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Couverture Hokus Pokus
© InterÉditions, 2019
InterÉditions est une marque de
Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
ISBN : 978-2-7296-1945-9
www.dunod.com
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Dédicace
Première partie
Les dix étapes du cycle d’Hudson
1. Formuler une idée - 1re étape : Mettre en mots une idée ou un projet
Le rôle du coach dans l’étape 1
D’abord faire émerger les idées
Vérifier la pertinence et la faisabilité du projet
Bâtir un plan d’action réaliste
Les diablotins de l’échec, ou comment saboter l’étape 1
Deuxième partie
Aider : une compétence à développer
Bibliographie
Remerciements
Introduction
Aider l’autre !
On peut oublier ce qu’on nous a dit, mais jamais les émotions fortes que nous
avons ressenties quand une personne bienveillante était à nos côtés pour
nous aider vraiment.
Pourtant, qui ne s’est pas heurté à un mur alors qu’il voulait soutenir un
ami, encourager un enfant à surmonter une difficulté ou réconforter un
proche dans la peine ? Aider l’autre est aussi naturel que boire ou manger,
parler ou aimer, et nous n’y parvenons pas toujours. Alors comment nous y
prendre ?
Depuis plusieurs années les coachs développent des méthodes pour aider
leurs clients à surmonter leurs difficultés, à se sentir mieux dans leur vie
personnelle ou professionnelle, et à agir en harmonie avec leurs valeurs et
leurs convictions. L’un de ces coachs, l’Américain Frederic Hudson, a
imaginé un modèle qui permet à une personne qui veut en aider une autre
d’identifier là elle doit mettre de l’énergie et là où elle doit la faire circuler,
et ensuite ce qu’il faut faire pour permettre à la personne aidée d’avancer
sur son chemin. En effet un changement véritable s’accompagne toujours de
son cortège d’émotions qui permettent d’ouvrir des portes dans
l’inconscient et favorisent ce mystérieux travail de résilience.
Le modèle d’Hudson a largement inspiré les pages que vous allez
découvrir. Ce petit traité de coaching à l’usage des honnêtes gens permet à
des coachs, ou toute personne qui désire en aider une autre, d’avoir un outil
pour structurer son accompagnement et son aide. Ce modèle se présente
sous la forme d’un cycle en dix étapes.
Le cycle d’Hudson
Les sept premières portent sur l’aide que le coach, ou l’aidant, peut
donner à quelqu’un qui se lance dans un projet ou dans un changement, que
ce soit un petit projet – partir en vacances par exemple – ou un grand
changement comme une réorientation professionnelle majeure.
La première étape du cycle consiste à trouver une idée ou formuler un
projet. La seconde étape à se lancer – mais pas n’importe comment ! La
troisième consiste à récolter les fruits de son projet. Vient ensuite l’arrêt.
Cette quatrième étape peut être l’aboutissement naturel du projet, ou un
arrêt prématuré dû à une cause extérieure. Vient alors la cinquième étape,
plus émotionnelle, celle du deuil. Il faut bien s’y faire, la roue du temps
tourne et rien ne revient en arrière. Dans la sixième étape, la raison reprend
le dessus et c’est l’heure de faire un bilan de la réalisation passée. Puis vient
la septième étape où il est bon de se reposer et de savourer avant de
reprendre le chemin pour un nouveau cycle. Ainsi de suite, la vie va et les
projets s’enchaînent les uns après les autres.
Mais quelquefois le doute s’installe : huitième étape. Suis-je sur le bon
chemin se demande le coaché ? Mes choix sont-ils toujours pertinents ? La
neuvième étape va permettre au coach d’identifier les nouvelles priorités
qui guideront désormais les choix de vie de son client. C’est une véritable
métamorphose. La personne apparaît transformée, avec une échelle de
priorités revisitée. Il ne suffit plus alors pour la coaché que d’incarner cette
personne, de vivre et agir avec ses nouvelles valeurs et ses nouveaux choix.
C’est la phase dix, la dernière avant de reprendre le chemin de l’étape 1 et
repartir pour un nouveau cycle.
La partie haute du cycle d’Hudson (étapes 1 à 7) porte sur les
changements d’activités, alors que la partie basse (étapes 8 à 10) concerne
les changements d’identité.
Mais peut-on faire sans être ? Peut-on être sans s’incarner dans une
réalisation matérielle ? C’est ce genre de questions qui amène la personne
qui veut aider une autre à se doter d’une solide méthode. Car le cœur et la
bonne volonté ne suffisent pas pour déjouer les pièges d’un bon
accompagnement et démêler les nœuds entre le faire et l’être.
Les dix premiers chapitres du livre correspondent aux dix étapes du cycle
d’Hudson. À chaque étape le lecteur trouvera des exemples pris dans la vie
courante et les façons d’intervenir en tant que coach ou aidant. Ce chemin
de résilience est passionnant.
« Au commencement, le verbe. »
Saint-Jean
Pas d’idée
« J’ai pas d’idée ; je m’ennuiiie ! » se plaint Thomas (neuf ans).
« C’est pas vraiment un projet, jusque quelques idées qui me sont venues pendant les
vacances » nous raconte un client en séance de coaching.
Il nous arrive quelquefois dans la vie de ne pas savoir quoi faire, de ne pas
savoir par où commencer, ou de n’avoir aucune idée de l’avenir. Il nous
arrive aussi d’avoir mille idées, mille projets en tête. Mais tout
s’embrouille, se télescope et rien n’émerge.
Dans les deux cas, nous nous exprimons mal, nos phrases sont
décousues, parsemées d’onomatopées « heu, ben, enfin, pch’’’, c’t’à
dire,… ». Une sorte de langage inarticulé, de mots en devenir, de paroles à
faire naître. Tout s’entremêle, les pensées sont confuses, les sentiments
mélangés jouent aux montagnes russes, et les actions partent dans tous les
sens, voire dans aucun.
Loin de prendre ces comportements pour des défauts ou des déviances, il
vaut mieux les considérer comme les prémices d’une idée, à peine le début
d’un projet. Quand un cycle commence, la perception du futur est rarement
limpide, mais l’énergie fondamentale, dynamique, créatrice est déjà
présente pour rendre les choses tangibles. On a besoin alors de quelqu’un
pour nous aider à prendre de la hauteur, à élever notre point de vue afin de
changer notre niveau de conscience et de mettre de l’ordre dans nos idées.
L’absence de projet appelle souvent la présence d’un autre.
Selon les âges de la vie, les projets peuvent être de natures différentes.
Les enfants expriment assez facilement leurs rêves et leurs envies. À
l’adolescence ça se complique. Le projet adolescent pousse le jeune à
s’abstraire de l’enfance pour entrer par l’imaginaire dans le monde des
adultes. On peut parler ainsi de projet d’orientation. « Quel métier veux-tu
faire plus tard ? ». Le projet de vie, quant à lui, renvoie à un projet à plus
long terme. Il concerne un modèle de vie : célibat, vie conjugale, vie
maritale, militantisme, engagement caritatif, etc. Le projet scolaire, le projet
professionnel et le projet de vie constituent pour l’adolescent trois
perspectives possibles. L’adulte peut quelquefois se poser la question d’un
projet vocationnel qui est une façon par laquelle il entend se réaliser. Il
cherche à savoir quel type d’emploi il désire, quels genres de compétences
il souhaite développer au sein de son métier ou de sa profession, quel type
de mobilité lui convient maintenant. Non seulement l’adolescence et la vie
adulte sont soumises à l’impératif du projet, mais la retraite elle-même et
l’arrivée du troisième âge réclament que l’individu puisse prévoir et
aménager sa période d’inactivité professionnelle.
À tout âge, la vie nous projette vers l’avenir, nous amène à anticiper ce
que nous pourrions, devrions ou voudrions faire plus tard.
Un objectif SMART
Un objectif SMART est un objectif qui est formulé simplement (S), mesurable
(M), annoncé (A), réaliste (R) par rapport aux contraintes internes et externes,
et temporisé (T) c’est-à-dire avec une date butoir.
Le coach vérifie avec son client que l’objectif à atteindre préserve son
épanouissement et celui de ses proches. Autrement dit, que son projet est
écologique pour son environnement social.
L’écologie du projet
Que vas-tu gagner dans ce projet ? Que vas-tu perdre ? (Es-tu prêt à perdre cela ?)
Exemple : toi qui veux devenir manager, es-tu prêt à défendre auprès de tes collaborateurs un
projet auquel tu n’adhères pas complètement mais qui t’est imposé par la direction ?
Le coach poursuit son travail d’aide à l’anticipation : « Imagine un plan
de repli et ce que tu ferais si ton projet n’aboutissait pas. C’est ce qu’on
appelle la MESORE (MEilleure SOlution de Rechange en cas d’Échec), un
peu comme la roue de secours que l’on garde dans le coffre de sa voiture.
On n’a pas envie de se retrouver avec un pneu crevé, mais si ça arrive, on
peut encore faire quelques kilomètres jusqu’à la prochaine station-
service. »
Pendant tous ces échanges, le coach utilise principalement les questions
ouvertes (comment, pourquoi, c’est-à-dire…) et la reformulation.
Cette passion du début doit être alimentée, sans quoi elle risquerait de
s’épuiser. Les sentiments et les émotions du coaché alternent entre joie de la
réussite naissante, plaisir de créer, d’innover, et le sentiment de colère dû
aux difficultés qui apparaissent inévitablement sur son chemin. Ses pensées
sont focalisées sur le but et l’objectif. Sa capacité d’attention aux autres est
réduite. Il vit à cent pour cent pour son projet ! Il a du mal à trouver le bon
rythme, à équilibrer sa vie personnelle et sa vie professionnelle, à prendre
un peu de temps pour se ressourcer. Comme un enfant qui fait ses dents, il a
envie de toucher à tout, de tout essayer, de mettre les doigts dans la prise
électrique sans se rendre compte du danger. Ouïe ! ça pique. Alors il hésite,
oscille entre témérité et passivité. Mais c’est en forgeant qu’on devient
forgeron lui dit le coach.
Le rôle du coach
Le coach vérifie avec le coaché que le plan d’action construit à l’étape
précédente donne des repères suffisants. Il manifeste de façon répétée sa
confiance dans la qualité du projet du coaché. L’Homme de l’art accueille
avec bienveillance les changements d’émotions, les sautes d’humeur de son
poulain. Il sait ce que signifie endurer, durer, et s’armer le cœur pour un
long et beau voyage. Il partage avec le coaché, mais de façon bien dosée,
l’exaltation de ce début de printemps. La joyeuse communication et la
persévérance ne sont-elles pas nécessaires pour gérer un projet qui prend de
l’ampleur ?
Le coaché a besoin d’être rassuré sur sa capacité à bien faire. Il a besoin
et envie de produire dans les règles de l’art et selon des normes établies. Il
est prêt à écouter les conseils de ses maîtres. Selon ses compétences, le
coach ou le maître donnera une formation sur comment faire tout en
encourageant le coaché à agir par lui-même, à faire des expériences
nouvelles et donc à prendre le risque de se tromper. C’est en faisant qu’on
apprend. Le bon geste s’acquiert avec la répétition.
Le coach entame un double mouvement, un peu comme le fait le coaché.
Chez ce dernier, c’est un mouvement d’élan et de stagnation. Le coach, lui,
alterne le lâcher-prise « J’ai confiance dans ce que tu construis » et le
maintien de la vigilance sur les points de contrôle nécessaires. Il est attentif
à ce que son client ne s’écarte pas trop du cap. Il sait que le planning doit
être flexible pour se garder de la marge, faire les réglages et les ajustements
nécessaires. Le coach en informe le coaché au bon moment.
Conseils au coaché
Le coaché a besoin de s’en tenir au planning d’activités prévues, de
respecter le cahier des charges et le timing du projet. Il accepte la rencontre
avec le coach lors des points de contrôle périodiques qui permettent
d’évaluer l’avancement des travaux (trop rapide ou trop lent ? faut-il
ajuster ?). Il accepte les mesures correctrices à mettre en place que lui
suggère le coach. Cela demande au coaché de réelles capacités d’adaptation
et de flexibilité. Mais c’est un bon apprentissage du dosage entre rigueur et
souplesse.
Cet exercice en grandeur réelle l’amène régulièrement à se repositionner
et à rectifier certains paramètres de son projet. L’action entraîne des erreurs
qui sont des sous-produits naturels de toute innovation. Le droit à l’erreur
est essentiel à cette étape. Le coaché sait qu’il est permis de se tromper et
de recommencer. Mais pour être suffisamment à l’aise avec ses bévues, il
faut qu’il sache solliciter des conseils, accepter des recommandations, et
demander de l’aide quand il sent que les ressources viennent à manquer.
Demander, Ah demander ! N’est-il pas plus facile de donner ou de garder
que de demander ? La demande nous met en position de faiblesse vis-à-vis
des autres et nous expose à un refus possible. Dans tous les cas, le coaché
apprend à assumer la responsabilité de ses actes et des conséquences sur les
autres. Il grandit.
La troisième étape est souvent la plus longue du cycle d’Hudson. Selon la nature du
projet, elle peut durer plusieurs jours ou quelques années. Coach et coaché
sentent que le projet s’enracine, que la progression est certaine même si elle
est lente, graduelle et non linéaire. Avec la patience, la constance et la
capacité à tenir dans la durée, le projet avance avec efficacité. Ce qui a été
mis en route à l’étape précédente commence à porter ses fruits. Le coaché
peut récolter et déguster les produits de sa réussite.
Épanouissement du projet
Exemple
De nouveaux clients se sont manifestés : « On m’a parlé de vous, alors je viens vous voir ».
Durant cette étape le coaché porte un intérêt croissant pour les systèmes
de valeurs et les principes moraux des autres. Il commence à nouer des
alliances nécessaires et fédératrices autour de son projet qui attire du
monde. Il ressent un véritable alignement intérieur : ses idées, ses valeurs,
ses croyances, ses actions et la réalisation sont en phase. C’est cohérent et
solide. Il se sent en parfaite adéquation avec la situation. L’expérience
acquise lui donne maintenant la capacité de réagir avec davantage de
spontanéité. Il se sent pousser des ailes !
Une sensation de félicité extrême
Certains grands sportifs parlent du flow, cette sensation de félicité extrême où
tout mouvement est facile, juste, efficace, où tout est harmonie entre l’intérieur
d’eux-mêmes et l’extérieur, entre le mental et le physique, entre l’Un et
l’Universel. C’est comme s’ils se glissaient sans effort dans un courant porteur,
comme s’ils acceptaient d’être modelés par la situation tout en prenant un recul
bénéfique.
La procrastination à l’étape 3
Laurent est en huitième année de médecine. Il fait sa spécialisation dans le service de
rhumatologie, une discipline qu’il adore. Dans le grand hôpital où il poursuit ses études et ses
recherches, son Professeur le presse de soutenir sa thèse. Il est temps maintenant ! Mais rien
n’y fait. Laurent brûle de passion pour sa matière, multiplie les gardes de nuit, se plonge à
corps perdu dans la lecture d’articles scientifiques. Mais son doctorat stagne, la rédaction de
la thèse est au point mort. Autour de lui on se questionne, ses parents s’inquiètent… Pourquoi
ne boucle-t-il pas ses études alors qu’il a presque terminé ? Ce report dans la vie active ne
masque-t-il pas un manque de confiance en soi pour exercer le métier de Docteur en
rhumatologie à temps plein et sortir du confort – relatif – de la vie d’étudiant-chercheur ?
Le troisième écueil dans cette étape 3 est l’épuisement qui guette les
héros perfectionnistes. Tant que le coaché héroïque peut faire mieux et plus,
il ne s’arrête pas. Tant que tout n’est pas fini il ne sait pas se détendre. Il y a
encore tant de choses à faire avant d’atteindre la perfection.
À la fin de l’étape 3, heureusement tout est accompli. La saison des
moissons et des récoltes se termine, l’automne va arriver. Que deviendra le
projet maintenant qu’il est achevé ? Contient-il en germe sa propre
transformation ou un événement extérieur viendra-t-il semer le trouble dans
cette œuvre aboutie ?
ÉTAPE 3
Les signes observables chez le coaché
Comportements du coaché
• Des clients ou des personnes intéressés par le projet viennent le voir.
• Il a un début de retour sur investissement : il récolte les premiers fruits.
• Il remet en question la manière d’agir d’autrui, y compris celle de ses
maîtres, de son coach et de ses mentors.
• Il affronte les autorités qui le gouvernent. L’opposition au coach est un
symptôme typique de cette étape. Le coach doit considérer ces
contradictions de façon positive.
• Il apprend à développer un style personnel, bien à lui.
Pensées
• Le professionnalisme est acquis, alors il pense à une délégation possible, à
une transmission éventuelle.
• Il s’intéresse au système de valeurs des autres, aux principes moraux.
Symptômes physiques
• Problème de dos, surtout le haut du dos. « J’en ai plein le dos de ceux-là. »
Besoins du coaché
• Faire les choses différemment des autres.
• Discuter, contester, exprimer son désaccord.
• Apprendre une morale, des manières ou des valeurs nouvelles.
• Sa préoccupation principale : « Il faut que ça marche ! »
Réponses du coach
• Le coach travaille sur le processus, c’est-à-dire sur le « comment faire ». Il
est entraîneur ; ensemble ils répètent. Le coach travaille beaucoup sur la
compétence et la performance avec son client.
Permissions à donner au coaché :
• Encourager à penser avant d’agir.
• Encourager à faire confiance à ses sentiments pour se guider.
• Encourager à agir comme il l’entend.
• Encourager à être en désaccord.
• Encourager à se différencier, à avoir une façon personnelle de faire.
4
STOP !
La lassitude et le désintérêt
L’usure ou la dégradation lente de la situation engendre une fatigue du
corps et de l’esprit. La lassitude ou le désintérêt s’invitent en nous. Après
l’abondance et la profusion qui étaient l’aboutissement naturel et souvent
heureux d’une réalisation, il est juste de s’arrêter, même si la tristesse pince
un peu le cœur.
Cette sensation de lassitude, le sentiment d’usure, de perte de motivation
sont des symptômes courant chez les jeunes qui viennent de passer un
examen après des mois d’études.
L’arrêt brusque
Quelquefois la fin du projet arrive tel un couperet : perte soudaine d’un
emploi, coupe budgétaire immédiate, événement imprévu qui signe le coup
d’arrêt du projet. Une situation hors norme ou imprévue vient tout
bouleverser. D’un seul coup la lumière s’obscurcit, on rentre dans une
période sombre dont on n’est pas responsable.
Tremblement de terre
Depuis de longs mois Julien préparait le trekking de ses rêves dans l’Himalaya. Le jour de
son départ un puissant tremblement de terre dévaste une partie du Népal. L’agence lui
annonce que le trek est annulé. Quelle déception !
Les ruptures, les arrêts ou les fins nous renvoient toujours à notre propre
fragilité. Que peut dire le coach à celui qui est dans la peine ? Pour bien
aider l’autre dans cette étape 4, il est souhaitable que le coach ait déjà connu
lui-même des frustrations et réussi à dépasser ses échecs.
Échec ?
Le journaliste – Vous n’avez jamais dû connaître l’échec, vous ?
Le ministre1 – Je pourrai vous en citer quinze ! Tous m’ont été très utiles.
Le coaching équanime
Le coach est là aussi pour éclairer et alerter fermement le coaché s’il estime
qu’il va dans une mauvaise direction. Cette faculté de passer de la
bienveillance à l’implacabilité, et réciproquement est le propre d’un coach
équanime. Cette qualité demande de la souplesse et de la fermeté. Le coach
équanime sait que la vie n’est qu’ondulations, impermanence et surprises.
Toute rupture, toute fin, toute perte d’un projet ou d’un espoir entraînent
un processus psychologique qui va permettre de dépasser la douleur de la
perte. C’est la fonction du deuil.
ÉTAPE 4
Les signes observables chez le coaché
Comportements du coaché
• Pratiquement aucun signe extérieur (phase intra psychique)
• En quelques mois, on peut voir une forte baisse forte de motivation.
• Le coaché rentre massivement dans ses comportements de stress.
• Retrait sur soi-même, dépression, apathie soudaine ou rapide.
Sentiments
• Surprise, voire effondrement si l’arrêt est subi et soudain.
• Désolation
Pensées
• Interrogation, doute, idées noires.
Les deux types de rupture :
• Rupture physique : « J’étais sur un projet. Le projet est terminé et
maintenant j’arrête. »
• Rupture psychologique : le coaché commence à s’ennuyer. Phénomène de
lassitude, de déprime, de perte et de démotivation.
Besoins du coaché
• Soutien inconditionnel dans l’ordre des choses.
• Être accepté et soutenu inconditionnellement.
Réponses du coach
• Protection : écoute passive (être là, à ses côtés) et écoute active
(reformulation).
• Permission : de changer, même brusquement.
• Aider à faire prendre conscience que c’est vraiment fini.
• Explorer la façon dont la personne vit la rupture : choisie, subie, anticipée,
décidée…
Remarque : la rupture peut arriver aux étapes 1, 2 ou 3 et, selon l’intensité de
l’étape 4, le deuil (étape 5) sera plus ou moins difficile.
5
TRAVERSER LE DEUIL DE L’ANCIENNE
SITUATION
On ne devrait pas dire mon projet est mort car la disparition ne représente qu’un
instant, mais dire comme les enfants, il a mouru. Cette simplicité de
langage nous rappelle que la fin d’un projet ne dure qu’un instant. C’est la
suite qui est plus longue. Le terme « deuil » peut paraître parfois intellectuel
alors qu’il est avant tout émotionnel. Quand on perd un espoir ou une
personne chère, on ressent du désarroi. C’est pour cette raison que le coach
doit montrer un grand respect pour cette perte, et accepter de ne pas avoir
toutes les réponses aux questions que le coaché va se poser. Chaque deuil,
chaque fin d’histoire est une affaire personnelle. Il n’y en a pas deux qui se
ressemblent.
Le deuil
LE DEUIL ET L’ATTACHEMENT
Il est difficile de parler de deuil sans parler d’attachement. Que ce soit vis-
à-vis des personnes ou vis-à-vis des projets, cette notion d’attachement est
capitale à comprendre pour le coach. On peut distinguer deux sortes
d’attachements : l’attachement d’amitié et l’attachement passionnel.
L’attachement d’amitié
Si vous avez un grand ami, il y a des similitudes entre vous et lui. Vous avez
les mêmes intérêts, les mêmes valeurs, les mêmes points de vue ou les
mêmes perspectives sur la vie. Vous vous sentez à l’aise avec cet ami.
Cependant chacun reste autonome et la dépendance entre vous deux est
relativement faible. On cherche dans l’autre ce qui n’est pas en soi, ou on
cherche en l’autre ce qui est en potentiel dans sa personnalité. Dans
l’attachement d’amitié, l’autre personne fait partie de moi, devient une
expansion de moi-même. De même avec les projets, il y a des similitudes
entre moi et mon projet. J’ai investi une grande partie de mon temps et de
mes ressources dans mon projet. Mon projet c’est un peu de moi-même.
L’attachement passionnel
Lorsque deux personnes ont l’impression de devenir un, on peut parler
d’attachement passionnel. Alors on idéalise l’autre, on l’entoure de ses
rêves. L’amour passionnel est tellement fort qu’on dit souvent qu’on ne se
marie pas avec les personnes mais avec l’image qu’on se fait d’elles.
Quelquefois, le projet que nous avons réalisé ou la fonction que nous
avons occupée sont confondus avec ce que nous sommes. On est dans une
fusion totale, absolue avec le projet. « Je suis ce que je fais, ma réalisation
et moi ne faisons qu’un. »
L’attachement passionnel comporte un aspect de possession qui nous
pousse à nous investir. Car l’être humain a une grande capacité à s’attacher
aux choses, à leur donner du prix, et à leur attribuer une charge symbolique.
QUE SIGNIFIE FAIRE SON DEUIL ?
Le deuil n’est pas une maladie mais un événement de la vie. Quand nous
perdons quelque chose, quelqu’un ou un projet, nous sommes amputés de
l’investissement psychique que nous avions mis dans cet être ou ce projet.
L’intensité et la durée d’un deuil sont alors proportionnelles à cet
investissement.
Faire son deuil c’est arriver à se dégager de l’idéal qui s’attachait au
projet ou à l’objet perdu, et cette séparation – ce deuil – fait mal. « Pas de
gain sans chagrin » disait Jane Fonda. Faire son deuil signifie traverser et
dépasser le stade de la douleur. C’est pourquoi ce phénomène normal de la
vie doit être transitoire.
La grand-mère et le smartphone
Un jour, une dame présente son fils de onze ans à un ami coach. Elle lui dit : « Il y a quelque
chose qui ne va pas avec mon fils. Quand il a perdu sa grand-mère l’an dernier, il n’a presque
pas pleuré. Et maintenant il a cassé son smartphone et il est inconsolable. Il doit y avoir
quelque chose qui ne tourne pas rond chez cet enfant-là ».
– Mais non ! La grand-mère, il l’aimait plus ou moins. Elle le taquinait souvent. Il n’avait pas
de relation très profonde avec elle. Mais son smartphone, c’était son lien avec le monde des
amis. Il se levait le matin avec. Son smartphone ne lui disait jamais de méchanceté, ne lui
faisait jamais de remontrance. C’est sûr qu’une grand-maman vaut plus qu’un téléphone.
Mais cet enfant de onze ans avait investi plus de lui-même dans cet objet que dans sa grand-
mère.
Le piège de la substitution
Lorsqu’après la fin d’un projet, la personne se précipite sur un autre projet
avant d’avoir digéré la fin du précédent, on parle de phénomène de
substitution. C’est dommageable car cette précipitation escamote les
phénomènes biologiques naturels qui prennent du temps pour réorganiser le
corps et l’esprit durant le deuil.
Problème d’impôts
Trois ans après la création de son entreprise, Hervé dépose le bilan. Brillant commercial, il est
piètre gestionnaire et a méconnu l’importance de payer ses impôts à temps. À peine la faillite
prononcée, il recrée une autre entreprise dans le même secteur d’activité, avec le même élan
commercial et les… mêmes lacunes en matière de gestion administrative.
Deux ans plus tard, il est condamné sévèrement par le tribunal de commerce pour une
deuxième faillite.
LE RÔLE DES PROCHES ET DU COACH
Il n’est pas normal que les deuils se fassent si souvent dans les cabinets
des psychologues. Si la personne avait une oreille amie pour l’écouter,
quelqu’un qui l’entoure et lui tende une main amicale, elle n’aurait pas
besoin de payer un spécialiste. Mais comme les communautés sont de plus
en plus disloquées il faut faire appel à des professionnels. Les coachs sont
aussi là pour ça.
Le rôle de l’entourage
Une autre condition est d’avoir une communauté qui nous accueille, nous
reçoive, nous entoure, nous accompagne, sans nous envahir mais sur
laquelle nous pouvons compter, avec qui nous pouvons parler et nous
raconter. Si on surprotège les gens et on ne les aide pas à entrer dans leur
souffrance, le deuil va être beaucoup plus long. En ce qui concerne les
enfants, aidez-les à affronter la mort, celle du poisson rouge, de la souris
blanche ou des mouches sur le carreau. Bien sûr, il ne faut pas les forcer.
L’essentiel, c’est de faire comprendre que la mort et la perte de ce que l’on
aimait fait partie de la vie. Plus on cache la mort et plus on développe
l’anxiété.
Revenons à Enzo
Au déjeuner Papi et Mamie lui demandent :
– Ça va mieux mon chéri ?
– J’l’aimais bien ma boussole.
– Oui tu l’aimais bien ta boussole. (Silence…)
– (Silence d’Enzo). C’est toujours comme ça quand on perd quelque chose qu’on aime bien ?
On est toujours triste d’abord, et après ça va mieux ?
– C’est souvent comme ça mon trésor. Après les bisous et un tour à l’atelier de Papi, ça va
toujours mieux.
– C’est bien l’atelier de Papi !
Un homme pressé
Touché par un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2009, Christian Streiff, alors patron de
Peugeot Citroën, dirige deux cent mille personnes à travers le monde. Il voit sa vie basculer.
Son corps est intact, il l’a échappé belle, mais le fonctionnement de sa mémoire est touché, et
sa vie d’avant profondément remise en question.
Cet homme, l’un des plus puissants patrons de France à l’époque, raconte son expérience et la
reconquête de sa vie dans un beau livre, J’étais un homme pressé. Obligé de quitter son rôle
de capitaine d’industrie, l’homme continuera malgré tout à se projeter dans l’avenir et trouver
un sens différent à son existence : parcourir la France à pied, traverser le Pacifique à la voile,
redécouvrir la nature en solitaire, retrouver le temps de vivre avec les autres. Ce livre raconte
son retour vers des passions simples qui avaient été progressivement chassées de sa course
d’homme pressé. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, Christian Streiff a retrouvé la
souvenance des mots et recommence une carrière dans l’industrie, mais il protège désormais
un temps pour ces autres facettes de lui-même que l’AVC lui a donné la chance de
reconquérir.
Une fois qu’on a pris une certaine distance avec le deuil, le coach peut
demander au coaché : « Qu’est-ce que cette perte vient faire dans ta vie ?
Est-ce que tu peux lui donner un sens ? » Car le plus grand besoin d’une
personne, c’est de savoir quel est le sens de sa vie.
Cela peut paraître surprenant dans nos sociétés très compétitives, où
l’ambition, la motivation, le challenge et la réussite des gagnants sont
valorisés. Dépasser les rancœurs, aller de l’avant malgré les méchancetés de
la vie, est un travail de réconciliation et de pacification qui va à l’encontre
d’une certaine façon de vivre aujourd’hui. Pardonner est devenue une vertu
oubliée.
Mais à quoi sert de pardonner ? Pourquoi et à qui pardonner ?
Pardonner, au niveau d’un groupe ou d’une société, c’est donner à
l’individu, inlassablement, une occasion de croire en lui-même, de retisser
le lien de reconnaissance, de faire la paix avec soi, moteur de toute prise de
conscience et de tout changement. Edgar Morin écrit : « Pardonner, c’est
résister à la cruauté du monde. (…) Renoncer au cycle infernal vengeance-
punition est tout le problème de la civilisation ». La gratitude et le pardon
sont « le pari sur la possibilité de transformation et de conversion au bien
de celui qui a commis le mal ». Accorder le pardon et exprimer sa gratitude
enlèvent ce qui reste de colère dans le deuil. « Il faut aller plus loin que la
justice. Il faut arriver au pardon, car sans pardon il n’y a pas de futur »
disait Desmond Tutu, l’archevêque du Cap en Afrique du Sud, en parlant de
ce qu’il s’est passé dans son pays. Cette phrase nous montre le chemin et
donne son vrai sens à nos réconciliations. À condition bien sûr de ne pas se
résigner à la séparation et de vouloir continuer à avancer.
Mais le pardon n’est pas une œuvre simple. Il demande courage et
équilibre pour trouver l’attitude juste et qui ne soit pas faiblesse. Il est alors
compréhensible que les personnes qui ont subi un acte injuste – ou perçu
comme injuste – soient moins portées au pardon et à la gratitude.
L’au revoir
Pour pacifier son cœur et repartir serein vers de nouveaux projets, le coach
peut demander au coaché de procéder au rituel de la lettre. Dans quelques
jours, le coaché écrira une lettre à celui ou ceux qui sont la cause de l’arrêt
de son projet, même les destinataires les plus irréels, même les plus
fantasques ou les plus improbables. Le coach encouragera le coaché à
imaginer à qui il pourrait en vouloir, y compris lui-même ou une partie de
lui-même. C’est le cas par exemple quand les projets se sont arrêtés par
lassitude ou épuisement de motivation. La lettre commencera par tous les
griefs, reproches, rancœurs que le coaché a ressenti et ressent encore
aujourd’hui. Puis il termine sa lettre par une note positive. À lui de trouver
la tournure. Le coaché écrit sa lettre, la met sous enveloppe, indique
l’adresse si le destinataire est connu, et va la brûler quelque part dans la
nature. Les fumées emportent dans le vent les griefs ainsi que le
renouvellement dans la confiance en la vie. Si ce rituel est insuffisant, le
coach demandera au coaché de recommencer avec d’autres personnes avec
qui il a besoin de pacifier son cœur.
Quand ces actes symboliques sont réalisés, le coach, le coaché et son
entourage peuvent se retrouver pour fêter la fin de l’hiver. Une étape se
termine.
Fêter la fin
Par analogie avec les rites funéraires, la fin d’un projet mérite qu’on le fête,
même si le projet ne s’est pas terminé de façon heureuse. C’est le temps de
l’accompli, celui qui peut se transformer en rite, puis éventuellement en
mythe. Car pour terminer un deuil, on a besoin d’une manifestation sociale
qui indique aux autres que maintenant c’est terminé, la page est tournée, la
vie reprend le dessus. Dans toutes les cultures du monde, les rituels de fin
se terminent par un repas. À travers la nourriture, l’humain signifie qu’il est
temps maintenant de reprendre vie. C’est bon, joyeux, et ça passe par la
bouche ! Les pots, les fêtes sont des moments de retrouvailles – avec soi-
même en particulier. On invite les amis, on se réjouit. On évoque les bons
moments passés ensemble pendant le projet. Quand nous arrivons à cette
étape, nous pouvons nous remercier de tout ce qui a été accompli.
ÉTAPE 5
Les signes observables chez le coaché
• Nostalgie, rituels, passe-temps, retour sur les lieux.
• Déni, colère, dépression, peur, marchandage.
• Manifestation des sentiments parasites, de manifestation de stress.
Besoins du coaché
• Être entouré et soutenu par la présence d’un entourage bienveillant et
compatissant.
• Savoir que le processus de deuil est normal et demande du temps (d’où les
rituels).
Réponses du coach
Protection
• Ne pas griller les étapes et sortir trop vite du deuil. Le coach devrait parfois
freiner le coaché qui veut se remettre trop vite dans l’action d’un nouveau
projet.
• Ne pas « voler » le deuil à l’autre : « Mais non, t’en fais pas. Tu verras ça
passera ! »
• Pour le coach, c’est important d’avoir une grille d’accompagnement
des étapes du deuil.
Permission
• Respecter la phase de déni. Le coach ne fait pas comme s’il ne s’était rien
passé.
• Écouter et accepter la colère et sa libre expression.
• Compatir sincèrement et entendre avec le cœur.
• Rester serein devant l’ordre des choses, du cycle de la fin,
du recommencement.
• Ne pas redonner de faux espoirs.
• Prendre le temps nécessaire pour digérer la perte.
• Exprimer et explorer les sentiments associés à cette perte.
• Faire des rituels de deuil : pots de départ pour partir en bon terme, visite
une dernière fois du lieu que le coaché à longtemps occupé, etc.
• Orienter le travail de la perte. « Qu’est-ce que vous gardez, que vous
héritez de la situation passée ? »
6
ÉTABLIR LE BILAN
Après l’examen
Estelle a eu son Bac avec mention très bien au mois de juin. Elle a retrouvé les copains et
pendant deux jours ils ont fait la fête. Quelle joie !
Après quelques jours d’errance, elle se réveille un matin et brusquement s’assoit à son bureau.
C’est ici, sur ce siège qu’elle a passé tant de jours à réviser. Elle prend une feuille de papier
blanc, tire un grand trait vertical. Dans la colonne de gauche : « Ce que je referais à
l’identique si je devais repasser le Bac », à droite « Ce que je ferais autrement ». Au dos de la
feuille, elle ajoute l’enseignement qu’elle tire de cette expérience.
PRÉPARER LE BILAN
LE PROTOCOLE DE DÉBRIEFING
Exercice de débriefing
• Notez tous les événements liés à la situation passée, les expériences vécues comme
agréables, celles vécues comme désagréables.
• Notez tout ce que le projet vous a permis de réaliser (vos actions concrètes), de vivre et
de se ressentir (sur vous, sur les autres, sur le monde, votre métier, la vie).
• Notez les ressources et les aides que vous avez dues mobiliser pour traverser cette
situation.
• Quels points forts vous ont été utiles dans ce projet ? Quels points faibles sont apparus ?
• Notez ce qui pourra être reproductible dans ce que vous venez de réaliser.
• Notez ce qui ne pourra pas être pérenne dans ce que vous venez de faire.
• Notez les zones qui vous paraissent floues dans ce que vous avez accompli.
Le tambourin des émotions s’est tu. La raison a calmé le désordre. Le coaché peut
se reposer, laisser décanter et savourer le travail accompli. La mue se
prépare dans le calme, changement de forme sans modification de fond. Ce
qui a vieilli va être remplacé sans regret par le nouveau, on le sait et nous
nous en réjouissons d’avance. Ces moments de tranquillité sont propices
aux rêveries et aux errances. Nous nous intéressons à tout ce qui est
intérieur, invisible, inconnu, à venir. Un peu de mélancolie ? Un sentiment
d’égarement ou une incapacité à décider ? Bons signes !
Mais comment accueillir le neuf, le rêve, source de l’étape 1 quand tout
est rempli, qu’il n’y a plus de place dans notre vie ? Oh ! Que c’est difficile
pour certains d’entre nous. Notre société de la mobilité et de la vitesse
n’aime pas le non-agir, signe de paresse et de fainéantise. Le repos, c’est
juste le contraire de la performance. Or notre corps a sa propre temporalité
et l’intégration prend du temps. Apprendre à être cool, c’est tout un art. En
farniente c’est comme tout, il faut savoir doser l’effort ! À l’étape 7 nous
sommes confrontés à une situation sur laquelle nous avons peu de prise et
devons apprendre à attendre.
SE REPOSER
3. Comment pourrais-tu te faire davantage de bien de manière saine (sport, détente, loisir)
et moins de manière nocive (fumer, boire, café, sucreries…) ?
Il faut redonner sa place à ces moments qui permettent la rencontre avec
l’imprévu. Les personnes qui ont une existence trop réglée par les habitudes
ont moins de chance de croiser les pistes de l’imprévu et les opportunités
qu’elles présentent.
Retour à la case départ ? À moins que…
Pour qu’une chose se termine, il faut qu’une autre chose commence – et
les commencements, c’est difficile à voir. L’ancien projet a vraiment
disparu et les nouveaux ne sont pas encore manifestés. C’est entre les deux.
Ce n’est ni un avant ni un après, ni un retour ni un aller mais un moment
suspendu : un réveil. Un nouveau cycle recommence et nous repartons en
étape 1.
Le chiffre 7 symbolise principalement l’achèvement d’un cycle et donc
intrinsèquement le début d’un autre. Cette notion d’achèvement, de
perfection et d’harmonie reste à la base des grands cycles humains. Le
rythme de pulsation de la vie humaine est de 7 ans : 7 ans est l’âge de
raison, de l’intégration dans la collectivité et l’accès à la socialisation. La
gamme de musique occidentale est composée de 7 notes de musique, l’arc
en ciel de 7 couleurs, les chakras orientaux sont au nombre de 7, la semaine
compte 7 jours.
Mais quelquefois, la grande roue du changement patine dans son ornière.
Le coaché a fait le tour de la question plusieurs fois, gravi les échelons de la
hiérarchie, obéi à Papa-Maman, et fait plaisir à son conjoint. Mais là, ça
coince vraiment. Le doute s’installe et, malgré tous ses efforts, il n’arrive
plus à s’investir dans un nouveau projet. Un cycle matériel s’achève et
ouvre sur une autre révolution d’ordre spirituel. Rien de plus normal que le
7 soit aussi considéré comme le signe du temps cosmique, celui qui décide
de l’évolution fondamentale de l’Être. Il est venu le temps du 8, celui de
l’apocalypse et du retournement.
ÉTAPE 7
Les signes observables chez le coaché
• Une envie de se reposer.
• Une envie de tourner la page et de recommencer autre chose.
Besoins du coaché
• De se poser, de se reposer.
• D’assimiler toutes les étapes précédentes.
• De laisser le temps faire son œuvre de transformation silencieuse.
Réponses du coach
Protection
• Il met en garde le coaché contre une reprise trop rapide d’un nouveau
projet.
Permission
• De prendre son temps car ce temps de repos est un investissement, pas
une perte de temps.
• D’errer sans objectif.
• De se laisser interpeller et pénétrer pour de nouvelles rencontres.
8
LA REMISE EN QUESTION
Quelquefois, sans trop savoir pourquoi, le doute s’installe en nous. On est poussé
de l’intérieur à remettre en question les certitudes qui autrefois nous
animaient. Ces phases de doute sont fréquentes dans les moments de
bascule de la vie : l’adolescence, l’arrivée d’un enfant, les changements
professionnels majeurs, l’âge de la retraite, la perte d’un être proche, ou tout
accident grave.
Ces doutes et ces questionnements sur le sens de la vie sont de nature
intrapsychique. Cependant ils peuvent se manifester extérieurement de
diverses manières. Voici l’exemple d’une telle transformation relatée par un
formateur en entreprise.
Le doute
TROUBLES ET TOURMENTS
LE TRAVAIL DU HÉROS
Pour tout héros, la première étape consiste à entrer dans les ténèbres de soi.
C’est le début de la traversée du désert décrite de multiples manières par
toutes les traditions initiatiques. Tout est à faire, on perd espoir, la lumière
s’obscurcit. C’est une situation où le désordre s’accroît et atteint son
maximum. On n’est pas responsable de ce qui nous arrive, mais il faut
apprendre à se protéger des dangers de cette période sombre. Il est alors
conseillé d’agir avec prudence sans forcer les choses.
Le psychanalyste Donald Winnicott parle des « agonies primitives » qui
sont des sensations terrifiantes que le petit bébé ou l’enfant ressent lorsqu’il
est en insécurité ou violenté. Lorsque quelqu’un a vécu un traumatisme, la
seule trace psychique qui reste est la peur de le revivre. Cette peur de
l’effondrement, comme l’appelle Winnicott, est redouté à tel point que nous
faisons tout pour l’éviter, y compris ce qui nous ferait le plus grand bien
aujourd’hui. Le travail de résilience consiste justement à traverser cette
frayeur en conscience et d’en sortir héroïquement. Le héros est celui qui
revient de son voyage avec la force d’avoir traversé sa peur.
« Certes ce n’était pas la première fois que l’achèvement d’une entreprise de longue haleine
le laissait vidé et épuisé, proie facile du doute et du désespoir. Mais il était certain que l’île
administrée lui apparaissait de plus en plus souvent comme une entreprise vaine et folle.
C’était alors que naissait en lui un homme nouveau, tout étranger à l’administrateur. Ces
deux hommes ne coexistaient pas encore en lui, ils se succédaient et s’excluaient, et le pire
danger eût été que le premier – l’administrateur – disparût pour toujours avant que l’homme
nouveau fût viable. »
La posture du coach
Le coach doit manifester une attitude profondément bienveillante et
accueillante. Il est conscient qu’il va à la rencontre des parties profondes du
coaché, même les plus étranges, même les moins propres. Il se prépare à
accueillir ce qui arrivera. Il manifeste toute son empathie et ses
encouragements. « C’est important que tu sois là, tel que tu es. Je
t’accueille comme tu es, avec tes joies et tes fardeaux. Fais ce que tu peux,
et si tu ne peux rien faire, réjouis toi simplement d’être avec nous. » Le
coach incite le coaché à se laisser modeler par le doux, à être façonné par la
situation. Les qualités de patience, souplesse et endurance rendent fertiles
ces moments. Ce faisant, le coaché peut commencer à prendre du recul sur
ce qui le traverse.
Explorer activement et doucement les autres mondes
Maintenant que le coaché a pris du recul, qu’il s’est éloigné de son
environnement habituel et rapproché de lui-même, il est temps qu’il amorce
le mouvement inverse : aller vers le monde. Le coach l’incite à sortir pour
explorer l’extérieur avec un regard neuf, observer ce qu’il voit et ce qu’il
ressent dans cette nouvelle expérience. S’exiler un temps est un excellent
moyen pour retrouver son regard d’enfant.
S’entraîner au décalage
Le coach proposera de choisir une ou plusieurs activités décalées par rapport au quotidien
du coaché pour lui apporter des temps de respiration et vivre de nouvelles expériences
enrichissantes :
• Qu’y a t il à voir, à écouter, à sentir ou à découvrir de nouveau ?
• Y a t il des personnes qui ont vécu les mêmes choses que moi et qui en font autre chose
que ce que j’en fais, moi ?
• Que puis-je apprendre de nouveau ?
Le coaché va rencontrer de nouvelles personnes, découvrir de nouvelles activités et
d’autres façons de voir le monde.
• Quels regards les autres ont-ils sur la vie ?
• Quelles sont leurs expériences ?
Revenir et témoigner
À ce stade, le coaché a encore du mal à changer. C’est pourquoi le coach
utilisera un style directif avec le coaché : il lui précisera ses missions, les
formalisera, l’informera des obligations qu’il devra respecter : « Tu pars, tu
observes, tu reviens, tu me fais un rapport d’étonnement de ce que tu as
appris chez les étrangers et tu restitues à ton retour. S’il y a des choses qui
t’ont surpris, tu nous dis pourquoi. S’il y des choses avec lesquelles tu es
d’accord ou pas, tu nous dis aussi pourquoi ! » Plus le coach aide le coaché
à faire fonctionner conjointement ses pensées, ses émotions et ses certitudes
non vérifiées, plus il l’aide à élargir son champ de conscience.
Discernement et métamorphose
« Dans une époque troublée par le scepticisme et l’inquiétude, la recherche du sens est
primordiale.
De quel apprentissage avons-nous besoin pour rassurer l’âme inquiète ? Dans mon travail,
je l’ai appelé « l’apprentissage de l’errance ». Qu’est-ce que cela veut dire ?
Ce mot, « errance » est généralement connoté négativement. « Errer » signifie être perdu,
sans repères ni but. Est-ce vraiment de cela dont nous avons besoin ? Notre époque, si lourde
d’incertitudes et de dangers, a-t-elle vraiment besoin de cette errance ? Paradoxalement, je
dirais que c’est précisément parce que beaucoup de repères ont disparu que nous devons
aujourd’hui apprendre à vivre avec l’incertitude. L’apprentissage de l’errance débouche sur
des repères. Il me vient à l’esprit une histoire que des habitants des bords de la Loire m’ont
raconté sur ces fameux remous du fleuve qui provoquent la noyade du baigneur imprudent. Il
arrive en effet que parfois un tourbillon emmène le nageur et l’emporte à jamais. Mais ce
qu’ils disent est surprenant : ils disent qu’il ne faut pas résister au courant et essayer
désespérément d’y réchapper au risque d’épuiser toutes ses forces et de couler. Au contraire,
il faut accepter d’être emporté tout au fond et inévitablement, on finit par remonter et revenir
à un endroit plus paisible du fleuve sans autre dommage.
Dans une époque troublée par le scepticisme et l’inquiétude, la recherche du sens est
primordiale. Accepter de ne pas savoir, de chercher avec les autres sans être sûr du résultat
de la recherche, nous donnera la chance de découvrir des vérités primordiales. Le sens est là,
nous n’avons pas toujours besoin de clercs doctrinaires pour nous le donner. Ensemble, en
acceptant de naviguer en suivant notre conscience, notre intuition et notre intelligence
commune, nous pourrons trouver des réponses adaptées et justes. Dans une époque
d’incertitudes et de dangers, la tentation est grande de se raccrocher à des sens anciens, mais
peut-être probablement, ce retour en arrière nous ramène à des époques où régnaient le
fanatisme et l’intolérance. Peut-être l’incertitude d’aujourd’hui, est une chance si nous
savons l’accepter et entrer dans un processus de découverte. Visiblement, notre destin
d’aujourd’hui, c’est d’être perdus. Or l’acceptation de cette « perdition » est peut-être la clé
de notre sauvegarde. »
L’ESPRIT DE LA MÉTHODE
LA MÉTHODE ET LA MANIÈRE
Pour travailler l’échelle des valeurs, le coach peut utiliser deux méthodes
différentes : « les douze priorités dans ma vie », ou « la chek-list des valeurs
personnelles ».
Les douze priorités dans ma vie
Le coach demande au coaché de noter sur une feuille douze idées qui correspondent à ce
qu’il veut accomplir durant sa vie (par exemple : être propriétaire de son logement, faire le
tour du monde, devenir expert, etc.) et/ou ce qu’il veut que soit son mode de vie (vivre en
province, dans une grande ville, à l’étranger, privilégier les contacts avec les amis, etc.), ou
les grands engagements qu’il veut soutenir. Si le coaché a des difficultés à remplir la liste,
il peut partir de ce qu’il ne veut plus, ne supporte plus, et écrire l’opposé en termes positifs.
Le coaché recommencera cet exercice chaque jour pendant sept à dix jours sur une feuille
séparée et sans jamais relire ce qu’il a écrit les jours précédents. Une fois terminé, il
reprend ces sept à dix listes et note tous les éléments qui ont été cités chaque fois ou le plus
fréquemment. Il les hiérarchise pour en tirer trois ou quatre points saillants. Ces priorités
constituent son échelle de valeurs actuelles.
Accomplissement
Affection (amour et attention)
Aider la société
Aider les autres
Amitiés
Amour
Argent
Arts
Avancement, promotion
Aventure
Avoir une famille
Beauté
Bonheur
Célébrité
Changement et diversité
Collectivité
Combativité
Compassion
Compétence
Concurrence
Confiance
Connaissance
Conscience écologique
Contribution
Coopération
Courage
Créativité
Croissance
Décision
Défi physique
Démocratie
Développement personnel (utiliser la totalité de mon potentiel)
Diriger les autres
Écologie
Efficacité
Égalité
Engagement Estime de soi
Excellence
Expertise
Fidélité
Foi
Fortune
Fraternité
Gain financier
Générosité
Gloire
Harmonie intérieure
Honnêteté
Humilité
Indépendance
Influence sur les autres
Intégrité
Intérêt général
Intimité
Justice
Leadership
Liberté
Loyauté
Mérite
Nature
Ordre (tranquillité, stabilité, conformité)
Ouverture et honnêteté (pour son entourage)
Paix
Pays, Patriotisme
Plaisir
Position sur le marché
Pouvoir et autorité
Pratique et éthique morale
Problème et défis
Pureté
Qualité de ce à quoi je participe
Qualité des relations
Reconnaissance (respect des autres, statut)
Relations proches
Religion
Réputation
Respect
Responsabilité
Rythme de travail rapide
Sagesse
Santé
Sécurité
Sécurité de l’emploi
Sécurité économique
Sérénité
Service public
Simplicité
Situation géographique
Sophistication
Stabilité
Statut social
Statut intellectuel
Stimulation
Temps libre
Tolérance
Travail
Travailler avec les autres
Travailler seul
Travailler sous pression
Vérité
Victoire
LE MOMENT DE LA REDÉCISION
Quand l’énergie fondamentale, dynamique et soudaine émerge en un élan
créatif, les résultats sont souvent spectaculaires. On observe alors un
changement radical. La personne a une vision du monde profondément
transformée qui donne un sens nouveau à sa vie.
Le plus surprenant dans l’étape 9, c’est que souvent une seule valeur,
deux tout au plus ont changé de place dans l’échelle des valeurs du coaché.
Comme quoi de petits mouvements peuvent provoquer de grands
changements.
Nous pouvons abandonner nos conclusions archaïques et construire de
nouvelles convictions à partir d’une échelle de valeur revisitée. Nous
pouvons repartir de l’avant en harmonie avec notre environnement, en paix
avec nous, plein d’une énergie renouvelée. De nouveaux projets sont
possibles et nous sommes prêts à nous y engager.
Après un accident
Aurélie a subi un grave accident de moto. Quinze jours de coma, six mois d’hôpital et une
paralysie à vie de l’avant-bras. C’est pendant sa convalescence qu’elle a décidé de changer de
prénom. Elle se fait dorénavant appeler Claire.
« Être jeune dans la vieillesse, et vieille dans la jeunesse. Quand une personne vit pleinement,
les autres en font autant. »2
Méditation
Une femme de quarante ans raconte ce qu’elle a perçu pendant une séance de méditation :
« Je me voyais sur une barque en pleine mer, sous le soleil face à de multiples horizons. Je
pouvais aller absolument dans n’importe quelle direction. Il n’y avait qu’un seul problème :
c’était à moi et à moi seule de décider, je vivais ma liberté comme une véritable épreuve
initiatique.
Je sais désormais que je ne pourrai plus accuser quiconque du désordre ou du chaos que
j’éprouve à l’intérieur de moi-même. C’est à la fois Joie et Tristesse, Liberté et
Responsabilité. »
« Puisque je crée tout, je fais attention à ce que je crée. Étant donné que ce que je crée est le
reflet de mon âme, je prends soin de mon âme. »5
EXERCICES SPIRITUELS AU SERVICE DE SOI
En lisant cet ouvrage, vous avez pu hésiter quelques fois à vous situer entre
telle ou telle étape du cycle. Vous avez pu vous sentir à la fois dans une
étape et en même temps dans une autre, avoir du mal à vous positionner ici
plus que là. Vous vous êtes peut-être même retrouvé simultanément dans
plusieurs cycles, et pas forcément à la même étape pour chacun de ces
cycles. Rien de grave à tout cela. C’est même normal. Notre vie est
constituée de tellement de projets simultanés. Notre temps est consacré à
mille tâches différentes qui sont reliées à mille autres tâches réalisées par
mille autres personnes. Dans ce maillage collectif, nous avons parfois
l’impression que notre temps se fragmente et se désagrège. Nous ne le
maîtrisons plus et nous subissons plus que nous choisissons tous nos
microprojets.
Exemple de la vie quotidienne avec ses différents épisodes reliés à différents projets
7 h 30 : Camille a neuf ans. Ce matin elle est réveillée par Maman.
→ Cycle court que l’on pourrait appeler le cycle « une bonne nuit ». Étape 4
En se brossant les dents Camille pense à Mateo dont elle est amoureuse. Enfin elle ne sait pas
très bien… Mais qu’est-ce qu’il lui plaît ce garçon, il est trop beau !
→ Cycle « Et lui, il m’aime ? ». Étape 1
Et en même temps elle entend sa Maman qui l’appelle pour partir à l’école.
→ Brusque arrêt (étape 4) du cycle « Et lui, il m’aime ? » et début d’un autre cycle « prendre
le bus scolaire ». Étape 2
Pour naviguer dans les méandres de tous ces projets, rappelons-nous que
le cycle d’Hudson comporte deux grandes parties distinctes. Les sept
premières étapes portent sur des questions opérationnelles. Elles cherchent
des réponses aux questions comment et quoi. À travers des réalisations
tangibles, nous obtenons des gratifications et des signes de reconnaissance.
Ces sept étapes se rejouent bien des fois dans la vie, ou même dans la
journée. Parfois un cycle dure quelques heures, d’autres fois quelques mois,
voire quelques années. Mais à chaque fois, nous développons un savoir-
faire nouveau et nous progressons. C’est ainsi que nous développons des
compétences, et notre identité se trouve renforcée par ces réalisations.
Dans la seconde partie du cycle d’Hudson, des étapes 8 à 10, nous
questionnons le sens de la vie et le sens de notre vie. La question pourquoi
ou pour quoi est au cœur de la dynamique. Les réponses s’enracinent
profondément dans la façon dont chacun s’évalue et évalue les autres. Ces
évaluations en termes de « ça c’est bien ; ça c’est mal », c’est-à-dire en
termes de valeurs, nous apportent un sentiment de sécurité et de
prévisibilité de l’avenir immédiat et donne un sens au monde qui nous
entoure.
L’évitement de l’étape 1
Cet évitement est fréquent chez les gens qui privilégient l’action à la
réflexion. Ce qu’ils aiment : foncer ! Ce qui leur fait peur : s’arrêter et
réfléchir. Or réfléchir, c’est écouter plus fort1. Le coach va forcer l’aidé à
écouter davantage sa petite voix intérieure et le monde qui l’entoure.
L’évitement de l’étape 2
La procrastination est un symptôme typique de cet évitement. La personne
aidée n’arrive pas à passer à l’action. Le coach devra alors creuser dans
l’étape 1 les raisons objectives, personnelles, subjectives, inconscientes
peut-être, qui empêchent le client d’agir. Attention ! Le coach n’est pas
psychothérapeute à moins qu’il soit formé et dûment diplômé. Le fait de
fouiller dans l’intimité d’une personne peut provoquer plus de dommage
que de bien.
S’arrêter aux limites de l’intimité
Sarah est la coach de Bruno.
Bruno a demandé un coaching sur un aspect particulier qui lui pourrit la vie dit-il. À chaque
fois qu’il se retrouve au pied du mur2, il se sent bloqué, et incapable de passer à l’action.
Alors que la relation entre Sarah et Bruno se fait dans un cadre strictement professionnel,
Bruno avoue à Sarah, qu’avec les femmes c’est pareil, il n’arrive pas à passer à l’action.
Pourtant Bruno est apprécié de ses chefs. C’est un très bon technicien qui a plein d’idées et
qui sait mener des projets. Mais parfois ça bloque.
Sarah a fait des études de psychologie avant de se reconvertir au coaching. Dans l’entreprise
où travaille Bruno, elle a pris le temps de faire alliance avec lui et d’aborder les sujets perçus
par Bruno comme les moins menaçants. Une certaine relation de confiance s’est alors établie
entre eux. D’ailleurs Bruno se livre plus facilement depuis la dernière séance, il parle
davantage de sa vie personnelle, de ses hobbies, de ses passions, et aussi de ses… troubles.
Alors Sarah tente une question : « Bruno, quand vous êtes au pied du mur, que vous sentez
que ça bloque, à quoi ça vous fait penser comme scène de votre passé ? ». Et tout d’un coup
Bruno blêmit. Il se revoit en train de réparer son premier vélo. Il a six ans, n’arrive pas à
défaire la chaîne qui est coincée dans la roue, il appelle son père qui lui dit de se débrouiller
tout seul. Bruno se sent abandonné.
Fort de la confiance qu’il a en Sarah, il lui raconte cette scène. « Merci Bruno pour la
confiance que vous me témoignez. Je suis touchée par ce que vous me dites et ce que vous
montrez de vous. ». La séance de coaching s’arrête là. Sarah sait qu’elle est arrivée aux
limites déontologiques de son métier de coach. Elle n’est pas mandatée pour être la psy de
Bruno dans cette entreprise.
Quelques jours plus tard, Bruno la rappelle. « Sarah, il faut que je vous dise : la dernière fois
quand je vous ai raconté la scène du vélo, je ne m’attendais pas à ce que ça provoque autant
d’émotions en moi. J’ai compris que ça pouvait être la raison de mon blocage. Et bien
figurez-vous qu’hier, comme par hasard, j’ai lancé un projet qui traînait depuis deux
semaines. J’ai contacté les collègues, on a pris rendez-vous, et voilà c’est parti ! Maintenant
ça roule tout seul ! »
Sarah le remercie pour ce beau témoignage. Cependant elle n’est pas dupe. La psychologue
qu’elle est sait que la révélation d’une seule scène traumatisante est souvent insuffisante pour
corriger des années d’habitudes répétées. Et bien qu’elle ait fait en son for intérieur une
analyse beaucoup plus approfondie de la dynamique intra-psychique de Bruno, elle s’est
abstenue de toute intrusion dans le scénario de vie de son client. Elle est coach avec Bruno,
seulement coach, pas psychothérapeute.
Mais sa pratique lui a montré depuis longtemps que la vie a une puissance de réparation qui
continue de l’étonner et de l’émerveiller comme au premier jour.
L’évitement de l’étape 3
À peine commencé, aussitôt terminé. La personne ne montre aucune
persévérance. Soit elle s’arrête et retourne immédiatement en début de
l’étape 1, ou pire, au début de l’étape 2 d’un autre projet. Le travail
spécifique de l’aidant sera d’accompagner l’aidé dans la persévérance.
En panne sur la caisse claire
Magda a six ans. Elle est fan d’un groupe de musique anglais. Elle veut absolument faire de la
batterie comme la fille qui joue, là !
Sa mère a fait de la danse quand elle était jeune, et connaît les contraintes d’une discipline
artistique. Elle sait qu’avant que Magda ne joue comme la fille, là ! il faudra quelques années
de pratique.
Pour accompagner en douceur son enfant dans cette discipline ingrate au début, la mère l’a
inscrite à l’école de musique. Elle sait que les premiers signes de découragement viendront
avec les difficultés techniques qui correspondent souvent au creux de l’hiver. Alors quand
Magda s’assoit devant sa caisse claire, maman s’installe à côté de sa fille. Elle est là, juste
présente, ne commente pas encore la pratique de l’enfant, mais l’encourage avec parcimonie
et retenue.
En décembre, Magda veut tout arrêter ! « C’est trop dur ! J’y arriverai jamais… »
Maman est là, lui demande de rejouer les morceaux que Magda avait bien réussi. Maman lui
sourit, ne la force pas. Maman lui montre qu’elle a confiance en elle, que Magda peut prendre
le temps qu’elle veut pour réussir, et qu’un instrument de musique est astreignant.
Alors pendant une semaine, Magda fait la grève de batterie. Mais le lundi suivant, sans
prévenir, on entend d’abord un léger roulement de caisse claire, tout doux. Lent d’abord, puis
de plus en plus rapide, et enfin Magda qui braille en anglais à tue-tête comme la rockstar, là !
L’évitement de l’étape 4
À bout de souffle
Olivier a créé son entreprise à dix-huit ans. Il en a soixante-douze aujourd’hui et tient toujours
les rênes de la boutique. Sa boîte, c’est sa vie !
Mais sa boîte va de mal en pis. Ils ont été jusqu’à cent-trente employés dans les meilleures
années. Aujourd’hui, il ne reste plus que dix derniers vétérans qui espèrent tous arriver à l’âge
de la retraite avant que ça ne s’écroule.
Pourtant le fils d’Olivier, avec le soutien de sa mère, a tenté plusieurs fois de persuader le
père de céder la direction de l’entreprise alors qu’il était encore temps. Mais Olivier est têtu, il
n’a rien voulu entendre.
L’évitement de l’étape 5
L’évitement de cette étape – comme les autres étapes – peut avoir une
origine culturelle.
Du temps improductif ?
Les entreprises marchandes dénient souvent l’intérêt de la phase de deuil dans les projets
industriels. Dès qu’un projet est terminé (étape 4), on demande aux équipes de s’atteler
immédiatement à un nouveau projet (étape 1 ou 2). Faire le deuil est considéré comme un
temps improductif, et il n’est pas question de mettre des moyens et des budgets là-dessus.
L’évitement de l’étape 6
Cet évitement a souvent les mêmes causes que l’évitement de l’étape 1 : la
personne aidée préfère l’action à la réflexion.
L’évitement de l’étape 7
Le sommeil, cette petite mort…
Voici quelques phrases entendues par des coachs pour justifier un
évitement de l’étape 7 :
• Pas de temps à perdre ! La vie est si courte.
• Le temps c’est de l’argent. Et moi, j’aime gagner !
• Passer du temps à ne rien faire, à réfléchir ? Non. Moi, je préfère
l’action.
• Si je commence une sieste, je ne peux plus me réveiller. Et après je
ne suis que mollesse.
• Je n’ai pas besoin de repos. Je suis jeune et en bonne santé, et j’ai
toujours été un petit dormeur.
L’évitement de l’étape 8
Cette étape étant souvent confondue avec un passage dépressif temporaire,
le coaché a tendance à repartir dans un nouveau cycle plutôt que d’affronter
le doute qui s’invite en lui. Il consultera son médecin qui lui prescrira peut-
être des antidépresseurs.
Évitant ainsi l’étape qui lui aurait permis d’entamer un chemin
d’individuation3, la personne bifurque vers l’étape 7, ou repasse
directement à l’étape 1 ou 2.
L’évitement de l’étape 9
Écoutons les propos de Jessica, quarante-cinq ans, avant son travail avec le
coach.
L’évitement de l’étape 10
Exposer, c’est s’exposer. L’inspiration ne suffit pas. Il faut qu’elle s’incarne
dans la matière. Ex-primer, faire sortir de, jeter au regard des autres, s’ex-
poser (sexe posé), voilà les risques de l’étape 10. Une identité
insuffisamment stabilisée ou la croyance qu’elle n’est pas suffisamment
stabilisée, et le coaché renonce, renâcle à s’exposer.
12
TROIS CAS DE COACHING COMMENTÉS
Voici trois cas commentés de coaching inspiré par la méthode du cycle d’Hudson.
Le premier est celui de Bernard. Ce cas montre comment un coach
professionnel qui a eu la chance d’accompagner son client sur la longue
durée, a utilisé le modèle d’Hudson. Le coach ne parcourt pas le cycle dans
sa totalité à chaque étape de progression de son client, mais il s’appuie
seulement sur certaines étapes qui s’avèrent pertinentes au moment des
rencontres.
Le second cas est celui de Julie. Ses parents, sans être des coachs
professionnels, sont néanmoins formés au modèle d’Hudson. En utilisant le
modèle, ils permettent d’accompagner leur fille de l’enfance jusqu’à l’âge
adulte. On imagine bien que, le reste du temps, les parents jouent un autre
rôle que celui de coach. En effet, cette compétence spécifique n’est utilisée
que pour accompagner leur fille dans certains moments importants de sa
vie.
Yvan illustre le troisième cas. Au cours de sa vie, cet homme est passé
par un grand nombre de phases. Ses accompagnateurs ont su utiliser les
bons leviers pour aider Yvan à parcourir son chemin. Non formés au modèle
d’Hudson, mais à d’autres méthodes d’interventions sociales, ils ont
néanmoins rendu un service précieux à Yvan.
LE CAS « BERNARD »
Bernard a toujours été passionné par l’écologie et les économies que chaque
foyer pouvait réaliser sur ses consommations courantes. Il aime le grand air,
le cyclisme, les raids en nature et le ski. Il est également attiré par l’eau, la
voile et aussi la natation qu’il pratique en compétition. Quand il entreprend
un projet, Bernard aime « performer » comme il le dit lui-même.
Son diplôme d’ingénieur en poche, il se fait embaucher à vingt-quatre
ans dans une entreprise multinationale de traitement des eaux usées. À
l’époque, les usines de traitements des eaux urbaines, ces eaux que nous
rejetons en grande quantité quand nous tirons la chasse d’eau et les pluies
collectées dans les caniveaux de nos rues, sont filtrées avant d’être purifiées
et réintroduites dans le circuit. Une grande quantité de boues et autres
matières organiques recueillies au filtrage sont autant de sous-produits dont
les usines cherchent à se débarrasser. Ces boues sont transportées par rail ou
camions, puis épandues dans les champs. Mais c’est coûteux et polluant.
Bernard a l’idée de récupérer les effluents et de les transformer en biogaz
pour alimenter toute l’usine. Double avantage : on économise le coût de
destruction et on produit sa propre énergie. Au bout de cinq ans le projet est
opérationnel et vaut à Bernard les félicitations de la direction générale. Il
devient alors responsable des projets de développement du traitement des
boues de toutes les stations d’épuration françaises. Il coordonne les projets
régionaux et anime la filière au sein de la multinationale.
À trente-quatre ans, il se voit confier une nouvelle promotion et une
nouvelle mission : développer les métiers émergents autour de
l’assainissement et des énergies renouvelables. Responsable d’une équipe
d’ingénieurs et de techniciens, il développe de nombreux partenariats
scientifiques et industriels avec des universités et des entreprises. Bernard a
trente-six ans quand il consulte un coach pour la première fois : « Je
commence à être un peu lassé de la technique. Je me rends compte
confusément que je dois passer par d’autres métiers pour faire évoluer ma
carrière ».
Jusqu’ici, Bernard a parcouru plusieurs fois les étapes 1 à 7 du cycle d’Hudson. Comme la
plupart des gens, il n’a pas fait appel à quelqu’un d’autre pour l’aider à réfléchir sur sa
carrière ou sur les petits aléas qui parsèment la vie. On ne se pose pas mille questions en
permanence, heureusement !
Le coach s’aperçoit que Bernard est en phase 4. Une fois les étapes 5 et 6 terminées, la
question sera de savoir s’il s’orientera naturellement vers l’étape 7 ou bifurquera vers
l’étape 8. Le coach questionne son client sur ses aspirations, ses motivations et ses valeurs. Il
s’aperçoit rapidement que les valeurs de départs restent inchangées. Il s’agit donc d’une
question classique de gestion de carrière due à une lassitude normale après avoir travaillé dix
ans dans le même domaine.
En remettant peu à peu en cause ses valeurs passées, Bernard aborde un virage. Il ne
recommence pas de nouveau cycle opérationnel (étape 1 à 7) comme il l’a déjà fait de
nombreuses fois auparavant. Ce virage, ou plutôt ce carrefour, l’amène à s’orienter vers
l’étape 8. Le coach le sait, et il sait également qu’à ce stade il ne faut surtout pas conseiller
son client. Le coach écoute et reformule les doutes du coaché. Il s’abstient de tout conseil. Il
attend la suite…
Les allers retours entre l’étape 8 et l’étape 9 sont douloureuses. Le client ne voit pas le bout
du tunnel. Néanmoins ces itérations sont le signe que le processus de maturation avance. Le
coach le sait, il a confiance dans le modèle d’Hudson. Son calme, sa détermination et sa
sérénité rassurent le client.
LE CAS « YVAN »
Yvan est fils d’agriculteur. Mal à l’aise dans son milieu familial, il cherche à
échapper par tous les moyens à l’emprise de son entourage. À dix-sept ans
il se retrouve sans domicile fixe, erre ici ou là en quête d’un sens à la vie
qu’il ne trouve pas. Une assistante sociale lui parle d’Emmaüs. Cette
association fondée au sortir de la guerre par un prêtre, l’abbé Pierre,
accueille des personnes laissées sur le bas-côté par la société. Dans un
bâtiment appelé « communauté », ces hommes et ces femmes vivent
ensemble, récoltent les objets dont les gens ne veulent plus et les revendent.
Cet argent permet de faire vivre la communauté et de reverser une partie de
ces revenus à des personnes encore plus pauvres. « Pourquoi pas » se dit
Yvan après sa rencontre avec l’assistante sociale. Il prend alors le chemin de
la communauté Emmaüs la plus proche et sonne à la porte. Écoutons son
témoignage.
Alors je suis rentré chez Emmaüs et j’ai commencé par trier des cartons. Le boulot était dur,
mais la gamelle était sûre !
Et puis je me suis bien plu. Il y avait de la chaleur, on était logé. Il n’y avait pas que le
boulot, il y avait aussi l’ambiance et la solidarité. Après les cartons, je me suis proposé pour
faire un peu de réparation sur les machines à laver et les frigos. J’avais appris à bricoler
chez mes parents à la ferme, et je me débrouillais pas mal avec mes mains. En plus, ici on
m’a fait confiance. Je n’étais plus un moins que rien, j’étais quelqu’un qui existait et qui était
utile. Ça c’est enthousiasmant !
À la communauté j’ai rencontré un bénévole. On a parlé, il m’a écouté. Il m’a aidé à faire le
point et voir ce que j’avais déjà réalisé dans ma vie. Je ne me rendais pas compte de tout ce
que j’avais déjà fait !
Étape 6 (faire le point). Sans émotions particulières, tout en gardant une
certaine distance émotionnelle avec Yvan, ce bénévole a su poser clairement
les choses. Ce bilan lucide et objectif a permis à Yvan de remobiliser sa
pensée.
Pendant quelques semaines, je me suis senti bien. J’étais calme. Je crois que la discussion
avec le bénévole m’a fait prendre conscience que j’étais un gars bien. Alors pour la première
fois de ma vie, j’y ai cru. Ça fait du bien de se sentir comme ça !
C’est alors que j’ai commencé à m’investir davantage dans la communauté. Avant j’étais
plutôt consommateur, mais là, je me suis engagé davantage avec les autres gars. J’ai
organisé des sorties le week-end, j’ai fait partie de la commission qui s’impliquait sur le
projet de la communauté. Car on doit agrandir les locaux, bâtir une nouvelle salle des ventes.
Tout ça c’est excitant, surtout quand tu vois les travaux avancer !
Et puis un jour, je me suis dit que je ne pouvais plus vivre comme ça toute ma vie :
compagnon d’Emmaüs… Alors je me suis mis à douter de tout. Je crois que j’ai déprimé.
Mais au bout de six mois j’ai senti que quelque chose germait en moi. Je ne savais pas trop
dire quoi, mais je sentais bien que c’était important, et tout nouveau. J’en ai parlé au
responsable qui m’a écouté. Il m’a dit que j’étais normal, que je n’étais pas dépressif, et que
de temps en temps dans la vie, ça arrive ces moments-là. Ça m’a un peu rassuré, mais quand
même j’étais pas à l’aise.
Ça a duré pas mal de temps. Parfois j’allais bien, parfois je replongeais et je doutais. Mais
petit à petit, j’ai pris conscience que ce qui était le plus important dans la vie, c’était de vivre.
ça paraît tout simple à dire, mais c’était fort en moi. Je sentais que ça venait du plus profond
de moi, que c’était Moi.
Pendant des mois et des mois, on a parlé avec mon coach et mon responsable. Il y a eu des
aller et retour, des périodes de doutes et des périodes d’espoir. Comme un aller et retour
permanent. Parfois, c’était deux pas en avant et un pas en arrière ; parfois, c’était l’inverse.
Et puis je me suis décidé, j’ai fait le pas. Et maintenant je suis en formation pour devenir
responsable de communauté Emmaüs. Je sais ce que « donner » veut dire. Je sais ce que
« recevoir » veut dire. Aujourd’hui, je veux vivre ces mots et contaminer de ma fureur de vivre
ceux que je croiserai sur mon chemin !
LE CAS « JULIE »
À quinze ans Julie entre au lycée. L’envie mûrit, le projet prend forme.
Ensemble, Julie et ses parents étudient la faisabilité. Ils l’invitent à se
renseigner auprès d’un organisme réputé qui organisent des programmes de
placements internationaux. Elle glane les informations, les transmet à ses
parents qui étudient avec attention – et un brin d’inquiétude – l’évolution du
projet. Julie en parle également à ses professeurs car elle va manquer une
année de lycée français, ce qui équivaut à un redoublement dans notre
système éducatif. À son grand étonnement, c’est sa professeure d’anglais
qui est la plus réticente. Pourtant elle-même originaire d’Irlande, elle
cherche à persuader Julie de rester en France. « Tu vas perdre un an ! Et
puis à ton âge c’est long une année entière loin de ses parents. » Bien sûr,
on en reparle en famille. Ses parents écoutent Julie, écoutent ses doutes, ses
questionnements et l’argumentation de sa professeure. « Tu sais que
l’association demande à ce que les parents ne visitent pas leur enfant sur
place. Tu sais également que tu devras faire des efforts pour t’insérer dans
une famille qui t’accueille, qui a ses propres modes de vie et qui ne sont pas
les nôtres ». On laisse mûrir quelques semaines.
L’étape 1 est bien mûrie dans son principe. Un peu d’étape 2 s’invite dans la réflexion avant
la décision finale. Le fait d’en parler à l’extérieur montre des aspects du projet qu’on
n’imaginait pas. Les parents-coachs ne donnent plus beaucoup de poisson à leur « cliente »,
mais lui fournissent une canne à pêche pour qu’elle trouve elle-même d’autres informations
précieuses. Les coachs ont conscience que l’autonomie d’un enfant est un processus et non un
état acquis et à conserver.
Même s’ils sont un peu inquiets, au fond d’eux-mêmes les parents sont
fiers de leur fille. Le délai ultime approche. Il faut maintenant se décider.
Julie veut-elle partir en septembre prochain ?
C’est oui ! Alors les parents entament les démarches qui leur incombent.
De son côté elle informe les copains et les copines que l’année prochaine,
elle ne sera pas dans leur classe, qu’elle sera loin et ne pourra plus faire
d’activités avec eux. Bref, qu’elle s’en va. Le dossier est expédié à
l’organisme d’échange, et chacun attend fébrilement de savoir où et chez
qui Julie passera sa prochaine année scolaire. Le 6 août un courriel est
envoyé à maman : Julie sera accueillie à Cheyenne dans le Wyoming, chez
Jessica et Alain qui ont trois filles (vingt-et-un, quinze et quatorze ans) ainsi
que quatre chiens et deux perroquets. Elle sera scolarisée à la High School
de Cheyenne. Aussitôt Julie et ses parents se précipitent sur Internet pour
prendre connaissance de ce nouveau centre du monde.
Il reste maintenant à organiser les formalités administratives et prendre
rendez-vous avec les autorités du pays pour obtenir le visa. Les cerbères de
l’ambassade américaine impressionnent Julie. Ses parents lui expliquent les
raisons culturelles de telles précautions. Elle a apporté les photos d’identité
qu’elle a pris soin de réaliser selon les normes exigées. Seule au guichet de
l’Ambassade, elle répond aux questions des fonctionnaires américains. Elle
veut son visa, elle veut les fameux formulaires DS-2019 et I-797C qui lui
ouvriront les portes des États-Unis, elle veut y aller !
Quelques jours plus tard elle reçoit une réponse positive de l’Ambassade
avec le visa et les formulaires sus-nommés qui seront impérativement à
présenter à l’aéroport de Roissy au moment de l’embarquement. En
attendant, les parents de Julie vaquent à leurs occupations habituelles
pendant qu’elle commence sa tournée des adieux.
L’étape 3 est centrée sur l’action. Plus ou moins conforme au plan conçu à l’étape 2, les
coachs et la cliente s’attendaient à procéder aux réajustements nécessaires et indispensables.
Les parents coachs n’en sont pas à leur première sortie extraterritoriale et savent qu’un certain
nombre d’aléas émaillent les voyages.
L’étape 4 scelle la fin d’un projet tout en permettant qu’un nouveau advienne.
Le coach – pardon, le père – entame l’étape 5. La composante « sensibilité » de sa personne
ne l’a jamais dérangé. Elle fait partie intégrante de sa masculinité au même titre que sa
composante « solidité ».
Après un rapide bilan, les parents et la fille se reposent des préparatifs (étape 7) avant
d’entamer le cycle « dix mois aux États-Unis ».
Nouveau projet, nouvelle étape 1. Puis nouvelle étape 2. Julie est un peu plus âgée et surtout
beaucoup plus mûre. Même si les enjeux pour la cliente sont importants, les aspects
émotionnels ont déjà été travaillés lors du cycle précédent. Les coachs s’appuient sur le
niveau de maturité de leur cliente.
Le coach doit-il croire ce que le client lui rapporte ? Entre ce qu’on dit au
coach et ce qu’il constate lui-même, il y a autant de différence qu’entre une
photo et la réalité. La réalité nous est donnée par nos rencontres avec les
vraies personnes. La photo nous est rapportée d’un voyage que notre client
a fait lors de ses rencontres avec des personnes. Basons-nous sur nos
observations plutôt que sur les clichés, aussi bons soient-ils ! Par contre, ne
boudons jamais les informations que notre client nous donne sur son
environnement. Elles sont précieuses et nous procurent souvent de belles
explications sur les causes du dysfonctionnement.
Contenu/Processus
Le contenu, est ce qu’une caméra peut enregistrer en son et en image. Le
processus, c’est ce qui se passe en nous. Quand on voit un film par
exemple, le contenu est ce que n’importe qui voit et entend de l’écran, mais
le processus est l’émotion provoquée par cette scène.
Deux questions méritent d’être posées par le coach pour discerner dans la
demande ce qui est de l’ordre du contenu et ce qui est de l’ordre du
processus :
• « Que veux-tu atteindre comme résultat de cet entretien ? » (question
sur le contenu) ;
• « Qu’attends-tu de moi ? » (question sur le processus).
Explicite/implicite
L’écart entre la demande explicite et la demande implicite – ou latente – est
constamment évolutif. Tout l’art de l’accompagnant consiste à repérer où
placer le levier de ses interventions dans l’espace ambigu entre ces deux
pôles. Le coach va-t-il se cantonner strictement à la demande explicite ou,
par son attitude ou ses questions, va-t-il faire émerger la demande latente
qu’il perçoit intuitivement ?
La demande touriste
Il s’agit de la situation où la personne n’est « pas contre » la demande mais
n’a pas de réelle motivation. Par exemple : « J’ai fait appel à vous parce
qu’on m’a suggéré de le faire. Mais je ne suis pas très convaincu que cela
puisse me servir car je ne suis pas sûr qu’il y ait vraiment un problème.
Mais puisqu’on m’a dit de vous voir, je viens vous voir… »
La contre-demande, ou demande plaignante
Cette forme de problématique est subtile et particulièrement frustrante à
vivre pour le coach qui se trouve en face de quelqu’un qui n’arrive pas
à formuler sa demande, qui a du mal à élaborer sa propre pensée. La parole
du coach est nécessaire pour arriver à savoir ce que veut le client. En face
de chaque suggestion du coach, le coaché s’exprime en disant : « Non, ce
n’est pas tout à fait ça… ». Le coach doit discerner que ce processus, aussi
frustrant soit-il, reste nécessaire pour la personne aidée, et n’est pas dirigé
contre lui. Il s’agit seulement pour la personne coachée d’un mode
d’élaboration de sa propre demande, faite avec l’aide d’une personne
ressource.
La demande confuse
Elle est souvent le fait de quelqu’un qui est envahi par un problème et qui
n’arrive pas à le formuler, tout en étant dans un rapport psychologique avec
soi-même qui n’est pas clair.
La demande explicite
Par opposition à la demande latente, la demande explicite est souvent la
première formule par laquelle le client s’adresse au coach. Mais très
souvent cette formulation explicite cache en fait d’autres niveaux de
demande qui ne peuvent émerger qu’après une description du réel bien
spécifique et bien contrôlée.
La demande latente
Il s’agit du niveau préconscient ou inconscient de la demande explicite.
Cette dernière ne pourra émerger qu’avec le temps. Une clarification
du contexte, du problème et du besoin de l’aidé par le coach permettra à ce
dernier de transformer sa demande latente en demande explicite.
Rendre la personne « demandeur »
Une bonne façon de « clientéliser » la demande et de rendre le coaché
demandeur est d’explorer avec lui les différentes facettes du problème. Pour
cela, on utilise la méthode SPBDN.
• S : Situation. C’est la description factuelle de la situation. Les
questions aidantes du coach sont les suivantes :
– De quoi s’agit-il ?
– Comment vois-tu la situation ?
– Qui, Quoi, Où, Quand, Comment, Combien ?
– Description factuelle, impersonnelle.
• P : Problème. C’est la difficulté que pose au coaché l’écart entre la
situation actuelle et la situation souhaitée. En effet, chacun est
propriétaire d’un problème : c’est mon, ton, son, notre, votre ou leur
problème.
• B : Besoin. Le besoin est un manque ou une prise de conscience d’un
manque.
• D : Demande. Vers qui va-t-on prendre le risque de demander, donc
le risque d’essuyer un refus, voire un rejet ?
• N : Négociation. Pour trouver un accord entre le coach et le coaché, il
faut engager des négociations. Ce sera « Oui, si… » et « Non, parce
que… ».
L’observation est la base de tout bon travail de coaching. Elle doit primer
sur la technique. Le talent du coach réside dans sa manière de collecter et
d’évaluer les données.
Exemple
Une perte soudaine de motivation, une période de tristesse anormale sont des signaux forts de
l’étape 5 du cycle d’Hudson.
Il faut une écoute plus aiguisée pour percevoir les signaux faibles. Ce
sont des processus ténus, lisibles par des gens qui ont une grande pratique.
Ces signaux faibles concernent toute une série de sensations qui
proviennent du corps : elles sont fines et, la plupart du temps, on ne les
remarque pas.
Exemple
Un lapsus, une hésitation, un silence.
Les signaux pertinents sont ceux qui ont un lien avec la vie de la
personne aidée. Ils sont signifiants et concernent le sens. Le coach
expérimenté sait repérer ces signaux pertinents, qu’ils soient forts ou
faibles.
Exemple
Démarrer une activité avec enthousiasme et dynamisme est un signal fort et pertinent pour
l’étape 2.
Hésiter un peu, procrastiner légèrement, oublier ses rêves sont des signaux faibles et
pertinents de l’étape 1.
Exemple
Le client prend inconsciemment le coach pour son père. Inconsciemment, il a peur que le
coach le gronde, comme le faisait son papa. Alors sans s’en rendre compte, tout en disant
« oui », le client tourne la tête de droite à gauche puis de gauche à droite, dans un signe qui
veut dire « non ». Cette incongruité est une manifestation de l’écart entre la façon (non) et les
propos (oui).
Écouter passe aussi par le silence du coach. L’écoute passive a toute son
utilité. Pourquoi le coach interviendrait-il sans cesse ? Il n’est pas là pour
« faire » ou « penser » à la place du client. Son rôle est d’aider à rétablir un
équilibre dans les énergies du client. Parfois il est souhaitable de ne rien
dire tout en montrant physiquement une grande attention. Savoir écouter
dépend davantage de ce que le coach a en tête que de ce qui se passe à
l’extérieur.
À d’autres moments le coach pose une question, mais son interlocuteur
répond à côté, comme s’il reprenait la question, la déformait, élaborait une
nouvelle question et… répondait à cette dernière. Un tel phénomène est
appelé redéfinition.
Exemple
Coach : Que feras-tu si le programme ne se passe pas comme prévu (question pour
l’étape 2) ?
Client : Oh ! Mais tout est prêt. Ne t’inquiète pas !
Écouter et reformuler
Reformuler activement, c’est reprendre les propos, les idées ou les
sentiments apportés par le client.
Exemple
« Si je comprends bien ce que tu me dis, c’est que tu ne sais plus vers où aller en ce moment.
C’est bien cela ? » (Question du coach pour l’étape 8.)
LA FORCE DU VERBE :
LE BON MOT AU BON MOMENT
La parole est l’outil principal du coach. Il exerce son influence par le choix
des mots. En utilisant l’espace de parole comme un lien sécurisant et
contenant, le coaché peut vivre une expérience de déconstruction-
reconstruction qui ouvre une voie de sortie aux répétitions névrotiques et
mortifères. C’est ce qu’on appelle la résilience.
Signal ou parole ?
Les linguistes font une distinction entre l’échange de signaux et l’usage des
paroles. En effet, l’utilisation d’un signal a pour objectif le déclenchement
d’un comportement chez un ou plusieurs individus.
Exemple
Le feu rouge et le feu vert déclenchent l’arrêt puis le démarrage des voitures. Le coup de
klaxon déclenche un sursaut de vigilance chez celui à qui on reproche sa lenteur. Le
destinataire est censé s’exécuter au plus vite.
Exemple
Le coach – Je te propose qu’on s’arrête un instant sur cette situation. Tu es d’accord ?
Le client – Mouais… Si tu y tiens.
Le coach – Si j’y tiens ? Que veux-tu dire par là ?
Un exercice assez facile d’apparence mais qui s’avère plus délicat qu’il n’y
paraît, est d’utiliser et de combiner habilement la reformulation et les
questions ouvertes.
Une question ouverte commence par comment ou pourquoi. Elle incite le
coaché à fournir des détails dans sa réponse. Le coach peut également
rebondir sur les propos du coaché en lui demandant : « C’est-à-dire ? ».
Toutes ces techniques de questionnement ouvert visent à ce que le coaché
ouvre son cœur et sa pensée.
Les questions ouvertes s’opposent aux questions fermées qui
commencent par « Qui, Où, Quand, Combien ». Les réponses à ces
questions sont pauvres et ne sont souvent que d’un faible apport pour le
coach. De même les questions interro-négatives : « Ne crois-tu pas que… ?
Ne pensez-vous pas plutôt que… ? » Ce type de questions est à bannir pour
un coach qui se considère comme tel.
Voici une série d’échanges de type coaching et qui n’utilise que les
questions ouvertes et la reformulation.
Si le client évoque une difficulté qu’il rencontre, il n’est pas certain que le
coach comprenne exactement ce qu’a voulu dire son client. Tous deux
peuvent avoir des représentations différentes d’un même mot car ils ont des
cadres de références distincts. Cependant, même s’ils ne se comprennent
pas en totalité, il est probable qu’ils s’entendent au moins partiellement.
Pour trouver un terrain d’entente encore plus large, il est nécessaire que les
deux protagonistes prennent de la distance et se placent en un point situé
hors du temps et de l’espace d’où l’on puisse communiquer. On transforme
alors la perception subjective des mots en réalité objective. C’est au coach
que revient la responsabilité de choisir telle ou telle définition de la réalité
qui soit compréhensible pour le client. Pour ce faire, l’usage des métaphores
est précieux.
Les métaphores
Les mots ne sont que des métaphores. Maison, house, , casa, domus
désignent une même réalité. Seule la forme métaphorique change. Le sens
reste le même. Quand le coach parle de projet, de deuil ou de valeur, il
n’évoque que des métaphores, pas des réalités ! Attention à ne pas tomber
dans le piège qui consiste à prendre une métaphore pour une réalité.
Attention à ne pas dire au coaché « Vous me parlez de valeurs ou de
croyances ? ». Car la réalité est beaucoup plus complexe que la simple
métaphore. Cependant, réfléchir aux questions suivantes peut aider le coach
à progresser dans l’accompagnement de ses clients : « À combien de
métaphores je me réfère quand mon coaché me dit « qu’il a un problème
avec son collègue » ?
On repère vite les bonnes métaphores. Elles sont plaisantes, illustratives,
bien construites et facilitent la prise de conscience.
Symptômes et problèmes
Le coach débutant se précipite souvent sur les propos du coaché en
confondant le symptôme et le problème : « Docteur coach, mon équipe va
mal, que faire ? » Le coach chevronné sait replacer le problème dans son
contexte : « De quoi s’agit- il précisément ? Qu’observe-t-on dans les
faits ? »
Transmission à revoir
Une association caritative héberge des personnes en difficulté. Les équipes de nuit succèdent
aux équipes de jour. La responsable du personnel dit au coach : « Les équipes de jour et de
nuit n’arrivent pas à s’entendre. Au moment de la passation des consignes, le soir et le matin,
l’équipe sortante ne donne qu’un minimum d’informations à l’équipe arrivante. Il s’en suit
des problèmes de transmission d’informations. »
LE POIDS DE LA CONFIDENTIALITÉ
Plus le coach avance dans son travail avec le coaché, plus il a connaissance
d’informations confidentielles. La question à se poser est la suivante. « À
qui la confidentialité est-elle utile ? ». Cette réflexion aide le coach à
discerner ce qui est protecteur pour lui-même et pour son client.
Ces informations confidentielles sont souvent entourées de secret. Or, le
secret est sacré ! La détention de telles informations confère à son
propriétaire un respect, voire une vénération.
Conscient du rôle sacré qu’on lui attribue, le coach détenteur
d’informations confidentielles est souvent la cible de stratagèmes
inconscients de la part du client : « Ah ! Vous qui savez tout sur moi, comme
vous êtes formidable ! » ou bien « Essayez toujours de me tirer les vers du
nez ! » ou encore « Ah quel malheur, cette famille ! ». À son corps
défendant, le coach devient un élément pivot de la dynamique
intrapsychique du client. Il est vu comme détenteur d’une partie du
mystérieux secret qui lui cause tant de malheur, et la tentation est forte d’en
faire un bouc émissaire.
Même si l’intervention est temporaire, le coach ne peut rester hors de la
sphère émotionnelle et affective du client, tel un observateur neutre et non
impliqué. Chacun sait qu’il est là pour accompagner le changement de la
personne, et les attentes sur lui sont fortes. Pour cette raison, il est important
de cerner très tôt les zones où le coach aura à garder la confidentialité, et les
zones qui pourront être partagées éventuellement avec des tiers. Ces
différentes clauses de confidentialité doivent figurer explicitement dans le
contrat commercial de coaching s’il y en a un.
La confidentialité est une preuve de respect pour les personnes.
Ces deux rôles sont distincts bien qu’apportant de l’aide l’un et l’autre. De
façon imagée, on peut dire que le coach se tient juste derrière le client et
l’aide à trouver son chemin. Alors que le conseiller se place juste devant et
lui demande de suivre.
Le rôle essentiel du coach est de faciliter le changement en modifiant la
façon de faire de l’aidé et en l’aidant à prendre conscience des situations.
Le conseiller, quant à lui, est un expert compétent dans un domaine
particulier : il dit ce qu’il faut faire. Il conseille sur le contenu, alors que le
coach facilite les processus. Le conseiller est en position haute sur le
contenu et les processus relationnels, alors que le coach reste en position
basse sur le contenu et en position haute sur le processus. Le coach aide le
client à préciser ses intentions et à développer sa vision des choses.
Coachs débutants, prenez garde ! Dans votre vie, il vous est arrivé
souvent d’avoir de bonnes réponses à des situations complexes. Plus ou
moins consciemment, vous aurez tendance à vouloir appliquer à votre client
ce qui a bien fonctionné pour vous autrefois.
La notion de rôle
Le coach devra donc intervenir sur deux plans : celui de l’individu (le Moi)
et celui du rôle2. Le rôle est une attitude, un ensemble de comportements
que l’individu montre dans certaines circonstances de la vie sociale : rôle de
père, de mère, de patron, d’employé, d’automobiliste, de piéton, etc. Le rôle
et le Moi sont deux manifestations de la même personne. Le plus souvent,
elles sont confondues : « Je suis ce que je fais ; je suis ce que tu vois de
moi. ». Quelquefois elles sont décalées, et alors difficiles à réconcilier :
« Comment puis-je avoir tort puisque je suis diplômé de cette école
prestigieuse ! ». Or les relations entre personnes ne se produisent pas entre
des inconnus qui se rencontrent par hasard au milieu du désert. Elles se
développent dans des contextes sociologiques qui ont pour cadre des
institutions : la famille, l’entreprise, la commune, la nation, le clan, etc. Ces
relations sont ainsi très dépendantes de la culture particulière où elles
apparaissent. Dans telle famille, les gens se font la bise le matin. Dans telle
autre, on se sert la main. Dans cette commune, les passants se saluent en se
croisant. Dans la commune voisine, les piétons s’évitent du regard. Toutes
ces relations qui paraissent évidentes quand on baigne dans une culture
façonnent inconsciemment notre vision du monde et notre façon de parler
des relations. Et pour parler il faut une langue.
Ce qu’on appelle une langue est une façon institutionnelle de nommer les
choses, la vie et le monde. La langue des banlieues n’est pas celle des
quartiers d’affaires ; la langue des adolescents n’est pas celle de leurs
parents. Quant à la parole, elle est encore différente de la langue. La parole
est essentiellement un acte individuel qui puise ses racines dans notre Moi.
Quand le coach rencontre le coaché, il se retrouve face au couple
« rôle/Moi ». Il doit donc diagnostiquer et distinguer ce qui dans la parole
du coaché relève du rôle et ce que cette même parole révèle du Moi.
Les rôles et les enjeux sont liés
Les rôles apparaissent chaque fois que des partenaires sont impliqués dans
un projet dans lequel l’un est actif (patron, client, enseignant, parent…) et
l’autre réactif (employé, commerçant, élève, fils ou fille de…). Ce projet
contient des enjeux qui sont ce que les partenaires peuvent gagner ou perdre
dans cette entreprise. Le coach professionnel peut gagner de l’argent, de la
réputation ou l’estime de ses clients. Il peut aussi perdre tout cela. Le
coaché peut gagner ou perdre en efficacité, en progression de carrière, en
sérénité. Le coach personnel, un parent par exemple, peut gagner en
quiétude quand son enfant avance dans la vie. Il peut perdre aussi en
tranquillité s’il voit son enfant choisir une mauvaise voie. Le terme
« mauvais » se rapportant bien entendu à la dimension culturelle du parent.
Quant à l’enfant, il peut perdre ou gagner en confiance en lui, en autonomie
ou en sérénité.
Les enjeux portés par les rôles s’expriment sous la forme de réussite ou
d’échec du projet, ou sous la forme de gagner ou perdre contre quelqu’un
lors d’une performance. Quant aux enjeux portés par le Moi, ils sont
d’ordre existentiel et s’expriment en termes d’être accepté ou rejeté, dénié
ou préféré, soigné ou négligé. Mais souvent ces deux catégories d’enjeux
sont confondues comme nous le montre l’exemple suivant rapporté par une
petite fille de cinq ans : « La maîtresse ne m’aime plus, elle m’a mis une
mauvaise note. »
Cette confusion entre les enjeux opérationnels (réussir son devoir, un
examen) et les enjeux existentiels sont fréquents. Cette confusion remonte à
l’enfance, avant l’âge de raison quand nous ne faisions pas encore la
différence entre ce que nous faisions et qui nous étions.
Il est important pour un coach de bien faire la distinction entre ces deux
catégories d’enjeux, surtout quand l’aidant est une personne proche de
l’aidé, son père ou sa mère, son manager ou son directeur. Un coach
extérieur sera toujours moins lié au projet professionnel de son client, et les
enjeux personnels et professionnels seront de fait beaucoup plus distincts.
Le coach doit être très attentif à l’articulation entre ces rôles et les états
du Moi pour aider à dépasser le point de blocage du coaché.
Que l’on soit coach certifié, parent ou intervenant social, un certain nombre
de questions sont propres à la dimension de coaching. Le parent se
demande : « Que se passe-t-il chez mon enfant ? Qu’est-ce que j’ai à faire
de bien ou à éviter pour élever correctement mon enfant ? ». L’intervenant
social se pose d’autres questions que celles des parents, car le contexte,
l’environnement et les enjeux sont différents : « Que se passe-t-il chez la
personne que j’accompagne ? Qu’est-ce qu’exige mon rôle d’intervenant
social pour aider cette personne à s’insérer dans la société ? »
Un coach a besoin d’outils à la fois fins et puissants pour analyser tous
les détails de la personne de son client de façon à ne laisser aucune zone
d’ombre dans l’accompagnement de ce dernier. Mais au-delà de ces
considérations professionnelles, le coach ne peut pas éviter d’être amené à
se connaître davantage sur le plan humain. Chaque personne possède son
propre stratagème inconscient pour obtenir les signes de reconnaissance
dont il a vitalement besoin. Le coach amateur n’en a pas conscience alors
que le coach professionnel évite, dans la mesure du possible, de jouer au
persécuteur, à la victime ou au sauveteur. Pour cela il va régulièrement se
faire coacher pour prendre conscience des projections, et d’une manière
générale, de tout ce que son inconscient active lors des interventions avec
ses clients. Alors que le coach amateur ou débutant croit que son
inconscient est inactif, le coach professionnel sait que ses interventions sont
en grande partie pilotées par son inconscient.
Le coach n’est pas tout puissant et ne peut faire sortir tous les individus
de tous leurs aveuglements. La modestie, l’acceptation de ses propres
limites personnelles, des limites du métier de coach et des limites imposées
par le client forcent le coach à courber la tête devant l’implacable réalité des
faits. Ce métier de coach oblige à une certaine humilité. Tout acteur de
théâtre qui utiliserait n’importe quel procédé ou technique nécessaires pour
donner l’impression qu’il est Hamlet est un acteur authentique. Tout acteur
qui utilise n’importe quel procédé ou technique nécessaires pour donner
l’impression qu’il est un bon professionnel est dans le faux. De la même
manière, le coach qui utilise n’importe quelle technique nécessaire pour
aider ses clients est un coach authentique. Celui qui utilise une quelconque
technique dans le but de démontrer qu’il est un bon coach ou que sa théorie
est la meilleure est dans le faux. Dans la pratique, ceci distingue les coachs
qui privilégient la guérison des coachés des coachs qui se préoccupent avant
tout de leur réputation, des honneurs et de leur chiffre d’affaires.
Au-delà de la technique se trouve une notion qui peut aider le coach à se
repérer : l’éthique.
L’ÉTHIQUE ET LE COACH
LA SUPERVISION ET LA FORMATION
TRANSFERT ET CONTRE-TRANSFERT :
DES PHÉNOMÈNES TROUBLANTS
Utiliser le contre-transfert
Le contre-transfert est la réponse émotionnelle du coach au transfert de son
client. Autrement dit, quand le coach se retient de répondre et prend sur lui,
il contre-transfère.
Le coach en thérapie
Du fait de la forte implication émotionnelle et intellectuelle que demande le
métier de coach, il est recommandé d’être régulièrement accompagné par
un psychothérapeute. Les avantages d’un suivi psychothérapeutique sont
considérables pour le coach et ses clients. Protégé par le garde-fou
thérapeutique, le coach projette de moins en moins sa propre vision du
monde. Il comprend et analyse beaucoup mieux les phénomènes du coaché,
améliore son efficacité de coach, et est reconnu comme tel par son
environnement.
LE PROCESSUS PARALLÈLE
Quand le coach arrive pour la première fois devant son client, il risque
d’être perçu comme celui qui va bouleverser l’équilibre. Si des précautions
ne sont pas prises, il se voit attribuer une place de « sachant » dans l’esprit
du coaché. Qu’il le veuille ou non, le coach ne peut modifier les fantasmes,
les expériences vécues, les croyances ou les opinions de ses clients. Du fait
de son accès involontaire à la position de « sachant », le coach risque de
vivre avec son client les mêmes phénomènes relationnels que ce dernier vit
avec ses tiers ou ses partenaires.
Le processus parallèle : l’effet miroir
La patate chaude
Le phénomène de processus parallèle est dérangeant pour celui qui le subit
et contagieux pour les autres. Le problème apporté par le client prend
souvent l’allure d’une « pomme de terre brûlante », ou « patate chaude ».
Elle chauffe les mains de celui qui s’en saisit. Le coaché essaye de s’en
débarrasser en la lançant à quelqu’un d’autre. N’arrivant pas à résoudre lui-
même le problème du groupe, il fait appel à un coach et lui lance la pomme
de terre brûlante. Le risque pour le coach non formé ou peu vigilant est de
se voir demander de résoudre à son tour les problèmes épineux de son
client. Ce processus parallèle est largement inconscient, ce qui le rend
particulièrement puissant pour orienter les actes, comme tout phénomène
inconscient.
Quand le coach se rend compte d’une difficulté passagère avec son client,
il prend rendez-vous avec son superviseur. « J’ai un souci avec un client. Je
ne comprends pas très bien ce qui se passe ». Toujours inconsciemment, le
coach tente de renvoyer la patate chaude à son superviseur. Mais le coach a
choisi un bon professionnel. Avant même que le coach ait débuté, le
superviseur fait l’hypothèse qu’un processus parallèle est à l’œuvre. Alors il
guette les signaux faibles et pertinents. Quand il les voit arriver, il amène
son client (le coach !) à prendre conscience de la nature spécifique de cette
pomme de terre brûlante qui rebondit d’un individu à l’autre. Toujours avec
beaucoup de professionnalisme, le superviseur montre au coach comment
s’y prendre pour qu’à son tour il aide son propre client à clarifier les
processus parallèles avec ses partenaires. Désireux de faire le bien, ce
superviseur sage et vigilant parvient à mettre en évidence l’épine du
problème qui contaminait les relations et rebondissait de personnes en
personnes depuis une origine lointaine.
Le cycle d’Hudson,
une spirale qui nous emmène toujours plus haut
En lisant ces lignes le lecteur peut se demander combien de temps dure chaque
étape du cycle d’Hudson.
La réponse est difficile à donner car tout dépend de l’individu, et surtout
de l’étape qui lui pose difficulté à l’instant où il a besoin d’aide. Les
blessures psychologiques normales que nous avons tous façonnent notre
caractère et nos traits de personnalité. Certains buteront souvent sur
l’étape 1. Ont-ils eu la permission de rêver tout haut quand ils étaient
petits ? Pour d’autres ce sera l’étape 2 qui posera souvent problème. N’ont-
ils pas été trop souvent bridés dès qu’ils voulaient se lancer dans l’action ?
Pour un troisième, la fin des projets lui rappelle trop de ruptures jamais
guéries, jamais cicatrisées, toujours à vif. Il en sera de même pour chaque
étape. Nous sommes tous identiques : blessés et résilients. Nous sommes
tous différents, mais les blessures ne sont pas aux mêmes endroits.
L’important pour le coach n’est pas de connaître les causes profondes qui
font qu’aujourd’hui tel individu est en difficulté fréquente avec telle étape.
L’important est de pouvoir repérer l’étape qui bloque pour aider celui qui a
besoin d’aide à prendre le chemin de la résilience. Le coach entre dans le
cycle par l’étape qui pose problème au coaché.
C’est donc pour aider le coach que nous avons indiqué les principaux
signes et symptômes de blocages des étapes. Et comme tous ces blocages et
ces résiliences sont extrêmement personnels, nous ne pouvons jamais savoir
combien dure un cycle ni même une étape. Tout dépend des individus. Par
contre la pratique vous montrera qu’en général, quand le coach à bien fait
son travail, c’est-à-dire qu’il a bien identifié l’étape de blocage, qu’il a
accompagné patiemment et avec cœur la personne aidée, les étapes
suivantes dans la partie 1 à 7 du cycle se dérouleront de façon fluide et
rapide.
Le seul risque qu’il y a à utiliser ce genre de modèle, c’est de croire qu’il
suffit d’appliquer la méthode pour que ça marche. La Vie est beaucoup plus
complexe et ne se laisse par encadrer par des théories. Il faut donc utiliser le
modèle d’Hudson avec humilité, mais aussi confiance, et se garder de
vouloir être psychothérapeute. Ce métier exige une autre formation.
Toujours est-il que prétendre pouvoir cartographier les mouvements de la
vie ne serait que vanité. Quel défi que de vouloir décrire simplement en
quelques lignes ou quelques phrases, ce qui nous pousse à faire et nous
pousse à être ! Il y a plusieurs milliers d’années, les philosophes chinois ont
résumé ces mouvements dans le concept circulaire de Yin et de Yang. Yin
est ce qui va devenir Yang ; Yang est ce qui va devenir Yin. L’hiver prépare
l’été qui rend possible l’hiver. De même pour l’aidant et l’aidé. Un jour je
suis l’aidant ; Aidé le lendemain. Nous alternons les rôles dans la vie.
Dans son approche circulaire et cyclique, Frederic Hudson nous a
proposé un modèle assez proche de la pensée chinoise. Mais à force de
tourner, tourner et encore tourner dans ce cycle, nous sommes emportés
vers une troisième dimension, qui prend une autre forme : celle de la
spirale. Axé en son centre, le colimaçon nous entraîne et nous entraîne
encore… Jamais au même endroit, toujours un pas plus loin, un rien plus
haut, légèrement ailleurs.
Bibliographie
Dans ce travail solitaire de rédaction, j’ai souvent été aidé et quelquefois inspiré.
Inspiré tout d’abord par Gilles Pellerin, analyste transactionnel, et
« importateur » du modèle d’Hudson en Europe. Les notes que j’ai prises
lors de ses séminaires m’ont été précieuses.
Patrick Fosset, quant à lui, analyste transactionnel également, a été l’un
des premiers à transcrire et publier le modèle d’Hudson tel que présenté par
G. Pellerin. Je me suis librement inspiré de son écrit pour produire le mien.
Murielle Nique, consultante en relations humaines, a été l’une des toutes
premières à m’encourager sur la voie de l’écriture. Me coachant sans
complaisance, accueillant mes projets avec enthousiasme, elle a été une
relectrice-coach particulièrement aidante. Ses retours m’ont donné la
permission d’écrire ce qui sommeillait au plus profond de moi.
Vanessa Mannavarayan, coach anglo-saxonne a la culture de l’action.
Elle a su me faire partager son expérience interculturelle et m’indiquer ce
qu’il y avait d’universel dans le cycle d’Hudson. Ses remarques subtiles et
pertinentes m’ont été précieuses pour rédiger les étapes 8, 9, 10.
Hélène ma femme, et Cécile ma fille, lectrices assidues, aimant la lecture
et l’écriture plus que moi. Toujours prêtes à me servir une formule choc ou
une tournure impactante. Merci à vous deux pour ces cadeaux lettrés.
1. Interview de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale (Le Point no 2372 du
15 février 2018).
1. Source : http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Patrick-Dutartre-_Les-lecons-de-
management-d-un-leader-de-la-patrouille-de-France_2529.html
1. Martin V. S Poupart M.G., 50 exercices de systémique, Eyrolles, 2016.
1. Tournier M., Vendredi ou les limbes du Pacifique, Gallimard, 1967.
1. Rojzman C., Une crise de sens., Actualité en Analyse Transactionnelle, no 112, 2004.
2. Senge P., La Cinquième discipline. Guide de terrain, First Editions, 2000.
1. Extase : État particulier dans lequel une personne, se trouvant comme transportée hors d’elle-
même, est soustraite aux modalités du monde sensible en découvrant par une sorte d’illumination
certaines révélations du monde intelligible, ou en participant à l’expérience d’une identification,
d’une union avec une réalité transcendante, essentielle (Centre national de ressources textuelles et
lexicales).
2. Pinkola Estes C., La danse des grand-mères, Essai Poche, 2009.
3. Kharitidi O., La chamane blanche, Pocket, 1998.
4. Mallasz G., Dialogues avec l’ange, Aubier, 1990.
5. Huguelit L., Les huit circuits de conscience : chamanisme cybernétique et pouvoir créateur,
Mamaeditions, 2012.
6. Ces propos sont publiés avec l’aimable autorisation de son auteur.
1. D’après Samuel Beckett.
2. Ces termes en italiques sont les propos tels que rapportés par Bruno.
3. L’individuation est un processus de prise de conscience de l’individualité profonde, décrit par Carl
Gustav Jung.
1. http ://www.cnrtl.fr/definition/demander
2. Inspiré par Vincent Lenhardt. Le responsable porteur de sens, et par Joël Brugalières
(communication personnelle).
3. Lenhardt V., Les responsables porteur de sens. Culture et pratiques du coaching et du team-
building, Paris, INSEP Consulting Éditions, 1992, nouv. éd. 2002.
4. De rien (en espagnol).
1. Berne E., Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, Calluire, Éditions d’analyse
transactionnelle, 2006
2. Crespelle A., Le moi, le rôle et la personne : différences et interférences, Actualités en Analyse
Transactionnelle, no 52, 1989, p. 173-181.
3. Ibid.
4. Brécard F., Hawkes L., Le grand livre de l’analyse transactionnelle, Eyrolles, 2014.
5. L’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing, c’est-à-dire désensibilisation et
retraitement par les mouvements oculaires) est une sorte d’hypnose qui permet de reprogrammer les
circuits de la mémoire. Cette méthode est très utilisée pour effacer les traumatismes.
6. Pour plus de détails sur les états du Moi, voir l’Analyse Transactionnelle qui les a
merveilleusement décrits.
7. D’après Emmanuel Kant.
8. Ce paragraphe est inspiré d’Edgar Morin, spécialiste de la complexité.
1. D’après Eric Berne (ibid).