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Séance 1 : La tragédie

Définition :
C’est un GENRE théâtral
Les personnages luttent contre leur destin.
L’intrigue les mène au malheur, le plus souvent à la MORT.

I/ LA TRAGEDIE ANTIQUE

1/ C'est la Grèce qui peut revendiquer la naissance du théâtre :

Deux fois par an, les Grecs anciens se rassemblaient pour honorer
Dionysos.

Dans la mythologie grecque, Dionysos est le dieu de la vigne, du vin et


de ses excès, de la folie et la démesure.
Les Grandes Dionysies, les fêtes en l’honneur de ce
dieu, comportaient des sacrifices, des prières mais aussi des chants,
des poèmes déclamés.
Au VI siècle avant JC, un aède (= un poète) qui s’appelait
Thepsis eut l'idée de changer de masque pour incarner différents
personnages.

Le théâtre était né !

L’origine religieuse a laissé des traces, comme le mot tragédie, qui


semble refléter une signification religieuse :
Le mot tragédie viendrait du grec ancien → τραγῳδία / tragoidía
de τράγος / trágos, « le bouc »
et de ᾄδω / áidô, « chanter »

Le mot signifierait donc « chant du bouc »


Ce serait une allusion au bouc qui serait la récompense offerte au
gagnant du concours, ou la victime d'un sacrifice effectué à cette
occasion.

Au Ve s avant J.C., la tragédie devient un art.


À cette époque, il ne s'agit donc pas d'inventer ni de surprendre : les
spectateurs viennent voir sur scène des histoires qu'ils connaissent
bien, des histoires mythologiques.

Œdipe et le Sphinx

Ces fêtes s’organisent peu à peu autour d’un concours de tragédies se


déroulant sur trois jours (un quatrième étant réservé aux comédies) :
trois poètes concurrents disposent d'une journée au cours de laquelle
trois tragédies et un drame satyrique sont présentés.
Les spectacles sont ouverts aux citoyens, à leurs femmes et aux étrangers.
Ils sont payants. Mais la cité offre la place aux citoyens les plus pauvres.

2/ Aspects formels

Dans la tragédie antique, on distingue le chœur et les personnages


interprétés par des acteurs.
Le chœur est un ensemble d’individus qui chantent et dansent et
commentent l’action. Ce ne sont pas des personnages.

Relief de l'Acropole

Le chœur s'exprime en vers lyriques.


Le chef de chœur, ou coryphée, peut intervenir seul afin de dialoguer
avec un personnage.
Les personnages sont sur la scène surélevée.
Tous les rôles sans exception sont joués par des hommes adultes, et
par un nombre très réduit d'acteurs qui interprètent plusieurs rôles
tour à tour. (Masques)
Reconstitution expérimentale

3/ Antigone de Sophocle
Sophocle (-496 / -406)

Né à Colone, Sophocle mourut à Athènes à 90 ans.


Il est, tout au long de sa vie, un serviteur fervent de sa patrie.
Nous avons connaissance de 7 pièces sur les 123 qu'il aurait écrites ;
les plus connues sont Œdipe-roi ET Antigone.

Sophocle a apporté à la tragédie des modifications importantes :


- L'action et la parole de l'acteur acquièrent une place aussi
importante que celle du chœur ;
- Il invente le troisième acteur ;
- Il est aussi l'inventeur de la stichomythie : dans le dialogue, un vers
répond à un vers.
Histoire d’Antigone chez Sophocle :

Antigone est surprise et arrêtée par des gardes alors qu’elle


recouvre de terre le corps de Polynice, son frère, mort en traitre.
Or, elle n’avait pas le droit de l’ensevelir.

Paraissant devant son oncle, elle s’obstine à justifier son acte et est
condamnée à être emmurée vivante.

Hémon (fils de Créon et fiancé d’Antigone) puis Tirésias (devin de


Thèbes) interviennent en faveur de l’héroïne auprès du roi, qui se
laisse finalement fléchir.
Mais trop tard, Antigone s’est déjà pendue, ce qui provoque les
suicides consécutifs d’Hémon et d’Eurydice (femme de Créon).

II/ LA TRAGEDIE CLASSIQUE


1/ Le XVIIe siècle se passionne pour la tragédie et en fait le
genre le plus important du théâtre.

Trois phénomènes expliquent le renouveau de la tragédie :

1/ nouvelles salles de théâtre


2/ auteurs de talent : CORNEILLE, RACINE
3/ redécouverte de la « Poétique » d’ARISTOTE qui permet aux
écrivains d’élaborer une tragédie régulière qui obéit à des règles
précises.

C’est l’apogée de la tragédie en France.

La tragédie classique s’inscrit dans son époque même si elle refuse de


parler des faits d’actualité.
C’est le siècle de Louis XIV, l’époque de la monarchie
absolue.

Le classicisme reflète la stabilité du monde à l’époque de Louis XIV.

Régularité, mesure ET ordre.


2/ Les deux auteurs les plus connus par les collégiens et les
lycéens

Tragédies de RACINE

Jean Racine

Ses héros sont dominés par des passions* contre lesquelles ils ne peuvent
lutter et qui les entraînent à leur mort.
Phèdre, épouse de Thésée croit ce dernier mort. Libérée par cette nouvelle,
elle se laisse aller à avouer à Hippolyte, son beau-fils, la passion coupable qu’elle
éprouve pour lui. Cet aveu met bientôt Phèdre une situation dans intenable : non
seulement Hippolyte la rejette, mais Thésée, qui avait simplement disparu, est
bientôt de retour. Phèdre est alors poussée au mensonge par none, la nourrice
de son époux : elle accuse Hippolyte d’avoir voulu lui faire violence. Thésée
maudit son fils et appelle sur lui la colère de Neptune (Poséidon), mais
bientôt la nouvelle du suicide d’Œnone jette le doute dans son esprit.
Cependant, il est trop tard : il apprend la mort d’Hippolyte, tué par un monstre
marin, tandis que Phèdre qui s’est empoisonnée, lui révèle avant de, mourir la
vérité sur cette tragédie, en avouant sa faute

Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée


Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !

Tragédies de CORNEILLE
Il place ses héros face à de cruels dilemmes qui les contraignent à faire
des choix.

Ex : Rodrigue dans le Cid qui doit choisir entre son amour pour Chimène
et son devoir de défendre l’honneur familial
Don Rodrigue, dit Le Cid, est un très bon commandant, reconnu de tous.
Son père, Don Diego devient vieux, mais était aussi très reconnu dans sa
jeunesse.
Le père de Chimène lui a lancé un duel, d'une façon méprisante, à cause
d'un poste que celui-ci avait reçu auprès du roi.
Mais Don Diego est trop âgé pour se battre, il demande donc à son fils,
Rodrigue de vaincre pour lui et de sauver son honneur et celui de la
famille!

Mais Rodrigue et Chimène s'aiment d'un amour tendre. Rodrigue se


retrouve face à un dilemme Cornélien. ( cette expression a été inventée à
partir de cette œuvre de Corneille. ) Il ne sait que choisir, dans tous les
cas il est piégé. S'il se bat et meurt, ou se laisse mourir, alors l'honneur
sera perdu et Chimène ne l'aimera plus. Si par son épée, il verse le sang,
l'honneur sera sauf, mais Chimène perdue. S'il refuse le combat
l'honneur est perdu, l'amour de Chimène aussi... Il décide de sauver
l'honneur même s'il lui faut perdre Chimène. Il combat et tue.
Chimène, bien qu'aimant encore Rodrigue ne peut que le haïr. C'est pour
elle aussi un cruel déchirement dans son cœur. Cependant de son côté, le
roi a pris Chimène en affection et quand Rodrigue revient victorieux
d'une grande embuscade tendue par des ennemis, il lui propose Chimène
en mariage...

Celle ci, le voulant de tout son cœur et ayant une bonne raison de le
pouvoir, accepte.

3/ Les caractéristiques de la tragédie

a. Le respect des genres anciens


• L’auteur classique ne cherche pas à surprendre par l’invention de
genres nouveaux à bousculer ou libérer les mœurs.
On comprend dès lors que les dramaturges reprennent
des tragédies antiques :

Andromaque de Racine
• La tragédie classique ne met en scène que de très hauts
personnages (rois, reines...).

b. La règle de bienséance
Le souci de plaire est au cœur de l’esthétique classique : l’auteur
se veut donc en harmonie avec la morale et les goûts de son public. Il
lui importe donc de ne pas choquer la sensibilité ni les principes
moraux du spectateur. Résultats :
→ Interdiction de représenter sur scène des actions trop violentes
(meurtres, suicides...) et des allusions trop marquées à la sexualité, à
la nourriture, à la vie du corps en général.
Ainsi, les scènes trop violentes font l’objet d’un récit : dans Phèdre,
la mort d’Hippolyte sera racontée.

c. La vraisemblance
Les faits doivent paraître vraisemblables au spectateur (de
l’époque !!) ; il faut qu’il ait l’illusion qu’il assiste au déroulement d’une
histoire réelle.

DONC pour ce faire, il faut respecter :

d. La règle des trois unités

• L’unité de temps : pas + de 24 heures.


L’idéal est que la durée de l’histoire coïncide avec la durée du
spectacle (3 heures environ)

• L’unité de lieu : pas de changements de lieu, donc pas de


changements de décors.
• L’unité d’action : elle n’est pas synonyme d’action simple mais
implique que tous les fils de l’intrigue soient fortement liés

e. Des personnages héroïques


Les personnages tragiques prouvent leur héroïsme dans leur combat
contre la fatalité CAR ils ne peuvent éviter un dénouement
malheureux.

Lorsque le dénouement est heureux, on parle de :


f. Un style élevé
Au XVIIe siècle, la tragédie est écrite en alexandrins, dans un style
élevé.

g. Le but de la tragédie classique : la catharsis


La tragédie classique prétend remplir une fonction morale : la
catharsis. (= purger les sentiments trop forts)
En montrant les conséquences ultimes et catastrophiques
des passions, la tragédie purge l’âme du spectateur de ces mêmes
passions et l’incite à ne pas imiter les héros tragiques.

Le théâtre rendrait ainsi les hommes meilleurs...

III/ LA TRAGEDIE AU XXe s

Pour le théâtre, c’est le siècle de la RUPTURE :


- remise en cause de l’illusion théâtrale
- mélange des registres (tragique et comique)
- crise de l’intrigue, des personnages et même du langage

1/ Le retour de la tragédie au XXe s


Probablement sous l’influence du traumatisme de la 1 ière guerre (qui a
redonné le sentiment aux hommes d’être en conflit avec des forces
supérieures à eux), le début du XXe siècle voit apparaître nombre de
tragédiens.

Ils s’inspirent à la fois de l’antiquité et du classicisme.


2 / Réécriture de mythes anciens

Anouilh a écrit Antigone. Il lui a donné UN SENS NOUVEAU !

Il a dit :
« L’Antigone de Sophocle, lue et relue, et que je connaissais par
cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la
guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l’ai réécrite à ma
façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en
train de vivre ».

Le personnage d’Antigone = l’allégorie de la Résistance

Créon = Pétain.

Antigone refuse la facilité et préfère se rebeller.

Créon assume l’idée de faire le « sale boulot » parce que c’est son
rôle et qu’il faut bien que quelqu’un le fasse
3/ Ecrit-on encore des tragédies ?

On peut considérer que jusqu’à nouvel ordre, le genre de la tragédie est


éteint au théâtre !

MAIS ATTENTION : La tragédie serait morte mais pas le tragique.

Ainsi le théâtre de l’absurde véhicule une image tragique de l’existence


(souffrance, désespoir)
A la différence de la tragédie classique, ces pièces ne conçoivent pas le
tragique comme lié à un destin exceptionnel. C’est la banalité même de
l’existence qui est tragique !
Ubu roi

« Merdre ! »

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