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Les réseaux sociaux sont le terrain de nouvelles pratiques d’humiliations entre adolescents.

Elles sont
d’autant plus mal vécues qu’elles sont souvent cachées aux adultes. (...)
Blessant, répétitif, le cyberharcèlement peut recouvrir différentes formes : menaces par SMS ou e-mail,
diffusion non désirée d’images personnelles, propagation de films ou de photos d’agressions, de rumeurs…
(...)
Quel est le poids de ces pratiques dans la vie des adolescents ? Selon une enquête du ministère de
l’Éducation nationale menée en 2013, un collégien sur cinq (18 %) affirmait avoir été insulté, humilié ou
victime d’actions dévalorisantes via Internet ou par téléphone portable et 5 % des élèves évoquaient des
violences répétées (au moins trois fois) pouvant s’apparenter à du cyberharcèlement.
Une fois sur deux, la violence sur la Toile prolonge celle déjà exercée dans le cadre scolaire. (...)
Cependant, à la différence du harcèlement scolaire, le cyberharcèlement ne se limite pas aux murs d’un
établissement, ni à un instant donné. En un clic, la diffusion de rumeurs ou d’images humiliantes peut être
extrêmement rapide, vers un grand nombre d’individus, avec un effet « boule de neige » difficilement
contrôlable. (...) Les personnes visées, elles, n’ont aucun répit : elles peuvent être agressées tout le temps.
« C’est l’un des aspects qui permet de comprendre pourquoi, en dépit du caractère non physique du
harcèlement, celui-ci a un impact émotionnel si important sur les victimes : elles ne sont jamais vraiment
soustraites aux nuisances », remarque Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale, auteur de
L’Agression humaine (2015).
Autre spécificité, l’agresseur ne voit pas les réactions de souffrance psychologique de sa cible.
Conséquence : « Il va passer plus facilement à l’acte et son sentiment d’impunité va augmenter », résume
Catherine Blaya, professeure en sciences de l’éducation et présidente de l’Observatoire international de la
violence à l’école, auteure du livre Les Ados dans le cyberespace (2013). Car l’absence de signaux visuels
réduit le jugement moral et l’empathie. Sur ce point, les chercheurs évoquent un effet « cockpit » par
analogie avec les pilotes de chasse pendant une guerre qui, très loin de leur cible, ne réalisent pas les
dommages qu’ils causent. (...) « C’est ce qui se passe sur Internet, où la souffrance des victimes est
muette », souligne le chercheur.
De surcroît, le cyberharceleur peut aussi se cacher derrière l’anonymat, en utilisant un pseudonyme ou en
falsifiant une identité, ce qui le désinhibe ; il dissémine des messages qu’il n’oserait pas énoncer de vive
voix à une personne en chair et en os, et à visage découvert. Du côté des victimes, cet anonymat peut
accroître l’impression d’impuissance, d’insécurité et de peur, ainsi que la détresse émotionnelle. « Le
sentiment de paranoïa est plus important, observe C. Blaya. La première réaction, c’est de ne plus vouloir
se rendre dans son établissement scolaire, par crainte de croiser les regards des autres. » (...)
Comment les adolescents réagissent-ils face à une cyberagression ? Plus d’un sur trois n’en parle à personne,
selon l’enquête du ministère de l’Éducation nationale. Les autres se confient à des amis (33 %), à leurs
parents (29 %), plus rarement aux professionnels du collège (16 %). Comme pour le harcèlement ordinaire,
ils ont tendance à taire leurs problèmes aux adultes par peur de représailles, par honte, ou par crainte de se
voir interdire l’accès à Internet ou supprimer leur téléphone portable. Sur le plan psychologique, le
cyberharcèlement génère une anxiété et des symptômes dépressifs, des troubles de la concentration, une
diminution de l’estime de soi, des difficultés scolaires, de l’absentéisme… Souvent, les jeunes visés sont
plus seuls que les autres et éprouvent des difficultés à nouer des relations sociales, ce qui alimente un cercle
vicieux. Chloé, 16 ans, confie : « Ils ont commencé à faire circuler des photos de moi sur lesquelles ils se
moquaient de mon poids et incitaient les autres à ne pas me parler. Je me sentais sale, moche et je ne
pouvais plus me supporter. Ce n’était pas étonnant que les autres ne veuillent plus me parler. »
Devant ces conséquences, comment les agresseurs justifient-ils leur comportement ? Bien souvent, ils
affirment avoir juste voulu plaisanter, sans chercher à nuire. « Certains jeunes croient qu’il est valorisant de
harceler autrui, que c’est quelque chose de “cool” ou en tout cas de toléré, indique L. Bègue. De telles
croyances peuvent résulter d’une absence de discours clair condamnant ces pratiques dans l’entourage
scolaire ou familial. » (...) Près de la moitié (46 %) auraient eux-mêmes été agressés avant de devenir
agresseurs, selon une enquête menée en 2011.
Diane Galbaud, Sciences Humaines Mars 2016, « D’où vient le cyberharcèlement ? »
https://www.scienceshumaines.com/d-ou-vient-le-cyberharcelement_fr_35791.html#hautpage
Questions : Qu’est-ce que le cyberharcèlement ? Est-il fréquent ? Comment en expliquer
l’importance ? Quels en sont les effets négatifs sur le lien social ? Pourquoi les victimes ont
tendance à ne pas le signaler ?

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