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Les sirènes ou le savoir périlleux | Hélène Vial
Les Sirènes et le
savoir périlleux
dans la Comédie
de Dante
Giampiero Scafoglio
p. 193-203
Résumé
Le voyage cathartique de Dante dans l’au-delà, dans la Comédie,
implique une prise de conscience des possibilités et des limites de la
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Texte intégral
1 Le problème de la connaissance est très important dans la
Divine Comédie de Dante1. L’auteur imagine un voyage dans
les trois royaumes de l’au-delà. Il raconte qu’il est tombé en
enfer sous la direction du poète latin Virgile, qu’il considère
comme son maître idéal et son principal modèle littéraire :
là, il a vu les damnés qui purgent leurs peines éternelles et a
parlé avec eux, en apprenant leur identité, les événements
les plus importants de leur vie et surtout leurs défauts. Puis
il s’est rendu sur la montagne du purgatoire (située sur une
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avoir pris congé d’elle, Ulysse se lance dans le voyage qui lui
sera fatal. Le héros est victime, pour ainsi dire, de sa Sirène
intérieure, qui est la soif de connaissance : une soif illimitée
et irresponsable, qui le conduit à la mort26.
19 À présent Dante, en qualité de nouvel Ulysse, rencontre la
Sirène et se retrouve sur le point de céder à son charme,
lorsqu’une femme « sainte et zélée » lui vient en aide27. Cette
femme invoque le secours de Virgile ; puis elle s’approche de
la Sirène et déchire sa robe, découvrant son ventre putride et
nauséabond, qui dégage une puanteur si forte et désagréable
que le rêve se termine et que Dante se réveille28.
20 Qui est la femme sainte qui sauve Dante de la Sirène ? C’est
l’une des figures féminines porteuses de salut présentes dans
la Comédie, telles que Sainte-Lucie et Mathilde : elles sont
toutes reliées à Béatrice (l’ancien amour de Dante, son guide
dans le Paradis29). La femme sainte et zélée peut donc être
considérée aussi comme une anticipation de Béatrice, ou une
apparition de Béatrice qui n’a pas encore révélé son
identité30.
21 Désormais, on sait que Béatrice incarne allégoriquement la
théologie, à savoir la connaissance nourrie par la foi et
éclairée par la grâce divine. Cette conception du savoir
s’oppose à la recherche de la connaissance en elle-même,
sans la foi, représentée par la Sirène qui cherche à séduire
Dante. Toutefois Dante, contrairement à son Ulysse, choisit
la bonne voie, celle de la foi, trouvant ainsi son salut.
Notes
1. Les citations de la Divine Comédie sont tirées de l’édition critique
éditée par G. Petrocchi, 2e éd. Firenze, Le Lettere, 1994. Les traductions
françaises sont de moi. J’ai consulté les commentaires de U. Bosco et G.
Reggio, Firenze, Le Monnier, 1979 ; N. Sapegno, 3e éd. Firenze, La Nuova
Italia, 1985 ; T. Di Salvo, Bologna, Zanichelli, 1985 ; A. Vallone et L.
Scorrano, Napoli, Ferraro, 1985-1987 ; G. Giacalone, 2e éd. Roma,
Signorelli, 1988 ; E. Pasquini et A. E. Quaglio, Milano, Garzanti, 1988 ; S.
Jacomuzzi, A. Dughera, G. Ioli et V. Jacomuzzi, Torino, Società Editrice
Italiana, 1990 ; B. Garavelli et M. Corti, Milano, Bompiani, 1993 ; A. M.
Chiavacci Leonardi, Bologna, Zanichelli, 1999 ; R. Hollander, New York,
Doubleday, 2000 ; A. Gianni, Messina – Firenze, D’Anna, 2001.
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putandum, « il faut croire que les hommes meilleurs sont poussés vers le
désir de la connaissance à travers la contemplation des choses les plus
importantes ».
15. Cf. Convivio, III, 7, 6-7 : « Et comme dans l’ordre intellectuel de
l’univers on s’élève et on descend par des degrés presque continus de la
forme la plus infime à la plus haute, et de la plus haute à la plus infime,
ainsi qu’on le voit dans l’ordre sensible ; et comme entre la nature
angélique, qui est d’essence intellectuelle, et l’âme humaine il n’y a pas
de degré, mais que chacune suit l’ordre de ses degrés ; et comme entre
l’âme humaine et l’âme la plus parfaite des animaux il n’y a pas
d’intermédiaire ; et comme nous voyons beaucoup d’hommes être si vils
et d’une nature si basse qu’ils ne paraissent pas être autre chose que des
bêtes, de même aussi il faut affirmer et croire fermement que telle âme
est d’une nature si noble et si élevée qu’elle atteint au degré de l’ange ;
autrement l’humanité ne se mouvrait pas dans le sens ascendant comme
dans l’autre, ce qui ne peut être. De tels êtres, Aristote les nomme divins
dans le septième livre de l’Éthique » ; IV, 7, 11 : « Aristote dit dans le
second livre De l’Âme que la vie est la façon d’être des êtres vivants ; c’est
pourquoi il y a plusieurs manières de vivre : ainsi les plantes végètent, les
animaux végètent, sentent et se meuvent ; les humains végètent, sentent,
se meuvent et sont doués de raison, d’intelligence même. Or, les choses
tirent leur nom de leur partie la plus noble. Il est évident que, en ce qui
concerne les brutes, vivre c’est sentir, en ce qui concerne les hommes,
vivre c’est exercer la raison. » (Trad. B. de Watteville, Genève, Kundig,
1929.)
16. Cf. Gilson E., Dante e la Filosofia, Milano, Jaca Book, 1987, p. 281-
297 ; Gagliardi A., Ulisse e Sigieri di Brabante. Ricerche su Dante,
Catanzaro, Pullano, 1992, p. 41-85, 137-145 et passim ; Veglia M., « Per
un’ardita umiltà. L’averroismo di Dante tra Guido Cavalcanti, Sigieri di
Brabante e San Francesco d’Assisi », Schede umanistiche, 14, 2000,
p. 67-106.
17. Parmi ceux-ci, il y a aussi Jacques de Douai (seconde moitié du XIIIe
siècle), dont il faut rappeler les Quaestiones de anima, notamment III,
18 (ms. Paris, Nat lat. 14698, f. 62) : sunt bruta, et non differunt a brutis
nisi parum, et in eo solum quod habent intellectum in potentia. Et illud
est ualde modicum, nec merentur isti homines dici homines, sicut neque
scamnum in potentia meretur dici scamnum, sed tales homines sunt
bruta deteriores cum non sequantur illud ad quod nati sunt. Cf. Bianchi
L., Studi sull’Aristotelismo del Rinascimento, Padova, Il Poligrafo, 2003,
p. 41-62.
18. L’interprétation d’Ulysse comme un « double » de Dante, presque
son alter ego (mais avec des différences importantes, en plus des
similitudes) est proposée par J. Lotman, Testo e Contesto. Semiotica
dell’arte e della cultura, Bari, Laterza, 1980, p. 81-102. Contra, cf. Sasso
G., Ulisse e il desiderio, op. cit., p. 221-243.
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19. Cf. XXVI, 124-126 : e volta nostra poppa nel mattino, / de’remi
facemmo ali al folle volo, / sempre acquistando dal lato mancino
(« nous dirigeâmes la proue vers le couchant et, en utilisant les rames
comme des ailes pour prendre ce vol fou, nous poursuivîmes notre route
vers la gauche »). Cf. Forti F., Fra le carte dei poeti, Milano-Napoli,
Ricciardi, 1965, p. 41-77 ; Bosco U., Dante vicino, 2e éd. Caltanissetta,
Sciascia, 1972, p. 55-75.
20. On comprend que Dante condamne, à travers Ulysse, la pensée
d’Aristote, ou plutôt une interprétation particulière de la pensée
d’Aristote, c’est-à-dire l’interprétation qu’on appelle « radicale »
(formulée par des disciples d’Averroès, tels que Siger et Boèce), qui est
très différente de l’interprétation chrétienne de Thomas d’Aquin, et qui
n’est pas compatible avec les dogmes du christianisme : cf. Corti M.,
Scritti su Cavalcanti e Dante. La felicità mentale. Percorsi
dell’invenzione e altri saggi, Torino, Einaudi, 2003, p. 327-347. Dante
lui-même a été influencé par ce courant de pensée, notamment dans le
Convivio, mais la Comédie atteste une maturation postérieure, qui l’a
amené à s’éloigner de cette position philosophique.
21. En fait Adam, que Dante rencontre plus tard dans la sphère des
étoiles fixes (dans le chant XXVI du Paradis), explique que « la cagion di
tanto essilio » (la cause de son exil du paradis terrestre) n’a pas été « il
gustar del legno » (le fait qu’il ait mangé le fruit de l’arbre interdit), mais
« il trapassar del segno », le dépassement de la limite, la violation de
l’interdiction (v. 115-117). Une comparaison entre Ulysse et Adam dans la
Comédie est proposée par J. Kelemen, « Prohibition, Boundaries and
Exclusion in the Divine Comedy », Dante Füzetek. A Magyar
Dantisztikai Társaság Folyóirata, 3 (1), 2008, p. 3-16.
22. Dante place Platon et Aristote, ainsi que beaucoup d’autres
philosophes de l’Antiquité, dans le premier cercle de l’enfer (les limbes),
notamment dans le « château des grands esprits », où se trouvent les
bienfaiteurs de l’humanité qui dans leur vie terrestre n’avaient pas la foi
chrétienne : ils ne subissent pas un châtiment violent, en raison de leurs
mérites ; leur seule peine consiste dans la séparation de Dieu.
Cependant, cette séparation est encore plus douloureuse pour eux, parce
qu’ils ne pourront jamais satisfaire leur désir de connaître Dieu et de
comprendre donc l’origine de toutes choses.
23. Cf. Hollander R., « Purgatorio XIX : Dante’s Siren », A. Bernardo et
A. Pellegrini (dir.), Dante, Patrarch, Boccaccio. Studies in Italian
Trecento in honor of C. S. Singleton, Binghamton, Center for Early
Medieval and Renaissance Studies, 1983, p. 77-88; Tateo F., Simmetrie
dantesche, Bari, Palomar, 2001, p. 153-171.
24. En effet, dans l’épisode d’Ulysse (Enfer, XXVI) il n’y a aucune trace
des Sirènes, bien qu’elles soient étroitement liées au héros dans
l’imaginaire antique et médiéval. En revanche, l’une de ces créatures
(décrite d’une manière nouvelle et originale) est présente dans la
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Auteur
Giampiero Scafoglio
Giampiero Scafoglio a obtenu son
diplôme de doctorat à l’université
de Naples « Federico II » en 2001.
Depuis 2001, il a commencé à
travailler comme professeur de
lycée d’Italien, Latin et Grec ; en
2002-2003, il a bénéficié d’une
bourse de recherche postdoctorale
à l’université « Federico II » ; de
2004 à 2009, il a travaillé en tant
que chargé d’enseignement de
latin à l’université de Salerne.
Depuis 2010, il est chargé
d’enseignement de Latin à la SUN-
université de Naples 2. Ses intérêts
principaux sont : le cycle épique
grec, la tragédie romaine
archaïque, l’Énéide de Virgile, la
poésie et la poétique de l’Antiquité
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