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Revue des Études Grecques

La pédérastie dans la Grèce antique


Robert Flacelière

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Flacelière Robert. La pédérastie dans la Grèce antique. In: Revue des Études Grecques, tome 93, fascicule 442-444, Juillet-
décembre 1980. pp. 498-503;

doi : https://doi.org/10.3406/reg.1980.4293

https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1980_num_93_442_4293

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(1) Bufïîère (Félix), Éros adolescent: la pédérastie dans la Grèce antique,


1 vol. relié, 17,5 cm χ 24,5 cm; 703 pages, avec cinq illustrations. Les Belles-
Lettres, 1980.
LA PÉDÉRASTIE DANS LA GRECE ANTIQUE 499
bien sûr et son fameux rapport, Michel Bon et Antoine d'Arc, G. Melman,
G. Ph. Guasch, etc. La comparaison, constamment sous-jacente, entre les
mœurs de la Grèce antique et celles d'aujourd'hui permet beaucoup de remarques
pertinentes, souvent très piquantes, ce qui évidemment augmente l'intérêt du
livre et le rend plus attrayant. F. B. n'a pas limité son regard à l'antiquité et
à la Grèce ; il l'a étendu à tous les pays et à tous les temps.
Bien sur, c'est le monde ancien, et d'abord l'Hellade qui se trouvent au
centre de l'enquête, mais ce qui est dit, toujours dans l'Introduction (p. 30-45),
des mœurs des Perses avec leurs eunuques, de la castration chez les Romains,
du culte d'Attis et de Cybèle, des particularités des Étrusques, des Germains
et des Celtes, puis du monde d'aujourd'hui dans les pays islamiques et judéo-
chrétiens, tout cela prépare opportunément le lecteur à « situer » le phénomène
de la pédérastie grecque dans son contexte temporel et spatial. Reste à
comprendre pourquoi ce genre d'amour si répandu a pris le nom d'« amour grec ».
On pourrait critiquer le plan de l'ouvrage, qui ne semble pas très logique,
mais qui du moins permet à l'auteur d'exposer clairement ce qu'il a à dire, en
le distribuant en quatre parties, intitulées : I. En suivant la grande et la petite
histoire, II. L'amour des garçons dans les chants des poètes, III. Éros chez
les philosophes : apologies, condamnations, IV. La pédérastie et la vie
quotidienne.
I. Cette première partie, surtout descriptive, récapitule avec exactitude,
mais naturellement sans grande originalité, ce que nous savons de la pédérastie
grecque par les textes et les monuments figurés, depuis la Crète et ses rites
d'enlèvement des garçons aimés jusqu'aux « amours tumultueuses » des rois
de Macédoine. Entre toutes les régions de l'Hellade, c'est la Grèce dorienne qui,
sur ce point, détient la palme, avec ses concours de beauté et de baisers entre
garçons (en Élide). Pourtant l'Ionienne Chalcis d'Eubée se distinguait aussi,
au point que le verbe « chalcidiser » signifiait « pratiquer l'amour des garçons »
(p. 103 sqq. '. Le chapitre 7 : « la céramique attique, miroir de la pédérastie
athénienne » est important, mais c'est ici que la rareté des illustrations est
le plus dommageable. F. B. a surtout utilisé le recueil de P. E. Arias et M. Hirmer,
Le vase grec, Munchen, 1960, trad, française Flammarion, 1962. Je pense qu'il
aurait pu se servir aussi avec profit de la Malerei und Zeichnung der Griechen
de Pfuhl.
Puis sont présentés « quatre grands d'Athènes et leurs amours », à savoir
Sophocle, Phidias, Platon et Aristote. Le titre du chapitre 9 : « Le corrupteur :
Socrate. Les corrompus : Alcibiade et Critias », risque d'induire en erreur un
lecteur naïf, car Socrate, s'il fut effectivement accusé de corrompre la jeunesse,
a toujours été un adversaire résolu de la pédérastie charnelle (voir à ce sujet
mon article de la REG, 74, 1961, p. 93-118 : A propos du Banquet de Xénophon),
et d'ailleurs F. B. ne conteste nullement ce point. Parler, comme on le fait
couramment aujourd'hui d'amours « platoniques » et d'amours « socratiques »,
c'est méconnaître l'attitude respective des deux hommes à l'égard de la
pédérastie, encore que Platon soit finalement revenu dans les Lois à la rigueur
morale de Socrate.
Enfin, c'est avec beaucoup de précisions dans le détail, que sont présentés
« les invertis dans la Comédie », puis la mentalité populaire et les lois dans
l'Athènes du ive siècle, l'accusation d'inversion et de prostitution dans les
discours et les pamphlets. Les amours garçonnières, parfois, avaient mauvaise
conscience, évitaient de s'étaler au grand jour et préféraient se cacher ; F. B.,
lui, dans toute la mesure — et elle est assez considérable — où notre
documentation le permet, ne laisse rien dans l'ombre.

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II. Cette deuxième partie : L'amour des garçons dans les chants des poètes,
est peut-être la plus riche et la plus neuve, en ceci que F. B. utilise plus largement
qu'on ne l'avait jamais fait les épigrammes de l'Anthologie. Il intitule son
chapitre 18 : « La multiple splendeur de l'épigramme ». A vrai dire, je continue
à penser, pour ma part, que l'épigramme est un genre mineur, et je ne souscris
pas à ce jugement qui me semble outré à propos de Callimaque (p. 296) :
« L'érudit qu'on imagine claustré dans sa bibliothèque d'Alexandrie et penché
sur son ouvrage avec la gravité sourcilleuse et les lèvres pincées de l'Érasme
d'Holbein, n'a rien laissé de plus attachant, ni ses Hymnes, ni ses Origines,
que la soixantaine d'épigrammes éparpillées dans les divers livres de Γ Anthologie.
Les douze pièces sur Véros des garçons, au livre XII, frappent sans doute
le plus et portent le mieux son cachet ». J'admets pourtant que Méléagre de
Gadara fut un remarquable poète. Cependant F. B., malgré son enthousiasme,
peut-être un peu excessif, pour cette poésie épigrammatique qu'il connaît
si bien, a assez de bon sens pour apporter des nuances et écrire par exemple,
p. 641, à propos d'une épigramme qui est justement du «grand » Méléagre :
« C'est fort bien dit, presque trop bien. La rhétorique montre le bout de l'oreille ;
on a envie de crier à l'acteur d'être plus naturel. » Ce qu'il importe surtout
de souligner, c'est que toutes les épigrammes citées, dont F. B. donne des
traductions personnelles, qui me semblent à la fois fidèles et habiles, enrichissent
son livre de la plus heureuse manière.
Le chapitre 19 (p. 335-349) : Éros au changeant visage, « dieu à l'échelle
du monde ou du cœur humain », cerne très finement cette figure à la fois
charmante et terrible, que Platon considère comme un daimôn, mais à qui
Plutarque, dans VÊrolicos, rendra la stature divine qui était la sienne.
Les deux chapitres suivants énumèrent les exploits d'Éros dans les mondes
humain, héroïque et divin. D'Achille et de Patrocle, « couple » célèbre entre tous,
qui était l'amant, Véraste, qui était l'aimé, Véromène ? Pour Homère, Patrocle
est l'aimé, mais, pour Platon, dans le Banquet, c'est Achille qui est Véromène,
et en effet la célèbre coupe d'Euphronios donne à Achille toute la grâce et la
splendeur du jeune calos (2).
III. Cette troisième partie est intitulée : Éros chez les philosophes : apologies,
condamnations. Il est sur que, pour la pédérastie, comme en tant d'autres
domaines, la pratique a précédé la théorie : « Alcée est venu deux siècles avant
Platon ; la poésie grecque prenait pour thème l'amour des garçons longtemps
avant que les disciples de Socrate le prennent pour sujet de leurs discussions »
(p. 391). Ici F. B. commence, comme il se doit, par exposer les conceptions

(2) A ce propos, je voudrais dire un mot de Nisus et d'Euryale, dont F. B.


ne parle pas et n'avait pas à parler. Dans V Enéide, 5, 294-296, Virgile présente
assurément Nisus comme Véraste d'Euryale : Nisus amore pio pueri, où il me
semble que pius signifie à la fois que cet amour pour le garçon est pur, non
charnel, et qu'il a un caractère saint, sacré selon la norme idéale de la pédérastie.
Puis dans le même poème, en 9, 182, les mots His amor unus erat me paraissent
vouloir dire : « Ils (Nisus et Euryale) partageaient un même amour », car je
crois impossible d'évacuer ici ce que J. Perret appelle la « composante
sentimentale » dans la note du tome III, p. 179, de son excellente édition de V Enéide.
— Voir aussi, ibid., en 9,420-449, le récit de la mort au combat d'Euryale
et de Nisus.
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de Platon, qui d'ailleurs ont considérablement évolué entre l'époque du Banquet
et du Phèdre et celle des Lois. Il aborde ensuite les idées des Péripatéticiens,
en débutant par Aristote, puis celles des Cyniques, des Stoïciens et des Épicuriens,
enfin celles de Plutarque et de Maxime de Tyr (ce dernier, épigone assez pâle,
dont le seul mérite a été de « mettre l'erotique platonicienne à la portée du
grand public »).
Dans le Banquet, les discours de Pausanias et d'Aristophane sont les seuls,
avant celui de Socrate, « à traiter la question à une certaine profondeur ».
Pausanias, l'amoureux du poète tragique Agathon, pose les règles de la « bonne »
pédérastie, celle qui vise essentiellement à l'éducation du jeune et à sa formation
en vue de Varélè, que cette liaison soit ou non charnelle. L'Éros céleste, fils
de l'Aphrodite Ouranienne, est évidemment bien supérieur à l'Éros populaire,
fils de l'Aphrodite Pandémienne. L'amour, même sensuel, d'un garçon doit être
approuvé s'il conserve un but moralement élevé, et Véromène doit livrer son
corps à celui qui le fait croître en vertu. On sait qu'Alcibiade proposa
spontanément à Socrate un marché de ce genre. — Mais le poète comique Aristophane,
mis en scène par Platon dans le Banquet, va beaucoup plus loin que Pausanias
lorsqu'il expose son anthropologie fantastique, selon laquelle chaque moitié
de l'être double dont il émane (mâle, femelle ou androgyne) reste constamment
en proie au désir de rejoindre sa moitié, théorie qui légitime aussi bien les amours
homosexuelles que les amours hétérosexuelles.
L'intérêt de ces discours de Pausanias et d'Aristophane est de nous faire
connaître les thèses ou les élucubrations des milieux intellectuels d'Athènes à
l'époque de Platon. Mais l'opinion de celui-ci, dans le Banquet comme ailleurs,
est évidemment celle qu'exprime Socrate. Tout enseignement digne de ce nom
implique l'amour de l'enseignant pour l'enseigné, et c'est pourquoi toute
droite pédagogie est normalement, si l'on peut dire, pédérastique, étant entendu
qu'il s'agit d'un amour purement spirituel, « platonique », qui conduit à une
fécondation du même ordre. Socrate lui-même s'attachait sans cesse à ses
païdica et proclamait son amour pour eux, en vue d'éveiller leur âme à la vertu
et à la sagesse.
La pédérastie est ainsi magnifiée dans le Banquet, mais aussi dans le Phèdre.
La folie (mania) amoureuse permet d'accéder en esprit au lieu supracéleste
et à la bienheureuse vision du divin (macaria opsis). La République, en 402 d -
403 b, admet encore les bienfaits de l'amour pédérastique, tandis que les Lois
condamnent absolument tout acte sexuel non ordonné à la génération, position
qui était certainement celle de Socrate et qui préfigure des éthiques de l'avenir,
notamment celle du christianisme.
Aristote, dans ses œuvres conservées, s'intéresse beaucoup plus à l'amitié
(philia) qu'à l'amour (éros) qui n'en constitue qu'un aspect. L'un des problèmes
qu'il se pose, en psychologue et en biologiste qu'il est, est celui de la jouissance
que peuvent éprouver les homosexuels passifs. Grave question en effet ! Après
lui, Théophraste, qui avait écrit un Érolicos, et plusieurs autres Péripatéticiens,
tel Cléarque de Soles, s'intéressèrent dans leurs écrits à la pédérastie. Quel
philosophe grec, d'ailleurs, l'a passée sous silence ? On peut avoir l'impression
d'une sorte d'alliance secrète et durable entre pédérastie et philosophie.
Cependant les Cyniques, par exemple Antisthène et Diogène, raillent les
mœurs régnantes. F. B., p. 461, intitule bravement un paragraphe relatif à
Diogène et à ses bons mots : « Contre les « tantes » et les « tapettes » de l'époque ».
Les Stoïciens, ou du moins certains d'entre eux, font fi, on le sait, des tabous
sexuels, et aboutissent à de célèbres paradoxes. A propos des Épicuriens, je dois
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dire que les deux pages 478-479 me paraissent un peu confuses et insuffisantes :
il n'y apparaît pas que les Épicuriens étaient des adversaires décidés d'Éros
(anerastoi) (3).
De tous ces philosophes, sauf Platon et Aristote, il ne nous reste que de
misérables fragments, mais nous avons la chance de posséder deux œuvres
du IIe siècle après J.-C, qui sont très instructives : VÉroticos ou Dialogue sur
Vamour de Plutarque, et Éroles ou Les Amours, écrit attribué à Lucien. F. B. a
étudié de très près ces deux œuvres essentielles pour son sujet. Il montre
notamment comment Plutarque, tout en plaçant son dialogue sous le patronage
d'Éros, se déclare, comme Socrate, ennemi résolu de l'homosexualité, et même
plaide avec ferveur pour l'amour des femmes et le mariage. Le plus surprenant,
quand on sait l'attachement traditionnel des philosophes grecs, depuis Platon,
à la pédérastie, c'est de voir Plutarque demander pourquoi les belles filles
ou femmes seraient incapables de susciter la mania, ce délire, cette passion
de l'amour qui donne des ailes à l'âme et fait entrer celle-ci dans la procession
céleste que décrit le Phèdre. Plutarque est pourtant disciple du « divin » Platon,
mais, sur ce point, il opère un véritable retournement des opinions de son maître,
ou plutôt une extension de sa fameuse théorie de l'amour au « deuxième sexe ».
P. 493, F. B. intitule un de ses paragraphes : « Plaidoyer de Plutarque pour une
femme moderne ». Il s'agit d'Isménodore, la jolie veuve de Thespies amoureuse
d'un garçon plus jeune qu'elle, situation qui scandalise à l'extrême les partisans
de la pédérastie « philosophique » présents dans ce dialogue. Isménodore
n'hésite pas à faire enlever Bacchon, qui est d'ailleurs consentant et l'épouse !
Plutarque approuve visiblement ce dénouement. Que les temps ont donc
changé !
Il est probable que Plutarque a eu des précurseurs dans cette défense de
l'amour conjugal face à l'amour des garçons, surtout certains Stoïciens, par
exemple Musonius Rufus et Antipatros de Tarse (de ce dernier, d'ailleurs,
F. B. ne souffle mot).
Le traité Les Amours qui nous est parvenu sous le nom de Lucien est très
inférieur, à tous points de vue, au dialogue de Plutarque. Il n'en contient pas
moins des passages savoureux et mérite assurément d'être lu.
IV. Cette quatrième partie est intitulée : La pédérastie et la vie quotidienne.
Elle commence par un regard porté sur la grande différence qui séparait, à
l'époque classique, les conditions de vie du garçon grec de celles de la fille,
et cette différence explique assurément beaucoup de choses.
Les « lieux privilégiés » pour l'amour des garçons, nul n'ignore que ce sont
les gymnases, les palestres, et aussi les bains. F. B. évoque les amoureux « dans
les banquets et la fête après boire (le cômos) » grâce à l'excellent Banquet de
Xénophon — beaucoup plus réaliste et suggestif à cet égard que le Banquet
de Platon — , et aussi grâce aux scènes de symposia et du jeu amoureux du
cottabe décrites dans de nombreuses pièces de VAnthologie, comme représentées
sur les vases peints.
Puis le Contre Simon de Lysias et le Contre Timarque d'Eschine fournissent
à F. B. l'évocation de « scènes de mœurs tumultueuses dans l'Athènes du
ive siècle ». Le problème de l'âge des garçons aimés, imberbes ou non, est

(3) Je me permets de renvoyer à mon article Les Épicuriens et l'amour,


REG, 67, 1954, 69-81.
LA PÉDÉRASTIE DANS LA GKECE ANTIQUE 503
examiné ensuite avec toute la précision possible, puis l'auteur tente dp brosser
le « profil psychologique » des éromènes et des érastes.
Le chapitre 39 et dernier enfin apporte les « bilans et conclusions » de
l'ouvrage. F. B. tient à distinguer plus nettement qu'on ne le fait d'ordinaire
la pédérastie, louable et noble, de l'homosexualité, déshonnête et haïssable,
et, du point de vue des Grecs, il a certainement raison, l'âge de Véromène étant
le critère principal. Mais nous savons aussi que beaucoup de jeunes, sans être
aussi entreprenants qu'Alcibiade « tentant » Socrate, consentaient aux rapports
charnels, ce qui finalement, à mon avis, rend la frontière entre pédérastie
et homosexualité plutôt fluctuante et difficile à nettement fixer.
Le livre s'achève par des tables fort utiles : Repères chronologiques, Index
des auteurs anciens cités, Index bibliographique des auteurs modernes, Index
des épigrammes citées (ce qui est tout particulièrement précieux), enfin Index
analytique.
Le style, constamment clair et direct, souvent même percutant, n'évite
pas toujours une pointe de vulgarité. Ainsi, p. 5, où il s'agit de Pasiphaé :
« Elle se fourre (c'est moi qui souligne) dans la génisse creuse fabriquée par
l'ingénieux Dédale, et le monstre abusé fonce pour la saillir et la met
enceinte du Minotaure. » Bien sur, « ces choses-là sont rudes » et difficiles à dire
en termes honnêtes, mais tout de même... Pierre Grimai, dans l'article Pasiphaé
de son Dictionnaire de la mythologie, s'en tire plus élégamment.
L'impression est presque toujours correcte (4).
Je tiens à affirmer en terminant que Félix Buffière nous donne là un livre
d'importance et de qualité, qui, sur une question d'aspect déplaisant, qu'il
serait pourtant vain et sot de vouloir ignorer, apporte une mise au point solide
et durable.
R. Flacelière.

(4) J'ai noté seulement : p. 34, note 16, une erreur de référence : Plutarque,
Vie d'Antoine, 59 (au lieu de 65). P. 496, 1. 3, il faut évidemment lire :
Hippolochos. P. 499, vers le bas, « la jeune Admète » est une inadvertance
pour «la jeune Alceste ». P. 522, vers le bas : Erynies, qui est correctement
écrit p. 619 : Erinyes.

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