre, une responsabilité disciplinaire est
encourue en cas de manquement à ce qui fait l’essence de la fonction du notaire. De même, le notaire encourt, on
l’a vu (cf. supra), une responsabilité de type pénal en cas s’il se rend coupable d’un faux en écriture authentique.

A côté des responsabilités disciplinaire et pénale du notaire, la jurisprudence a dégagée un important devoir de
conseil pesant sur le notaire. Il convient de voir d’une part l’étendue de ce devoir de conseil (Section 1), afin
d’étudier la responsabilité encourue (Section 2).

Section 1. L’étendue du devoir de conseil du notaire


Pour le notaire, le devoir de conseil et de l’obligation de renseignement s’exprime au travers de plusieurs
obligations.

Ainsi le notaire est-il tout d’abord tenu d’assurer l’efficacité des actes qu’il rédige (§1). On peut retenir ici
la définition la plus courante du terme “efficacité”, à savoir l’aptitude à produire l’effet escompté. Pour un acte
notarié, l’on attend un acte doté d’une très grande force probante et qui a date certaine. L’efficacité de l’acte
notarié réside donc dans sa capacité à assurer une grande sécurité juridique.

Ceci suppose de procéder à des vérifications (§2) relatives par exemple à l’origine de la propriété de l’immeuble
vendu ou relatives à l’identité des parties.
Enfin le notaire doit éclairer les parties sur la portée des actes qu’il rédige.

§1. Assurer l’efficacité des actes rédigés


Jurisprudence
De manière tout à fait logique, le devoir de conseil du notaire est lié à sa fonction de rédacteur d’actes
authentiques. Ainsi, le devoir de conseil se traduit, pour le notaire, par l’obligation, avant de rédiger les actes
notarié, de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité des
actes (Civ. 1re, 4 janv . 1966, Bull. I, n° 7 ; Civ. 1re, 12 nov. 1987, Bull. I., n° 288).

Comme l’acte rédigé par le notaire est doté d’une force probante particulièrement intense (cf. supra leçon sur
l’acte notarié), le notaire ne peut rédiger et signer l’acte qu’après avoir procéder à ses vérifications. La véracité
du contenu de l’acte en dépend.

En savoir plus : Les diligences attendues du notaire


Voici quelques exemples jurisprudentiels récents qui démontrent, en creux, les diligences attendues du notaire :
• En matière de rédaction contractuelle : le notaire encourt une responsabilité pour manquement au devoir
de conseil pour avoir rédigé une clause inefficace, car en contradiction avec une disposition d’un règlement
de copropriété (Civ. 1re, 20 janv. 1998, Bull. I, n° 22) ;
• En matière de formalisme des libéralités (cf. infra) : la responsabilité est encourue pour la rédaction d’un
testament authentique ne respectant pas les conditions posées par l’article 972 du Code civil (Civ. 1re, 4
juin 2007, Bull. I, n° 227) ;
• En matière de vente immobilière et de régime matrimonial : la responsabilité est engagée pour avoir rédigé
un compromis de vente concernant un bien de la communauté conclu par le mari sans le concours de
l’épouse (Civ. 1re, 27 nov. 2008, Bull. I, n° 272).

Pour autant, un important problème pratique se pose, relatif à l’évolution du droit. Un acte initialement efficace,
c’est à dire efficace lors de sa rédaction peut devenir inefficace ensuite, en raison d’une évolution juridique.
Le notaire rédacteur de cet acte peut-il être tenu pour responsable pour ne pas avoir prévu l’évolution
postérieure ?

Jurisprudence
Dans un arrêt de principe très remarqué, la Cour de cassation a décidé qu’il ne peut être reproché à un notaire
de n’avoir pas prévu une évolution ultérieure du droit (Civ. 1re, 25 nov 1997, Bull. I, n° 328). Encore faut-il que
l’évolution juridique ultérieure soit véritablement imprévisible. Car il est des changements de jurisprudence ou
de législation qui sont bien souvent attendus ou, à tout le moins, pressentis par les professionnels et par la
doctrine. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a, par la suite, précisé la solution. Ainsi, l’existence d’une
incertitude ne dispense pas le notaire de son devoir de conseil (Civ. 1re, 7 mars 2006, Bull. I, n° 136).
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En savoir plus : Conseil pratique
Dans cette situation, on ne peut que recommander au notaire de se prémunir contre une éventuelle action en
responsabilité (sur laquelle, cf. infra), en explicitant de manière évidente l’incertitude existante.

Jurisprudence
Des diligences particulières sont également attendues du notaire en matière de constitution de garanties.
Requis par exemple pour constituer une garantie hypothécaire sur un immeuble, le notaire doit s’assurer
de l’efficacité de l’acte auquel il prête son concours. Ainsi doit-il vérifier l’accomplissement des formalités
nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l’exécution (Civ. 1re, 16 oct. 2008, Bull. I, n°
226) mais aussi, attirer l’attention du créancier, le cas échéant, sur les risques d’insuffisance du gage inhérents
à cette situation (Civ. 1re, 5 oct. 1999, Bull. I, n° 258). En matière de sûretés, l’enjeu consiste bien souvent
à obtenir une inscription de premier rang qui assurera ainsi au créancier une priorité. L’efficacité de l’acte
constitutif d’une garantie réside dans l’aptitude de l’acte à assurer cette situation privilégiée.

Pour mener à bien cette tâche, le notaire doit souvent procéder à des vérifications.

§2. Procéder à des vérifications


Le notaire est également tenu de procéder à des vérifications avant de procéder à la rédaction des actes. Cette
obligation s’explique par la fonction d’authentification dont le notaire est investi par la loi (cf. supra, leçon 1).
Comme les actes notariés sont des actes authentiques, leur rédaction ne peut être faite qu’avec la plus grande
prudence et avec diligence. Ainsi, en matière de vente immobilière par exemple, le notaire doit procéder à des
recherches sur la situation des biens et vérifier en particulier les origines de la propriété de l’immeuble vendu
(par ex. Civ. 1re, 12 déc. 1995, Bull. I, n° 459). Dans cette perspective, la publicité foncière revêt un intérêt
majeur.

En savoir plus : La traçabilité


Il convient de préciser ici que le droit positif de la publicité foncière permet d’assurer un véritable « traçabilité »
des droits réels immobiliers, pour les actes juridiques effectués depuis 1956, à tout le moins. Ceci s’explique par
l’obligation de publication des actes translatifs de droits réels immobiliers. Nous reverrons pour ces éléments à
la lecture de la leçon consacrée à la vente immobilière qui contient une étude détaillée de ce droit de la publicité
foncière.

Jurisprudence
En cas d’absence d’investigation ou d’investigations insuffisantes, relatives à l’étendue du droit de propriété du
vendeur la responsabilité du notaire peut être retenue (Civ. 3e, 3 déc. 2008, Bull. III, n° 197 : ici le notaire a été
condamné à payer les sommes dues au titre de la résolution de la vente).

En dehors du domaine de la vente immobilière, le notaire reste bien évidemment tenu par cette obligation de
procéder à des vérifications avant de rédiger l’acte.
Outre l’objet de l’acte, l’identité et la capacité des parties à l’acte doivent eux aussi faire l’objet de cette
vérification par le notaire.
S’il doit logiquement vérifier l’identité des parties, en sollicitant la production de pièces d’identité ou des extraits
de registre de l’état civil, le notaire doit être particulièrement vigilant en présence d’une procuration.

En savoir plus : La sincérité


L’absence de comparution personnelle d’une ou plusieurs parties à l’acte peut susciter des comportements
frauduleux de la part du prétendu représentant voire du mandant lui-même. Le notaire a donc l’obligation de
vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature qui figure sur une procuration sous seing privé (Civ.
1re, 20 janv. 1998, Bull. I, n° 21).

Le notaire est également tenu de vérifier la capacité de parties. La capacité juridique constitue l’une des
conditions de validité des actes juridiques. Ainsi le mineur et le majeur protégé ne peuvent pas valablement signer
un acte juridique. Ils sont certes titulaires de la personnalité juridique, mais l’exercice de leurs droits est limité.
L’expression “majeur protégé” désigne la personne physique majeure faisant l’objet d’une mesure de protection
judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle) en raison d’une altération de ses facultés mentales.

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Par conséquent, le notaire doit vérifier si la personne fait l’objet d’une mesure de protection. Dans l’affirmative, la
conclusion de l’acte ne pourra se faire qu’en respectant les prescriptions faites pour chaque type de mesure. La
personne sous tutelle est ainsi représentée par son tuteur pour la conclusion des actes de la vie civile. Le tuteur
agit au nom et pour le compte du majeur vulnérable qu’il représente. Pour les actes les plus graves (actes de
dispositions), le tuteur doit préalablement à la signature de l’acte, obtenir une autorisation du conseil de famille,
quand il a été constitué (ce qui est rare en pratique) ou du juge des tutelles.
Ainsi, pour une personne sous tutelle par exemple, le notaire devra vérifier la qualité du tuteur et l’existence d’une
autorisation du juge des tutelles. Il faut souligner que désormais la distinction entre les qualifications d’actes
de disposition et d’actes d’administration est largement facilitée, grâce à un décret n° 2008-1484 du 22
décembre 2008 qui a opéré une classification très utile et opératoire. Quand il existe une mesure de protection
judiciairement organisée, la tâche du notaire consiste à effectuer les vérifications propres à ladite mesure.

Jurisprudence
Les obligations du notaire ne cessent cependant pas en l’absence d’une telle mesure de protection. On peut
même dire que sa vigilance doit être accrue lorsque la personne présente les signes d’une altération de ses
facultés mentales, sans pour autant qu’une mesure de protection ait été ouverte. Ainsi chaque fois que le notaire
recueille la signature de son client, alors même que les circonstances lui permettent de mettre en doute ses
facultés mentales, il engage sa responsabilité (cf. par ex. Civ. 1re, 13 nov. 1997, Bull. I, n° 309 ; Civ. 1re, 24
fév. 1998, Bull. I, n° 73).

§3. Eclairer les parties sur la portée des actes rédigés


Jurisprudence
Ce devoir constitue en quelque sorte une suite logique de l’obligation d’assurer l’efficacité de l’acte qui pèse
sur le notaire (sur laquelle, cf. surpa). En effet, le notaire doit éclairer les parties et attirer leur attention sur les
conséquences et les risques des actes qu’ils authentifient (Civ. 1re, 7 nov. 2000, Bull. I, n° 282).
Ici encore, l’obligation pesant sur le notaire s’avère particulièrement rigoureuse. L’on peut parler d’une obligation
de caractère absolue. En effet, le notaire est débiteur de cette obligation à l’égard de toutes les parties à
l’acte, quand bien même il ne serait le conseiller régulier de l’un d’elles (Civ. 1re, 15 mai 2007, Bull. I, n° 189).
Ce rayonnement particulièrement large de l’obligation s’explique par la qualité d’officier public du notaire (sur
laquelle cf. supra, leçon n° 1). De même, le notaire ne saurait se réfugier valablement derrière la clarté d’une
clause de l’acte pour se décharger de son obligation d’éclairer les parties et d’attirer leur attention.

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Exemple
Par exemple, pour des modalités de paiement, très favorables à l’acquéreur, le notaire doit attirer l’attention du
vendeur sur cette situation, alors même que la clause organisant ses modalités s’avère particulièrement claire
(Civ. 1re, 14 nov. 2001). Autre signe de ce caractère absolu, le notaire doit même prendre en considération
les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, dès lors qu’il en a eu précisément connaissance (Civ. 1re, 13 déc.
2005, Bull. I, n° 496).

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Section 2. La responsabilité encourue
La responsabilité du notaire pour un éventuel manquement à son obligation de conseil est une responsabilité
contractuelle, fondée sur l’article 1147 du Code civil.

§1. Le caractère absolu de l’obligation


Une question importante concerne les incidences des compétences juridiques des clients du notaire. Le notaire
peut-il être déchargé de son devoir de conseil par les compétences juridiques ou fiscales de son client ?

Jurisprudence
La jurisprudence apporte désormais une réponse négative à cette interrogation (Civ. 1re, 28 nov. 1995 ; Civ.
1re, 3 avril 2007, Bull. I, n° 142 : cette dernière espèce est particulièrement intéressante puisque le client du
notaire exerçait lui-même la fonction de… notaire !). L’on mesure ici l’intensité particulièrement vive du devoir de
conseil du notaire. Une chose est donc certaine : les compétences personnelle du client ne le déchargent
pas de son devoir de conseil.

Cette jurisprudence, sévère, qui fait pesait une obligation absolue sur le notaire est fréquemment réaffirmée
depuis une quinzaine d’années, alors que précédemment c’était une conception relative du devoir de conseil
qui avait été retenue (Civ. 1re, 2 juillet 1991, Bull. I, n° 228).

Cette solution est directement liée à l’obligation pesant sur le notaire d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il
prête son concours. L’on retrouve également ici une nouvelle conséquence du monopole notarial en matière de
rédaction des actes notariés (cf. supra).

Jurisprudence
Le caractère absolu du devoir de conseil s’exprime également au travers d’une jurisprudence constante qui
décide que la présence d’un conseiller personnel du client, à ses côté lors de la conclusion de l’acte, ne saurait
dispenser le notaire rédacteur de son obligation. Cette solution est valable, même lorsque ce conseiller exerce
lui-même la profession de notaire (Civ. 3e, 28 nov. 2007, Bull. III, n° 213).

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§2. Le régime de l’action en responsabilité
Jurisprudence
Conformément à un principe désormais solidement établie en droit des responsabilités professionnelles,
la charge de la preuve de la délivrance du conseil incombe au notaire (arrêt fondateur de ce courant
jurisprudentiel : Civ. 1re, 25 fév. 1997, Bull. I, n° 75, pour un médecin ; première application de la solution pour
un notaire : Civ. 1re, 3 fév. 1998, Bull. I, n° 44 ; plus récemment, dans le même sens : Civ. 1re, 19 déc. 2006,
Bull. I, n° 556).

S’agissant des modes preuve, la réalité de cette délivrance du conseil peut être résulté de toutes circonstances
ou documents.

Celui qui s’estime victime d’une faute du notaire devra logiquement démontrer l’existence d’un préjudice ainsi
que d’un lien de causalité entre ledit préjudice et le fait fautif du notaire.

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 4 : L’adoption d’un régime matrimonial

Table des matières


Section 1. Généralités autour des régimes matrimoniaux ...................................................................................... p. 2
§1. Définition du régime matrimonial.................................................................................................................................................. p. 3
§2. Sources du régime matrimonial ...................................................................................................................................................p. 5
Section 2. La liberté conventionnelle en matière matrimoniale ............................................................................. p. 7
§1. Principe ........................................................................................................................................................................................ p. 7
§2. Limites........................................................................................................................................................................................... p. 8
Section 3. Les formalités (notariales) précédant la célébration du mariage ....................................................... p. 10

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L’adoption d’un régime matrimonial constitue une part importante de la pratique notariale. En ce qui concerne
l’organisation patrimoniale du couple marié, les époux ne sont pas tenus de faire rédiger un contrat de mariage
qui détermine les règles organisant les rapports pécuniaires des époux entre eux, d’une part et à l’égard des tiers,
d’autre part. Pour autant, lorsque les époux manifestent un tel choix, le contrat de mariage doit nécessairement
être fait sous forme notariée. L’intervention du notaire est alors indispensable.

En savoir plus : Défaut de contrat de mariage


Par ailleurs, même à défaut de contrat de mariage, les époux sont nécessairement soumis à un régime
matrimonial. Les règles de ce régime matrimonial sont alors fixées par le Code civil lui-même. Il s’agit du régime
légal de communauté réduite aux acquêts. L’intervention du notaire n’est nullement requise dans cette situation.
Pourtant le notaire dans une fonction de conseil peut intervenir au stade de l’adoption du régime matrimonial
mais aussi lors du fonctionnement de cette fameuse communauté réduite aux acquêts.

Section 1. Généralités autour des régimes matrimoniaux

Le droit français se caractérise par une dualité de sources du régime matrimonial. En effet, le régime matrimonial
d’un couple marié peut provenir des dispositions du Code civil lui-même ou d’un contrat de mariage rédigé par le
notaire. Avant cependant de s’intéresser aux sources du régime matrimonial (§1), il convient de définir le régime
matrimonial (§2).

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§1. Définition du régime matrimonial
De manière large, on peut définir le régime matrimonial comme un ensemble de règles qui organisent
• d’une part, les relations patrimoniales entre les époux, ce qui regroupe les questions de propriété des
biens et les questions de pouvoirs sur les biens et ;
• d’autre part, les relations patrimoniales entre le couple marié et les tiers.
De manière plus précise, on peut ajouter qu’il existe plusieurs régimes matrimoniaux prévus par le Code civil
qui s’organisent autour de deux grands modèles :
• le modèle communautaire d’une part ;
• le modèle séparatiste d’autre part.

En savoir plus : Modèle communautaire et modèle séparatiste

Dans le modèle communautaire Dans le modèle séparatiste

Dans le modèle communautaire, une partie des Dans le modèle séparatiste en revanche, chaque
biens des époux est mise en commun et compose époux conserve la propriété exclusive de ses biens
ainsi une masse de biens qui appartient aux époux et bénéficie seul des pouvoirs sur ces biens.
ensemble et sur laquelle ils ont des pouvoirs
identiques et concurrents.

Au-delà de cette division entre deux modèles d’inspirations différentes, il faut préciser qu’il existe différents
degrés au sein de chaque modèle. Ainsi, le modèle communautaire se décompose en plusieurs régimes
matrimoniaux, selon l’inspiration communautaire plus ou moins grande.

En savoir plus : Différents régimes matrimoniaux


Ainsi la communauté peut-elle être, tout d’abord, une communauté réduite aux acquêts. Avec ce régime
matrimonial, font partie de la communauté les biens acquis par les époux durant le mariage. Restent des biens
propres, c’est à dire des biens dont chaque époux conserve la propriété exclusive, les biens que chaque époux
possédait avant le mariage, les biens reçus durant le mariage par donation ou testament, ainsi que les biens
strictement personnels tels que les vêtements et le linge ou les créances alimentaires.

En montant d’un degré en direction d’une organisation d’inspiration communautaire, le Code civil prévoit, ensuite,
un régime matrimonial de communauté de meubles et acquêts. Dans ce régime matrimonial, la communauté
est composée non seulement de biens acquis par les époux durant le mariage (comme dans la communauté
réduite aux acquêts), mais aussi des meubles possédés par les époux au moment de la célébration du mariage.

La communauté universelle constitue, enfin, le régime matrimonial dans lequel l’inspiration communautaire est la
plus poussée. La communauté est alors composée non seulement de tous les biens acquis par les époux durant
le mariage, mais comprend aussi les biens meubles et immeubles possédés par chaque époux avant le mariage.

Outre ces degrés dans l’organisation communautaire, prévus par le Code civil lui-même, il est possible d’intégrer
des nuances supplémentaires grâce à des clauses du contrat de mariage qui vont accroître ou atténuer l’étendue
de la communauté ou qui permettent de modifier les règles de pouvoirs des époux sur les biens.

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Remarque
Il existe donc une multitude de possibilités d’organisation patrimoniale d’inspiration communautaire. Idéalement,
les époux doivent pouvoir choisir ou aménager un régime matrimonial qui correspond parfaitement à leurs
situations personnelles et patrimoniales, à la composition et à la valeur de leurs patrimoines respectifs, ainsi
qu’à leurs professions.

La remarque vaut également pour le modèle séparatiste, lui aussi susceptible de connaître des degrés
d’intensité différente. Ainsi les époux peuvent choisir un régime séparatiste que l’on pourrait qualifier de strict,
dans lequel leurs deux patrimoines seront très strictement séparés. Comme la vie commune engendre des
difficultés de preuve de la propriété exclusive des biens, mais aussi des acquisitions communes, l’organisation
strictement séparatiste s’avère souvent délicate à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle les époux
peuvent opter pour un régime matrimonial de séparation de biens avec adjonction d’une société d’acquêts.
C’est à dire que les biens acquis par les époux ensemble seront réputés acquêts communs. Ils constitueront
en somme des biens indivis.

En savoir plus : Un régime matrimonial « hybride » : la participation aux acquêts

Remarque
Il faut noter enfin l’existence d’un régime matrimonial, la participation aux acquêts, qui se distingue par son
caractère mixte, à la fois séparatiste et communautaire. Ce régime matrimonial, peu utilisé car sa liquidation
s’avère assez technique, se distingue par son caractère séparatiste durant le fonctionnement du régime et une
inspiration plus communautaire lors de la dissolution. Cela étant, le régime de séparation aux acquêts reste un
régime matrimonial sui generis, en ce sens qu’il ne se confond jamais totalement avec le régime séparatiste ou
le régime communautaire (en ce sens : C. Farge, in Dalloz action Droit patrimonial de la famille, n° 17.11).

Jurisprudence
La participation aux acquêts : précision jurisprudentielle
Les arrêts rendus à propos de la participation aux acquêts sont relativement peu nombreux, ce qui est sans
doute le signe d’une réalité pratique. Le régime de la participation aux acquêts est en effet souvent perçu comme
étant d’une mise en œuvre difficile d’un point de vue technique. A sa dissolution un calcul subtil des créances
de participation doit être effectué. Par ailleurs, le régime de participation aux acquêts souffre sans doute d’une
« notoriété » moins importante que le régime de communauté réduite aux acquêts ou encore que le régime
séparatiste. Ces raisons expliquent que le régime de la participation aux acquêts est peu utilisé en pratique.
Un peu moins de cinq pour cent des couples choisiraient ce régime matrimonial.

C’est la raison pour laquelle un important arrêt rendu par la Cour de cassation mérite d’être ici rapporté. Non
seulement, il se prononce à propos du régime de participation aux acquêts, ce qui, en soit, est déjà suffisamment
rare pour mériter d’être souligné, mais, de surcroît, l’arrêt met l’accent sur l’essence de la participation aux
acquêts, en jugeant qu’est illicite l'acquisition par un époux des parts sociales de sa femme, dès lors que
cette convention avait pour objet et pour effet de priver l'épouse de sa créance éventuelle de participation,
altérant ainsi l'économie générale du régime de participation aux acquêts (Civ. 1re, 8 avr. 2009, n° 07-15.945,
D. 2009.1201, obs. Egéa ; D. 2009.2528, obs. Brémond ; AJF 2009. 219, obs. David ; RTD Civ. 2009.516,
obs. Hauser ; RTD Civ. 2009.569, obs. Vareille ; Dr. fam. 2009, n° 59, note Beignier ; Rép. Def. 2009.1483,
note Champenois). La créance de participation se trouve donc au cœur de ce régime matrimonial. C’est à
dire qu’un conjoint a nécessairement la certitude qu’avec ce régime matrimonial il bénéficiera d’une partie de
l’enrichissement de son conjoint.

Comme son nom l’indique, le régime matrimonial est lié au mariage. Ceci a deux incidences.

D’une part, tous les couples mariés ont nécessairement un régime matrimonial. Cette règle est
indérogeable. Elle relève donc du caractère institutionnel du mariage. Même les couples mariés qui n’ont pas
fait rédiger (sur contrat de mariage sont soumis à un régime matrimonial. Dans cette hypothèse, leur contrat de
mariage a une source légale, c’est à dire que les règles d’organisation patrimoniale sont fixées par le Code civil,
et non conventionnelle. Pour autant, ces règles existent et s’imposent avec la plus grande vigueur. Ces couples
sont donc bien soumis à un régime matrimonial.

Seuls les couples mariés ont un régime matrimonial. Le concubinage en revanche, parce qu’il n’est qu’un
fait juridique, n’est pas soumis à un régime matrimonial. Quant au pacte civil de solidarité, il comporte des règles
d’organisation patrimoniale, fixées par la convention de PACS et par le Code civil lui-même. Pour autant, ces

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règles ne bénéficient pas du même degré d’impérativité que les règles du régime matrimonial et sont moins
étendues. On pourrait parler davantage à leur propos d’un « régime patrimonial ».

Jurisprudence
Signe de l’existence d’un pluralisme juridique des formes de couple, la jurisprudence maintient une stricte
distinction entre le mariage, le concubinage et le pacte civil de solidarité. Ainsi, de jurisprudence constante,
la Cour de cassation refuse l’extension des textes qui organisent le régime primaire impératif des époux
(sur lequel, cf. supra) aux concubins. Cette règle de non extension a été rappelée par exemple à propos de
l’obligation de contribuer aux charges du mariage posée par l’article 214 du Code civil (Civ. 1re, 28 nov. 2006,
Bull. I, n° 517 ; cf. déjà : Civ. 1re, 19 mars 1991, Bull. I, n° 92) ou encore pour la solidarité des dettes ménagères
de l’article 220 du Code civil (Civ. 1re, 27 avril 2004, Bull. I, n° 113 ; cf. déjà : Civ. 1re, 11 janvier 1984, Rép.
Def. 1984.933, obs. Champenois).

§2. Sources du régime matrimonial


Parmi les différents régimes matrimoniaux existants, les époux vont pouvoir opérer un choix en faveur
de tel ou tel régime. Ce choix est aujourd’hui totalement libre. Un principe de liberté de conventions
matrimoniales gouverne en effet le droit français de régimes matrimoniaux depuis l’importante réforme des
régimes matrimoniaux du 13 juillet 1965.

Le choix des époux s’exprimera au travers d’un contrat de mariage (sur lequel, cf. infra). On dit alors que le
régime matrimonial a une source conventionnelle.

Le contrat de mariage est un acte notarié, nécessairement rédigé avec la célébration du mariage, en présence
des époux, par lesquels ces derniers choisissent et organisent un régime matrimonial.

Pour autant, les époux ne sont pas dans l’obligation de faire rédiger un contrat de mariage pour que la formation
du mariage soit valable. Ainsi, la rédaction d’un contrat de mariage ne constitue pas une condition de validité
du mariage.

En revanche, comme tous les couples mariés sont nécessairement soumis à un régime matrimonial, les règles
d’organisation patrimoniale proviennent de la loi et non d’un quelconque contrat de mariage. On dit alors que
le régime matrimonial a une source légale. En effet, les règles proviennent du Code civil.

Depuis l’importante réforme du 13 juillet 1965, le régime matrimonial légal est en France la communauté réduite
aux acquêts (sur laquelle, cf. supra).

On le voit, deux modalités permettent de choisir le régime matrimonial applicable. Il peut s’agir soit d’une volonté
exprimée au travers d’un contrat de mariage, soit d’une volonté implicite, fruit du silence, de l’absence de
rédaction d’un contrat de mariage. On présume alors que les époux ont implicitement choisi le régime légal.
Le régime légal, la communauté réduite aux acquêts, s’applique donc à défaut de choix exprès en faveur
d’un régime matrimonial. C’est la raison pour laquelle on qualifie le régime légal de régime matrimonial
« supplétif ». Les règles d’organisation patrimoniale du Code civil suppléent l’absence de choix des époux,
exprimés dans un contrat de mariage.

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Remarque
Il convient de préciser ici qu’une majorité de couples d’époux français ne procède pas à la rédaction d’un contrat
de mariage. Ainsi la communauté réduite aux acquêts est le régime matrimonial de plus de la moitié des époux
français).

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Section 2. La liberté conventionnelle en matière matrimoniale

Les époux disposent d’une grande liberté de choix, en vertu d’un principe, cardinal depuis 1965, de liberté
des conventions matrimoniales. Ils ont donc la faculté d’organiser dans leur contrat de mariage leurs relations
patrimoniales à leur convenance. Bien que garanti, le principe de liberté des conventions matrimoniales (§1),
connaît d’importantes limites (§2).

§1. Principe
Depuis la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, un important principe de liberté des conventions matrimoniales
gouverne la matière.

Ce principe a deux conséquences concrètes :


• D’une part, les époux sont libres de choisir et d’organiser leur régime matrimonial.
• D’autre part, les époux sont libres de changer de régime matrimonial (sur ce point, cf. infra).

Ce principe de liberté des conventions matrimoniales est essentiel pour la pratique notariale. Il engendre en effet
une ère de création rédactionnelle tout à fait intéressante. Soumis à un important devoir de conseil et garant de
l’efficacité des actes qu’il rédige, le notaire va rédiger un contrat de mariage qui correspond parfaitement à la
situation professionnelle et patrimoniale des futurs époux qui se présentent devant lui.

En savoir plus : Intérêt théorique


D’un point de vue plus théorique, le principe de liberté des conventions matrimoniales et, plus largement, la loi du
13 juillet 1965, sont considérés comme les premières manifestations concrètes et pratiques de la sociologique
juridique en France. En effet, afin de répondre au mieux aux attentes des citoyens français quant à la réforme du
droit des régimes matrimoniaux, la rédaction de la loi du 13 juillet 1965 a été précédée d’une importante étude
statistique adressée afin de cerner les souhaits et les attentes concrètes. Il en est ressorti un certain nombre de
lignes forces, dont l’attachement à ce fameux principe de liberté des conventions matrimoniales.

Remarque
On pourrait donc dire, de manière imagée, que le principe de liberté des conventions matrimoniales vise en
quelque sorte, pour le notaire, à confectionner un régime matrimonial « sur mesure » pour les époux.

Par conséquent, la situation professionnelle et patrimoniale du couple amènera le notaire à préférer tel type
de régime matrimonial plutôt que tel autre.

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Exemple
Conseil à l’époux travailleur non salarié : Avec le régime de la communauté réduite aux acquêts,
régime matrimonial légal, la communauté en tant que masse de biens répond des dettes du couple mais
aussi des dettes personnelles d’un époux nées durant le mariage. Ce régime matrimonial expose donc la
communauté, voire même le patrimoine de l’autre conjoint, lorsque l’époux a une activité professionnelle
susceptible d’engendrer des dettes. On songe ici à l’époux qui exerce une profession indépendante. Le notaire
ne conseillera donc pas ce régime matrimonial à des travailleurs non-salariés, en incitant davantage les époux
dans cette situation à opter pour un régime séparatiste.

§2. Limites

Aussi important que soit le principe de liberté des conventions matrimoniales, il n’est cependant pas illimité et
connaît deux séries de limites. Ces limites sont le reflet d’une part de la nature contractuelle du contrat de
mariage et de son objet matrimonial, d’autre part.

Comme le contrat de mariage présente avant tout la nature juridique d’un contrat, il est soumis à l’article 6 du
Code civil, selon lequel « on ne peut déroger par convention aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes
mœurs ». Ainsi, un contrat de mariage ne saurait en aucun cas contenir des clauses violant l’ordre public, telles
qu’une clause permettant la prostitution de l’épouse par exemple. Un tel contrat serait assurément nul.

Le contrat de mariage doit respecter par ailleurs des règles impératives dictées non plus par sa nature
contractuelle mais par son objet matrimonial. Le mariage ayant la nature juridique d’une institution, de
nombreuses incidences du mariage échappent à la volonté des époux. Il est donc des règles fixées par le Code
civil qui ne peuvent nullement être modifiées par le contrat de mariage, car ces règles définissent l’essence de
l’institution matrimoniale.

Exemple
Tel est le cas par exemple de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Expression d’une volonté de
vivre ensemble et d’une solidarité familiale, l’obligation de contribuer aux charges du mariage est au cœur de
l’institution matrimoniale. Ainsi, les époux ne peuvent pas neutraliser dans leur contrat de mariage le principe
de cette obligation, c’est à dire en dispenser l’un des deux époux, voire les deux. Une telle clause nierait
l’institution matrimoniale. En revanche, les époux peuvent tout à fait déterminer par une convention matrimoniale
les modalités de cette obligation. Il s’agira par exemple de fixer par convention la proportion respective des
époux dans la contribution, en indiquant par exemple que le mari supportera deux tiers de ces charges et
l’épouse un tiers seulement.

Dans cette perspective, la clause du contrat de mariage ne concerne plus le principe de la contribution mais
ses modalités. Elle est donc parfaitement valable.

Ces règles indérogeables se trouvent aux articles 212 et suivants du Code civil et 1387 et suivants du Code
civil. Elles constituent le régime « primaire » ou régime « impératif ». Ces deux expressions sont synonymes
et désignent l’ensemble des règles du régime matrimonial, fixées par le Code civil, dont le principe ne saurait
être altéré par la volonté des époux.

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Constituent ainsi le régime impératif :

Pour les devoirs patrimoniaux Pour les devoirs personnels

Le devoir de secours, la contribution aux charges La fidélité, l’assistance, le choix de la résidence


du mariage, la protection du logement familial, la familiale, l’obligation d’éduquer les enfants.
solidarité des dettes ménagères.

Par conséquent, ces obligations impératives seront applicables quel que soit le régime matrimonial choisi par
les époux.

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Section 3. Les formalités (notariales) précédant la célébration du
mariage
Avant la célébration du mariage, le notaire reçoit les époux qui souhaitent faire rédiger un contrat de mariage. Cet
entretien va permettre de connaître la situation professionnelle, patrimoniale et personnelle de chacun des deux
époux. Il doit permettre aussi au notaire de déterminer les souhaits et les attentes du couple. Ainsi un époux,
exerçant une profession indépendante et exposé à des risques d’endettement nés de son activité, cherchera
sans doute à protéger par le contrat de mariage, le patrimoine de son conjoint, ainsi que les biens qui seront
éventuellement acquis par le couple durant l’union.

Remarque
Au demeurant, le notaire ne se limite pas à la prise en compte des situations patrimoniales strictement
individuelles. Il doit aussi tenir compte de la situation familiale des futurs époux.

En savoir plus : Trois points doivent en particulier retenir son attention


Trois points doivent en particulier retenir son attention :

1 - L’un des futurs époux, voire les deux, peuvent déjà avoir eu un ou plusieurs enfants avec une autre personne
avant le mariage, par exemple dans le cadre d’une précédente union. L’essor des familles dites « recomposées »
constitue en effet l’un des traits marquants des rapports familiaux contemporains. L’enfant « né d’un premier lit »
pourrait voir sa vocation successorale menacée si son auteur adoptait un régime de communauté universelle.
Dans cette situation, le rôle de conseil du notaire est essentiel. Il pourra par exemple conseiller la rédaction
concomitante d’une donation-partage afin de mettre en place un véritable pacte de famille.

2 - L’un des futurs époux, voire les deux, peut être amené à recevoir des biens par legs, succession, et surtout
par donation à des échéances relativement brèves. Ici aussi, le notaire doit attirer l’attention des époux sur
l’adoption de certains régimes matrimoniaux et sur l’adoption de clauses. En effet, elles pourront modifier les
règles de propriété et de pouvoir sur les biens reçus par donation ou succession.

3 - Des tiers, le plus souvent des ascendants des époux, peuvent également souhaiter procéder à une donation
de biens aux époux lors de la célébration du mariage. Expression d’une forme de solidarité familiale et mode
de transmission des biens au sein de la famille, ce type de libéralité peut être consenti lors de la rédaction du
contrat de mariage. Ici encore, le devoir de conseil du notaire est important, notamment au regard des incidences
strictement formelle de cette intervention de tiers (sur ces incidences formelles, cf. infra).

Au regard de ces éléments, le notaire procédera à la rédaction du contrat de mariage. La présence et le


consentement simultanés des futurs ou de leurs mandataires sont requis. De manière logique, la rédaction du
contrat de mariage doit intervenir avant la célébration du mariage. L’acte ne prendra en revanche effet qu’au
jour de la célébration. Ceci suppose évidemment que le mariage doit être célébré.

Si des tiers interviennent à l’acte, tel un ascendant donateur par exemple, ils doivent également être présents
et donner leur consentement.

Au moment de la signature du contrat, le notaire délivre aux parties un certificat sur papier libre et sans frais. Ce
certificat doit énoncer ses nom et lieu de résidence, les noms, prénoms, qualités et demeures des futurs époux,
ainsi que la date du contrat. Ce certificat comporte une mention indiquant qu’il doit être remis à l’officier de l’état
civil avant la célébration du mariage.

Le jour de la célébration du mariage, l’officier de l’état civil interpelle les époux afin de savoir s’ils ont fait procédé
à la rédaction par un notaire d’un contrat de mariage.

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 5 : Le changement de régime matrimonial

Table des matières


Section 1. La déjudiciarisation du changement de régime matrimonial.................................................................p. 3
§1. Le principe de la déjudiciarisation ...............................................................................................................................................p. 4
§2. Les hypothèses de maintien d’une homologation judiciaire......................................................................................................... p. 4
Section 2. Le rôle du notaire dans le changement de régime matrimonial ........................................................... p. 7
§1. La préparation du changement ................................................................................................................................................... p. 7
§2. L’adoption d’un nouveau régime.................................................................................................................................................. p. 7
§3. La publicité du changement ........................................................................................................................................................ p. 8

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Une fois adopté, le régime matrimonial des époux n’est pas immuable. L’affirmation vaut aussi bien pour les
époux qui ont expressément organisé par contrat de mariage leur régime matrimonial (cf. supra), que pour les
couples qui n’ont pas fait rédiger de contrat de mariage, se soumettant ainsi au régime légal (cf. supra).

En effet, un important principe de mutabilité des régimes matrimoniaux domine la matière. Dit autrement, il
est aujourd’hui possible de changer de régime matrimonial en cours de mariage, d’adapter les règles organisant
les relations patrimoniales du couple aux changements de circonstances les plus importants.

Exemples de changement de circonstances expliquant un changement de régime :

Exemple
Ainsi, des époux initialement mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, pourront
choisir le régime de la séparation de biens, suite à une modification de la situation professionnelle de l’un
des conjoints. Un tel changement est à recommander lorsqu’un époux salarié devient travailleur indépendant
par exemple. Potentiellement exposé à des poursuites de ses créanciers plus nombreuses, en raison de son
activité nouvelle, l’adoption de ce nouveau régime permet de protéger le patrimoine du conjoint. On tentera
ainsi de limiter le droit de gage de ces créanciers au seul patrimoine de l’époux qui exerce cette profession
indépendante.

Exemple
Outre les situations professionnelles, les époux peuvent également changer de régime matrimonial pour des
raisons plus personnelles. Tel est le cas par exemple d’époux retraités, initialement mariés sous le régime
de la séparation de biens, qui adoptent le régime de la communauté universelle. L’adoption d’un tel régime
matrimonial peut en effet présenter un intérêt successoral évident pour le conjoint survivant.

• La mutabilité admise dès 1965 :


Historiquement, la mutabilité des régimes matrimoniaux date de la grande loi de réforme des régimes
matrimoniaux du 13 juillet 1965. Précédemment en effet, le régime matrimonial était intangible (ancien article
1395 du Code Napoléon : Elles (les conventions matrimoniales) ne peuvent recevoir aucun changement après
la célébration du mariage).

Cette rigidité est apparue comme excessive au milieu des années soixante. Il faut dire que les rédacteurs de la
loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 entendaient répondre par ce texte à des aspirations sociales nouvelles, exprimées
dans le cadre d’une grande enquête statistique qui précéda la confection du texte. Il faut dire que ce texte fût
rédigé sous l’égide du Doyen Jean Carbonnier, père en France de la sociologie juridique.

Bien qu’admis en 1965, le changement de régime matrimonial demeurait très largement encadré. Il s’agissait en
réalité d’une mutabilité contrôlée, en raison notamment de son caractère judiciaire. La convention modifiant le
régime matrimonial, acte notarié, devait nécessairement être homologuée par une décision du juge, comme le
démontre la lettre de l’ancien article 1397 du Code civil.

Exemple
Ancienne rédaction de l'article 1397 du code civil.

Dans son appréciation, le juge vérifiait que le changement projeté fût bien conforme à l’intérêt de la famille.
Cette dernière notion s’avère essentielle dans le nouveau régime.

• La mutabilité dans la loi du 23 juin 2006 :

Ce caractère judiciaire du changement de régime matrimonial a fait l’objet de critiques, émanant notamment du
notariat. L’on faisait valoir en effet que par soucis de souplesse, il était sans doute souhaitable de déjudiciariser
le changement de régime matrimonial, dans certaines hypothèses, à tout le moins.
Ce fut chose faite avec la loi du 23 juin 2006, texte qui concernait principalement la réforme des successions et
du pacte civil de solidarité, mais qui a également modifié l’article 1397 du Code civil.

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Plan : Il convient donc d’étudier le changement de régime matrimonial, en droit positif, tel qu’il résulte de la loi du
23 juin 2006 (Section 1) avant de voir le rôle du notaire dans le changement de régime matrimonial (Section 2).

Section 1. La déjudiciarisation du changement de régime matrimonial

Si la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial constitue aujourd’hui la règle de principe (§1), il


demeure de nombreuses hypothèses dans lesquelles le législateur a procédé au maintien d’une homologation
judiciaire (§2).

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§1. Le principe de la déjudiciarisation
Affirmer que la règle, en matière de changement de régime matrimonial, est la déjudiciarisation, signifie que
désormais il n’est, en principe, plus nécessaire de procéder à une homologation. Dès lors le changement de
régime matrimonial revêt désormais une forme en principe notariée.

S’agissant de l’objet du changement, une grande diversité de situations se rencontre. Ainsi, il peut s’agir d’un
changement de régime matrimonial au sens strict du terme, c’est dire que les époux peuvent adopter un
nouveau régime.

Exemple
Les époux adopteront la communauté universelle, régime matrimonial qui viendra remplacer le régime de la
séparation de biens.

Le changement de régime matrimonial peut aussi avoir pour objet d’aménager le régime déjà adopté, sans pour
autant l’abandonner. Il s’agit ici d’un changement partiel.

C’est donc le notaire qui constate, dans un acte notarié, la convention adoptant le nouveau régime matrimonial
des époux. Il doit également en assurer la publicité (cf. infra).

L’absence de procédure judiciaire assouplit assurément le changement de régime matrimonial. Pour autant, la
loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a tout de même maintenu une condition temporelle. Ainsi les époux ne peuvent
pas changer de régime matrimonial avant deux ans d’application du régime matrimonial, conventionnel
ou légal.

Malgré ce progrès évident de la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, la loi n° 2006-728 du


23 juin 2006 n’a pas procédé à une libéralisation totale. Mieux vaut parler, à propos de ce régime de droit positif,
d’une déjudiciarisation partielle. Il reste en effet des hypothèses pour lesquelles le législateur a décidé de
maintenir la nécessité d’une homologation judiciaire.

§2. Les hypothèses de maintien d’une homologation judiciaire


Remarque
Le changement de régime matrimonial peut présenter certains dangers tant pour les époux eux-mêmes ou, à
tout le moins, pour l’un des époux, que pour les tiers. En changeant de régime matrimonial, les époux peuvent
modifier l’étendue du droit de gage de leurs créanciers. De même, un enfant qui n’est né des deux époux,
pourrait voir ses droits successoraux sérieusement altérés suite à un changement de régime matrimonial.

C’est la raison pour laquelle la loi du 23 juin 2006 n’a pas consacré une déjudiciarisation totale du changement de
régime matrimonial. Dans le cadre d’une déjudiciarisation partielle, la nécessaire homologation du juge demeure
dans plusieurs situations.

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Hypothèse de maintien d’une homologation judiciaire :

En présence d’enfants En présence de créanciers En présence d’enfants


mineurs majeurs

En présence d’enfants mineurs En présence de créanciers En présence d’enfants majeurs


tout d’abord, l’article 1397 qui s’opposent au projet ensuite, la phase judiciaire
du Code civil, dans sa de changement de régime n’est maintenue que dans
rédaction issue de la loi matrimonial, la phase judiciaire l’hypothèse où les enfants
du 23 juin 2006, rend s’avère là aussi indispensable. majeurs s’opposeraient au
obligatoire la phase judiciaire. On saisit sur ce point projet de changement de
Ainsi les époux devront ils également l’absolue nécessité régime matrimonial. Il est
nécessairement présenter leur d’informer les créanciers du donc absolument nécessaire
projet de changement de régime projet de changement de régime qu’une information préalable
matrimonial au magistrat en vue matrimonial. Cette publicité ait été délivrée aux enfants,
d’une homologation. du nouveau régime relève afin qu’ils puissent s’opposer
assurément de la tâche du ou non au projet. Seul
notaire (cf. infra). l’enfant majeur dûment informé
pourra logiquement exercer cette
prérogative. C’est la raison pour
laquelle l’article 1397 a prévu
une procédure d’information de
ces enfants. Pour autant, il peut
être fort judicieux de ne pas se
limiter à cette simple délivrance
d’information (cf. infra).

L’opposition des enfants majeurs au changement de régime matrimonial de leurs parents provoque donc
une homologation judiciaire. Dit autrement, elle provoque une intervention du juge, malgré l’évidente
déjudiciarisation mise en place en 2006. Il convient ici d’apporter deux précisions importantes.

En savoir plus : Opposition des enfants majeurs

Première précision : D’un point de vue strictement procédural, il convient de préciser que l’homologation
du changement de régime matrimonial relève de la matière gracieuse, au sens de l’article 25 du Code de
procédure civile. L’article 1301 du Code de procédure civile est explicite quant à cette qualification. Le juge aux
affaires familiales exerce donc ici une mission de contrôle. Il ne tranche pas un litige entre deux prétentions
qui s’opposent, mais il vérifie l’opportunité et la légalité de l’acte soumis à son homologation. Dit autrement,
l’homologation va parfaire l’acte de volonté privé. Pour autant, il est communément admis aujourd’hui par la
doctrine processualiste qu’en homologuant le juge rend un acte juridictionnel.
Jurisprudence
Homologuer fait donc pleinement partie de la fonction de juger. Dès lors, s’est posée la question de la nature
procédurale de l’opposition des enfants majeurs au changement de régime matrimonial de leurs parents.
Juridiquement cette opposition ne fait pas basculer l’intervention du juge dans le champ de l’acte juridictionnel
contentieux. L’affaire continue d’appartenir à la matière gracieuse (Civ. 1re, 19 mars 2008, RTD Civ. 2008.725,
obs. Perrot ; JCP éd. G. 2008, I, 144, n° 8, obs. Wiederkher ; D. 2008.2042, note Le Ninivin).
Cette précision jurisprudentielle est importante. En effet, les enfants « opposants » ne deviennent pas des parties
à l’instance qui feraient valoir des prétentions propres.

Deuxième précision : D’un point de vue pratique, il est bien évident que le rôle du notaire est essentiel pour
désamorcer ab initio de futures oppositions des enfants majeurs.

Au stade de la préparation du changement (sur laquelle, cf. infra), on ne peut que recommander au notaire
d’éclairer les enfants majeurs sur les incidences du changement projeté, sur la dévolution successorale en
particulier (cf. infra). Ainsi le notaire ne devrait pas se contenter d’une simple information mais doit faire œuvre
d’une véritable pédagogie juridique et fiscale.

Une fois déterminées les hypothèses de maintien d’une homologation judiciaire, il reste à se pencher sur la
compétence d’attribution. Quel est le magistrat matériellement compétent en matière de changement de régime
matrimonial, lorsque la phase judiciaire est requise.
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La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 dite de simplification du droit a modifié l’article L. 213-3 du Code de
l’organisation judiciaire en attribuant la compétence en matière de changement de régime matrimonial au juge
aux affaires familiales.

En savoir plus : Précision procédurale


On notera que cette compétence nouvelle du juge aux affaires familiales en matière de changement de régime
matrimonial s’est accompagnée de compétences nouvelles également en matière d’indivision entre partenaires
unis par un pacte civil de solidarité ou entre concubins. Le juge aux affaires familiales est également devenu
compétent en matière de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des personnes liées par un pacte
civil de solidarité et des concubins.

C’est à dire que ce texte a érigé le juge aux affaires familiales en véritable magistrat compétent en matière de
rupture du couple, quelle que soit sa forme juridique.

En dehors de ces hypothèses de maintien d’une homologation judiciaire, le changement de régime matrimonial
repose très largement sur le rôle essentiel du notaire.

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Section 2. Le rôle du notaire dans le changement de régime matrimonial
L’étude du rôle du notaire dans le changement de régime matrimonial suppose de procéder de manière
chronologique en envisageant tout d’abord la préparation du changement (§1), puis l’adoption du nouveau
régime (§2) – qui constitue le changement proprement dit, et enfin la publicité du changement intervenu (§3).

§1. La préparation du changement


Une question importante concerne la nécessité d’une liquidation du régime abandonné. Faut-il, avant de
procéder au changement de régime, procéder à une telle liquidation ?

La réponse paraît évidente lorsqu’il s’agit d’adopter un régime séparatiste à la place d’un régime de
communauté. Dans cette hypothèse, la liquidation de la communauté doit nécessairement intervenir pour
déterminer ensuite deux patrimoines distincts.

En savoir plus : Solution a été préconisée par le ministère de la justice


Cette solution a été préconisée par le ministère de la justice, dans une réponse ministérielle, qui précise par
ailleurs que la liquidation est inutile quand le changement envisagé ne conduit à aucun changement dans la
composition des patrimoines des époux et qu’il ne les désorganise pas. Ainsi la liquidation n’est pas requise
quand le changement projeté est le passage d’un régime séparatiste vers un régime communautaire.

Pour que les enfants majeurs ou encore les créanciers des époux puissent s’opposer au changement de régime
matrimonial envisagé, encore faut-il qu’ils aient été informés de ce projet. C’est la raison pour laquelle le
notaire doit aviser les enfants majeurs du projet de changement. L’article 1397 al. 2 du Code civil dispose que le
notaire doit provoquer l’avis des personnes qui avaient été parties au contrats, telles que d’éventuels donataires
par exemple, et les enfants majeurs. Ainsi le notaire doit-il les informer « personnellement de la modification
envisagée ».

L’information des créanciers quant à elle va s’opérer grâce à un avis publié dans un journal d’annonces
légales. C’est un arrêté du 26 décembre 2006 qui est venu préciser les modalités de cette information. Le notaire
est chargé d’assurer cette publicité. A partir de la publication, les créanciers peuvent s’opposer à la modification
envisagée, provoquant ainsi la phase judiciaire d’homologation précédemment évoquée (cf. supra).

§2. L’adoption d’un nouveau régime


L’adoption du nouveau régime est fonction de la notion centrale d’intérêt de la famille. Le changement de régime
matrimonial envisagé doit en effet avoir pour finalité de satisfaire l’intérêt de la famille.

En savoir plus : Signification de « l’intérêt de la famille »


« L’intérêt de la famille » constitue une notion à contenu variable, parfois dénommée « notion indéterminée » ou
« notion floue », c’est à dire des termes législatifs qui laissent volontairement une très large place à l’appréciation
du juge. Face aux notions à contenu variable, telles « l’intérêt de l’enfant » ou « l’intérêt de la famille », c’est au
juge qu’il revient d’apprécier si tel acte est bien conforme à l’intérêt de la famille, dans le cadre de sa fonction
d’homologation. De même, le juge tranchera un conflit relatif à l’exercice de l’autorité parentale, en se fondant
sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

En matière de changement de régime matrimonial, la jurisprudence a livré quelques indications relatives à la


signification de cette notion d’intérêt de la famille. Ainsi a-t-il été précisé que l’intérêt de la famille ne constitue
pas la somme des intérêts individuels des membres de la famille. Seront pris en compte non seulement les
intérêts des époux, mais aussi les intérêts de leurs descendants. L’intérêt de la famille revêt un double aspect,
à la fois subjectif et objectif. Si les motifs déterminant le couple à changer de régime matrimonial doivent
être pris en compte, il faut aussi se fonder sur l’opportunité du changement projeté. Ainsi la protection du
patrimoine familial face aux poursuites de créanciers personnels d’un époux peut justifier l’adoption d’une régime
de séparation de biens (cf. supra). Inversement, la volonté d’organiser la transmission successorale au profit du
conjoint survivant peut expliquer l’adoption d’une régime communautaire (cf. supra).

Parmi les motifs justifiant un refus d’homologation, l’on trouve par exemple la volonté de protéger la vocation
successorale de l’enfant d’un seul membre du couple qui envisage de changer de régime matrimonial.

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Exemple
Par exemple, un enfant, qui n’est pas né du mariage de son père mais d’une précédente relation, peut voir sa
vocation successorale très largement atteinte par l’adoption, au cours du mariage de son père avec une autre
femme, d’une communauté universelle, dès lors que son père décède en premier.

Ce risque est désormais moins important depuis que la loi n° 2006-728 a organisé au profit de cet enfant
« né d’un premier lit », une action en retranchement à l’article 1527 alinéa 2 du Code civil. Cette action va
précisément permettre d’éviter le risque d’atteinte à ses droits.

Antérieurement, la jurisprudence avait pu refuser une homologation de changement de régime matrimonial


lésant les intérêts de l’héritier réservataire né d’un « premier lit » (Civ. 1re, 8 juin 1982, Bull. I, n° 214 ; Civ. 1re,
5 juillet 1989, JCP éd. N. 1991, II, 59, note Simler ; Rép. Def. 1989.1143, obs. Champenois).

En revanche et de manière logique, lorsque le changement envisagé n’a pour conséquence de porter atteinte
aux droits successoraux de cet enfant, il n’y a pas lieu d’annuler la convention de changement de régime
matrimonial (Civ. 1re, 17 fév. 2010, JCP éd. G 2010, n° 487, note Wiederkher ; Rép. Def. 2010.1159, note
Massip ; D. 2010.582, obs. Egéa).

En savoir plus : Appréciation de l’intérêt de la famille


L’intérêt de la famille va être apprécié par le juge dans le cadre de l’homologation. Le changement sera
homologué chaque fois qu’il est considéré comme conforme à l’intérêt de la famille. Nous avons indiqué
précédemment qu’en principe le changement de régime matrimonial est aujourd’hui notarié, la phase judiciaire
n’étant maintenue que dans des hypothèses précisément définies. Dès lors quelle est la situation du notaire
par rapport à cette appréciation de l’intérêt de la famille ? Le notaire va devoir lui aussi apprécier la conformité
du changement envisagé à l’intérêt de la famille. Cela étant, ce contrôle va s’effectuer dans le cadre de son
devoir de conseil. Concrètement, le notaire ne va donc pas pouvoir s’opposer à la rédaction d’un acte qui serait
contraire à l’intérêt de la famille, contrairement au juge qui a la faculté de refuser l’homologation. En pratique,
il est sans doute de bonne méthode pour le notaire de faire signer par ses clients une [décharge] démontrant
clairement que le conseil a bien été délivré et que le couple a été mis en garde face aux risques que comportent
le changement de régime projeté.

§3. La publicité du changement


La tâche du notaire ne s’arrête pas au changement de régime matrimonial proprement dit. Sous peine de voir
sa responsabilité engagée, le notaire doit procéder à la publicité du changement de régime matrimonial. Celle-
ci va permettre de rendre le changement opposable au tiers. La publicité constitue donc une garantie de
l’efficacité juridique du nouveau régime matrimonial.

Le notaire va devoir tout d’abord faire procéder à la mention du changement de régime matrimonial en marge
de l’acte de mariage. Ainsi le notaire adresse à l’officier d’état civil un extrait de l’acte et un certificat établi par
lui précisant la date de réalisation des formalités d’information et de publication de l’avis et attestant de l’absence
d’opposition (C.P.C., art. 1300-2).

Par ailleurs, certains changements de régime matrimonial vont nécessairement avoir une incidence sur la
publicité foncière.

Exemple
Tel sera par exemple le cas avec le passage d’un régime communautaire à un régime séparatiste. Si un bien
immobilier dépendant jusqu’au changement de régime matrimonial vient à être attribué à l’un des époux, les
registres de publicité foncière doivent nécessairement être modifiés (sur la publicité foncière, cf. infra).

Dans cette hypothèse, à compter de l’expiration du délai de trois mois à compter de la publication de projet de
modification dans un journal d’annonce légale (cf. supra) ou à compter de l’information personnelle des enfants
majeurs (cf. supra), le notaire doit faire procéder, dans les délais requis (trois mois) aux formalités de publicité
foncière de l’acte constatant le changement de régime matrimonial.

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Information des enfants majeurs ainsi que des créanciers et
délais requis pour procéder aux formalités de publicité foncière

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 6 : Les successions ab intestat

Table des matières


Section 1. Ouverture de la succession ?...................................................................................................................p. 2
§1. La détermination des biens à transmettre....................................................................................................................................p. 2
§2. La détermination des héritiers...................................................................................................................................................... p. 3
A. Les héritiers présomptifs......................................................................................................................................................................................... p. 3
1. Premier ordre d’héritiers : les enfants du défunt et leurs héritiers.......................................................................................................................................................... p. 7
2. Deuxième ordre d’héritiers : les parents du défunt, ses frères et sœurs et les descendants de ces derniers......................................................................................p. 10
3. Troisième ordre d’héritiers : les ascendants dits « ordinaires »............................................................................................................................................................p. 14
4. Quatrième ordre d’héritiers : les collatéraux qualifiés d’ « ordinaires »................................................................................................................................................ p. 15
5. Les ordres d’héritiers : synthèse............................................................................................................................................................................................................p. 16
B. La vocation successorale du conjoint survivant....................................................................................................................................................p. 16
Section 2. L’option successorale..............................................................................................................................p. 20
§1. L’acceptation pure et simple.......................................................................................................................................................p. 21
§2. La renonciation .......................................................................................................................................................................... p. 22
§3. L’acceptation à concurrence de l’actif net.................................................................................................................................. p. 22
Section 3. L’indivision successorale .......................................................................................................................p. 24
§1. L’indivision successorale ........................................................................................................................................................... p. 24
§2. Le partage de l’indivision............................................................................................................................................................ p. 25

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L’expression « succession ab intestat » renvoie à la source de la dévolution successorale. En matière de
succession dite ab intestat, la succession n’est pas dévolue selon les dispositions prises par le défunt de son
vivant, dans un testament.
La dévolution s’effectue, faute de dispositions volontaires, selon les prescriptions de la loi. Dans cette
perspective, les règles relatives aux successions ab intestat sont supplétives. Elles ne s’appliquent donc que
faute de dispositions volontaires. Cette hiérarchie, favorable à la dévolution volontaire, est établie par l’article
721 du Code civil, qui dispose « les successions sont dévolues par la loi lorsque le défunt n’a pas disposé
de ses biens par des libéralités ». Il s’agit là d’une innovation majeure, introduite par la loi n° 2001-1135 du
3 décembre 2001.

Remarque
Cette priorité accordée à la dévolution volontaire témoigne parfaitement de l’essor de la volonté individuelle en
droit des successions. Le nouvel article 721 du Code civil est, de ce point de vue, tout à fait significatif.

En savoir plus : Le rôle de la volonté


Pour autant, le rôle de la volonté n’est pas illimité. L’article 721 du Code civil dispose en effet, dans son alinéa
2, que les successions « peuvent être dévolues par les libéralités du défunt dans la mesure compatible avec
la réserve héréditaire » (cf. supra). Par conséquent, la dévolution successorale ab intestat s’opère faute de
libéralités faites par le défunt. Ces règles de dévolution ab intestat s’appliquent également pour la portion du
patrimoine qui constitue la réserve héréditaire.

Nous nous intéresserons ici à ces hypothèses de base, qui concernent la dévolution de l’ensemble du patrimoine
du défunt selon les règles fixées par le Code civil.
La dévolution successorale ab intestat s’opère de manière chronologique. L’ouverture de la succession va
permettre de déterminer l’étendue exacte des biens du défunt et de connaître les héritiers présomptifs (c’est à
dire désignés par la loi) (Section 1). La qualité d’héritier engendre la transmission d’une option successorale,
c’est à dire de la faculté d’accepter ou de refuser la succession (Section 2). Lorsque les héritiers acceptent la
succession, les biens transmis sont indivis. Il convient alors de procéder à une liquidation de l’indivision (Section
3).

Section 1. Ouverture de la succession ?


La succession est ouverte par la mort, au dernier domicile du défunt. C’est donc au jour du décès qu’il convient
de se placer pour connaître l’étendue exacte du patrimoine du défunt et pour déterminer ses héritiers.

§1. La détermination des biens à transmettre


Juridiquement, le terme « succession » peut désigner aussi la masse de biens attribuée, à titre universel et à
cause de mort. L’on pourrait parler aussi d’une « masse successorale » voire d’un « patrimoine » successoral.
La détermination de l’étendue exacte et de la composition précise de cette masse de biens s’avère donc
absolument essentielle. Entre le moment du décès et la mainmise effective par les héritiers sur les biens du
défunt s’ouvre une période dangereuse pour les biens composant la masse successorale. Ils peuvent en effet
faire l’objet d’une soustraction frauduleuse.

En savoir plus : L’apposition des scellés


Pour éviter ce type de soustraction qui viendrait altérer la détermination de la masse successorale, une procédure
spécifique d’apposition de scellés sur les biens successoraux est organisée par le Code de procédure civile.
Traditionnellement, le greffier en chef du tribunal d’instance du lieu d’ouverture de la succession était compétent
en matière d’apposition des scellés. Un décret du 1er septembre 2011 a transféré cette compétence à l’huissier
de justice. L’apposition des scellés par l’huissier de justice suppose une autorisation préalable du président
du tribunal de grande instance. Le Code civil organise minutieusement cette apposition des scellés dans ses
articles 1304 et suivants.

Pour déterminer l’étendue exacte de la masse successorale, la rédaction d’un inventaire peut également
s’avérer fort utile.

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L’inventaire est un acte juridique qui se caractérise par sa finalité à la fois énumératrice et estimatrice.
Malgré son utilité, l’inventaire n’est obligatoire que lorsque l’un des héritiers accepte la succession à
concurrence de l’actif net. En dehors de cette hypothèse, l’inventaire n’est que facultatif.

En pratique, l’attestation immobilière, acte notarié rédigé à la demande des héritiers et qui exprime le
changement de propriétaire du bien immobilier suite au décès, s’avère extrêmement utile pour la dévolution des
biens immobiliers.
Il faut ajouter ici un dernier ensemble de règle qui peut contribuer à la détermination de la masse successorale.
Il s’agit du recel successoral, peine privée qui, par son effet incitatif, permet de limiter les soustractions par
un héritier de biens successoraux.

Article 778 du Code civil : le recel successoral : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui
a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter
purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif
net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant
à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir
été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de
cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la
jouissance depuis l'ouverture de la succession ».

Ainsi pour sanctionner l’héritier qui a dissimulé un bien non seulement le Code civil le répute être un héritier
acceptant purement et simplement, ce qui peut être préjudiciable lorsque la succession présente un solde
négatif. Par ailleurs, l’héritier ne saurait valablement prétendre à une part dans les biens ou droits détournés
ou recelés. Cela signifie que ces biens ne pourront pas lui être attribués. L’objet de la convoitise échappe donc
à cet héritier malveillant.

§2. La détermination des héritiers


En matière de succession ab intestat, les héritiers sont désignés par le Code civil lui-même. On parle alors
d’héritier « présomptifs » ou d’héritiers ab intestat. L’on va retrouver ici, par ordre de proximité dans la parenté,
les descendants du défunt – dénommé aussi « le de cujus », mais aussi ses parents, ses frères et sœurs.
Faute d’héritier en degré de proximité, l’on s’éloigne dans la parenté. Outre ces héritiers présomptifs (A) que l’on
pourrait qualifié d’habituels, il convient d’étudier la vocation successorale particulière du conjoint survivant (B).

A. Les héritiers présomptifs


La détermination des héritiers dits « ab intestat » est faite par le Code civil lui-même, selon un important principe
de proximité. C’est à dire que la succession va être attribuée aux héritiers les plus proches. Faute d’héritiers
se trouvant dans cette situation de proximité, la succession est attribuée aux héritiers de rang subséquents
suivant. Ainsi la dévolution successorale est hiérarchisée et dévolue selon un ordre de proximité.

En savoir plus : L'ordre de proximité


Cette détermination s’avère en pratique extrêmement importante car les héritiers désignés par la loi sont saisis
de pleins droit des biens, droits et actions du défunt (C. civ., art. 724). Selon l’adage « la mort saisit le vif », ce
qui signifie que les héritiers désignés par la loi sont juridiquement les continuateurs de la personne du défunt.
Ils peuvent donc immédiatement entrer en possession des biens du défunt, sans procédure particulière. Encore
faut-il que l’héritier soit né vivant et viable. Cela étant, l’enfant déjà conçu au moment de l’ouverture de la
succession peut succéder à condition de naître viable. Il s’agit là d’une manifestation légale (C. civ., art. 725)
de l’adage infans conceptus pro nato habetur.

Par dérogation à ces principes, certains héritiers peuvent être exclus de la dévolution successorale. Une telle
exclusion constitue une sanction, prévue par le Code civil lui-même en réponse à certains comportements
infractionnels commis par l’héritier à l’égard du défunt. Outre la sanction pénale, l’héritier qui a porté atteinte à
la vie du défunt, ne pourra pas hériter. L’indignité successorale est donc une sanction civile qui repose sur des
préoccupations morales. Le Code civil énumère ces faits qui peuvent donner lieu à une indignité successorale
de plein droit. Il s’agit des comportements les plus graves, visés par l’article 726 du Code civil.

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Article 726 du Code civil : « Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession
1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné
ou tenté de donner la mort au défunt ;
2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté
des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la
donner ».

L’article 727 du Code civil énumère quant à lui des comportements qui peuvent être sanctionnés par une
indignité successorale qui n’est que facultative.

Article 727 du Code civil : « Peuvent être déclarés indignes de succéder :


1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement
donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement
commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ;
3° Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;
4° Celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu d'empêcher soit un crime soit un délit contre
l'intégrité corporelle du défunt d'où il est résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour
les tiers ;
5° Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés,
une peine criminelle était encourue ;
Peuvent également être déclarés indignes de succéder ceux qui ont commis les actes mentionnés aux 1° et 2°
et à l'égard desquels, en raison de leur décès, l'action publique n'a pas pu être exercée ou s'est éteinte ».

La hiérarchie dans la dévolution s’opère selon des règles établies par le Code civil. Les héritiers sont
regroupés dans des ordres d’héritiers. Ainsi, la succession sera dévolue en priorité aux héritiers du premier
ordre. A défaut d’héritiers du premier ordre, elle revient aux héritiers du deuxième ordre et ainsi de suite, jusqu’au
quatrième ordre d’héritiers.
L’article 734 du Code civil hiérarchise ainsi des ordres d’héritiers que l’on peut définir comme un groupe de
parents réunis selon leur degré de proximité avec le défunt.

Article 734 : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit :
1° Les enfants et leurs descendants ;
2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ;
3° Les ascendants autres que les père et mère ;
4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ».

Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants du Code civil.

Pour simplifier cette dévolution, le Code civil lui-même procède à d’utiles précisions terminologiques. Ainsi,
l’article 741 du Code civil définit le « degré » de parenté en disposant que « la proximité de parenté s’établit par
le nombre des générations ; chaque génération s’appelle un degré ». Le texte suivant quant à lui précise que
« la suite de degré forme la ligne ; on appelle ligne directe la suite des degrés entre personnes qui descendent
l’une de l’autre ; ligne collatérale, la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des
autres, mais qui descendent d’un auteur commun. On distingue la ligne directe ascendante et la ligne directe
descendante » (C. civ., art. 742).

A cela, il faut ajouter les règles de décompte des degrés de proximité établies par le Code civil (C. civ., art. 743).

En ligne directe En ligne collatérale

On compte autant de degrés qu’il y a de Les degrés se comptent par génération, depuis
générations. l’un des parents jusque et non compris l’auteur
commun, et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.

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Sur ce schéma figure une ligne directe entre le fils du défunt et le grand-père du défunt.

Remarque
On dira ici que le fils se trouve au premier degré. Le grand père quant à lui se trouve au deuxième degré.

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Sur ce schéma, l’oncle et le cousin du défunt se trouvent en ligne indirecte. Le cousin du défunt se trouve au
quatrième degré. Du défunt au grand-père, il y a deux générations, soit deux degré. Ensuite l’on redescend vers
le cousin et il y a deux nouveaux deux générations, donc deux degrés, soit quatre degrés au total.

A cela, il faut ajouter la notion de branche qui est évoquée quant à elle à l’article 746 du Code civil.

Ce texte dispose que « la parenté se divise en deux branches, selon qu’elle procède du père ou de la mère ».
On parlera donc de la branche paternelle et de la branche maternelle du défunt.

Grâce à ces utiles précisions terminologiques, la détermination des héritiers présomptifs du défunt est largement
simplifiée. Dès lors, en suivant l’ordre établi par l’article 734 du Code civil, il est possible d’établir la hiérarchie
suivante :

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1. Premier ordre d’héritiers : les enfants du défunt et leurs héritiers
L’article 735 du Code civil dispose que les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou
autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes.

En savoir plus : La vocation successorale de l’enfant dit « adultérin »


On ne distingue donc plus depuis la loi du 3 décembre 2001 selon la situation juridique des parents de l’enfant
héritier. Avant ce texte en effet, l’enfant adultérin, voyait sa part successorale amputée de la moitié de ce à quoi
il aurait eu droit s’il avait été légitime. Cette vocation successorale amoindrie résultait de l’ancien article 760 du
Code civil, texte jugé contraire à la Convention européenne des droits de l’homme dans un arrêt de principe
Mazurek c/ France.

Vidéo extraite du cours de Droit de la famille assuré par Monsieur le Professeur Bernard Beignier.

Par conséquent, la succession sera attribuée de la manière suivante :

Sur ce schéma, le fils et la fille du défunt, en bas à gauche, qui constituent le premier ordre d’héritiers, vont
hériter du défunt à parts égales.

Exemple
Par exemple pour un patrimoine de 500.000 euros, chacun recevra 250.000 euros. Comme ces deux enfants
constituent l’ordre d’héritiers le plus proche du défunt, ils évincent les autres héritiers. Ainsi, la mère du défunt,
la sœur et le neveu sont évincés de la succession.

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En ligne ascendante, le mécanisme de la représentation joue. Le Code civil lui-même définit la représentation
comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du
représenté » (C. civ., art. 751).

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Les petits-enfants seront appelés à la succession de leur grand-père, en cas de renonciation, de prédécès ou
d’indignité de leur père.

Exemple

Dans ce schéma, en admettant que le défunt laisse un patrimoine de 400.000 euros, la dévolution s’opère de
la manière suivante. En principe Jean et Hélène auraient du recevoir 200.000 euros chacun. Comme Jean
est précédé et que Hélène a renoncé à la succession, leurs propres enfants le représentent, c’est à dire qu’ils
vont occuper leur rang successoral. Ainsi, Eric et Sophie vont représenter Jean, leur père prédécédé, dans
la succession de leur grand-père. Ils recevront 200.000 euros, en lieu et place de Jean, soit 100.000 euros
chacun. Quant à Marie, elle vient représenter sa mère renonçante et recueille donc 200.000 euros.

Si l’on poursuit dans la hiérarchie des héritiers fixée par l’article 734 du Code civil, il apparaît qu’en l’absence
d’héritiers du premier ordre, la succession est attribuée aux père et mère du défunt et à ses frères et sœurs,
ainsi qu’à leurs descendants.

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2. Deuxième ordre d’héritiers : les parents du défunt, ses frères et sœurs et les
descendants de ces derniers
Le deuxième ordre d’héritiers est donc composé des parents du défunt, de ses frères et sœurs et des
descendants de ces derniers.

Il convient ici de distinguer plusieurs hypothèses.

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Première hypothèse : le défunt ne laisse pas d’enfant, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers. Les
parents du défunt lui succèdent alors pour, chacun pour moitié.

• La mère du défunt = la moitié de la succession ;


• Le père du défunt = la moitié de la succession ;
• Lorsqu’un seul parent survit, il recueille alors l’intégralité de la succession.

Ici, le père du défunt recueille l’intégralité de la succession.

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Deuxième hypothèse : lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt et que ce dernier ne laisse pas
de postérité, les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants lui succèdent, à l’exclusion des autres parents,
ascendants ou collatéraux (C. civ., art. 737).

Dans cette situation, c’est le frère du défunt qui recueille la succession

Troisième hypothèse : les père et mère survivent au défunt qui n’a pas de postérité, mais des frères et sœurs
ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et,
pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants (C. civ., art. 738).

La vocation s’opérera de la manière suivante :


• Père = un quart de la succession ;
• Mère = un quart de la succession ;
• Frère = la moitié de la succession.
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En revanche, si un seul parent survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux
frères et sœurs ou à leurs descendants (C. civ., art. 738).

Dans cette situation, la succession est dévolue de la sorte :


• Père = un quart de la succession ;
• Frère = trois quart de la succession.

Si l’on poursuit dans la hiérarchie établie par l’article 734 du Code civil, la succession sera dévolue aux héritiers
du troisième ordre ou, à défaut d’héritiers de cet ordre, aux héritiers du quatrième ordre.

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3. Troisième ordre d’héritiers : les ascendants dits « ordinaires »
Le troisième ordre d’héritiers comporte les ascendants dits « ordinaires », c'est-à-dire les ascendants autres
que les père et mère du défunt, tels que les grands-parents, voire les arrières grands-parents.

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4. Quatrième ordre d’héritiers : les collatéraux qualifiés d’ « ordinaires »
Le quatrième ordre d’héritiers comporte quant à lui les collatéraux qualifiés d’ « ordinaires ». Les collatéraux
ordinaires sont les parents collatéraux autres que les frères et sœurs du défunt et leurs descendants.

Exemple
Il s’agit par exemple d’un cousin ou encore d’un petit-cousin, sachant que la succession n’est aujourd’hui
dévolue que jusqu’au sixième degré de parenté.

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5. Les ordres d’héritiers : synthèse

B. La vocation successorale du conjoint survivant


Le conjoint survivant occupe désormais une place de choix dans le règlement des successions ab intestat. Il faut
dire que longtemps le conjoint survivant a été vu avec suspicion. L’on craignait en effet qu’il ne porte atteinte à
la transmission du patrimoine familial. L’expression populaire et péjorative, « pièce rapportée », exprime assez
bien cette idée. En droit des successions, la vocation légale du conjoint survivant ne convenait plus à une
famille recentrée sur son noyau (la « famille nucléaire »). C’est la raison pour laquelle les deux réformes du
3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 ont procédé à une très nette valorisation de la vocation successorale du
conjoint survivant. Désormais, le conjoint survivant est un héritier réservataire, comme les descendants
du défunt. Ceci emporte une importante conséquence pratique : quelles que soient les dispositions de volonté
de son époux, exprimées de son vivant dans des libéralités, le conjoint survivant se verra toujours attribué une
partie du patrimoine du défunt. L’ordre public protège donc ici les droits du conjoint survivant. Encore faut-il
bien sûr que le couple soit toujours marié lors de l’ouverture de la succession. Il est évident que l’ex-conjoint,
divorcé, ne saurait se prévaloir de cette qualité de conjoint survivant.

Dès lors, il convient de distinguer plusieurs hypothèses, envisagées par le Code civil lui-même.

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Première hypothèse : si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille,
à son choix :
• l’usufruit de la totalité des biens existants ;
• ou la propriété du quart des biens.

Le conjoint survivant ne bénéficie de cette option que lorsque tous les enfants sont issus des deux époux (C. civ.,
art. 757). C'est-à-dire qu’en présence d’enfants communs aux deux époux, la situation peut être résumée ainsi :

En revanche, en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant
ne bénéficie plus de cette option et se verra nécessairement attribué la propriété du quart des biens.

Le Code civil évoque ensuite l’hypothèse dans laquelle le défunt ne laisse pas d’enfants, mais son conjoint et
ses père et mère (C. civ., art. 757-1). La dévolution successorale s’opère alors de la manière suivante :

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Il convient ici de préciser qu’en cas de pré-décédé du père ou de la mère, la part qui lui serait revenue échoit au
conjoint survivant (C. civ., art. 757-1 al. 2). La succession sera alors dévolue de la manière suivante :

Il convient ensuite d’indiquer qu’en l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère,
le conjoint survivant recueille toute la succession (C. civ., art. 757-2). Cela signifie donc que dans la hiérarchie
successorale, le conjoint survivant prime les ascendants ordinaires (grands-parents), les collatéraux privilégiés
(frères et sœurs, neveux et nièces), ainsi que les collatéraux ordinaires (cousins, petits-cousins).

Cette affirmation souffre tout de même deux exceptions.

La première exception est le droit de retour légal prévu par l’article 758 du Code civil.

Article 758 du Code civil : « Lorsque le conjoint survivant recueille la totalité ou les trois quarts des biens, les
ascendants du défunt, autres que les père et mère, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments
contre la succession du prédécédé.
Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment à partir duquel les héritiers cessent
d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant aux ascendants. Le délai se prolonge, en cas
d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
La pension est prélevée sur la succession. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance,
par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument.
Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait
application de l'article 927 ».

Le droit de retour légal permet au bien donné d’être « réintégré » dans le « patrimoine familial ».

La seconde exception est la créance d’aliments que les ascendants du défunt qui sont dans le besoin possèdent
contre la succession (C. civ., art. 759).

Pour autant, ces exceptions n’altèrent en rien le constat qui s’impose avec évidence : la vocation successorale
du conjoint survivant est aujourd’hui nettement revalorisée.

D’autres règles de dévolution attestent d’ailleurs de la véracité de ce constat. En effet, le conjoint survivant
dispose aussi d’un droit au logement. Pour être exact, il convient de parler des droits au logement, au pluriel,
car le Code civil prévoit non seulement un droit au logement temporaire, mais aussi un droit au logement
viager. Dans les deux cas, l’esprit de la loi est identique. Il s’agit d’assurer au conjoint survivant un maintien
dans son cadre de vie habituel.

En ce qui concerne, tout d’abord le droit au logement temporaire, l’article 763 du Code civil dispose que :
Le droit au logement temporaire a la nature juridique d’un avantage matrimonial. Comme l’indique l’article 763
du Code civil, ce droit est réputé effet direct du mariage et non droit successoral. Ainsi le droit au logement
temporaire ne sera pas imputé sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.

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Le droit au logement viager est quant à lui prévu par l’article 764 du Code civil.

On le voit, la privation du droit au logement viager, acte grave, suppose :


• une manifestation de volonté ;
• faite dans un acte authentique.

A la différence du droit au logement temporaire, les droits d’habitation et d’usage viagers s’imputent sur
la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.

Pour bénéficier de l’un de ces droits d’habitation ou d’usage, le conjoint survivant doit manifester sa volonté dans
un délai d’un an à compter du décès (C. civ., art. 765-1).

En outre, le conjoint survivant pourra bénéficier, à certaines conditions fixées par l’article 767 du Code civil, d’un
droit à pension.

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Section 2. L’option successorale
Il est d’usage de définir la succession comme la transmission universelle d’un patrimoine à cause de mort. Pour
être juridiquement exact, il convient d’affiner ceci. A bien y regarder en effet, les héritiers présomptifs sont saisis
de plein droit par la loi non pas du patrimoine du défunt, mais d’une faculté, d’une option successorale (en
ce sens, cf. C. Jubault, op. cit., n° 40 bis).

En savoir plus : Précision


Monsieur Jubault précise ainsi que « l’option successorale lui donne faculté (mais pas obligation) d’acquérir la
succession. Ce qui est délicat à percevoir, c’est que la succession (comprise comme patrimoine) est portée par
l’option, elle-même transmise par succession (cette fois dans le sens de mode de transmission). Cette option
dévolue à l’héritier désigné par la loi ou par une libéralité confère ipso facto un titre (distinct de la propriété tant
qu’il n’y a pas acceptation de la succession) ». (C. Jubault, op. cit., loc. cit.). L’auteur indique ensuite que ce titre
permet d’exercer un certain nombre de pouvoirs sur les biens. `

Par conséquent, la saisine va finalement conférer à l’héritier cette fameuse option successorale, laquelle
comporte trois branches. Chacune des branches de l’option successorale détermine une transmission des biens.

La première branche de l’option successorale est l’acceptation pure et simple, qui a pour effet d’entraîner la
transmission des biens du défunt dans le patrimoine de l’héritier, tant en ce qui concerne l’actif que le passif.
La transmission s’opère en effet à titre universel.

Une telle transmission de l’actif et des dettes peut également être dangereuse pour l’héritier dont le patrimoine
supportera désormais la charge des éventuelles dettes du défunt.

C’est la raison pour laquelle la deuxième branche de l’option successorale est la renonciation. La renonciation
à la succession a pour effet de ne pas transmettre le patrimoine du défunt à l’héritier. En renonçant à la
succession, l’héritier refuse de recueillir les éléments d’actif et de passif du défunt.

La troisième branche de l’option est l’acceptation à concurrence de l’actif net. C’est une branche de l’option
successorale qui repose sur la prudence. L’acceptation à concurrence de l’actif net entraîne une séparation des
patrimoines qui permet d’apurer le passif successoral et de ne transmettre in fine à l’héritier que l’éventuel actif
subsistant. Cette branche de l’option successorale protège donc le patrimoine de l’héritier qui ne recueillera la
succession que si celle-ci présente un solde positif. L’acceptation à concurrence de l’actif net, créée par la loi
du 23 juin 2006, correspond à bien des égards à l’ancienne acceptation sous bénéfice d’inventaire.

Pour résumer :

L’acceptation pure et simple La renonciation à la L’acceptation à concurrence


succession de l’actif net

a pour effet d’entraîner la La renonciation à la succession a C’est une branche de l’option


transmission des biens du défunt pour effet de ne pas transmettre successorale qui repose sur
dans le patrimoine de l’héritier, le patrimoine du défunt à la prudence. L’acceptation à
tant en ce qui concerne l’actif l’héritier. En renonçant à la concurrence de l’actif net
que le passif. La transmission succession, l’héritier refuse de entraîne une séparation des
s’opère en effet à titre universel. recueillir les éléments d’actif et patrimoines qui permet d’apurer
Une telle transmission de l’actif de passif du défunt. le passif successoral et de ne
et des dettes peut également transmettre in fine à l’héritier que
être dangereuse pour l’héritier l’éventuel actif subsistant. Cette
dont le patrimoine supportera branche de l’option successorale
désormais la charge des protège donc le patrimoine
éventuelles dettes du défunt. de l’héritier qui ne recueillera
la succession que si celle-
ci présente un solde positif.
L’acceptation à concurrence de
l’actif net, créée par la loi du 23
juin 2006, correspond à bien des
égards à l’ancienne acceptation
sous bénéfice d’inventaire.

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En savoir plus : Précision
Il convient ici de préciser que l’option successorale est :

Individuelle Personnelle Indivisible

Le choix d’un héritier n’est pas lié Elle appartient à l’héritier L’effet de l’option concerne
au choix des autres héritiers. Un présomptif. En cas de l’intégralité de la part
héritier peut accepter purement renonciation, d’indignité ou de successorale attribuée. On ne
et simplement alors qu’un autre prédécès, les héritiers de rang peut pas accepter pour une
va renoncer à la succession. subséquent bénéficient à leur partie de la part dévolue et
tour d’une option personnelle. refuser pour une autre partie.
L’option s’opère pour le tout.

Par ailleurs, il convient de préciser que le délai d’option se prescrit par dix ans à compter du jour du décès. Faute
d’avoir pris parti dans ce délai, l’héritier sera considéré comme renonçant.
A partir de l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du décès, les autres héritiers peuvent cependant
utiliser une action interrogatoire, de nature extra-judiciaire, qui va permettre, selon les articles 771 et 772 du
Code civil, créés par la loi du 23 juin 2006, de forcer l’héritier silencieux à opter.

§1. L’acceptation pure et simple

L’acceptation pure et simple va avoir pour conséquence de transférer l’universalité du patrimoine du défunt
aux héritiers. Ces derniers recueillent donc l’intégralité de l’actif et du passif.

L’acceptation pure et simple peut se faire selon deux modalités :

D’une part, l’acceptation pure et simple peut être faite de manière expresse, dans un acte authentique ou sous
seing privé.

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En savoir plus : En pratique
En pratique, c’est souvent en demandant au notaire de rédiger une attestation notariée aux fins de publicité
foncière, laquelle indique le changement de propriétaire d’un bien immobilier, par succession, que les héritiers
sont considérés comme acceptant la succession. Il en va de même pour l’intitulé d’inventaire qui est la partie
introductive d’un inventaire, dans laquelle sont relatées les circonstances dans lesquelles l’inventaire est requis.
Par conséquent, figurent dans cette partie les qualités d’héritier ainsi que leur choix quant à l’option.

D’autre part, l’acceptation pure et simple peut être faite de manière tacite lorsque le comportement de l’héritier
laisse supposer qu’il prend bien cette qualité. Tel est le cas par exemple de l’héritier qui se comporte comme
le propriétaire du bien, par exemple en vendant le bien.

En savoir plus : Précision


Le Code civil précise clairement dans son article 784 que certains actes purement conservatoires, de surveillance
ou d’administration provisoire, n’emportent pas acceptation tacite. Tel est le cas par exemple du paiement de
dettes urgentes comme les frais funéraires ou le paiement des impôts.

Il convient d’ajouter une ultime hypothèse d’acceptation de la succession, qui est une acceptation que l’on peut
qualifier de forcée. Cette acceptation est celle qui vient sanctionner l’héritier coupable de recel successoral (cf.
supra). L’héritier ainsi sanctionné est réputé accepter purement et simplement la succession.

§2. La renonciation
Le respect d’un certain formalisme s’impose à l’héritier qui entend renoncer à la succession. Cet héritier doit
en effet adresser ou déposer une déclaration de renonciation au greffe du tribunal de grande instance du lieu
d’ouverture de la succession (lieu du décès).

En savoir plus : Révocation de la renonciation


Tant que les autres héritiers n’ont pas encore accepté la succession, le renonçant peut révoquer sa renonciation
et accepter alors la succession. En revanche, une telle rétractation s’avère impossible lorsque le ou les autres
héritiers ont quant à eux accepté la succession.

§3. L’acceptation à concurrence de l’actif net


Remarque
L’acceptation à concurrence de l’actif net est une branche de l’option successorale qui se distingue par sa
finalité – la prudence – et par son caractère formaliste.

Cette branche de l’option permet en effet d’engendrer une séparation des patrimoines. Ainsi la succession
ne sera pas confondue avec le patrimoine des héritiers. Par dérogation au caractère individuel de principe de
l’option successorale (cf. supra), l’acceptation à concurrence de l’actif net a un effet collectif. Dès lors que l’un
des héritiers choisit cette branche de l’option, les autres y sont nécessairement soumis.

Pour accepter à concurrence de l’actif net, l’héritier doit procéder à une déclaration au greffe du tribunal de
grande instance du lieu d’ouverture de la succession, qui tient un registre spécial à cet effet. Cette déclaration
va faire l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales. Elle doit nécessairement être accompagnée
du dépôt d’un inventaire.

L’acceptation à concurrence de l’actif net va engendrer une séparation des patrimoines. Ainsi les héritiers ne
seront pas tenus des dettes de la succession. Comme il convient cependant de régler les créanciers du défunt,
ces derniers vont devoir procéder à une déclaration de leurs créances, dans les quinze mois qui suivent la
publicité de l’acceptation à concurrence de l’actif net. On saisit ici l’intérêt de la publication de la déclaration
d’acceptation à concurrence de l’actif net dans un journal d’annonces légales.

Au fil de leurs déclarations, les créanciers vont être payés, puis à l’issue du délai de quinze mois, si un actif
demeure, il sera dévolu à l’héritier. A défaut, si la succession est débitrice, alors elle n’est pas dévolue aux
héritiers. C’est en ce sens que l’on considère l’acceptation à concurrence de l’actif net comme une mesure de
prudence.

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Section 3. L’indivision successorale

Si l’indivision successorale (§1) constitue une indivision de droit commun, il convient toutefois d’insister sur le
partage de l’indivision (§2). La nature successorale de cette indivision commande alors l’utilisation de certains
mécanismes perturbateurs du partage.

§1. L’indivision successorale


La transmission de la succession va faire naître une situation juridique nouvelle entre les héritiers car il est rare
en pratique que les biens soient parfaitement individualisables et immédiatement attribués à chacun. Souvent
s’ouvre en pratique une indivision successorale.

Les cohéritiers deviennent alors les propriétaires indivis des biens successoraux transmis. Cette indivision est
une indivision de droit commun régie par les articles 815 et suivants du Code civil (Cf. Cours de droit des biens).

Si cette indivision successorale n’appelle pas de remarques particulières puisqu’elle constitue même le modèle
des indivisions, il convient cependant d’insister sur un point important.

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En savoir plus : Le nouvel article 815-5-1 du Code civil
Il est désormais possible de procéder à la vente d’un bien indivis, dès lors qu’une majorité d’indivisaires
représentant les deux tiers (2/3) des droits indivis le sollicite.
Cette innovation importante, introduite par la loi du 12 mai 2009, est loin d’être anodine, car elle amenuise le
principe d’unanimité, traditionnellement cardinal en matière d’indivision.

Le notaire joue un rôle important dans cette nouvelle procédure car le ou les indivisaires titulaires d’au moins
deux tiers des droits indivis vont exprimer devant cet officier public à cette majorité leur intention de procéder à
l’aliénation du bien indivis (C. civ., art. 815-5-1 al. 2.).

Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires. Puis si
l’un ou plusieurs indivisaires s’opposent à l’aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de
trois mois, le notaire en dresse le constat dans un procès-verbal (C. civ., art. 815-5-1 al. 3 et 4.).

Le déclenchement de cette demande d’autorisation d’aliéner ce bien repose donc sur l’intervention du notaire.
On peut penser ici que le rôle de médiateur du notaire permette, dans ce cadre extra-judiciaire, de résoudre la
situation de manière amiable.

A partir de la rédaction par le notaire du procès-verbal, le tribunal peut être saisi en vue d’autoriser la vente du
bien, malgré le refus ou le silence des indivisaires minoritaires. Le juge n’autorise ladite aliénation que si celle-
ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires (C. civ., art. 815-5-1 al. 5.).

§2. Le partage de l’indivision


Comme pour toute indivision, l’indivision successorale se distingue par son caractère précaire. L’article 815 du
Code civil qui dispose que nul n’est contraint de demeurer dans l’indivision et que tout indivisaire peut provoquer
le partage, trouve donc à s’appliquer ici.

Pour autant, la sortie précipitée de l’indivision peut être particulièrement regrettable en ce domaine. C’est la
raison pour laquelle le Code civil prévoit une série de mécanismes qui peuvent venir contrarier le partage.

D’une part, le bien peut être vendu malgré l’opposition d’indivisaires minoritaires, en application du nouvel article
815-5-1 du Code civil (cf. supra). Il s’agit donc ici d’une opération qui met fin à l’indivision, sans être à proprement
parler un partage.

Plus largement, une série de mécanismes est prévue.

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On peut la résumer sous forme de tableau :

Mécanisme Sursis au partage Maintien dans Attribution de la part


ne pouvant excéder l’indivision pour une du demandeur
deux ans durée maximale de
cinq ans (ou jusqu’à
la majorité de
l’héritier mineur ou
au décès du conjoint
survivant)

Texte Article 820 du Code Articles 821, 821-1, Art. 824 du Code civil
civil 822, 823 du Code civil

Situation Inopportunité d’une Nécessité de protéger Obtenir une attribution


vente immédiate du les biens indivis « éliminatoire »,
bien indivis un partage partiel.
L’indivision perdure
entre certains
indivisaires seulement,
un ou plusieurs autres
souhaitant quitter
l’indivision.

Procédure Demande formée par Demande formée Demande formée


requête par un devant le tribunal devant le tribunal du
indivisaire devant le de grande instance lieu d’ouverture de la
tribunal de grande du lieu d’ouverture succession.
instance du lieu de la succession
d’ouverture de la par un indivisaire, le
succession conjoint survivant, ou
le représentant des
héritiers mineurs.

Conditions Réalisation immédiate Entreprise S’il n’existe pas dans


de la vente portant commerciale l’indivision de sommes
atteinte à la valeur du Local d’habitation suffisantes pour payer
bien indivis. effectivement utilisé à la part du demandeur
Le demandeur à une cette fin au moment du au partage, le
attribution décès par le défunt ou complément est versé
préférentielle ne par son conjoint. par les indivisaires qui
pouvant rependre ont concouru à la
l’entreprise que dans demande.
un délai de deux ans au
plus.

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 7 : Les libéralités

Table des matières


Section 1. Les donations............................................................................................................................................. p. 3
§1. Les conditions de validité des donations......................................................................................................................................p. 3
A. Conditions de fond...................................................................................................................................................................................................p. 3
1. Capacité.................................................................................................................................................................................................................................................... p. 3
2. Cause........................................................................................................................................................................................................................................................p. 4
B. Conditions de forme................................................................................................................................................................................................ p. 5
1. Principe : un acte notarié.........................................................................................................................................................................................................................p. 5
2. Exceptions ............................................................................................................................................................................................................................................... p. 6
a) Donation déguisée.................................................................................................................................................................................................................................. p. 7
b) Donation indirecte................................................................................................................................................................................................................................... p. 8
c) Don manuel.............................................................................................................................................................................................................................................p. 9
§2. Les donations particulières......................................................................................................................................................... p. 10
A. Donations avec charge..........................................................................................................................................................................................p. 10
B. Donations entre époux.......................................................................................................................................................................................... p. 12
§3. Fiscalité et enregistrement des donations.................................................................................................................................. p. 13
Section 2. Les testaments......................................................................................................................................... p. 14
§1. Du testament, en général........................................................................................................................................................... p. 15
§2. Les différents types de testament ............................................................................................................................................. p. 17
A. Le testament olographe.........................................................................................................................................................................................p. 17
B. Le testament authentique...................................................................................................................................................................................... p. 18
C. Testament mystique.............................................................................................................................................................................................. p. 19
§3. Efficacité du testament .............................................................................................................................................................. p. 19
A. L’efficacité contrariée ............................................................................................................................................................................................p. 19
B. L’efficacité consacrée............................................................................................................................................................................................ p. 19
1. L’envoi en possession............................................................................................................................................................................................................................ p. 20
2. La délivrance du legs............................................................................................................................................................................................................................. p. 20
§4. La réduction des libéralités excessives...................................................................................................................................... p. 20
A. Le calcul de la quotité disponible..........................................................................................................................................................................p. 20
B. Calcul du dépassement de la quotité disponible.................................................................................................................................................. p. 23
C. L’action en réduction ............................................................................................................................................................................................p. 24

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Les libéralités se définissent comme des actes juridiques faits dans une intention libérale, c’est à dire avec
une absence délibérée de contrepartie. Le Code civil dispose en son article 893 que la libéralité est l’acte par
lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une
autre personne.

Il existe deux types de libéralités :


• Les donations ;
• Les testaments.

L’article 894 du Code civil définit la donation entre vifs comme un acte par lequel le donateur se dépouille
actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte.

L’article 895 du Code civil définit le testament comme un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps
où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer.

D’emblée, à la lecture de ces deux définitions, il est possible de dégager d’importants traits de définition :

Utilité pratique : Les donations et testaments constituent deux types d’actes juridiques qui sont au cœur de
la pratique notariale.

Ils ont pour objet d’assurer une transmission d’une partie, voire de la totalité du patrimoine d’une personne. La
maîtrise technique du notaire se mesurera donc dans sa capacité à rédiger un acte pleinement efficace pour
répondre aux attentes patrimoniales, juridiques et fiscales de ses clients.

Remarque
Cette nécessaire maîtrise juridique est d’autant plus impérieuse que les libéralités en général et les donations,
en particulier, ce sont enrichies de nouvelles figures techniquement très élaborées, telle que les donations avec
réserve d’usufruit ou les donations à terme.

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Section 1. Les donations
§1. Les conditions de validité des donations
Comme tout acte juridique, les donations sont soumises, pour leur validité à des conditions de fond et de forme.

A. Conditions de fond
Les conditions de fond des donations sont liées à leur nature contractuelle mais aussi à l’intention libérale qui
les anime.
En tant que contrat conclu entre le donateur et le donataire, la donation est soumise aux règles ordinaires de
validité des conventions. Ainsi doit-elle respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, comme le prescrit l’article
6 du Code civil. De même, les quatre conditions de validité des conventions posées par l’article 1108 du Code
civil doivent être réunies à savoir le consentement, la capacité, l’objet et la cause.

1. Capacité
S’agissant de la capacité, une personne majeure placée sous curatelle ne peut faire une donation qu’avec
l’assistance de son curateur (Art. 470 al. 2 du C. civ.). En réformant le droit des incapacités, la loi du 5 mars
2007 a pris soin de préciser à l’article 470 al. 3 que le curateur est réputé être en opposition d’intérêts avec la
personne protégée lorsqu’il est bénéficiaire de la donation. Il sera dès lors nécessaire de procéder pour cet acte
juridique à la désignation d’un curateur ad hoc.
Le majeur sous tutelle peut, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, être assisté
ou au besoin représenté par le tuteur pour faire des donations (Art. 476 du C. civ.).

En ce qui concerne le mineur, les pouvoirs des représentants légaux, tant dans le cadre d’une administration
légale pure et simple que d’une administration légale sous contrôle judiciaire, sont identiques à ceux que peut
accomplir le tuteur. Ainsi, les parents de l’enfant ne pourraient donner un bien du mineur qu’avec l’autorisation
du juge des tutelles, puisque cette autorisation est également requise pour le tuteur.

Remarque
Il convient de préciser que le Code civil prévoit une règle particulière qui, en tant que telle, ne constitue pas
une condition de validité des donations mais qui concerne les pouvoirs des parents sur les biens du mineur
reçus par donation. Dans cette situation, envisagée par l’article 389-3 du Code civil, l’enfant mineur n’est plus le
donateur mais le donataire, le gratifié. Cette disposition précise que ne sont pas soumis à l’administration légale,
les biens qui auraient été donnés au mineur sous la condition qu’ils seraient administrés par un tiers. Ce tiers
administrateur a les pouvoirs qui lui auront été conférés par la donation. Dit autrement, en cas de conflit entre
une représentation légale du mineur par ses parents (règle de principe dans le code civil) et une représentation
par un tiers, institué par un acte de volonté privée, cette dernière représentation l’emporte lorsque le donateur
a expressément désigné un mandataire. Au regard des sources du droit, un tel constat est évidemment très
intéressant car il démontre toute l’étendue de la volonté du donateur. Il convient cependant de nuancer quelque
peu ce constat. En effet, cette règle ne joue qu’en cas de désignation d’un administrateur par le donateur. Par
ailleurs, si la donation comporte la désignation d’un administrateur sans pour autant préciser les pouvoirs de
ce dernier, alors ses pouvoirs seront ceux d’un administrateur légal sous contrôle judiciaire.

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2. Cause

La cause de certaines donations a longtemps posé un épineux problème.

Remarque
Il s’agissait plus exactement des difficultés posées par les donations faites à une concubine ou un concubin
adultère.

Exemple
Par exemple, lorsqu’un homme marié gratifie par donation sa maîtresse, un tel acte est-il valable ?

On a longtemps considéré qu’admettre la validité d’un tel acte reviendrait à entériner une violation de l’obligation
de fidélité. La volonté de protéger l’institution matrimoniale ne pouvait guère tolérer ce type de libéralité. Puis,
au début du 20e siècle, la jurisprudence a dégagé un critère de distinction, tiré de la cause de la donation.

Jurisprudence
Req. 8 juin 1926 : les libéralités entre concubins étaient nulles lorsqu’elles avaient pour cause la formation, la
continuation, la reprise des rapports ou leurs rémunérations. En revanche, lorsque la cause était l’exécution
d’un devoir de reconnaissance, elles étaient valables, même entre concubins (Req. 8 juin 1926, DP 1927.1.113,
note R. Savatier ; plus récemment : Civ. 1re, 28 janvier 1997, Dr. fam. 1997, com. n° 184, note B. Beignier).

En réalité, ce critère était bien délicat à mettre en œuvre. Comment en effet sonder les cœurs et les reins
pour déterminer avec précision le but poursuivi par le donateur ? Entre l’intention véritablement libérale et
des intentions moins louables, la distinction était souvent bien difficile à mettre en œuvre. Dans tous les cas,
elle relevait à coup sûr de la psychologie du donateur.

4
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Jurisprudence
Ce caractère difficilement opératoire et, pour tout dire, un peu divinatoire a poussé la jurisprudence à évoluer.
Dans un arrêt très remarqué, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé le 3 février 1999 que
« n’est pas nulle comme contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la
relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire » (Civ. 1re, 3 fév. 1999, Bull. I, n° 43, D. 1999267, rapp. X.
Savatier ; D. 1999, som. 307, obs. Grimaldi ; JCP éd. G. 1999, II, 10083, note Billiau et Loiseau).

Cet arrêt qui marque très clairement un revirement par rapport à la jurisprudence précédente a fait l’objet de
nombreuses critiques. L’abandon du critère tiré de l’intention poursuivie par le donateur a été vu comme un
affaiblissement de l’obligation de fidélité dans le mariage. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreuses
cour d’appel ont résisté à cette solution de la première chambre civile de la Cour de cassation. Par conséquent,
une réunion de l’Assemblée plénière fut nécessaire.

Consacrant et renforçant de manière explicite la solution de la première chambre, l’Assemblée plénière décide
que « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion
d’une relation adultère » (Ass. Plén. 29 octobre 2004, Bull. civ. n° 12.). La généralité de l’attendu ne laisse
guère de doute sur la volonté de la Cour d’arrêter une solution de principe qui n’exprime plus d’hostilité à l’égard
de ce type de donations.

« N’est pas nulle comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs la libéralité consentie
à l’occasion d’une relation adultère. »

Outre les conditions de validité générale des conventions, la validité des donations dépend de conditions de
fond directement dictées par l’intention libérale. L’article 894 du Code civil dispose ainsi qu’avec une donation
le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée.

Il en résulte deux nouvelles conditions de validité :


• Le caractère immédiat du dépouillement. Même si la donation porte sur des choses futures, c’est lors de
la conclusion de la donation que le donateur se dépouille ;
• Le caractère irrévocable du dépouillement. Il n’est pas possible de revenir sur une donation, de reprendre
ce qui a été donné. Il s’agit là d’une traduction législative de l’adage donner et retenir ne vaut. Bien sur
l’irrévocabilité n’est pas propre aux donations. De manière plus large, un principe d’irrévocabilité résulte
de l’article 1134 du Code civil. Seul un mutuus dissensus permet en effet de modifier voire d’anéantir
une convention. Cela étant, les donations sont soumises à une irrévocabilité que l’on pourrait qualifier de
« renforcée ». Non seulement, l’irrévocabilité ordinaire (art. 1134 du Code civil) joue mais, de surcroît,
il existe un principe d’irrévocabilité spéciale des donations (Sur lequel : H. Lécuyer, L’irrévocabilité
spéciale des donations, Mél. Catala, p. 405), tiré de l’article 894 du Code civil.

B. Conditions de forme
1. Principe : un acte notarié
Les donations sont soumises à l’exigence d’un acte notarié. Cette condition de forme ressort très directement
de l’article 931 du Code civil.

Article 931 du Code civil : « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la
forme ordinaire des contrats, et il en restera minuté, sous peine de nullité ».

L’acte notarié offre un certain nombre de garantie, notamment pour le donateur. Il est bien évident en effet
que la donation est un acte juridique particulièrement grave puisque le donateur se dépouille sans aucune
contrepartie. L’acte notarié évite donc que le donateur ne soit l’objet de pressions morales, voire de violence
physique, éventuellement exercées sur lui par le donataire. Le notaire rédacteur de la donation joue donc
un rôle de garant de l’intégrité du consentement du donateur.

L’acte notarié présente un autre intérêt. La donation doit être en effet rédigée en minute. Elle sera donc
conservée, ce qui permet d’assurer son irrévocabilité.

Cette exigence d’acte notarié a un champ relativement étendue. La jurisprudence l’a rappelé à propos d’une
donation notariée portant sur la pleine propriété d’un château et la nue-propriété de deux immeubles.

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Jurisprudence
Civ. 1re, 17 oct. 2007, n° 05-14.818 : Donateur et donataire s’étaient mis d’accord par acte sous signe privé sur
des conditions particulières à la donation. Puis le donataire a intenté une action en annulation de la donation
et, subsidiairement, en révocation.

Un légataire universel institué postérieurement par un testament authentique, a repris l’instance suite au décès
du disposant. Le pourvoi reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté la demande de révocation. Le demandeur
estimait en effet que si la forme authentique est requise, à l’effet de constater le transfert de propriété dans
le cadre d’un acte à titre gratuit, pour protéger les intérêts du donateur qui se dépouille sans contrepartie,
en revanche, la forme authentique n’est en aucune façon requise s’agissant des charges et conditions qui
assortissent la libéralité. En décidant le contraire, les juges du fond ont violé l’article 931 du code civil.

La Cour de cassation juge que tous les actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la
forme ordinaire des contrats, et il en restera minute à peine de nullité et que cette règle impérative et générale
s’applique aux clauses et conditions de la libéralité. Le donateur ne pouvait être admis à poursuivre la révocation
de la donation pour inexécution des charges non mentionnées dans l’acte de donation.
Mais la Cour de cassation va relever d’office un moyen de cassation fondé sur le visa de l’article 931 du Code
civil., et décider que lorsqu’une donation a été consentie par acte authentique et que les conditions en ont été
stipulées par acte sous seing privé, la nullité de ces conditions entraîne celle de la donation, dès lors que celle-
ci fait référence à des conditions imposées par le donateur et obligeant le donataire.

Par voie de conséquence, ces conditions imposées par le donateur et obligeant le donataire doivent
nécessairement être rédigées sous forme notariée.

La nature contractuelle de la donation s’exprime pleinement avec l’exigence d’acceptation par le donataire. En
effet, à la différence du testament, la donation est une convention et non un acte juridique unilatéral. L’article
932 du Code civil prévoit deux modalités d’acceptation :
• l’acceptation peut être faite dans l’acte de donation lui-même ;
• l’acceptation peut aussi être faite dans un acte authentique postérieur, dont il restera minute. Dans
cette hypothèse, la donation n’aura d’effet à l’égard du donateur que du jour où l’acte qui constatera cette
donation lui aura été notifié.

Le texte suivant (C. civ., art. 933) prévoit quant à lui que l’acceptation peut être faite soit par le donataire soit,
en son nom, par la personne fondée de sa procuration. Cette procuration devra être passée devant notaire et
une expédition devra en être annexée à la minute de la donation, ou à la minute de l’acceptation qui sera faite
par acte séparé.

2. Exceptions
Malgré cette exigence d’acte notarié, certaines donations ne sont pas passées en ces formes, voire même sont
dissimulées derrière d’autres actes.

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a) Donation déguisée

La notion de donation déguisée repose sur une apparence d’acte. L’intention libérale, qui se trouve au cœur
de la donation, est cachée, occultée, masquée, derrière un autre acte.

Exemple
Il s’agit par exemple de l’hypothèse dans laquelle le donateur simule une vente avec le donataire. Le donateur
transfère la propriété du bien prétendument vendu et signe une quittance de paiement du prix alors même que
le donataire, prétendu acheteur n’a jamais versé la somme. Sous l’apparence d’un contrat de vente, le prétendu
vendeur a en réalité était animé par une intention libérale. Il s’est bien dépouillé d’un bien au profit du prétendu
acheteur sans aucune contrepartie.

Ce type d’acte peut altérer gravement la réserve héréditaire. Par ailleurs, il présente une utilité pratique. Pour
ces raisons, le droit positif admet, à certaines conditions, la validité des donations déguisées.

En savoir plus : Les conditions de la donation déguisée

Première condition : les règles propres à l’acte apparent doivent avoir été respectées. On songe en particulier
ici, pour une prétendue vente, au respect des conditions de formation du contrat, ou encore au respect de l’ordre
public et des bonnes mœurs.

Deuxième condition : il faut une simulation véritable, c’est à dire que l’intention libérale du donateur ne doit
pas apparaître dans l’acte apparent.

Troisième condition : de manière logique, les conditions de fond des donations doivent avoir été respectées,
notamment en ce qui concerne la capacité à donner et recevoir ou encore au regard de l’acceptation.

Comme l’intention libérale est masquée derrière un acte juridique apparent, la donation déguisée pose de sérieux
problèmes de preuve.

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Exemple
Songeons par exemple à la situation d’un héritier réservataire qui s’estime lésé par une prétendue donation
déguisée. Il sera bien difficile pour lui de démontrer que la prétendue vente était en réalité animée d’une intention
libérale et que le prix n’a jamais été payé.

En cas de prétendu paiement en espèce, la preuve sera bien malaisée à rapporter. C’est la raison pour laquelle
un double système probatoire est mis en place.

Les tiers peuvent prouver le déguisement par tous moyens. Pour eux, le déguisement constitue donc un fait
juridique.

Pour les parties à l’acte apparent en revanche, la preuve du déguisement doit se faire par écrit. Le déguisement
est prouvé comme un acte juridique.

Depuis un arrêt de principe de la Chambre civile de la Cour de cassation du 28 décembre 1937 - Civ.,
28 déc. 1937, D.P.,1940, 1, 41, note Holleaux), une présomption irréfragable de gratuité de certains actes
vient aider les héritiers réservataires dans leur preuve du déguisement. Cette présomption se retrouve
aujourd’hui à l’article 918 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006.

Ce texte dispose en effet que la valeur en pleine propriété des biens aliénés est imputée sur la quotité disponible,
sachant sur l’éventuel excédent est soumis à réduction (Cf. infra), dans certaines conditions. Tel est le cas
lorsque l’aliénation est faite d’une part :
• soit à charge de rente viagère ;
• soit à fonds perdus ;
• soit avec réserve d’usufruit.
Et qu’elle est faite, d’autre part, au profit de l’un des successibles en ligne directe.

Une suspicion forte pèse donc sur ces actes, justifiant la création de cette présomption.

b) Donation indirecte

La donation indirecte comporte aussi une intention libérale mais qui est faite à l’occasion d’un autre acte
juridique, qui lui est véritablement fait à titre onéreux. Il n’est donc point question en matière de donation indirecte
d’une quelconque dissimulation. L’acte n’est pas apparent mais véritable.

Tel est le cas de la vente à un prix avantageux.

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Exemple
Une vente d’un véhicule automobile d’une valeur de 40.000 euros est faite mais pour un montant de 30.000
euros. Cette dernière somme est effectivement versée par l’acquéreur. A l’occasion de cette vente véritable, le
vendeur a consenti à l’acheteur une donation indirecte pour un montant de 10.000 euros.

En savoir plus : Précisions jurisprudentielles

Au fil de la jurisprudence, la notion de donation indirecte s’étoffe des actes suivants :


• vente à un prix modique ;
• renonciation à une succession ;
• cession de bail ;
• conclusion d’une assurance-vie lorsque l’intention libérale apparaît, ce qui n’est pas le cas lorsque le
bénéficiaire est le conjoint (accomplissement ici d’un devoir de prévoyance familiale).

Comme pour les donations déguisées, les donations indirectes sont valables, malgré l’absence d’acte notarié,
à certaines conditions :

Première condition Deuxième condition

Que les conditions de validité de l’acte onéreux Que les conditions de fond de la donation soient
soient respectées. réunies.

En matière de preuve du caractère indirect de la donation, l’existence de l’intention libérale peut être démontrée
par tous moyens.

c) Don manuel

Le don manuel peut se définir comme la remise directe par le donateur de la chose donnée entre les mains du
donataire. C’est la tradition (Le terme « tradition » est ici employé dans sa signification juridique, c’est à dire
comme la remise matérielle de la chose.) qui va former valablement la libéralité.

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Le don manuel est, lui aussi, soumis à certaines conditions.

Première condition Deuxième condition

Respect des règles de fond des donations Remise directe au donataire, ce qui suppose le don
(acceptation, irrévocabilité). d’un bien meuble corporel.

Jurisprudence
La jurisprudence a cependant admis le don manuel par chèque ou par virement.

S’agissant de la preuve du don manuel, il convient de distinguer deux règles :


• d’une part, quand la preuve du don manuel doit être rapportée par le donateur ou par ses héritiers, ils
doivent prouver par tous moyens.
• d’autre part, quand la preuve du don manuel doit être rapportée par le donataire, ce dernier bénéficie de la
mise en œuvre de l’article 2276 du Code civil selon lequel « en fait de meuble, la possession vaut titre ».

§2. Les donations particulières


Il convient ici d’étudier deux types de donations particulières qui différent de manière plus ou moins importante
du régime juridique qui vient d’être décrit. Il s’agit d’une part des donations avec charge (A) et d’autre part des
donations entre époux (B).

A. Donations avec charge


L’efficacité de la donation peut être conditionnée à une charge. On dit souvent que la charge, imposée par
le donateur, exprime la cause de la donation, c’est à dire le motif poursuivi par le disposant. Bien sûr, la
charge n’est nullement une condition de validité de la donation. Des donations, dites pures et simples,
sont dénuées de toute charge ou condition.

Remarque
Certaines donations sont consenties avec une charge, c’est à dire avec une obligation que le donateur
impose au gratifié. Ce dernier en acceptant la donation (sur l’acceptation, cf. supra), prend l’engagement
d’exécuter cette fameuse charge. En ce sens, il convient de distinguer la donation avec charge de la donation
conditionnelle. Cette dernière est affectée d’une condition, au sens de l’article 1168 du Code civil. Ainsi la
perfection de ce contrat est soumise à la survenance d’un événement futur et incertain.
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Si le donateur peut assortir le contrat d’une charge, toute charge n’est pas nécessairement licite.
C’est la raison pour laquelle l’article 900 du Code civil prévoit une sanction spécifique, en disposant
que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui seront contraires
aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ».

Cette sanction, la clause réputée non écrite, est intéressante car la donation accompagnée d’une charge illicite
ou immorale ne sera pas nulle. Seule la charge est neutralisée, ce qui revient à ravaler cette donation initialement
avec charge au rang de donation pure et simple, sans anéantissement de l’acte en son entier. Par voie de
conséquence, le gratifié sera en quelque sorte dispensé de l’exécution de la charge.

Jurisprudence
Il faut cependant souligner le mouvement jurisprudentiel de cantonnement de l’article 900 du Code civil et de
sa sanction. Dès la seconde moitié du 19e siècle, puis au début du 20e siècle, la jurisprudence a décidé que
des conditions impossibles ou contraires aux lois peuvent entraîner la nullité de la donation ou du legs, quand
elles ont été la cause impulsive et déterminante de la libéralité (Cass. Req., 3 juin 1863, D.P. 1863.1.429 ;
Cass. Civ., 19 oct. 1910, D.P. 1911.1.463.). On peut parler ici d’un retour du droit commun et de sa sanction
générale, la nullité de l’acte. Tout dépend donc de l’importance de cette fameuse charge ou condition dans
l’équilibre général de l’acte.

On peut donc songer à plusieurs types de charges imposées au gratifié. Ainsi le donateur pourrait-il exiger que
le gratifié ne se marie pas, voire qu’il ne se remarie pas, ou bien qu’il respecte un délais de viduité. Le donateur
pourrait également exiger que le gratifié lui verse une rente viagère ou encore qu’il ne dispose pas du bien
donné. Le donateur peut espérer ainsi que le bien donné reste dans la famille. On parle alors dans cette dernière
hypothèse d’une clause d’inaliénabilité.

Les clauses d’inaliénabilité dans les donations sont soumises à certaines conditions (C. civ., art. 900-1.). Elles
doivent être :
• temporaires ;
• justifiées par un intérêt sérieux et légitime.

Jurisprudence
La clause d’inaliénabilité est problématique au regard du principe de libre disposition des biens. En effet, ne
l’oublions pas, le donateur par la donation se dépouille immédiatement et irrévocablement du bien donné.
Donner et retenir ne vaut ! Par conséquent, une clause d’inaliénabilité peut priver le gratifié du droit de librement
disposer du bien donné. C’est la raison pour laquelle l’article 900-1 du Code civil exige leur limitation dans
le temps. Dans un ordre d’idées voisin, la jurisprudence a elle aussi cantonné le champ de ces clauses
d’inaliénabilité en jugeant que c’est à celui qui se prévaut d’une telle clause qu’il appartient de justifier de l’intérêt
sérieux et légitime qu’il allègue.

Comme la charge est imposée au gratifié qui s’engage à l’exécuter en acceptant la donation, la sanction d’une
éventuelle inexécution de la charge se pose. Que peut faire le donateur, ou ses héritiers s’il est décédé, en cas
d’inexécution de la charge souscrite par le gratifié.

L’inexécution de la charge par le gratifié va permettre au donateur de solliciter une résolution de l’acte et donc
d’obtenir une restitution du bien donné. Cette sanction est expressément prévue par les articles 953 et 954 du
Code civil. A cela s’ajoute la possibilité de révocation pour ingratitude, qui n’est pas propre aux donations avec
charges (art. 955 du Code civil).

De plus la pratique notariale a pour habitude d’insérer une clause de révocation de plein droit de la donation pour
inexécution de la charge. Ainsi les cocontractants organisent eux-mêmes la sanction de l’éventuelle défaillance
du gratifié.

Inversement, l’écoulement du temps peut amener le gratifié cette fois-ci à vouloir remettre en cause la donation.
Il est possible en effet que l’exécution de cette charge devienne trop lourde voire totalement impossible pour le
gratifié. Ce dernier peut alors solliciter en justice une révision des charges de la libéralité. Une telle demande
pourra être formulée en cas de changement de circonstances rendant l’exécution de la libéralité extrêmement
difficile ou sérieusement dommageable. De plus, l’action en révision est enfermée dans un délai de prescription
de dix ans.

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Jurisprudence
Civ. 1re, 25 janv. 2005, Bull. I., n° 51 : C’est ici, de manière tout à fait logique, au gratifié de rapporter la preuve
que l’exécution du legs est devenue extrêmement difficile pour lui.

Si le juge estime que la libéralité doit être révisée, ses pouvoirs s’avèrent relativement étendus. L’article 900-4
du Code civil énumère ainsi les différents pouvoirs offerts au juge.

En savoir plus : Les pouvoirs du juge


Le juge saisi de la demande en révision peut, selon les cas et même d'office, soit réduire en quantité ou périodicité
les prestations grevant la libéralité, soit en modifier l'objet en s'inspirant de l'intention du disposant, soit même
les regrouper, avec des prestations analogues résultant d'autres libéralités.
Il peut autoriser l'aliénation de tout ou partie des biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix en
sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.
Il prescrit les mesures propres à maintenir, autant qu'il est possible, l'appellation que le disposant avait entendu
donner à sa libéralité.

Remarque
Il convient de préciser que si, postérieurement à la révision, l’exécution des conditions ou des charges,
initialement prévue, redevient possible, alors elle pourra être demandée par les héritiers (C. civ., art. 900-7.).
Ceci démontre bien que la révision judiciaire des donations ne saurait constituer qu’une réponse à un
changement de circonstances, mais nullement un mode de remise cause systématique des libéralités.

B. Donations entre époux

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Les donations entre époux sont soumises à un régime juridique particulièrement dérogatoire. En effet, c’est
l’essence même des donations, à savoir l’irrévocabilité spéciale (Sur laquelle, cf. supra), qui se voit remise en
cause en matière de donations entre époux. Traditionnellement, les donations entre époux étaient vues avec
une certaine suspicion. Par voie de conséquence, et de manière très dérogatoire, les donations de biens à
venir étaient valables et les donations entre époux étaient révocables par une simple manifestation de volonté
unilatérale.

Il résultait de ce système une situation pour le moins paradoxale dans laquelle les donations consenties entre
concubins, voire même par une personne mariée à sa maîtresse ou son amant, étaient irrévocables, alors que
les donations entre époux, elles, étaient révocables. Curieux paradoxes que de soumettre ainsi la donation entre
époux à une instabilité certaine, alors même que le mouvement général du droit des successions et libéralités
tend, à coup sûr, à revaloriser la situation successorale du conjoint survivant.

A l’occasion de la réforme du divorce opérée par la loi du 26 mai 2004, les règles organisant les donations entre
époux ont été modifiées. Désormais, le divorce est sans incidence sur les donations de biens présents entre
époux (C. civ., art. 265.). De même, l’article 1096 alinéa 2 a fait l’objet d’un changement qui restreint l’étendue
de la révocation. En effet, les donations de biens présents qui prennent effet en cours de mariage ne sont
révocables que pour inexécution des charges, pour ingratitude ou lorsqu’il s’agit d’une donation déguisée. Par
voie de conséquence, la révocation des donations entre époux ne concerne plus que les donations de biens
présents qui prennent effet à la dissolution du mariage, par décès notamment.

§3. Fiscalité et enregistrement des donations


Les donations font l’objet d’un enregistrement et sont imposées à partir d’un certain montant déterminé par le
Code général des impôts. Les montants sont les suivants :
• Don manuel : articles 635 A et 757 CGI, Art. 281 E.
• Donations : Article 757 C

Les droits de mutation à titre gratuit ne s'appliquent pas aux dons pris en compte pour la détermination de
l'avantage fiscal prévu à l'article 885-0 V bis A. Art. 777 CGI.

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Section 2. Les testaments
A côté des donations, il existe un second type de libéralité : le testament. Avec un testament, le disposant
consent des legs, c’est à dire qu’il dispose au profit d’une personne (le légataire) d’une partie, voire de la totalité
de ses biens pour le temps où il ne sera plus, selon la formule du Code civil. Dit autrement, à la différence
d’une donation, conclue entre vifs et par laquelle le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement, le
testament ne prend effet qu’à la mort du disposant.

Le testament constitue assurément un acte de volonté unilatérale. Seul le testateur, le disposant, s’engage
au profit d’un tiers qui reste libre d’accepter ou de refuser cette vocation successorale volontaire.

Le droit positif accorde une place de choix au testament. A lire l’article 721 du Code civil, dans sa rédaction
issue de la loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions, il semble même que la dévolution
successorale volontaire, c’est à dire opérée par un testament l’emporte sur la dévolution légale, c’est à dire
fixée par le Code civil. Dit autrement, les règles du Code civil ne s’appliquent que faute d’organisation de sa
succession par la personne elle-même.

Cet essor de la volonté individuelle constitue une tendance particulièrement importante et remarquée du droit
des successions et des libéralités. Elle se retrouve par conséquent ailleurs. Il suffit pour s’en convaincre de
songer à la renonciation anticipée à l’action en retranchement (Sur laquelle, cf. infra), ou encore à l’importance
des libéralités partages.

Au demeurant, le constat se vérifie ailleurs que dans le droit interne. Ainsi en droit de l’Union européenne, une
récente proposition de la Commission de Règlement relatif au tribunal compétent, la loi applicable prévoit la
possibilité pour la personne de choisir, sous certaines conditions, la loi qui régira sa succession.

Ce système, qualifié de professio juris, témoigne lui aussi de l’essor de la volonté et pourrait bien constituer
demain l’un des principes essentiels du droit des successions internationales.

Malgré cet indéniable essor de la volonté individuelle, celle-ci n’a pas un champ absolu. En effet, des limites
d’ordre public demeurent fermement érigées :
• d’une part, le principe de prohibition des pactes sur successions futures
• d’autre part, le respect de la réserve héréditaire. Une partie du patrimoine du défunt demeurera
nécessairement dévolue selon les règles du Code civil, en présence d’héritiers réservataires, c’est à dire
de descendants du défunt ou leurs enfants, ainsi que du conjoint survivant.

Ces limites sont communes quel que soit le type de testament effectué. Il faut dire que les testaments se
distinguent par une certaine diversité des formes. En ce domaine, la pluralité l’emporte.

Il convient donc d’étudier d’une part les conditions de validité d’un testament, avant de voir ensuite les différents
types de testament.

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§1. Du testament, en général
Il existe des conditions de validité, communes à tous les types de testament. Ainsi, quelle que soit la forme de
testament choisie par le testateur, ces conditions sont nécessaires à la perfection de cette libéralité.

Il faut bien évidemment que le testament exprime une volonté du testateur. De manière générale, le testament
comporte les « dernières volontés » de la personne relatives à ses biens.

Exemple
Je lègue ma voiture de collection à mon neveu…

Pour autant, les dispositions de volonté relatives aux biens, patrimoniales, ne sont pas les seules que l’on
retrouve dans un testament. Il n’est pas rare par exemple que la personne ait déterminé dans son testament les
modalités d’organisation de ses obsèques. La personne exprime alors la volonté d’être incinérée ou inhumée, elle
précise le caractère religieux ou laïc de la cérémonie, etc. La personne peut aussi procéder à la reconnaissance
d’un enfant. Il s’agit bien évidemment ici d’un acte particulièrement grave puisque la reconnaissance est l’un des
modes d’établissement extra-judiciaire de la filiation, ce qui a pour conséquence de créer un lien juridique de
parenté. Au demeurant, le Code civil exige que la reconnaissance d’un enfant soit faite dans un acte authentique.
Par conséquent, une seule forme de testament, le testament authentique, est à même recevoir ce type de
manifestation de volonté. Il en va de même pour la disposition par laquelle le testateur prive son conjoint de la
possibilité de solliciter un droit viager au logement. Une telle disposition ne peut être faite que dans un testament
authentique.

Comme le testament exprime la volonté d’une personne, il en résulte un important caractère juridique : la
révocabilité. A la différence de la donation, le testament est révocable. L’intéressé doit pouvoir jusqu’à
l’instant de son dernier souffle pouvoir disposer ainsi de ses biens, ce qui engendre parfois une modification
des legs antérieurs. En tout état de cause, ce n’est qu’au moment du décès que le testament prend effet. Ainsi,
l’effet juridique du testament dépend d’une absence de révocation. Cette révocabilité du testament se retrouve
là encore par-delà la diversité des formes.

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De même, quel que soit le testament, l’étendue de la liberté de disposer est identique. Le testateur peut faire
trois types de legs :

Le legs universel Le legs à titre universel Le legs à titre particulier

Le legs universel est celui Le legs à titre universel quant Le legs à titre particulier est
par lequel le testateur lègue à lui est le legs par lequel le celui par lequel le testateur lègue
l’intégralité de son patrimoine testateur lègue une quote-part un ou plusieurs biens déterminé.
à un ou plusieurs légataires de son patrimoine, comme le A la différence du legs à titre
(personne désignée par le quart ou la moitié par exemple. universel, le legs à titre particulier
testament pour recevoir les Ici, le testateur ne détermine ne porte pas sur une quote-part
biens). par les biens légués mais se du patrimoine, sur une portion
contente de fixer une proportion abstraite, mais il concerne un
de biens. ou plusieurs biens exactement
Exemple identifiés.
Il s’agira par exemple d’une
disposition rédigée de la sorte : Exemple
je lègue l’intégralité de mon Il s’agira par exemple d’une Exemple
patrimoine à la Croix Rouge ou disposition ainsi rédigée : je La rédaction de la disposition
bien : je lègue l’intégralité de lègue le quart de mes biens à la pourra alors être celle-ci : je
mes biens à mon petit-neveu. Croix Rouge ou bien je lègue un lègue ma voiture de collection
tiers de mes biens à mon neveu. à mon neveu ou bien je lègue
le bien immobilier sis rue de la
Bien évidemment le legs République à la Croix Rouge.
universel ne pose en principe
aucun problème en l’absence
d’héritier réservataire. En
revanche, quand le défunt
laisse des héritiers réservataires
et institue un ou plusieurs
légataires universels, alors
la dévolution volontaire ne
concerne logiquement que la
partie de son patrimoine qui
constitue la quotité disponible.

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En savoir plus : Contenu du testament
Dans les propos qui précèdent, les dispositions évoquées ont une nature exclusivement patrimoniale. Il convient
ici de préciser que les testaments ne contiennent pas exclusivement ce type de disposition. Ainsi un testament
peut tout à fait contenir des dispositions d’ordre personnel, relatives par exemple aux modalités d’organisation
des funérailles. Dans un autre ordre d’idées, le testateur peut également reconnaître un enfant.

§2. Les différents types de testament

A. Le testament olographe
Le testament olographe est le testament rédigé de la main du testateur. Sa rédaction se caractérise par une
certaine souplesse. L’article 970 du Code civil dispose que « le testament olographe ne sera point valable, s’il
n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme ».

Jurisprudence
Ce qui importe est l’exigence de manuscrit. Sont donc proscrits les procédés automatiques de rédaction ou
encore les testaments dactylographiés (Civ. 1re, 24 fév. 1998, Bull. I n° 79).

Remarque
Peu importe ensuite le support sur lequel le testament est rédigé. La jurisprudence a ainsi admis la validité des
dernières volontés du défunt exprimées sur un carnet, sur une carte postale, voire même sur la carrosserie
d’une machine à laver le linge !

L’exigence de manuscrit s’impose donc avec vigueur. Par ailleurs, le testament doit être daté. Il doit comporter
le jour, le mois et l’année. L’on parle en pratique du « quantième, du mois et du millésime ».

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En savoir plus : La date incomplète
La validité du testament dont la date est incomplète est problématique. De longue date, la jurisprudence admet
que quand la date d’un testament olographe manque d’un ou de plusieurs éléments nécessaires pour la
constituer, les juges peuvent la compléter à l’aide des mentions intrinsèques du testament, s’ils reconnaissent
que ces mentions permettent de la rétablir avec certitude en faisant apparaître, d’une façon précise, les jours,
mois et année auxquels le testeur a rédigé son œuvre (Cass. Req., 4 juin 1934). La Cour de cassation considère
d’ailleurs que ceci relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (même référence).

Quant aux éléments extrinsèques à l’acte, ils peuvent être pris en compte dès lors qu’ils corroborent des éléments
intrinsèques et permettent ainsi d’établir que le testament a été rédigé au cours d’une période déterminée et
qu’il n’est pas démontré qu’au cours de cette période le testateur a été frappé d’une incapacité de tester ou
qu’il a rédigé un testament révocatoire ou incompatible (Civ. 1re, 10 mai 2007, Bull. I, n° 182). A défaut de ces
éléments qui vont permettre de corroborer des éléments intrinsèques, il convient de préciser que la mention de
la seule année ne suffit pas.

Jurisprudence
Enfin, il est absolument indispensable que le testament olographe comporte la signature du testateur. En effet,
la signature est la marque définitive de l’appropriation personnelle et définitive par le testateur du contenu
de l’acte et de la volonté de s’en approprier les termes (Civ. 1re, 18 déc. 1984, Bull. I, n° 341). Il n’est pas
nécessaire que la signature soit la même que celle utilisée ordinairement (Civ. 1re, 22 juin 2004, Bull. I, n°
180). Ce qui importe est que la signature marque la volonté d’engagement du testateur sur les dispositions
contenues dans l’acte.

En savoir plus : Perte et destruction fortuite du testament


En cas de destruction fortuite du testament ou de perte, l’impossibilité de produire l’acte peut être suppléée par
d’autres éléments de preuve et notamment par des témoignages ou par une copie du testament. Encore faut-il
dans cette dernière hypothèse démontrer que la copie est une reproduction fidèle et durable de l’original qui a
existé jusqu’au décès du testateur et n’a pas été détruit par lui (Civ. 1re, 13 déc. 2005, Bull. I, n° 503). C’est à
dire qu’il convient de démontrer qu’il s’agit de la manifestation de ses dernières volontés.

En dépit des apparences, le notaire a un rôle à jouer en matière de testament olographe (Cf. C. civ., art.
1007), afin que l’acte puisse être mis à exécution. Quand un testament olographe est découvert en effet, il doit
nécessairement être remis au notaire. Suite à cette remise, le notaire procède à l’ouverture (si le testament est
cacheté) du testament olographe et dresse un procès-verbal conservé avec l’acte au rang des minutes. Dans le
procès-verbal, le notaire doit relater les circonstances du dépôt de ce testament.

Remarque
Ensuite, le notaire a l’obligation d’adresser au greffier du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de
la succession, dans un délai d’un mois qui suit la date du procès-verbal, une expédition de celui-ci et une
copie figurée du testament. Le greffier accusera réception de ces documents et les conservera au rang de
ses minutes.

B. Le testament authentique
Le testament authentique est quant à lui régi par les articles 971 et suivants du Code civil. Il s’agit d’un acte
notarié (sur lequel, cf. supra leçon n° 2). Il doit être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux
témoins (C. civ., art. 971).

En ce qui concerne la rédaction du testament authentique, si l’acte est reçu par deux notaires, il leur est dicté
par le testateur. L’un de ces notaires l’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. En revanche,
s’il n’y a qu’un seul notaire, il doit également être dicté par le testateur, le notaire l’écrit alors lui-même ou le fait
écrire à la main ou mécaniquement.

Dans les deux situations, il doit être donné lecture du testament au testateur. Ensuite, le testateur doit signer le
testament en présence des témoins et du notaire.

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Remarque
Le testament authentique présente l’avantage d’être nécessairement inscrit au fichier central des déclarations
de dernières volontés de Venelles.

En savoir plus : Intérêt du fichier central des déclarations de dernières volontés


Quand une succession est ouverte, le notaire chargé de son règlement va consulter le fichier des dernières
volontés. Comme les testaments authentiques y sont nécessairement inscrits et que le testateur peut faire
inscrire également les testaments olographes et mystiques, il sera aisé de connaître les ultimes déclarations de
volontés. Ceci permet d’une part de savoir si la dévolution successorale se fera selon une source conventionnelle
(libéralités) ou légale (succession ab intestat). Par ailleurs, comme les testaments sont révocables, ce fichier
s’avère particulièrement utile pour connaître les dernières volontés du défunt, notamment en cas de testaments
successifs (d’un point de vue chronologique).

C. Testament mystique
Remarque
Par certains de ses aspects, le testament mystique se rapproche du testament olographe. A d’autres égards
en revanche, il est proche du testament authentique. En pratique, le testament mystique s’avère peu utilisé,
par rapport aux testaments olographes et mystiques.

Le testament mystique est rédigé par le testateur qui va le remettre sous plis clos et scellé au notaire et à deux
témoins. Ce dernier va alors dresser un acte de suscription sur l’enveloppe. Il constate par cette mention la
présentation du testament et la déclaration du testateur que le contenu du pli est bien son testament.

Le notaire conserve alors le testament au rang des minutes.

En savoir plus : Le testament international


Une convention internationale, la Convention de Washington du 26 octobre 1973 a créé une quatrième forme
de testament, peu utilisée en France : le testament international. En dépit du qualificatif « international »,
ce testament n’est pas uniquement réservé à des successions internationales. Il s’agit avant tout de favoriser
un règlement international des successions, mais cette forme de testament peut être choisie pour succession
exclusivement interne.
Ce fameux testament international correspond peu ou prou au testament mystique tel qu’il vient d’être présenté.

§3. Efficacité du testament


A. L’efficacité contrariée
L’efficacité d’un testament peut être contrariée par une révocation de cet acte.
Si le testateur dispose toujours de la faculté, de son vivant, de révoquer le testament, par exemple en le
détruisant, ou bien encore en vendant le bien initialement légué, la révocation peut aussi être de nature
judiciaire.

• D’une part, le juge peut révoquer un testament pour inexécution de charge, lorsque la libéralité
testamentaire était soumise à une charge, c’est à dire une obligation imposée par le testateur au légataire
et que ce dernier n’a pas exécuté ladite charge. Ici les autres héritiers, qui seront demandeurs à l’action
peuvent solliciter soit que le juge ordonne l’exécution de la charge, soit qu’il prononce la résolution de
la libéralité. Dans cette seconde hypothèse, la révocation du testament est judiciaire.
• D’autre part, le juge peut aussi procéder la révocation judiciaire du testament pour cause d’ingratitude,
lorsque le légataire a attenté à la vie du testateur, ou quand il s’est rendu coupable de délit, sévices ou
injures graves. De même, l’injure à la mémoire du défunt faite par le légataire constitue un cas d’ingratitude.
Les héritiers doivent ici agir dans l’année qui suit le délit.

B. L’efficacité consacrée
En lui-même, le testament ne permet pas nécessairement au légataire d’avoir la saisine des biens du défunt.
Rappelons ici que la saisine est la faculté d’être investi immédiatement des droits et biens du défunt. Ainsi,
les héritiers présomptifs, ou héritiers ab intestat ont la saisine de plein droit. Pour les légataires en revanche, il
sera bien souvent nécessaire de se faire envoyer en possession (1). Par ailleurs, il convient parfois d’obtenir la
délivrance matérielle des biens légués détenus par exemple par des héritiers présomptifs (2).
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1. L’envoi en possession
Seuls certains légataires universels ont la saisine, qui leur permet d’entrer en possession immédiate et de plein
droit des droits et biens du défunt. Il s’agit des légataires universels institués par un testament authentique,
dans l’hypothèse où le testateur n’a pas laissé d’héritier réservataire pour lui succéder (C. civ., art. 1006). Dans
cette hypothèse seulement le légataire pourra appréhender directement et sans autre formalité les biens du
défunt.

En revanche, si le légataire universel a été institué par un testament olographe ou mystique, il n’a pas la saisie
de plein droit des biens et droits du défunt. Il faut demander alors au président du Tribunal de grande instance
du lieu d’ouverture de la succession l’envoi en possession des biens du défunt. Saisi sur requête le magistrat
va ici vérifier l’absence d’éventuels vices apparents du testament. Le contrôle ne consiste pas ici à apprécier
un éventuel dépassement de la quotité disponible. Le magistrat se limite finalement ici à une appréciation de la
régularité formelle apparente de l’acte grâce auquel le légataire émet ses prétentions.

A partir du moment où cette vérification est faite, le président du tribunal appose une ordonnance d’envoi en
possession en bas de la requête. Dès lors, le légataire peut appréhender les biens.

2. La délivrance du legs
Certains légataires universels, les légataires à titre universel et à titre particulier vont se heurter souvent en
pratique à une mainmise matérielle des héritiers du défunt sur les biens qui leur ont été légués. C’est la raison
pour laquelle le Code civil soumet l’efficacité de leur legs à une procédure de délivrance du legs.

La délivrance du legs a pour objet de faire reconnaître et consacrer les droits du légataire. Elle permet l’entrée
en possession des biens.

La délivrance du legs va être nécessaire tout d’abord pour le légataire universel qui se trouve en concours
avec des héritiers réservataires. Elle sera également nécessaire pour les légataires à titre universel et pour les
légataires à titre particulier.

§4. La réduction des libéralités excessives


La réduction des libéralités excessives est extrêmement importante en pratique. L’étude de cette question revient
à déterminer l’étendue de la liberté du disposant. En matière de libéralités, la liberté n’est pas illimitée (cf. supra).
Certains héritiers, qualifiés de réservataires, ne pourront en aucun cas être privé d’une partie du patrimoine du
défunt, qui leur est réservée par les dispositions du Code civil. Aujourd’hui les héritiers réservataires sont les
enfants du défunt d’une part et le conjoint survivant d’autre part.

Selon la composition de la proche famille du défunt, le Code civil détermine l’étendue de cette liberté de disposer
de ses biens par libéralités. La partie du patrimoine ainsi déterminée, dont l’intéressé peut librement disposer
de son vivant, se nomme la quotité disponible. Il est tout à fait concevable cependant que le disposant ait
disposé d’une portion de son patrimoine plus importante que la quotité disponible. Il convient dès lors de réduire
cet excès.

L’étude de la réduction des libéralités excessives amène donc à s’intéresser d’une part au calcul du montant de
la quotité disponible (A), avant de déterminer un éventuel dépassement de la quotité disponible (B), puis de se
pencher sur la réduction proprement dite (C).

A. Le calcul de la quotité disponible


Le calcul du montant de la quotité disponible dépend du nombre d’enfants, comme le prévoit l’article 913 du
Code civil qui peut être ainsi résumé :

Nombre d’enfants Quotité disponible (fraction du patrimoine)

Un enfant La moitié

Deux enfants Un tiers

Trois enfants ou plus Un quart

A cela s’ajoute une quotité disponible spéciale entre époux, qui figure à l’article 1094-1 du Code civil.

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Article 1094-1 du Code civil : « Pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non
du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en
faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore
de la totalité de ses biens en usufruit seulement.

Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des
biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite
aux autres successibles ».

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Source : Goubeaux et Voirin, Droit civil, t.2., chez LGDJ.

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B. Calcul du dépassement de la quotité disponible
Pour calculer le dépassement de la quotité disponible, il convient de se placer au jour de l’ouverture de la
succession, pour former une masse de calcul.

Cette masse de calcul est composée de tous les biens du défunt existants au moment du décès, c’est à dire
l’ensemble des biens possédés par le défunt, y compris les biens dont il a disposé par testament. Pour estimer
la valeur des biens, l’on se fonde alors sur l’état et la valeur au jour du décès.

A cette masse, il faut déduire les dettes, telles que les dettes du défunt et les frais funéraires, ce qui donne
l’actif net.

Ensuite, il convient de procéder à une réunion fictive des biens donnés entre vifs. Cette fameuse réunion est un
calcul que l’on qualifie de « fictif » car il ne s’agit absolument pas de procéder à un rapport en nature du bien.
En effet, comme ces biens ont fait l’objet d’une donation, ils sont sortis de manière irrévocable du patrimoine
du donateur. L’on tient compte par conséquent de la valeur de ces biens, à l’exception cependant des menus
cadeaux et autres présents d’usage.

C’est ici que les qualifications de donations déguisées et de donations indirectes prennent toute leur signification.
En effet, à condition de démontrer le déguisement ou le caractère indirect de la donation, ces libéralités occultes
sont rapportables.

L’on va ajouter alors ce montant issu de la réunion fictive des biens donnés à l’actif net et appliquer le taux légal
de quotité disponible. Ceci donne le montant de la quotité disponible.

(Actif net + Réunion fictive des biens donnés) × taux de quotité disponible = Montant de la quotité disponible

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Exemple
Exemple chiffré
Par exemple, pour une personne, mère d’un enfant, qui vient de décéder possédant un bien immobilier d’une
valeur de 400.000 euros, et des valeurs mobilières de 50.000 euros et qui a légué à son neveu par testament
un véhicule automobile d’une valeur de 20.000 euros. Ses dettes fiscales s’élèvent à 3.000 euros et les frais
funéraires à 2.500 euros. De son vivant, cette personne a donné 20.000 euros à un autre neveu.

Actif net = (400.000 + 50.000 + 20.000) – (3.000 + 2500) = 464.500 euros

Réunion fictive des biens donnés = 20.000 euros

Montant de la quotité disponible = (464.500 + 20.000) × ½


NB. On retient ici un taux de quotité disponible de ½ car le défunt laisse un enfant (cf. supra – tableau-).

Soit (montant de la quotité disponible) = 242.250 euros

C. L’action en réduction
Tout héritier réservataire peut agir en réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. Par cette
action, il s’agit donc d’obtenir une amputation de la part excessive et, par conséquent, de faire rétablir la réserve
héréditaire.

En savoir plus : La renonciation anticipée à l’action en réduction


La loi du 23 juin 2006 a introduit un mécanisme très novateur de renonciation anticipée qui a fait reculer la
prohibition des pactes sur succession future. Les héritiers peuvent donc renoncer à cette action ce qui, par voie
de conséquence, étend le champ de la volonté du disposant en neutralisant cette limite que constitue la réserve.
Pour pouvoir renoncer valablement de manière anticipée, l’accord du renonçant et l’accord du disposant sont
requis. Par ailleurs, la renonciation doit être faite au profit de personnes déterminées, comme l’exige l’article
929 du Code civil. Il s’agira par exemple de renoncer de manière altruiste, par égard pour un autre héritier en
difficulté par exemple. Cette renonciation est très formaliste, car elle doit être reçue par deux notaires.

En dehors de la renonciation anticipée à l’action en réduction, l’héritier réservataire peut agir en réduction pour
atteinte à la réserve. L’action est organisée de manière chronologique en ce sens qu’elle est d’abord dirigée
contre les bénéficiaires de libéralités en commençant par ceux qui ont été gratifiés le plus récemment.

Ainsi, les héritiers réservataires doivent d’abord agir contre les légataires puisque par définition le testament
prend effet au jour du décès du testateur. Il s’agit donc bien des libéralités les plus récentes. Pour les legs, en
cas de pluralité de testaments, la réduction est proportionnelle au montant de chaque legs.

S’il apparaît, à l’issue de cette action dirigée contre les légataires que la réserve héréditaire n’est toujours pas
reconstituée, les héritiers réservataires pourront alors agir contre les donataires. Ici encore, le respect d’une
chronologie s’impose. Les héritiers devront agir contre les donations les plus récentes.

Lorsqu’il est nécessaire de réduire une libéralité, la réduction s’opère soit en nature, soit en valeur. Cette
seconde modalité, plus simple à mettre en œuvre, constitue aujourd’hui la modalité de principe. Ainsi le gratifié
doit une indemnité aux héritiers.

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Cours : Droit notarial
Auteur : Vincent Egéa
Leçon n° 8 : La vente immobilière

Table des matières


Section 1. La promesse de vente - les vérifications préalables - la rédaction de l’acte - la signature de l’acte... p. 2
Section 2. La publicité de la vente ............................................................................................................................p. 5

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Remarque
Il est bien rare en pratique qu’une opération de vente immobilière s’opère instantanément par la conclusion
du contrat.

Juridiquement, cette opération économique se divise en plusieurs phases, pour plusieurs raisons :
• Tout d’abord pour permettre à l’acquéreur de rechercher un financement du bien, grâce à un prêt
notamment. Les négociations avec les établissements bancaires peuvent prendre un certain temps.
D’ailleurs la formation d’un contrat de prêt est également une phase qui dure.
• Ensuite, pour permettre au notaire de préparer un certain nombre de formalités relatives à la publicité
foncière. La nature immobilière du bien commande en effet un enregistrement et une publication de la
propriété d’un bien immobilier et d’éventuels privilèges qui le grèvent.
• Enfin, certains tiers peuvent être intéressés par l’opération. Tel est le cas d’une commune, voire du ministère
de la culture, qui pourraient faire valoir un droit de préemption, afin d’acquérir en priorité le bien immobilier,
en lieu et place du candidat initial à l’acquisition.

Pour toutes ces raisons, la conclusion d’une vente immobilière s’étale dans le temps. L’ensemble de cette phase
est supervisé par le notaire.

Section 1. La promesse de vente - les vérifications préalables - la


rédaction de l’acte - la signature de l’acte
La réalisation définitive de la vente immobilière est souvent précédée en amont d’une promesse de vente.
Cette dernière est un avant-contrat. Elle a donc pour objet la préparation de la vente. En pratique, la promesse
de vente permet souvent à l’acquéreur de chercher un financement de son acquisition.

On distingue entre :
• d’une part, la promesse unilatérale de vente, par laquelle le promettant consent au bénéficiaire une
option, en principe pour une durée limitée. Tout dépend ici de la rédaction contractuelle. La promesse
peut être faite à durée déterminée ou indéterminée. Celui qui promet est engagé et lorsque le bénéficiaire
lève l’option, alors le contrat est conclu. Il existe en somme, avec la promesse unilatérale de vente, un
décalage entre le moment de l’engagement du promettant et celui du bénéficiaire.

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Durant cette période, le promettant ne doit pas vendre le bien à un tiers autre que le promettant. Par voie de
conséquence, son bien est immobilisé, ce qui peut lui faire perdre des opportunités. C’est la raison pour laquelle
en pratique, le bénéficiaire verse très souvent une indemnité d’immobilisation au promettant. Si finalement le
bénéficiaire de la promesse ne lève pas l’option, l’indemnité d’immobilisation reste acquise par le promettant.

En savoir plus : Débat : la rétractation du promettant


En principe, le promettant est définitivement lié par son engagement. Il ne saurait donc valablement se rétracter
avant la levée de l’option. Pour autant, il n’est pas rare que de telles rétractations interviennent avant l’expiration
du délai consenti au bénéficiaire pour lever l’option et avant même cette fameuse levée de l’option. La question
de la sanction de cette rétractation est posée : le contrat peut-il faire l’objet d’une exécution forcée en nature, ou
bien le promettant ne s’expose-t-il qu’au paiement de dommages-intérêts ?

La troisième chambre civile, dans un arrêt très critiqué du 15 décembre 1993 (Civ. 3e, 15 déc. 1993, Consorts
Cruz, Bull. III, n° 174 ;D. 1995, som., p ; 87, obs. Aynés ; JCP 1995, II, 22366, note Mazeaud) a retenu la seconde
solution, c'est-à-dire le versement de dommages-intérêts. Alors qu’un arrêt rendu le 8 septembre 2010 (Civ. 3e, 8
sept. 2010, n° 09-13.345, Rép. Def. 2010.2123, note Aynés ; RTD civ. 2010.778, note Fages ; RDC 2011.47, note
Genicon) avait laissé percevoir un début d’évolution, en décidant que le promettant est « définitivement engagé »
par la promesse, la jurisprudence récente rappelle la sanction par équivalent (versement de dommages-intérêts).
C’est ce que viennent de faire la troisième chambre civile (Civ. 3e, 11 mai 2011 ; n° 10-12.875 ; D. 2011.1457,
obs. Mazeaud et p. 1460, obs. Mainguy) d’une part et la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com.,
sept. 2011, n° 10-19.526, RTD civ. 2011.758, obs. Fages) d’autre part.

En savoir plus : Etude d’une clause de la pratique notariale


La jurisprudence a récemment donné une pleine efficacité à une clause de la pratique notariale qui tient compte
du refus prétorien de prononcer une exécution forcée en nature de la vente, en cas de rétractation du promettant
avant la levée de l’option par le bénéficiaire.

En effet, tenant compte de la sanction des dommages-intérêts, seule admise par la jurisprudence, la pratique
notariale a inséré dans les promesses unilatérales de vente une clause prévoyant que la rétractation du
promettant engendrerait une formation judiciaire de la vente, un contrat judiciairement formé.

Dans un arrêt important rendu par sa troisième chambre civile le 27 mars 2008 (Civ. 3e, JCP éd. N. 2009.1001,
n° 1, obs. Piédelièvre ; RTD civ. 2008.474, obs. Fages), la Cour de cassation a donné tout son sens à ce type
de stipulation en admettant que les parties puissent de la sorte organiser une formation judiciaire du contrat.

Dit autrement, ce que la jurisprudence se refuse à ordonner en l’absence de clause, elle l’admet lorsque le notaire
a inséré dans la promesse une stipulation ainsi rédigée, par exemple : « en cas de carence du promettant, la
vente de l'immeuble sis... pourra intervenir sur décision de justice ».

Le notaire joue un rôle important en matière de promesse unilatérale de vente. En effet, lorsque la promesse
porte sur un immeuble qui appartient à une personne physique, l’article L. 290-1 du Code de la construction et
de l’habitation impose une rédaction dans un acte authentique, à peine de nullité, dès lors que l’option a été
consentie pour au moins dix-huit mois.

En savoir plus : Article 1840 A du Code général des impôts


Au demeurant, l’article 1840 A du Code général des impôts oblige, sous peine de nullité absolue, à enregistrer
dans les 10 jours de son acceptation toute promesse unilatérale de vente sous seing privé.

Par ailleurs, la pratique notariale joue un rôle fondamental en ce qui concerne la condition suspensive qui peut
être intégrée dans la promesse unilatérale de vente. En effet, il est très courant d’insérer une telle condition,
pour permettre au bénéficiaire de la promesse de chercher et, idéalement, de trouver un financement. Afin
de protéger le consommateur, l’article L. 312-16 du Code de la consommation rend obligatoire cette condition
suspensive dès lors que le l’acquisition est financée par un prêt. Même lorsque la promesse est rédigée dans
un acte authentique le bénéficiaire qui souhaite ne pas recourir à un emprunt doit le mentionner de manière
manuscrite. Ainsi la renonciation à cette condition suspensive, qui suppose donc une absence de recours à
l’emprunt, s’avère formellement très encadrée, dans le but de protéger le bénéficiaire.

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D’autre part, la promesse synallagmatique. Cette dernière est couramment appelée le « compromis » de
vente. L’article 1589 du Code civil dispose que « la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement
réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ». En pratique, l’acquéreur verse souvent une somme en
contrepartie d’une faculté de dédit. Elle restera acquise par le vendeur si la vente venait à ne pas être réitérée.
Ici aussi, le Code de la consommation impose la rédaction d’une condition suspensive relative à l’obtention
d’un prêt (C. conso., art. L. 312-15). La pratique notariale a pour habitude d’indiquer de manière assez précise
l’emprunt envisagé (durée du crédit, taux, établissements qui seront sollicités par l’acquéreur). Lorsque les
démarches du candidat à l’acquisition immobilière ne sont pas faites ou bien qu’elles sont faites à des conditions
qui ne correspondent pas aux éléments indiqués, alors la condition est accomplie et le vendeur pourra conserver
la somme versée à titre de dédit.

Ensuite, la vente sera réitérée par acte authentique. Le notaire va donc rédiger l’acte de cession.

Ici, il convient de préciser que l’article 1653 du Code civil organise une exception d’inexécution que l’acquéreur
va pouvoir invoquer lorsqu’il subit un trouble, voire même risque de subir un trouble, du fait d’une action en
revendication ou d’une action hypothécaire. La jurisprudence a cependant étendu ce mécanisme à la simple
inscription d’hypothèque. Ainsi l’acquéreur peut suspendre son paiement, dès lors que l’immeuble cédé est grevé
d’hypothèque. Ceci est évidemment très problématique pour le vendeur. C’est la raison pour laquelle le vendeur
est tenu d’informer l’acquéreur de l’existence d’un tel privilège.

Remarque
Par ailleurs, la pratique notariale, s’inscrivant dans la perspective ouverte par une jurisprudence de la fin du 19e
siècle, insère très fréquemment une véritable formule de style dans les actes notariés, selon laquelle l’immeuble
est vendu libre de toutes hypothèque.
Une autre pratique, courante, consiste à céder le bien avec une reprise des prêts. L’acquéreur remboursera
donc les échéances restant à payer, en contrepartie en principe d’une diminution du prix de vente.

En savoir plus : La rescision pour lésion


On rappellera ici la particularité de la vente immobilière en ce qui concerne le prix. En effet, c’est en ce domaine
que la rescision pour lésion est admise. Au demeurant, la jurisprudence retient une acception stricte de la
vente immobilière, en excluant par exemple la cession de part de Sociétés Civiles Immobilières du champ de la
rescision pour lésion (Civ. 3e, 9 avril 1970, Bull. III, n° 234). Il faut une lésion de plus des sept douzièmes, selon
l’article 1674 du Code civil, sachant que cette disproportion s’apprécie au moment où le vendeur a donné son
consentement. En cas de promesse unilatérale de vente, la lésion s’apprécie au jour de la levée de l’option par
le bénéficiaire de la promesse (Civ. 3e, 17 juin 2010, Bull. III, n° 4). L’action en rescision pour lésion doit être
intentée dans les deux ans, selon l’article 1676 alinéa 1er du Code civil.

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Section 2. La publicité de la vente

La publicité est essentielle. Comme son nom l’indique, elle a pour fonction, de rendre public, c’est à dire de
porter à la connaissance des tiers, l’existence d’un acte et d’une situation juridique. Par conséquent, la publicité
renforce l’opposabilité.

En matière de vente immobilière, la publicité joue un rôle fondamental. En effet, l’opposabilité du droit de propriété
est subordonnée à la publicité du droit. Par conséquent, celui qui acquiert un bien immobilier sans que la vente
ne soit publiée pourra se voir ensuite opposer l’acquisition par un tiers de droit sur ce même immeuble, dès lors
que ces droits seraient publiés par la suite. En cas de conflits entre des droits prétendument concurrents sur
un même bien, la première publication l’emportera. Ainsi, la publication a pour fonction de trancher entre
ces droits concurrents.

La publicité joue aussi un rôle fondamental en matière de crédit. En effet, l’emprunteur qui propose au prêteur
de denier de prendre une hypothèque sur son bien immobilier va pouvoir démontrer que ledit bien n’est pas déjà
grevé d’un privilège ou d’une hypothèque.

Cette publicité est assurée par la conservation des hypothèques. Au demeurant, cette dernière appellation
peut induire en erreur. En effet, si les hypothèques doivent faire l’objet d’une publication, il apparaît également
que les droits réels, au premier rang desquels figure bien sûr le droit de propriété. Cela étant, la conservation
des hypothèques assure également la publication d’autres droits réels, tels que l’usufruit et les servitudes.

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Sous l’ancien droit, se rencontrait un système de clandestinité des hypothèques, dans lequel ces droits réels
ne faisaient pas l’objet d’une publicité.

La loi du 11 Brumaire an VII a mis en place un système de publicité.

Le Code civil de 1804 a, quant à lui, consacré un système de publicité mais limité au seules hypothèques
conventionnelles.

Plusieurs textes sont venus réformer le droit de la publicité foncière :


• loi du 23 mars 1855 : rétablissement de la transcription (cf. supra). Obligation de publier les actes constitutifs
de droits réels et les certains droits personnels (baux de longue durée) ;
• Décret-loi de 1935 : publicité des actes translatifs à cause de mort (testament ou succession) et des actes
déclaratifs (actes de partage, transactions).

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Décret du 4 janvier 1955 et décret d’application du 14 octobre 1955 :

Obligation de publication

Aujourd’hui, le droit positif distingue :

Désormais, la publicité foncière a donc un domaine large. Concrètement son efficacité repose sur deux acteurs :
• le Conservateur des hypothèques, d’une part ;
• le notaire, d’autre part.
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Remarque
Compte tenu de l’objet de ce cours, nous évoquerons principalement ici le rôle du notaire dans la publicité
foncière. Il convient toutefois d’indiquer ici que le Conservateur des hypothèques est, aujourd’hui encore, un
fonctionnaire du ministère de l’économie et des finances. Pour autant, il présente la particularité d’être rémunéré
par un « salaire », c’est à dire par le paiement de droits versés par ceux qui ont recours à une inscription ou une
publication. En contrepartie, le Conservateur des hypothèques répond d’une responsabilité civile personnelle
en cas de dommages causés par le défaut de publication d’actes ou en cas d’omission de mention. Cela étant,
le Conservateur des hypothèques n’est que le juge de la régularité formelle des actes et de leur caractère
publiable. La fonction de Conservateur des hypothèque, organisée de cette manière, est vouée à disparaître, au
profit d’une fonctionnarisation plus accrue. L’essor des nouvelles technologies d’archivage et de communication
explique en partie cette évolution.

A côté du conservateur des hypothèques, le notaire joue un rôle absolument fondamental en matière de publicité
foncière. Ce rôle est lié à la nature d’acte authentique de l’acte notarié (cf. supra). En effet, en matière de publicité
foncière, seuls les actes authentiques peuvent faire l’objet d’une publicité foncière. Ainsi un acte sous signature
d’avocat ne peut pas être publié de la sorte. C’est ici qu’apparaît le lien entre acte notarié, publicité foncière
et sécurité juridique.

De surcroît, la validité de certains actes est soumise par le décret du 4 janvier 1955 à l’exigence d’un acte notarié.
Ainsi les baux de plus de 12 ans ou encore les ventes immobilières sont obligatoirement faits par acte notarié.

L’article 33 du décret du 4 janvier 1955 impose au notaire des délais de publication très stricts. Ainsi il doit publier :
• l’attestation notariée dans les quatre mois du jour où il en a été requis. L’attestation immobilière est rédigée
par le notaire à la demande des héritiers lorsque la succession comporte un ou plusieurs biens immobiliers.
Elle a pour objet de faire connaître au tiers le changement de propriétaire du bien ;
• Les autres actes doivent être publiés dans le trois mois.

Lorsque la publication doit être faite dans deux bureaux ou plus, ces délais sont augmentés de un mois pour
chaque bureau en plus du premier.

Les actes à publier sont donc obligatoirement déposés au bureau des hypothèques. Concrètement, une copie
de l’acte est déposée pour les publications et un bordereau d’inscription, accompagné de l’acte constituant
l’hypothèque par exemple, doit l’être pour les inscriptions. Le conservateur répertorie chaque jour les actes
déposés. Aujourd’hui, grâce au logiciel Télé@ctes, les études de notaire communiquent en ligne avec la
conservation des hypothèques.

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Trois fichiers sont tenus :
• le fichier personnel, par titulaire d’un droit réel ;
• Le fichier d’immeubles, pour les biens immobiliers situés en ville ;
• Le fichier parcellaire qui regroupe plusieurs parcelles de propriétés.

Un fichier immobilier est également constitué qui recoupe ces différentes informations.

L’inscription par ordre chronologique est essentielle et conditionne l’efficacité même de la publicité foncière. Il
faut y ajouter un second principe, extrêmement important en pratique (Art. 3 du décret du 4 janvier 1955), qui
est l’effet relatif de l’inscription. Un acte ne peut être publié que si le « titre du disposant ou dernier titulaire n’a
pas été préalablement publié ». Cette règle trouve une exception en matière de prescription et de possession,
ainsi que pour les titres antérieurs au premier janvier 1956. Elle vise à garantir une sorte de « traçabilité » des
droits réels, en permettant d’établir une chaîne de droits successifs.

En matière de vente immobilière, la publicité foncière joue un rôle essentiel.

• D’une part, les actes de mutation ou de constitution de droits réels immobiliers doivent impérativement être
publiés, selon l’article 28, 1°, a. du décret du 4 janvier 1955. Les contrats de vente immobilière appartiennent
évidemment à cette catégorie d’acte. Le texte précise que la publication doit être faite, même si l’acte est
assorti d’une condition suspensive ;
• D’autre part, l’établissement prêteur de deniers accompagnera très certainement le financement de
privilèges portant sur le bien, tels une hypothèque. Cette dernière doit également être publiée.

Dans les deux cas, le notaire est responsable de la bonne exécution de cette inscription. Un manquement à
l’obligation de publier engagerait sa responsabilité, car l’inscription des hypothèques participe de l’efficacité
juridique de l’acte.

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