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RÉSUMÉ SUMMARY
Le groupage sanguin est une analyse particulière car elle engage la sécurité Blood typing at stake: news and prospects
transfusionnelle. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont défini dès 1965 puis Blood typing is a particular analysis because it in-
par la circulaire du 17/05/1985 des règles impératives. Plus récemment, l’arrêté volves blood safety. This is the reason why the
du 26/04/2002 modifiant l’arrêté du 26/11/1999 relatif à la bonne exécution public authorities set mandatory rules as early as
des analyses de biologie médicale a formulé des exigences précises en terme 1965 and then in 1985. More recently the order of
d’automation et d’informatisation, de contrôle de qualité interne et de règles April 26, 2002 amending the order of November 26,
de réalisation des analyses. Devant le constat de l’augmentation régulière de 1999 about the effectiveness of laboratory medicine
l’activité d’immuno-hématologie en France, un état des lieux des pratiques analyses drew up specific requirements in terms
a été réalisé. La répétition des groupages sanguins, le déploiement insuffi- of automation and informatization, internal quality
sant de la transmission électronique des résultats d’immuno-hématologie, control and implementation rules of the analyses.
la difficulté de prise en compte des résultats extérieurs par les structures After reporting that immunohematology activity in
de délivrance des produits sanguins labiles sont à l’origine de propositions France was steadily increasing, a check up of the
qui sont commentées et discutées. L’exigence de 2 déterminations de practices was conducted by a working group (WG).
groupe sanguin sur 2 prélèvements différents est réaffirmée pour sécuriser Repeated blood typing, the inadequate deployment
l’identification du patient prélevé. Un numéro identifiant national est le pré- of the electronic transmission of immunohemato-
requis à l’utilisation prolongée des données immuno-hématologiques et à logy results and the difficulties faced by labile blood
leur accessibilité élargie aux différents utilisateurs pour éviter la répétition products delivery services when taking into account
des groupages sanguins. L’objectif est de réduire les coûts pour le système the blood typing results carried out by external la-
de santé sans préjudice pour la sécurité transfusionnelle. boratories, led to proposals which are commented
out and discussed in the article. The WG reasserts
Groupage sanguin – réglementation – sécurité transfusionnelle – the need to collect two different blood samples in
informatisation – transmission électronique – order to do two separate blood group determina-
numéro identifiant national de patient – coût du système de santé. tions; the purpose is to secure the identification of
the patients during sample collection. A national
patient identification number is the prerequisite to
1. Introduction a prolonged use of the immunohematological data
and their extended accessibility to the different users
in order to avoid the repetition of blood typing. The
Le groupage sanguin est une analyse particulière car elle
objective is to reduce health care costs without
engage la sécurité transfusionnelle et donc la vie des
damaging blood safety.
patients transfusés. Le législateur s’est donc intéressé de
longue date à cette analyse pour améliorer les différentes
étapes du processus qui aboutissent à l’édition d’un docu- Blood typing – rules – blood safety –
ment de groupage valide pour transfuser les patients. La informatization – electronic transmission –
préparation d’une nouvelle réglementation pour autant national patient identification number – health care cost.
qu’elle soit susceptible de modifier notablement les règles
en vigueur peut susciter des interrogations. Nous tentons
de faire ici le point sur la réglementation en matière de 2. Rappel sur le principe
groupage sanguin à partir des données disponibles.
du groupage ABO-RH1 (D) et
a Département des laboratoires phénotypage RH-KEL1 (RH-K)
Centre de transfusion sanguine des Armées
1, rue du Lieutenant Raoul-Batany – B.P. 410 Le groupage sanguin ABO est une analyse multiparamé-
92141 Clamart cedex trique dont les modalités, définies par voie réglementaire,
reposent sur des impératifs. Ainsi, une réalisation de grou-
* Correspondance page sanguin ABO comporte obligatoirement deux épreuves
clavier@ctsa.armees.fr qui doivent être cohérentes entre elles [1] :
article reçu le 1er août, accepté le 24 octobre 2011 • une épreuve globulaire dite épreuve de Beth-Vincent qui per-
© 2012 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. met, grâce à l’utilisation de sérums-tests anti-ABO1 (anti-A),
Le réactif anti-B utilisé ne doit pas donner de réaction transférés vers les structures de délivrance de produits
croisée vis-à-vis de l’antigène B acquis. L’un des deux sanguins labiles et pris en compte lors d’éventuelles trans-
réactifs, anti-A ou anti-AB, doit pouvoir reconnaître les fusions ultérieures, limitant ainsi la répétition d’analyses
hématies Ax. Les hématies-tests A1 et B sont les seules dont on sait que le résultat ne change pas avec le temps.
exigées pour réaliser l’épreuve plasmatique. En effet, la L’objet de ce travail a donc été :
suppression des hématies A2 ne met pas en jeu la sécurité • de faire un état des lieux des pratiques dans le domaine
[7]. De même la suppression de l’utilisation des hématies O de l’immuno-hématologie, en détaillant les points suivants :
se justifie par la prescription obligatoire de la RAI en cas de – la répartition de l’activité selon les structures réalisant
contextes prétransfusionnel, prénuptial et pré ou périnatal ; les analyses,
la RAI permet en effet de dépister les anti-H cliniquement – les modalités de transmission des résultats d’analyses
dangereux [4]. Les hématies A2 et O ne sont exigées que d’immuno-hématologie des laboratoires ayant réalisé les
pour la gestion des anomalies. On peut également noter analyses vers les structures de délivrance de produits
qu’il n’est plus exigé de travailler avec deux lots de réac- sanguins labiles,
tifs différents que l’analyse soit automatisée ou manuelle. – les modalités de prise en compte des résultats d’ana-
Dans les conditions d’automation et d’informatisation lyses issus de laboratoires extérieurs par les structures
exigées par la loi, une détermination de groupage san- de délivrance de produits sanguins labiles,
guin ABO-RH1 et phénotypage RH-KEL1 repose alors – les pratiques d’autres pays dans ce domaine,
sur une seule réalisation exécutée à l’aide d’un lot de • de proposer des voies de progrès qui permettraient
réactifs, d’un lot d’hématies-tests et par un technicien. d’améliorer l’efficience dans le domaine des analyses
Mais dans tous les autres cas, une détermination repose d’immuno-hématologie pré-transfusionnelles en France.
sur deux réalisations exécutées par deux techniciens
différents [4]. À titre d’exemples de non respect des exi- 5.2. Activité d’analyses
gences d’automation ou d’informatisation, on peut citer : d’immuno-hématologie en France
l’absence d’automatisation du groupage ou l’absence de En France, l’activité des analyses d’immuno-hématologie
transfert informatique du résultat issu de l’automate vers à visée transfusionnelle représente un coût global pour la
l’informatique centrale du laboratoire ou toute situation société supérieur à 310 millions d’euros par an.
qui implique la saisie manuelle des résultats. Quoi qu’il Cette activité est caractérisée par un très grand nombre
en soit, la saisie manuelle des résultats doit aussi pas- d’acteurs : LBM, laboratoires hospitaliers, établissements
ser par une double saisie effectuée par deux personnes français du sang (EFS) et Centre de transfusion sanguine
différentes. des Armées (CTSA). Les analyses dont le résultat ne change
pas dans le temps (groupe sanguin, phénotype RH2,3,4,5
5. Vers une évolution et KEL1, et autres antigènes érythrocytaires) et dont on sait
qu’elles sont en réalité répétées très fréquemment au-delà
de la réglementation des deux déterminations réglementaires représentent près
de 60 % (57 %) du coût global de cette activité, soit près
L’activité en matière de groupe sanguin et des pratiques en de 180 millions d’euros par an.
matière de sécurité immuno-hématologique des transfu-
sions sanguines en France a fait l’objet d’un rapport réalisé 5.3. État des lieux des transmissions
à la demande de M. le Directeur général de l’Union natio- électroniques des résultats
nale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) auprès de La transmission électronique des résultats d’analyses
M. le Directeur général de l’Institut national de la transfu- immuno-hématologiques est une obligation réglemen-
sion sanguine (INTS), le Pr Philippe Rouger. Le rapport a taire depuis le 26 avril 2002. Néanmoins, elle n’est que
été remis le 25 septembre 2009 [8]. Nous rapportons ici partiellement déployée aujourd’hui : le système ERA mis
quelques éléments du rapport et propositions du groupe en place par l’EFS n’est pas déployé uniformément sur le
de travail concernant le groupage sanguin. Nous le citerons territoire, et nombreux sont les dépôts qui n’assurent pas
sous la dénomination « rapport de l’UNCAM ». cette fonctionnalité.
Au moment de l’enquête, un tiers des laboratoires hos-
5.1. Contexte de l’étude pitaliers et moins d’un quart des LBM n’avaient pas de
Devant le constat que plus de 5 ans après la publication capacité de transfert électronique de leurs résultats avec
de l’arrêté du 26 avril 2002 relatif aux bonnes pratiques leur site de délivrance de produits sanguins labiles de
d’immuno-hématologie, les relevés d’activité des LBM dans référence. À noter que 9 établissements de l’EFS sur 17
ce domaine ne montraient aucune diminution d’activité, n’ont aucune liaison ERA fonctionnelle.
mais plutôt une augmentation régulière, M. le Directeur L’outil ERA développé par l’EFS a pour objectif l’application
général de l’UNCAM a souhaité disposer d’une analyse au sens strict de l’arrêté du 26 avril 2002, à savoir l’inté-
détaillée de l’activité d’immuno-hématologie en France. Il gration des données de groupe sanguin dans le système
a demandé à l’INTS de réaliser cette analyse. d’information des sites de délivrance uniquement pour
L’arrêté du 26 avril 2002 ayant défini, dans son annexe DXI, assurer la sécurité de la délivrance de produits sanguins
les conditions de transmission électronique des résultats labiles. Ainsi, ce système, qui n’a pas été conçu pour la
d’analyses d’immuno-hématologie sécurisées, les condi- conservation à long terme des données d’immuno-héma-
tions pouvaient être théoriquement réunies pour que des tologie, ne peut pas contribuer à la réduction des dépenses
résultats d’analyses d’immuno-hématologie puissent être de santé dans ce domaine.
6. Discussion autre patient que celui identifié sur le tube) est de 0,3 à 0,9
pour 1 000. Une étude de Fialon et al. [12] réalisée par l’EFS
Quelques points peuvent être commentés ou discutés. Aquitaine – Limousin au sein du CHU de Bordeaux en 2010
révèle un taux similaire de 0,6 pour 1 000, ce qui représente
dans cette étude une fréquence d’un cas par semaine ; les
6.1. Facteurs contribuant
causes identifiées sont l’erreur d’étiquetage ou l’usurpation
à la répétition des analyses d’identité. Ainsi la raison d’être de cette double détermina-
Le rapport de l’UNCAM précise les facteurs contribuant
tion n’est plus tant dans une recherche de fiabilité biologique
à la répétition inutile des analyses [8] : du résultat que dans l’exigence de 2 contrôles d’identité du
• multiplicité des structures réalisant les analyses patient à deux moments différents lors des deux prélèvements.
d’immuno-hématologie,
• défauts de communication entre les prescripteurs et
6.4. Pré-requis d’un identifiant
les laboratoires engendrant une méconnaissance des
résultats antérieurs,
national unique
Un identifiant national unique est le pré-requis d’une prise
• faiblesse de la communication entre les laboratoires et
en compte des résultats des analyses de groupes sanguins
les sites de délivrance,
pendant toute la vie de la personne. Il permet des échanges
• crainte d’une mauvaise identification des patients ou
sécurisés de données, ce que n’assure pas l’identification
d’usurpation d’identité dont le corollaire est un refus de
par les seuls nom de naissance, prénom, date de nais-
réédition de résultats d’analyse par les laboratoires ayant
sance et sexe du fait du risque d’homonymie accru dans
réalisé les analyses.
les grandes bases de données. De plus, on peut espérer
La répétition des groupages sanguins est un moyen de
réduire le risque d’erreur de prélèvement, en effet Dzik et
détection des usurpations d’identité, mais à un prix élevé
al. [9] associent la mise en place d’un identifiant patient
pour la communauté. Cette redondance a été chiffrée
national en Suède et en Finlande avec des taux d’erreur
par une étude réalisée par la CNAMTS qui a montré que
de prélèvement trop bas pour être estimés.
sur une période de trois ans et demi 13 % des patients
avaient eu plus de deux déterminations de groupe sanguin.
6.5. Le maillon faible : l’identification
Le rapport note qu’aucun des accidents par incompati-
bilité ABO relevés dans l’hémovigilance française n’a été
des échantillons lors du prélèvement
L’automatisation et l’informatisation imposées par le GBEA,
rapporté à l’usurpation d’identité et que la répétition des
pour garantir exactitude et précision des résultats, ne règlent
analyses dans le but de détecter les usurpations d’iden-
pas pour autant les points critiques de la phase pré-analytique
tité n’améliore pas de façon mesurable la sécurité trans-
et notamment l’identification des échantillons lors du prélève-
fusionnelle en terme de compatibilité ABO. Cependant,
ment [13]. L’accréditation des laboratoires de biologie médi-
outre l’usurpation d’identité, l’erreur de prélèvement est
cale selon la norme EN ISO 15189 a pour objectif d’améliorer
une crainte qui ne semble pas infondée. En effet Linden
cette étape du processus. Toutefois la phase pré-analytique
et al. [9, 10] ont décrit que 14 % des transfusions incom-
reste souvent en dehors du contrôle direct du biologiste. Or le
patibles rapportées dans l’état de New York étaient dues
maillon faible reste le contrôle de concordance au moment du
à des erreurs de prélèvements.
prélèvement, entre l’identité du patient et l’identité portée sur
les documents, les étiquettes sur les tubes et sur les demandes
6.2. Prise en compte manuelle d’examens. C’est l’étape la plus difficile à sécuriser car elle
des résultats d’immuno-hématologie est encore entièrement humaine. C’est aussi la plus critique
La prise en compte manuelle des résultats d’immuno-héma- car une erreur d’étiquetage ou de prélèvement peut mettre en
tologie en l’absence de transfert informatique vers les dépôts jeu la sécurité transfusionnelle du patient d’autant que cette
de délivrance nécessite une double saisie par deux opérateurs erreur est difficile à mettre en évidence.
différents selon une procédure rigoureuse pour sécuriser l’in-
tégration des résultats. Cependant, dans les sites dont les 6.6. Modification de l’analyse RAI dépistage :
ressources humaines sont limitées ou pendant les heures de association à une épreuve sérique
garde, cette mesure est difficilement applicable à moins que Le rapport de l’UNCAM propose d’associer à la RAI dépis-
l’absence d’urgence autorise une deuxième saisie différée tage, une épreuve sérique pour vérifier dans le même temps
lors du changement d’équipe. Pour tous ces sites, seule la le groupe ABO du patient prélevé. Quelles en sont les limites ?
mise en place de transferts informatiques fiables sécurisera Elles concernent d’une part les difficultés d’interprétation dues
l’intégration des résultats de groupe sanguin. à l’insuffisance des anticorps anti-A et/ou anti-B en particulier
dans la population âgée, à des allo-anticorps s’exprimant
6.3. Exigence réaffirmée de 2 déterminations à température ambiante (anti-MNS1, anti-RH3 etc.), à des
sur 2 prélèvements différents auto-anticorps à l’état libre dans le plasma ou encore à la
Le rapport de l’UNCAM réaffirme à juste titre la nécessité présence d’anticorps anti-A1 chez des patients A2 ou A2B ;
de 2 déterminations de groupe sur 2 échantillons différents nous avons évalué dans notre activité, la fréquence de ces
pour considérer un résultat de groupe sanguin ABO-RH1 et anomalies de l’épreuve sérique à 2 % des groupages ABO
de phénotypage érythrocytaire. Dzik et al. [11] rapportent réalisés chez les patients hospitalisés (données non publiées).
dans une étude internationale réalisée en 2001 que le taux D’autre part, l’objectif de l’épreuve sérique est d’éviter l’er-
d’erreur d’étiquetage varie de 1,2 à 17 pour 1 000 et le taux reur de compatibilité ABO qui peut mettre en jeu la vie du
d’erreur de prélèvement (i-e tube contenant le sang d’un patient transfusé. Mais, ne vérifiant pas le phénotype RH KEL,