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N° 320
Mars 2014
L’équité en entreprise,
étude
enjeux, conditions, mesure
François Dubreuil
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Lyon
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N° 320 Mars 2014
Etude
L’équité en entreprise,
enjeux, conditions, mesure
François Dubreuil
Sommaire
Sommaire 2
Introduction 3
Conclusion 50
Annexes : 51
Dernières parutions 55
Publications en anglais 56
1
Cf l’ANI sur la qualité de vie au travail en 2013 qui vient après l’ANI sur le stress de 2008, et passage en 2005 de la médecine du travail
aux services de santé au travail
3
Toute reproduction est interdite sans autorisation expresse d’Entreprise&Personnel
« La pire injustice qu'on peut faire aux gens, c'est de les prendre pour des anges. »
Yves Beauchemin
Equité ou justice ?
Les deux termes sont perçus dans cette étude comme relativement équivalents.
Les travaux mentionnés utilisent selon le choix des auteurs un terme ou l’autre.
Historiquement en Occident, la distinction entre justice et équité, renvoie à la distinction faite
par Aristote entre l’application de la loi, qu’exige la justice, et l’adaptation de la loi au cas
précis, qu’exige l’équité. Les théories du Care, pour opérer une distinction similaire, parleront
plutôt d’une autre approche de la morale et de la justice. Les travaux du courant dit de la
justice organisationnelle, auxquels cette étude fait fréquemment référence, distinguent la
justice distributive, des procédures, et la justice interpersonnelle.
La préférence pour le mot équité dans cette étude est liée à trois raisons. Le mot justice
renvoie dans le langage courant à l’appareil judiciaire (ministère de la Justice) et donc au légal,
pas toujours applicable, plus qu’au légitime dans la situation. Le mot justice renvoie davantage à
une démarche de réparation de dommages, tandis que l’équité oriente davantage dans une
démarche davantage préventive. Un syndicaliste lutte contre l’injustice, là où un DRH cherche
à organiser l’équité.2 Enfin, le mot justice évoque plutôt l’absolu transcendant difficile à
atteindre (comme dans l’expression « trouver le mot juste ») tandis que l’équité relève plus
d’une démarche pragmatique.
Equité ou égalité ?
Les mouvements progressistes et le discours juridique ont une forte préférence pour le mot
égalité, même lorsqu’il s’agit de justifier des inégalités, ainsi de diverses expressions consacrées
« à travail égal, salaire égal », « égalité professionnelle », « égalité des chances ». Si l’égalité
2
Comme dans la différence entre le livre du syndicaliste et prêtre ouvrier Jean Girette, Je cherche la justice, paru en 1973 aux éditions
France Empire et le livre de Jean Fombonne, DRH et président de l’ANDCP, Diriger le personnel avec équité, paru en 1991, aux éditions
Organisations
5
entre citoyens a un vrai sens, appliqué à un collectif hiérarchisé tourné vers l’action en
commun, le mot égalité cache plus de choses qu’il ne permet d’en résoudre.
L’expression « à travail égal, salaire égal », éloigne par exemple du traitement de la question
essentielle : quels sont les travaux supérieurs à d’autres, et comment hiérarchiser entre eux ?
Parler d’équité distributive aborde plus directement l’enjeu réel, comment ajuster au mieux les
rétributions aux contributions.
La notion d’égalité rend également difficile la question de la prise en compte des différences.
L’équité relationnelle permet d’aborder plus directement les enjeux du développement inclusif
de chacun dans ses différences3.
Le mot égalité prédispose enfin à une approche unidimensionnelle, égalisation des revenus
(sociale) ou égalisation des chances (libérale). Le mot équité s’écarte de cette rigueur
mathématique et encourage à un jugement informé parce qu’ayant abordé une décision sous
plusieurs angles, plutôt qu’à la déresponsabilisation par l’application stricte d’une règle.
3
Le titre du livre de Pierre Rosanvallon, La société des égaux, publié aux éditions du Seuil en 2011, illustre bien cette difficulté. L’auteur y
interroge les transformations de l’idéal d’égalité et propose de porter davantage attention à la singularité, la réciprocité, la
communalité, trois termes qui ne sont pas compatibles avec l’idéal d’égalité entre monades similaires et indépendantes. L’égalité
mathématique est de moins en moins pertinente.
7
position provisoirement dominante étant susceptible d’entraîner du ressentiment et des
mesures de rétorsion, il est préférable de s’en tenir à ce qui semble équitable aux parties et à
l’opinion générale. S’éloigner par ses pratiques du sentiment d’équité général comporte
toujours des risques.
Les notes de conjoncture successives depuis trois ans ont pointé une montée du sentiment
d’iniquité comme déclencheur des conflits sociaux sous l’effet de deux évolutions.
Il y a tout d’abord un renforcement en longue période de la juridicisation des rapports sociaux
et notamment de la référence aux droits fondamentaux. En France, la Halde a été créée en
2005, afin de réduire les discriminations infondées entre personnes. La révision
constitutionnelle de 2008 a rendu possible le recours pour inconstitutionnalité des lois. Le
contrôle de la mise en œuvre de l’article 6 de la déclaration française des droits de l’Homme
et du citoyen a ainsi été renforcé. Les droits de l’Homme sont devenus un axe majeur de
l’action politique, y compris au plan international (ingérence humanitaire, principes de l’ONU
et de l’OCDE à l’intention des entreprises…). Cette évolution s’accompagne d’une prise de
conscience par les personnes de leurs droits et d’une sensibilité plus grande à leur non respect.
Par ailleurs, si le sentiment d’iniquité s’impose comme une des causes majeures des conflits
actuels, c’est aussi par suite d’une modification des conditions d’engagement des conflits
sociaux. En France, depuis 1946, le droit de grève est un droit constitutionnel individuel. Il y a
donc toujours eu l’engagement de conflits spontanés localisés. Néanmoins, de tels conflits
étaient auparavant l’exception. L’essentiel des conflits était porté par une ou plusieurs
organisation(s) syndicale(s) en lien avec une estimation des gains à partager. Dans le contexte
actuel d’affaiblissement constant du syndicalisme – aux effectifs vieillissants et décroissants,
toujours plus divisés dans des syndicats concurrents – et de dégradation de la situation
économique, il lui est de plus en plus difficile d’organiser des mouvements sociaux liés à une
analyse et à une stratégie de rapports de force. Dans ce contexte, les mobilisations qui restent
sont celles qui s’appuient sur un fort ressort émotionnel, une « indignation », liée à des
situations perçues comme fortement inéquitables.
A l’occasion de diagnostics sociaux réalisés par Entreprise&Personnel, nous avons pu observer
divers conflits de ce type. Sur un site de production aéronautique de haute technologie,
l’annonce de hausses de salaires pour les cadres dirigeants a entraîné une grève longue de 3
semaines. Dans le secteur de l’énergie, c’est la juxtaposition du pourcentage d’augmentations
accordé aux directeurs généraux des deux principales entreprises avec le niveau
d’augmentation générale accordé par la branche qui a enclenché en 2009 la plus forte grève
depuis 1995. Dans une entreprise automobile, c’est l’abandon, négocié avec l’organisation
représentative des cadres, des enveloppes prévues pour les augmentations des jeunes cadres
qui a déclenché sur les réseaux sociaux internes de vives discussions entre ces derniers,
conduisant à revenir in fine sur la mesure proposée. Les conflits peuvent également être liés à
des injustices perçues très locales. Dans une entreprise de service aux collectivités locales,
c’est par solidarité avec une superviseure écartée sans ménagement, qu’a été engagée une
plainte pour harcèlement et discrimination.
La conflictualité sociale se déplace également de plus en plus sur le terrain de la santé4,
domaine qui fait l’objet d’une obligation de résultat pour l’employeur. Or la perception de
l’équité de traitement est une composante majeure des risques psychosociaux.5 Les personnes
qui déclarent être traitées injustement au travail, ne pas être respectées, effectuer des efforts
importants sans reconnaissance adéquate, souffrent plus fréquemment d’anxiété, de dépression
ou de maladies cardiaques.
Les travaux du courant de la justice organisationnelle ont établi des corrélations statistiques
entre le sentiment d’injustice et des comportements négatifs aussi variés que les vols, la
4
Voir notamment Dubreuil, F (2012) De la régulation sociale à la performance sociale ? Etude E&P n° 302
5
Voir infra partie 3.1, pour une étude du lien entre mesure des RPS et mesure de l’équité
6
Pickett (K.), Wilkinson (R.), 2013, op. cit.
7
Bagger J. , Cropanzano R., Ko, J., 2006 « La justice organisationnelle : définitions, modèles et nouveaux développement », in
Comportement organisationnel Vol2, notamment pp 25-26 et 35-44
8
Voir infra partie 3. La présentation des mesures de l’engagement et leur lien avec la mesure de l’équité
9
décideurs, de controverse entre acteurs sociaux. Quels sont ces moments où l’équité acquière
une acuité plus grande ?
Certains sont propres à la vie de l’entreprise et reviennent de façon récurrente. D’autres
surviennent de façon imprévisible et toujours renouvelée lorsqu’éclatent certaines « affaires ».
— Entretien annuel
L’entretien annuel s’est imposé comme un rendez-vous de référence dans la plupart des
entreprises. S’y préparent notamment la fixation des objectifs, les augmentations annuelles,
l’attribution de la rémunération variable, les décisions de formation et de mobilité. Les
entreprises prévoient également différents types de dispositifs d’harmonisation notamment en
matière de rémunération (cf. partie 2).
— Attribution d’emploi
L’attribution des emplois, qu’elle vise un candidat externe à l’entreprise ou interne, est une
décision qui impacte fortement sur le sentiment d’équité interne. En externe, l’attention est
concentrée sur l’absence de discrimination directe et indirecte et le respect des candidats dans
le processus. En interne elle signale fortement le type de comportements attendus pour
progresser dans l’entreprise. L’entretien de recrutement est souvent un dispositif d’évaluation
très important, mais les grilles d’évaluation, le fonctionnement des revues de personnels ont
également un impact déterminant.
— Discipline
L’exercice de la discipline est le versant négatif de la sanction. Son exercice est davantage (cf.
sur ce point partie 2.3.) encadré par le droit que l’attribution de sanctions positives
(augmentation, promotion) : les avertissements, mises à pied, etc. doivent s’appuyer sur un
règlement intérieur, respecter des procédures. L’exercice de la discipline est bien plus qu’un
face à face entre l’employeur et le salarié en faute. Il concerne l’équité sur l’ensemble du
collectif (voir infra 2.4). Comme le notait Jean Fombonne, « Le sens moral commun s’exaspère
9
La notion « d’épreuve » renvoie au courant de l’économie des conventions. Les écrits de cette approche ont en commun de chercher
à mettre au jour les différents types de justification, permettent d’organiser des compétitions ordonnées autour d’épreuves épurées
(concurrence libre et non faussée sur le marché des biens et services, concurrence entre candidats lors d’une élection…) et qui
s’affrontent et se composent fréquemment dans les épreuves concrètes ; faut-il pour l’attribution d’un emploi préférer le réseau de
connaissance du dirigeant assurant la confiance ou la mise en concurrence des talents présents sur le marché ? L’ouvrage fondateur est
Boltanski L., Thévenot,L, (1991) Les économies de la grandeur, Gallimard
— Licenciements économiques
Les licenciements économiques sont des moments d’autant plus chargés qu’ils mettent un
terme à la relation d’emploi et donc à l’horizon de coopération. Les discussions vont porter
sur les critères de licenciements, les dispositifs de reclassement, la compensation. Les grandes
entreprises préfèrent souvent recourir désormais à des plans de départ volontaires. Sans
entrer dans les considérations sur l’efficacité économique de ces plans, il faut noter qu’ils
tendent à « invisibiliser » des problèmes d’équité pourtant bien réels : ces départs sont-ils
volontaires ? Est-il équitable de proposer des sommes d’argent à chacun, quand des actions de
reclassement seraient dans l’intérêt objectif de la majorité ?
— Politique de formation
Même si cela peut paraître moins crucial, la politique de formation comporte d’importants
enjeux d’équité : attention au maintien de l’employabilité de tous et non concentration des
efforts de formation sur ceux qui sont déjà le plus formés et ont le plus d’appétence pour la
formation, actions pour l’égalité professionnelle, possibilités offertes de formations en cours de
vie professionnelle au service de la promotion des talents et de l’ascension sociale.
Harcèlement,
Précaires, migrants
violence Aidants
Travailleurs / assistés
Discriminations
10
Fombonne, J. 1991, op.cit., p. 181
11
Le renouvellement des sujets en matière d’équité répond à une dynamique interne, analogue à celle qui anime l’évolution des règles
sportives. Dans le sport, comme dans les affaires, des règles sont nécessaires pour qu’il y ait une concurrence « libre et non faussée »
et un intérêt au jeu. Les compétiteurs ont un intérêt collectif à ce que les règles soient respectées. Sans elles, il n’y aurait
qu’affrontement ou désintérêt. Toutefois, individuellement, chaque compétiteur a un intérêt évident à trouver la meilleure utilisation
des règles existantes, à les contourner, voire à les transgresser secrètement. Il en résulte une dynamique d’évolution qui rend les
règles régulièrement inadaptées, dépassées. Cette inadaptation génère un sentiment d’iniquité dont résultent des conflits,
controverses, affaires, qui conduisent à faire évoluer règles et pratiques. Par exemple l’encadrement de la relation d’emploi par le code
du travail, a conduit de nombreuses entreprises à faire jouer le droit des sociétés contre le droit du travail (grand nombre de filiales ou
franchisés comptant peu de salariés). A leur tour, les salariés ont réagi en exprimant leurs demandes en termes de droits humains
(égalité professionnelle, santé). Sur cette dynamique interne voir Boltanski L. Chiappello, E., 1999, Le nouvel esprit du capitalisme,
Gallimard
11
Dans nos sociétés « post modernes » marquées par l’affaiblissement des grands clivages
idéologiques, l’équité est d’ailleurs de moins en moins perçue comme le terrain d’affrontement
entre des grandes visions alternatives, marxiste, chrétienne, libérale ou républicaine. Elle est de
plus en plus saisie à travers un ensemble « d’affaires » qui révèlent ses différents aspects. Ces
affaires sont propulsées sur le devant de la scène par des lanceurs d’alerte12. Les débats et
controverses qui en résultent occupent plus ou moins l’espace médiatique. De ce fait, ils font
l’objet d’une prise en charge par les régulateurs politiques qui s’efforcent de déminer les sujets.
Le sentiment général d’équité se construit en relation au traitement de ces affaires.
Il est donc intéressant de procéder à une cartographie des sujets d’équité qui font
controverse.13
Nous proposons d’illustrer 4 types d’affaires proposés sur la carte. Toutes ont en commun de
mobiliser des acteurs divers (syndicats patronaux et de salariés, mais aussi ONG de défense
des droits de l’Homme, collectifs de sans papiers, comités éthique, collèges d’expertise,
intellectuels engagés, journalistes…) dans des confrontations multiformes (grèves, plaintes en
justice, lobbying auprès des parlementaires, campagnes d’information du public).
12
Pour un exposé complet des évolutions récentes de la sociologie pour traiter et penser cette dynamique des alertes, voir
Chateauraynaud, F. 2011, Essai de balistique sociologique, Paris, éditions Pétra
13
Ce type de démarche est d’ailleurs de plus en plus fréquent dans les démarches de RSE. La version 4 de la GRI (l’initiative mondiale
pour des bilans intégrés au service du développement durable) propose ainsi de débuter toute démarche de reporting par une
cartographie des parties prenantes de l’entreprise et de leurs enjeux.
14
Cahiers de l’université d’Hiver 2013 – E&P
15
Godechot, O (2001), Les traders, La découverte, « Textes à l'appui », Paris
16
Hirigoyen, M. F., (1998) Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien, Éditions La Découverte & Syros, Desjours C., (1999)
Souffrance en France. On peut aussi penser au reportage de Striptease sur la grève chez Maryflo
13
plusieurs entreprises, souvent publiques, ont été accusées publiquement d’être responsables
de certains suicides de leurs salariés. Le CHSCT est devenu un lieu d’affrontement majeur,
notamment par le recours aux expertises. On a vu émerger des « associations de victimes ».
Les affaires générées autour de ces dossiers ont été particulièrement marquantes pour
l’opinion publique. Elles prennent naissance souvent dans des situations de contournement des
contraintes procédurales liées aux licenciements économiques par la recherche de départs et
de mobilités pas toujours volontaires et des situations d’inattention portées aux contraintes du
travail et difficultés opérationnelles des salariés.
17
Chauvel, L. (2010) Le Destin des générations : structure sociale et cohortes en France du XXe siècle aux années 2010, PUF
18
Voir à ce sujet Nadisic, T., « Pourquoi les managers ajoutent-ils de l’injustice à l’injustice ? Les antécédents de l’effet Churchill », Revue
Française de Gestion, 2008
19
Wilkinson R., Pickett, K, (2013) Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Les Petits Matins, trad. de The spirit Level, Why equality is
better for everyone, 2010, Penguin Books
15
— Evolution des inégalités dans le monde : l’exception française
Entre 1914 et 1970, en moyenne les inégalités au sein des pays n’ont cessé de décroître, tandis
que les inégalités internationales n’ont cessé de se renforcer, l’Occident affichant une
croissance économique nettement supérieure au reste du monde et des progrès constants de
l’Etat-providence. La situation s’est aujourd’hui inversée. Les inégalités internationales se
rétrécissent sous l’effet de la forte croissance des pays émergents. Il y a donc une forte
diminution des situations d’extrême pauvreté au niveau mondial.20 En revanche, depuis le début
des années 1980, les inégalités augmentent au sein des pays, qu’ils soient occidentaux ou
émergents, et avec elles, les enjeux d’équité et les tensions sociales.
Le mouvement des « Indignados » en Espagne, celui de « Occupy Wall Street », aux Etats-Unis
d’Amérique, la fronde sociale au Brésil en 2013, tous ces mouvements ont émergé sur fond
d’inégalités croissantes, autour de leur dénonciation. En 2014 le Forum économique de Davos
a fait de la croissance des inégalités économiques le deuxième plus grand risque pour les mois
à venir (le premier étant les tensions géopolitiques au Moyen-Orient).
Dans ce contexte d’inégalités croissantes, il faut noter la position particulière de la France. A
l’instar des pays de l’OCDE, son niveau de croissance économique a décru. A la différence de
ces pays toutefois, les inégalités de revenu ont décru en France depuis le début des années 90.
20
Sur ce sujet, voir Bourguignon, F., (2012) La Mondialisation de l’inégalité, Seuil
21
Forsé M., Galland, O., (2011) Les Français face aux inégalités et à la justice sociale, Armand Colin, notamment le chapitre 12
22
Voir aussi, p.378-379, Rosanvallon, P., (2011) La société des égaux, Seuil
23
Basilien J., Gilabert M., Falcimagne, D., (2013) Une résignation rageuse, Note de conjoncture sociale E&P p. 41
24 Le rôle du diplôme dans le fonctionnement du marché du travail en France renvoie également à la crise de l’Ecole et notamment à la
perte de confiance dans sa capacité à faire vivre l’idéal méritocratique républicain. L’enquête du Programme international pour le suivi
des élèves (PISA) montre qu’à l’âge de 15 ans, au sein de l’ensemble de l’OCDE, la France est le pays au sein duquel les origines
sociales des élèves ont l’impact le plus fort sur leurs résultats. Les élèves issus de l’immigration ont également plus de difficulté en
France qu’ailleurs. C’est donc bien avant leur entrée sur le marché du travail que les jeunes acquièrent le sentiment que les efforts sont
très inégalement récompensés et cette impression est confirmée lorsqu’ils entrent sur le marché du travail. L’enquête européenne sur
les valeurs montre d’ailleurs que les Français sont caractérisés par une croyance faible dans le fait que la réussite dépend des efforts.
25
Voir notamment Gautié, J. (2004) « Les marchés internes du travail, l’emploi et les salaires », Revue Française d’Économie, 18(4), p. 33-
63. Dans la crise, cette rigidité des salaires français pose par ailleurs de plus en plus question, les salaires progressant plus vite que la
productivité de 2009 à 2013 et ce malgré la hausse du chômage. Askenazy P., Bozio A., et García-Peñalosa, C., Note du conseil
d’analyse économique, mai 2013 http://www.cae-eco.fr/Dynamique-des-salaires-par-temps-de-crise.html
26
Algan, Y., Cahuc, P., (2006) La société de défiance, http://www.cepremap.fr/depot/opus/OPUS09.pdf, et son actualisation
http://www.sciencespo.fr/lafabriquedelaconfiance/ voir aussi le graphique très parlant p 98 de Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous
(op.cit). « La France est bien en dessous de la courbe de régression qui lie normalement inégalités et confiance. Malgré un niveau
d’inégalités moyen, le niveau de confiance est un des plus faibles de l’OCDE ».
17
Les trois facteurs qui pénalisent le plus la compétitivité de la France en 2013 dans le
classement de Davos sont : les pratiques de recrutement et licenciement (136ème rang sur 142),
la qualité du dialogue social (133e) et l’importance de la réglementation étatique (116e). Ils sont
évidemment en lien.
La part des salaires dans la valeur ajoutée/le taux de marge des entreprises a souvent attiré
l’attention des économistes et des partis politiques. Elle est pourtant restée très stable, autour
de 70 % depuis 1986. Elle a chuté en dessous de 69 % dans les périodes de plus forte
croissance, fin des années 80, 90 ou 2007-2008. Elle a augmenté dans les périodes de
ralentissement, pour atteindre 72 % en 2013. A chaque baisse ou hausse, on a observé une
réaction gouvernementale instaurant un dispositif spécifique, souvent non négocié ou imposé à
la suite de l’échec de la négociation sociale. En 2011, le président Sarkozy instaurait la prime de
partage des profits, sur la base du rapport Coty qui pointait une légère diminution de la part
des salaires dans la valeur ajoutée et surtout la forte croissance des dividendes. En 2012, le
Président Hollande instaurait le CICE afin de réduire le coût du travail et restaurer la
compétitivité de la France au regard de nos partenaires commerciaux. Auparavant c’était les
35h et la hausse du SMIC afférente.
En matière de licenciements économiques, la fin du contrôle administratif en 1986 a été
rapidement suivie par l’entrée en vigueur d’un contrôle judiciaire sur la réalité du motif
économique du licenciement et le respect des procédures de consultation. Il en a résulté une
grande frilosité des grandes entreprises à engager des licenciements économiques dans le
cadre de « plans de sauvegarde de l’emploi ». Le recours à l’intérim, aux CDD, à la sous-
traitance, aux départs volontaires ou, depuis 2008, à la rupture conventionnelle ont constitué
autant de manières d’éviter d’avoir à procéder à des licenciements économiques collectifs.
L’accord interprofessionnel sur la sécurisation des parcours professionnels signé en 2013
marque de ce point de vue une rupture, moins par l’assouplissement modéré des procédures
de licenciement qu’il autorise, que par le simple fait qu’il se soit agi d’un accord négocié, visant
à favoriser des accords négociés. Reste à savoir s’il sera vraiment utilisé.
En matière de recrutement, la « révolution numérique » n’a modifié en rien la spécificité du
marché du travail français : importance des candidatures spontanées (38 % des embauches en
2011), des relations sur place (20 %) et des réembauches (16 % post intérim et CDD
notamment). Seul un quart du marché du travail externe est public et permet une concurrence
ouverte autour d’offres précises. Un tiers des embauches a lieu par le réseau, un tiers par
choix de l’employeur à l’intérieur d’un vivier de candidatures, souvent parvenues par réseau.
Or le recrutement par réseau favorise le recrutement de personnes proches, d’un point de
vue familial, ethnique ou sociologique. Ce fonctionnement rend ainsi possibles les pratiques de
discrimination que dénonce Jean François Amadieu dans le livre noir des DRH27. Les travaux
de Guillemette de Larquier et Emmanuelle Marcha28 montrent également que les processus les
plus formalisés de recrutement adoptés par les grandes entreprises sont plus excluants vis-à-
vis des séniors et des peu diplômés. L’importance des recrutements par réembauche souligne
le dualisme du marché du travail, les entreprises hésitant à recruter des CDI perçus comme
« protégés », les jeunes commençant fréquemment par une période d’emploi précaire. L’Etat
de son côté a multiplié les dispositifs spécifiques en direction des jeunes (stages, alternance,
contrat emploi solidarité, de génération…), du handicap. Réseau, diplômes et dispositifs aidés,
il y a peu de place pour une sélection ouverte des meilleures compétences.
Répartition de la valeur ajoutée, licenciement, recrutement, autant de sujets dans lesquels la
réglementation étatique intervient pour rétablir une équité perçue comme initialement
défaillante du fait des pratiques des employeurs. Le renforcement de cette réglementation finit
toutefois par envoyer un signal de défiance envers le dialogue social. La réglementation
protectrice finit également par générer ses propres contradictions : la protection contre les
27
Amadieu, J.F., (2013) Le livre noir des DRH, Seuil,
28
Chapitre 2 in François Eymard-Duvernay (dir.), (2012) Épreuves d’évaluation et chômage, Toulouse, Octarès Éditions,
29
Charles Cogan, « Le style diplomatique français » in Annuaire Français des Relations Internationales, 2007
30
D’Iribarne, P., (2006) L’étrangeté française, Seuil, (1989) La logique de l’honneur, Seuil
31
De Ré – Vannière, L., (2013) Vivre ensemble en entreprise, Etude E&P n°317
19
terrain (cf. partie 2.3) montrent pourtant qu’il existe des figures du « bon manager de
proximité », capables de négocier des compromis dans le respect de l’autre.
32
Algan, Y, Cahuc P, et Zylberberg, A., (2012) La fabrique de la défiance, Albin Michel
33
Philippon, T., (2007), Un capitalisme d’héritiers, Seuil
34
Dudouet, F.-X, Joly, H., (2010) « Les dirigeants français du CAC 40 : élitisme scolaire et passage par l’État », Sociologies pratiques, N°21
35
Dupuy., F., (2011) Lost in management, Seuil
21
terme amènerait à envisager également les effets de rétroaction (impact sur la
motivation des uns et des autres liée notamment à l’équité perçue de la décision,
facilitation de réduction d’effectif).
Il pourrait se trouver que le meilleur candidat pour le poste en termes de compétences
et d’efficacité soit un cadre travaillant sur des missions proches pour un prestataire en
régie. Lui proposer un poste dans l’entreprise pourrait répondre à ses attentes. Or, la
question de l’ouverture du poste à l’externe est souvent une décision indépendante, pas
forcément à la main du manager recruteur. De plus l’équité tend à être pensée
prioritairement au sein de l’entreprise, ne serait-ce que parce que ceux avec qui l’on est
amené à travailler dans la durée (les salariés permanents et leurs représentants) sont
plus susceptibles de demander des justifications et d’en tenir compte.
La situation peut être rendue plus complexe si entrent en jeu des sexes différents, des
origines sociales et ethniques différentes, avec le risque de biais liés à des préjugés du
décideur ou de biais contraires liés aux politiques d’entreprise en matière de diversité et
d’égalité professionnelle. On peut également y ajouter les relations d’amitié ou
d’appartenance à une « écurie » (un réseau), susceptibles d’amener le décisionnaire à
décider en fonction de ses intérêts (de carrière notamment) plus qu’en fonction des
intérêts de la structure.
Le simple exposé d’une situation hypothétique pourtant simplifiée montre la variété des
registres d’argumentation et donc les difficultés potentielles de la décision et surtout de
sa justification. Cela montre aussi que l’équité ne peut pas découler de la seule clarté des
procédures et des critères d’évaluation affichés ou même de la décision prise au final.
L’équité résidera également très largement dans l’attention portée aux candidats, la
qualité des arguments présentés pour justifier la décision et in fine la confiance dans
l’équité des décisionnaires. Une même décision sans ou avec examen des candidatures,
sans ou avec explicitation des critères, voire prise par une personne ou une autre, sera
perçue comme plus ou moins équitable. L’équité sera souvent perçue dans la durée.
23
Comment mesurer contribution et rétribution ?
Dès lors que l’on s’accorde sur l’idée que l’équité repose sur une proportionnalité relative
entre contribution et rétribution, se pose la question de comment sont définies, mesurées et
perçues contribution et rétribution.
— Mesurer la contribution
Dans l’idéal de la société de marché, l’artisan ou le titulaire d’une profession libérale voit sa
rémunération relative déterminée par sa contribution individuelle. Au sein d’une entreprise en
revanche, de nombreux salariés coopèrent à l’élaboration d’un ou plusieurs
produit(s)/service(s) qui sont ensuite mis sur le marché. Comment dès lors mesurer la part du
produit/service liée à chaque salarié et donc la part des revenus tirés de sa vente qui est due à
chacun ?
A la rémunération « à la pièce » des contributions de chaque travailleur autonome, a succédé
le versement d’un salaire établi en fonction de l’état du marché du travail pour une profession /
un type d’emploi. Les écarts pertinents pour la justice distributive sont devenus :
- les écarts de rémunération entre type d’emploi/profession (ampleur, fondement),
- les écarts de rémunération entre titulaires d’un même emploi (ampleur, fondement),
- les écarts dans l’accès aux emplois de niveau élevé, entre différents types de population
(critères effectifs d’attribution de ces emplois).
Pour hiérarchiser des emplois dans une convention collective, attribuer une prime variable,
attribuer une augmentation ou un emploi, différents critères peuvent être utilisés :
- performances individuelles (elles-mêmes plurielles : impact sur le chiffre d’affaires, la
rentabilité, la satisfaction client, qualité des actes posés)
- temps de travail effectif, disponibilité pour faire face à des demandes atypiques
- niveau de compétence et volonté d’amélioration
- prise d’initiative conduisant à des gains
- niveau d’implication et d’effort
- contribution au collectif (vie sociale, partage des apprentissages)
- dureté spécifique des conditions de travail (poste, type de client, transports)
- niveau de responsabilité (clients importants, dossiers complexes)
- niveau de diplôme et anticipation de contributions à venir
- l’ancienneté et les contributions passées
- …
Le fait qu’une entreprise spécifie la liste des critères à prendre en compte par les évaluateurs,
ne garantit pas que ce seront les critères effectivement utilisés par ces derniers. Ils peuvent
estimer que d’autres sont pertinents et surtout avoir à composer avec les perceptions de
justice des salariés évalués ou par leurs représentants. Les critères n’étant pas de même
nature, il est de plus difficile d’établir objectivement comment ils se compensent les uns les
autres (que vaut la contribution au collectif au regard de la performance individuelle ?). Chaque
salarié aura intérêt et tendance à insister sur l’importance de sa forme de contribution. Le
manager aura lui intérêt à rétribuer en fonction de l’impact estimé sur la contribution à venir,
donc en priorité vers ceux qui ont des exigences et des alternatives plus grandes.
Malgré cette difficulté à mesurer les contributions et l’intérêt que peuvent avoir les uns et les
autres à s’écarter d’une mesure équitable, les entreprises se dotent toutes de pratiques de
GRH permettant de progresser dans l’objectivation des contributions.
Toute reproduction est interdite sans autorisation expresse d’Entreprise&Personnel
Les bonnes pratiques pour la mesure de la contribution individuelle consistent par exemple à
déterminer une liste des critères d’évaluation estimés les plus importants dans l’emploi afin de
les intégrer dans le support d’évaluation annuel, et à inciter les managers à synthétiser ces
critères dans une évaluation du niveau de contribution individuel. Ces évaluations sont ensuite
inter comparées par la fonction RH, qui procède à un retour vers les managers pour
uniformiser l’interprétation des critères, de leur poids respectif, des niveaux d’attente et
assurer ainsi une plus grande objectivité des évaluations.
— Mesurer la rétribution
En entreprise, la rétribution peut sembler plus simple à mesurer que la contribution. La
rémunération en est l’aspect le plus visible et le plus important. De fait, au niveau de
l’entreprise, la rétribution est essentiellement mesurée à travers la rémunération (avec la
difficulté de la valorisation des avantages en nature.
Mais jusqu’où faut-il étendre la valorisation des avantages en nature ? Du point de vue des
salariés, la rétribution peut inclure :
- la rémunération salariale, fixe, variable, différée, socialisée,
- l’impact positif du travail sur la santé,
- les souplesses horaires et possibilités de conciliation avec la vie personnelle,
- l’accès à des moyens de mobilité et de communication,
- l’accès à des modalités de formation et d’apprentissage,
- la qualité du cadre de travail et de son environnement (localisation du site),
- la qualité de l’ambiance, la reconnaissance non monétaire par la hiérarchie, les clients et
collègues,
- l’intérêt du travail et des missions confiées.
De façon concrète, dans les équipes, le fait que certains concentrent les missions intéressantes
ou valorisantes, ou les investissements formation, sans que les raisons en soient perçues
clairement, sera considéré comme tout aussi inéquitable que des écarts dans la rétribution
monétaire. De même, certains éléments de rétribution non monétaire (souplesse horaire,
localisation, intérêt du travail) peuvent fonder des absences d’augmentation monétaire.
En lien avec ce sujet, les entreprises se préoccupent d’ailleurs de mesurer la qualité de vie au
travail, de proposer des mécanismes de formation/promotion aux plus méritants et de
développer une offre employeur à la carte (logement, transport, protection santé, garderies)
adaptée aux attentes de différents types de population, handicapés, étudiants, jeunes parents.
36
Cf. Richard, A., Réinterroger la rémunération variable, Etude E&P, n°293
37
Forsé et Galland montrent que lorsqu’ils sont interrogés sur le salaire moyen d’une profession, les salariés ont une représentation
assez juste de son niveau, d’autant plus juste qu’elle est bas dans la hiérarchie sociale. Par ailleurs malgré des différences entre les
personnes, il se dégage un consensus autour d’un souhait de réduction des inégalités. En moyenne, le salaire des ouvriers est ainsi
perçu à 1115 euros par mois et souhaité à 1487 (+33 %) tandis que le salaire des PDG est perçu à 70 826 euros et souhaité à 27690
euros par mois (-61%), le revenu du médecin généraliste constituant un pivot estimé à 6772 euros et souhaité à 6464.
25
trouve diverses justifications d’une garantie d’un minimum d’accès aux conditions de base de la
citoyenneté (logement, nourriture, éducation…).
En entreprise, on trouve fréquemment l’exigence d’augmentations générales couvrant
l’augmentation de l’inflation, notamment pour les bas revenus (SMIC). En vue de favoriser la
capacité à faire face aux changements et la mobilité interne, certaines entreprises développent
des programmes de maîtrise de la langue française et des mathématiques de base pour des
personnes très peu qualifiées. Le point commun de toutes ces actions est que l’entreprise est
aussi un lieu de solidarité, et qu’il est important que chacun ait une reconnaissance minimale et
une chance minimale de succès ultérieur.
38
Le travail de Pierre-Michel Menger, 2009, Le travail créateur, Seuil, est très intéressant à ce sujet, comme plus généralement les travaux
sur l’économie de l’attention, cf. pour une introduction l’EP veille E&P n° 92
27
Dans cette partie, il n’est pas question de la pertinence sur le fond des critères d’évaluation
des personnes et des emplois et des inégalités de rétribution qui en résultent, mais
uniquement de la qualité formelle des procédures et règles de sanction (positive ou négative).
Application uniforme
Une règle (critères d’évaluation, procédure de décision…) pour être équitable doit d’abord
être la même pour tous. Elle doit notamment s’appliquer à ceux qui l’édictent, à ceux qui en
vérifient et sanctionnent l’application. On parle volontiers à ce sujet du devoir d’exemplarité
du dirigeant. Il doit le premier se soumettre à la règle, afin d’en renforcer la légitimité et d’en
assurer la pleine exécution39. A défaut de s’appliquer à tous, les limites de son périmètre
doivent être claires et fondées (par exemple certaines règles et critères pour les
commerciaux, d’autres dans un métier différent).
Elle doit également s’appliquer de manière uniforme. Ici entre en jeu la question des
adaptations et interprétations locales. Un des rôles de la fonction RH est fréquemment
d’assurer une certaine uniformité dans l’application des règles internes par les managers, en
particulier dans le pilotage des processus d’évaluation, de mobilité interne ou de sanction
disciplinaire. Cette uniformité entre en tension avec la nécessité de tenir compte des
contextes et de la diversité des personnes (voir infra).
Clarté et publicité
Pour vérifier l’absence de biais et assurer une application uniforme, les règles doivent être
énoncées clairement et le fonctionnement des dispositifs qu’elles organisent doit être connu.
Cette clarté est d’abord à penser règle par règle (ex. fonctionnement de l’intéressement, de la
part variable…), dispositif par dispositif. Elle est aussi à penser dans l’ensemble.
Concernant l’entretien annuel par exemple, il y a d’abord la clarté du support d’entretien (ex.
critères d’évaluation), de l’éventuel guide d’utilisation, il y a aussi la clarté sur l’utilisation qui
est faite de l’entretien, la clarté des objectifs éventuellement fixés et les difficultés de mise en
œuvre dès lors que l’organisation est matricielle par exemple et que les objectifs des différents
hiérarchiques sont en conflit.
39
Concernant l’entretien annuel par exemple, il n’est pas rare de constater que cette pratique officiellement recommandée tend à ne pas
être mise en œuvre au plus haut niveau de la hiérarchie de l’entreprise ou au sein de la DRH.
40
Jean Fombonne, 1991, op.cit. développe en plusieurs pages l’intérêt d’une telle investigation autour de cas apparents de négligence (se
réchauffer auprès d’un brasero alors qu’on est couvert de produits inflammables) ou de délinquance (utilisation frauduleuse de la carte
repas du service). Dépasser les apparences permet de traiter la situation de façon pacifiée et plus efficace en profondeur.
29
En résumé, on peut considérer qu’il existe un consensus autour de l’idée que l’équité exige des
procédures uniformes, claires, s’appuyant sur des éléments pertinents, élaborées de façon
participative et offrant des possibilités d’expression et d’appel.
31
Nécessité du pouvoir discrétionnaire
Comme le soulignait Lord Acton « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu tend à
corrompre absolument ». Tout détenteur d’une autorité est tenté d’utiliser le pouvoir à des
fins personnelles (népotisme, favoritisme…). Dans certains cas, cela peut être au service direct
de sa propre carrière (servilité, échanges de services au sein d’un ou plusieurs clans
transverses à l’entreprise, réseaux politiques, d’écoles, « écuries »).
La solution moderne à cette difficulté a consisté à multiplier les contre-pouvoirs. Chaque
dirigeant est tenu responsable de son action devant d’autres. En entreprise le PDG rend des
comptes à son conseil d’administration, les comptes de l’entreprise sont certifiés par un expert
comptable, les instances représentatives du personnel disposent de divers pouvoirs, etc. La
même logique s’applique dans les filiales et établissements. Les contrôles réciproques sont
censés limiter la concentration du pouvoir et ainsi renforcer la moralité de tous, grâce à la
vigilance partagée de chacun.
Les trois dimensions de l’équité abordées précédemment tendent à encadrer le pouvoir
discrétionnaire des dirigeants en posant des contraintes portant sur la répartition des charges
et rétributions, les procédures à respecter, la posture à adopter.
La division des pouvoirs et l’encadrement de son exercice discrétionnaire par les managers ne
peuvent pas suffire toutefois à assurer l’équité. L’excessive division comporte également ses
propres risques. Dans les organisations pilotées à distance en matriciel que nous avons
décrites dans l’étude 302 sur la régulation sociale ou l’étude Managers, non merci ! (mars 2011,
étude E&P n°297), nous observons souvent des situations dans lesquelles le pouvoir
discrétionnaire local des hiérarchiques est excessivement réduit, ce qui paradoxalement peut
conduire certains à adopter des pratiques répréhensibles pour obtenir ce qu’ils ne peuvent
plus négocier.
Dès lors qu’on abandonne le projet illusoire de réduire indéfiniment le pouvoir discrétionnaire
et l’idée que le pouvoir est le problème, reste une autre voie, préciser l’équité spécifiquement
attendue des hiérarchiques dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire.
Comme le notait Jean Fombonne41, « Un responsable, dans l’entreprise n’est pas là pour
administrer la justice ou jouer les pères La vertu, mais pour obtenir des résultats économiques
en faisant agir d’autres personnes. Il se trouve cependant qu’une efficacité ne peut être
maintenue durablement dans un climat démoralisant d’injustice. Lorsqu’un subordonné dit de
son chef qu’il est exigeant mais c’est juste un grand compliment ». Quels sont les éléments
cruciaux, non encore abordés, susceptibles de conduire à un tel jugement ?
41
Fombonne, J. 1991, op. Cit, pp 36-37
42
Sur ces différents points, voir notamment Bagger J. , Cropanzano R., Ko, J., 2006 (op.cit.) pp 31 32, ainsi que Nadisic T., 2008 (op.cit)
43
En 2013, 31% des salariés français du privé travaillent dans des entreprises de plus de 5000 salariés, ce pourcentage est croissant. La
très grande majorité des salariés du public travaillent pour des grands employeurs (ministères, hôpitaux, grandes villes). 45 % des
salariés français ont plus de 10 ans d’ancienneté. L’ancienneté croît également, la mobilité inter entreprises diminuant constamment.
35
3. Mesurer pour agir
La première partie a montré l’importance de l’équité pour le développement durable de l’entreprise,
et son importance cruciale dans les entreprises françaises aujourd’hui : Confrontées à une crise
durable, à une perte de confiance de la grande majorité des salariés dans l’équité du partage des
efforts et des gains, à une inflation réglementaire constante, à une défiance croissante envers les
dirigeants, à une difficulté partagée à tous les niveaux à se faire confiance pour négocier en face à face
des solutions équitables, interpellées à l’occasion de multiples affaires, comment pourraient-elles
redresser la barre sans s’attacher à démontrer l’équité de leurs pratiques de management ?
La seconde partie a permis de repérer quatre aspects sur lesquels travailler pour améliorer l’équité
dans une communauté de travail : une rétribution à proportion du mérite, des procédures de
décision claires, équilibrées, uniformes, l’attention au développement de chacun dans son contexte,
des dirigeants à la fois pilotes et arbitres. Chacune de ces dimensions peut être complexe à réaliser,
ces dimensions sont également souvent en tension et les débats sur le périmètre pertinent de
l’équité sont également nombreux. Etre au clair sur les dimensions et conditions de l’équité permet
déjà d’améliorer l’argumentation des décisions prises, ce qui est en soi un progrès. Mais ce progrès
souhaitable en matière d’équité est-il mesurable ?
Cette troisième partie fait précisément le bilan des pratiques de mesure de l’équité et propose une
méthode globale originale pour mesurer et mettre en débat le sentiment d’équité. Dans la lignée des
travaux engagés au sein d’Entreprise&Personnel autour de la performance sociale, il s’agit d’intégrer
des mesures relatives aux comportements (contributions, rétributions, mise en œuvre des
procédures, impacts sur la conflictualité juridique et sociale, l’accidentologie, l’absentéisme…), et des
mesures sur les perceptions des salariés sur les différentes dimensions de l’équité, et plus largement
sur les différentes composantes de la relation d’emploi.
Mesurer, pour l’améliorer, l’équité de ses pratiques d’employeur suppose de :
0. Porter attention aux « affaires », aux sujets qui mobilisent le plus l’attention de l’opinion, du
législateur et des juges en matière d’équité (cf. partie 1)
1. Mesurer les inégalités de rétribution et de contribution
2. Evaluer le caractère équitable des procédures d’évaluation et de leur mise en œuvre
3. Interroger les salariés, dirigeants, syndicats et managers sur leur perception de l’équité au sein
de l’entreprise.
37
En dehors des entreprises publiques qui y sont contraintes, quelques entreprises se sont
dotées d’un salaire maximum, souvent sous la forme d’un ratio entre le salaire du dirigeant et
le salaire moyen ou minimum. Le distributeur anglais John Lewis s’est doté d’un ratio de 75 fois
le salaire minimal par exemple, il est de plus de 1000 chez Nike selon le classement de
Bloomberg44.
Sur le plan de l’équité des augmentations et du variable, de nombreuses entreprises articulent
une instance de discussion et d’évaluation annuelle (l’entretien annuel), un archivage de cette
évaluation dans un dossier personnel et des comités d’évaluation orientant les décisions en
matière de rémunération, de formation et d’affectation. Les modalités de fonctionnement et
d’interaction entre ces trois éléments sont très variables. Le point essentiel est que les
évaluations hiérarchiques successives (souvent fondées sur des éléments objectifs également
tracés) permettent d’appuyer les décisions en matière d’évolution de la rémunération45, tandis
que les intercomparaisons permettent de discuter des biais d’évaluation propres à certains
hiérarchiques. Le suivi est souvent renforcé pour les dirigeants et salariés identifiés à potentiel.
Le sujet en matière d’équité qui fait le plus consensus est la recherche d’égalité professionnelle
entre les hommes et les femmes. Les entreprises adoptent divers objectifs : féminisation
progressive des instances dirigeantes, féminisation du recrutement, réduction des écarts
salariaux par métier, réduction des écarts dans les vitesses de promotions… Les écarts de
rémunération à fonction équivalente ou de vitesse de progression à profil équivalent font
d’ailleurs rarement l’objet de mesures et d’objectifs en dehors de ce sujet de l’égalité homme-
femme, alors que ce type de mesure pourrait être utilisé pour mesurer et démontrer la
capacité de l’entreprise à reconnaître le mérite.
44
http://go.bloomberg.com/multimedia/ceo-pay-ratio/
45
Les pratiques de distribution forcée du variable ou des augmentations ont été condamnées en France. Rien n’interdit néanmoins de
distribuer les salariés en plusieurs classes selon leur niveau de contribution estimée.
46
Par exemple un rapport de développement durable mentionne l’existence de comités de rémunération et de nomination composés
d’administrateurs indépendants et précise que « le Conseil fonctionne selon les principes du gouvernement d’entreprise en vigueur en
France, tels que présentés dans le code de gouvernement d’entreprise AFEP-MEDEF. Régulièrement, le Conseil d’administration est
amené à débattre de sa gouvernance et à la faire évoluer. Au cours de l’exercice 2012, le Conseil d’administration a fait procéder à une
évaluation de son fonctionnement par un cabinet indépendant. D'une manière générale, le fonctionnement opérationnel du Conseil et
de ses Comités s'est amélioré depuis la dernière évaluation réalisée par un cabinet indépendant en 2010 et les auto-évaluations
réalisées en 2011et 2012 »
47
Voir aussi EP Pratiques E&P n°14
39
3. Mesurer le sentiment d’équité
La pratique consistant à interroger les salariés d’une entreprise par questionnaire a désormais
une longue histoire48. Ces enquêtes ont souvent permis à la DRH d’objectiver et renforcer
son expertise sur le fonctionnement social interne, en complétant les remontées hiérarchiques
et syndicales caractérisées par des filtres et biais importants. La DRH renforce ainsi sa capacité
d’appui à la conduite du changement. Les résultats d’enquête, présentés et débattus avec les
partenaires sociaux et les managers, permettent d’élaborer des plans d’action constructifs.
Progressivement à partir des années 2000, les enquêtes auprès des salariés semblent avoir
perdu cette capacité à objectiver la situation sociale et à renforcer la DRH dans ses rôles.
D’une enquête de référence conduite par la fonction RH autour d’un questionnaire pensé en
fonction des enjeux de l’entreprise, on est souvent passé à une multitude d’enquêtes,
conduites sur des thèmes variés, par des acteurs différents, sur la base de questionnaires
standards. Ces enquêtes nourrissent ce faisant la controverse, chaque acteur produisant son
enquête, son modèle, ses chiffres.
Nous proposons de faire le point sur trois types d’enquête fréquemment déployées : les
enquêtes d’engagement, les enquêtes RPS, les enquêtes sur les discriminations. Ces enquêtes,
très différentes dans leurs modalités, leur contenu, ont en commun d’adopter à chaque fois un
parti pris (pro employeur, pro salarié, pro « discriminés »), sans jamais aborder de front les
enjeux d’équité, pourtant centraux.
Les enquêtes engagement conduites fréquemment sous l’égide de la direction générale ou de la
direction de la communication vont rechercher l’engagement maximum au service de
l’entreprise. Les enquêtes sur les risques psychosociaux, commanditées fréquemment par les
CHSCT vont chercher à améliorer la qualité de vie au travail en réduisant au minimum les
situations de stress et de non reconnaissance. Est-il pertinent de séparer ces deux sujets ?
Engagement et QVT peuvent-ils être obtenus indépendamment l’un de l’autre ? Ne s’agit-il pas
également de contreparties à équilibrer dans le cadre d’une relation salariale équitable ?
Peut-on se contenter de chercher à éliminer les formes de discrimination les plus flagrantes
sans s’interroger sur ce que seraient les critères d’une décision équitable ?
L’objectif étant l’établissement d’un outil de mesure du sentiment d’équité des salariés, cette
sous-partie entre dans le détail du fonctionnement des enquêtes existantes auprès des salariés,
contenu, modalités de conduite, forme des questions. Les lecteurs moins intéressés par cette
partie technique peuvent se limiter à la lecture du tableau de synthèse ci-dessous que nous
commentons dans les pages restantes de cette étude.
48
Pour une perspective historique, Etude E&P, (2005), R. Baïetto et E. Frank, L’observation sociale en entreprise Toujours d’actualité ?
Cible interrogée Ensemble des Ensemble des Sondage des Ensemble des
salariés salariés, patients salariés salariés,
Comité de direction
Elus
Managers
Impact sur les Mobilisés et évalués Difficultés avec Peu concernés Renforcer les marges
managers individuellement double contrainte de manœuvre
Evaluer la
performance sociale
collective
49
Pour des raisons de coût, l’interrogation est parfois limitée à une partie des salariés. Par exemple, dans une entreprise il y a
interrogation biannuelle d’un tiers des salariés, avec rotation du tiers interrogé, entre deux interrogations des salariés, il y a
interrogation sur les seuls managers. Certaines entreprises se limitent à l’interrogation des managers.
50
O’Donnell., A, Pratiques managériales et engagement des salariés, Etude EP n°290, p 5-6
41
service de l’entreprise, plus que d’engagement dans le travail. Les questions portent dans la
plupart des questionnaires sur l’adhésion aux buts de l’organisation, la volonté d’engager des
efforts à son service et l’intention de rester dans ses effectifs. La moyenne pondérée des
réponses aux questions permettant de déterminer un niveau « d’engagement » durable au
service de l’entreprise. Certains prestataires proposent désormais d’inclure des questions
portant sur l’engagement dans le travail et de suivre les deux formes d’engagement : dans
l’entreprise, dans le travail.
Quelle que soit sa définition exacte, cet « engagement » est en tout cas ce qui est à améliorer.
Le processus d’enquête doit permettre d’engager toujours davantage les salariés au service de
l’entreprise. Pour cela, ces enquêtes comportent systématiquement la comparaison à des
résultats d’autres entreprises, parfois par secteur d’activité ou par taille, afin de repérer des
marges potentielles de progression, ainsi qu’une analyse statistique visant à déterminer quelles
sont les questions les plus caractéristiques des salariés engagés sur le périmètre considéré et
donc les leviers probablement les plus efficaces pour améliorer l’engagement.
Pour procéder à cette analyse, des leviers : les questionnaires engagement comportent des
questions sur différents aspects de la vie de l’entreprise. Ces questions (entre 25 et 80 suivant
les entreprises) portent sur la stratégie, le management, la RSE, la rétribution, la relation client,
la rétribution, les conditions de travail.
Parmi ces questions, certaines sont relatives à l’équité perçue de la rétribution (ex. « Je
considère que mon salaire correspond à ma contribution ») ou à l’équité relationnelle du
hiérarchique « Mon responsable hiérarchique reconnaît les contributions de chacun et les
réussites des membres de son équipe ». Dans les entreprises que nous avons accompagnées
ou fait témoigner dans des clubs ou journées d’étude, les items relatifs à l’équité perçue de la
rétribution sont d’ailleurs fréquemment parmi les principaux leviers d’engagement et les items
relatifs aux relations hiérarchiques parmi les principaux leviers de désengagement.
Dans leurs rapports de restitution, les enquêtes incitent dirigeants et managers à adopter des
actions en priorité vers ce qui est susceptible d’améliorer le niveau d’engagement.
Concrètement elles suggèrent d’agir afin d’améliorer le niveau d’approbation sur des
affirmations les plus corrélées avec l’engagement. L’équité, la qualité de vie au travail, ne sont
prises en compte qu’en tant que leviers d’engagement et non pour elles-mêmes ou pour leur
impact sur la santé ou le développement des compétences des salariés.
Or si l’on peut concevoir que pour la direction générale, l’engagement des salariés soit la
priorité, du point de vue des salariés ou des syndicats, ces thèmes peuvent tout à fait être une
priorité, qu’ils soient ou non corrélés à leur engagement.
Les enquêtes engagement présentent de fait souvent le défaut d’être focalisées sur ce qui
intéresse la direction générale. Ceci est perceptible dans l’objet des questions souvent
centrées sur des aspects de stratégie, RSE, plus que sur le travail quotidien. Ces enquêtes se
présentent également sous la forme d’une liste d’affirmations normatives rédigées de façon
positive, de telle sorte qu’une personne qui se dirait tout à fait d’accord avec toutes les
affirmations déclarerait vivre dans une entreprise idéale. Réduisant la réticence des managers à
communiquer les résultats, ce choix de formulation entraîne aussi le risque d’une moindre
implication des salariés dans leurs réponses et de plans d’actions inadaptés à leurs attentes.
51
Le collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux a rendu en 2011 un rapport qui continue à faire référence
http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/rapport-final,fr,8,59.cfm
52
Le rapport du collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux (op.cit) recommande d’ailleurs d’intégrer les travaux
issus du courant de la justice organisationnelle, et notamment ses dimensions de justice procédurale et relationnelle en complément de
la justice distributive déjà présente dans le Siegrist, en soulignant l’impact sur la santé et notamment les risques de décès par maladie
cardio-vasculaire.
43
D’une façon plus générale, les enquêtes RPS sont beaucoup plus centrées sur le quotidien du
travail que les enquêtes d’engagement. Les questions y sont parfois descriptives (sans
« bonne » réponse, ex. Mon travail exige de longues périodes de concentration ou de répondre
rapidement à de fréquentes sollicitations). Les affirmations alternent tonalité positive et négative.
Par exemple : Vu tous mes efforts, je reçois le respect et l’estime que je mérite à mon travail (ERI15)
mais aussi On me traite injustement à mon travail (ERI10). Ceci améliore l’implication des
répondants dans leurs réponses et la crédibilité des enquêtes. En revanche les enquêtes RPS
minorent d’autres sujets. La réputation de l’entreprise, la clarté de la stratégie, la motivation
n’ayant pas été identifiées comme ayant un impact majeur sur la santé ne sont guère abordées,
alors qu’il s’agit de notions très importantes pour le succès de l’entreprise. La tonalité de
certains questionnaires rédigés par des prestataires en forte proximité avec des centrales
syndicales conduit les entreprises à moins utiliser et communiquer sur les résultats.
http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/ifop-ddd-oit-7eme-barometre-discriminations-travail.pdf
53
http://www.medef-rh.fr/Barometre-national-de-perception-de-l-egalite-des-chances-Resultats-de-l-edition-2013-LH2-pour-le-
Medef_a329.html
45
— L’équité au cœur d’une performance sociale plurielle perçue
Ce modèle d’enquête54 prend acte de l’évolution qui conduit la DRH à se présenter comme
garante de la performance sociale, tout comme la direction financière s’assure de la
performance financière de l’entreprise. Cette performance sociale est à la fois un souhait de la
direction de l’entreprise et une exigence de ses parties prenantes. Les pouvoirs publics
notamment lui imposent désormais des obligations de résultats (et non uniquement de respect
de la loi) : santé, employabilité. Les partenaires sociaux sont également vigilants sur ces points.
Les candidats sont attentifs à la marque employeur.
Or si la performance financière est une performance unifiée (au sens de l’étude 31555) : la
performance sociale est une performance plurielle. Il s’agit d’être performant dans des
dimensions non commensurables. Nous en avons proposé, dans l’étude 302 déjà citée, une
liste de cinq :
Engagement,
Employabilité/capacités,
Equité du management
Coopération
Santé
Au sein de la performance sociale, l’équité occupe une place particulière. Elle est un sujet
important en soi, qui a un impact sur chacun des autres. L’équité est aussi et surtout ce point
d’équilibre entre ce que l’entreprise demande, de l’engagement, des compétences, de la
coopération, et ce qu’elle offre, de la rétribution, du développement des compétences, des
conditions de travail.
Le modèle de questionnement proposé par E&P (et qui a été testé dans des univers de très
grandes entreprises internationales comme dans celui de PME, voir encadré page suivante)
utilise ces 5 dimensions en se refusant à toute hiérarchisation a priori. C’est autour des
résultats que dirigeants et managers sont invités à définir ce qu’ils souhaitent améliorer en
priorité (l’engagement, la santé, l’équité...). Dans ce modèle, la performance sociale est
assimilable à un volume à 5 dimensions ou à un radar sur une surface.
Le questionnaire alterne des questions à formulation positive et négative. Sa taille de référence
se situe à 50 questions (10 par dimension), mais peut varier de 25 à 65, de manière
participative avec les entreprises. Le poids relatif donné à chaque dimension reflète notamment
les priorités de l’entreprise. Des analyses statistiques permettent d’identifier pour chaque
thème, les questions les plus corrélées et donc les actions potentiellement les plus
contributives. Elles permettent également de repérer les questions les plus corrélées à
l’amélioration de la performance sociale dans son ensemble.
54
Peu de prestataires proposent des enquêtes généralistes de ce type. Signalons tout de même le questionnement proposé par Great
Place to work, qui est relativement complet, notamment an matière d’équité. Il aborde moins néanmoins les questions de santé et
surtout très peu les aspects de dialogue social, probablement du fait de son origine nord-américaine. Sa principale limite est
probablement d’accorder autant d’importance au ranking des « meilleurs employeurs ». Son utilisation reste limitée en France à des
démarches de marque employeur tournées vers l’externe ou à des entreprises nord-américaines.
55
Les ventes, l’innovation des produits et services, la réduction des coûts peuvent se résumer dans une mesure monétaire qui permet de
comparer avec une échelle unique, chiffres d’affaires, budget recherche, taux de marge, économies cf. Gautier B, Le Boulaire, M., De
Felix, C. Picq, T., 2013, Performance : retrouver les chemins du collectif, Etude E&P n° 315
56
Siegrist, J., Starke, D., Chandola, T., Godin, I., Marmot, M., Niedhammer, I. and Peter, R., 2004, ‘The measurement of effort-reward
imbalance at work: European comparisons’, Social Science and Medicine, Vol. 58, No. 8, pp. 1483–1499.
Leadership Behavior and Subordinate Well-Being.van Dierendonck, Dirk; Haynes, Clare; Borrill, Carol; Stride, Chris, 2004, Journal of
Occupational Health Psychology, Vol 9(2), Apr, 165-175. doi:
Colquitt JA, Conlon DE, Wesson MJ, Porter CO, Ng KY., 2001, J Appl Psychol., juin ;86(3):425-45, “Justice at the millennium: a meta-
analytic review of 25 years of organizational justice research.”
47
questionnaire (par ailleurs couplé avec le suivi de certains indicateurs RH clés) a été
conçu comme synthèse des enquêtes alors existantes, avec alternance de questions
positives et négatives, recours à un prestataire d’enquête réputé, pour procéder à un
sondage téléphonique, de façon à assurer une crédibilité maximale du dispositif. Pour
éviter « la course à la meilleure note », ce questionnaire est conçu dans une logique
collective, l’objectif est la mobilisation de l’ensemble des dirigeants au périmètre France
sur l’amélioration de la performance sociale. Près de 4 ans après son lancement, ce
dispositif est toujours en œuvre et a été décliné à l’international.
La DRH groupe d’un opérateur de transport en France décide de réduire ses actions
d’appui au management, en les transférant à ses DRH métiers et notamment de mettre
un terme à son marché cadre pour une enquête d’engagement. Dans le même temps,
elle impulse une démarche de valorisation de la performance managériale et sociale des
managers et propose un dispositif de diagnostic local partagé de la qualité de vie au
travail. La DRH d’un des métiers souhaite mettre à disposition de ses directeurs
d’établissement une enquête qui puisse les aider à piloter leur performance managériale
et sociale. Le questionnaire discuté et validé avec un groupe de directeurs reprend les 5
axes de la performance sociale. L’équité managériale comprend des questions sur la
reconnaissance des contributions, la réalisation d’entretiens annuels et la possibilité de
recours, l’écoute et le respect, l’équité des décisions. Ce questionnaire est adressé (avec
l’aide d’un prestataire externe) à l’ensemble de la population salariée des établissements
participants (un sur deux). Les directeurs d’établissement disposent ainsi d’une vision de
la perception de la performance sociale par les salariés, dans ses différents volets, ainsi
que d’une analyse des corrélations avec chacun des thèmes et sur l’ensemble de la
performance sociale. Ils peuvent s’appuyer pour l’interprétation des résultats et la mise
en place de plans d’action, sur la cellule d’appui managériale de la DRH. Nous travaillons
avec cette dernière à l’élaboration et l’ajustement de supports d’appui à l’interprétation
des résultats et au passage à l’action. Le dispositif conçu et réalisé en 2012, porté et
amélioré en 2013, a été généralisé fin 2013 au siège et à diverses entités intégrées dans
la direction. Les retours des managers opérationnels sont positifs, notamment pour la
liberté laissée dans le choix des priorités d’actions locales et l’articulation opérée entre
le dispositif d’enquête et les plans d’actions transverses à l’entreprise.
Une mutuelle de taille intermédiaire souhaite conduire un baromètre d’opinion interne
auprès de ses salariés. Le questionnaire est discuté avec une commission des risques
psychosociaux qui rassemble des salariés de divers services (dont des élus du personnel)
ainsi que le médecin du travail et est également calé sur les 5 dimensions de la
performance sociale. Les questions sur l’équité dans le management sont du même type
que précédemment, reconnaissance, écoute et respect, soutien hiérarchique, évaluation
équitable, possibilité de recours, promotions accordées aux bonnes personnes. Les
résultats quantitatifs de l’enquête, ainsi que les verbatim, révèlent un faible sentiment
d’équité, notamment concernant les promotions. Engagée dans l’obtention du label
diversité, la structure engage des actions de sensibilisation aux discriminations et de
soutien à la préparation des entretiens de recrutement interne. Deux ans plus tard,
l’enquête est reprise en renforçant le volet équité, en intégrant notamment des
questions visant à évaluer l’existence de discriminations. Pour sa deuxième édition, le
baromètre devient multi-cibles, avec l’interrogation des salariés sur près de 70
questions, dont une vingtaine sont reprises pour une interrogation allégée du comité de
direction et des managers. Ceci permet notamment de mobiliser directement le CODIR
dans l’appropriation des résultats en confrontant sa vision avec celle des salariés et des
managers,
57
L’enquête DGRH de 2010 avait croisé par exemple selon cette logique les priorités RH des salariés et des DRH. http://masterage.univ-
paris1.fr/IMG/pdf/Barometre_DGRH_2010.pdf page 20. Le baromètre de l’égalité des chances du MEDEF (op.cit) croise les sujets
prioritaires pour les salariés et pour les entreprises.
49
Conclusion
La première partie a montré l’importance des enjeux d’équité pour l’entreprise et le DRH. Le
sentiment d’équité est corrélé positivement avec l’implication dans le travail, l’engagement dans
l’entreprise, les comportements d’entraide, de coopération et corrélé négativement avec les conflits
sociaux, les plaintes en justice, les comportements délictueux (vols, sabotages) ainsi qu’avec de
nombreuses atteintes à la santé. Si l’équité dans la relation d’emploi est un enjeu dans le monde
entier, cet enjeu a probablement une acuité particulière en France compte tenu du ralentissement
continu de la croissance, du sentiment largement partagé que les efforts ne sont pas reconnus, de la
défiance croissante envers les dirigeants et pour contrebalancer le cercle vicieux bureaucratique si
aisément à l’œuvre en France : dénonciation de situations décrites comme inéquitables, mise en place
de règles étatiques rapidement contournées et source de nouvelles difficultés, conduisant à un
renforcement constant de la réglementation sans que l’équité en sorte renforcée.
Comment appréhender l’équité en entreprise ? Cette étude a proposé de distinguer :
L’équité distributive : à chacun selon sa contribution
L’équité procédurale : l’égalité de traitement entre tous
L’équité relationnelle : une attention au développement de chacun dans son contexte
L’équité incarnée : des hiérarchiques arbitres et pilotes, mettant en application des règles du jeu
au service du développement de l’entreprise
L’équité renvoie à un travail sur la distribution du travail et de résultats, sur les procédures internes,
sur la manière de traiter chacun et sur le développement des personnes en position d’autorité. Ces
dimensions interagissent entre elles. L’équité dans les procédures et dans les rapports
interpersonnels est d’autant plus nécessaire que les résultats à annoncer sont défavorables ou que la
répartition des résultats et des efforts est inéquitable. Les discussions sur l’équité portent également
fréquemment sur son périmètre d’application, au sein d’une équipe, entre équipes, entre
établissements, entre filiales d’un groupe… L’équité est en effet un objet toujours en discussion, ce
qui rend important de maîtriser a minima son langage pour pouvoir justifier au mieux des décisions
nécessairement imparfaites qui seront prises.
Ces éléments posés, la troisième partie a proposé un cadre de référence pour mesurer l’équité en
entreprise. Cette mesure est objective sur certains points : éventail des salaires, partage des revenus,
écarts salariaux hommes femmes, biais discriminatoire manifeste de certaines procédures. Elle repose
sur la perception subjective des salariés sur d’autres points. Les enquêtes fréquemment déployées en
entreprise accordent peu de place au sentiment d’équité, ou uniquement dans sa version négative
(sentiment de discrimination). Ceci fonde la proposition d’E&P d’une enquête générale comportant
un volet équité au sein d’une mesure d’ensemble de la performance sociale. Cette enquête vise en
priorité les salariés, mais l’interrogation de ces derniers gagne à être complétée par une interrogation
du comité de direction, des élus et des managers. Là où nous l’avons pratiqué, ce déplacement et cet
élargissement de la focale des enquêtes a rencontré un écho positif.
Notre espoir est que la réflexion et la méthode proposées dans cette étude autour de l’équité
contribuent à restaurer la confiance réciproque et à nous aider à traverser avec succès les mutations
en cours.
51
L’équité en philosophie
On distingue classiquement plusieurs approches en philosophie morale :
Les approches déontologiques étudient les obligations. Kant est ici la référence majeure. Être
équitable, c’est prendre une décision basée sur des critères universels et publics,
Les approches conséquentialistes s’intéressent aux conséquences des choix. L’école utilitariste qui
domine en leur sein, considère que les règles et décisions équitables sont celles qui favorisent le bien-
être au niveau de la Société, notamment en récompensant les actions utiles et punissant les actes
nocifs.58 Bentham et John Stuart Mill sont ici les références principales,
Les approches perfectionnistes s’intéressent aux vertus des personnes déployées dans leurs
pratiques. L’équité est une vertu (compétence, capacité) susceptible d’être acquise et qu’il convient
de développer. Aristote est ici la référence historique,
Récemment, (Paperman, 200459) plusieurs auteurs féministes ont considéré que les trois théories
morales évoquées ci-dessus, et en particulier la conception déontologiste, ne rendaient pas compte
du sens moral souvent adopté par les femmes. Elles ont placé au centre de la moralité, le fait de
prendre soin des autres dans une optique de développement (ce qui réactive certains principes
chrétiens). Poser un acte équitable suppose selon elles d’assumer l’existence de conflits de
responsabilité et de leur chercher une résolution par le dialogue. Caroll Gilligan est souvent
considérée comme une fondatrice de cette approche.
Ces 4 grands courants philosophiques ont des approches différentes de l’équité, ce qui a conduit à la
distinction proposée de 4 dimensions de l’équité.
Aristote est souvent cité comme référence fondatrice. Il distingue la justice au niveau global et au
niveau d’un acte (justice particulière). Dans une société juste, les hommes se conforment à la loi,
parce qu’elle est légitime, en les orientant vers le bien, et parce qu’ils sont rendus vertueux par ses
incitations/sanctions/soutiens. Pour Aristote, le bien (ce qui est conforme à la nature humaine) est en
effet antérieur au juste. Un acte particulier sera juste de façon différente selon les situations. Dans les
décisions d’attribution de postes, d’honneurs, de revenus, la distribution doit être faite selon le
mérite (justice distributive). Dans les situations d’échange, il convient de rechercher l’égalité (juste
prix) entre les choses échangées. Quand la justice globale exige la conformité aux lois, un acte
particulier peut exiger de s’en écarter au vu du contexte par souci d’équité.
Au niveau d’une société dans son ensemble, la difficulté moderne réside dans l’abandon de cette
référence à une nature humaine, à un bien et donc à un mérite clairement identifiable. Lorsque Rawls
réfléchit aux conditions que doit remplir une société juste, il pose comme condition sa compatibilité
avec une pluralité de conceptions de la vie bonne (selon la religion, la position vis-à-vis de la
technique). Il pose alors deux principes. Une société juste doit d’abord garantir un ensemble de
libertés de base égales à tous ses citoyens (information, circulation, expression, vote). Les inégalités
économiques et sociales au sein de cette société doivent par ailleurs répondre à deux conditions :
elles se rapportent à des postes ou fonctions ouverts à tous dans des conditions d’égalité équitable
des chances (principe de juste égalité des chances). Elles doivent exister pour le plus grand bénéfice
des membres les moins avantagés de la société.60 Sen61 poursuit la discussion en critiquant la priorité
donnée par Rawls à l’égalité formelle, ou la priorité donnée par les utilitaristes au bien-être. Il
importe davantage selon lui de chercher à égaliser les capacités d’action et réduire les inégalités
concrètes les plus flagrantes.
58
Au sein de cette approche, il existe un débat sur l’intérêt de la redistribution. Pour Pareto et Pigou, il est pertinent de redistribuer en
direction des plus pauvres, qui gagnent davantage en bonheur à disposer de ressources monétaires supplémentaires, que les riches n’en
perdent. Pour Lionel Robbins, il n’est pas possible de comparer des niveaux de bonheur (utilité) et donc de procéder à ce type de
raisonnement. Les approches utilitaristes les plus récentes (Dworkin, Barry, Feuerbay) cherchent à égaliser non plus l’utilité, mais les
chances. Il importe qu’au niveau de la société, les inégalités constatées reflètent les décisions des personnes, et que soient compensées
les inégalités initiales (ex. héritage) ou les événements aléatoires (catastrophes naturelles).
59
Patricia Paperman, « Perspectives féministes sur la justice », L’Année sociologique 2004 – vol. 54 – N° 2
60
Rawlls, 1995, Libéralisme politique, p347
61
Sen A., 2009, L’idée de justice, Flammarion
62
Dubet, 2006, Injustices, l’expérience des inégalités au travail, Seuil
63
Honneth, 2000, La lutte pour la reconnaissance, Editions du Cerf
64
Adams, J.S. 1965. Inequity in social exchange. Adv. Exp. Soc. Psychol. 62:335-343.
53
L’équité en droit
L'équité est le principe modérateur du droit objectif (lois, règlements administratifs) selon lequel
chacun peut prétendre à un traitement juste, égalitaire et raisonnable. Dans certains cas, la loi fait
une place à la notion d'équité en laissant au juge le soin de se déterminer « ex aequo et bono »
(selon ce qui est équitable et bon) c'est-à-dire, en écartant les règles légales lorsqu'il estime que leur
application stricte aurait des conséquences inégalitaires ou déraisonnables. Dans la procédure de
l'arbitrage, la désignation d'un arbitre ayant la mission de juger comme « amiable compositeur » vaut
mandat pour le ou les arbitres d'écarter la règle de droit et de juger en fonction de l'équité.
En matière de droit du travail, les exigences des pouvoirs publics en matière d’équité sont
croissantes. En 1978 le droit communautaire dans le cadre de la lutte contre les discriminations a
imposé l'égalité salariale entre hommes et femmes. En 1996 l'arrêt Ponsolle a étendu le principe « à
travail égal salaire égal » à tous les salariés en situation identique de travail. A partir de 2000, ce
principe a été appliqué aux avantages catégoriels. L’exigence d’équité est abordée de deux manières,
qui font l’objet d’un régime de preuve différent : interdiction de toute discrimination illicite et
exigence d’égalité de traitement.
« Une discrimination génère un traitement défavorable en considération d’un motif illicite » : Aux
termes de l’article L1132-1 du code du travail sont illicites des faits ou décisions qui directement ou
indirectement ou par association affectent des personnes en raison de « leur origine, leur sexe, leurs
mœurs, leurs orientations sexuelles, leur âge, la situation de famille et la grossesse, leurs
caractéristiques génétiques, l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race,
leurs opinions politiques, leurs activités syndicales ou mutualistes, leurs convictions religieuses,
l’apparence physique, leurs noms de famille, leur état de santé ou leur handicap ». S’agissant de ces
cas de discrimination, le salarié n'aura à établir qu'une P R E S O M P T I O N des faits et l'employeur devra
s'en expliquer. C'est donc sur l'employeur que repose la charge de la preuve contraire.
Le traitement inégalitaire des salariés dans l’entreprise est plus large. Il consiste en tout fait ou
décision contraire au principe « à travail égal, salaire égal. », sans limitation de motifs. Il peut être
constaté entre deux salariés, un salarié et un groupe ou entre un groupe et un autre groupe de
salariés. A la différence de la discrimination, c'est au salarié de prouver les inégalités de traitement
qu'il dénonce. Suivant l'article L3121-4 du CT65 : sont considérés comme ayant une valeur égale, les
travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles
consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de
l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. Si le salarié apporte la
preuve d'une disparité de traitement, il appartient alors à l'employeur de justifier de cette différence de
rémunération par des éléments objectifs (ex. chiffre d’affaires vs implication dans le travail) et
pertinents. Outre la formation, les responsabilités, les conditions de travail, les performances de la
personne, son ancienneté, son parcours antérieur atypique (ex. reclassement suite à incapacité), l’état
du marché de l’emploi peuvent également justifier des niveaux de rétribution différents.
Sans que le terme « équité » soit employé en droit pour traiter de ces aspects, il est pertinent de
noter que comme prévu par les études du sentiment d’équité, l’encadrement procédural des
sanctions disciplinaires et licenciements (règlement intérieur, entretien préalable…) est plus
important que l’encadrement des augmentations et embauches. L’interdiction posée par le droit des
violences verbales et du harcèlement est également en rapport avec l’exigence d’équité
interpersonnelle.
65
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=D58460D9478D30E0FF59D73BE116A4F9.tpdjo16v_1?idArticle=LEGIAR
TI000006902820&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20130112
305 Choisir les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés – E&P et Institut Montaigne – Sandra
Enlart - Bernard Masingue – juillet 2012
304 Le modèle social européen en crise ? – Jean-Pierre Basilien - Michèle Rescourio-Gilabert - juin
2012
55
Publications en anglais
318a Improving businesses’ competitiveness: Recent changes in collective bargaining in 4 European
countries (France, Germany, Italy, United Kingdom) – panorama n°4 – A. Broughton - A. R.C.D.
Nacamulli - Lazazzara - H. Lesch - Dr O. Stettes – M.-N. Lopez - M. Rescourio-Gilabert –
December 2014
311a Empowering Front-line, Managers - Patricia Vesin - Patrick Perrier- Aine O’Donnell -
September 2013
309a Quality of Work: How does it matter in Europe? A comparative analysis of four EU states -
Sally Wilson- Alessandra Lazazzara - Dr Oliver Stettes - Marie-Noëlle Lopez- Anne Bastien
and Juliane Lau - February 2013
304a The European social model in crisis? - Jean-Pierre Basilien- Michèle Rescourio-Gilabert- july
2012
303a Managing Extended Working Life – Martine Le Boulaire - Xuan Tran – june 2012 –
299a French and German companies in China : contrasting management practices in a context of
change - Martine le Boulaire – Jean Louis Rocca – Sabine Hazouard – Rémi Bourguignon –
march 2012
298a The Engaged Enterprise - Social Cohesion, Performance, and Society - Sandra Enlart –
November 2011
297a Who Wants to Be a Front-line Manager? - Áine O’Donnell, Patricia Vesin, Patrick Perrier –
November 2011
296a The cognitive component of work – S. Enlart, M. Dégruel, M. Le Boulaire, S. Marsaudon –
February 2011
295a New itineraries for managing skills: Prioritizing context - P. Gilbert – M. Le Boulaire -
July-11
294a HR's role in work organisation:Why, how, and where? - Pascale Fotius – september2011
279a - Does skills management serve corporate strategy and performance? - Martine Le Boulaire -
Didier Retour IAE de Grenoble – july2011