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CENTRE
INTERUNIVERSITAIRE
D'ÉTUDES
MÉDITERRANÉENNES
Université
de POITIERS

Bernard PAGAND

L A M É D I N A

D E C O N S T A N T I N E
(Algérie)

Dela ville traditionnelle au centre


de l'agglomération contemporaine

ÉTUDESMÉDT
IERRANÉENNES
FASCICULE14 - 1989
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; - t r✓
Texte (non modifié de sa thèse de Troisième Cycle) :B. PAGAND.
Frappe :MadameMOREAU.
Réalisation de la couverture et carte 3,4 :J.-M. VERGNAUD.
(Laboratoire de Cartographie du Département de Géographie, Université
de Poitiers),
Toutes les autres illustrations sont de l'auteur, B. PAGAND.
Crédit photographique : Archives Nationales / Archives d'Outre-Mer,
Aix-en-Provence. INCet collections privées algériennes. Collections CIEM,
B. PAGANDet J.-S. MAGAGNOSC.
Réalisation des planches : Imprimerie GERBAUD, 86500 Montmorillon.
Tirage :G. BARRIQUAULT,Université de Poitiers.
Impression couverture et reliure :Imprimerie MARTINEAU,
86180 BUXEROLLES.
Responsable de la publication et coordination : Jean-Sylvain MAGAGNOSC.

I.S.S.N. 0766-51 56
Couverture:Reprise encouleursdela carte 1.10.
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LE MOT DU C.I.E.M.

Le pôle POITIERS - TOURS sur les mondes méditerranéen et


arabe est surtout connu par le biais des centres de recherche qui le sous-
tendent.
Les fleurons en sont les deux équipes associées du CNRS,
MIGRINTER (URA 1145) et URBAMA (UA 365) et leurs publications :
REMI (la Revue Européenne des Migrations Internationales) et les fascicu-
les d'URBAMA.
A ces équipes s'ajoute le CIEM, Formation Recommandéé du
Ministère de l'Education Nationale, et sa production d'ETUDES MEDITER-
RANEENNES.
Mais ce pôle est aussi un véritable centre de formation de
jeunes chercheurs, français et maghrébins essentiellement, par le biais
du DEA "Géographie et Aménagement du Monde Arabe" assuré conjointe-
ment par les deux Départements de Géographie de POITIERS et TOURS.
La concrétisation se fait par les nombreuses thèses dirigées
par les membres de la Formation Doctorale et soutenues : plus de 60
au cours des six dernières années.
ETUDES MEDITERRANEENNES a déjà consacré plusieurs volu-
mes à la publication de thèses de géomorphologie maghrébine (J. TRAYS-
SAC, A. DUTOUR) et diffusé la thèse de géographie régionale d'A. BOULI-
FA sur le Fahs de TANGER. Ces auteurs sont issus de notre DEA et deux
d'entre eux ont intégré notre équipe de recherches.
La collection est aujourd'hui plus riche d'une thèse dont nous
sommes d'abord fiers par sa qualité, mais aussi du fait qu'elle émane
d'un chercheur issu de l'architecture. Notre DEA accueille en effet des
candidats non géographes mais dont les préoccupations peuvent être aussi
l'analyse des relations entre l'homme et l'espace.
Bernard PAGAND est riche d'une expérience acquise dans un
cabinet d'architecte privé et prolongé par plusieurs années d'enseignement
à l'Institut d'Architecture et d'Urbanisme de l'Université de CONSTANTI-
NE. Là, il s'est spécialisé dans l'architecture civile et religieuse du Monde
Arabe et s'est impreigné des conditions historiques, sociales, économiques,
qui président à la naissance et à l'évolution du cadre bâti.
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La thèse présentée ici reflète cette sensibilité. La Médina


de CONSTANTINE, mais aussi toute la ville depuis qu'elle a dépassé son
cadre étriqué du Rocher, revit sous nos yeux, par son bâti et son évolution,
mais aussi et surtout par les hommes qui l'ont édifiée.
La Médina d'aujourd'hui est le produit de plusieurs périodes,
souvent dominées par des puissances extérieures, ce qui en fait un palimp-
seste dont il est difficile de restituer les différentes écritures.
Après un temps assez long où toute Médina était synonyme
de "désordre, d'illogisme, d'anarchie" (*) vient celui de l'analyse, de la
compréhension, de cet élément majeur de nombreuses villes maghrébines
et du Monde Arabe tout entier.
La connaissance brute est en effet insuffisante pour mener
à bien les entreprises de rénovation, de réhabilitation (Est-ce un produit
coupable ? de quoi ?), de sauvegarde ou plus largement d'aménagement
des médinas.
La thèse de B. PAGAND s'inscrit dans cette perspective.
L'auteur ne fait pas de "la Médina un espace clos, fermé, isolé
du reste de l'agglomération" (*). Il la relie à l'espace, celui urbain qui
l'entoure aujourd'hui, mais aussi à celui rural qui a été un des éléments
majeurs de sa croissance, de sa richesse.
Il dissèque la Médina, ancienne ville et aujourd'hui composante
essentielle de l'agglomération actuelle dans ses aspects formels (l'analyse
de la constitution graduelle du réseau viaire est sur ce point exemplaire)
mais aussi fonctionnels.
La notion de centralité, au sein de la région dans le passé,
et dans la ville d'aujourd'hui est en effet abordée sous de nombreux biais,
y compris sous celui de la perception qu'en ont les constantinois (à partir
du travail de Sacia SPIGA).
La Médina est, au sein d'une ville globalement sous-équipée
pour l'approvisionnement de sa population, l'élément centripète de l'agglo-
mération constantinoise. C'est d'ailleurs la source de bien des problèmes
-dont celui, épineux, des transports- de la cité.
Mais c'est aussi en termes d'histoire, de racines, qu'elle est
vécue par tous les constantinois, de souche ou néo-citadins, bien souvent
perdus (au double sens physique et moral) au sein de cette pieuvre dont
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les ventouses des tentacules sont autant de blocs de béton issu de la techno-
logie moderne. La tête et l'âme de la cité sont elles dans la Médina.

Les paragrphes notés (*) sont tirés de l'article de P. SIGNOLES


(1989) : Place des médinas dans le fonctionnement et l'aménagement
des villes au Maghreb. In Eléments sur les centres-villes dans le Monde
Arabe, URBAMA, fasc. 19, p. 231-274. Ce travail comporte une réflexion
globale sur les médinas d'après l'analyse de thèses et de documents d'urba-
nisme récents.
Les lecteurs pourront avoir des compléments d'analyses sur
les médinas (de Marrakech à Alep) dans : Présent et avenir des médinas,
fascicule de recherches 10-11 de l'ERA 706 Urbanisation au Maghreb.
Les fascicules 10-11 et 19 sont disponibles auprès d'URBAMA
- Parc de Grandmont - 37200 - TOURS.
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LE MOT DE L'AUTEUR
3e voudrais ici exprimer mes remerciements aux personnes
qui m'ont apporté aide ou conseil lors de l'élaboration de ce travail :
à M. le Professeur Gildas SIMON, mon directeur de thèse, ainsi qu'à M.
André MOUSCHI, professeur à l'Université de Nice, à M. Pierre SIGNOLES,
professeur à l'Université de Tours, à M. Marc COTE, maître de conférences
à l'Université d'Aix-en-Provence, à M. Jean MAGAGNOSC, maître de
conférences à l'Université de Poitiers et à Mme B. SAHRAOUI, m a î t r e -
assistante à l'Université de Constantine.
Je remercie également le CIEM pour la publication de ce travail.
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INTRODUCTION

Dans la hiérarchie urbaine algérienne, Constantine tient au moins


depuis l'époque de la Régence turque d'Alger, une fonction de métropole
régionale.
L'Algérie, elle-même, est fortement marquée depuis cette époque
par un découpage de son cadre spatial en trois ensembles méridiens occi-
dental, central et oriental, Constantine étant le pôle de l'ensemble oriental.
Mais cette situation n'a pas été sans modification, à la différence d'Alger
ou d'Oran, villes portuaires à la fois pôles et têtes de pont vers l'exté-
rieur de leur région respective, Constantine, ville intérieure, apparaît
aujourd'hui comme une métropole régionale incomplète, elle partage sa
fonction avec le port d'Annaba où se concentrent les implantations in-
dustrielles, Constantine conservant un rôle tertiaire dominant.
Ce rôle est lui aussi un trait d'héritage ; capitale beylicale,
Constantine a vu la colonisation y fixer un appareil administratif gérant
toute la grande région algérienne orientale et des services à la mesure
de ce territoire. Ces précédents ont maintenu à Constantine une influence
dépassant largement les limites actuellement considérablement rétrécies
de son département.
La ville est partagée par un axe médian, à la tête duquel se
trouve le "Rocher". Les caractéritiques du Rocher et celles de son environ-
nement font qu'il se détache de l'ensemble urbain comme un site claire-
ment défini (figure 0.1). De forme approximativement trapézoïdale, il
suit une double inclinaison Nord-Sud et Ouest-Est (pente moyenne 10 %)
et se trouve séparé des sites voisins au Sud-Est et au Nord-Est par une
gorge qui s'évase du Sud au Nord (de moins de 30 mètres à plus de 200
mètres), la profondeur des gorges varie de 80 m à l'entrée de l'oued
Rhummel à Sidi Rached à 200 m à sa sortie à l'aplomb du Kef Chekhara,
là il tombe en chute sur une centaine de mètres. Sur les côtés Nord et
Nord-Ouest le site présente un versant abrupt passant de 150 à 80 m du
Nord au Sud (figure 0.2)
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FIGURE 0.2 - LE SITE DU ROCHER


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La médina de Constantine, partiellement restructurée pendant


la période coloniale est implantée sur ce site, et à l'image de celui- ci,
qui possède une situation polaire dans son environnement, la médina est
dotée d'une fonction centrale dans l'ensemble urbain.
Cette caractéristique est ici essentielle car peu répandue pour
ne pas dire absente des autres villes maghrébines possédant un ancien
centre traditionnel. Ce dernier apparaît généralement marginalisé, souvent
partiellement détourné de sa fonctionnalité dans les villes touristiques
et en tout cas jamais comme un pôle urbain.
Dans la médina de Constantine, secteur traditionnel et moderne
se complètent pour produire un espace fonctionnel qui s'adresse à tous.
L'importance et la réalité des fonctions d'une ville moderne
concentrée dans un centre ancien est rapidement saisissable, ils feront
l'objet de la première partie de ce travail. Dans la deuxième partie qui
détaille l'étude des activités dans la médina et précise l'importance de
ce centre, nous tenterons de comprendre les conditions de la concurrence
entamée avec la période coloniale entre secteur moderne et secteur tra-
ditionnel de l'économie urbaine, ce dernier ou ce qui en est issu étant
très dégradé par rapport à celui des médinas marocaines ou tunisiennes,
nous essayerons également de saisir l'évolution de l'importance et du
rôle de la ville dans le territoire.
Si cette médina se particularise par ses fonctions, elle rejoint
le rang des autres médinas au regard de son cadre bâti, tant sous l'angle
de l'espace urbain que sous celui du milieu d'habitat. La troisième partie
essayera d'analyser ces deux aspects et tentera d'approfondir la connais-
sance de la formation de l'espace traditionnel et de l'espace actuel mon-
trant que les conditions techniques de la formation urbaine ont joué ici
un rôle au moins aussi important que les conditions économiques ou politi-
ques dans la fixation du centre. Cette partie abordera parallèlement l'étude
de l'évolution de la population de ce centre et de ses conditions d'habitat.
Enfin, dans la dernière partie, il conviendra de replacer la médina dans
la ville ; patrimoine historique, elle fait aussi partie d'un tout. L'étude
du cadre bâti et des activités montrent que l'aménagement de cet espace
doit être penser en deux échelles complémentaires et nous essayerons
d'en signaler la nécessité.
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1. LAMEDINA ET LO
' RGANISATION URBAINE : UNESPACE
POLAIRE ET FONCTIONNEL

La création des faubourgs et du Coudiat, ainsi que les autres


extensions urbaines de période coloniale, mais surtout les prolongements
récents de la ville n'ont pas été de pair avec un équipement intégré et
suffisant. La médina, à vocation traditionnelle administrative et commer-
ciale a, de fait, largement conservé cette prérogative.
Sur son aire se trouve concentrée une part remarquablement
importante des commerces, équipements tertiaires et centres administra-
tifs à l'usage de l'ensemble urbain, voire au delà.
La structure du système de circulation convergeant aux pieds
de la médina y draine ou y fait transiter un flux qui, hors des périodes
quotidiennes d'affluence aux entrées de l'agglomération est le plus impor-
tant de la ville. La médina se trouve être le noeud de toute l'aggloméra-
tion. Cette position est le résultat d'un ensemble de facteurs parmi lesquels
les conditions historiques, qui eurent une influence déterminante.
La polarité qui en résulte, se renforce de références patrimoniales.
Lieu de l'algérianité en période coloniale, elle reste, pour les contempo-
rains, le point fort de l'image de la ville dont elle est le centre.

1.1. PERCEPTION ET REPRESENTATION DU CENTRE


Ce chapitre s'appuie en majeure partie sur les conclusions d'une
enquête menée par S. SPIGA dans le cadre d'un mémoire de magistère
en Géographie : "Organisation et pratiques de l'espace urbain constantinois"
(Université de Constantine, janvier 1986).

a - La médina toujours liée à toute représentation du centre ville.


Au cours d'entretiens avec des Constantinois, alors que nous
tentions de mettre au point une représentation de la perception du Rocher
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selon la méthode déjà expérimentée par K. LYNCH (1), nous avions ques-
tionné les gens sur la localisation du centre ville. Invariablement, la médina
ou une partie de celle-ci étaient citées.
L'enquête se rapportant à cette médina, il est possible que la question
en ait fait ressortir l'image d'une manière forcée.
Une étude récente qui tente de réaliser un échantillonnage repré-
sentatif des composantes socio-spatiales de l'agglomération arrive à une
conclusion semblable tout en évitant une fixation préalable sur le Rocher.
On y découvre de plus quelques particularités intéressantes.
S. SPIGA, pour cette étude (2), a mené une enquête dans douze
quartiers de la ville recouvrant, hormis les bidonvilles, l'ensemble des
types d'espaces résidentiels, donc également la plupart des groupes sociaux.
De cette enquête, qui montre la variation de la connaissance du centre
pour chaque quartier, il ressort globalement que 84 % des personnes inter-
rogées le connaissent, 10,25 % le connaissent un peu et seulement 5,65 %
ne le connaissent pas. Mais ce qui nous intéresse davantage ici, c'est
que l'ensemble des enquêtés appréhendés, peut définir le centre ville et
en donner des limites. Les limites données varient en fonction de la situa-
tion des quartiers dans l'agglomération et de leur éloignement par rapport
au Rocher.
Les gens de l'ensemble Ouest de la ville incluent dans le centre :
Rocher, Coudiat, St Jean, Bellevue. Chaque élément se greffe au précé-
dent en fonction de l'éloignement du Rocher. Les gens relativement proches
du centre le définissent par Rocher-Coudiat, ceux des quartiers périphéri-
ques y ajoutent Saint-Jean, puis en s'éloignant, Bellevue et Ciloc.
Dans l'ensemble Est, et selon le même processus se greffe l'hôpi-
tal, puis une partie d'El Kantara.
Des représentations secondaires existent également, elles sont
le fait des immigrants et néo-citadins sous-intégrés qui lient au Rocher
d'autres quartiers centraux, plus ou moins marginalisés, Aouinet el Foui
ou Bardo.
Quand la perception du centre se limite au Rocher, celui-ci est
rarement considéré dans sa totalité, on en exclut Souika dans la plupart
(1) K LYNCH. L'image de la cité. Dunod. Paris, 1976. Les résultats se
trouvent dans la dernière partie de notre travail.
(2) S. SPIGA. Organisation et pratiques de l'espace urbain constantinois.
Mémoire de Magister. I.S.T. Département de Géographie. Université
de Constantine. Janvier 1986.
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des cas. Parfois les enquêtes en ont une image faite d'éléments linéaires -
rues commerçantes - ou ponctuels - Place du 1er Novembre 1954 (Place
de la Brèche). Quelle que soit la perception du centre ville, le Rocher
ou un espace plus limité de celui-ci en fait toujours partie (Figure 1.1).
b - La médina centre-ville
Il ressort de ce qui précède que le centre ancien est l'espace
à partir duquel se réalise toute représentation du centre-ville. Il est le
véritable pôle delà perception des enquêtés qui, quand ils ne le considèrent
pas seul, ne font que lui donner des extensions vers une direction ou une
autre.
Si nous voulons définir le centre à partir de toutes ces repré-
sentations, en donner une perception élargie, il faut y inclure l'ensemble
des espaces considérés. Nous aurons un centre qui va de Bellevue à El
Kantara, en passant par St Jean, Coudiat et l'hôpital, organisé autour
du Rocher. Des extensions secondaires en direction de Aouinet el Foui
et du Bardo peuvent s'y ajouter.
Mais si nous voulons en donner une localisation plus stricte, il
faut considérer le ou les éléments constants de toute perception, dès
lors seul le Rocher peut être considéré comme centre-ville ou alors une
partie de celui-ci, car il est un pôle urbain dans la perception des enquêtés.
Dans nos entretiens sus-mentionnés, qui n'étaient liés qu'au Rocher,
il est significatif que la quasi-totalité des personnes interrogées situait
la centralité urbaine sur le Rocher, souvent d'une manière ponctuelle
Place de la Brèche. La plus grande extension du centre ne conduisait
alors qu'au Coudiat Aty.

c - L'espace le mieux connu de l'ensemble des citadins.


Si la plupart des quartiers peuvent être situés par les citadins,
leur fréquentation, très variable, est essentiellement liée aux systèmes
de relations. Il s'ensuit une dominance d'attraction qui s'appuie sur des
facteurs socio-culturels ou familiaux, la fréquentation inter-quartiers
reste sélective ; seuls, grandes surfaces ou marchés peuvent avoir une
polarité locale ou élargie. Mais l'ensemble des habitants, quel que soit
le type de quartier auquel il appartient, se rend au centre, la majorité
au moins une fois par semaine (3). Cette population se rend au centre
(3) S. SPIGA. op. cit. p. 131.
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pour des achats exceptionnels qui ne sont possibles que là, mais aussi
pour des achats courants.
Les rues commerçantes du Rocher sont très fréquentées, le centre
attire aussi les Constantinois comme lieu de rencontre, c'est l'espace
privilégié des contacts où les cafés jouent un grand rôle.
Le Rocher comble un vide dans les pratiques urbaines, celles-
ci dans les quartiers sont relativement faibles, il devient aussi "l'espace
des pratiques de tous les habitants, il se substitue aux quartiers pour
tout type de pratiques spatiales : achats quotidiens, achats exceptionnels,
fréquentations familiales ou amicales, rencontres et récréations" (4).

d - La médina, pôle d'identification urbaine.


Dans la représentation que le Constantinois ou le néo-citadin
ont de leur ville, le quartier a une faible part. La vie de quartier est
très généralement assez peu développée à cause d'une sous-structuration
qui entraîne une assez grande mobilité vers d'autres espaces.
L'identification au quartier est faible en conséquence. "L'image du quartier
restreint l'espace de vie quotidien à l'appartement" (5), la relation à la
ville ne se fait pas à partir du quartier mais à partir du logement.
Par contre, l'agglomération est mieux perçue, elle est un cadre
favorable où s'organise la vie de relation. En l'absence d'étape intermédi-
aire, vie de quartier, elle se trouve dans le prolongement de la vie fami-
liale et du logement. Elle représente mentalement un certain mode de
vie de type moderne parce qu'on y effectue des déplacements pour le
travail, les achats, les loisirs. Le seul côté négatif est lié aux difficultés
de déplacement. Mais c'est le centre qui cristallise les représentations
urbaines des Constantinois. On y trouve établissements culturels et histo-
riques, lieux de rencontre, établissements de services, espaces et locaux
commerciaux et édifices du pouvoir. De plus, c'est un espace individualisé
morphologiquement que l'on perçoit facilement et dont les aménagements,
places en particulier, présentent un certain attrait.
La médina se détache de l'ensemble urbain d'une part parce
qu'elle conserve un certain prestige lié à l'histoire urbaine que n'entame
pas la vétusté de certains de ses espaces. Elle est fortement vécue, car
elle présente, où qu'on soit dans la ville, la continuité mentale de l'espace
(4) S. SPIGA. op. cit. p. 135.
(5) S. SPIGA, Ibid. p. 180.
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FIGURE 1.1 - REPRESENTATIONS DU CENTRE VILLE.

Source : d'après S.SPIGA


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d'habitation, auquel elle est finalement intégrée, alors que l'agglomération


représente une continuité diffuse, fonction de groupes et de systèmes
de relation.
Son prestige, qu'elle tire sans doute de son histoire plus ou moins
lointaine dans les couches intellectuelles, peut se ramener dans un cadre
social plus global à son histoire récente. Elle a été jusqu'à la veille de
l'Indépendance le centre névralgique de toute la population musulmane,
un quartier d'accueil mais aussi le lieu culturel, religieux, social et commer-
cial auquel on aspire. Si elle est actuellement surtout perçue comme espace
social et commercial, les autres aspects restent sous-jacentset lui confèrent
l'image de l'urbanité. Elle reste l'espace de référence dans la représenta-
tion mentale de la ville, si on pense Constantine on pense d'abord Rocher.

1.2. CONCENTRATION DES ACTIVITES TERTIAIRES (Figure 1.2)


a - Une large attraction des administrations et des services
Malgré un glissement spatial des équipements tertiaires supérieurs
au delà du Rocher (Coudiat) dès avant l'Indépendance et malgré l'éclate-
ment des services, l'importance des implantations administratives sur
le Rocher reste prépondérante dans le fonctionnement urbain.
L'Hôtel de la Wilaya qui regroupe l'ensemble des services de
l'institution jouxte l'Assemblée Populaire Communale où sont concentrées
la plupart des directions. Bien que l'A.P.C. ait créé des antennes dans
la ville pour les services ordinaires, ces deux administrations engendrent
à elles seules un mouvement considérable vers la médina, de toute la
ville mais aussi de la wilaya et au delà. L'influence régionale s'inscrit
également en vieille ville par la présence de nombre de directions régio-
nales ou wilayales, telles celles des Postes et Télécommunications, du
Cadastre et de l'Organisation Foncière, de l'Agriculture ou des Statistiques
ainsi que de centres régionaux d'inspection, artisanat ou habous.
La proximité immédiate d'autres éléments, Chambre de Commerce
et d'Industries, Services de l'Agriculture... renforce ce type d'influence.
Autant d'éléments, qui avec l'ensemble des instances de Justice, Palais
de Justice, Cadi, Tribunal Militaire et le Commandement de la 5ème
Région Militaire assoient très largement le poids de ce vieux centre dans
la région.
En ce qui concerne les services, le Rocher regroupe la totalité
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FIGURE 1.2. - DENSITE DES ETABLISSEMENTS TERTIAIRES SUR LE ROCHER

source : URBACO 1985


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des sièges de banques, la plupart des Caisses Nationales d'Epargne Popu-


laire. Sans poursuivre cette énumération, notons simplement que 110 éta-
blissements administratifs ou de service public sont installés sur le Rocher.
Si on y ajoute la présence de 19 établissements scolaires et de 47 établisse-
ments sanitaires, ce qui représente de loin la plus forte densité à l'hectare
de l'ensemble urbain ou dans le rapport avec la population, on comprend
que le niveau d'implantation dépasse fortement celui du quartier et fait
de la médina un pôle urbain.

b - Un espace commercial dominant destiné à l'ensemble urbain et au-delà


La répartition des commerces de détail est généralement assez
bien établie dans l'ensemble urbain et permet une desserte relativement
correcte d'aires limitées et seuls les ensembles d'habitat social des nouvel-
les périphéries en sont dépourvus. Mais la part de la médina représente
au moins 30 % de l'ensemble des établissements de ce type. Alors qu'elle
possède environ un commerce pour 30 personnes, il faut compter un com-
merce pour 125 personnes dans le reste de l'agglomération. A ce stade
on peut déjà estimer qu'il s'exerce une pression vers les commerces du
centre. Mais ce n'est pas tant par leur quantité que par leur spécialisation
que naît l'attrait vers ces commerces. Si dans les commerces d'usage
courant, la part de ceux de la médina ne dépasse pas 20 % de leur ensem-
ble, elle devient très prépondérante pour tout ce qui est commerce vesti-
mentaire, tissus, bijouterie ou objets de luxe. Dans ces branches elle est
un passage obligé puisqu'elle regroupe au moins 70 % des établissements.
Elle n'est pas seulement sollicitée par toute la ville mais bien au-delà,
sans qu'on puisse le mesurer avec exactitude (6).
La vieille ville possède également les deux seuls établissements
de type "grand magasin" qui sont l'objet d'une fréquentation de toute
la ville, malgré l'existence d'une dizaine de "grandes surfaces" réparties
vers la périphérie qui, bien qu'offrant en grande partie des produits sem-
blables, n'ont pas la même "urbanité".
La médina a un impact tel que des établissements du même type
de ceux qu'elle possède, mais situés ailleurs, n'ont pas la même attraction :
souvent locale en périphérie, celle-ci devient élargie dès qu'il s'agit du
Rocher.
(6) On sait par les commerçants que leur clientèle est au moins wilayale.
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Avec les commerces de gros, la polarité de la médina s'étend


à la majeure partie de l'Allérie orientale. En effet le Rocher regroupe
plus de 60 % des établissements de commerce de gros de la ville et possède
un quasi-monopole sur tout le secteur des tissus et vêtements» ce qui en
fait en ce domaine la plus puissante place commerciale régionale.

c - La plus grande proportion d'espaces cultuels et culturels


Sur l'ensemble de la ville se répartissent actuellement environ
90 mosquées, le seul Rocher en regroupe plus d'une vingtaine héritées
de son passé.
Mais en dehors du domaine religieux, l'activité culturelle cons-
tantinoise est très généralement considérée comme pauvre tant par la
population que par les médias qui s'en font l'écho.
La médina n'échappe pas à ce trait général, mais elle reste la
mieux pourvue dans l'ensemble urbain avec les seules bibliothèques publi-
ques de la ville, son théâtre, son université populaire et quelques cinémas.

d - Un fonctionnement socio-spatial polarisé sur la médtaa


La conséquence de la très forte concentration des administrations,
services et commerces est une très grande sollicitation du centre qui
offre une réponse aux besoins de la plupart des couches sociales à travers
toute l'agglomération. Sa surcharge mise à part, il apparatt comme très
fonctionnel dans l'ensemble urbain.
Le centre est vécu très fortement et est perçu mentalement
comme l'espace le plus directement lié à la cellule résidentielle.
La diffusion des commerces de détail à travers l'agglomération,
la répartition d'équipements commerciaux de grandes surfaces ne parvien-
nent à créer que des polarités très secondaires et localisées parce que,
d'une part, le centre monopolise nombre des commerces d'usage non cou-
rant et d'autre part, les relations intra-urbaines par transports publics
sont faibles, seules celles convergeant vers le centre ont une fréquence
et un nombre de stations intermédiaires suffisant pour drainer un maximum
d'usagers (Figure 1.3).
A une puissance très réelle du Rocher quant à son appareil ter-
tiaire, s'ajoutent un attachement vécu mentalement mais aussi une accessi-
bilité qui, si elle peut présenter des difficultés pratiques, domine toute
autre liaison intra-urbaine.
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FIGURE 1.3 - TRANSPORTS- PUBLICS


- Polarité du centre -

Source : D'après S.SPIGA


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Le fonctionnement socio-spatial de l'ensemble urbain ne peut


ainsi que se tourner vers la médina qui en est le véritable pôle.

1.3. CONSTANTINE, POLE BEYLICAL (7) (Figure 1.4)

Capitale du beylicat ou province de l'Est, Constantine en était


le pôle administratif. L'influence du pouvoir politique allait décroissant
en fonction de l'éloignement de la capitale mais la structure de ses points
d'appuis sont dans sa dépendance directe.
La vie économique de la Province en entrant dans le système
des échanges est très largement centralisée à Constantine qui draine l'es-
sentiel du surplus du monde agro-pastoral tant en récoltes qu'en produits
transformés. Elle en monopolise aussi la redistribution dans la Province
et l'exportation, elle y diffuse également très largement sa propre produc-
tion, et chose importante, on se déplace de toute la province vers ses
marchés.
Le rayon d'influence économique de la ville dépasse de loin celui
de son influence politique, intégrant ainsi des espaces de la Province qui
autrement lui seraient tout à fait étrangers.
La centralisation du pouvoir économique dans la capitale est
confirmée entre autre par le réseau des chemins. Si nous ne pouvons douter
de l'existence de réseaux transversaux (8), l'essentiel du réseau est rayon-
nant vers Constantine et part des principales cités de la Province. En
effet, toutes les villes de la Province ont des liens avec Constantine,
elles sont ses relais dans un sens ou dans l'autre et sont contrôlées par
des chefs-caïds dépendant de l'autorité beylicale, elles subissent au mini-
mum la présence d'une garnison.
Les villes de l'intérieur, qu'elles soient en zone totalement indé-
pendante comme Tébessa, en zone semi-indépendante comme Biskra ou
M'Sila ou en zone soumise comme Mila, fonctionnent en liaison avec
la capitale.
Mila, qui compte entre 1 500 et 2 000 habitants, est administrée
par un caïd, fonctionnaire beylical. La ville paie l'impôt et son marché
(7) On trouvera des aspects détaillés en 2.1. (Commerce) et 2.3. (Adminis-
tration).
(8) Ainsi que le signale A. NOUSCHI. Le niveau de vie des populations
rurales constantinoises de la conquête jusqu'en 1919. Essai d'histoire
économique et sociale. Tunis, 1961.
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prolonge celui de Constantine vers la Kabylie. Elle approvisionne réguliè-


rement la capitale en produits maraîchers et fruitiers (9). Ses liens avec
Constantine sont tellement forts qu'on la considère comme son double
campagnard où se rendent périodiquement les Constantinois, les relations
familiales d'une ville à l'autre étant très courantes (10). M'Sila est égale-
ment administrée par un caïd, elle possède une casbah abritant une garni-
son. Clef de la communication entre Alger et Biskra et de l'une des liai-
sons entre Alger et Constantine, elle est sous le regard de la capitale
beylicale. Biskra connaît une situation identique vis-à-vis du Sud. Tébessa
en zone non soumise à l'autorité beylicale, possède aussi une garnison ,
paie l'impôt, envoie produits et denrées à Constantine. Elle surveille les
caravanes qui se rendent à Tunis. A l'Ouest, Zamoura est en relation
commerciale suivie avec Constantine et subit son contrôle.
Les ports eux-mêmes, bien que parfois situés en zones indépendan-
tes, dépendent pour la plupart de Constantine quant à leur fonctionnement.
Les denrées passent par la capitale avant d'être acheminées vers eux
et les importations vont vers elle.
Collo et Jijel en zones indépendantes du pouvoir payent tribut
sur les exportations issues des débouchés de la Kabylie sahélienne ; Jijel
sert même aux exportations de Constantine vers Alger et Béjala à celles
vers l'Ouest Algérien. Les ports de Constantine, en liaison intense avec
la ville sont Annaba et Stora qui expédient grains, cuirs, cire ou laines
vers l'Europe et reçoivent tissus, droguerie, marbre ou produits de luxe.
L'ensemble des villes, en nombre restreint il est vrai et de petites
dimensions, est en relation avec la capitale ou en dépend. Si on ne peut
parler d'un véritable réseau urbain, les villes n'en apparaissent pas moins
comme des satellites de Constantine.
La capitale exerce son influence d'une autre manière aussi, en
induisant des migrations de toutes les parties de la Province. NIEL(ll)
souligne que la population de Constantine est variable et que des maisons
sont louées durant certaines saisons à des gens venant de l'extérieur,
principalement à des Kabyles des régions environnantes. Mais d'autres

(9) Tableaux des établissements français en Afrique du Nord (T.E.F.) 1840.


(10) Tradition orale.
(11) Archives du Génie. Vincennes. Art. 8 sect. 11 cart. 1 n° 20 - Recon-
naissances faites dans la Province de Constantine en 1837, 1838 et
1839 par Monsieur le Commandant du Génie Niel.
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- 17 -
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groupes viennent de très loin pour travailler dans la capitale. Elle est
un pôle d'attraction pour des Biskris, des Soufis, des Mozabites, des La-
ghouates, des Mzitas et des Noirs (Touggourt ?).
La plupart de ces groupes sont organisés en corporations d'origine
ethnique et de métier, l'un et l'autre étant régulièrement liés. Ces corpo-
rations représentent une population d'au moins 5 000 personnes.
Polarité donc de Constantine, tant sur le plan de l'organisation
politico-administrative du territoire beylical hiérarchisé par rapport à
la capitale que par rapport au réseau des échanges commerciaux. Cette
polarité est marquée par un réseau de communication rayonnant centré
à Constantine, et sur un autre plan par une rencontre de la plupart des
groupes socio-ethniques présents dans la capitale occasionnellement pour
les échanges et aussi durablement puisque des emplois leur sont fournis.
Cette polarité aura une influence capitale en période coloniale,
dans l'organisation des circuits commerciaux et par voie de conséquence
sur la dynamique du centre ancien où va se fixer l'essentiel de l'activité
constantinoise pour des raisons directement liées aux formes de l'urbani-
sation.

1.4 UNE POLARITE LARGEMENT DEPENDANTE DES FORMES COLO-


NIALES D'URBANISATION

a - Réussites et échecs de l'urbanisation coloniale

La fixation de la centralité urbaine sur le Rocher est à relier


directement à l'évolution de la croissance des effectifs urbains européens
et à la politique urbaine de l'administration coloniale de la ville. L'installa-
tion des premiers migrants européens s'est faite dans le centre ancien,
comme dans la plupart des villes algériennes précoloniales. La faiblesse
du nombre de ces migrants a empêché la réalisation de l'idée d'une ville
européenne séparée de la "ville arabe" et a conduit à organiser une bipar-
tition de l'espace en médina, un espace européen et un espace '"indigène".
Cette conception a facilité les investissements européens sur le Rocher.
Lorsque l'extension urbaine devint une nécessité, la concentration des
établissements divers sur le Rocher était telle que celui-ci fut longtemps
considéré comme "la ville" et toute extension comme simple faubourg.
Ce n'est qu'au début du XX° siècle que l'autorité coloniale envisa-
gea de bipolariser l'espace urbain, avec un centre européen hors Rocher -
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sur le Coudiat Aty - et un centre "ind igène" en médina, mais le poids


du Rocher était alors trop important et les tractations et spéculations
autour du nouveau centre tellement peu claires que le projet ne prit corps
qu'après la première guerre mondiale (12). Si l'ensemble urbain était alors
devenu "la ville", son centre était resté l'ancienne ville.

b - Les premières formes d'urbanisation et la déstructuration de l'espace


traditionnel

- L'administration militaire et l'organisation stratégique de l'espace


Simple ville de garnison, Constantine, un an après sa prise devient
capitale provinciale. Mais elle est soumise à une administration exception-
nelle placée sous l'autorité militaire (13). Les travaux entrepris dans la
ville correspondent aux besoins de l'armée.
Dans un premier temps, la défense de la ville est organisée par
la consolidation de l'enceinte et le relèvement de la Brèche (14). L'occu-
pation et la fermeture de la Casbah au point le plus haut de la médina
sera ensuite, avec sa liaison avec les principales portes de la ville, le
principal souci des autorités militaires (15), ainsi que l'organisation d'une
place d'armes près de la porte Valée (Brèche). Dès 1841, une rue carros-
sable, conduisant de la Casbah à la porte Valée est terminée et emprunte,
en ne la remodelant que très légèrement, l'ancienne rue traditionnelle
de desserte des quartiers Ouest et Nord (cf. Fig. 3.23 p. ).
Pour le reste, logements de la garnison, écuries, magasins, l'im-
plantation se fait dans des maisons traditionnelles de même que celle
des premiers européens dans la ville. Le Palais du Bey sert de résidence
au commandant de la Province.
Cette première implantation, bien qu'elle transforme le quartier
en partie résidentiel de la Casbah, en quartier militaire, ne bouleverse
pas radicalement le cadre urbain, elle se superpose au cadre traditionnel
(12) On peut suivre l'évolution du problème du Coudiat Aty sur une cinquan-
taine d'années in Archives communales (A.C.) aux Archives de la Wilaya
de Constantine.
(13) TEF 1839.
(14) La brèche effectuée dans l'enceinte qui permit la pénétration de
l'armée française dans la ville.
(15) Dans l'ordre urbain, l'autre souci étant la formation du domaine.
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en en empruntant les éléments (figure 1.5.).

- L'administration civile et la substitution du tissu européen


au tissu traditionnel

Avec l'avènement de l'administration civile, justice de paix et


commissariat civil, la ville passe au droit commun. Une ordonnance du
9 juin 1844 stipule la séparation de la ville et de sa banlieue en deux
parties, un quartier européen et un quartier indigène. Dans le quartier
indigène, seules les transactions entre Musulmans ou Israélites indigènes
sont permises, toutes autres transactions étant prohibées. Dans le quartier
européen, toutes transactions entre Européens, Musulmans et Israélites
sont possibles.
L'autorité civile française, administrative et judiciaire conserve
sur le quartier indigène tous les pouvoirs qui lui sont dévolus par la légis-
lation spéciale de l'Algérie.
Les Européens, peu nombreux jusqu'alors et dont les activités
sont essentiellement liées à l'élément militaire, vont ainsi pouvoir s'établir
plus facilement dans la ville. Mais la population européenne, bien que
doublant à cette époque, reste faible, elle passe de 840 personnes en 1843
à 1 478 personnes en 1844. Le processus précédent se poursuit et la ville
conserve son intégrité jusqu'à la fin des années 1840, la pression démogra -
phique européenne dans son quartier étant trop faible pour l'européanisation
de ce quartier. Les transactions sur des immeubles urbains, dont on peut
suivre l'évolution pendant les années 1840, vont brusquement s'accroître
à partir de 1850, à la suite de l'établissement, par une commission d'aligne-
ment et de nivellement des rues, d'un plan agréé par des arrêtés préfec-
toraux. Outre ces transactions, un certain nombre d'expropriations s'effec-
tueront également, et à l'affirmation de cette volonté de créer véritable-
ment un quartier européen sera liée une assez brusque migration fran-
çaise dans la ville (tableau 1.1.).
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FIGURE 1 . 5 - PREMIERES IMPLANTATIONS MILITAIRES


DANS LE TISSU TRADITIONNEL.

Source : Arch.Génie : A8S1C1 n°16.Place


de Constant ine . 1838.
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Tableau 1.1. - EVOLUTION DE LA POPULATION EUROPEENNE ET DES


TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES URBAINS (1844-1856).

Source : TEF 1844 à 1856


A part quelques percements antérieurs, ce n'est qu'à partir de
1850 que s'effectuent les opérations de substitution du tissu urbain européen
au tissu traditionnel. Avec la création de voies nouvelles apparaissent
aussi les maisons européennes de pierres et de moellons. Tout d'abord
localisées dans le quartier européen, ces opérations vont finalement empié-
ter le quartier musulman avec le percement entre 1868 et 1870, de la
rue impériale (Ben M'Hidi) destinée à faciliter la relation de la Halle
aux grains (au Sud, au pied du Coudiat Aty) avec la gare (au Nord-Est).
Après ce percement, toute la partie de la ville comprise entre
la limite de l'ancienne partition et la nouvelle rue (16) subira des substi-
tutions et des alignements à un degré moindre que la partie haute, mais
les conséquences de l'action sur cette partie de la médina n'en seront
pas moins graves, car elle s'est effectuée en plein coeur de la zone tradi-
tionnelle des activités, entraînant une destructuration spatiale aux graves
conséquences socio-professionnelles. Percements de voies et alignements
surtout se feront sur une longue durée. En 1877, est dressé un nouveau
plan général d'alignement de la ville de Constantine. A cette époque,
l'ensemble des nouvelles voies européennes est presque réalisé (17), (fi-
gure 1.6), mais avec les opérations d'alignement, l'apparition de façades
d'immeubles européens sur les voies traditionnelles rectifiées se fera
(16) Jusqu'à présent ce percement de 1868-1870 est appelé la nouvelle
rue "tariq jedid".
(17) Pour les plus importantes, d'autres seront encore percées, ce sont
des opérations ponctuelles, comme le percement en 1921 de la rue
du centre reliant la rue Desmoyen à la Place du Palais (A.C. Liasse
n° 223) ou en 1927 la rue reliant la rue Grand à la rue de Guise (A.C.
Liasse n° 229).
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FIGURE 1.6 - LE RESEAU VIAIRE EUROPEEN EN MEDINA


VERS 1875.
- LA SUBSTITUTION AU RESEAU TRADITIONNEL -

D'après Plan 1873. Archives Wilaya.


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jusqu'à la fin des années 1930, entraînant encore d'ailleurs, la disparition


de boutiques traditionnelles dans des rues jusqu'alors préservées (rue Combes,
1930).
Cette phase de l'urbanisation européenne dans sa longue durée
se superpose à d'autres phases, mais sa période la plus active, pendant
laquelle le tissu urbain est le plus profondément marqué, se limite du
début des années 1850 à la fin des années 1860. C'est durant cet intervalle
de temps que se dessine le nouveau visage de la ville avec deux types
de tissus urbains juxtaposés, mais aussi en interférence à leur rencontre
dans la partie moyenne de la ville (Figure 1.7).

c - Extensions du Rocher, l'impossibilité de former extra-muros un centre


européen puissant
La population européenne qui ne dépasse pas les 5 000 habitants
au début des années 1850, va en compter plus de 10 000 au milieu des
années 1860. Cette période va coïncider avec les premières véritables
extensions extra-muros du tissu urbain, extensions qui apparaissent comme
des bras de la ville séparés de son corps, du fait des caractéristiques
du site (Figure 1.8).
Très tôt, certaines constructions européennes de cultivateurs
ou de maraîchers se sont édifiées autour de la ville, éparpillées et en
nombre restreint ; on en compte une dizaine en 1845-46 (18). Le partage
de la ville, la possibilité pour les Européens d'y construire leur quartier
ne les engagent pas à édifier une ville nouvelle. Pourtant, peu après la
prise de la ville, le Général Valée pensait que l'installation européenne
devait se faire sur le plateau de Mansourah afin de séparer les communau-
tés et préserver l'identité de la ville traditionnelle. Mais cette vision,
dont la réalisation eut fait de Valée un précurseur de Lyautey, ne s'appli-
quera pas en raison des données démographiques qui ont été évoquées
plus haut. Le vaste plateau de Mansourah, dans cette place d'armes qu'est
Constantine, deviendra quartier militaire.
D'autres tentatives de séparation plus radicale des populations
européenne et algérienne s'ébauchèrent. A la fin des années 1840, on
note un projet d'agrandissement de la ville afin de ne plus empiéter sur
la ville musulmane. Ce projet lié à un projet d'agrandissement de l'enceinte,
(18) TEF 1845-46 - 8 maisons de rez-de-chaussée, 2 maisons à étage et
1 maison en bois et torchis.
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ETUDES MEDITERRANEENNES
Fasc. 14 : PAGAND Bernard : La Médina de Constantine (ALGERIE) : de la ville
traditionnelle au centre de l'agglomération contemporaine. 1989. 300 pages,
nombreuses figures, planches photographiques et 2 cartes couleurs 120 F
Fasc. 13 : BARATHONJean-Jacques : Bassins et littoraux du Rif Oriental (MAROC) :
évolution morphoclimatique et technique depuis le Néogène supérieur. 1989.
532 pages, 114 figures, 18 planches de photographies et 1 carte A3 hors-texte 150 F
Fasc. 12: Géomorphologie et dynamique des bassins-versants élémentaires en
régions méditerranéennes. 1988. 402 pages, 9 planches photographiques et 3 cartes
couleurs hors-texte 140 F
Fasc. 11 : Hommage à Gérard MAURER —Les milieux et les hommes dans les pays
méditerranéens. 1987. 576 pages, 7 planches de photos hors texte 170 F
Fasc. 10 : BOULIFAAbdelaziz : Mutations et organisation d'un espace péri-urbain : le
Fahs de Tanger et ses bordures. 1986. 359 pages, 60 tableaux, 49 cartes, 11 photos 130 F
Fasc. 9 : MIGRINTER —Les réseaux associatifs des immigrés en Europe Occidentale.
1985. 85 pages 60 F
Fasc. 8 : DUTOUR Alain : Etude géomorphologique de la partie occidentale de la
Haute Moulouya (Maroc). 1985. 280 pages 70 F
Fasc. 7 : MIGRINTER —Marchands ambulants et commerçants étrangers en France
et en R.F.A. 1984. 147 pages 50 F
Fasc. 6 : MIGRINTER —Villes et migrations internationales de travail dans le Tiers-
monde. 1984. 357 pages 100 F
Fasc. 5 : TUNISIE. 1983. 132 pages 50 F
Fasc. 4 : Les travailleurs émigrés et le changement urbain des pays d'origine. 1983.
137 p Epuisé
Fasc. 3 : TRAYSSAC Jacques : Etude géomorphologique du bassin-versant de l'oued
Djelfa-Melah (Monts des Ouled Nail, ALGERIE). 1981. 241 pages ...a 60 F
Fasc. 2 : Mélanges de géomorphologie. 1980. 87 pages v V ...... 30 F
Fasc. 1 : Mélanges de géographie physique et humaine. 1978. 145 pages/-
Réédition ........................................................................................................ 50 F

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