Vous êtes sur la page 1sur 26

Fonds Européen de Développement (FED)

République du Mali

Assistance technique auprès du Ministère


de la Décentralisation et de la Fiscalité Locale
dans le cadre du

Programme d’Appui à la Réforme de l’Etat, à la Décentralisation et au


Développement Economique Régional (PARADDER)

EuropeAid/130707/D/SER/ML

Contrat N°012/S/2011/0N/FED/MLI CRIS: 2011/279742

Mission Appui à la réflexion sur l’allocation de ressources fiscales de l’Etat


aux Collectivités Territoriales

Rapport d’analyse de la fiscalité locale


Septembre 2017

CENAFOD-MALI

Ce projet est financé par le FED (Union Européenne) Assistance Technique fournie par PROMAN SA en consortium
avec ARP Développement & CENAFOD-Mali

Rapport produit par Djibril SEMEGA


TABLE DES MATIERES
1. INTRODUCTION ..........................................................................................................................................................3
1.1 Le processus des transferts fiscaux ................................................................................................................................ 3
1.2 Détermination du pourcentage de recettes fiscales à transférer ...................................................................... 3
1.3 Tableau de l’évolution des recettes fiscales locales et d’Etat et les recettes budgétaires et
comparaisons ........................................................................................................................................................................... 5
1.3.1 Comparaison des recettes fiscales locales et des recettes fiscales d’Etat ................................................. 10
1.3.2 Comparaison des recettes fiscales locales et des recettes budgétaires ..................................................... 10
1.3.3 Comparaison entre les recettes fiscales locales et le PIB (valeur nominale) .......................................... 10
1.3.4 Comparaison de l’écart avec les transferts réels aux CT dans l’hypothèse d’un taux de transfert de
30% des recettes fiscales ou budgétaires .............................................................................................................. 10
1.3.5 Ratio entre les transferts réellement effectués et les recettes fiscales et budgétaires ........................ 10
2. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES ...................................................................................................................... 11
3. ANNEXES ..................................................................................................................................................................... 12
Annexe n°1 ........................................................................................................................................................................................... 12
Annexe n°2 : Rapport de synthèse de la réunion du groupe de travail du 20 septembre 2017 .................... 25

2
1. INTRODUCTION
1.1 Le processus des transferts fiscaux

Comme beaucoup d’autres pays, le Mali a utilisé les 2 voies généralement suivies en matière de voie de
transfert des ressources de l’Etat vers les collectivités : la voie des transferts fiscaux et celle des transferts
par la voie budgétaire.

La voie des transferts fiscaux a été utilisée dès les débuts de la décentralisation par l’adoption de la série
de lois suivantes :
 La loi nº 00-44 du 07/07/ 2000, laquelle a été abrogée et remplacée par la loi 2011-36 du 15 juillet
2006, qui a transféré aux budgets des communes, cercles et Régions autres que celles du District de
Bamako, le produit d’un certain nombre d’impôts et taxes versé jusque-là au budget de l’Etat et a créé
un certain nombre d’autres spécifiquement destinés aux budgets locaux ;
 La loi nº 96- 058 du 16/10/96 qui a effectué les mêmes transferts au profit des collectivités du District
de Bamako ;
 La loi nº 2011-034 du 15/07/11 qui a institué une taxe foncière au profit des collectivités locales.

Ce sont les ressources ainsi procurées qui ont constitué jusqu’ici les transferts fiscaux effectués. Le
montant des recouvrements effectués à ce titre en 2015 est de 21,1 milliards.

En plus de cela, les textes récents relatifs à la création et à l’abondement du Fonds de Développement
Durable ont prévu que les suppléments de ressources fiscales qui seraient ainsi obtenues seraient
consacrés aux collectivités locales. Ces ressources seront obtenues par :
 La création d’une Contribution Générale de Solidarité au taux de 0,50% du chiffre d’affaires de toutes
les entreprises relevant de l’impôt sur les bénéfices ;
 La création d’une taxe de solidarité et de lutte contre le tabagisme au taux de 5% sur l’importation ou
la livraison à la consommation des produits du tabac ;
 Le nouveau droit de sortie du coton au taux de 1% sur la valeur du produit à l’exportation ;
 L’augmentation du taux de la contribution de solidarité sur les billets d’avion (taux majoré de 100%
dont les 50% seront affectés au Fonds) ;
 L’augmentation du taux de l’ISCP sur les véhicules de tourisme dont la puissance est supérieure à 13
CV.

Le montant prévisionnel est assez substantiel puisqu’il est évalué à 23,948 milliards de francs CFA, ce qui
représenterait plus qu’un doublement du volume actuel des recettes fiscales locales (21,1 milliards en
2015).

1.2 Détermination du pourcentage de recettes fiscales à transférer

Comme indiqué précédemment, les transferts fiscaux, de même que la dotation générale de
fonctionnement servent à financer l’exercice des compétences d’ordre général et le fonctionnement des
collectivités. Il se pose alors le problème de l’évaluation du coût de l’exercice de ces compétences et du
fonctionnement. Il s’agit là d’un point faible dans le processus de transfert puisqu’aucune évaluation n’a
été entreprise dans ce sens. On peut obtenir seulement une idée indirecte du coût de fonctionnement des
collectivités en faisant la somme des charges de fonctionnement et des dettes qui y sont liées, figurant
dans les comptes administratifs des collectivités. Mais cette évaluation sous estimerait probablement les
besoins réels en la matière puisque les collectivités sont obligées de restreindre leurs charges de
fonctionnement en fonction des capacités financières dont elles disposent.

Il apparaît donc difficile de déterminer un pourcentage de recettes fiscales destinées à couvrir des charges
dont une évaluation exhaustive n’a pas été faite. A ce stade, seule une détermination forfaitaire semble
possible. De plus, cela n’aurait de sens que si l’Etat poursuivait parallèlement et la voie des transferts
fiscaux et celle des transferts budgétaires, alors que comme indiqué précédemment, le choix semble avoir
été fait de manière définitive, de privilégier la voie des transferts budgétaires.

3
Il est à noter que les transferts par la voie budgétaire, effectués au moyen de subventions et de dotations
spéciales sont en général utilisés pour financer la prise en charge de compétences spécifiques transférées
par l’Etat central. Au Mali, le processus de transfert des compétences et des ressources a été surtout
centré sur le transfert des compétences spécifiques, qui ont fait l’objet d’efforts d’identification et
d’évaluation des lignes budgétaires qui leur sont consacrées dans le budget de l’Etat. Même là encore,
l’évaluation du coût de l’exercice de ces compétences à transférer reste encore à faire : il a été retenu
seulement de manière empirique que ce cout correspondait aux ressources budgétaires qui leur sont
consacrées dans le budget d’Etat, ce qui est loin d’être prouvé et laisse entier le problème de la prise en
compte de l’évolution du coût de ces charges.

4
1.3 Tableau de l’évolution des recettes fiscales locales et d’Etat et les recettes budgétaires et comparaisons

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Recettes fiscales locales (RFL) 11,2 15,4 15,3 15,5 14,9 18,1 18,7 21,1 8,1
Recettes fiscales d'Etat (RFE) 580,1 628,5 709,8 738,6 785,6 804,5 890,6 1071,9 1222,8
I Ratio Recettes Fiscales Locales/Recettes Fiscales Etat 1,9% 2,5% 2,2% 2,1% 1,9% 2,2% 2,1% 2,0% 0,7%
Recetes Budgétaires (RB) 627,1 679,8 747,3 775,1 813,3 842,7 935,3 1120,1 1277,8
II Ratio Recettes Fiscales Locales/Recettes Budgétaires 1,8% 2,3% 2,0% 2,0% 1,8% 2,1% 2,0% 1,9% 0,6%

PIB 3653 4232,9 4655,7 5017 5303 5364 5790 5244 6728
III Ratio Recettes Fiscales Locales/PIB 0,3% 0,4% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,4% 0,1%

30% Recettes Fiscales Etat 174,0 188,6 212,9 221,6 235,7 241,4 267,2 321,6 366,8
30% Recettes Budgétaires 188,1 203,9 224,2 232,5 244,0 252,8 280,6 336,0 383,3
IV Montant réel des transferts 64,9 126,5 126,9 147,9 170,9 213,3

Ration Ressources Transférées/Recettes Fiscales 8,8% 16,1% 15,8% 16,6% 15,9% 17,4%
V Ration Ressources Transférées/Recettes Budgétaires 8,4% 15,6% 15,1% 15,8% 15,3% 16,7%

5
Evolution des recettes fiscales locales
3,00%

2,50%

2,00%
Titre de l'axe

Ratio Recettes Fiscales Locales/Recettes Fiscales Etat


1,50%
Ratio Recettes Fiscales Locales/Recettes Budgétaires

Ratio Recettes Fiscales Locales/PIB

1,00%

0,50%

0,00%
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

6
Comparaison recettes fiscales locales et recettes fiscales et budgétaires de l'Etat
1400

1200

1000

800
Recettes fiscales locales (RFL)

Recettes fiscales d'Etat (RFE)

Recettes Budgétaires (RB)


600

400

200

0
1

7
Evolution des transferts budgétaires
20,00%

18,00%

16,00%

14,00%

12,00%
Titre de l'axe

10,00% Ration Ressources Transférées/Recettes Fiscales

Ration Ressources Transférées/Recettes Budgétaires

8,00%

6,00%

4,00%

2,00%

0,00%
2011 2012 2013 2014 2015 2016

8
Projection de l'objectif de 30% des recettes budgétaires de l'Etat
et comparaison avec les transferts effectifs
1400

1200

1000

800
Mds FCFA

Recettes Budgétaires (RB)

Objectif de 30% Recettes Budgétaires

600 Montant réel des transferts

400

200

0
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

9
1.3.1 Comparaison des recettes fiscales locales et des recettes fiscales d’Etat

Les recettes fiscales locales ne dépassent guère 2,2% des recettes fiscales d’Etat dans la meilleure
hypothèse. On constate d’ailleurs que le taux de progression de ces dernières étant plus élevé, la tendance
est à une baisse continue du ratio entre les recettes des 2 fiscalités. Cela n’a rien d’étonnant, étant donné
que les meilleures assiettes fiscales, l’essentiel des moyens administratifs et humains sont du côté de la
fiscalité d’Etat.

1.3.2 Comparaison des recettes fiscales locales et des recettes budgétaires

Le constat est identique et le fossé est encore plus grand parce que la masse des recettes budgétaires est
supérieure à celle des recettes fiscales.

1.3.3 Comparaison entre les recettes fiscales locales et le PIB (valeur nominale)

Ce ratio permet de mesurer le prélèvement effectué sur le PIB au titre de la fiscalité locale, en résumé le
taux de pression de la fiscalité locale. Il est généralement faible dans la plupart des pays en voie de
développement, mais particulièrement faible au Mali au regard des ratios dans des pays comparables. Sur
le plan international, c’est une comparaison souvent effectuée et à laquelle est attachée une grande
importance

1.3.4 Comparaison de l’écart avec les transferts réels aux CT dans l’hypothèse d’un taux de
transfert de 30% des recettes fiscales ou budgétaires

Il faut noter que c’est surtout à partir de 2013 qu’un taux de transfert a été envisagé.

Cette comparaison est la plus significative parce qu’elle montre l’écart à rattraper quelque soit l’hypothèse
retenue (transfert de recettes fiscales ou de recettes budgétaires). La conclusion vaut surtout pour l’avenir
car c’est le meilleur indicateur pour mesurer le volume des transferts par rapport à l’une ou l’autre de ces
recettes. La signification de ces chiffres doit cependant être relativisée, car la masse transférée comprend
aussi bien les charges de fonctionnement (particulièrement la masse salariale liée au transfert de
personnel) que d’investissement.

1.3.5 Ratio entre les transferts réellement effectués et les recettes fiscales et budgétaires

Dans la suite du IV, ce ratio permet de vérifier le respect des engagements gouvernementaux sur le taux
de transfert.

10
2. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Il ressort de l’analyse de l’évolution normale du niveau des transferts des ressources budgétaires aux
collectivités territoriales telle qu’observée sur les années 2013 à 2016, que l’atteinte de l’objectif de 30%
fixé par le gouvernement pour 2018 est peu probable, et cela, en raison des réticences observées au
niveau des ordonnateurs et des administrateurs de crédits. Le projet de loi de finances 2018 discuté par le
conseil de cabinet du 26 septembre 2017 dégage une prévision des recettes budgétaires de l’ordre de
1 645 milliards de FCFA. En conséquence le respect de l’engagement pris par le gouvernement à travers
l’accord de paix issu du processus d’Alger imposerait à l’Etat une inscription au titre des transferts des
ressources budgétaires aux Collectivités Territoriales, de 30% des recettes budgétaires de la loi de
finances 2018 soit 494 milliards (30% de 1 645 milliards). Compte tenu du caractère impératif de
l’engagement, la différence entre les 494 milliards et les crédits budgétaires transférables identifiés par
les ordonnateurs devrait faire l’objet de répartition entre les différentes collectivités territoriales suivant
les critères convenus par les décideurs, si le schéma est respecté.

Tout en s’efforçant d’obtenir la réalisation effective de cet objectif de transfert de 30% des recettes
budgétaires, les collectivités locales devraient s’attacher davantage à renforcer la mobilisation des
ressources fiscales locales. Si celles-ci ne sont pas sans doute suffisantes pour couvrir leurs besoins
financiers, elles sont cependant susceptibles de leur apporter des recettes plus substantielles, de nature à
renforcer leur autonomie financière. Cela nécessite évidemment des réformes dont certaines pistes ont
été décrites dans l’annexe à cette note.

Par ailleurs, il est absolument nécessaire quel que soit la voie de transfert privilégiée, de procéder à une
évaluation exhaustive du coût des compétences générales et des charges de fonctionnement des
collectivités, parce que c’est cette évaluation qui permet d’apprécier si les ressources propres des
collectivités (y compris donc les ressources fiscales locales) sont suffisantes pour y faire face. Elle pourrait
fournir un argument de poids dans les discussions avec l’Etat.

11
3. ANNEXES
Annexe n°1
I La problématique de la mesure spécifique relative au transfert de 30% des recettes de l’Etat
aux collectivités territoriales : recettes fiscales ou recettes budgétaires ?

Les collectivités locales resteront très longtemps fortement dépendantes de l’Etat, en raison du très faible
niveau de leurs ressources propres. La mise en place d’un système de transferts efficients constitue donc
un facteur déterminant pour la réussite de la décentralisation. Or, l’Etat n’accorde qu’une très faible part
de son budget aux collectivités locales, lesquelles sont pourtant en charge de compétences porteuses de
lourdes charges financières. La volonté politique est donc indispensable afin de soutenir le processus de
décentralisation.

Dans un processus de décentralisation, le système de transferts a besoin de cohérence. Or, au Mali, les
objectifs des transferts ne sont pas basés jusqu’ici sur une étude des besoins et des potentiels des
collectivités locales et les critères de l’allocation des transferts entre les collectivités ne semblent pas bien
connus des intéressés eux-mêmes.

La collecte systématique et organisée de davantage de données est indispensable pour avoir une vision
plus claire du montant et de l’allocation des transferts. Il est tout aussi indispensable d’identifier en même
temps, les blocages à la production et à la diffusion des données sur les transferts de l’Etat aux collectivités
locales. Une réflexion devrait être entreprise pour l’élaboration de formules de distribution pertinentes et
transparentes, qui tiennent compte de la disponibilité des données dans le pays. En effet, l’efficacité et
l’efficience des systèmes de transferts sont largement tributaires de la qualité des données utilisées. Ces
données (population, niveau d’équipements, taux de pauvreté, charges de personnel) qui sont déjà assez
peu disponibles au niveau national, le sont encore moins au niveau local. Dans ce contexte, des formules
trop élaborées apparaissent peu crédibles.

Dans un sens général, deux voies sont concevables pour le transfert des ressources financières de l’Etat
vers les collectivités locales et toutes deux sont utilisées à des degrés différents dans les diverses
expériences de décentralisation :
 Les transferts par la voie budgétaire : ils sont effectués au moyen de subventions et de dotations
spéciales. Comme telle, cette voie ne favorise pas l’autonomie financière des Collectivités car elles n’ont
pas la maitrise du volume de financement qui leur sera alloué ;
 La voie des transferts fiscaux, qui au contraire de la précédente, favorise l’autonomie financière des
collectivités en leur assurant la maîtrise de ces revenus.

Le choix entre l’une ou l’autre méthode obéit la plupart du temps à une certaine logique : les transferts par
voies de subventions et de dotations sont en général utilisés pour financer la prise en charge de
compétences spécifiques transférées par l’Etat central, alors que les transferts fiscaux, de même que la
dotation générale de fonctionnement servent à financer l’exercice des compétences d’ordre général et le
fonctionnement des collectivités. Le choix n’est cependant pas toujours libre : il est très souvent influencé
par les traditions juridiques, la nature unitaire ou fédérale de l’Etat et surtout, dans le cas de nombreux
pays, par les contraintes financières auxquelles l’Etat central lui-même est confronté.

Dans la pratique, tous les pays concernés utilisent ensemble les deux méthodes, et les modalités des
transferts sont surtout influencées par deux facteurs clés : le volume des sommes à transférer et la
répartition des fonds entre les collectivités locales. Dans le cadre de la présente étude, seul le transfert par
la voie budgétaire sera retenu.

Il convient à ce stade de faire le point sur la formule de transfert envisagée au Mali par les autorités. Dans
un premier temps, les collectivités et plusieurs auteurs avaient proposé le transfert aux collectivités du
produit d’un certain nombre d’impôts et taxes et le partage du produit de certains autres (notamment la
TVA). A la suite de plusieurs évolutions, c’est la formule du transfert de l’équivalent d’un certain
pourcentage des ressources fiscales de l’Etat aux collectivités qui avait été retenue. Il s’agissait de sortir de
la controverse alimentée par l’impact qu’aurait eu sur l’évaluation du taux de pression fiscale au Mali

12
selon les critères de l’UEMOA, d’une affectation directe de recettes fiscales aux budgets des collectivités.
Le principe du transfert de l’équivalent d’un pourcentage des recettes fiscales permettait de sortir de ce
dilemme tout en assurant des transferts substantiels aux collectivités, du moins sur un plan théorique.
Cette formule présentait également l’avantage de tenir compte du lien entre le PIB et les recettes fiscales
dans les évolutions futures des transferts.

Cependant d’autres évènements, en particulier la crise dans le Nord du pays et les Accords dits d’Alger
auxquels elle a abouti, ont conduit à une autre évolution dans la base de mesure du transfert de
ressources : celui-ci n’est plus basé sur les recettes fiscales mais désormais sur les recettes budgétaires,
qui comme chacun le sait sont en principe plus larges que les recettes fiscales, mais dont le volume est
aussi dépendant des concours extérieurs, donc plus volatiles. C’est cette conception qui prévaut
notamment au niveau du ministère des Finances. Mais dans le langage courant et même dans les échanges
entre les partenaires de la décentralisation (gouvernement, élus locaux, assemblée nationale, etc.) les
deux termes sont parfois utilisés dans le même sens, ce qui créé une certaine confusion. Ainsi la mesure
spécifique décrite dans le Rapport de Synthèse de la mise en œuvre de l’Instruction nº 08 003/PM-RM du
21/11/08 du Premier Ministre parle encore du « pourcentage des recettes fiscales de l’Etat susceptible
d’être alloué aux collectivités territoriales ». Le passage au concept de « transfert d’un pourcentage des
recettes budgétaires » doit maintenant être généralisé afin d’harmoniser le langage. Par ailleurs, les
collectivités y gagneraient en termes de volume de ressources à transférer.

a. La détermination du pourcentage des recettes fiscales de l’Etat susceptibles d’être transférées


aux collectivités Territoriales, à la lumière de l’engagement des autorités de transférer 30%
des recettes budgétaires aux collectivités territoriales à l’horizon 2018

En absence de chiffres définitifs pour 2018, les données chiffrées en milliers de FCFA de la loi de finances
initiale de 2017, serviront de base à l’évaluation du pourcentage des recettes fiscales susceptibles d’être
transférées aux collectivités territoriales comme indiqué ci-dessous :
 Total des recettes ordinaires du budget général 2017 : 1 486 927 680 000 ;
 Recettes fiscales du Budget général 2017 :1 364 059 925 000 ;
 Les transferts aux collectivités (annexe K) du budget général 2017 : 261 822 187 000.

Si l’objectif de transfert de 30% des recettes budgétaires avaient été prévu pour 2017, les transferts des
recettes aux collectivités s’élèveraient à 30% de 1 486 927 680 soit, 446 078 304 000.

En rapportant ce chiffre aux recettes fiscales du budget initial (1 364 059 925 000) de 2017, on obtient
33%.

A partir de cette évaluation très simple, on peut estimer que c’est 33% des recettes fiscales qi peuvent être
considérés comme la base de calcul des recettes à transférer aux collectivités.

A supposer que cette hypothèse soit retenue, sa mise en œuvre se heurterait cependant à un certain de
nombre de difficultés ou contraintes.

Elle pourrait suivre le schéma ci-après :


 La première étape, de nature politique est la consécration constitutionnelle du principe du transfert
des ressources aux collectivités. Malgré les aléas récents, elle reste la voie la plus appropriée pour
pallier à l’absence ou à la faiblesse de la volonté politique dans ce domaine et pour empêcher que les
transferts ne constituent comme c’est le cas jusqu’ici, une variable d’ajustement budgétaire. Pour cela,
une modification constitutionnelle pourrait décider que l’ensemble des recettes fiscales d’une année
servirait de base pour le calcul d’une subvention annuelle inconditionnelle aux collectivités locales.
Cette subvention devrait être calculée sur la masse totale des recettes fiscales de l’année afin de
relativiser les variations qui pourrait affecter chacun des principaux impôts ;
 La seconde étape de ce processus, qui est la détermination du taux à appliquer, est également une
question de nature politique. Ce taux sera dans tous les cas, le résultat d’un arbitrage que les forces
politiques devront faire entre le niveau de financements à assurer aux collectivités et les nécessités
budgétaires de l’Etat lui-même. Dans cette perspective, des éléments de comparaison pourraient être
constitués par des exemples dans certains pays voisins. Il conviendrait naturellement de mettre ce
taux à l’abri des revirements possibles du gouvernement, qui pourrait être tenté, en période de crise,

13
d’effectuer les ajustements nécessaires au détriment des collectivités. Pour cela, ce taux devrait faire
l’objet d’une loi particulière ;
 Dans la troisième étape pour la mise en œuvre de la proposition, cette subvention constituerait une
rubrique obligatoire de la loi de finances de l’année et son mode de répartition serait connu à l’avance
afin que les collectivités puissent en tenir compte lors de l’élaboration de leurs budgets.

b. Difficultés liées à la mise en œuvre de la mesure spécifique (détermination d’un pourcentage,


soit 33% des recettes fiscales)

1. Difficultés d’ordre général


Le processus de transfert des ressources est soumis à de nombreuses contraintes. Il rencontre également
des obstacles de toute nature dont les principaux sont les suivants :

 L’absence ou la faiblesse de l’engagement politique pour les transferts


Au Mali, l’Etat continue à garder au niveau central l’essentiel des ressources publiques et tente de
conserver un contrôle strict sur la part qu’il affecte aux collectivités locales : le poids des collectivités
territoriales représente toujours moins de 15% du budget de l’Etat. Cette réalité persistante prime sur
tous les discours politiques en la matière.

 La faible prévisibilité des transferts


Les transferts budgétaires ne sont pas encore entièrement assis sur des règles pouvant garantir une
prévision fiable : leur montant est souvent déterminé de manière ad hoc. L’Etat ne respecte pas toujours
ses engagements et il peut arriver que les collectivités locales ne reçoivent pas (et surtout pas à temps), la
part qui leur était promise.

 Le déficit d’information des collectivités locales


Les communications entre l’administration centrale et les collectivités locales souffrent de lacunes
souvent importantes en ce qui concerne les transferts, ce qui impacte négativement la préparation de leur
budget.

Les informations relatives aux transferts du budget de l’Etat doivent être communiquées aux communes
pour l’établissement de leur budget aux moins deux mois avant le vote de celui-ci, soit avant le 31 octobre.
Or ces informations ne sont pas toujours communiquées en temps opportun et les communes ne peuvent
donc pas disposer de toutes les données nécessaires à la préparation du budget primitif avant le début de
l’exercice ou même avant la date limite légale pour son adoption.

 L’absence d’évaluation des politiques publiques


L’évaluation des politiques publiques permet de mesurer correctement le coût des transferts de
compétences. Or le Mali, comme la plupart des pays d’Afrique francophone, n’a pas mis en place une
planification rigoureuse de la mise en œuvre des politiques de décentralisation. Il ne dispose donc pas
d’une évaluation des coûts des différents services aux populations, et peu de réflexions ont été menées sur
la répartition de ces coûts entre les différents acteurs (État, collectivités locales). La décentralisation s’est
donc souvent faite, un peu à l’aveuglette, faute de disposer d’éléments chiffrés pour le calcul des transferts
financiers.

En conséquence, les transferts ne peuvent correspondre aux besoins et au potentiel des collectivités
locales et les différents mécanismes ne sont ni harmonisés, ni intégrés.

c. Difficultés d’ordre pratique

Le montant des transferts figurant à l’annexe K de la loi des finances est la somme de tous les transferts
prévus pour les collectivités territoriales (équipement et investissement des collectivités, fonctionnement
des collectivités, bourses, personnel, etc.). La difficulté surgirait donc dans les modalités de répartition des
33% des recettes fiscales du budget entre les différentes rubriques.

14
Une autre difficulté résulterait de l’information des collectivités des montants qui leurs sont alloués par
rubrique dans le délai imparti pour qu’elles puissent les prendre en prévision dans leurs budgets
primitifs.

II Les pistes de réformes possibles de la fiscalité locale

Les collectivités locales supportent un certain nombre de charges qui sont aussi bien celles générées pour
les besoins de leur fonctionnement administratif que celles liées à l’exercice des compétences que l’État
leur a transférées, sans compter les charges nécessitées par le financement des investissements qui
justifient leur légitimité aux yeux des populations. La fiscalité locale ne peut être analysée isolément du
problème global de la capacité des collectivités territoriales à disposer de ressources propres et
suffisantes pour faire face à ces charges. Elle constitue seulement un élément de la solution globale à
mettre en place pour le financement de ces besoins.

L’enjeu immédiat lié à la question est l’autonomie financière des collectivités : sans autonomie financière,
il ne peut y avoir de véritable décentralisation, même si des compétences juridiques étendues sont
accordées aux collectivités. Bien qu’elle ait plusieurs dimensions et qu’elle puisse être analysée sous
plusieurs angles, l’autonomie financière des collectivités locales se traduit pour l’essentiel par leur
capacité à assurer la couverture de leurs dépenses par des ressources propres sans être obligées de faire
appel aux subsides de l’État pour équilibrer leurs budgets.

Concrètement, le degré d’autonomie financière des collectivités est déterminé par le niveau de ressources
propres dont elles disposent pour faire face aux charges. Dans un système de décentralisation classique, la
fiscalité locale est la principale pourvoyeuse de recettes dans les ressources propres d’une collectivité, car
c’est sur elle en principe qu’elle a le plus de maîtrise. L’apport des autres ressources propres permet
d’atteindre ou d’approcher ce niveau, compensant ainsi l’insuffisance des seules recettes fiscales.

Certes au Mali, les recettes procurées par la fiscalité locale constituent la part la plus importante des
ressources propres des collectivités, mais la situation des finances locales reste encore loin de l’atteinte de
l’autonomie financière. Les raisons sont diverses :
 Il n’existe pas de véritable pouvoir fiscal des collectivités locales : elles ne peuvent pas déterminer
l’assiette de leurs impôts et taxes, elles peuvent juste modifier le taux de certains d’entre eux, et ce, à
l’intérieur d’une fourchette déjà fixée par la loi ;
 Le niveau global des recettes de la fiscalité locale est faible, tant en raison des caractéristiques des
assiettes fiscales locales que du mauvais fonctionnement de la chaîne fiscale locale ;
 Les autres ressources propres des collectivités sont marginales : le tissu économique local n’est pas
suffisamment développé, et les investissements réalisés dans les équipements marchands n’ont pas
atteints une taille assez significative pour générer des revenus élevés, et les choix des modes de gestion
sont peu adéquats.

Cette situation d’insuffisance structurelle des ressources propres des collectivités devrait en principe être
corrigée au de transferts de ressources provenant de l’État. Mais ces transferts ont jusqu’ici évolué très
lentement, leur volume global est resté très largement en deçà des besoins des collectivités et ils sont
demeurés très peu significatifs par rapport aux ressources globales de l’Etat.

Il apparaît ainsi que deux défis doivent être relevés en parallèle, tous deux liés à l’objectif de renforcement
des capacités financières des collectivités pour leur permettre de remplir les missions qui leur sont
assignées :
 Réformer le système de fiscalité locale afin d’exploiter de manière optimale son potentiel limité mais
réel de recettes ;
 Poursuivre, élargir et accélérer les transferts de ressources de l’Etat vers les collectivités.

Il existe un troisième défi, moins apparent mais tout aussi important, lié au modèle actuel de financement
des collectivités locales, mais qui n’entre pas dans le cadre de la présente étude. Ce modèle actuel de
financement crée ou accentue en effet des inégalités et des déséquilibres dans la répartition des
ressources entre collectivités du même niveau ou avec les collectivités d’autres niveaux dont l’impact
pourrait être très négatif en matière d’aménagement du territoire et de développement économique
équilibré de tout le pays.

15
C’est par rapport au premier défi décrit que sont envisagées les différentes pistes de réformes proposées
pour la fiscalité locale. L’objectif principal serait la mobilisation rapide, de la manière la plus efficace et à
un coût raisonnable, de tout le potentiel de recettes de la fiscalité locale. Les différentes analyses résultant
de plusieurs études ont montré que l’insuffisance constatée des ressources de la fiscalité locale, peut être
attribuée autant aux caractéristiques des assiettes de la fiscalité locale qu’au mauvais fonctionnement de
la chaîne fiscale locale. Cela implique que les efforts d’amélioration se déroulent en parallèle sur deux
axes :
 Par la voie des aménagements des assiettes des impôts locaux : les changements substantiels des types
d’impôts et taxes locaux rencontreront évidemment plus de résistances, mais on ne peut en faire
l’économie si on veut sortir de l’impasse actuelle ;
 Par la voie de l’amélioration du fonctionnement de la chaîne fiscale, sur lequel donc les efforts devront
porter en priorité. La chaîne fiscale locale ne retrouverait sa pleine fonctionnalité que si les faiblesses
et dysfonctionnements décrits et analysés maintes fois sont corrigés, et si certains aspects de la
réglementation sont révisés pour la compléter et introduire la cohérence nécessaire entre certaines de
ses dispositions.

a. Les mesures d’amélioration de la mobilisation des ressources fiscales locales

Les changements dans les assiettes des impôts locaux actuels


La voie des aménagements dans les assiettes des impôts et taxes locaux actuels mérite d’être examinée
pour identifier les éventuelles pistes d’amélioration de ses recettes.

Structurellement, les caractéristiques des assiettes de certains impôts et taxes locaux au Mali ou les modes
de gestion de certains autres constituent des obstacles à la génération de recettes substantielles pour la
plupart d’entre eux.

Très peu de matières locales imposables sont assez uniformément répandues sur l’ensemble du territoire
national, (c’est à dire dans chacun des 703 espaces locaux que constituent les communes) pour créer un
potentiel de recettes globalement suffisant. A priori, seules la TDRL et la taxe de voirie (dont l’assiette est
constituée par le nombre d’habitants), la taxe sur le bétail (dont l’assiette est constituée par le bétail), la
taxe foncière (dont l’assiette est constituée par les propriétés immobilières bâties ou non bâties), etc.
sembleraient répondre à cette caractéristique. Mais l’absence ou l’insuffisance du recensement de ces
matières imposables ajoutée aux faiblesses dans leur système de gestion actuel, apportent de sérieuses
limitations à l’exploitation optimum de leur potentiel de recettes.

L’assiette de la plupart des impôts et taxes des collectivités manque d’élasticité par rapport à l’activité
économique : le développement de celle-ci n’exerce pas nécessairement un effet entrainant sur leur
potentiel de recettes, et elle pourrait même faire décliner de manière croissante l’assiette de certains de
ses impôts, comme la taxe sur les charrettes, la taxe sur les moulins, etc. Il est vrai que la patente, la
vignette pour les engins à deux ou trois roues et la taxe de sortie des véhicules, constituent des exceptions
à cet égard. Cependant, la patente est très localisée dans son assiette, et si elle procure des recettes
importantes, celles-ci sont réservées à quelques grandes communes urbaines. Pour les deux autres taxes,
les difficultés similaires de recensement de la matière imposable et le mode de gestion appliqué ne
permettent de mobiliser qu’une partie seulement de leurs recettes potentielles.

L’analyse critique des principales pistes est faite ici à la lumière entre autres, de ces constats.
 Pour les raisons évoquées plus haut, il faut exclure l’élargissement de l’assiette des impôts locaux par le
transfert des impôts d’Etat dans le court et même le moyen terme. En effet, l’objectif de l’atteinte d’un
taux de pression fiscale de 20%, qui s’impose à toutes les administrations fiscales dans l’UEMOA, ne
permet pas d’envisager le transfert d’autres impôts d’État aux collectivités. Ce problème doit d’ailleurs
être relativisé malgré la controverse qu’il a suscitée, dès lors qu’il reste toujours la possibilité de
transférer au budget des collectivités à partir du budget d’État, des ressources correspondant à un
pourcentage du total des recettes fiscales ou budgétaires ;
 La suppression de certains impôts locaux : la solution de la simplification du système d’impôts locaux
par la suppression de certains de ces impôts a parfois été préconisée. Un certain nombre de
raisons conduisent à ne pas la retenir :
- D’une part, les communes peuvent souverainement choisir dans la panoplie des impôts locaux
ceux qu’elles entendent recouvrer sur leur territoire. Rien ne les empêche d’exclure ceux de ces

16
impôts dont le rendement leur paraît insuffisant ou ne justifie pas à leurs yeux les moyens à
mettre en œuvre pour son recouvrement ;
- D’autre part, certains de ces impôts ont une assiette dans certaines communes et les conditions
locales pourraient leur faire générer des recettes non négligeables : une suppression générale
pénaliserait ces communes.

Dans ce domaine, il ne reste donc que peu d’aménagements ou de changements pouvant être envisagés de
manière réaliste, dans l’assiette des impôts figurant dans l’actuelle nomenclature des impôts et taxes
locaux.

Les pistes restantes sont les suivantes :


A La création d’une TDRL urbaine
Pour des raisons diverses et variées, le recouvrement de la TDRL ne semble pas pouvoir être amélioré
significativement dans les communes urbaines alors que paradoxalement les conditions de sa mise en
œuvre devraient y être plus favorables. Des statistiques ont montré qu’à partir d’un certain seuil de
population, le recouvrement de la TDRL devenait de plus en plus malaisé 1.

La possibilité de transformer la TDRL actuelle en une « TDRL urbaine » pour ces communes urbaines en
s’inspirant de la taxe d’habitation mérite donc d’être examinée.

Dans son principe, la taxe d’habitation est due par toutes les personnes qui ont, à quelque titre que ce soit,
la disposition ou la jouissance de locaux d’habitation dans une commune. Son assiette est basée non sur la
propriété (notion juridique) mais sur la disposition d’un bien immobilier (l’occupation qui est une notion
de fait). Cela dispenserait de rechercher le statut du contribuable à l’égard du bien immobilier concerné,
occupant à titre gratuit, locataire ou propriétaire. L’imposition pourrait être établie au nom du chef de
famille.

La TDRL urbaine concernerait essentiellement les ménages au titre de leur résidence principale ou
secondaire, mais son champ d’application peut être élargi aussi à certains organismes ou associations qui
ne sont pas assujettis à la patente et pour des locaux meublés sans caractère industriel et commercial,
occupé par les organismes de l’État ou des collectivités. Les cas d’exonération pourraient être conçus de
manière restrictive afin d’élargir le plus possible le champ d’application de cette taxe.

Dans le schéma classique de la taxe d’habitation, la base d’imposition est constituée par la valeur locative
brute des locaux. Mais dans le cas des communes du Mali, l’absence de cadastre et donc d’une évaluation
même approximative de la valeur locative, oblige à rechercher une base d’imposition plus réaliste. Deux
solutions pourraient être envisagées à cet égard :
 Soit une assiette indiciaire qui serait déterminée par un barème établi à partir d’un certain nombre
d’éléments facilement identifiables (surface, nombre de pièces, raccordement aux réseaux 2). Il faut
rappeler que cette option avait été envisagée dans un projet de redevance urbaine dont l’assiette
devait être constituée par le raccordement au réseau électrique et la présence d’un compteur. Mais les
inconvénients qui en résulteraient avaient conduit à l’abandon de ce projet ;
 Soit une assiette forfaitaire, qui serait de x francs CFA par habitation. Ce montant forfaitaire de taxe,
serait multiplié par un coefficient correspondant au degré d’équipement de la zone, établi par un
barème national. Chaque commune pourrait faire varier le montant de cette taxe dans une fourchette
fixée par la loi. Malgré son caractère simpliste, cette option a le mérite de résoudre un certain nombre
de problèmes inhérents à tous les impôts : elle permet de surmonter le problème actuellement
insoluble de la détermination de la valeur locative, elle permettrait à chaque collectivité de connaître à
l’avance le produit qu’elle peut attendre de la taxe, et enfin elle faciliterait les contrôles éventuels et
permettrait de moraliser le processus d’imposition.

1 « Le montant de TDRL/hab. décroît de manière systématique avec le nombre d’habitants. Représentant 420 francs
CFA/ hab. dans les villes de moins de 10.000 hab., elle ne s’élève plus qu’à à 33 francs CFA dans les villes de plus de
100.000 hab. A partir de 50.000 habitants, la TDRL ne représente plus qu’une part marginale des recettes fiscales
(7%). La faute en est au défaut de recouvrement de cet impôt ; la question de l’adéquation de cette ressource en
milieu urbain s’en trouve naturellement posée » (Stéphanie Flizot, « Étude sur la révision du système de fiscalité
locale », p 25.
2 Étude complémentaire sur l’institution d’une redevance urbaine (Cabinet SEAG) 2000.

17
Le recensement des contribuables pourrait s’appuyer sur le vaste programme d’adressage des villes qui a
concerné la plupart des villes grandes et moyennes du Mali.

La coexistence de la TDRL urbaine avec d’une part la Taxe Foncière, d’autre part l’IRF pourrait cependant
être considérée comme un inconvénient. Mais l’assiette de l’IRF est constituée par un revenu, le revenu
locatif, ce qui n’est pas le cas de la TDRL urbaine dans l’option proposée. D’autre part, la TDRL urbaine
étant à la charge de la personne ou du ménage occupant l’immeuble, l’imposition ne sera pas handicapée
par la nécessité d’identifier le propriétaire de l’immeuble, comme c’est le cas pour la Taxe Foncière.

Afin de ne pas pénaliser les entreprises, il pourrait être envisagé de les exonérer de la TDRL urbaine : en
effet, c’est presque exclusivement sur elles que pèsera la Taxe Foncière du fait qu’elles sont les
contribuables les plus recensés et donc les plus exposés à cette taxe.

B La réforme de la Taxe Foncière


Instituée par la Loi n° 034 du 15/07/11, la Taxe Foncière est le dernier né des impôts et taxes locaux. Elle
s’applique à tous les immeubles bâtis et non bâtis existant sur le territoire de la commune. Sous réserve
des cas d’exonération prévus, la taxe s’applique aux maisons, aux usines, à tous les immeubles, aux
installations industrielles et commerciales assimilables à des constructions, à l’outillage des
établissements industriels fixés au sol ou faisant corps avec un immeuble, aux terrains nus à usage
commercial ou industriel, ou tout simplement acquis depuis plus de 3 ans. La Taxe Foncière a commencé à
être perçue à partir de l’exercice 2012 : c’est en principe à partir de l’exercice 2013 que son produit
commencera à figurer dans les budgets et les comptes des collectivités.

La Taxe Foncière au Mali a été exactement calquée sur l’Impôt sur le Revenu Foncier (IRF). Il n’est donc
pas surprenant qu’elle reflète les mêmes problèmes et que son rendement soit tout autant faible. Son
application dans les conditions actuelles conduit à une double discrimination préjudiciable à son
rendement :
 Les exonérations prévues réduisent presque à néant son assiette les communes rurales : la loi met hors
du champ d’application de la taxe les terrains à vocation agricole qui constituent l’essentiel de la
catégorie des immeubles non bâtis en zone rurale, les immeubles appartenant à l’État et aux
organismes publics qui sont parfois les seuls existant dans certaines communes rurales, les immeubles
à usage scolaire, médical ou social non productifs de revenus, les immeubles non loués. Ces
caractéristiques transforment la Taxe Foncière en une taxe profitant essentiellement aux communes
urbaines ;
 Tout comme l’Impôt sur le revenu Foncier, la Taxe Foncière doit faire l’objet d’une déclaration
annuelle. Or, dans le contexte du Mali, seules les entreprises du secteur moderne font à peu près
correctement et régulièrement les déclarations fiscales. Les contribuables de l’IRF tout comme ceux de
la Taxe Foncière sont plus divers et comprennent une majorité de propriétaires d’immeubles non
connus de l’administration fiscale. La conséquence de ce choix est que le poids de la Taxe Foncière
pèsera essentiellement sur les entreprises. La sous déclaration chronique et bien connu de l’IRF
affectera également le rendement de la Taxe Foncière.

La réforme de la Taxe Foncière est donc nécessaire si elle doit à la fois procurer des ressources
substantielles aux communes, et être gérée d’une manière simple et efficace n’entraînant pas trop de
charges de gestion. Pour y parvenir, deux mesures devront être prises : d’une part, la réduction sinon la
suppression totale de toutes les exonérations qui réduisent si considérablement l’assiette de la taxe, et
d’autre part la simplification drastique de son assiette par l’adoption d’un système moins sophistiqué mais
plus facile à mettre en œuvre, permettant de garantir un minimum de rendement de cet impôt pour les
collectivités.

 La première mesure consisterait à supprimer la plupart des exonérations actuelles, notamment celle
dont bénéficient deux catégories de biens immobiliers :
- Les terrains nus à vocation agricole, les terrains nus même improductifs de revenus situés dans
les communes rurales, les immeubles servant aux exploitations agricoles pour loger les animaux
ou serrer les récoltes même s’ils sont improductifs de revenus, les terrains nus acquis depuis
moins de 3 ans ;
- Les immeubles non loués et les immeubles occupés par le propriétaire et sa famille.

18
La Taxe Foncière pourrait ainsi devenir l’impôt foncier à large vocation qu’il devrait être, avec l’assiette la
plus large possible, corrigeant ainsi son caractère jusqu’ici trop exclusivement urbain et pesant
essentiellement sur les contribuables déclarés.

 La deuxième mesure consisterait à fixer l’assiette sur la base d’une valeur forfaitaire du mètre carré de
surface, qui varierait selon que les immeubles soient bâtis ou non bâtis et selon le lieu de situation
(centre ou périphérie des centres urbains, campagne, etc.). Ce tarif pourrait varier dans une fourchette
comme pour la TDRL auparavant. Chaque collectivité pourrait ainsi connaître avec exactitude et très
facilement le potentiel de la taxe sur lequel elle peut compter et éviter toutes les déperditions de
recettes liées au type de gestion actuel de cette taxe.

En de ces mesures susmentionnées, il serait nécessaire et utile de clarifier, à travers des textes
réglementaires et législatifs: le champ d’application de la Taxe Foncière, notamment en ce qui concerne
l’imposition des terrains nus, acquis depuis plus de trois ans, et la correction du taux de pression sur les
immeubles en banco.

C La réforme de la gestion de la vignette


Une réforme de fond est nécessaire pour l’amélioration du recouvrement de cette taxe et elle consisterait
à un retour à la gestion centralisée de la taxe par le service des impôts, comme pour la patente. Trois
raisons au moins justifieraient cette option :
 Il faut absolument mettre fin à la concurrence anarchique entre les communes : la vignette est certes
un impôt local, mais elle confère le droit à la libre circulation des engins sur tout le territoire national ;
 La situation actuelle ne permet pas de contrôler l’authenticité de la multitude du type de vignettes en
circulation, ce qui engendre fraudes et détournements de recettes ;
 Seul l’État a les moyens et les pouvoirs nécessaires pour procéder à un recensement systématique et
exhaustif des engins et de leurs détenteurs et procéder à leur immatriculation.

D Les aménagements concernant la patente


La question de l’élargissement de l’assiette de la patente par la suppression des exonérations pourrait
également être examinée à terme. En effet, dans le cadre de l’application du Code Minier, des
exonérations, notamment celles à la patente sont systématiquement accordées. Ces exonérations qui
constituent autant de pertes de recettes pour les collectivités, ne peuvent donner lieu à compensation,
selon la législation actuelle, même si cette compensation est légitime sur le plan de l’équité. Les pouvoirs
publics devraient cependant réexaminer l’ensemble de la question et notamment sur l’effet incitatif réel
que représentent les exonérations de patente pour certaines des catégories d’investisseurs concernées. Il
faut signaler également que l’effet en cascade des exonérations peut créer des situations se prolongeant
dans la durée : ainsi une entreprise censée investir dans une zone défavorisée, et utilisant des matières
premières locales et dans certains secteurs d’activités pourrait théoriquement bénéficier d’exonérations
sur des périodes allant jusqu’à 16 ans. La compensation des exonérations de patente souvent réclamée
par les collectivités concernées, n’est certes pas recevable en l’état actuel de la législation.

Une solution possible à cette situation pourrait consister en un prélèvement au profit des collectivités,
d’un montant équivalent sur les dividendes versés à l’État ou sur le futur impôt sur les bénéfices payés par
les sociétés bénéficiaires de ces exonérations. Une autre solution plus appropriée serait de conférer aux
collectivités elles-mêmes la gestion de ces exonérations : elles pourraient ainsi les accorder, moduler leur
durée ou même les refuser dans le cadre des mesures incitatives dans une politique de développement
économique local.

Cet ensemble de considérations montre que la voie des aménagements dans les assiettes des impôts et
taxes locaux prendrait du temps et ne pourrait avoir dans les conditions actuelles que des effets mineurs
sur le volume des recettes fiscales locales. Des améliorations plus substantielles ne peuvent donc être
recherchées que dans l’amélioration du fonctionnement de la chaîne fiscale locale.

E L’institution de redevances en lieu et place de certaines taxes


Comme indiqué plus haut, un grand nombre d’impôts et taxes locaux sont en fait des redevances et c’est
improprement qu’ils sont désignés comme impôts et taxes. En fait, ils se caractérisent tous par l’existence
d’une contrepartie précise, ce qui n’est pas le cas d’un impôt dans le sens classique du terme. Il paraît

19
indispensable de consacrer quelques développements à la question afin de mieux mesurer l’intérêt de la
proposition souvent avancée, de transformer certains impôts ou taxes locaux en redevances.

Certains de ces certains impôts et taxes locaux sont des redevances pour l’utilisation soit des
infrastructures, soit du domaine public des collectivités par le redevable. Ainsi la taxe de sortie des
véhicules est en fait une redevance pour l’utilisation des gares routières qui étaient censées exister dans le
territoire de la commune. L’absence de gare routière dans la plupart des communes fait parfois occulter la
nature de redevance de ce paiement. De même, la taxe sur les appareils de jeu installés dans les lieux
publics et la taxe sur la publicité dans les lieux publics, la taxe sur les autorisations de spectacles sont des
redevances payées par le redevable pour l’utilisation commerciale qu’il fait du domaine public de la
commune.

Certains impôts et taxes sont des redevances pour l’acquisition de produits prélevés dans le domaine
public de la collectivité. C’est clairement le cas par exemple pour les taxes sur les carrières et l’extraction
de sables et les taxes sur l’orpaillage, la taxe perçue sur le bois).

D’autres impôts et taxes sont encore de manière plus évidente des redevances classiques pour des
services rendus par la collectivité. C’est le cas pour la taxe de voirie dont le nom est lui-même significatif,
c’est aussi le cas pour taxe sur l’autorisation de construire qui rémunère en quelque sorte le coût
administratif de la procédure de délivrance de l’autorisation.

Il convient dès lors de s’interroger sur la portée réelle de la proposition de transformation de ces impôts
et taxes en redevances. Cela n’affectera ni leur assiette, ni leur mode de perception, ni leur degré
d’acceptation par les contribuables. Il s’agira tout au plus d’un changement de dénomination.

Par contre certains autres impôts et taxes locaux sont de véritables impôts, en ce sens qu’ils ne
comportent pas de contrepartie précise à leur paiement. C’est le cas pour la contribution des patentes et
licences, la TDRL, la taxe sur le bétail, la taxe sur les armes à feu, la vignette, la taxe sur les bicyclettes, la
taxe sur les moulins, la taxe sur les charrettes, la taxe sur les débits de boisson et gargotes, la taxe sur les
embarcations, la taxe sur les établissements de nuit.

F L’institution d’un impôt synthétique regroupant la multitude d’impôts et taxes locaux peu
productifs pris individuellement
Cette idée est incontestablement séduisante sur le plan conceptuel. Idéalement cet impôt devrait refléter
la capacité contributive des contribuables concernés, être mieux accepté par eux, apporter des recettes
plus substantielles que celles générées par les impôts et taxes auxquels il doit être substitué.

Les réalités conduisent toutefois à relativiser cette vue. Le problème des impôts peu productifs doit être
fortement tempéré : en effet, les communes ne sont pas obligées d’instituer tous les impôts et taxes locaux
de la panoplie. C’est au Conseil communal (article 5 de la Loi nº 2011 – 36 du 15 juillet 2011) ou du
District (article 3 de la Loi n°96 -058 du 16 octobre 1996) de déterminer par ses délibérations, les impôts
et taxes qui doivent être recouvrés sur leur territoire, ainsi que leurs taux et tarifs. L’exercice de cette
option permet d’éviter d’engager des frais excessifs pour le recouvrement d’impôts qui ne présenteraient
aucun intérêt financier pour la collectivité. En second lieu, il faut rappeler que l’assiette de certains
impôts, dans les communes où elle existe, y génère parfois des ressources substantielles : ainsi en est-il de
la taxe sur les charrettes à Ségou, de la taxe sur le bétail dans la région de Mopti. Il serait aberrant de
supprimer ces taxes dans ces communes sous prétexte que ses recettes sont faibles dans d’autres
communes, qui de plus, ne sont nullement obligées de les instituer. Ainsi la justification de l’institution
d’un impôt synthétique pour remplacer une multitude d’impôts peu productifs doit être relativisée.

En second lieu, il devrait exister une certaine cohérence dans le choix des impôts destinés à être
remplacés par un impôt synthétique. S’il est facile d’imaginer un impôt synthétique remplaçant la patente,
l’impôt sur les bénéfices, les taxes sur les salaires, la TVA, qui sont tous des impôts assis sur l’activité
commerciale, industrielle ou professionnelle du contribuable, il est très difficile d’imaginer un lien
semblable entre les différents impôts locaux. En effet, comment imaginer un impôt qui tienne compte de la
possession de bétail (taxe sur le bétail), de bicyclette (taxe sur les bicyclettes), d’une arme à feu (taxe sur
les armes à feu), d’un moulin (taxe sur les moulins), d’un engin à deux roues (vignette) ? Ou encore
comment synthétiser dans un impôt unique, la taxe d’orpaillage, la taxe sur l’extraction de matériaux dans
les carrières, la taxe sur la publicité ou la taxe sur les spectacles et divertissements ? Comment faudrait-il

20
par ailleurs intégrer tous ces impôts et taxes à la TDRL dont le maintien est reconnu nécessaire ?
Comment faire également coexister deux impôts synthétiques pesant sur les mêmes contribuables ?

Il y a enfin l’argument de l’acceptabilité : chacun reconnaît qu’un impôt est d’autant mieux recouvré qu’il
est compris et accepté par ses contribuables. Dans la situation présente, ceux-ci comprennent le mode de
calcul des taxes qui leur sont réclamées parce que basées sur des biens qu’ils possèdent, du domaine
public qu’ils occupent ou des produits du domaine public qu’ils acquièrent, sans parler de la TDRL.
Comment pourrait-on leur faire comprendre et accepter un impôt dont l’assiette, les tarifs et autres
éléments de calculs leur sont totalement étrangers ?

Cet ensemble de raisons a conduit les consultants à considérer comme difficilement réalisable l’institution
dans le système actuel de fiscalité locale du Mali, d’un impôt synthétique destiné à remplacer une variété
d’autres impôts.

b. Les mesures d’amélioration du fonctionnement e la chaine fiscale locale

L’évaluation préalable du potentiel des impôts et taxes, le recensement et l’enrôlement


Depuis les débuts de la décentralisation, la nécessité d’apporter une solution au problème extrêmement
important de la connaissance du potentiel de recettes des différents impôts et taxes locaux semble être
systématiquement contournée par l’État. Cependant la question ne peut plus désormais être ignorée et la
prise des mesures nécessaires dans ce domaine témoignerait de l’existence d’une volonté politique réelle
de s’attaquer aux problèmes de la fiscalité locale et de l’engagement des autorités publiques à cet égard. Il
est préconisé un premier recensement fiscal exhaustif, appuyé et coordonné par l’État, qui concernerait
les principaux impôts locaux, dont notamment la TDRL, la taxe sur le bétail, la vignette des engins à deux
ou trois roues et la taxe de sortie des véhicules de transport. Des dispositions seront prises pour que
régulièrement cette base de données soit actualisée et que les collectivités acquièrent progressivement la
capacité d’y procéder elles-mêmes.

Une fois admis la nécessité de cette action, il convient de faire des choix sur de nombreux aspects dont les
plus importants sont :

A La mise en place d’un cadre et d’une structure pour les opérations de recensement et
d’enrôlement
L’absence d’un tel cadre et d’une structure dédiée constitue un handicap pour mener à bien les opérations
de recensement et d’enrôlement, car ceux-ci comportent à la fois un aspect technique et administratif et
un aspect de mobilisation sociale. La collaboration nécessaire et la coordination des activités des services
techniques déconcentrés, des élus locaux et des autorités traditionnelles peuvent être obtenus dans ce
cadre.

Cela concerne les impôts les plus importants en termes de recettes pour les communes rurales, à savoir la
TDRL, la taxe de voirie et la taxe sur le bétail. L’institutionnalisation des commissions chargées de
l’établissement des rôles dans chaque commune est une étape indispensable dans cette voie. Comme
rappelé plus haut, il n’existe pas encore de disposition légale ou réglementaire définissant notamment le
cadre organisationnel dans lequel pourraient se dérouler les opérations de recensement et d’enrôlement
de la taxe de développement régional et local, de la taxe sur le bétail et de la taxe de voirie due par les
familles. Cette situation a favorisé la multiplication de pratiques très variables et souvent illégales, qui
gênent considérablement l’efficacité des efforts consentis. La mise en place de ces commissions pourrait
être décidée par un texte règlementaire.

B La reconnaissance de la nécessité et la formalisation de l’intéressement financier des chefs de


villages et de quartiers afin d’obtenir leur implication dans le recensement et le recouvrement
L’expérience d’avant l’avènement de la décentralisation a montré que l’intéressement financier des chefs
de villages ou de quartiers était l’une des clefs du succès du recensement des contribuables et du
recouvrement des impôts. Ces autorités traditionnelles rémunérées par des ristournes sur le produit des
impôts collectés, étaient ainsi directement intéressées au succès du recouvrement. L’instrument de
contrôle social que constitue leur influence contribuait à amoindrir la difficulté toujours considérable que
représente l’application de sanctions efficaces en matière de TDRL. Leur implication serait aujourd’hui
encore efficace pour obtenir l’adhésion ou au moins l’acceptation des contribuables. Elle appuierait ainsi

21
les interventions des élus, qui y répugnent du fait de leur position face à leurs électeurs. Les collectivités
devraient sur ce point se placer dans l’optique d’une rémunération des services qui leur seront ainsi
rendus par les autorités traditionnelles.

Des mesures complémentaires pourraient contribuer à obtenir une meilleure acceptation de la TDRL par
les contribuables. Elles tiennent compte du fait que la pauvreté est synonyme d’un revenu proche du seuil
de subsistance et qu’il en résulte une extrême difficulté à supporter une taxation, notamment directe.
Ainsi l’application du principe du paiement de la TDRL par ménage et non par famille étendue serait à
revoir. Les textes légaux désignent comme redevable légal de la TDRL le chef de famille, mais la pratique
s’est instaurée de considérer comme tel le chef de la famille étendue, du chef de tous ceux qui figurent sur
son carnet de famille. Cette mesure permettrait de diluer dans une certaine mesure le poids de la TDRL en
la répartissant sur un plus grand nombre de contribuables.

C La prise en charge d’une partie des frais de recouvrement des impôts locaux par les
collectivités
Il existe une ligne spécifique dans les budgets des collectivités pour financer les appuis conseil qu’elles
reçoivent des services déconcentrés. Pour accroître l’efficacité du recouvrement de leurs impôts et taxes
par les services déconcentrés, les collectivités locales doivent accepter de participer au financement des
frais de recouvrement sur une base plus systématique : à l’heure actuelle, leur participation prend des
formes variables. Elle est parfois inexistante, parfois elle est sous la forme de mises à disposition de
véhicules et de chauffeurs, de paiement de frais d’essence, de primes, etc.

Cette étape doit être dépassée par l’adoption d’une règle légale d’affectation d’un pourcentage du montant
des impôts locaux recouvrés au profit des services déconcentrés (impôts et trésor) impliqués. Cette règle
pourrait être complétée par un système de primes de recouvrement allouées aux agents de recouvrement.

D La mise en œuvre normale des procédures du fonctionnement de la chaîne fiscale locale


Un fonctionnement normal de l’ensemble de la chaîne fiscale locale doit être obtenu à tout prix, c’est la
condition indispensable pour la réalisation de recettes significatives. Outre les caractéristiques
défavorables des types d’impôts locaux du Mali, la mise en œuvre défectueuse ou même l’absence de mise
en œuvre des procédures prévues ont beaucoup contribué à la dégradation continue des performances
des collectivités en matière de mobilisation de leurs ressources fiscales. Ces différentes procédures qui
sont constituées par l’établissement des rôles, leur émission, leur prise en charge, leur recouvrement, la
fourniture d’informations aux collectivités, la gestion des restes à recouvrer et des admissions en non-
valeur, ont été décrites en détail dans la première partie de ce document. Les rôles et les responsabilités
des différents acteurs dans leur mise en œuvre ont également été précisés. La restauration des conditions
d’un fonctionnement normal de la chaîne fiscale passe nécessairement par la mise en œuvre correcte de
l’ensemble des procédures qui la constituent.

Celles-ci sont simplement indiquées ci-dessous à titre de rappel :


 L’évaluation préalable du potentiel de recettes des impôts locaux à travers les opérations de
recensement de la matière imposable et de confection des rôles ;
 L’observation stricte des délais légaux de confection des rôles. L’identification et la description précise
de la procédure de vérification des rôles doit cependant être connue et appliquée avant leur envoi à
l’émission ;
 L’émission des rôles : elle devra être simplifiée en l’unifiant et en la laissant sous la seule
responsabilité du maire. La réglementation doit préciser ce point où la pratique reste encore variable
(parfois le gouverneur de région, parfois le préfet du cercle). Cette modification permettrait de plus un
gain considérable de temps dans la procédure d’émission ;
 La prise en charge du recouvrement des rôles par le receveur : elle devra être désormais effective et
générale conformément aux dispositions légales. L’absence de rôle ne pourrait plus être une excuse
valable et le receveur se retrouverait sur un terrain plus sûr où la mise en œuvre éventuelle de sa
responsabilité pécuniaire et personnelle dans le recouvrement serait effectivement fondée ;
 Le recouvrement devra être effectué en lieu et place du régisseur par des agents de poursuite du
trésor, relevant du receveur percepteur. La prise en charge des agents publics de sécurité qui
participent au recouvrement ne doit plus peser sur les collectivités. Il est en effet inconcevable que
l’accomplissement de cette mission régalienne de l’État puisse donner lieu à la prise en charge par la
collectivité des coûts de cette mission ;

22
 Les obligations d’information du receveur à l’égard des collectivités locales doivent être remplies. Elles
doivent recevoir non seulement l’ensemble des informations nécessaires, mais elles doivent également
les recevoir dans les délais indiqués par la loi ;
 Le lien entre les procédures de la fiscalité locale et les procédures budgétaires locales doit se refléter
dans la prise en compte de prévisions de recettes fiscales fiables dans le budget initial de la collectivité
et dans le traitement correct des restes à recouvrer et des admissions en non-valeur ;
 L’ensemble des procédures de contrôle prévu doit être mis en œuvre, notamment :
- Le contrôle du receveur sur les opérations du régisseur ;
- Le contrôle du Trésorier Payeur Régional sur les opérations du receveur ;
- L’intervention éventuelle des structures de contrôle de l’Etat ;
- Et Enfin, le contrôle juridictionnel exercé par la Section des Compte de la Cour Suprême.

E La cohérence entre les dispositions législatives et réglementaire relatives à la gestion des


impôts et taxes locaux
La réglementation relative à la gestion des impôts et taxes locaux, notamment en ce qui concerne les rôles
et attributions des acteurs de la chaîne fiscale locale, comporte plusieurs dispositions contradictoires
entre d’une part le Livre des Procédures Fiscales et la Loi 035 du 15/07.11 et d’autre part entre ces deux
législations et le Code des Collectivités et la Directive nº 01/2011 de la Commission de l’UEMOA relative
au régime financier des collectivités. A titre d’exemples, la responsabilité de l’établissement des rôles et du
recouvrement en ce qui concerne la TDRL, la taxe de voirie, la taxe sur le bétail, etc., la désignation de
l’autorité chargée de l’homologation des rôles, etc. Tous ces points devraient faire l’objet de modifications
règlementaires. La réglementation doit être également complétée sur certains points : ainsi, la création et
l’institutionnalisation des commissions locales d’établissement des rôles d’impôts, la communication
obligatoire de certaines informations financières aux collectivités, la procédure d’admission en non-valeur
des impôts et taxes locaux, etc., la mise en œuvre de la responsabilité en matière de recouvrement.

F La déconcentration plus poussée des services des impôts et du trésor et leur renforcement en
moyens, en personnels et en équipements
Malgré tous les efforts déjà consentis, une plus grande déconcentration territoriale reste encore
nécessaire. Le critère le plus pertinent à cet égard ne doit pas être seulement le nombre de nouveaux
centres d’impôts et de perceptions, mais la couverture territoriale effective qu’ils permettent d’assurer,
compte tenu du nombre de communes, de l’inexistence ou de la mauvaise qualité des voies de
communications, de la faiblesse des moyens, notamment de transport mis à leur disposition.

Le renforcement des moyens et des capacités des services d’assiette et de recouvrement ne peut être
évidemment que la traduction d’une volonté politique au niveau de l’État. L’efficacité dans la mobilisation
des ressources fiscales des collectivités ne peut être obtenue sans le renforcement des moyens en
personnel, en capacités et en équipements des administrations financières de l’État au niveau local 3. Il est
probable que l’efficacité des services des impôts et surtout du trésor constituera un facteur décisif pour
parvenir à la viabilité financière des collectivités locales, qui conditionnera le succès de la
décentralisation.

Le recrutement de personnel supplémentaire s’impose comme une nécessité au vu de la comparaison


entre la charge de travail à effectuer et l’effectif du personnel réellement disponible dans les services
financiers déconcentrés. L’utilisation de l’informatique à une plus grande échelle peut d’ailleurs
contribuer à palier dans une certaine mesure à ce besoin incompressible en personnel.

Le renforcement des capacités de ce personnel afin de le rendre assez rapidement opérationnel implique
la mise au point d’un programme de formation adéquat. La production d’informations financières
exhaustives et fiables qui constitue un élément important dans la mobilisation et la bonne gestion des
ressources pourrait être certainement améliorée dans ce cadre. La qualité du personnel à recruter

3 « Or on ne peut pas espérer de miracle quand un receveur percepteur est le seul agent de la perception, qu’il n’a même
pas d’électricité et doit gérer des communes dont l’éloignement peut attendre plus de 60 km (commune de Falo dans
le cercle de Bla, par exemple), que la saison des pluies rend le recouvrement quasi impossible pendant quelques mois
et qu’il ne dispose d’aucun budget de fonctionnement pour procéder au recouvrement des taxes et impôts locaux. La
nécessité de payer à minima un chauffeur et deux gardes a pour conséquence que la réalisation de 2 à 3 tournées par
an dans les communes suffirait à consommer l’ensemble des crédits annuels de fonctionnement de la perception »
Stéphanie Flizot, Étude sur la révision du système de fiscalité locale, précité.

23
constitue ici un enjeu essentiel, et il sera fonction de la politique de rémunération adoptée : il est certain
que celle actuellement en vigueur nécessite une révision de fond.

Les moyens de travail, en particulier l’équipement en bureaux, en moyens de déplacement et en matériel


informatique constituent le troisième volet du renforcement des services financiers déconcentrés de
l’État. Sans moyens suffisants ou appropriés, le renforcement des effectifs du personnel équivaudra à un
investissement inutile.

G Le changement du mode de gestion de certains impôts et taxes


La fiscalité locale comprend un certain nombre d’impôts dont le potentiel de recettes est très élevé mais
aussi très mal exploité en raison du mode de gestion qui a été adopté pour eux. Des changements doivent
intervenir à cet égard. Il s’agit de :
 La vignette sur les engins à deux ou trois roues : le retour à une gestion centralisée par la DGI est non
seulement devenue nécessaire, mais elle est la seule conforme à la législation dans son état actuel. Les
conditions de la mise en œuvre de cette nouvelle gestion ont été décrites plus haut dans l’encadré sur
les pistes de solution à l’amélioration du recouvrement de la vignette aborde les propositions
formulées à cet égard ;
 La taxe de sortie des véhicules : le mode de gestion actuelle offre trop de possibilités de fraudes et de
détournement de recettes. A condition qu’elle soit précédée d’une évaluation du potentiel de recettes
dans le respect des exigences indiquées plus haut, la gestion de cette taxe pourrait être déléguée à des
structures privées, permettant ainsi aux collectivités de bénéficier de plus grandes recettes et d’un
coût d’administration de cette taxe nettement inférieur à la gestion actuelle en régie.

La mise en œuvre de ces réformes, même isolément, est susceptible d’augmenter considérablement le
volume des recettes fiscales locales.

24
Annexe n°2 : Rapport de synthèse de la réunion du groupe de
travail du 20 septembre 2017
Le 20 août 2017, a lieu dans la salle de conférence de la Direction générale des collectivités territoriales la
réunion du groupe de réflexion autour de la note produite par Messieurs Djibril SEMEGA et Fanguatigui
DOUMBIA, consultants avec l'appui financier du Fonds Européen du développement à travers le
PARADER, sous la présidence de Monsieur Abdrhamane CISSE, Directeur Général des Collectivités
Territoriales.

Elle a enregistré la présence effective des membres du groupe de travail à savoir :


 Le Directeur Général des collectivités territoriales ;
 Le représentant du Directeur Général des Impôts ;
 Le représentant Directeur National du Trésor et de la Comptabilité Publique ;
 Le chef de la CADD d’appui du Ministère de l'Economie et des Finances ;
 Le représentant de la CADD du secteur de l'Administration territoriale.

En outre, étaient également présents à la réunion le sous finances locales et l'assistant technique
international du PARRADER auprès de la Direction générale des collectivités territoriales. La liste des
participants est annexée au présent rapport.

A l'entame de la réunion le président de séance a rappelé le contexte de la réunion qui consistait à


échanger sur la note qui doit s'articuler autour des missions assignées au groupe de réflexion constituée
de l'état de lieu de la fiscalité locale, des difficultés de mise en œuvre de la mesure spécifique relative à la
détermination d'un pourcentage de recettes fiscales de l'Etat susceptible d'être transférer aux collectivités
ainsi que de propositions de mesures correctives.

A la question de savoir si les échanges doivent porter sur un pourcentage des recettes fiscales ou
budgétaires de l'Etat à transférer aux collectivités, le président de séance a rappelé que l'option de
recettes fiscales susceptibles de transfert avait été envisagée en 2009avec le soutien politique du
Président du Haut Conseil des Collectivités d'alors. Le ministère de l'Economie et des finances avait la
charge de faire un rapport de mise en œuvre qui n'a jamais été produit.

Quant à l'option de transfert d'un pourcentage des recettes budgétaires est intervenue en 2013 à la faveur
des Etats généraux sur la décentralisation, tenus en octobre 2013. Elle a été confirmée par l 'Accord pour
la Paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger et la Déclaration de politique générale du
Gouvernement de 2015.

Dans la perspective de mise en œuvre de cet engagement et du respect par le gouvernement du Mali des
critères de convergence de l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) que le
ministère des finances a opté pour le transfert des ressources budgétaires de l'Etat aux collectivités
territoriales en lieu et place du transfert de ressources fiscales.

A la suite de cette mise au point, il demanda au consultant de présenter les résultats de la note.

La présentation faite par le consultant et son collaborateur s'articulait autour des approches de transfert
les plus usités, les difficultés de mise en œuvre de ces transferts, ainsi les propositions de solutions
pouvant contribuer à améliorer les ressources des collectivités territoriales sur les modes de transfert de
ressources de l'Etat aux collectivités territoriales les plus usités par les pays sont de deux catégories. Il
s'agit du transfert de ressources budgétaires et du celui de ressources fiscales. L'usage de l'un des modes
engendre des implications favorables ou négatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Ainsi, l'approche budgétaire favorise peu le respect de leur autonomie contrairement à la seconde mettant
à leur disposition d'importants moyens inconditionnés permettant la prise en charge des compétences
générales.

Au Mali, les deux options ont été utilisées jusqu’à l'adoption de la loi 2011 - 036 du 7 juillet 2011
consacrant les ressources fiscales des collectivités territoriales. Même si les ressources budgétaires vont
au-delà des ressources fiscales avec un volume de ressources beaucoup plus importantes susceptibles de

25
revenir aux collectivités territoriales, elles sont très aléatoires car tributaires de la volonté politique et de
la conjoncture économique. L'option fiscale, elle au contraire croit au rythme de la croissance du produit
intérieur brut (PIB) bien que son adoption se heurte aux critères de convergence de l'Union Monétaire des
Etats de l'Afrique de l’Ouest.

A titre d'illustration un tableau synoptique retraçant l’évolution des recettes fiscales de 2011 à 2017 avec
comme scénario de base les recettes ordinaires de la loi de finances 2017 d'un montant de 1. 486 987
680 de francs CFA dont 1 364 059 925 de francs CFA de recettes fiscales au 30% de recettes à transférer.
Soit 446. 078. 304 000 francs CFA contre 261, 822 milliards de ressources budgétaires transférées
représentant 18, 3 % du budget d'Etat 2017 suivant la note produite par la direction Générale du
Budget.

Pour assurer la prévisibilité de l'approche de transfert de ressources fiscales de l'Etat aux collectivités
territoriales, la piste de solution envisagée par les consultants serait de l’ériger en principe constitutionnel
dont la mise en œuvre requiert trois mesures spécifiques et cumulatives. Il s'agit de :
 L'adoption d'une loi particulière déterminant un taux de ressources fiscales à transférer acceptée par
toutes les forces politiques du pays ;
 L'inscription d'une ligne budgétaire obligatoire dans la loi de finances annuelle ;
 La notification des ressources fiscales revenant à chaque collectivité territoriale trois mois avant de
l'adoption des budgets primitifs.

En outre la présentation a également porté sur les difficultés de mise en œuvre du transfert des
ressources fiscales et d’autres propositions de solutions ayant trait au recensement régulier de la matière
imposable, à l'amélioration de la chaine fiscale à travers la responsabilisation des différents acteurs, la
mise en cohérence de la législation ainsi que la réforme du mode de gestion de certains impôts
notamment la taxe de vignette et la taxe de sortie de véhicules.

Le président de séance a remercié à 14 heures les consultants pour la qualité du document présenté ainsi
que les membres du groupe de travail pour leur participation de qualité aux échanges, avant de fixer la
date de la prochaine réunion au lundi 25 septembre dans l'après-midi.

Le rapporteur Aly ISSA

26

Vous aimerez peut-être aussi