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Synthèse

General review
Volume 99 • N◦ 6 • juin 2012
©
John Libbey Eurotext

Qualité de vie des femmes jeunes ayant


un cancer du sein localisé et de leur
partenaire : nécessité de développement
de questionnaires spécifiques
pour la patiente et le partenaire*
Quality of life of young women with early breast cancer and their
partners: specific needs result in the necessity of development of
specific questionnaires for the patient and the partner
Laurence Vanlemmens1 , Emmanuelle Fournier2 , Diane Boinon3 , Jean-Luc Machavoine4 ,
Véronique Christophe2
1 Centre Oscar-Lambret, 3, rue Frédéric-Combemæl, 59020 Lille, France
<scientifique@o-lambret.fr>
Article reçu le 3 février 2012,
<l-vanlemmens@o-lambret.fr>
2 Université Lille Nord de France, université Lille-III, URECA EA 1059, 3, rue Barreau, 59650 Villeneuve-d’Ascq, France
accepté le 29 mars 2012
3 Institut Gustave-Roussy, Villejuif, France
Tirés à part : L. Vanlemmens
4 Centre François-Baclesse, Cæn, France

Pour citer cet article : Vanlemmens L, Fournier E, Boinon D, Machavoine JL, Christophe V. Qualité de vie des femmes
jeunes ayant un cancer du sein localisé et de leur partenaire : nécessité de développement de questionnaires
spécifiques pour la patiente et le partenaire. Bull Cancer 2012 ; 99 : 685-91.
doi : 10.1684/bdc.2012.1598.

Résumé. Objectifs. Déterminer le vécu des jeunes


Abstract. Purpose. To determine the feelings of
femmes atteintes d’un cancer du sein localisé et de
young women with early breast cancer conco-
leur partenaire à des périodes de traitement différents
mitantly with their partners at different treatment
en vue de créer une échelle permettant de mesurer le
periods in order to create a specific quality of
vécu subjectif spécifique de cette population. Matériel
life (QOL) scale for this population. Materiel and
et méthodes. Il s’agit d’une étude prospective, multi-
methods. It was a prospective, multicentre, quali-
centrique, qualitative, proposée aux patientes jeunes
tative study, in patients younger than 45 years old
de moins de 45 ans au moment du diagnostic de
at diagnosis and living with a partner for at least
cancer du sein et vivant en couple depuis au moins
six months. Patients and partners were interviewed
six mois. Soixante-neuf couples ont été interrogés par
by a psychologist, from the diagnosis disclosure
un psychologue, pendant ou après les traitements,
until follow up, using non-directing individual talks.
à l’aide d’entretiens individuels non directifs. Résul-
Results. Sixty-nine couples were interviewed. Ana-
tats. Les analyses des entretiens ont mis en évidence
lyses of the interviews have highlighted the impact
des répercussions de la maladie sur huit dimensions :
of disease on eight dimensions: psychological,
psychologique, physique, familiale, sociale, couple,
physical, family, social, couple, sexuality, domes-
sexualité, domestique, professionnelle et économique.
tic, professional and economic dimensions. These
Ces répercussions sont essentiellement négatives et sont
impacts are mostly negative and are present in
présentes à toutes les périodes de traitement et même
all periods and even after treatment for follow
pendant la surveillance. Discussion. Un profil multidi-
up. Discussion. A multidimensional profile of this
mensionnel de cette population spécifique a été créé.
specific population was established. A QOL scale
Une échelle de qualité de vie dédiée à cette population
dedicated to this population is being validated. 
est en cours de validation. 
doi : 10.1684/bdc.2012.1598

Mots clés : cancer du sein, femme jeune, partenaire, couple, Key words: breast cancer, young woman, partner, couple,
qualité de vie quality of life

* Projet promu par le centre Oscar-Lambret et l’université Lille-III.


Étude financée par l’Institut National contre le Cancer, Ligue Nationale contre le Cancer, Roche, Novartis Pharma, Sanofi-Aventis.

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L. Vanlemmens, et al.

Introduction Cette étude a pour principal objectif de créer un


outil de mesure spécifique et particulier en langue
Dans les pays développés, environ 13 % des femmes française de l’impact du cancer du sein sur la
atteintes d’un cancer du sein ont moins de 45 ans [1, 2]. qualité de vie non seulement des femmes jeunes
L’amélioration des traitements permet un espoir de gué- (moins de 45 ans) atteintes d’un cancer du sein non
rison ou de rémission prolongée. métastatique, mais aussi sur la qualité de vie du par-
Toutes les femmes traitées pour un cancer du sein tenaire. Il s’agit de déterminer plus spécifiquement
doivent faire face à des difficultés multiples. Elles le vécu psychologique, émotionnel, familial et social
sont par ailleurs confrontées à des problématiques pour chacune des deux personnes (patiente et parte-
non spécifiques à leur âge liées aux conséquences naire) au travers d’entretiens non directifs. Le second
des traitements locorégionaux (modification de l’image objectif est de comparer les dimensions convergen-
corporelle, etc.), aux effets secondaires des traitements tes et/ou divergentes des patientes et des partenaires
médicaux altérant la qualité de vie (fatigue, etc.) et selon les différentes étapes du parcours médical
générant des répercussions psychosociales (anxiété, ciblé.
dépression, arrêt de travail, perte du statut social, etc.),
aux sentiments d’impuissance, aux incertitudes, aux
angoisses de récidive. . . [3-5]. Elles sont également Méthode
exposées à des problématiques plus spécifiques au Il s’agit d’une étude prospective et qualitative basée
jeune âge que sont le souhait d’enfants (quelquefois sur des entretiens non directifs, proposée aux patientes
incompatible avec les traitements proposés pouvant âgées de moins de 45 ans au moment du diagnostic,
induire une ménopause ou traitement tératogène pres- suivies pour un cancer du sein non métastatique,
crit pour une longue durée), l’éducation des enfants traitées ou ayant été traitées par chimiothérapie, et
présents, le rôle et les responsabilités familiales, la leur partenaire. Pour pouvoir participer, les deux per-
sexualité et la relation maritale, l’image corporelle, sonnes devaient être en couple depuis au moins six
l’activité professionnelle. . . Bien que le cancer du sein mois et ne pas présenter de troubles psychiatriques
soit un événement particulièrement pathogène pour avérés.
toutes les femmes, et ce quel que soit leur âge, cer- Après proposition de l’étude par le médecin référent
taines études semblent cependant indiquer que les et recueil du consentement écrit de participation, un
femmes jeunes (moins de 45 à 50 ans) présentent glo- psychologue prenait contact avec les participants pour
balement une moins bonne qualité de vie générale, un entretien individuel avec la patiente et le parte-
sont plus vulnérables aux effets négatifs de la maladie naire vus séparément. Afin de garantir une perspective
[6-13], présentent une plus grande détresse émotion- temporelle de l’impact de la pathologie cancéreuse,
nelle, davantage de troubles émotionnels et dépressifs, quatre groupes indépendants ont été constitués selon le
et ont davantage de difficultés à mettre en place des parcours médical de la patiente : chimiothérapie, tras-
stratégies d’ajustement adaptées pour faire face à la tuzumab, hormonothérapie et surveillance (figure 1).
maladie [14, 15]. Les entretiens étaient volontairement non directifs, les
Face à la maladie, les patientes sont en recherche de domaines évoqués par les personnes interrogées étaient
support social, émotionnel mais également de sou- donc totalement libres, non induits par le psychologue,
tien [16]. Ce soutien est le plus fréquemment procuré et représentatifs de leurs préoccupations. Toutefois
par un membre de la famille, notamment le partenaire afin d’établir une homogénéité entre les entretiens,
[17]. Or, la vie quotidienne des aidants peut être per- chaque psychologue posait la même question de départ
turbée : travail, relations sociales, finances, temps de « Pouvez-vous me parler des modifications engendrées
loisirs [18-20], et engendrer, ce que l’on nomme plus
spécifiquement, le fardeau objectif. Ce fardeau, cor-
rélé directement et/ou indirectement à la dépression,
l’anxiété et la santé physique peut également entraî- Chimiothérapie*, Radiothérapie
Hormonothérapie (5ans)
Diagnostic (environ 6mois)
ner le fardeau subjectif [18, 20, 21]. Le cancer du Surveillance

sein est donc une maladie qui affecte non seulement Chirurgie Trastuzumab (1an)

la patiente elle-même, mais son entourage familial Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4

proche. *groupe 1 : chimiothérapie adjuvante (après chirurgie) ou néoadjuvante (avant chirurgie)


Les difficultés rencontrées pour une femme atteinte groupe 4 : surveillance : fin des traitements médicaux (soit après chimiothérapie chez les
patientes ne prenant pas d’hormonothérapie, ou après les 5 ans d’hormonothérapie)
d’un cancer du sein peuvent entraîner également des
répercussions sur la relation conjugale [22] : une
Figure 1. Quatre groupes selon le parcours médical.
rupture de la vie conjugale surtout s’il existe des dif-
* groupe 1 : chimiothérapie adjuvante (après chirurgie) ou
ficultés avant l’annonce du cancer du sein, ou au néoadjuvante (avant chirurgie) ; groupe 4 : surveillance : fin
contraire amener à un rapprochement au sein du des traitements médicaux (soit après chimiothérapie chez les
couple [23, 24]. Il paraît donc essentiel de prendre en patientes ne prenant pas d’hormonothérapie, ou après les cinq
charge le couple et non uniquement la patiente [25]. ans d’hormonothérapie).
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Qualité de vie des femmes jeunes ayant un cancer du sein et de leur partenaire

par la maladie dans votre vie ? » et lors de l’entretien, cinq patientes ne respectaient pas les critères
des relances pouvaient être effectuées afin d’éclaircir d’inclusion et pour trois couples, les entretiens ont
ou d’approfondir les récits. été faits dans un intervalle de temps trop impor-
Des données médicales et sociodémographiques tant entre la patiente et son partenaire. Au final, les
étaient collectées pour chaque inclusion. Le psy- entretiens de 138 participants, soit 69 couples ont
chologue n’avait pas connaissance des informations pu être analysés : 24 couples pendant la chimio-
médicales de la patiente avant l’entretien afin d’éviter thérapie, 11 pendant le traitement par trastuzumab,
tous biais de perception sélective ou d’attentes sociales. 15 pendant l’hormonothérapie et 19 pendant la phase
Les entretiens étaient enregistrés et retranscrits inté- de surveillance. L’âge moyen des patientes était de
gralement constituant ainsi le verbatim pour l’analyse 39 ans (27-52 ans) et de 41 ans (28-60 ans) pour
de contenu sémantique et dimensionnelle. Les fichiers les partenaires. Les couples étaient ensemble depuis
étaient sauvegardés et archivés sur une bande numé- 14 ans en moyenne (0,5-27 ans). Dix couples (15 %)
rique spécifique à chaque participant. n’avaient pas d’enfant et dix exprimaient le désir
Une analyse de contenu des entretiens ainsi qu’une d’avoir un enfant. Au moment de l’entretien, toutes
revue de la littérature ont été effectuées pour répertorier les patientes recevaient ou avaient reçu une chimio-
les thèmes les plus fréquemment abordés concernant thérapie (critère d’inclusion). Concernant la chirurgie,
le vécu des participants. Ces analyses ont permis de neuf patientes (13 %) étaient en cours de chimiothé-
lister dix dimensions de qualité de vie et de vécu sub- rapie néoadjuvante et n’avaient donc pas encore été
jectif chez des patientes atteintes de cancer du sein : opérées, 34 patientes (49 %) avaient eu une mastec-
dimension psychologique, physique, familiale, sociale, tomie totale et 26 patientes (38 %) une mastectomie
couple, domestique, professionnelle, économique, soi- partielle. Le geste ganglionnaire réalisé a été sous
gnante et spirituelle. Pour chaque entretien, il s’agissait forme d’un curage axillaire pour 48 patientes (80 %)
de vérifier si ces dimensions étaient présentes ou non. et exploration du ganglion sentinelle pour 12 patientes
Une seconde analyse a été effectuée portant sur les (20 %). Pour 46 patientes (67 %), la radiothérapie
tonalités des entretiens (positive, négative, indéter- locorégionale avait déjà été réalisée. Le traitement par
minée), pour cela chaque récit était fractionné en trastuzumab était administré ou avait été administré
segments de texte (un segment = une idée) et codé en à 18 patientes. Enfin, 27 patientes (39 %) recevaient
fonction de sa tonalité. Un accord interjuge a été effec- ou avaient reçu de l’hormonothérapie. Au moment
tué sur 10 % des segments. de l’entretien, 14 patientes (20 %) et trois partenaires
Enfin, afin de créer un outil de mesure spécifique du (4 %) recevaient un soutien psychologique et cinq
vécu subjectif des patientes jeunes atteintes d’un can- patientes (7 %) étaient traitées par antidépresseurs.
cer du sein et de leur partenaire, un questionnaire Dans le groupe surveillance, le temps moyen entre
préliminaire a été élaboré à partir des récits de vie le diagnostic et l’entretien était de trois ans (1-
des patientes et des partenaires, classés par dimen- 10 ans) et de un an (0,5-10) pour tous les couples
sion répertoriée. L’anonymat et la confidentialité des inclus. Les principales catégories socioprofessionnelles
segments choisis ont été scrupuleusement respectés. pour les patientes étaient « employées » (38 %) et
Puis, des groupes de travail avec les couples volon- « cadres et professions intellectuelles supérieures »
taires (environ 30 personnes) se sont réunis à deux (30 %). Huit patientes étaient sans activité pro-
reprises afin de discuter et valider la formulation des fessionnelles (12 %). Les partenaires appartenaient
items. Les différentes remarques des participants ont été principalement à la catégorie « cadres et professions
prises en compte dans l’élaboration du questionnaire intellectuelles supérieures » (45 %). Un partenaire était
final. sans activité professionnelle et un était à la retraite
Cette étude a reçu l’autorisation de l’Agence française (3 %).
pour la sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps),
du Comité de protection des personnes (CPP), de
la Direction générale de santé (DGS), du Commis- Résultats
sion consultative sur le traitement de l’information
en matière de recherche dans le domaine de la
santé (CCTIRS) et de la Commission nationale de
Les dimensions révélées à travers
l’informatique et des libertés (CNIL). les entretiens des participants
Les résultats de l’analyse globale des entretiens
montrent que huit personnes sur dix évoquent l’impact
Population cible de la maladie sur leur couple et sur le plan psycho-
De février 2007 à juin 2008, l’étude a été proposée logique, six sur dix parlent de la famille, cinq sur
et acceptée par 94 patientes. Toutefois, 17 partenaires dix évoquent les répercussions physiques et profes-
n’ont pas souhaité participer à l’étude. Après vérifica- sionnelles, quatre sur dix soulèvent un impact social,
tion des données médicales et sociodémographiques, deux sur dix évoquent des conséquences domestiques,

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L. Vanlemmens, et al.

un sur dix des conséquences économiques (figure 2).


Les dimensions spirituelles et relationnelle au monde

Pourcentage de dimensions évoquées


100
90
médical sont peu représentées (moins de 5 % des par- 80
ticipants y font référence spontanément). 70

L’analyse des profils de réponses des patientes versus 60


50
partenaires met en évidence des différences signi- 40
ficatives pour cinq dimensions. Les patientes font 30
20
davantage référence aux dimensions psychologiques, 10
physiques, professionnelles, sociales et familiales que 0

les partenaires (p < 0,05) (figure 3).

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ili

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nn

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Co

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Ph

on
L’analyse en fonction de la période des traitements

s
es
yc

Éc
D
of
Ps

Pr
(chimiothérapie, trastuzumab, hormonothérapie et sur- Chimiothérapie Trastuzumab Hormonothérapie Surveillance
veillance) révèle que, globalement, le vécu chez la
patiente se différencie peu selon l’étape de traitement.
Toutefois, assez logiquement, la dimension physique Figure 4A. Dimensions évoquées par les patientes selon le
est plus abordée lors des traitements de chimio- groupe de traitement (n = 69, en %).
thérapie, trastuzumab et hormonothérapie que sous
surveillance (p < 0,05) (figure 4A). Les partenaires
évoquent davantage les dimensions professionnelles,

Pourcentage de dimensions évoquées


sociales et domestiques lorsque la patiente est en 90
80
début de traitement que lorsqu’elle est sous surveillance 70
(p < 0,05) (figure 4B). C’est lorsque la patiente est sous 60
hormonothérapie que l’on retrouve le plus de diffé- 50
40
30
20
10
0
Pourcentage de dimensions évoquées

le

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90

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79
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70

s
Ps

64

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Pr
60
51 51
50 Chimiothérapie Trastuzumab Hormonothérapie Surveillance
43
40
30 24
20
12 Figure 4B. Dimensions évoquées par les partenaires selon le
10 3 1 groupe de traitement (n = 69, en %).
0
le

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Pr

rences avec le partenaire. À ce stade de traitement, les


femmes évoquent plus les dimensions psychologiques,
Figure 2. Dimensions évoquées par les participants (n = 138, en physiques, familiales, sociales et professionnelles que
%).
les partenaires.
Le désir d’enfant était évoqué par 14 % des participants,
de manière égale pour les patientes et les partenaires.
Pourcentage de dimensions évoquées

100
90
Cette sous-dimension était présente surtout pendant les
90
80
80 78 78 80 étapes d’hormonothérapie et de surveillance.
70 65 67
57
La sexualité était évoquée par 41 % des partici-
60
50
51 pants. La dimension sexuelle était plus rapportée
40 36
29 26
pendant la chimiothérapie et le traitement par tras-
30 23
20
22
12 13
tuzumab (respectivement 58 et 45 %) que pendant
10
0
l’hormonothérapie et la surveillance (respectivement
33 et 21 %) (p < 0,01).
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Les tonalités évoquées par les participants


of
Ps

Pr

Patientes Partenaires
Le discours des participants a été découpé en seg-
ments (un segment = une unité sémantique). Au final,
Figure 3. Dimensions évoquées selon le statut « patiente » versus 985 segments ont été listés et codés selon leur tonalité
« partenaire » (n = 138, en %). positive, négative ou indéterminée. Un accord interjuge

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Qualité de vie des femmes jeunes ayant un cancer du sein et de leur partenaire

a été effectué sur 10 % des segments (kappa : 0,71). Discussion


Globalement, les tonalités étaient principalement
Ce projet consiste à déterminer de façon qualitative
négatives pour les patientes et les partenaires (70 et
et prospective quels sont les vécus psychologiques,
66 %). Pour chaque période analysée, aucune dif-
émotionnels, familials et sociaux, caractéristiques des
férence n’a été retrouvée entre les patientes et les
jeunes patientes et de leur partenaire pour dégager
partenaires. Les tonalités négatives étaient plus fré-
les difficultés quotidiennes et les problématiques spé-
quemment reportées pendant la chimiothérapie par
cifiques à cette population à tous les moments de la
rapport aux autres périodes analysées (p < 0,001)
maladie.
(figure 5).
Notre souci étant d’étudier le vécu subjectif de ces
patientes et de leur partenaire tout au long du par-
cours médical de la patiente, et ce de manière la
Le questionnaire du vécu subjectif plus fine et représentative possible, nous avons opté
des patientes jeunes atteintes pour cette méthode qualitative prospective sous forme
d’un cancer du sein et de leur partenaire d’entretiens non directifs. Cette approche présentait en
Les dimensions « soignantes » et « spirituelles » évo- effet l’avantage de pouvoir appréhender les ressentis,
quées par moins de 5 % des participants n’ont pas les besoins, les difficultés, les aspects positifs ou néga-
été retenues puisque non représentatives des préoccu- tifs de cette situation de vie particulière sans a priori en
pations quotidiennes de la population dans le cadre se basant sur les récits de vie de la population ciblé.
de cette étude. Au final, 157 items répartis selon les Les domaines évoqués par les personnes interrogées
huit dimensions conservées et selon le statut du parti- étaient totalement libres, représentatifs de leurs préoc-
cipant (patiente ou partenaire) ont donc été formalisés. cupations à un moment donné.
Ces huit dimensions ainsi que les items associés ont L’originalité de cette recherche consiste à l’interview
été en grandes majorités validés par les participants. en parallèle des patientes et de leur partenaire, et à la
Une dimension « enfant », initialement présente dans collaboration active des couples, en particulier dans
la dimension « familiale », a toutefois été créé distincte- la procédure de validation des items. Les items créés
ment. Il est en effet apparu lors des discussions avec les dans les questionnaires résultent de l’expérience des
participants que la problématique liée aux « enfants » patientes et partenaires, ont été vérifiés et validés par
n’était que trop peu abordée alors qu’elle représente des femmes atteintes d’un cancer du sein et leur parte-
bien un sujet spécifique et prégnant pour ces couples. naire.
Suite à ces deux réunions participatives, chaque item
a donc été repris et analysé par le comité de pilotage Discussion des résultats
scientifique. Une analyse fine et détaillée avec accord La population incluse dans cette étude a un niveau
interjuges a permis d’aboutir à la construction de deux d’enseignement supérieur à la population globale
échelles de mesures du vécu subjectif : une échelle spé- française [26], ce qui concorde avec les travaux de
cifique à la patiente et une échelle à destination du Kogevinas et al. montrant que le cancer du sein est
vécu de son partenaire. Ces échelles sont composées plus fréquent dans les strates socioéconomiques éle-
de 80 items pour les patientes et 77 items pour les par- vées [27].
tenaires répartis selon huit dimensions : psychologique, Ces entretiens ont montré les points de vue conver-
physique, familiale et sociale, couple, domestique, pro- gents et divergents des patientes et des partenaires. La
fessionnelle, économique et enfant. principale différence a été observée pour la dimension
physique qui a été exprimée par 80 % des patientes
et 23 % des partenaires. La dimension physique des
partenaires reflète leurs propres sentiments et leurs
90 symptômes physiques et non pas ce qu’ils pensaient
80
70
de l’image du corps ou des préoccupations de leur
60 épouse. Un partenaire sur quatre note des répercus-
50
40
sions physiques pour lui-même de la maladie de sa
30 partenaire (notamment de la fatigue). Concernant les
20
10
patientes, un plus grand déclin physique a été décrit
0
patiente partenaire patiente partenaire patiente partenaire patiente partenaire
dans une vaste étude chez les patientes plus jeunes par
Chimio. Trastuzumab Hormono. Surveillance
rapport aux aînés [10], ce qui confirme les résultats de
Négative Positive Non spécifiée
notre étude. La dimension physique des jeunes couples
devrait donc être systématiquement prise en compte et
pour la patiente et pour son partenaire.
Figure 5. Tonalités patientes versus partenaires en fonction de Pour l’ensemble des patientes et partenaires, les enfants
la période (en %, n = 985 segments). ont été une préoccupation majeure et le sujet a été

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L. Vanlemmens, et al.

exprimé si souvent que nous avons décidé de créer une Conclusion


dimension « enfant ». Cela reflète le jeune âge des par-
Cette étude confirme qu’aujourd’hui, nous devons non
ticipants et ses spécificités et montre à quel point le
seulement avoir une approche personnelle, mais éga-
développement d’un outil spécifique pour ces jeunes
lement une approche systémique et dynamique avec
patientes et leur partenaire est nécessaire.
prise en charge globale de nos patientes mais égale-
Globalement, le vécu subjectif de la pathologie cancé-
reuse chez la patiente se différencie peu selon l’étape ment du partenaire. À la lumière de ces résultats, quelle
de traitement. Toutefois pour les partenaires, les dimen- que soit la période du soin, il paraît indispensable que
sions professionnelles, sociales et domestiques ont été les cliniciens soient et restent vigilants et attentifs aux
significativement plus souvent évoquées au cours de répercussions de la maladie et des traitements sur la
la période de chimiothérapie et trastuzumab. Cela qualité de vie de leurs jeunes patientes et de leur par-
pourrait refléter la réorganisation nécessaire de la vie tenaire. Deux questionnaires de qualité de vie de huit
familiale au cours de cette phase de traitement, qui dimensions sont en cours de validation psychométrique
nécessite notamment des visites fréquentes à l’hôpital pour cette population spécifique (un pour les patientes
pour l’administration des traitements. C’est une période et un pour les partenaires) qui nous aideront à repé-
sensible qui mériterait une attention et un soutien par- rer les besoins et orienteront les aides spécifiques à
ticuliers notamment pour le partenaire. apporter à tout moment du parcours du couple dans
Peu de couples ont évoqué le désir d’enfants, mais une des futures recherches. 
grande majorité avait déjà des enfants. Ils ont principa- Conflits d’intérêts : aucun.
lement exprimé ce désir lors des phases de traitement
moins lourdes et à distance du diagnostic, notamment
lors de l’hormonothérapie et du suivi.
La sexualité a été spontanément évoquée par près de Références
la moitié des participants et elle a été principalement 1. http://seer.cancer.gov/csr/1975_2006/results_merged/topic_age_
exprimée au début du traitement, pendant les périodes dist.pdf:
2. Belot A, Grosclaude P, Bossard N, et al. Cancer incidence and
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soulevé les questions concernant la sexualité des jeunes 3. Badger TA, Braden CJ, Mishel MH, Longman A. Depression bur-
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couples. Il a déjà été démontré que la ménopause pré- breast cancer: patterns over time. Res Nurs Health 2004 ; 27 : 19-28.
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2005 ; 18 : 201-15.
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l’insatisfaction sexuelle en raison de l’image corporelle cial issues confronting young women with breast cancer. Breast Dis
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