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Volume 99 • N◦ 6 • juin 2012
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John Libbey Eurotext
Pour citer cet article : Vanlemmens L, Fournier E, Boinon D, Machavoine JL, Christophe V. Qualité de vie des femmes
jeunes ayant un cancer du sein localisé et de leur partenaire : nécessité de développement de questionnaires
spécifiques pour la patiente et le partenaire. Bull Cancer 2012 ; 99 : 685-91.
doi : 10.1684/bdc.2012.1598.
Mots clés : cancer du sein, femme jeune, partenaire, couple, Key words: breast cancer, young woman, partner, couple,
qualité de vie quality of life
sein est donc une maladie qui affecte non seulement Chirurgie Trastuzumab (1an)
la patiente elle-même, mais son entourage familial Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4
par la maladie dans votre vie ? » et lors de l’entretien, cinq patientes ne respectaient pas les critères
des relances pouvaient être effectuées afin d’éclaircir d’inclusion et pour trois couples, les entretiens ont
ou d’approfondir les récits. été faits dans un intervalle de temps trop impor-
Des données médicales et sociodémographiques tant entre la patiente et son partenaire. Au final, les
étaient collectées pour chaque inclusion. Le psy- entretiens de 138 participants, soit 69 couples ont
chologue n’avait pas connaissance des informations pu être analysés : 24 couples pendant la chimio-
médicales de la patiente avant l’entretien afin d’éviter thérapie, 11 pendant le traitement par trastuzumab,
tous biais de perception sélective ou d’attentes sociales. 15 pendant l’hormonothérapie et 19 pendant la phase
Les entretiens étaient enregistrés et retranscrits inté- de surveillance. L’âge moyen des patientes était de
gralement constituant ainsi le verbatim pour l’analyse 39 ans (27-52 ans) et de 41 ans (28-60 ans) pour
de contenu sémantique et dimensionnelle. Les fichiers les partenaires. Les couples étaient ensemble depuis
étaient sauvegardés et archivés sur une bande numé- 14 ans en moyenne (0,5-27 ans). Dix couples (15 %)
rique spécifique à chaque participant. n’avaient pas d’enfant et dix exprimaient le désir
Une analyse de contenu des entretiens ainsi qu’une d’avoir un enfant. Au moment de l’entretien, toutes
revue de la littérature ont été effectuées pour répertorier les patientes recevaient ou avaient reçu une chimio-
les thèmes les plus fréquemment abordés concernant thérapie (critère d’inclusion). Concernant la chirurgie,
le vécu des participants. Ces analyses ont permis de neuf patientes (13 %) étaient en cours de chimiothé-
lister dix dimensions de qualité de vie et de vécu sub- rapie néoadjuvante et n’avaient donc pas encore été
jectif chez des patientes atteintes de cancer du sein : opérées, 34 patientes (49 %) avaient eu une mastec-
dimension psychologique, physique, familiale, sociale, tomie totale et 26 patientes (38 %) une mastectomie
couple, domestique, professionnelle, économique, soi- partielle. Le geste ganglionnaire réalisé a été sous
gnante et spirituelle. Pour chaque entretien, il s’agissait forme d’un curage axillaire pour 48 patientes (80 %)
de vérifier si ces dimensions étaient présentes ou non. et exploration du ganglion sentinelle pour 12 patientes
Une seconde analyse a été effectuée portant sur les (20 %). Pour 46 patientes (67 %), la radiothérapie
tonalités des entretiens (positive, négative, indéter- locorégionale avait déjà été réalisée. Le traitement par
minée), pour cela chaque récit était fractionné en trastuzumab était administré ou avait été administré
segments de texte (un segment = une idée) et codé en à 18 patientes. Enfin, 27 patientes (39 %) recevaient
fonction de sa tonalité. Un accord interjuge a été effec- ou avaient reçu de l’hormonothérapie. Au moment
tué sur 10 % des segments. de l’entretien, 14 patientes (20 %) et trois partenaires
Enfin, afin de créer un outil de mesure spécifique du (4 %) recevaient un soutien psychologique et cinq
vécu subjectif des patientes jeunes atteintes d’un can- patientes (7 %) étaient traitées par antidépresseurs.
cer du sein et de leur partenaire, un questionnaire Dans le groupe surveillance, le temps moyen entre
préliminaire a été élaboré à partir des récits de vie le diagnostic et l’entretien était de trois ans (1-
des patientes et des partenaires, classés par dimen- 10 ans) et de un an (0,5-10) pour tous les couples
sion répertoriée. L’anonymat et la confidentialité des inclus. Les principales catégories socioprofessionnelles
segments choisis ont été scrupuleusement respectés. pour les patientes étaient « employées » (38 %) et
Puis, des groupes de travail avec les couples volon- « cadres et professions intellectuelles supérieures »
taires (environ 30 personnes) se sont réunis à deux (30 %). Huit patientes étaient sans activité pro-
reprises afin de discuter et valider la formulation des fessionnelles (12 %). Les partenaires appartenaient
items. Les différentes remarques des participants ont été principalement à la catégorie « cadres et professions
prises en compte dans l’élaboration du questionnaire intellectuelles supérieures » (45 %). Un partenaire était
final. sans activité professionnelle et un était à la retraite
Cette étude a reçu l’autorisation de l’Agence française (3 %).
pour la sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps),
du Comité de protection des personnes (CPP), de
la Direction générale de santé (DGS), du Commis- Résultats
sion consultative sur le traitement de l’information
en matière de recherche dans le domaine de la
santé (CCTIRS) et de la Commission nationale de
Les dimensions révélées à travers
l’informatique et des libertés (CNIL). les entretiens des participants
Les résultats de l’analyse globale des entretiens
montrent que huit personnes sur dix évoquent l’impact
Population cible de la maladie sur leur couple et sur le plan psycho-
De février 2007 à juin 2008, l’étude a été proposée logique, six sur dix parlent de la famille, cinq sur
et acceptée par 94 patientes. Toutefois, 17 partenaires dix évoquent les répercussions physiques et profes-
n’ont pas souhaité participer à l’étude. Après vérifica- sionnelles, quatre sur dix soulèvent un impact social,
tion des données médicales et sociodémographiques, deux sur dix évoquent des conséquences domestiques,
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L’analyse en fonction de la période des traitements
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(chimiothérapie, trastuzumab, hormonothérapie et sur- Chimiothérapie Trastuzumab Hormonothérapie Surveillance
veillance) révèle que, globalement, le vécu chez la
patiente se différencie peu selon l’étape de traitement.
Toutefois, assez logiquement, la dimension physique Figure 4A. Dimensions évoquées par les patientes selon le
est plus abordée lors des traitements de chimio- groupe de traitement (n = 69, en %).
thérapie, trastuzumab et hormonothérapie que sous
surveillance (p < 0,05) (figure 4A). Les partenaires
évoquent davantage les dimensions professionnelles,
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50 Chimiothérapie Trastuzumab Hormonothérapie Surveillance
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40
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12 Figure 4B. Dimensions évoquées par les partenaires selon le
10 3 1 groupe de traitement (n = 69, en %).
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Cette sous-dimension était présente surtout pendant les
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80 78 78 80 étapes d’hormonothérapie et de surveillance.
70 65 67
57
La sexualité était évoquée par 41 % des partici-
60
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51 pants. La dimension sexuelle était plus rapportée
40 36
29 26
pendant la chimiothérapie et le traitement par tras-
30 23
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12 13
tuzumab (respectivement 58 et 45 %) que pendant
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l’hormonothérapie et la surveillance (respectivement
33 et 21 %) (p < 0,01).
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Patientes Partenaires
Le discours des participants a été découpé en seg-
ments (un segment = une unité sémantique). Au final,
Figure 3. Dimensions évoquées selon le statut « patiente » versus 985 segments ont été listés et codés selon leur tonalité
« partenaire » (n = 138, en %). positive, négative ou indéterminée. Un accord interjuge
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