Vous êtes sur la page 1sur 20

Constantinople

115 langues
 Article
 Discussion
 Lire
 Modifier
 Modifier le code
 Voir l’historique
Outils












Pour l’article homonyme, voir Constantinople (ensemble musical).

Carte montrant le relief de Constantinople et ses murs


pendant la période byzantine. La numérotation des collines et des régions
administratives est en brun.
Constantinople (en latin Constantinopolis, en grec
ancien Κωνσταντινούπολις / Kônstantinoúpolis, en turc
ottoman ‫( قسطنطينية‬Kostantiniyye)) est, de sa fondation en 330 sur le site de
l’ancienne Byzance par Constantin Ier (empereur de 306 à 337) jusqu’à sa chute en
1453, la capitale de l’Empire romain d’Orient. Elle devient par la suite la capitale de
l’Empire ottoman jusqu’en 1923, date à laquelle la fonction de capitale de la
nouvelle république de Turquie fut transférée à la ville d'Ankara. En 1930, son
nom turc vernaculaire, Istanbul, déjà donné au cœur historique de la ville, devient le
seul officiel. Sous ce nom, elle compte plus de 15 millions d’habitants au XXI siècle.
e

Seul le patriarcat œcuménique de Constantinople, dernier vestige institutionnel de


l’empire byzantin, emploie encore l'appellation Constantinople.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Pièce de monnaie
du II siècle ou III siècle représentant Byzas.
e e

Constantinople est bâtie sur le site de l’antique ville de Byzance dont la plupart des
sources antiques attribuent la fondation légendaire à deux héros mythiques, Byzas,
fils d’une nymphe ou d’un roi thrace, ainsi qu’un certain AntesN 1,1,2.

Sur le plan linguistique, le nom de « Byzance » (en grec


ancien : Βυζάντιον, Byzántion), vient soit du verbe grec buzō signifiant « resserrer »
en référence au Bosphore, soit du mot thrace βυζή, buzē : « rivage »)3.

Selon Socrate de Constantinople, lorsqu’il inaugura officiellement sa nouvelle


capitale, le 11 mai 330, Constantin Ier décida que la nouvelle ville porterait son nom
et s’appellerait « Ville de Constantin » (en grec ancien : Κωνσταντινούπολις) en
même temps qu’elle serait désignée officiellement sous le nom de « Nouvelle
Rome » (en grec ancien : Νέα Ῥώμη)4,5,6. Au titre de ville la plus importante d’Europe
du IV siècle au XIII siècle et centre de culture et éducation du bassin méditerranéen,
e e

on lui donnait aussi le titre de Basileuousa (Reine des Villes) ou Mégalopolis (la
Grande Ville) et les Constantinopolitains se référaient à elle dans le langage courant
comme à « la » Ville (ἡ Πόλις)7. Les autres peuples afficheront la même déférence à
son endroit. Les Varègues l’appelleront « Miklagarðr » (de mikill “grande” et garðr
“ville »), les Arabes « Rūmiyyat al-Kubra » (la grande Cité des Romains) et
les Slaves (Rus’s) « Tsargrad (Царьград) » ou « Carigrad », « la ville de l’empereur
(césar) ».

Depuis la réforme de la langue et de l’écriture turque par Atatürk, la ville a pris en


1930 le nom d’Istanbul, venant de l’expression grecque « eis tin polin (εἰς τὴν
πόλιν) », signifiant « dans » ou «( allant) à la ville », nom qui à l’origine ne désignait
que la vieille ville (la péninsule historique)8.

Géographie[modifier | modifier le code]


L’église Saint-Sauveur-in-Chora sur le flanc de la
sixième colline.
Tout comme Rome, Constantinople fut bâtie sur sept collines, chacune surmontée
d’un édifice religieux, église pendant la période byzantine, mosquée pendant la
période ottomane.

La première colline, sur laquelle l’antique Byzance avait été fondée, commence à
l’extrémité de la péninsule et fut appelée « Pointe du Palais » (aussi nommée
« Seraglio (le Sérail) », de nos jours « Sarayburnu ») et couvre les quartiers
impériaux byzantins et ottomans de la ville (Grand Palais de Constantinople, Hagia
Sophia, hippodrome de Constantinople, mosquée du sultan Ahmet ou mosquée
bleue, palais de Topkapi)9.

La deuxième colline est séparée de la première par une vallée relativement


profonde qui s’étend de Babiali à Eminönü. On y trouve la Citerne-basilique
(Yerebatan Sarnıcı), la colonne de Constantin, le Grand Bazar et la mosquée
Nuruosmaniye (qui devait originellement coiffer la deuxième colline).

La troisième colline à l’ouest de la deuxième voit descendre ses pentes rapidement


vers la Corne d’Or sur le versant nord, plus lentement au sud vers la mer de
Marmara. On y trouvait l’église de Sainte-Euphémie, le forum de Théodose,
l’Amastrianum, la mosquée Bayezid II, la mosquée Süleymaniye. De nos jours, elle
est occupée en partie par l’Université d’Istanbul.

La quatrième colline, encore plus à l’ouest, jouxte le mur de Constantin. Ses pentes
descendent abruptement vers la Corne d’Or au nord et le quartier Aksaray au sud. À
son sommet était bâtie l’église des Saints-Apôtres remplacée par la mosquée Fatih.
On y trouvait également le monastère du Christ Pantépoptès, aujourd’hui mosquée
Eski İmaret.

La cinquième et la sixième colline (les plus hautes des sept à soixante-dix mètres
au-dessus du niveau de la mer) étaient situées entre le mur de Constantin et le mur
de Théodose. Elles sont séparées par une vallée qui se dirige vers la Corne d’Or. On
y trouvait le palais des Blachernes, les citernes d’Aspar et d’Aetius, ainsi que de
nombreuses églises comme celles de Sainte-Marie-des-Mongols et du Saint-
Sauveur-in-Chora10.

La septième colline, connue par les Byzantins sous le nom de Xērolophos (« colline
sèche »), s’étendait d’Aksaray aux murs de Théodose et à la mer de Marmara10.
C’est une large colline à triple sommet formant triangle : Topkapi, Aksaray et
Yedikule. Elle correspond à l’actuel quartier de Kocamustafapasa11,12.

Ce fut probablement sa position stratégique qui fit préférer Constantinople


à Nicomédie où s’était installé Dioclétien. Non seulement elle commandait l’accès à
la mer Noire, mais elle était située à la jonction de deux importantes routes
militaires : la Via Egnatia venant de Rome à l’ouest et la route
reliant Chalcédoine à Ancyre (l’actuelle Ankara) passant par Nicomédie. Toutefois,
elle avait également des inconvénients notoires : côté terre son accès n’était défendu
par aucune barrière naturelle, ce qui constituera une menace permanente au cours
des siècles; de plus la présence de vents dominants du nord en été gênait la
navigation des Dardanelles vers la mer Noire13,14.

Histoire de la ville[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Histoire de l’Empire byzantin.

De la fondation à l'époque justinienne[modifier | modifier le code]

Plan du quartier historique de Constantinople.


Ville relativement modeste de Thrace, Byzance avait vu ses murailles rasées en
195/196 par Septime Sévère (r. 193-211) pour la punir d’avoir pris le parti
de Pescennius Niger dans la guerre civile de 193 à 19715. Mais convaincu par son
fils, Caracalla (r. 211-217), de pardonner à la cité en raison de son importance
stratégique, il les fit reconstruire au début du siècle suivant. La ville comptait alors
près de 20 000 habitants, avait un périmètre d’environ 5 km, était alimentée en eau
par un aqueduc (celui de Valens encore existant) et possédait deux ports fortifiés sur
la Corne d’Or16,2.

Depuis le III siècle, Rome avait définitivement perdu son rôle de capitale et de
e

résidence impériale. La tétrarchie instituée par Dioclétien (r. 284-305) pour mieux
faire face aux envahisseurs avait multiplié les capitales17. Mais à la différence de ses
prédécesseurs, Constantin Ier (r. 306-337), devenu seul empereur, voulut se doter
d’une capitale unique et permanente14. Dès 324, l’empereur établit le plan de cette
nouvelle ville, lui donnant une superficie de trois à quatre fois supérieure à celle de
l'ancienne Byzance18,19. Si la menue rivière Lykos n’égalait pas le Tibre, la Nouvelle
Rome imitait en tout l’ancienne. Également bâtie sur sept collines, elle comptait aussi
quatorze régions urbaines et était dotée d’un Capitole, d’un Forum, d’un Sénat,
d’un hippodrome, de magasins, d’aqueducs, de citernes, d’eau courante et d’égouts.
Dans les premiers temps, les sanctuaires païens (comme celui de la triade
capitoline) côtoyaient les temples chrétiens (comme Sainte-Irène) et certains
monuments, comme la colonne de Constantin, eurent un caractère syncrétique
évident. Mais très vite, la ville adopta un caractère presque exclusivement
chrétien20,21.

Inaugurée officiellement le 11 mai 33022, Constantinople devint en quelques


décennies une des plus grandes cités de l'Orient romain grâce à son rôle politique, à
ses activités économiques23 et aux constructions impériales. Située hors des zones
de conflit, Constantinople vit sa population rapidement augmenter et comptait déjà
sous le règne de Constantin quelque 80 000 habitantsN 2. La ville s'agrandit ensuite
vers l'ouest. L'enceinte d'origine entourant 700 hectares ne suffisant plus, Théodose
II l'entoura de nouveaux remparts entre 412 et 414, doublant ainsi la superficie de la
ville. L’avenue principale, la Mesē, se borda le long de son parcours de portiques à
l’instar des forums de Rome.

Le 27 janvier 447, un tremblement de terre provoqua une famine importante et


endommagea une grande partie de la muraille théodosienne, dont cinquante-sept
tours furent détruites. Cette catastrophe survenait à un moment critique, car l'armée
d'Attila se dirigeait vers la ville. La population se mobilisa et les murailles furent
reconstruites en deux mois24. Les Huns, peu doués pour la guerre de siège,
abandonnèrent leurs tentatives de conquête.

Sur le plan religieux, l’administration de l’Église avait adopté les mêmes divisions
territoriales que l’empire et il était fréquent que les autorités impériales s’adressent à
elle pour des tâches administratives25. Le concile de Chalcédoine de 451, dans son
vingt-huitième canon, donna à la ville de Constantinople le titre de « Nouvelle
Rome »26, ce qui faisait de son évêque, le patriarche de Constantinople, le second
personnage de l'Église. Constantinople était dès lors tant la capitale politique que
religieuse de l’Empire d’Orient.

Les conquêtes de Justinien Ier : l’Empire en 557.


En 532, sous le règne de Justinien, éclata la sédition Nika, qui faillit renverser
l'empereur et causa de terribles dommages à la ville27. Au cours de plusieurs
journées de troubles, les émeutiers mirent le feu à des bâtiments publics. L'incendie
se propagea et ravagea des quartiers entiers. L'église Sainte-Sophie (Hagia Sophia)
elle-même fut détruite. Après avoir écrasé la rébellion, Justinien Ier (r. 527-565)
s'attela à la reconstruction de la ville28. Non seulement Sainte-Sophie, mais
également le quartier du palais furent reconstruits avec plus de luxe qu’auparavant.
Au milieu de place de l'Augusteon, il fit remplacer la statue équestre de Théodose
II par la sienne. Il veilla non seulement à afficher sa propre gloire, mais également
celle de Dieu, en construisant trente-trois nouvelles églises. Pour que
l'approvisionnement de la ville en eau soit assuré, il fit également construire
l'immense Citerne Basilique. La fin de son règne fut cependant assombrie par une
terrible épidémie de peste (541-544), qui emporta près de la moitié de la population
de Constantinople29.
De Justinien à la prise de la ville par les croisés[modifier | modifier le
code]
Constantinople se voulait la capitale d'un empire « universel ». Cette prétention fut
battue en brèche après le règne de Justinien, tant à l'ouest par les Avars et
les Slaves qui occupèrent les Balkans qu'à l'est par l'Empire perse. Le 29 juin 626,
sous le règne d'Héraclius (r. 610-641), une armée d'Avars vint mettre le siège devant
les murailles de Théodose, alors que les Perses campaient sur la rive opposée
du Bosphore. Les assauts des Avars furent vains et, découragés, ils levèrent le
siège. Peu de temps après, les Perses furent écrasés30.

Au moment où l'on pouvait penser que l'Empire avait surmonté les pires épreuves, il
dut faire face à une menace inattendue : l'invasion des Arabes unis sous la bannière
de l'Islam. En l'espace de quelques années, il fut dépouillé de ses provinces les plus
riches. La vague musulmane vint pourtant elle aussi se briser au pied des murailles
de Constantinople. En 673, la flotte du calife ommeyade attaqua la ville mais dut se
replier devant la résistance byzantine après un siège de cinq années. La flotte
byzantine, très organisée et héritière des tactiques navales antiques, était fort
renommée à cette époque : les Byzantins sont considérés comme les inventeurs
du feu grégeois (mélange de poix et de poudre inflammable que l'on projetait sur les
navires ennemis). Sous le règne de l'empereur Léon III l'Isaurien (r. 717-741), les
Arabes firent une dernière tentative pour s'emparer de la capitale byzantine. Le siège
de Constantinople dura un an (15 août 717 – 15 août 718). Malgré les moyens mis
en œuvre, ce fut un cuisant échec : l'armée des assiégeants fut décimée par la peste
et la famine, tandis que le feu grégeois causait des ravages dans leur flotte de 1 800
navires. Leur retraite finale marqua la limite de l'expansion arabe dans cette région 31.

Après un violent séisme, le 9 février 790, qui dévasta également la Thrace,


Constantinople et son empire connurent une longue période de prospérité sous
la dynastie macédonienne (867-1057) grâce au commerce Europe-Asie
(Constantinople était le terminus occidental de la route de la soie) et à l’expansion
des frontières de l’empire32.

Entrée des Croisés à Constantinople (1096)


Eugène Delacroix, 1840
Musée du Louvre, Paris33
Suivit alors une période difficile tant sur le plan intérieur qu’extérieur alors que
l’empire était assiégé sur tous les fronts34,35. Seul l’avènement d’Alexis Ier Comnène (r.
1081-1118) put remettre de l’ordre et permettre la reprise de la prospérité 36,37. Cette
période prit fin en 1204, lorsque la quatrième croisade fut détournée vers
Constantinople. Le sac de Constantinople par les croisés dépouilla la ville des
richesses accumulées au cours des siècles. Le « début de la fin » pour la civilisation
gréco-romaine et chrétienne orthodoxe de l'Empire, vint donc non des musulmans,
mais des chrétiens d'Occident. La ville et l'empire perdirent définitivement leurs
ressources commerciales au profit des Vénitiens et des Génois, pendant que
l’empire ne survivait qu'à travers trois États successeurs : le despotat d'Épire,
l'empire de Nicée et l'empire de Trébizonde38,39.

1204-1453 : de l'Empire latin de Constantinople à la prise de la


ville par les Ottomans[modifier | modifier le code]

Les chevaux de Saint-Marc : un quadrige ornant


l'hippodrome de Constantinople, pillé par les Vénitiens en 1204.
En 1204, après la chute de la ville aux mains des croisés, Constantinople devenait la
capitale d’un éphémère Empire latin d'Orient, qui ne devait perdurer qu'un demi-
siècle, jusqu'en 1261. Cette année-là, les forces nicéennes conduites par Michel VIII
Paléologue (r. 1261-1282) reprirent la ville et restaurèrent l'empire.

Mais celle-ci, pillée de ses richesses, vidée de ses habitants et aux trois quarts en
ruines, peina à se reconstruire. En 1261, comme le palais des Blachernes, dont les
empereurs latins avaient fait leur résidence, était dans un état lamentable Michel VIII
s'installa dans le Grand Palais, lui-même pourtant fort délabré. La grande cité,
négligée pendant 60 ans, n'était plus constituée que de villages séparés par des
espaces agricoles40. En 1437, l'espagnol Pedro Tafur parle ainsi d'une population
clairsemée et misérable. Au milieu du XIV siècle, le voyageur Ibn Battûta dénombre
e

treize bourgades différentes à l'intérieur de l'enceinte de la ville, hameaux ou quartier


dont l'historien Steven Runciman précise qu'ils étaient souvent bordés d'un mur ou
d'une palissade.

En outre, de plus en plus endettés vis-à-vis des Génois et des Vénitiens, les
empereurs avaient concédé à ces derniers des privilèges exorbitants. Après avoir
expulsé les Génois qui avaient soutenu Manfred Ier de Sicile lors de sa tentative pour
s'emparer de la ville en 1264, Michel VIII renoua avec eux en 1267 et leur
céda Galata41,42. Au milieu du XIV siècle, Constantinople était à la merci des Génois
e

dont elle dépendait pour ses approvisionnements en provenance de la mer Noire.


Pour restaurer les finances impériales, Jean VI (r. 1347-1354) diminua les droits de
douane prélevés à Constantinople pour y attirer les navires étrangers, aux dépens de
Galata. En août 1348, les Génois réagirent en brûlant la flotte byzantine43. Entre 1345
et 1355, la ville fut décimée par la peste noire qui sévit alors en Europe44.
La forteresse de Roumélie (Rumeli Hisarı).
En 1355, les Turcs ottomans, qui s’étaient déjà emparés de la totalité de l'Asie
Mineure45, étaient passés en Europe capturant en quarante ans la péninsule
des Balkans : Constantinople fut encerclée et l'empire fut réduit à sa capitale,
à Mistra et à quelques îles de la mer Égée. En 1391, le sultan Bajazet Ier (r. 1389-
1402) mit le siège devant Constantinople46,47. Il devait durer huit ans. En 1396, la
pression sur la ville se relâcha quelque peu, lorsqu'une croisade organisée par le
roi Sigismond de Hongrie obligea le sultan à détourner ses forces48. La défaite des
croisés à la bataille de Nicopolis sonna le glas des espoirs des Byzantins. Comme
les murs de la ville la protégeaient toujours efficacement, les Turcs resserrèrent le
blocus en construisant la forteresse d'Anadolu Hisar sur le BosphoreN 3 .

Portrait de Mehmet II par Gentile Bellini (Musée


Victoria et Albert de Londres).
C'est d'Orient que devait venir le salut provisoire de Constantinople. En 1402, le
sultan Bajazet, vaincu, fut fait prisonnier par le Turco-Mongol Tamerlan lors de
la bataille d'Ankara49. Les Ottomans, durablement affaiblis, levèrent alors le siège de
Constantinople. La lutte pour le pouvoir entre les fils de Bajazet offrit quelques
années de répit aux Byzantins. Le vainqueur, Mehmed Ier (r. 1413-1421), entretint
des relations cordiales avec l'empereur Manuel II (r. 1391 à 1425)50,51. Toutefois, son
successeur, Mourad II (r. 1421-1444), reprit le siège de Constantinople en 1422,
mais dut rapidement renoncer à son projet de conquête pour réprimer la révolte d'un
de ses frères52. L'alerte avait été d'importance et, en 1439, l'empereur Jean VIII (r.
1425-1448) ne voyait plus de salut pour la ville qu'en acceptant l'Union des
Églises en échange de l'appui des souverains d'Occident53. Le pape Eugène
IV organisa alors une croisade pour stopper l'avance turque dans les Balkans54 mais
l'éclatante victoire des Ottomans sur les croisés à la bataille de Varna en 1444 scella
le destin de Constantinople.
Le jeune Mehmed II (r. 1444-1446 ; 1451-1481), qui devint sultan en 1451, décida de
s’affirmer face à son entourage en s’emparant de la ville jamais vaincue. Lorsqu'il mit
en chantier sur le Bosphore la forteresse de Roumeli Hissar en face d'Anadolu
Hissar55, l'empereur Constantin XI (r. 1448-1453) se prépara à soutenir un long siège.
Il ne reçut que de maigres renforts occidentaux de ses
créanciers génois et vénitiens. Constantinople n’était plus peuplée que de 45 000 à
50 000 habitants et sa population vivait dans la misère. Ses murailles étaient certes
solides, mais les défenseurs étaient trop peu nombreux pour les tenir. Soumise à
d'intenses bombardements, la ville fut emportée d'assaut le 29 mai 1453 par les
forces ottomanes. Le dernier empereur romain Constantin XI Paléologue mourut sur
les remparts en défendant sa ville56.

La capitale de l'Empire ottoman[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Empire ottoman.

Vue panoramique sur le Bosphore en 1870 –


Sebah&Joaillier.
Les Ottomans repeuplèrent la ville de Turcs. Les Roumis — forme turque du
mot Rômaioi (Romains) par lequel les Byzantins se désignaient eux-mêmes —,
furent regroupés au sein du « milliyet de Rum » (communauté des chrétiens
orthodoxes, sous l'obédience du patriarche orthodoxe) dans le quartier nord, le
Phanar, d'où leur surnom de Phanariotes)57. Les sultans à leur tour embellirent la ville
dont ils restaurèrent notamment les citernes et les édifices publics. De nombreuses
églises byzantines furent converties en mosquées. La ville redevint une des
métropoles du monde, avec une population au XVI siècle que les auteurs modernes
e

estiment à environ 700 000 habitants. En 1927, le Grand-Istanbul comptait 694 292
habitants, 1 035 202 en 195058.

À la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, les forces alliées s’emparèrent de


Constantinople qu’ils divisèrent en zones comme elles devaient le faire à Berlin à
l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Les Français s’installèrent dans la ville au
sud de la Corne d’Or, les Anglais à Galata et à Péra, les Italiens à Uskadar et un
petit contingent grec au Phanar59. De 1918 à 1924, Constantinople fut la scène d’un
double combat, le premier entre l’Empire ottoman, la Grèce et les Alliés, le second
entre la dynastie ottomane et son peuple60. Avec le départ du sultan Mehmed VI (r.
1919-1922), la dynastie perdit toute crédibilité alors qu’un nouveau gouvernement
turc s’installait à Ankara qui devint la capitale de la nouvelle république de Turquie le
13 octobre 192361. Mais Constantinople (renommée en 1930 Istanbul par le régime
d'Atatürk) continua à se développer; un pont colossal fut construit sur le Bosphore,
puis un second. Sur les quelque 14 millions d'habitants de l'agglomération,
désormais à cheval sur l'Europe et l'Asie, il reste moins de 3 000 Roumis d'origine ;
le patriarcat œcuménique de Constantinople demeure cependant installé au Phanar,
dernier vestige de l'Empire byzantin.

Administration[modifier | modifier le code]

Solidus de Constance II qui donna à Constantinople


son régime administratif.
Du fait de son rôle de capitale de l’empire et de résidence de l’empereur,
Constantinople jouissait d’un statut administratif particulier et d’institutions spéciales
lui conférant les mêmes privilèges civils et financiers que ceux de Rome avant elle62.

Administrée au départ par un archonte, titre des anciens magistrats de Byzance, la


ville verra son administration fixée par Constance (r. 337-361) qui remplacera
l’archonte par un Praefectus urbi en 339 sur le modèle de Rome. La ville à l’intérieur
du mur de Théodose sera divisée en quatorze « régions », chacune dirigée par un
« curateur », des « collegiatos » qui avaient la responsabilité d’intervenir en cas
d’incendies et de dirigeants de quartiers (vicomagistri) dont la fonction était d’assurer
la paix et la sécurité la nuit63.

La fonction de Préfet de la Ville ou en grec Éparque (ἔπαρχος, ou ὁ ἔπαρχος τῆς


πόλεως [éparque de la ville]) apparaît pour la première fois avec la nomination
d’Honoratus en 35964. Premier magistrat de la capitale, ses fonctions et son
importance varieront au cours des siècles. Il cumulera des fonctions juridiques,
policières et commerciales, distinctes de nos jours, mais qui s’entremêlaient à
l’époque puisque, responsable de l’approvisionnement et du commerce de la ville, il
devra veiller à l’honnêteté des transactions (poids et mesures) et punir les
contrevenants. Son bureau est également le plus imposant de l’administration64.

Deuxième personnage après l’empereur dans Constantinople, il était le juge


suprême dans la capitale et la région65. À ce titre, il rendait la justice civile et pénale
ayant sous ses ordres le logothète du prétoire, chargé des prisons, et était aidé dans
cette tâche par des juges, vraisemblablement un par région64. Les policiers de la cité,
les taxiōtai (ταξιῶται), étaient placés sous son autorité66 et la prison de la ville était
située dans les caves de sa résidence officielle, le praitōrion, devant le forum de
Constantin.

Ses autres attributions concernaient les corps de métier dont un certain nombre sont
mentionnés dans Le "Livre de l’Éparque". Responsable de l’approvisionnement de la
cité, il surveillait les gildes dont le bon fonctionnement était essentiel à l’État. Ainsi
les boullôtai, officiers qui avaient pour fonction d’apposer la bulle-certificat sur les
marchandises comme les soieries relevaient de lui64 ainsi que les notaires. À ce titre,
il contrôlait également l’assiette de l’impôt. Enfin, il était responsable de la
nomination des professeurs de l’Université de Constantinople67.

L’étendue de ses fonctions diminuera à l’époque des Comnènes et après 1204,


celles-ci seront divisées entre plusieurs services. Résultat de la perte de puissance
économique de l’empire, le préfet ne s’occupera pratiquement plus de la production
et du commerce de la ville et deviendra simple instrument politique de l’empereur
lors des guerres civiles qui marqueront les dernières décennies de l’empire.
Ainsi Alexis Apokaukos qui défendait les droits de Jean V (r. 1341-1391) n’hésitera
pas à faire appréhender et jeter en prison les partisans de Jean Cantacuzène (r.
1347-1354). Il demeurait ainsi un personnage puissant, mais son rôle ne concernait
plus l’administration de la ville68.

Économie[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Économie byzantine.

La population[modifier | modifier le code]


À partir de 360, la croissance urbaine prend un essor considérable dont témoigne la
construction de ports sur la mer de Marmara pour pallier les insuffisances
du Neorion et du Prosphorion sur la Corne d’Or ainsi que le début de vastes travaux
d’adduction d’eau69. À partir de 380 et du règne de Théodose Ier (r. 379-395),
Constantinople devient la résidence permanente de l’empereur en même temps que
se développe la construction d’édifices publics et religieux de toutes sortes. D’après
la Notitia Urbis Constantinopolitanae, vers 425, la ville comptait 14 églises, 8 bains
publics et 153 bains privés, 6 grands entrepôts et 4388 grandes résidences70.

Mais avec la peste de 542, la population commence à fléchir pour se concentrer sur
la côte sud, près du Port de Julien, déclin qui continuera pour les deux siècles
suivants71,72. Puis ce sont diverses forces extérieures qui priveront la capitale de pain
et d’eau. En 641, la capitale est dans un tel état d’abandon que Constantin III (r. fév.-
mai 641) songe sérieusement à l’abandonner pour aller s’établir à
l’ouest73. Constantin V (r. 741-775) fait venir dans la deuxième moitié
du VIII siècle près de 6 000 personnes de Grèce, des Iles et d’Asie pour repeupler la
e

ville et restaurer l’aqueduc principal74.

La croissance de la population ne reprendra qu’au VIII siècle et ne cessera


e

qu’au XII siècle. Les avis divergent sur l’importance de celle-ci au moment de
e

la Quatrième Croisade. Le chroniqueur Villehardouin qui participa à la conquête de la


ville parle de 400 000 habitants, estimation probablement élevée75. Selon les
données les plus pessimistes, elle aurait été dix fois moins nombreuse
qu’au VI siècle76. C’est aussi une période qui se caractérise par l’installation de
e

nombreux étrangers. Une communauté juive est déjà installée de longue date
à Péra qui sera expulsée en 1044. Les marchands musulmans sont regroupés dans
un caravansérail situé près du Néorion. Les Rus’ viennent régulièrement mais ne
sont pas autorisés à demeurer dans la ville. Les Amalfitains, puis les Vénitiens, suivis
des Génois et des Pisans obtiennent le droit de s’installer dès le X siècle74,72.
e
La tour de Galata qui marquait la frontière nord de la colonie
génoise au XIV siècle.
e

L’installation de ces marchands étrangers favorise aux XI siècle et XII siècle l’essor
e e

des quartiers sur les rives de la Corne d’Or dans le sillage du développement des
arsenaux impériaux. Des monastères et fondations s’y installent et offrent des
bâtiments en location. De l’autre côté de la Corne d’Or, Péra se développe77. Des
estimations conservatives donnent le chiffre de 7 000 pour les seuls Latins installés à
Constantinople72.

Le désastreux incendie de 1203 qui dévasta surtout le sud et l’est de la ville, de la


Corne d’Or à la mer de Marmara ainsi que l’occupation latine (1204-1261) devaient
mettre une fin brutale à cette croissance. Au milieu du XIV siècle, la décadence est
e

déjà présente et les rapports de voyageurs étrangers comme Pedro


Tafur, Bertrandion de la Broquière, ou Buondelmonti décrivent une ville en partie
déserte par opposition au commerce actif de Galata, de l’autre côté de la Corne
d’Or72.

Michel VIII tenta de reconstruire les murailles ainsi que les symboles du pouvoir civil
et religieux comme le palais des Blachernes et Sainte-Sophie ; l’aristocratie et les
nouveaux hauts fonctionnaires comme Théodore Métochite multiplièrent monastères,
bâtiments publics et églises, redonnant du travail aux artisans78. La population vit
revenir les nobles et hauts fonctionnaires d’exil, mais aussi une foule d’émigrés
chassés d’Asie mineure du nord après la bataille de Bapheus (1302). Ce ne fut
toutefois pas suffisant pour que la cité retrouve son antique splendeur. Le nombre
total des nouveaux arrivants ne compensait pas les pertes et les champs cultivés
occupaient une bonne partie de l’espace urbain. Les guerres civiles qui marquèrent
cette période ne firent rien pour stimuler l’économie. Seuls le renforcement des
murailles et les réparations des différents ports avaient priorité79. À cela s’ajouta la
terrible épidémie de peste qu’apportèrent en 1347 les bateaux génois en provenance
de Crimée : en une année le tiers de la population mourut80.

Lors de la conquête, la ville ne comptait plus qu’entre 40 000 et 70 000 habitants 81.
Immédiatement après la conquête Mehmet II se mit en devoir de reconstruire et de
repeupler la ville. Pour ce faire il fit venir des prisonniers de guerre musulmans,
chrétiens et juifs capturés lors de ses nombreuses conquêtes. Les non-musulmans
furent regroupés en « millets » ou nations selon leur religion. Il choisit un
moine, Georges Scholarius pour diriger le millet grec, alors que les Arméniens furent
placés sous la direction du patriarche grégorien et les Juifs sous celle du premier
rabbin82. Son programme de reconstruction comprenant mosquées, palais et le grand
« marché couvert » (Kapali Çarşi) exigeait une main d’œuvre abondante. Le premier
recensement fait en 1477 dans la seule population civile comptait 9 486 Turcs
musulmans, 4 127 Grecs, 1 687 Juifs, 434 Arméniens 267 Génois et 332 autres
Latins. La population de la ville avait ainsi pratiquement doublé en vingt ans83.

L’approvisionnement de la ville[modifier | modifier le code]


Deux choses étaient essentielles à la survie de la ville : son ravitaillement en
nourriture et son approvisionnement en eau.

Poursuivant ce qui s’était fait à Rome, Constantin commença sept jours après la
dédicace de la ville la distribution gratuite de pain (l'annone romaine) à trois
catégories de bénéficiaires : les citoyens pauvres (annona popularis), les
fonctionnaires du palais (annona palatii) et la garde impériale (annona militaris)84.
Produit à partir du blé de l’Égypte, le pain était ainsi prévu pour 80 000 personnes
(peut-être un objectif plutôt qu’une réalité)85. Toute maison nouvellement bâtie y était
admissible, droit qui se transmettait aux héritiers ou acheteurs86. Après Constantin,
ce service fut mis sous la responsabilité de l’éparque de la ville et était l’un de ses
premiers soucis, un retard dans les livraisons pouvant se traduire par des émeutes
qui, en 409, conduisirent à l’incendie de sa résidence, ce qui l’incita à créer un fonds
perpétuel de 500 livres pour acheter du blé en cas de disette86. Dès le VI siècle, ces
e

distributions commencèrent à être vues comme un privilège abusif et Justin II (r. 565-
578) commencera à le taxer, taxe qui augmentera sous ses successeurs jusqu’à ce
que la conquête de l’Égypte par les Arabes en 642 ne prive Constantinople de cette
denrée87.

Il ne semble pas cependant que cet arrêt de l’approvisionnement en provenance


d’Égypte ait eu de graves conséquences. La population de Constantinople était alors
en déclin et bientôt le blé d’Égypte sera remplacé par celui de Thrace,
de Thessalie et du nord-ouest de l’Europe. Lorsque la population recommencera à
croitre s’y ajoutera le blé en provenance de Bulgarie. Toutefois, l’annone a alors
disparu et le blé se transige librement sur le marché, son prix demeurant
relativement stable autour de un nomisma pour douze modoi de 12,8 kilos. Par
ailleurs, sous l’influence de l’aristocratie et de la fonction publique particulièrement
nombreuse, le régime alimentaire des habitants commence à se diversifier : les
légumes et fruits frais abondent dans les jardins de la capitale et les eaux du
Bosphore procurent du poisson en abondance88.

L’aqueduc de Valens vu du sud-ouest sur le


boulevard Atatürk.
Dépourvue de rivières (sauf la faible Lykos), n’ayant que peu de sources et les eaux
de pluie s’évaporant rapidement en été, Constantinople avait un besoin vital
d’assurer son approvisionnement durant les périodes sèches et les sièges qu’elle eut
à subir89. Le premier à construire un aqueduc fut Hadrien (r. 117-138). Mieux connu
sous le nom de son lointain successeur, Valens (r. 364-378), cet aqueduc apportait
l’eau de Halkali à environ 15 km au sud-ouest de la cité et avait un débit journalier de
6 000 m390. Avec l’accroissement de la population, cela ne suffit bientôt plus et
commencent après la grande sécheresse de 382 d’importants travaux pour
construire une nouvelle section (Aquaeductus Theodosiacus) dont l’eau provenait de
la région au nord-est de la ville, aujourd’hui connue sous le nom de forêt de
Belgrade ; ce nouveau tronçon s’étendit progressivement jusqu’à la zone
montagneuse située près de la frontière actuelle avec la Bulgarie91.

La citerne-basilique de Constantinople.
Le développement de la cour et de la haute fonction publique conduisit à la
construction de palais et de thermes qui devaient également être alimentés en eau
et Théodose II (r. 408-450) limita la distribution de l’eau de l’aqueduc au
Nymphaeum, aux bains de Zeuxippe et au Grand Palais de Constantinople92.

Toutefois, et comme le prouva le siège de Constantinople par les Avars en 636,


l’approvisionnement par aqueduc pouvait facilement être interrompu. Aussi le réseau
d’aqueducs fut complété entre la fin du IV siècle et le début du VII siècle par trois
e e

énormes citernes à ciel ouvert (Aetius [421], Aspar [459] et Mocius [sous Athanase ?]
d’une capacité totale de 900 000 m3, ainsi que de plus de quatre-vingts citernes
couvertes dont la fameuse citerne-basilique et la citerne de Philoxenos (Binbirdirek)
à l'ouest de l'hippodrome, d’une capacité approximative de 160 000 m389,91.

Après la chute de Constantinople en 1453, le sultan Mehmet II (r. 1444-1446 ; 1451-


1481) fit restaurer l’ensemble du réseau qui fut utilisé pour l’adduction d’eau aux
palais Eskui Sarayi (le premier palais construit sur la IIIe colline) et le Topkapi Sarayi,
connectant cet aqueduc à un nouveau tronçon venant du nord-est. Vers le milieu
du XVI siècle, Suleyman Ier (r. 1520-1566) fit reconstruire une partie des arcs de
e

l’aqueduc de Valens et fit ajouter par l’architecte impérial Minar Sinan deux nouveaux
tronçons venant de la forêt de Belgrade (Belgrad Ormam)93.
Les ports[modifier | modifier le code]

Carte de Constantinople établie vers 1420 par


Cristoforo Buendelmonti. Le Kontoskalion y est clairement visible dans la partie
centrale, à droite de l’hippodrome. Il est protégé de la mer par un môle semi-
circulaire alors qu’un mur le sépare de la cité.
Sa position entre la mer Noire et la Méditerranée, la nécessité d’un ravitaillement en
blé venant à la fois du Pont-Euxin et de l’Égypte par mer, la défense des détroits et
l’établissement de douanes pour le commerce, tous ces facteurs donnaient aux ports
de Constantinople une importance considérable94.

La ville disposait de quatre ports principaux : deux sur la Corne d’Or, le Prospherion
et le Neorion, et deux sur la mer de Marmara, le Port d’Éleuthérios connu par la suite
sous le nom de Port de Théodose et le Port de Julien aussi appelé Nouveau Port ou
Port de Sophie. S’y ajoutait le petit port qui desservait le palais de Boucoléon.

Le plus ancien était le Prosphorion, construit à l’époque où la ville était encore la


colonie grecque de Byzance. Il était situé sur la Corne d’Or à la fin de la pente nord-
ouest de la première colline de la ville95. Il fut agrandi après la première
reconstruction de la ville sous Septime Sévère et fut appelé après la fondation de
Constantinople « port fermé »96. Sa vocation était uniquement commerciale. On y
vendait les produits de la mer jusqu’à ce que Justinien Ier transfère ce marché vers le
port Kontoskalion sur la mer de Marmara95. Il devint ensuite un port d’importation
pour les produits du Bosphore, de la mer Noire et d’Asie. Quatre des grands
entrepôts (horrea) de la ville étaient situés près de ce port96. Toutefois, il était sujet à
l’ensablement et à partir des Paléologues il ne servit plus que de débarcadère
lorsque l’empereur se déplaçait du palais des Blachernes pour aller à Hagia Sophia96.
Après la chute de Constantinople, il devint partie de l’espace protégé par les murs du
palais de Topkapi96.

Le deuxième port, également sur la Corne d’Or, fut le Neorion. Construit lors de la
fondation de la ville par Constantin Ier, il demeura en activité jusqu’à la fin de l’Empire
ottoman97,96. Il avait une double vocation servant à la fois au commerce et à la
construction navale. L’activité principale étant le commerce, le port était entouré de
grands entrepôts98 Son importance s’accrut avec l’établissement des colonies
amalfitaines, vénitiennes et génoises99. Il perdit quelque peu de son importance
lorsque les Génois déménagèrent à Galata, mais la retrouva après la conquête
ottomane et la conserva tout au long de l’Empire ottoman99.

Les deux autres ports étaient situés sur la mer de Marmara et furent construits pour
désengorger les ports du nord tout en facilitant l’accès à la Mesē et aux grands
forums où se situait l’activité commerciale. Le port d’Éleuthérios, connu par la suite
sous le nom de port de Théodose qui l’aurait fait ériger au IV siècle, était destiné à
e

faciliter l’approvisionnement de la ville; c’est là qu’arrivaient les céréales d’Égypte


ainsi que divers objets utilitaires100. Son importance stratégique fit qu’il se vit protégé
par un mur construit sur la mer et Constantin IV (r. 668-685) y stationna de nombreux
dromons équipés de lance-flammes. Il fut encore renforcé sous les Paléologues,
mais s’ensablant facilement, il vit son trafic diminuer considérablement si bien qu’au
début du XVI siècle, complètement comblé, il ne servait plus que de jardin maraîcher
e

arrosé par de nombreux étangs qui furent à leur tour comblés avec la terre déplacée
lors de la construction de la mosquée Lâleli sous Mustapha III101.

Situé à l’est du port d’Éleuthérios, le Kontoskalion, aussi connu sous le nom de port
de Julien, de Nouveau Port ou de port de Sophia, pendant la période byzantine, et
de port des Galères à l’époque ottomane, était déjà utilisé comme débarcadère à
l’époque de Constantin Ier. D’abord port commercial, il se vit ajouter au VI siècle une
e

vocation militaire, devenant l’une des bases de la flotte impériale, fonction qu’il
conserva jusqu’à la fin102. Après la conquête de la ville, Mehmet II fit fortifier le port
renommé Kadirga Limani (litt : port des galères) en y ajoutant plusieurs tours de
garde103. Cependant la construction commencée en 1515 d’un nouvel arsenal sur la
Corne d’Or, mieux abrité des tempêtes, ainsi que le développement rapide de la
flotte ottomane contribua à son abandon progressif103.

La Mesē et les grands forums[modifier | modifier le code]

Reconstitution aérienne de Constantinople. Au


premier plan le Grand Palais et l'Hippodrome, suivis de la Mese avec les différents
forums.
Le cœur de la vie commerciale de Constantinople était la Mesē (ἡ Μέση [Ὀδός],
littéralement le « chemin du milieu ») et les grands forums qu’elle reliait104.

Avant même la fondation de Constantinople, la Mesē constituait dans la ville rebâtie


par Septime Sévère la fin de la Via Egnatia, la voie qui, à travers la Grèce, reliait
Byzance à Rome105. Elle fit partie des plans de Constantin pour sa nouvelle capitale
en tant que principale artère commerciale et triomphale de la ville106. De son point de
départ, le Milion, à l’angle nord de la place Hagia Sophia jusqu’au mur de Constantin,
la Mesē avait environ 25 mètres de largeur et était bordée sur chacun de ses deux
côtés de portiques ou stoa (ἡ στοά) construits par Eubulus, l’un des sénateurs qui
avaient accompagné Constantin à son départ de Rome. Traversant le quartier
impérial où étaient situés l’Hippodrome, les palais de Lausos et d’Antiochos, elle
atteignait après environ 600 mètres le premier des quatre grands forums, celui
de Constantin, devant lequel était situé un des deux édifices du Sénat. Cette section
était connue sous le nom de Voie Royale (en grec : ἡ Ῥηγία) parce qu’elle formait la
route de cérémonie des processions allant du Grand Palais et de l’Augustaion vers le
forum de Constantin.

À partir de là, elle prenait sa véritable fonction commerciale. Entre le forum de


Constantin et le forum de Théodose, le plus grand des forums autrefois appelé forum
Tauri, se trouvait l’embranchement avec la deuxième artère commerciale de la ville,
l’avenue Makros Embolos (litt : rue de la longue colonnade), qui partait du
Konstoskalion sur la mer de Marmara pour se diriger vers les ports et centres
commerciaux de la Corne d’Or. À l’embranchement se trouvait un tétrapylonN
4
appelé Anemodulion (litt : Serviteur des Vents)107.

Peu après une place appelée Philadelphion, la Mesē se divisait en deux branches,
l’une se dirigeant vers le nord-ouest parallèlement à la Corne d’Or, l’autre vers le
sud-ouest et la Porte d’Or. Peu après cet embranchement, sur le tronçon sud-ouest,
se trouvait l’Amastrium dont l’emplacement précis est inconnu mais qui était le site
du marché aux chevaux et au bétail de la ville108. On y trouvait également un
monument appelé Modion (en grec : Μόδιον)109. Cet édifice abritait un exemplaire
d’argent du « modius », la plus volumineuse unité de mesure romaine pour
marchandise sèche utilisée surtout dans le commerce des céréales. Cette place
avait été choisie pour y mettre ce monument, car elle était à proximité des dépôts de
blé dits « égyptien » et « de Théodose », tous deux situés à proximité du port
d’Éleuthérios110. Sur la façade de ce monument on pouvait voir deux mains humaines
en bronze fichées sur des lances111 servant à prévenir les marchands de blé de ne
pas utiliser de fausses mesures, les coupables voyant leur main droite amputée109.

De là la route passait par le forum du Bœuf (forum Bovi) incendié très tôt et servant
par la suite de lieu d’exécution112 et le forum d’Arcadius qui fut transformé après la
conquête de 1453 en bazar avec maisons de bois, appelé Avrat Pazari ou bazar des
femmes113.

Le commerce[modifier | modifier le code]

Une lutte sans merci opposera Venise et Gênes pour


le contrôle des routes commerciales en Méditerranée.
Les hauts et les bas de l’économie byzantine, les guerres d’expansion de même que
les invasions modifieront le volume et les destinations du commerce de
Constantinople, laquelle disposera pendant plusieurs siècles de la suprématie en
Méditerranée. Quatre facteurs principaux furent à l’origine de ces modifications : les
conquêtes arabes à partir du VII siècle, l’établissement des Rus’ à Constantinople
e

au X siècle, la progression du commerce des républiques italiennes au XI siècle,


e e

ainsi que la prise de Constantinople par les croisés au XIII siècle.


e

La création d’une flotte par le calife omeyyade Muʿāwiya Ier (661-680) marqua la fin
de cette suprématie en Méditerranée114. Commença alors une période difficile de
protectionnisme économique pendant laquelle Constantinople dut interdire
l’exportation de matériaux stratégiques pendant que ses marchands devaient trouver
de nouvelles routes pour l’importation de la soie, les routes traditionnelles étant
maintenant aux mains des Arabes, dont les grandes capitales
comme Bagdad et Cordoue se mirent à rivaliser avec Constantinople115.

Parmi ces nouvelles routes se trouvait celle qui conduisait « des Varègues aux
Grecs ». Les ports de Crimée comme Cherson prirent alors une importance nouvelle.
Deux grands courants commerciaux se développèrent, l’un dirigé vers la Baltique et
les pays scandinaves, l’autre vers la mer Noire et la Caspienne. Les Rus’
construisirent le long de ces voies des entrepôts et établirent un comptoir à
Constantinople qui se développera au rythme de différents traités dont le premier
sera signé entre Oleg et Léon VI (r. 886-912) en 911116.

Entre 1050 et 1150, le commerce byzantin, ébranlé par une grave crise financière,
passa progressivement aux mains des Amalfitains, Vénitiens et Pisans présents
dans les villes maritimes de l’Adriatique et de la mer Tyrrhénienne depuis des
siècles. Alexis Ier (r. 1081-1118) devra en 1082 accorder aux Vénitiens d’importants
privilèges commerciaux (réduction des taxes sur les importations, quartier autonome
à Constantinople, places privilégiées à l’hippodrome et à Sainte-Sophie). Ces
privilèges affaiblissaient cependant la bourgeoisie commerçante byzantine, laquelle
devait cependant défrayer une bonne partie des dépenses militaires de l’empereur.
Pour neutraliser Venise, les empereurs étendront ces privilèges aux Pisans, Génois
et Ancônais, ce qui ne fera qu’aggraver le problème117.

Finalement, la chute de Constantinople aux mains des Latins en 1204 marquera la


fin de la ville comme puissance commerciale. La création des États francs en Syrie et
le développement de leurs ports firent en sorte que le commerce des Indes et de la
Chine aboutit dans ces ports où les produits étaient dorénavant transportés en
Occident par des bateaux italiens118.

Défense[modifier | modifier le code]

Les trois enceintes de Constantinople (479 av. J.-C.,


324 ap. J.-C., 404-405)
Située sur une péninsule, Constantinople devra résister aux assauts des
envahisseurs arrivant tant par mer que par terre. Sur terre, trois séries de murs furent
successivement construits; le premier après la reconstruction de la ville par le
général spartiate Pausanias en 479 av. J.-C.119, le deuxième commencé par
Constantin Ier et achevé par son fils, et le troisième sous le règne de l’empereur
Théodose qui lui donnera son nom. Une autre série de remparts, une chaine
gigantesque et une flotte dans les ports protégeront la ville du côté de la mer.

Défense terrestre : les murailles[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Murailles de Constantinople.

Vestiges du mur de Théodose.


Selon la Patria de ConstantinopleN 5, l’antique Byzance était déjà entourée par un mur
encerclant l’acropole, protégé par 27 tours. Ce premier mur fut détruit lors de la prise
de la ville par Septime Sévère en 196119 mais reconstruit par celui-ci une fois devenu
empereur à quelque 300/400 mètres de l’ancien mur.

Constantin Ier voudra protéger sa nouvelle capitale en construisant un nouveau mur


de 2,8 km (15 stades) à l'ouest de la précédente muraille sévérienne120 et allant de la
Propontide (mer de Marmara) à la Corne d’Or. Il consistait en une seule muraille,
renforcée de tours à distance régulière; sa construction commença en 324 et fut
achevée par son fils Constance II (r. 337-361)121,122. Commençant à la Corne d'Or,
près du pont Atatürk moderne, il passait entre les IVe et Ve collines, pour aboutir sur
la côte de la Propontide, quelque part entre les futures portes de Saint-Émilien et
Psamathos123.

Le mur d'Anastase reliant la mer de Marmara à la mer


Noire.
Très rapidement toutefois, Constantinople s’agrandit au-delà de ce mur pour
poursuivre dès le début du V siècle, son extension dans la zone extra muros connue
e

sous le nom d'Exokionion. Il devenait également nécessaire de protéger les


nouvelles citernes à ciel ouvert qui assuraient l’approvisionnement de la ville en eau.
Sous le règne de l'empereur Arcadius (r. 395-408) commence alors en 404-405 la
construction d’un nouveau mur, à deux kilomètres à l’ouest de l’ancienne enceinte de
Constantin, lequel décrit un arc de cercle de 6 km de long, d’une hauteur de 11
mètres il est doté de tours de garde à tous les 70 à 75 mètres. Son parcours nord
sera modifié par la suite pour protéger le quartier et le palais des Blachernes122,124. En
447, un séisme de forte puissance détruisit une grande partie du mur, dont 57 tours,
à un moment où Constantinople était menacée par les troupes d’Attila. Le nouvel
empereur Théodose II ordonna alors de réparer le mur qui gardera son nom (en
grec : τείχος Θεοδοσιακόν); les chroniques suggèrent que c'est à ce moment que
furent ajoutés les murs extérieurs ainsi qu'un vaste fossé extérieur, mais ce point est
sujet à caution125.

Ultime précaution : un mur de 3,30 mètres de largeur et de plus de 5 mètres de haut


fut édifié à 65 kilomètres de Constantinople. Construit au V siècle en Thrace, le Long
e

Mur ou mur d’Anastase reliait la mer de Marmara à la mer Noire. Son efficacité fut
toutefois limitée en raison même de son étendue qui en rendait difficile la défense
par une garnison limitée. Il fut abandonné au VIII siècle après que les barbares
e

l’eurent franchi à maintes reprises.

Les nombreux séismes qui affectèrent la ville (447, 740, 989 entre autres) obligeront
à des réparations fréquentes de ses murailles et un haut-fonctionnaire sera
spécialement chargé de leur entretien : le domestique ou comte des remparts (en
grec : (Δομέστικος/Κόμης τῶν τειχέων)126. Lourdement endommagés lors de la prise
de Constantinople en 1204, les murs se délabreront progressivement et les
ressources manqueront pour assurer leur entretien après la reconquête en 1261127.

Vous aimerez peut-être aussi