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Civilisation mycénienne

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Civilisation mycénienne

Masque funéraire mycénien en feuille d'or, improprement appelé « masque d'Agamemnon », tombe V
du cercle A de Mycènes, musée national archéologique d'Athènes. Probablement l'artefact le plus
célèbre de la Grèce mycénienne.
Définition
Lieu éponyme Mycènes
Auteur Heinrich Schliemann

Caractéristiques
Période v. 1650-1200 av. J.-C.

Aire de la civilisation mycénienne

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La civilisation mycénienne est une civilisation égéenne de la fin de l'âge du


bronze (Helladique récent) s'étendant de 1650 à 1100 av. J.-C. environ, dont
l'apogée se situe environ entre 1400 et 1200 av. J.-C.

Cette civilisation se développe à partir du sud de la Grèce continentale (l'aire


« helladique »), alors qu'auparavant les foyers les plus dynamiques du monde égéen
se trouvaient dans les îles, dans les Cyclades et surtout en Crète, où s'était
développée depuis le début du IIe millénaire av. J.-C. la civilisation minoenne. À partir
des environs de 1650/1600 av. J.-C., les sites continentaux connaissent un premier
développement, qui témoigne d'un enrichissement de leur élite, visible notamment
dans les riches tombes mises au jour par Heinrich Schliemann à Mycènes en 1876.
La civilisation mycénienne se développe dans les siècles suivants, suivant un
processus mal compris.

Vers 1450 av. J.-C. la Crète est dominée par des Mycéniens, qui s'implantent au
palais de Cnossos. C'est là que se trouvent les plus anciennes traces de l'écriture
mycénienne, le linéaire B, qui transcrit une forme ancienne du grec. Depuis son
déchiffrement par Michael Ventris et John Chadwick en 1952, la civilisation
mycénienne est, de toutes les civilisations égéennes pré-helléniques, la seule
connue à la fois par des vestiges archéologiques et des documents épigraphiques1.
Sur le continent, la civilisation qui émerge au même moment repose en partie sur
des apports culturels minoens, elle développe progressivement une civilisation
organisée autour de plusieurs palais et forteresses qui sont probablement des
centres de royaumes dominant des régions (Mycènes
en Argolide, Pylos en Messénie, Thèbes en Béotie, etc.). Ils sont dirigés par des rois,
placés à la tête d'une administration dont le fonctionnement apparaît dans les
tablettes administratives en linéaire B. On parle souvent de civilisation « palatiale »
parce qu'elle est dirigée depuis des palais encadrant de nombreuses activités, à
l'image de ce qui se passe dans les civilisations contemporaines du Proche-Orient et
d'Égypte. Cependant le pouvoir mycénien n'est manifestement pas particulièrement
centralisé.

La civilisation mycénienne connaît au même moment une expansion dans le monde


égéen, elle se retrouve jusqu'en Asie Mineure où elle entre en contact avec l'aire
sous l'influence du royaume des Hittites, qui connaît les Mycéniens sous la
désignation d'Ahhiyawa, terme qui renvoie au nom Achéens attesté par les textes
grecs postérieurs, notamment Homère. Les poèmes de ce dernier, en particulier
l’Iliade, ont souvent servi de référence pour traiter la civilisation mycénienne, puisqu'il
semble préserver le souvenir de l'époque où les Grecs étaient dominés par le roi de
Mycènes. Mais une telle situation n'a jamais été confirmée par les sources
documentant l'âge du Bronze, pas plus que l'existence de la légendaire guerre de
Troie qu'on essaye souvent de situer vers cette période.

Autour de 1200 av. J.-C., la civilisation mycénienne entre dans une phase de déclin,
marquée par plusieurs destructions de sites palatiaux, la fin de l'usage de l'écriture et
la désagrégation progressive des institutions qui la caractérisaient. Les traits
culturels mycéniens disparaissent progressivement après le XII siècle av. J.-C.,
e

durant la période appelée les « âges obscurs ». Les raisons de ce déclin n'ont pas
été élucidées. Quand le monde grec connaît une reprise après 1000, il le fait sur des
bases nouvelles, et la civilisation grecque antique, qui se forme par la suite, a
largement oublié les accomplissements de l'époque mycénienne.

Historique des découvertes[modifier | modifier le code]

Tête de guerrier portant un casque de défenses de


sanglier. Tombe à chambre mycénienne sur l'Acropole, XIV – XIII siècle.
e e

Le passé des Grecs n'est longtemps connu que par les légendes des épopées et
des tragédies. L'existence matérielle de la civilisation mycénienne est révélée par les
fouilles d'Heinrich Schliemann à Mycènes en 1876 et à Tirynthe en 1886. Celui-ci
croit avoir retrouvé le monde décrit par les épopées d'Homère, l’Iliade et l’Odyssée.
Dans une tombe de Mycènes, il trouve un masque d'or qu'il nomme le « masque
d'Agamemnon ». De même, on baptise « palais de Nestor » un palais fouillé à Pylos2.
Le terme « mycénien » a été choisi par l'archéologue Schliemann pour qualifier cette
civilisation, avant que Charles Thomas Newton n'en définisse les caractéristiques en
identifiant sa culture matérielle homogène à partir des trouvailles effectuées sur
plusieurs sites3. Ce nom est repris de celui de la ville de Mycènes (Péloponnèse),
d'une part parce qu'il s'agit du premier site archéologique fouillé à révéler
l'importance de cette civilisation et d'autre part en raison de l'importance que revêtait
cette cité dans la mémoire des auteurs grecs antiques (en premier lieu Homère, qui
faisait du roi de Mycènes le chef des « Achéens »). Par la suite, Mycènes s'est
révélée n'être qu'un pôle de cette civilisation parmi d'autres, mais le terme
de « mycénien » est resté utilisé par convention.

Il faut attendre les recherches d'Arthur Evans, au début du XX siècle, pour que le
e

monde mycénien acquière une autonomie par rapport au monde minoen qui le
précède chronologiquement4. En fouillant à Cnossos (Crète), Evans découvre des
milliers de tablettes d'argile, cuites accidentellement dans l'incendie du palais,
vers 1440 av. J.-C. Il baptise cette écriture « linéaire B », car il l'estime plus avancée
que le linéaire A5. En 1952, le déchiffrement du linéaire B par Michael Ventris et John
Chadwick6, qui révèle une forme archaïque du grec, projette la civilisation
mycénienne de la Protohistoire à l'histoire, et l'insère à sa véritable place dans l'âge
du bronze du monde égéen.

Les tablettes en linéaire B restent toutefois une source documentaire réduite. En y


ajoutant les inscriptions sur les vases, elles ne représentent qu'un corpus de
5 000 textes, alors qu'on recense plusieurs centaines de milliers de
tablettes sumériennes et akkadiennes7. Par ailleurs, les textes sont courts et de
nature administrative : il s'agit d'inventaires et d'autres documents comptables, qui
n'étaient pas destinés à l'archivage. Ils présentent néanmoins l'avantage de montrer
une vision objective de leur monde, sans marque de propagande royale7.

Sur la base de ces tablettes, les historiens décrivent dans les années 1960 un
monde composé de petits royaumes, chacun doté d'une administration palatiale,
ayant vécu la chute de la civilisation minoenne et eux-mêmes disparus vers la fin
du XIII siècle av. J.-C.8. De nouvelles découvertes à partir des années
e

1980 — ensembles architecturaux, nouveaux lots de tablettes, nodules, cargaisons


d'épaves de navire — permettent de préciser et de nuancer ce tableau. Elles
stimulent également les études mycénologiques et l'intérêt du grand public : ainsi,
une grande exposition intitulée Le Monde mycénien (The Mycenaean World) se tient
à Athènes en 1988-1989 et se déplace ensuite dans plusieurs capitales
européennes9. Elle est suivie en 1990 de la célébration du centenaire de la mort
d'Heinrich Schliemann.

Évolution de la civilisation mycénienne[modifier | modifier le


code]
Les sources sur la civilisation mycénienne proviennent de sites répartis surtout
en Grèce continentale, mais aussi autour de la mer Égée et d'une bonne partie
du bassin méditerranéen. Cette civilisation s'est développée en plusieurs phases
depuis les environs de la seconde moitié du XVII siècle av. J.-C. et atteint son
e

apogée dès la fin du XIV siècle av. J.-C. avec la construction des grands centres
e

palatiaux (Pylos, Mycènes, Tirynthe, Midea, Gla et peut-être Thèbes). La chronologie


est devenue plus précise grâce à l'introduction de méthodes de datation absolue
comme le radiocarbone (carbone 14) et la dendrochronologie. En l'absence de
sources écrites plus détaillées, l'évolution de cette civilisation doit être abordée à
partir des seules données archéologiques, présentées ci-dessous avant l'étude des
aspects de la société mycénienne.

Chronologie[modifier | modifier le code]


Cercle A des tombes, à Mycènes
La chronologie fine de la civilisation mycénienne repose sur l'évolution stylistique de
la poterie, bien mise en évidence par Arne Furumark à partir des niveaux
stratigraphiques des sites fouillés10. Cette chronologie relative reste toujours valable11,
mais la datation de certains intervalles « flottants » donne lieu à des controverses
dans le monde scientifique, qui existent du reste pour toutes les aires géographiques
du Bronze récent (Proche-Orient, Égypte). Ceci vaut particulièrement pour le début
de la période mycénienne (Helladique récent I) où la rareté des associations d'objets
égéens et de produits du Proche-Orient empêche de restituer l'étendue
chronologique réelle de cette phase. Les progrès atteints dans la datation au
radiocarbone permettent cependant de fixer le début de la civilisation mycénienne
dans la deuxième moitié du XVII siècle av. J.-C.12.
e

La période mycénienne — période récente de l'âge du Bronze de la Grèce


continentale méridionale (Helladique) — s'étend sur plus de 500 ans. L'Helladique
commence vers 3000 av. J.-C. L'appellation Helladique récent (abrégé en HR) est
utilisée pour l'époque de la civilisation mycénienne ; elle est divisée en plusieurs
périodes successives dont la datation est approximative12 :

 1700/1675 - 1635/00 : Helladique Récent I, début du cercle des tombes à fosse B


de Mycènes ;
 1635/00 – 1480/70 : Helladique Récent IIA, cercle des tombes à fosse A
de Mycènes ;
 1480/70 – 1420/10 : Helladique Récent IIB ;
 1420/10 – 1390/70 : Helladique Récent IIIA1 : début de la période « palatiale »,
les traits caractéristiques de la civilisation mycénienne sont en place
(architecture, art, écriture, administration) ;
 1390/70 – 1330/15 : Helladique Récent IIIA2, c. 1370 palais de Cnossos détruit,
puis reconstruit, apogée de la construction des palais mycéniens ;
 1330/15 – 1200/1190 : Helladique Récent IIIB : c. 1200 destruction de la plupart
des palais mycéniens et de celui de Cnossos (?)13, fin de la période palatiale ;
 1200/1190 - 1075/50 : Helladique Récent IIIC : période « postpalatiale », les traits
culturels mycéniens disparaissent progressivement.
Les origines[modifier | modifier le code]
Le monde égéen de l'âge du Bronze est dominé par trois aires culturelles, occupant
sa partie méridionale :

 la culture cycladique, comme son nom l'indique localisée dans les Cyclades ;
 la culture minoenne, en Crète, où se développe la civilisation du même nom
depuis le début du IIe millénaire av. J.-C. ;
 la culture helladique, dans la partie sud de la Grèce continentale, dont la
civilisation mycénienne représente la phase récente.
L'aire helladique est moins développée (ou « complexe ») que les deux autres durant
l'âge du Bronze moyen (Helladique moyen, première moitié du IIe millénaire av. J.-
C.), surtout occupée par des villages qui pratiquent une agriculture qui a peu évolué
depuis le Néolithique, où la céréaliculture a néanmoins été complétée par la culture
de l'olivier et de la vigne, et la métallurgie s'est répandue. L'habitat fortifié apparaît,
avec Kolonna sur l'île d’Égine. La culture matérielle est homogène dans l'aire, même
si les traditions de poterie de qualité varient d'une région à l'autre. Les morts sont
plutôt enterrés dans les sites habités, ce qui pourrait renvoyer à une volonté de
conserver un lien proche entre vivants et morts, donc aux groupes de parenté. On
trouve aussi des tombes sous tumulus, mais il ne s'agit apparemment pas d'une
forme de sépulture des élites comme aux périodes suivantes puisque leur matériel
funéraire ne les distingue pas des autres types d'inhumation. La présence de
quelques tombes plus riches que d'autres et d'habitations plus vastes pourrait
indiquer la présence de chefs ou du moins de groupes dominants. Les produits et les
idées circulent entre les régions, et avec les îles égéennes, comme l'indiquent les
caractères minoens de certains types de céramiques élaborés
en Argolide et Laconie (Lerne, Ayios Stephanos). Les îles d'Égine et
de Cythère semblent jouer un rôle de relais14. En effet au même moment la
civilisation palatiale de la Crète minoenne prend son essor, durant la période « proto-
palatiale » (v. 2000/1900–1700/1650 av. J.-C.) puis la période « néo-palatiale » (v.
1700/1650–1450 av. J.-C.), sa culture connaît une expansion dans l’Égée et entre en
contact avec les civilisations du Proche-Orient et l’Égypte15. L'aire cycladique est
marquée par l'influence minoenne, comprend également des sites d'habitat
important, peut-être des sortes de « républiques marchandes », documentés
notamment par le site d'Akrotiri sur Thera (Santorin). Celui-ci est remarquablement
conservé car il a été enseveli lors de l'éruption du volcan de Santorin, un des
événements marquants de cette période, dont la datation est débattue : dans la
seconde moitié du XVII siècle av. J.-C. (autour de 1640-1620 ?), ou un siècle plus
e

tard (v. 1530-1500 ?)16. Son impact sur l'évolution des cultures égéennes est
également discuté, possible par endroits en Crète du nord mais en général peu
évident à déceler, en tout cas la civilisation minoenne continue de prospérer
après17,18.

Anneau en or gravé d'une représentation de


combat. Musée national archéologique d'Athènes.
L'Helladique récent, qui débute vers 1700/1650 av. J.-C., voit l'accélération du
développement démographique, économique, politique et culturel de la Grèce
méridionale et centrale continentale, en particulier dans plusieurs régions
du Péloponnèse, en Attique et en Béotie, qui amorce l'émergence de la civilisation
mycénienne19. Ce développement est sensible dès la fin de l'Helladique moyen et le
début de l'HR I, qui voit l'affirmation des sites principaux de la période mycénienne.
Les découvertes les plus remarquables concernant cette période restent les tombes
du cercle A et du cercle B de Mycènes, datées de la période qui va d'environ 1650 à
150020. L'architecture domestique et palatiale de cette période est en revanche très
peu représentée sur le continent car elle a été recouverte par celle des époques
suivantes, ce qui fait qu'on doit se contenter de l'architecture funéraire et surtout des
trouvailles artistiques effectuées dans les tombes dynastiques pour en déduire
l'apparition d'un pouvoir politique de plus en plus puissant au cours de cette phase,
une hiérarchisation sociale croissante, et également une croissance démographique.
On ne peut plus considérer comme on le faisait autrefois que ce développement est
impulsé par l'arrivée de chefs d'origine extérieure, car il semble manifeste que les
racines de l'HR I se trouvent dans les phases précédentes de l'histoire de la Grèce
continentale21.

L'ouverture vers l'extérieur joue un rôle décisif dans certaines évolutions locales.
C'est notamment la Crète qui exerce une influence forte dans le monde égéen,
comme on le voit dans le fait que les tombes des élites continentales de cette
époque sont bien pourvues en productions crétoises ou de style crétois, qui sont
utilisées comme objets de prestige au service des classes dirigeantes mais ne
témoignent pas d'une influence crétoise profonde22. Mais cette époque est par bien
des aspects une période de créations sur le plan artistique, même si plusieurs d'entre
elles n'ont pas de postérité aux périodes suivantes (masques d'or, bas-reliefs
sculptés), mêlées à des emprunts et des adaptations continentales de modèles
extérieurs23. Les modalités de l'essor de l'élite continentale du début de l'Helladique
récent, parfois caractérisée comme une « aristocratie », restent obscures : les
constructions de l'époque ont disparu lors de la construction des forteresses et palais
de l'époque mycénienne. Les tombes de Mycènes indiquent que les chefs mettent en
avant une iconographie qui lie leur pouvoir à la guerre et à la chasse, sont organisés
autour de groupes familiaux, associant femmes et enfants24[à vérifier] . Il est impossible
de déterminer comment et pourquoi ce groupe émerge en l'absence de
documentation sur ces époques dans les zones d'habitat. Il n'y a pas encore
d'utilisation de l'écriture sur le continent, l'administration semble peu développée, ce
qui explique pourquoi les spécialistes préfèrent évoquer pour cette époque des
« principautés » plutôt que des « royaumes »25.

La période suivante, l'HR IIB (v. 1500-1400 av. J.-C.), voit ces tendances se
poursuivre, mais des changements se profilent, qui annoncent la période
mycénienne à proprement parler. Elle est encore mal connue26. Des tombes
à tholos de chefs sont connues pour cette époque, et elles témoignent d'un passage
de tombes collectives à des tombes individuelles, toutes pillées dans l'Antiquité, à
Mycènes, à Routsi en Messénie et à Vaphéio en Laconie. Le seul édifice qui pourrait
être qualifié par sa taille comme un palais fouillé qui soit daté de la période est celui
du Ménélaion à Sparte. Celui de Tyrinthe a livré quelques traces de cette période
indiquant qu'il existe déjà, les autres palais mycéniens postérieurs non27. Les
prospections et la localisation des tombes à tholos indiquent en tout cas l'émergence
de centres politiques en plusieurs endroits, peut-être déjà des centres palatiaux,
mais sans centralisation systématique : en Laconie le Ménélaion coexiste avec
Vaphéio déjà évoqué, aussi Ayios Stephanos et Pellana, donc le pouvoir y est
fragmenté ; en Messénie en revanche Pylos devient le seul centre ; en Argolide on
suppose l'émergence des centres palatiaux de Mycènes, Tyrinthe et Midea. Malgré
la diversité des configurations locales, la stratification sociale et politique semble
donc s'accentuer sur le continent28.
Les débuts de la Crète mycénienne[modifier | modifier le code]

Les principaux sites de Crète occupés


durant la période Minoen Récent III.
Une série de destructions violentes vers 1450 av. J.-C. (dans la terminologie locale la
transition entre le Minoen récent II et IIIA1) mettent fin en Crète à la phase néo-
palatiale, qui a vu l'apogée de la civilisation minoenne et de son expansion dans
l'Égée. Les grands palais de Phaistos, Malia et Zakros sont abandonnés après cela,
seul celui de Cnossos étant réoccupé, sans réaménagement important. La phase qui
s'ouvre voit une croissance de l'influence mycénienne dans la culture matérielle
locale, et il est généralement considéré que les destructions sont liées à une
conquête de l'île par des « Mycéniens » venus depuis le continent, qui domineraient
ensuite la majeure partie si ce n'est la totalité de l'île depuis le palais de Cnossos
qu'ils réoccupent, puisqu'il n'y a plus de centre équivalent29. Des tombes de guerriers
apparaissent sur l'île, notamment dans les alentours de Cnossos, avec des aspects
continentaux clairs qui pointent là encore vers la venue de guerriers continentaux,
peut-être d'abord comme mercenaires au service des Crétois, puis comme maîtres
de l'île. Du début de la période datent les plus anciennes archives en linéaire
B connues, mais comme le système apparaît déjà pleinement fonctionnel il est
plausible qu'il soit plus ancien. Elles concernent en partie des distributions d'armes et
de chevaux, tonalité militaire qui ne semble pas anodine. Elles sont rédigées en grec
et comprennent des noms de personnes grecques, ce qui est généralement associé
à l'influence mycénienne puisqu'il est généralement considéré que les Minoens
n'étaient pas des locuteurs de langue grecque. Les autres sites occupés durant la
période qui s'ouvre sont La Canée (Kydonia) à l'est, Haghia Triada au sud dans
la plaine de la Messara, Malia à l'est en dehors du palais30.

Le palais de Cnossos est ensuite détruit vers 1370 av. J.-C. (début du MR IIIA2)31,
mais il continue de fonctionner un laps de temps indéterminé, avant d'être
abandonné, peut-être rapidement après sa destruction précédente32, ou bien plus
tard, vers 1300 (la fin du MR IIIA2)33. Le principal lot de tablettes du palais de
Cnossos est datable d'une de ces deux destructions, mais on ne sait laquelle, en
admettant d'ailleurs que ces textes datent tous du même moment34.

L'âge des palais mycéniens : XIV – XIII siècle av. J.-C.


e e

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Emplacement des principaux sites

mycéniens en Grèce continentale. Galerie voûtée des


fortifications de Tyrinthe, HR III.
Les périodes archéologiques Helladique Récent III A et B, couvrant les XIV – e

XIII siècle av. J.-C., sont considérés la période « palatiale » mycénienne35, ou du


e

moins l'apogée des palais mycéniens36, voire la civilisation mycénienne à proprement


parler37.

Le début du XIV siècle voit la réunion des « marqueurs » de la civilisation


e

mycénienne, identifiables sur ses principaux sites (Mycènes, Tyrinthe, Pylos,


Thèbes) : les citadelles, les palais royaux, deux types de tombes dominants — les
tombes à tholos et les tombes à chambre — qui prennent tous des aspects de plus
en plus monumentaux, et enfin l'utilisation croissante de l'écriture linéaire B, qui est
documentée sur le continent à partir de cette période38. Les palais continentaux sont
désormais gérés par une administration à la minoenne, peut-être à l'issue d'un
transfert consécutif à la destruction de Cnossos. Plus largement l'aire mycénienne
s'étend géographiquement, en direction du nord (jusqu'au mont Olympe et le site
de Spáthes), de l'est (vers l'Épire) et de l'est (dans le Dodécanèse), en plus de la
Crète, et l'influence mycénienne devient dominante dans le monde égéen dans le
courant du XIV siècle av. J.-C., ses contacts s'étendant vers la Macédoine, l'Asie
e

mineure, aussi à l'ouest jusqu'en Sardaigne35. Les sources hittites évoquent pour la
première fois l’Ahhiya, pays que l'on identifie couramment aux Mycéniens (Achéens)
au début du XIV siècle av. J.-C.36.
e

Le XIII siècle (HR IIIB) est la période la mieux documentée, tant sur le plan
e

architectural qu'épigraphique (la plupart des sources écrites datent de la dernière


période des palais puisqu'elles sont figées par leur destruction, donc v. 1200-
1180 av. J.-C.39). Elle voit cette croissance se poursuivre40. Les complexes palatiaux
de Mycènes, Tyrinthe, Pylos et Thèbes atteignent alors leur apogée, de même que
l'architecture défensive, sur les sites de Mycènes ou de Gla, et les tombes
à tholoi royales de Mycènes ou Orchomène, et les évolutions se repèrent sur les
quelques sites secondaires fouillés (Ayios Stephanos, Nichouria, Tsoungiza, Asinè,
etc.). Le nombre de sites habités augmente. Les programmes de construction sont
donc très dynamiques, et ils concernent sans doute aussi les infrastructures de
communication. Les tablettes en linéaire B permettent de saisir le fonctionnement
des systèmes palatiaux de Grèce continentale (surtout Pylos) et de ceux de la Crète.
Elles attestent l'existence d'un encadrement qui organise divers types d'activités
économiques. Les sources plaident en faveur de la coexistence de plusieurs
royaumes, dirigés depuis les principaux palais par une élite à la tête de laquelle se
trouve un monarque, le wanax, disposant d'une administration et de travailleurs
spécialisés. En revanche il semble que la construction de tombes à tholos ne suive
pas la tendance générale, peut-être en raison d'un contrôle mis en place par le
pouvoir central41.

La civilisation mycénienne est alors relativement homogène sur le continent dans les
régions dominées par les palais, et on a pu parler d'une koinè. Mais les éléments de
diversité sont toujours importants et que[à vérifier]et que certaines régions voisines des
grands centres ignorent le système palatial, notamment dans
le Péloponnèse l'Achaïe, l'Arcadie, l'Élide, et au nord la Phocide, la Thessalie, et la
Grèce septentrionale présentent un profil culturel différent de celui des régions
mycéniennes42,43.

Qui étaient les Mycéniens ?[modifier | modifier le code]

Fresque du XIII siècle à Mycènes, participante à une


e

procession religieuse, Musée national archéologique d'Athènes


Les « Mycéniens », entendus comme les porteurs de la civilisation mycénienne, sont
avant tout identifiés par leur culture matérielle, caractérisée par les différents traits
que l'on retrouve en Grèce continentale à cette période, notamment la poterie et
l'artisanat, l'architecture, les pratiques funéraires. Depuis la traduction des tablettes
en linéaire B, on sait que ces gens parlaient une forme archaïque de forme
archaïque de grec. Aucune source écrite provenant d'un site mycénien ne nous a
indiqué comment ce peuple se nommait lui-même (son autoethnonyme). À la lecture
de l’Iliade, où les Grecs sont souvent appelés « Achéens », et en prenant en compte
la mention d'Ahhiyawa vers la région égéenne dans les sources hittites du Bronze
Récent, on a voulu voir dans les Mycéniens des Achéens. Mais le second argument
est loin d'être admis de tous, alors que pour le premier, on remarque que le terme
« Achéen » peut avoir plusieurs significations dans les textes d'Homère. De ce fait la
question souvent posée de savoir si on serait bien en présence d'« Achéens » sur
une grande partie de la Grèce continentale méridionale, avant l'arrivée de
« Doriens » au Ier millénaire comme le prétendent les historiens grecs antiques
ultérieurs reste l'objet de débats44.

L'analyse linguistique des textes en linéaire B rattache la langue mycénienne à des


dialectes grecs des époques ultérieures, ceux du groupe oriental, comprenant
l'ionien-attique et l'arcadochypriote du millénaire suivant. Elle est plus proche du
second que du premier, mais cela ne veut pas dire qu'elle en soit l'ancêtre puisque
plusieurs éléments l'en distinguent qui ne s'expliquent pas forcément par des
évolutions dans le temps. Cela indique en tout cas que la scission entre groupes
linguistiques grecs occidental (celui des langues doriennes) et oriental a déjà eu lieu
à cette période, donc que le monde grec est déjà traversé par différents dialectes,
même si on ne sait pas où se localisent les locuteurs de ceux-ci. En tout cas les
tentatives d'identifier des variantes dialectales dans les textes en linéaire B n'ont pas
donné de résultats convaincants, ce qui s'expliquerait par le fait que l'écriture est
uniformisée, ne cherche pas à rendre la langue parlée et tend donc à gommer les
variantes vernaculaires45.

Fresque d'une femme mycénienne, vers 1300 av.


Du reste, tout en ayant une culture matérielle uniforme, rien n'indique que les
langues et ethnies l'aient été, des porteurs de la culture matérielle mycénienne ayant
pu parler d'autres langues que le grec. C'est le cas des langues dites « égéennes »
ou « pré-grecques », implantées dans la région avant l'arrivée des locuteurs de
langues « proto-grecques ». La date d'arrivée de ces derniers est du reste débattue :
les propositions actuelles privilégient plutôt le début du Bronze moyen (v. 2300-2100
av. J.-C.), mais certains remontent jusqu'au début du Bronze ancien (v. 3200 av. J.-
C.), voire celui du Néolithique (v. 6500 av. J.-C.) ; en tout cas il n'est plus proposé
que le développement de la civilisation mycénienne coïncide avec leur arrivée,
comme cela a pu être le cas par le passé46. Il est difficile d'évaluer l'évolution des
rapports de la langue grecque avec ces langues qui nous sont inconnues et qu'elle
côtoyait alors, et auxquelles elle a manifestement beaucoup emprunté47. En effet, le
lexique grec repose certes avant tout sur une base indo-européenne, mais il en
comprend d'autres qui sont attribuables à ce fond antérieur, parce qu'ils ne
s'expliquent pas par une origine grecque. On ne sait pas comment les caractériser,
certains les attribuant à des langues inconnues, mais peut-être déjà indo-
européennes (notamment celle d'un peuple que l'on nomme parfois « Pélasges »),
ou encore à des langues anatoliennes, notamment le louvite parlé en Asie Mineure
orientale à l'époque mycénienne48. En tout cas comme vu plus haut on sait par les
textes hittites que les Mycéniens ont eu des contacts poussés avec cette région
(notamment le pays d'Arzawa), et les textes de Pylos pourraient indiquer la présence
de gens venus d'Asie Mineure 49. La question de la langue des « Minoens » (donc
celle des textes en linéaire A et hiéroglyphes crétois) se pose également, puisqu'il
est admis qu'il ne s'agit pas de grec48. Les textes en linéaire B venant de Cnossos
donnent des noms de personnes grecs, mais d'autres qui ne le sont pas, qui relèvent
donc probablement du fond minoen50.

Les études génétiques éclairent ces questions, notamment sur les origines des
populations du monde égéen de l'âge du Bronze. Elles montrent ainsi que les
Mycéniens étaient génétiquement proches des Minoens. Ces populations sont issues
d'un mélange génétique entre des agriculteurs néolithiques d'Anatolie occidentale
pour les trois quarts de leur ascendance et d'une population issue de l'Est (Iran ou
Caucase). Les Mycéniens se différencient par une composante en plus issue du
Nord liée aux chasseurs-cueilleurs d'Europe de l'Est et de la Sibérie introduite via
une source liée aux habitants de la steppe eurasienne51,52,53. Les résultats de cette
étude montrent également qu'il n'y a pas d'éléments génétiques d'origine égyptienne
ou levantine chez les Mycéniens51.

Expansion et présence mycénienne dans le monde


égéen[modifier | modifier le code]

Les sites archéologiques principaux autour de la mer


Égée à la période mycénienne.
Dans les îles égéennes, Crète comprise, les particularismes hérités des cultures
cycladique et minoenne s'estompent, signe que ces régions ont perdu leur rôle
moteur et sont devenues des aires sous influence culturelle mycénienne. Il est
difficile de déterminer si cela s'accompagne de mouvements de populations depuis le
continent54. La présence mycénienne sur les sites de cet espace succède souvent à
celle des Minoens, qui décline après les destructions des alentours 1450 av. J.-C.,
visibles sur les sites palatiaux crétois. L'expansion mycénienne se fait principalement
en direction de la partie sud du monde égéen : la Crète, mais aussi des Cyclades,
le Dodécanèse et le littoral de l'Asie mineure ; le sud des Balkans a eu des contacts
limités avec le monde mycénien55. C'est essentiellement par la diffusion de la
céramique mycénienne que l'on peut supposer cela56, mais aussi par des objets en
ivoire de type mycénien57, même s'il est souvent complexe de distinguer les
exportations et les inspirations. De plus, il est difficile de savoir si une céramique
mycénienne retrouvée hors de la Grèce continentale a été exportée pour sa fonction
de contenant, ou bien pour elle-même58. La nature et les causes de cette expansion
sont débattues. Des aspects politiques ont pu être invoqués en plusieurs endroits,
notamment en Crète et dans les Cyclades, mais au minimum des motifs
commerciaux paraissent incontestables, même s'il est compliqué de déterminer
quels produits étaient réellement échangés59.

On a cependant pu considérer, dans le cas de la Crète, que l'île exerce encore une
influence notable dans la culture matérielle des régions voisines du monde égéen,
dont la Grèce continentale avec qui les échanges commerciaux sont de plus en plus
forts60 comme le montre par exemple le site portuaire de Pavlopetri, dans le
Péloponnèse61. Elle est alors incontestablement une composante du monde
mycénien, on y trouve une administration de type similaire à celle des royaumes
continentaux, même si on ne peut pas dire avec certitude si elle est dominée par des
gens venus de continent cela reste la solution la plus envisagée, et il faut au moins
admettre la présence de Mycéniens sur place62. La culture matérielle y subit
cependant peu d'influence continentale et les spécificités locales continuent63. On
constate une période de prospérité économique, et la présence d'un réseau de
centres administratifs dense. Il y a alors un affaiblissement de l'influence de Cnossos
face à l'émergence de nouveaux centres comme La Canée64, qui devient le centre
artisanal le plus important de l'île, dont les productions céramiques se retrouvent
dans les Cyclades, sur le continent, en Sardaigne et à Chypre65.

Dans l'aire cycladique, où le centre majeur de Thera (Santorin, avec Akrotiri) avait
disparu après l'éruption volcanique de Santorin, l'influence minoenne a reculé dès
le XV siècle av. J.-C. et celle de l'aire mycénienne se décèle dès ce moment par la
e

présence importante de poteries continentales. Le site de Phylakopi, sur Milos, subit


une destruction à laquelle succède la construction d'un palais de type mycénien :
comme à Cnossos, cela indiquerait la prise de contrôle par des guerriers
continentaux. Il devient alors le principal site de l'aire cycladique, mais c'est le seul
palais qui y soit connu. Dans les autres îles la « mycénéisation » culturelle se voit
clairement, par la présence de céramiques importées du continent, mais la présence
de Mycéniens ne se repère pas avec certitude. Haghia Irini sur Kéa est un autre site
important de la période. Les importations mycéniennes déclinent dès le HR IIIB, vers
le milieu du XIII siècle av. J.-C., pour être remplacées par une production locale,
e

quoique la culture matérielle reste de type mycénien66.

Le Dodécanèse connaît également une forte influence mycénienne par endroits67.


Deux nécropoles de l'île de Rhodes, Ialysos et Pylona, ont livré pour l'HR III A un
important matériel céramique continental ainsi que des tombes à chambre, ce qui
pourrait indiquer la présence d’une communauté mycénienne sur place, au moins
dans un but commercial. À l'HR III B, la présence mycénienne est là aussi
déclinante.

Fouilles dans les ruines minoennes récentes de La Canée.

Statuette de style crétois retrouvée à Sparte, v. 1400. Staatliche Antikensammlungen de Munich.


Alabastre en terre cuite retrouvé à Rhodes, HR III A2 (c. 1350). Musée du Louvre.

Jarre piriforme découverte à Milos (Grèce), HR IIIb (c.1350-1200). Musée du Louvre.


Sur le continent asiatique à proximité de ces îles, la présence mycénienne est moins
forte, par exemple dans les nécropoles de Carie (Kos et Müsgebi). Plus au nord, on
arrive vers les régions connues par les textes provenant du royaume hittite, qui
domine l'Anatolie à cette période depuis sa partie centrale. Le royaume le plus
puissant de l'Asie mineure est l'Arzawa, dont la capitale Apasa est peut-être Éphèse,
et qui finit par être soumis et divisé par les Hittites. Les textes provenant de ces
derniers parlent également d'un royaume d'Ahhiyawa, qui pourrait bien être celui
d'Achéens, donc de Mycéniens68. Ce royaume est documenté par quelques tablettes
relatives à des évènements politiques dans l'Ouest anatolien, là où l'influence du roi
des Ahhiyawa rencontre celle du royaume hittite. Au début du XIII siècle av. J.-C.,
e

son roi est considéré comme un « Grand roi » par son homologue hittite, c'est-à-dire
son égal, au même titre que les rois d'Égypte et de Babylone, qui avaient tous
plusieurs États vassaux mais aucun suzerain. L'influence du roi des Ahhiyawa dans
la région orientale de l'empire hittite ne dure cependant pas longtemps, et il disparaît
finalement des textes. Son territoire dominait au moins une partie de l'Asie mineure,
car il a à un moment donné un gouverneur dans la cité de Millawanda,
probablement Milet. Sur ce dernier site, détruit par les Hittites vers la fin de l'HR III A,
l’influence mycénienne paraît forte, mais côtoie celle des peuples anatoliens. On
débat sur la localisation du centre du royaume Ahhiyawa : beaucoup veulent le situer
à Mycènes ou du moins en Grèce continentale, faisant alors correspondre son
extension à celle de la civilisation mycénienne, alors que certains proposent de le
situer plutôt en Asie mineure littorale ou bien sur une île comme Rhodes, car ce sont
les seules régions qu'on le voit dominer clairement dans les sources écrites69.

Plus au nord, le site archéologique de Troie (Hissarlik) pose de nombreuses


questions en lien avec l'épopée homérique. Des générations d'archéologues ont
cherché à savoir quel était le niveau de la ville qui aurait été détruit par les assaillants
mycéniens lors d'un conflit réel qui aurait inspiré les récits sur la guerre
des Achéens menés par le Mycénien Agamemnon contre les Troyens dans l’Iliade et
le cycle de légendes sur la Guerre de Troie70. Deux candidats sont en lice : le niveau
VIh et son successeur le niveau VIIa, qui finissent tous les deux par des destructions
dont la nature exacte est à préciser (conquête violente ou tremblement de terre ?).
Mais il faut encore démontrer que l'histoire d'Homère fait bien référence à un
évènement réel, alors que la présence mycénienne sur le site reste faible.

La place du monde mycénien dans le monde


méditerranéen[modifier | modifier le code]

La Méditerranée orientale et
le Moyen-Orient au XIII siècle av. J.-C.
e

À une échelle plus petite, on dispose de traces indiquant des contacts entre les
Mycéniens et divers points du bassin méditerranéen au-delà de l'Égée. Ces traces
sont, encore plus que pour les régions des rives de l'Égée, essentiellement des
céramiques56. On en retrouve en effet dans des régions parfois très éloignées du
monde égéen : vers l'ouest, en Sardaigne, dans la vallée du Pô, dans la Péninsule
Ibérique, au nord en Macédoine ou en Thrace, et vers l'est et le sud-est à Chypre et
jusqu'aux rives de l'Euphrate ou encore dans la basse vallée du Nil71. En réalité, c'est
en direction de Chypre et du Levant que les traces sont les plus significatives, et
peuvent laisser supposer l'existence d'échanges plus importants et réguliers. Cela
pourrait être confirmé par l'épave retrouvée à Uluburun au sud de Kaş en Turquie,
datée de la fin du XIV siècle, transportant surtout du cuivre de Chypre, mais aussi
e

quelques vases mycéniens à côté d'autres objets d'Égypte, de Syrie ou du Taurus,


indiquant que le monde mycénien était bien intégré à des réseaux d'échanges
impliquant le bassin méditerranéen oriental72. Mais aucune trace écrite de relations
commerciales entre les ports du Levant (comme Ougarit) et les Mycéniens
n'apparaît. Les échanges maritimes de cette période se faisant essentiellement par
cabotage et par étapes, il n'y avait pas forcément de liaisons directes
importantes. Chypre (notamment l'antique royaume d'Alashiya qui en occupe au
moins une partie), où la présence mycénienne est plus forte, pourrait avoir joué le
rôle d'intermédiaire entre les Mycéniens d'un côté et le Levant et l'Égypte de l'autre 73.
Du reste, cette île était importante pour le monde mycénien en tant que fournisseur
de cuivre. À la fin du XIII siècle, Chypre voit finalement l'installation de migrants du
e

monde mycénien, dans le contexte des mouvements de population qui touchent la


Méditerranée orientale à la fin du Bronze récent.
Un lingot de cuivre chypriote retrouvé
à Zakros en Crète, forme sous laquelle ce métal était généralement échangé au
Bronze récent.
De nombreuses études ont porté sur la documentation concernant les relations entre
le monde égéen mycénien et les régions situées à son orient, qui sont si bien
connues par ailleurs, mais il faut admettre que les conclusions les plus audacieuses,
parlant de relations diplomatiques parfois, sont très spéculatives et que nos
certitudes sont bien minces74. Les nombreux textes provenant des régions situées à
l'est du monde égéen ont beau documenter les relations diplomatiques et
commerciales dans cet espace, il y a assez peu de textes rattachables à des affaires
qui impliqueraient le monde mycénien. Le dossier le plus consistant est celui
des Ahhiyawa dans les sources hittites déjà évoquées pour le cercle proche de
l'expansion mycénienne. Ailleurs et plus loin, on n'en parle pas, hormis dans des
sources égyptiennes, dans lesquelles le monde mycénien apparaît peut-être, dans
de rares écrits sous l'appellation tanaju (hiéroglyphes égyptiens tj-n3-jj-w, terme lié
aux Danéens de Homère ?), dont Thoutmosis III reçoit des messagers porteurs de
présents75. En Grèce même, la trouvaille de sceaux-cylindres chypriotes et syro-
mésopotamiens dans le palais de Thèbes n'est pas suffisante pour évoquer des
échanges diplomatiques76. De ce fait, il est plus raisonnable de considérer que les
Mycéniens sont au mieux marginaux dans le système diplomatique de l'époque, qui
est pourtant étendu ; ou bien ils en sont totalement absents.

En conclusion, l'ouverture sur l'extérieur du monde mycénien a été décisive dans sa


construction, sa complexification77. Mais les échanges culturels entre la Grèce
mycénienne et ces régions extérieures restent faibles et n'entament pas son
originalité. Le commerce semblant un peu plus important, encore qu'on ne puisse en
mesurer l'intensité réelle, ses modalités ou ses motivations. Le monde mycénien ne
semble pas un partenaire notable pour les royaumes orientaux, pas plus que les
importations de ces derniers ne semblent déterminantes pour lui. Pour la
Méditerranée occidentale, les Mycéniens ne sont pas des « passeurs » de la culture
du monde oriental, qui exerce un certain attrait sur plusieurs sites de cet espace,
même s'ils participent à cette influence venue de l'est78.

Architecture des sites de la Grèce


mycénienne[modifier | modifier le code]
Maquette représentant les ruines de l'acropole de
Mycènes.
La civilisation mycénienne est en premier lieu caractérisée par les découvertes
architecturales effectuées sur les sites majeurs localisés en Grèce continentale,
avant tout Mycènes, Tyrinthe et Pylos, sur lesquels ont été mis au jour les palais les
plus vastes. Les autres marqueurs de l'architecture mycénienne sont les forteresses,
ainsi que les tombes à tholos et à chambres. Les lieux fouillés sont ceux qui
témoignent du mode de vie et des habitudes des élites de la société mycénienne, les
couches sociales inférieures n'étant pas représentées dans les habitats ni dans la
plupart des nécropoles mis au jour. Ces différents éléments illustrent bien l'originalité
de la civilisation mycénienne et son ancrage dans les traditions plus anciennes de la
Grèce continentale.

Forteresses[modifier | modifier le code]

Ruines des fortifications de Gla, suivant les courbes

du relief du site. « Porte des Lionnes » de Mycènes.


Article détaillé : Fortifications de Mycènes.
Les principaux sites mycéniens sont fortifiés, prenant appui sur des éminences
rocheuses. Ils peuvent être situés sur des acropoles dominant des plaines,
comme Athènes, Gla ou Tirynthe, adossés à une grande colline comme Mycènes, ou
sur le front de mer, comme Asinè79. Certaines enceintes comme celle de Gla
enserrent un espace qui n'est pas totalement bâti, ce qui semble indiquer qu'elles
étaient prévues pour servir de refuge aux populations des alentours. Dans les sites
majeurs de Tyrinthe et Mycènes, où ont été retrouvées les plus importantes
fortifications, ce sont les édifices palatiaux, leurs dépendances et quelques
résidences qui sont défendus. À côté de ces citadelles, on a aussi trouvé des
forteresses isolées, servant sans doute au contrôle militaire de territoires.

Les murailles les plus anciennes de Mycènes et Tyrinthe sont bâties dans un
appareil dit « cyclopéen », parce que les Grecs des périodes suivantes attribuaient
leur construction aux Cyclopes. Elles sont constituées de grands blocs de calcaire
pouvant avoir jusqu'à huit mètres d'épaisseur, non dégrossis, empilés les uns sur les
autres sans argile pour les souder. Les murs de Mycènes ont une épaisseur
moyenne de 4,50 mètres, et leur hauteur pourrait avoir atteint 15 mètres même si on
ne peut avoir de certitude80. Plus tardivement, on élabore des murailles avec des
blocs dégrossis, pour les encastrer en comblant les espaces vides par de petites
pierres. Sur les autres forteresses, les blocs de pierres utilisés sont moins massifs81.

Différents types d'ouvertures peuvent être employés pour traverser ces murailles :
porte monumentale, rampe d'accès, portes dérobées ou galeries voûtées pour sortir
en cas de siège82. Le palais de Tyrinthe dans son dernier état a également vu la
construction de passages voûtés (en encorbellement) sous son enceinte, dont la
fonction est énigmatique83. L'entrée principale du complexe fortifié de Mycènes, la
« Porte des Lionnes », nous est parvenue dans un bon état de conservation. Elle est
faite de blocs bien taillés. Son linteau est surmonté par un relief calcaire masquant le
triangle de décharge. Les deux animaux représentés, probablement des lions mais
dont la tête manque (tout comme l'ornement du relief), se font face autour d'une
colonne.

Palais[modifier | modifier le code]

Les ruines du mégaron du palais de Mycènes.


Les palais mycéniens ont pour exemples ceux fouillés à Mycènes, Tirynthe ou Pylos,
qui sont en fait les seuls édifices dégagés qui sont incontestablement de type
palatial, même s'il est probable que le « Kadmeion » de Thèbes en soit également
un, bien que son plan soit différent84. La forteresse qui protégeait l'Acropole
d'Athènes à l'époque mycénienne a pu renfermer un autre palais, mais comme les
niveaux archéologiques de cette période ne peuvent pas être atteints par les fouilles,
cela ne peut être vérifié85. Ces palais sont les centres de l'administration des États
mycéniens, comme l'ont montré les archives qu'ils ont fournies. Du point de vue
architectural, ils sont les héritiers des palais minoens, mais aussi d'autres grandes
résidences bâties en Grèce continentale à l'Helladique Moyen86. Le développement
des palais mycéniens est décelable à l'HR III A à Tyrinthe, et sur d'autres sites où on
trouve des édifices préfigurant les grands palais de la période suivante, les niveaux
de cette période n'ayant pas été identifiés dans les palais de Pylos et Mycènes. C'est
durant l'HR III B que l'architecture palatiale atteint son apogée dans les trois palais
principaux du Péloponnèse.

Les grands palais87 sont organisés autour d'un ensemble de cours ouvrant sur
plusieurs salles de différentes dimensions, dont des magasins, et des ateliers, en
plus des zones de réception et de résidence, et peut-être des lieux de culte. Un trait
essentiel de ces édifices est le ou les mégaron(s) : c'est un ensemble constitué d'un
porche ouvert sur une entrée monumentale, d'un vestibule et surtout d'une grande
salle à foyer central entouré de quatre piliers, à proximité duquel se trouve un trône 80.
On en trouve dans d'autres constructions monumentales mycéniennes. Des trois
édifices incontestablement palatiaux de la période HR III B qui ont été dégagés, celui
de Pylos est le mieux conservé88. Il est organisé autour d'un bâtiment principal de 50
sur 32 mètres environ, dominé par un vaste mégaron de près de 145 m2. On entrait
dans cet édifice par son côté sud-est, une porte donnant sur la cour principale qui
ouvrait sur toutes les autres parties du bâtiment, notamment des espaces de
stockage, des salles de garde, et peut-être des salles ayant servi à des cérémonies
religieuses. Plusieurs escaliers indiquent que l'édifice avait un étage. Le bâtiment
principal était entouré de trois autres unités. L'édifice sud-ouest, le plus vaste après
lui, dont le plan reste mal connu, est peut-être le plus ancien. Au nord du complexe,
un espace de stockage contenait de nombreuses jarres à vin, et un dernier bâtiment
au nord-est est constitué de plusieurs salles dont certaines ont pu servir d'ateliers, ou
d'espaces cultuels. Les palais de Tyrinthe et de Mycènes, dont l'état de conservation
est moins bon, sont solidaires de la citadelle dans laquelle ils prennent place, et la
circulation y est sans doute plus complexe.

À un niveau inférieur, on trouve des édifices ressemblant aux palais mais qui ne sont
pas forcément à considérer comme tels, car sans sources administratives témoignant
de la présence d'une institution palatiale ou bien en raison de l'absence d'un corps
central semblable à celui des grands palais. Ce sont par exemple les bâtiments
principaux de Gla, d'Orchomène ou de Sparte, auxquels on pourrait ajouter l'édifice
avec mégaron de Phylakopi. P. Darcque a qualifié ce type de bâtiment d'« édifices
intermédiaires » entre palais et maisons, en y ajoutant des grandes constructions
des sites de Mycènes (« Maison du marchand d'huile », « Maison des sphinx »,
« Maison des boucliers ») et de Tyrinthe qui sont liées aux grands palais89. Leur
fonction reste à déterminer : résidences de potentats locaux quand elles sont isolées
(donc palais en miniature), ou bien résidences d'aristocrates, ou encore
dépendances du palais quand elles sont sur des sites palatiaux ? Ce sont des
résidences de plus grande taille que l'habitat courant, couvrant de 300 à 925 m2, dont
l'aspect monumental, les techniques de construction et l'organisation interne
rappellent les trois grands palais. Elles servent manifestement pour des fonctions
plus complexes que les résidences plus petites, sans être des édifices de la taille des
trois grands palais.

La technique de construction des palais et édifices apparentés présente de


nombreux points communs d'un site à l'autre90. Les palais principaux se distinguaient
par la présence de murs en blocs de calcaire taillés, mais partout on trouve
généralement des murs utilisant des grosses pierres servant de parement couvrant
des moellons. Les murs des grands palais étaient peints, de même que certains sols.
Les portes extérieures et intérieures étaient également très travaillées.
Urbanisme et résidences[modifier | modifier le code]

Ruines d'une résidence de la citadelle de Mycènes.


Les sites mycéniens comportent différents types de résidences, dont la nature exacte
est parfois difficile à déterminer91. D'une manière générale, la fonction de
constructions ou de pièces des résidences est difficile à déterminer, même dans le
cas de trouvailles de nombreux artefacts pouvant indiquer la présence d'un atelier.
La hiérarchie entre les édifices est souvent incertaine. Les exemples d'urbanisme
analysables sont rares faute de plus de fouilles de quartiers habités : on en trouve
uniquement dans le quartier sud-ouest de la citadelle de Mycènes, où les édifices
sont séparés par des escaliers souvent longés par des caniveaux, du fait du relief
accidenté, et dans la partie basse de celle de Tyrinthe.

Les maisons sont construites dans un calcaire extrait localement. Elles sont en
majorité de forme quadrangulaire, mais on connaît des cas de bâtiments de formes
curvilignes (ovales, absidales) sur des sites isolés92. Les plus petites maisons ont une
seule pièce, et mesurent en général entre 5 et 20 mètres de côté, ne dépassant pas
la soixantaine de mètres carrés. C'est là que résident les couches sociales les plus
basses. D'autres maisons plus vastes comportent plusieurs pièces, disposées de
façon plus ou moins complexe, les plus basiques ayant une organisation linéaire,
parfois une organisation autour de pièces parallèles, alors que certaines ont une
structure plus complexe et disposent parfois d'un couloir principal, voire d'une
terrasse à l'étage. Ces résidences à organisation plus complexes sont plus grandes,
occupant une surface au sol de plus de 100 m2, et servent sans doute pour les
couches sociales plus élevées. Les maisons mycéniennes sont dans la continuité
des traditions architecturales des périodes précédentes, et peu d'innovations sont
attestées dans les techniques, le changement principal étant l'apparition de
constructions plus vastes.

Les fonctions des pièces sont difficiles à déterminer, car le mobilier manque
souvent93. Les pièces principales de ces résidences ont généralement un foyer, dans
certains cas plusieurs, mais parfois aucun. Une différenciation fonctionnelle de
l'espace dans ces plus petites maisons est souvent impossible à déterminer, les
maisons à pièce unique étant plurifonctionnelles comme sans doute de nombreuses
pièces des maisons plus complexes. En fait, seuls les édifices palatiaux ou liés aux
palais ont montré des pièces spécialisées dans certaines fonctions, surtout celles
d'engranger et d'archiver.

Architecture funéraire[modifier | modifier le code]


Le mode d'enterrement le plus courant durant l'Helladique Récent est l'inhumation.
On enterre les morts sous le sol même des maisons, ou bien à l'extérieur des zones
résidentielles, dans des cimetières. Les tombes individuelles sont en forme de ciste,
avec un parement de pierres. Un mobilier funéraire apparaît à l'HR I, alors qu'il était
absent aux périodes précédentes. Mais les formes les plus spectaculaires de
l'architecture funéraire des sites mycéniens sont les tombes monumentales, en
majorité collectives, qui s'affirment à la période de transition entre l'Helladique moyen
et l'Helladique récent, qui voit l'expansion des deux modèles les plus courants à
l'époque mycénienne : les tombes à tholos et les tombes à chambre. Pourtant, les
plus anciennes tombes appartenant à un ensemble monumental attribuable à une
dynastie régnante sont d'un autre type : il s'agit des cercles de tombes à fosse de
Mycènes, le « cercle A » et le « cercle B », datés de l'HR I (vers 1550-1500), le
second étant le plus ancien94. C'est dans le cercle A que Schliemann a découvert le
riche mobilier funéraire qui a participé à la légende de ses découvertes. Le cercle B a
été mis au jour dans les années 1950.

Les tombes à tholos (θόλος / thólos) sont le type le plus spectaculaire à la période
mycénienne, qui trouve son origine dès l'Helladique moyen. Les plus vastes sont
considérées comme des tombes royales ou princières95. Elles sont constituées d'une
entrée (stomion) ouvrant sur un couloir souterrain (dromos) couvert par un tumulus,
qui mène à la tholos à proprement parler, une chambre de forme circulaire couverte
d'une voûte à encorbellement. Sur la centaine de tombes de ce type qui a été
retrouvée essentiellement en Grèce continentale, quatorze se démarquent par le fait
que le diamètre de la chambre est supérieur à 10 mètres. On les trouve surtout
en Messénie où elles se développent dès les débuts de l'Helladique récent, et aussi
en Argolide, les plus remarquables étant sur le site de Mycènes. La plus célèbre est
le « Trésor d'Atrée » (ou « tombeau d'Agamemnon »), dont le dromos est long de 36
mètres et la coupole est haute de 15 mètres pour un diamètre de même longueur.
Ce groupe de tombes date probablement du XIII siècle av. J.-C., date à laquelle les
e

architectes ont atteint une grande maîtrise de ce type de construction.

 Le « Trésor d'Atrée » ou « Tombeau d'Agamemnon » de Mycènes.


Entrée monumentale du tombeau (stomion).

Coupe de la tombe (tholos).


L'intérieur de la coupole.
Mais le type de tombes le plus répandu est celui des tombes à chambre, composées
elles aussi d'un stomion et d'un dromos, ouvrant cette fois-ci sur une chambre
simplement taillée dans la roche de forme variable, avec une prédilection pour un
plan quadrangulaire96. La plus vaste chambre, à Thèbes, mesure 11,50 × 7 mètres au
sol, pour 3 mètres de hauteur. C'est peut-être la tombe d'une dynastie locale, dans
une région où on n'a pas construit de tholos. Il s'agit dans tous les cas de tombes
collectives.

Il reste difficile à établir si les différentes formes d'inhumation traduisent une


hiérarchisation sociale, comme on l'a parfois pensé, en faisant des tholoi les tombes
des élites dirigeantes, les tombes individuelles celles des classes aisées, et les
tombes communes celle du peuple97. Mais il reste clair que les tholoi les plus vastes
étaient probablement destinées à des membres d'une dynastie régnante, et que
même les plus petites nécessitaient sans doute un investissement qui les réserve
aux notables et non aux couches inférieures de la société.

Documents en linéaire B[modifier | modifier le code]


La période mycénienne est la période la plus ancienne pour laquelle on dispose de
documents écrits compréhensibles provenant du monde égéen, rédigés dans une
écriture spécifique à la civilisation mycénienne : le linéaire B. Il ne s'agit pas de la
plus ancienne forme d'écriture développée dans le monde égéen, puisque la Crète a
également vu la naissance du linéaire A qui est un ancêtre du linéaire B, mais n'a
pas été déchiffrée. La documentation qui nous intéresse ici est une source
primordiale pour notre connaissance de divers aspects de la société mycénienne. Le
langage des tablettes rédigées est une forme ancienne de grec. Son déchiffrement
est dû à Michael Ventris et John Chadwick en 1952. Il s'agit avant tout de voir le
contexte de rédaction des documents, les caractéristiques de l'écriture et la nature
des textes écrits, de façon à mieux comprendre les enjeux de leur interprétation.

Provenance, quantification et datation des


documents[modifier | modifier le code]
Tablette fragmentaire inscrite en linéaire B provenant
de Mycènes.
Le linéaire B est avant tout connu par des tablettes d'argile sur lesquelles il avait été
inscrit, comme c'est le cas pour l'écriture cunéiforme originaire de Mésopotamie. Les
premières tablettes découvertes l'ont été dans le palais de Cnossos en Crète au
cours d'une des nombreuses campagnes de fouilles menées sur place par Arthur
Evans98. En 1939, d'autres ont été mises au jour dans le palais de Pylos, où on en
trouva encore lors de campagnes suivantes après 1952. D'autres ont été
découvertes sur le site de Mycènes, puis à Thèbes, et en moindre quantité
à Midéa et à La Canée ainsi que sur d'autres sites grecs. Une inscription en linéaire
B a peut-être été retrouvée hors de Grèce, sur un objet en ambre retrouvé
à Bernstorf (de) en Bavière, mais cela reste sujet à discussion99. Cnossos est de
loin le site qui en a fourni le plus avec environ 3 000 tablettes100, pour 1 200 à Pylos101,
près de 300 à Thèbes102 et une soixantaine à Mycènes103.

Des inscriptions en linéaire B ont été retrouvées également sur des « nodules »,
ancêtres des étiquettes modernes. Il s'agit de petites boulettes d'argile, façonnées
entre les doigts autour d'une lanière (probablement de cuir) qui sert à attacher
l'ensemble sur l'objet. Le nodule présente une empreinte de sceau et un idéogramme
représentant l'objet. Les administrateurs y ajoutaient parfois d'autres informations :
qualité, origine, destination, etc. Une soixantaine ont été mis au jour à Thèbes 104. Ont
également été retrouvés une centaine de vases portant des inscriptions peintes dans
cette écriture105, et d'autres objets en moindre quantité (un sceau en ivoire,
un poids en pierre).

Cela fait en tout un corpus de près de 5 000 documents répartis sur une dizaine de
sites en Grèce continentale et sur l'île de Crète, avec trois sites fournissant la grosse
majorité de notre documentation, soit bien peu en comparaison de la documentation
contemporaine en provenance d'Égypte ou du Moyen-Orient7, mais qui suffit à
apporter des informations importantes pour comprendre la société mycénienne,
encore qu'il faille faire face à des difficultés notables pour interpréter les textes.
Les débuts du linéaire B sont l'objet de débats : la Crète des XVI – XV siècles106, ou
e e

bien la Grèce continentale107,108 ? Quoi qu'il en soit, le plus ancien document remonte
aux environs de 1375 et a été retrouvé à Cnossos. Le linéaire B est clairement une
forme de linéaire A adaptée par des scribes connaissant cette première écriture
d'origine crétoise à la langue grecque des « Mycéniens ». La majorité des documents
retrouvés plus tard date de l'HR III B, notamment de sa phase B2 (XIII siècle)109. Elles
e

ont été conservées, dans un état plus ou moins bon, parmi les ruines d'édifices à la
suite de la destruction de ceux-ci. Elles témoignent donc de l'activité des institutions
qui les ont produites durant les mois précédant cette destruction car il ne s'agit pas
d'archives qu'on souhaitait conserver à long terme.

Caractéristiques du linéaire B[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Linéaire B.
Le linéaire B est un système d'écriture nommé suivant la forme de ses signes, de la
même manière que le cunéiforme (qui est composé de signes constitués d'incisions
en forme de « coins », cuneus en latin). C'est donc une écriture composée de signes
formés par des lignes tracées dans l'argile ou peintes, représentant parfois des
choses stylisées, dans les cas où c'est identifiable. Elle comporte près de 200
signes, divisés en deux catégories : 87 signes phonétiques (phonogrammes)
syllabiques (un signe = une syllabe), donc des « syllabogrammes » ; et une centaine
de signes logographiques (un signe = un mot).

Les syllabogrammes110 transcrivent en majorité des syllabes ouvertes simples, de


type consonne+voyelle (CV), par exemple ro, pu, ma, ti, etc. Quelques signes sont
des voyelles simples (V) : a, qui peut être noté par trois signes différents
(des homophones), i, u et o. Certains signes syllabiques sont plus complexes, type
CCV, comme twe, pte, nwa, etc. Enfin, une quinzaine de signes supposés
syllabiques ne sont toujours pas compris. Ce système phonétique est simple et
souple. Pour noter les syllabes non comprises dans le corpus de signes élaboré, les
scribes les décomposaient, et dans le cas de Cnossos ils écrivaient ko-no-so ; ou
bien les réduisaient, en écrivant par exemple pa-i-to pour Phaistos. Ce système est
plus pratique pour une langue indo-européenne qu'un syllabaire complexe comme
le cunéiforme, ou que les hiéroglyphes égyptiens qui notent rarement les voyelles,
même s'il n'est pas aussi pratique qu'un alphabet, forme d'écriture qui n'en est
d'ailleurs qu'à ses balbutiements au Levant à la même période.

Quant aux logogrammes111, ils servent à économiser l'écriture phonétique d'un mot
(un signe suffit ainsi à noter « mouton » ou « char ») ou bien à préciser le sens d'un
mot écrit en phonétique, par exemple dans le cas où on associerait le dessin d'un
tripode (forme de vase à trois pieds) au groupe de signes phonétiques ti-ri-po-de112.
Ces signes cherchent en général à représenter les choses qu'ils désignent de la
façon la plus réaliste possible pour en faciliter la compréhension, au point qu'on a pu
chercher à comparer les logogrammes les plus réalistes avec des objets
archéologiques exhumés sur les sites mycéniens ou des représentations peintes113.
Dans les transcriptions de textes en linéaire B, on note les logogrammes par
convention en majuscules dans le terme latin signifiant la chose désignée, ou ses
premières lettres : VIR pour « homme », OVIS pour « mouton », HORD (hordeum)
pour « orge », etc. Ce type de signes empêche de connaître le terme exact en
dialecte mycénien, et limite donc la connaissance du vocabulaire de cette langue.
Nature des documents[modifier | modifier le code]

Une tablette
administrative de Cnossos, en format « feuille » (allongé).
Les documents en linéaire B connus sont exclusivement des productions de
l'administration des palais114. Il s'agit de documents qui ont pour but d'enregistrer des
informations liées à la gestion des biens meubles stockés dans cette institution, ou
fabriqués pour son compte, leur circulation (entrées et sorties, avec la destination ou
les destinataires ou la provenance), voire le but de ces opérations, leur localisation ;
ou bien des informations sur la gestion des biens immeubles dépendant de
l'institution, des terres agricoles, leur localisation, les personnes à qui elles sont
attribuées. Les plus simples sont les nodules, les étiquettes, les inscriptions peintes
sur vase et les tablettes de petites dimensions qui enregistrent juste des informations
sur la nature de biens meubles ou d'animaux, et sur leur circulation. Les tablettes de
plus grande taille peuvent enregistrer les opérations les plus complexes : listes
d'opérations liées à la circulation de biens, ou à la gestion de terres agricoles (donc
des documents de type cadastral).

Il ne s'agit que de documents rudimentaires, à but temporaire, conservés quelques


mois voire une année, mais pas plus ; ceux qui nous sont parvenus n'ont pas été
effacés et recyclés car leur lieu de stockage a été détruit auparavant. On ne connaît
pas de tablettes faisant des bilans annuels ou pluriannuels d'un atelier ou d'une
exploitation agricole115. Dans la majorité des cas, le rédacteur de la tablette voulant
enregistrer une opération simple a pu se contenter de quelques signes, sans noter
de verbes ou de prépositions. Ainsi, la séquence e-ko-to pa-i-to OVIS 100 peut être
transcrite comme « Hector Phaistos 100 moutons », à comprendre « Hector à
Phaistos (a un troupeau de) 100 moutons »116. Des phrases plus complexes avec des
verbes peuvent être notées dans le cas d'opérations plus compliquées comme les
documents cadastraux117. On comprend donc que cela limite notre connaissance de
la langue mycénienne.

Cette documentation présente des parallèles évidents avec celles des cultures d'Asie
du sud-ouest contemporaines, qui renvoient plus largement à une organisation
administrative similaire118. Néanmoins en comparaison à la variété de la
documentation écrite exhumée sur plusieurs sites du Moyen-Orient contemporain
comme Ougarit, Hattusha ou Nippur, celle des sites mycéniens paraît très limitée :
pas de documents de nature scolaire, lexicographique, juridique, technique,
scientifique, mythologique, cultuel, épistolaire, diplomatique et historique7. Impossible
donc de connaître des évènements politiques ou une grande partie des croyances et
pratiques religieuses. Cela s'ajoute à l'écart quantitatif (un site comme Nippur a livré
à lui seul environ 12 000 tablettes du Bronze récent119). D'un autre côté, si on tourne
la comparaison vers la civilisation minoenne dont les écritures n'ont pas été
déchiffrées, la civilisation mycénienne est cette fois-ci avantagée. Les archives
palatiales en linéaire B sont donc un apport inestimable pour la connaissance de la
société du monde mycénien.
Les institutions mycéniennes[modifier | modifier le code]
Les sources archéologiques et surtout les textes en linéaire B nous donnent des
indications sur l'organisation et le fonctionnement de certains États mycéniens,
en Grèce continentale (surtout à Pylos) mais aussi en Crète autour de Cnossos.
Elles permettent de replacer ces régions du monde mycénien dans un contexte plus
vaste, celui des États du Bronze récent attestés essentiellement au Moyen-
Orient (Ougarit, Alalakh, Babylone ou encore l'Égypte pour ceux dont on dispose de
plus de sources sur la vie courante), dont la société et l'économie sont dominées par
une institution émanant du pouvoir central : le palais. Son influence réelle est
systématiquement débattue car on ne peut savoir exactement quelle part de la
société nous échappe du fait qu'on connaît celle-ci essentiellement par les archives
palatiales, et même uniquement par ces dernières dans le monde mycénien qui n'a
livré aucune archive de nature privée.

Ces sources locales sont cependant trop allusives pour permettre d'en dresser un
tableau précis, et elles ne permettent pas de comprendre l'organisation générale du
monde mycénien. Les informations sur le monde mycénien venant des autres États
ayant des intérêts politiques en Méditerranée occidentale (Hittites, Égypte) sont
complexes à interpréter. Ces réserves ayant été émises, on peut reconnaître que
l'analyse de ces sources permet d'émettre des reconstructions séduisantes et parfois
vraisemblables qu'il ne faut pas éviter, même s'il convient de garder à l'esprit le fait
qu'elles sont bien souvent impossibles à prouver de façon définitive.

Les États mycéniens[modifier | modifier le code]

La forteresse de Mycènes, un des plus importants

sites du monde égéen durant l'Helladique récent.


Proposition d'extension des royaumes mycéniens.
En l'absence de sources écrites directes, puisque les tablettes mycéniennes ne nous
documentent que sur l'organisation interne des États régionaux de Pylos et
de Cnossos (et encore de façon bien imprécise), l'organisation politique générale du
monde mycénien ne peut être connue avec certitude. Les sites palatiaux dont
l'importance laisse supposer qu'ils ont dominé des États régionaux en Grèce
continentale sont Mycènes, Tirynthe, Pylos, Thèbes, et à la rigueur Midéa, et en
Crète Cnossos et La Canée, peut-être y ajouter d'autres sites mycéniens importants
comme Orchomène, Gla, Athènes, Sparte (Ayios Vasileios) ou Dimini (Iolcos,
vers Volos) qui auraient pu être des centres palatiaux mais ont livré peu ou pas de
tablettes, ou encore Phylakopi dans les Cyclades120,121,122. Cela laisse de côté les
autres régions, comme la Phocide, l'Arcadie, l'Achaïe, la Thessalie intérieure et le
Nord-Ouest de la Grèce, qui semblent rester en marge d'un système palatial123.

Pour les régions disposant de plusieurs centres palatiaux, il faut affiner les analyses :
en Argolide, il reste à déterminer quel centre dominait de Mycènes, Tirynthe ou
Midéa, même si les faveurs vont souvent au premier ; en Crète, Cnossos domine
une grande partie de l'île avant la destruction de son palais vers 1370, après quoi
émergent des centres autonomes dont La Canée qui était auparavant sous sa
coupe ; en Béotie enfin, il est possible que Thèbes doive faire face à un État
d'Orchomène (qui domine peut-être la citadelle de Gla), préfiguration de la rivalité
des deux cités à l'époque classique121. Dans les reconstitutions courantes, on se
trouverait en présence d'au moins sept États en Grèce continentale : l'Argolide
autour de Mycènes, la Messénie autour de Pylos, la Laconie dominée par un site
situé vers Sparte (Ménélaion ou Ayios Vasileios), la Béotie orientale centrée sur
Thèbes, la Béotie occidentale autour d'Orchomène, l'Attique dominée par Athènes, et
la Thessalie littorale autour de Volos (Dimini/Iolcos). La présence d'un royaume en
Élide reste à confirmer.

Y avait-il un État qui a pu dominer tout le monde mycénien à une certaine période ?
Cela reste impossible à déterminer. L'existence d'une sorte de koinè mycénienne
autour de l'Égée ne veut pas dire qu'il y avait une puissance politique dominant la
région. Les traces archéologiques d'une influence mycénienne plus ou moins forte
en Crète, dans les Cyclades, le Dodécanèse ou l'Asie mineure littorale pourraient
indiquer une domination politique mycénienne à certains moments, mais une telle
interprétation des sources est loin d'être convaincante. C'est finalement la mention
dans les sources hittites des XIV – XIII siècles av. J.-C. d'un « Roi des Ahhiyawa »,
e e

rapproché du « Roi des Achéens » Agamemnon dans l'Iliade, qui est le principal
argument en faveur de l'existence d'un souverain dominant le monde
mycénien68,69. Mycènes reste alors le meilleur candidat en tant que capitale de ce
supposé royaume hégémonique (mais assurément pas « impérial » au regard de la
documentation), du fait du souvenir qu'elle a laissé chez les Grecs des périodes
suivantes, au premier chef Homère, et aussi de l'importance du site124.

En l'état actuel des choses, c'est une étude d'un monde mycénien fragmenté entre
plusieurs États et autres entités politiques qui reste plus raisonnable. C'est donc sur
leur nature que se concentrent l'essentiel des réflexions sur la politique, l'économie et
la société du monde mycénien, même s'il est complexe de déterminer dans quelle
mesure ce qu'on y observe est généralisable aux autres régions sur lesquelles
s'étend cette civilisation.

L'administration palatiale[modifier | modifier le code]


Tablette inscrite en linéaire B, XIII siècle av. J.-C.,
e

provenant de Mycènes, Musée national archéologique d'Athènes


La connaissance de l'organisation politique de la société mycénienne est meilleure à
l'échelle locale, grâce aux sources administratives en linéaire B provenant des palais
de Pylos et de Cnossos, ou encore de Thèbes125. Il s'agit ici de « palais » en tant
qu'institution contrôlant un territoire, autour de laquelle gravitent des administrateurs
et/ou guerriers qui sont sans doute les personnages les plus importants du royaume,
et qui jouent un rôle économique notable. Cette situation est par bien des aspects
similaire à celle que l’on trouve dans les archives des royaumes du Proche-Orient de
la même période pour lesquels ce modèle d'institution palatiale a été étudié depuis
longtemps126. Cependant en Grèce aucune archive n'a été retrouvée dans un
contexte privé, ce qui indique que seul le palais tenait manifestement une
comptabilité127.

Les archives administratives nous laissent entrevoir l'organisation politique de l'État,


qui paraît être un royaume, dirigé par le wa-na-ka (ϝάναξ / wánax), terme utilisé sur
quatre vases inscrits et une quarantaine de tablettes : le wa-na-ka est celui qui
nomme ou mute les fonctionnaires et fait travailler des artisans à son service128,129. Le
titre n'étant jamais accompagné d'un nom propre, on suppose donc qu'il est le seul
dirigeant129,130. Il est très probablement identifiable au ἄναξ / anax homérique
(« seigneur divin, souverain, maître de maison »)131, mais son rôle est moins bien
défini — il est sans doute militaire, juridique et religieux, et peu étendu car les
marqueurs d'un pouvoir royal fort sont limités dans le monde mycénien132. Il possède
un domaine foncier propre, le te-me-no, mot qui a donné le
grec τέμενος / témenos désignant les terres royales du souverain homérique ou
des rois de Sparte133. Neuf occurrences du mot wa-na-ka apparaissent dans des
textes d'offrandes, ce qui suggérerait que les souverains de Pylos ou Cnossos
reçoivent un culte ; toutefois, comme chez Homère, le terme peut aussi désigner un
dieu7.

Les tablettes ne précisent pas non plus le nom du ra-wa-ke-ta, qui est donc
probablement un dignitaire unique dans le royaume134,135. L'une d'entre elles, à Pylos,
le mentionne à la suite du wa-na-ka ; il est le seul dignitaire à avoir un te-me-no, dont
la superficie est trois fois moindre que celle du wa-na-ka, et possède également des
dépendants135. Le ra-wa-ke-ta serait donc le second de ce dernier135. On a supposé
qu'il était un chef de guerre, en décomposant le terme en law-agetas (de λαϜός, qui
désigne la classe des guerriers chez Homère, et ἄγω, « mener, conduire »),
« conducteur des guerriers », mais les textes n'indiquent rien en ce sens135. D'autres
dignitaires sont les te-re-ta, qui apparaissent dans les textes comme les détenteurs
d'une certaine catégorie de terres, les ki-ti-me-na136. Leur nom suggère qu'elles sont
liées à une charge (τέλος), mais dont on ignore la nature137. Ils exercent peut-être une
fonction religieuse137. Les e-qe-ta, littéralement les « compagnons » (des
« chevaliers »), reçoivent du palais de la nourriture, des vêtements et des armes,
mais possèdent des revenus par ailleurs135. Ils reçoivent du palais des missions
importantes et leur nom, proche de ἑπετας, « serviteur », laisse supposer qu'ils en
sont dépendants135. Ils pourraient avoir une fonction guerrière135.

À côté des membres de la cour, d'autres dignitaires du palais sont chargés de


l'administration locale du territoire. Le royaume de Pylos est divisé en deux grandes
provinces, la de-we-ra ka-ra-i-ja, la « province proche », autour de la ville de Pylos
sur la côte, et la Pe-ra-ko-ra-i-ja, la « province lointaine », autour de la ville de Re-u-
ko-to-ro138. Elles sont à leur tour divisées respectivement en neuf et sept districts, puis
un ensemble de « communes ». Pour diriger les districts, il semble que le roi nomme
un ko-re-te (koreter, « gouverneur ») et un pro-ko-re-te (prokoreter, « sous-
gouverneur ») qui l'assiste (termes également attestés dans les tablettes de
Cnossos)137. La fonction de qa-si-re-u (cf. le grec βασιλεύς / basileús) est mal définie :
ses détenteurs ont des prérogatives variables, dans l'administration provinciale ou
dans la direction des groupes d'artisans139,135. Chez les Grecs classiques,
le basileus est le roi, le monarque, comme si entre la désintégration de la société
mycénienne et l'âge classique n'avait survécu comme plus haute autorité, de
facto puis au fil des générations de jure, que le fonctionnaire communal.

Ces personnages sont parmi la couche sociale la plus importante, ce sont


probablement eux qui habitent dans les vastes demeures retrouvées à proximité des
palais mycéniens. D'autres personnes sont liées par leur métier au palais, mais pas
forcément plus aisés que les membres du da-mo (littéralement « peuples »,
cf. δῆμος / dêmos). Ce dernier est une sorte de communauté agricole, disposant de
terres exploitées en commun et d'autres attribuées à des individus contre
redevance140. Le da-mo est apparemment géré par des agriculteurs chefs de famille,
et le da-mo-ko-ro, fonctionnaire du palais, est peut-être chargé de son contrôle pour
le pouvoir central. Au plus bas de l'échelle sociale se trouvent les esclaves, do-e-
ro (masculin) et do-e-ra (féminin) (cf. grec δούλος / doúlos). Seuls sont attestés dans
les textes ceux travaillant pour le compte du palais. Mais il faut se méfier du sens de
ce terme, qui peut aussi avoir le sens de « serviteur » dans toutes ses acceptions
possibles, et donc indiquer des gens libres en position de soumission par rapport à
une autorité. C'est sans doute le cas de ceux que les tablettes nomment « esclaves »
d'une divinité141.

En plus d'être un organisme administratif, le palais est également un agent


économique. Dans le domaine agricole, deux lots de tablettes nous fournissent
quelques indications sur le régime foncier des terres du royaume de Pylos, avant tout
celles du palais. Mais ils ne concernent que des parties limitées du terroir. On y voit
deux types de terres : ki-ti-me-na, qui pourrait être un domaine palatial, et le ke-ke-
me-na, qui serait un domaine communal, cultivé par des particuliers142. Une partie des
terres palatiales documentées compose le te-me-no du wa-na-ka et du ra-wa-ke-ta,
déjà évoqués ; ces personnes disposeraient donc d'un domaine public important dû à
leur fonction. L'autre partie des terres ki-ti-me-na est accordée en bénéfice (o-na-to)
à des membres de l'administration du palais, comme les te-re-ta, peut-être en guise
de rétribution comme c'est le cas au Proche-Orient à la même période. Les mêmes
archives de Pylos nous montrent que le palais prélevait des taxes en nature sur des
membres des communautés rurales, sans doute en tant que redevance contre
l'attribution de terres palatiales143. Cette institution disposait également d'ateliers : le
textile mobilise un nombre important d’ouvrières à Cnossos comme à Pylos,
regroupées en plusieurs ateliers ; et pour la production de la laine, le palais doit
disposer de troupeaux ovins importants. La métallurgie est également documentée à
Pylos par une série de tablettes qui montre que le palais distribuait du bronze à
des forgerons qui devaient ensuite rendre le produit fini. Enfin, l'institution est aussi
un acteur important des échanges, au niveau local par la redistribution des produits
de l'économie qu'elle prélève et stocke, et sans doute aussi pour les échanges à
longue distance, qui sont cependant absents des tablettes administratives.

Bague en or avec représentation de char, trésor


d'Aidonia, v. 1500 av. J.-C. Musée archéologique de Némée.
Le palais avait enfin une fonction dans l'organisation militaire des royaumes, comme
cela est visible dans les archives de Pylos, qui pourraient témoigner d'une situation
de crise précédant la destruction violente du palais, et nous montrent donc des
mesures qui paraissent destinées à se préparer à des attaques144. L'institution
palatiale fait fabriquer, stocker et entretenir des armes offensives et défensives, des
cuirasses, et ses stocks de métaux et ses relations avec les forgerons du royaume
semblent avant tout dévolues à cela. Il y a aussi des mentions de chars et de
chevaux, qui ont pu servir pour les combats, mais aussi pour les transports, leur
fonction n'étant pas précisée. Un groupe de tablettes de Pylos mentionne l'envoi de
contingents de rameurs réquisitionnés, ainsi que de « garde-côtes » (o-ka) pour
surveiller le littoral de Messénie, dirigés par un e-qe-ta. Comme ce dernier, plusieurs
des personnages de l'administration palatiale qui apparaissent dans les tablettes de
gestion ont dû avoir une fonction militaire, constituant alors une sorte d'« aristocratie
militaire » des royaumes mycéniens.

Palais et société[modifier | modifier le code]

Un espace de stockage avec jarres enterrées dans le


palais de Pylos, témoignage archéologique du rôle joué par le palais dans la
redistribution de certaines productions agricoles.
L'organisation socio-économique des royaumes mycéniens connue par les textes
paraît donc être en gros bipartite : un premier groupe travaille dans l'orbite du palais
(en tant qu'institution), tandis qu'un autre travaille pour son propre compte, en
général dans le cadre d'une économie de subsistance qui échappe à la
documentation disponible. Il semblerait qu'on puisse distinguer parmi les dignitaires
attestés dans les tablettes entre ceux qui dépendent directement du palais et
constituent donc les proches du souverain (e-qe-ta « compagnons » du roi, ko-re-te-
re, pro-ko-re-te-re) et les dignitaires locaux encadrant les communautés villageoises
(ko-to-no-o-ko, ka-ma-e-we, voire les te-re-ta) ; d'autres occuperaient une position
intermédiaire, servant le palais pour des missions précises mais sans faire partie de
son administration (qa-si-re-u, ke-ro-te)145. Il ne faut donc pas envisager une
séparation rigide entre ces deux sphères, car rien n'empêche que des personnes
travaillant pour le palais aient pu parallèlement mener leurs affaires personnelles. Du
reste, les archives dont on dispose sont très limitées, et ne concernent pas toute la
population des États étudiés, et ce d'autant plus que la reconstitution de
l'organisation économique et sociale du monde mycénien est largement tributaire des
archives des palais de Cnossos et de Pylos, ou encore de Thèbes et pas des autres
États.

Une question récurrente concernant les États mycéniens de Pylos et Cnossos est la
place qu'aurait eu le palais dans l'ensemble de l'économie et la société du territoire
dominé. On a pu penser à un moment que le palais était un organisme ayant une
vaste emprise sur l'économie et la société, jouant un rôle d'employeur principal et de
redistributeur des ressources qu'il collectait146. Cette vision des choses était marquée
par le fait que les sources écrites ne proviennent que du palais, mais aussi par
l'approche « substantiviste » de l'économie antique qui dominait auparavant, ainsi
que par l'exemple des reconstructions des économies du Proche-Orient ancien, et
de Mésopotamie en particulier qui avaient cours alors, les voyant comme fortement
encadrées par les palais (et parfois aussi les temples). Depuis, ces interprétations
d'institutions exerçant une large emprise sur la société et l'économie de l'âge du
bronze ont été nuancées, et les études récentes sur le rôle du palais des États
mycéniens ont largement relativisé sa place147. Cette institution est de plus en plus
vue comme étant essentiellement au service des rois et de l'élite, leur fournissant
une source de richesses et un moyen de contrôle sur la population. Mais reste
encore à savoir si le palais jouait tout de même un rôle important dans l'économie du
royaume, ou bien s'il était négligeable148.

La gestion de l'économie palatiale de ces États était plus précisément prise en


charge par des scribes, qui ne semblent pas avoir été des scribes professionnels
mais plutôt des administrateurs sachant lire et écrire149. Les archives retrouvées ne
sont l'œuvre que de quelques dizaines de ces scribes au maximum (une centaine à
Cnossos, une cinquantaine à Pylos). Ils notent les entrées et les sorties de produits,
donnent les travaux à faire, et se chargent de la distribution des rations. Il existait
quelques bureaux spécialisés pour l'élevage ovin ou le textile à Cnossos. Mais les
textes ne sont groupés dans des lots importants qu'à Pylos ; en général ils sont
dispersés et peu nombreux. Rien ne témoigne donc d'une véritable bureaucratie
encadrant la société dans ces États, et incontournable pour le bon déroulement de
l'économie150. La stratégie économique des administrateurs du palais semblerait
plutôt orientée vers la satisfaction de certains besoins : subsistance et rémunération
des élites qui sont aussi les administrateurs, et leur approvisionnement en biens de
prestige ; gestion de produits stratégiques pour l'État, avant tout l'armement ; peut-
être assurer des surplus pour faire face aux éventuelles pénuries pouvant affecter la
population ; voire investissement dans des productions rémunératrices (huile, laine).
Concrètement les secteurs où il apparaît le plus présent sont l'agriculture, la
production textile et la métallurgie.

Il faut également mettre en avant le fait que la documentation écrite pose des
problèmes qui rappellent ceux de la documentation architecturale et artistique :
provenant de l'institution palatiale, elle reflète donc une vision de la société
mycénienne qui est celle des élites, qui sont les mêmes que ceux qui ont pensé, fait
bâtir et organisé les édifices qui ont été mis au jour, pour qui on a construit la grande
majorité de tombes que l'on connaît, et qui ont commandité la plupart des
productions artisanales/artistiques qui nous sont parvenues. Les autres catégories
sociales ne sont essentiellement perceptibles que quand elles entrent en relations
avec le milieu des élites, et on ne sait pas quelle était l'importance des activités
qu'elles pouvaient faire en dehors du cadre institutionnel.

Activités économiques[modifier | modifier le code]


Les activités économiques de la période mycénienne nous sont accessibles par des
études archéologiques nous documentant notamment sur les productions
artisanales, et parfois sur leur circulation qui laisse supposer des circuits d'échanges,
ainsi que par l'étude des produits agricoles consommés par les populations ayant
habité des sites fouillés. Alors que jusqu'à l'Helladique moyen l'économie de
subsistance à but local était quasiment la seule attestée, les productions étant
rarement spécialisées ou diffusées à une échelle supra-locale151, les premiers temps
de l'Helladique récent voient se mettre en place des sociétés plus prospères,
pratiquant des activités plus variées et spécialisées152, et les circuits d'échanges
s'allongent considérablement. La mise en place progressive des structures palatiales
et les traces de leur fonctionnement qui apparaissent dans leurs archives en linéaire
B à partir de l'HR III confirment cette impression. C'est pour cette dernière période
que nous sommes donc le mieux documentés sur les activités économiques de la
Grèce mycénienne, avant tout dans ce cadre institutionnel palatial sur lequel s'est
concentré l'essentiel des fouilles et dans lequel on a trouvé les textes administratifs.

Agriculture[modifier | modifier le code]


La production agricole, qui est l'activité la plus importante comme pour toute société
antique, mais pas la mieux documentée, est dominée par une polyculture associée à
un élevage de petit bétail. Les premiers temps de l'Helladique récent ont vu se mettre
définitivement en place en Grèce continentale la « triade
méditerranéenne153 » : céréales, vigne et olivier, à la suite de l'expansion de la culture
de ce dernier depuis les îles Égéennes, avant tout la Crète, qui la pratiquaient depuis
le Bronze ancien152.

Les céréales cultivées sont le blé et l'orge. On évalue à 982 000 litres les rentrées
annuelles de céréales à Cnossos, contre 222 000 litres à Pylos154. Il y a également
des plantations d'oliviers, pour la production d'huile d'olive. Celle-ci ne sert pas
seulement à l'alimentation, mais aussi pour les soins corporels, les parfums ou
l'éclairage155. Les Mycéniens connaissent d'autres oléagineux : le lin, le safran (ka-
na-ko), le sésame (sa-sa-ma), ainsi sans doute que le ricin et le pavot154. La vigne est
cultivée, souvent en association avec des oliviers et des figuiers, voire d'autres
cultures intercalaires155. On en tirait plusieurs variétés de vins : des vins mielleux,
liquoreux, ou doux. Une tablette de Mycènes mentionne un cratère, ce qui suggère
que le vin est déjà mélangé à de l'eau, comme à l'époque classique156. Le vin était
distribué lors de grandes fêtes religieuses : une tablette de Pylos mentionne la
distribution de 11 808 litres de vin à neuf localités lors d'un tel évènement. Les
fouilles de sites crétois (Phaïstos notamment) ont mis au jour
des maies de pressoirs à levier ayant servi à presser de l'huile ou du vin. Des salles
des palais ont quant à elles abrité de vastes réserves de vin ou d'huile, comme dans
l'édifice situé juste au nord du complexe palatial de Pylos, où étaient enterrées 35
jarres contenant chacune de 45 à 62 hectolitres155. Ces éléments nous permettent
d'envisager l'existence d'une agriculture qui va au-delà de la recherche de la
subsistance pour ces productions et dans le cadre palatial, notamment celui des
domaines dont bénéficiaient les principaux notables.

Les tablettes mentionnent la coriandre, probablement sous forme de graines (ko-ri-


(j)a-da-na) comme de feuilles (ko-ri-ja-do-no), le fenouil (ma-ra-tu-wo) et
le cumin (ku-mi-no)157, ainsi que la menthe poivrée (mi-ta), la menthe pouliot (ka-ra-
ko)158. Là encore, on ignore si ces plantes, connues aujourd'hui comme des épices,
sont utilisées dans la cuisine ou si elles ont d'autres usages, par exemple
médicaux159. Les textes ne citent aucune légumineuse, mais des restes végétaux
attestent la consommation de pois, lentilles, fèves et pois chiches160.

L'élevage ne connaît pas de modifications dans la composition du cheptel, mais


semble bien avoir connu une augmentation de la quantité de têtes de bétail.
Les ovins et les caprins sont les animaux les plus présents, ce qui est logique dans
un milieu méditerranéen ; les bovins et les porcins semblent plus rares : les tablettes
de Pylos mentionnent environ 10 000 ovins, 2 000 chèvres, 1 000 cochons et une
vingtaine de bœufs161. Les chevaux sont essentiellement destinés à tracter les chars
de guerre161. La pêche de mollusques ou de poissons pouvait fournir un complément
alimentaire, avant tout sur les sites côtiers.

Artisanat[modifier | modifier le code]

Tablette mycénienne traitant d'une commande


de laine, Musée national archéologique d'Athènes.
Depuis les débuts de l'Helladique récent, l'artisanat local traditionnel se couple d'un
artisanat qui se spécialise de plus en plus, suivant l'émergence de structures socio-
politiques plus complexes152. Cela permet l'émergence d'une production de masse
standardisée dans certains secteurs, avant tout la céramique, le textile et la
métallurgie. Ce développement est solidaire de celui des échanges, aussi bien dans
un cadre régional qu'« international », qui offre de nouveaux débouchés et permet
l'apport de certaines matières premières comme les métaux. Dans les mines du
Laurion, l'activité extractive se développe : on y trouve de l'argent, du plomb et aussi
du cuivre.

Ces changements sont solidaires de l'émergence des centres palatiaux, dont les
archives nous permettent d'entrevoir le fonctionnement de certains secteurs
artisanaux (mais qui ne sont jamais « industriels »162). Les archives de Pylos montrent
un travail spécialisé, chaque ouvrier appartenant à une catégorie précise, et
disposant d'une place spécifique dans les étapes de la production, notamment dans
le textile. Le tout se faisait sous le contrôle de l'administration palatiale. Des édifices
servant d'ateliers ont également été mis au jour à proximité des palais mycéniens,
par exemple la « Maison aux boucliers » de Mycènes qui a servi de lieu de
fabrication d'objets en ivoire, en faïence et en pierre163. Les réalisations artisanales
retrouvées sur les sites et dans les nécropoles nous montrent l'étendue des activités
des travailleurs de l'artisanat du monde mycénien : poterie en terre cuite, travail des
métaux (bronze, or essentiellement), réalisation de sceaux, transformation de
denrées alimentaires, etc. Les tablettes nous montrent l'artisanat textile, impossible à
appréhender par l'archéologie ; c'est avec la métallurgie le domaine dont
l'organisation est la mieux connue, sans doute parce que c'étaient les deux domaines
qui intéressaient le plus le palais pour des raisons stratégiques. En revanche,
l'organisation du travail de l'ivoire, bien identifié par les trouvailles archéologiques,
échappe à la documentation162,164.

L'activité textile est un secteur qui n'a sans doute pas vu de changements techniques
notables durant l'Helladique Récent, mais a connu des changements structurels dans
le cadre palatial, dirigé par une administration centralisée165. Les tablettes
de Cnossos permettent ainsi de suivre toute la chaîne de production, gérée par une
poignée de fonctionnaires se répartissant entre eux la supervision de domaines
précis de l'activité. D'abord l'élevage des troupeaux de moutons comportant de
nombreuses têtes de bétail qui sont comptabilisées et tondues. La laine obtenue
passe alors dans le domaine artisanal en étant répartie entre des tisserands (souvent
des femmes) qui la travaillent. Ensuite, les tablettes comptabilisent les produits finis
qui sont alors récupérés et stockés dans les magasins du palais. Les ouvriers du
textile étaient jusqu'à 900, organisés dans une trentaine d'ateliers (la production
textile étant donc décentralisée, à la différence de l'administration), et rémunérés par
des rations166. Les archives du palais de Pylos montrent qu'on y travaillait surtout
le lin, qui poussait dans des champs locaux et était sans doute obtenu en bonne
partie par des prélèvements fiscaux. Les étoffes produites sont mal connues : les
tablettes de stockage mentionnent différentes couleurs, notamment sur leurs
franges, et différentes qualités. On ignore de quelle manière elles étaient utilisées
après stockage.

La métallurgie est bien attestée à Pylos, où le palais recense dans ses archives
environ 400 ouvriers, dont les ateliers sont dispersés sur plus de 25 localités du
territoire, et semblent donc peu dépendants de l'institution162,166. Elle leur distribue le
métal pour qu'ils réalisent le travail demandé : en moyenne 3,5 kg de bronze par
forgeron. Cela est effectué dans le cadre d'une sorte de corvée pour l'institution (ta-
ra-si-ja), qui concerne aussi des textiles et d'autres produits. Leur rémunération est
inconnue, car ils sont mystérieusement absents des listes de distributions de rations.
À Cnossos, quelques tablettes témoignent de la fabrication d'épées, mais sans
évoquer de véritable activité métallurgique importante. En tout cas, c'est souvent en
lien avec l'armée que cette production paraît organisée, ou bien pour faire des objets
de luxe destinés à l'export ou au culte.

Les potiers (ke-ra-me-u) sont cités également dans les sources épigraphiques, alors
que peu d'ateliers de fabrication de céramique sont connus167. Ils apparaissent
notamment dans des listes de travailleurs employés par le palais. Les céramiques
sont en effet essentielles pour le fonctionnement de l'économie palatiale : elles
servent de contenants pour les aliments stockés et déplacés, notamment pour les
distributions de rations, d'offrandes aux dieux. Elles sont également un mobilier
essentiel à cette période pour des usages courants comme la cuisine et
l'alimentation quotidienne168.

L'artisanat de la parfumerie est également attesté162,155. Les tablettes décrivent ainsi la


fabrication d'huile parfumée : à la rose, à la sauge, etc. On sait également par
l'archéologie que les ateliers dépendants plus ou moins du palais comprenaient
d'autres types d'artisans : orfèvres, ivoiriers, lapicistes (artisans de la pierre),
presseurs d'huile, etc.

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