Vous êtes sur la page 1sur 9

CHAPITRE III : LA CULTURE INDUSTRIELLE DES MICRORGANISMES

La culture des microorganismes nécessite la connaissance des conditions dans


lesquelles les microorganismes se développent Ceci implique l’étude de la nutrition et de la
croissance d’une part et du métabolisme d’autre part. L’étude de la nutrition est celle de
l’analyse des besoins ou des facteurs indispensables à la croissance ou au développement
des microorganismes.

Vu la diversité de leurs habitats, les microorganismes ont des exigences nutritionnels


très différents. Toutefois, quel que soit leurs exigences, ils doivent tous trouver dans leurs
milieux ou leur environnement :

- Les besoins élémentaires nécessaires à la synthèse de leurs constituants cellulaires :


ce sont les nutriments constitutifs ou énergétiques

- Les besoins spécifiques tels que les facteurs de croissance

- Les conditions physico-chimiques compatibles avec la vie de la cellule

I. LES BESOINS ELEMENTAIRES :

Un milieu de culture doit contenir les différents besoins élémentaires de la cellule


que sont : le carbone, l’azote, les éléments minéraux, l’eau, une source d’énergie. Ces
besoins élémentaires étant des éléments constitutifs de la cellule, la première étape dans la
formulation d’un milieu de culture à l’échelle industriel devrait être l’examen de la
composition cellulaire.

Tableau : Principaux éléments constitutifs des cellules microbiennes

Eléments constitutifs de la cellule microbienne % en poids sec de la cellule


Carbone 50
Azote 7-15
Oxygène 9-20
Hydrogène 7-8
Phosphore 1-3
Soufre 0,5-5
Mg, Mn, Fe, Ca 0,1 -0,5

18
1- Sources de Carbone

De tous les éléments constitutifs, le carbone constitue l’élément le plus abondant de


la cellule. Par conséquent la source de carbone devra avoir le pourcentage le plus élevé
dans la composition du milieu de culture. Si ce facteur est limitant, la croissance G du
microorganisme sera proportionnelle à la concentration initiale du carbone [C] par la
relation : G=αC.

Les hydrates de carbone sont les sources utilisées dans les fermentations
industrielles. Mais pour réduire le coût de production, on a généralement recours aux
substrats à bas prix. A cet effet, les sources de carbone utilisées sont généralement des
sous-produits d’origine agricole ou d’industries agroalimentaires. Parmi ceux-ci on peut
noter :
a) Les mélasses qui sont les sous-produits des sucreries contenant 40 à 50% de sucre
selon leur origine. C’est la source de carbone la moins chère. Ce sous-produit
contient en plus du sucre, les substances azotées, les vitamines et les éléments
minéraux.
b) En dehors des mélasses classiques ou conventionnelles, il existe ce qu’on appelle
souvent Mélasses ‘’hydrolysées’’ qui sont des sous-produits de la production du glucose à
partir de l’amidon.
c) Les extraits de malt : excellent substrat de nombreuses levures et moisissures
ainsi que de bactéries filamenteuses. L’extrait sec de ce sous-produit contient 90 à
92% d’hydrate de carbone. Notamment le maltose (50%), le sucrose, les hexoses
(glucose + fructose 19%), les maltotrioses, les dextrines (15%).
d) L’amidon et les dextrines qui peuvent être utilisés par les microorganismes
produisant des amylases. L’amidon est devenu avec les sirops de glucose, l’un des
principaux substrats dans la production de l’éthanol ou fonction éthanolique.
La plus grande utilisation de ce substrat est celle du Brésil dans son programme
national d’alcool initié en 1975. Ce programme qui est basé sur l’amidon du manioc a
produit en 1984 plus de 9 millions de tonnes d’alcool.
e) Les liqueurs de sulfite : Les sucres contenus dans les rejets de l’industrie du
papier (9 à 13% du poids sec) sont très utilisés dans la culture des levures.

19
f) La cellulose très peu utilisé jusqu’à présent mais dont le faible coût et sa teneur
importante en carbone sont à l’origine de nombreux travaux en vue de sa large
utilisation. Il est en effet difficile d’utiliser directement la cellulose comme source de
carbone sans une étape préalable d’hydrolyse chimique ou enzymatique. Le sirop de
sucre formé après cette hydrolyse a été utilisé pour la production d’éthanol. Reste à
trouver les microorganismes pouvant assurer cette transformation en une étape, ce
qui rendrait l’éthanol produit à partir de ce substrat plus compétitif sur le marché par
rapport celui obtenu à partir des substrat riches en sucres fermentescibles
g) Le lactosérum ou petit lait qui est un sous-produit de la fromagerie contenant
environ 40% de lactose, des sels minéraux et des protéines du lait. Notons
qu’environ 56% de ce produit est utilisé dans l’alimentation humaine ou animale. Le
lactose (source de carbone de ce sous-produit) est essentiellement utilisé dans la
production d’éthanol, de cellules, d’acide lactique, de vitamine B12 ou de gomme telle
que le xanthame. Ce substrat n’est malheureusement pas économique à cause des
coûts élevés de transport et de stockage.
h) L’éthanol qui peut être utilisé comme seul substrat ou comme co-substrat. Exemple
dans la production de l’acide acétique. Son coût étant malheureusement si élevé, il
ne peut être utilisé de façon généralisée sur le plan industriel comme source de
carbone.
i) Les alcanes ou les hydrocarbures : Leur utilisation dépend malheureusement du
prix du pétrole.

2- Sources d’Azote
L’azote est une molécule indispensable à la synthèse des protéines et des acides
nucléiques. Il est généralement utilisé par les microorganismes sous forme de sels
ammoniacaux. Toutes fois certains microorganismes exigent pour leur développement de
l’azote organique qui peut être apporté sous forme d’un acide aminé, d’un mélange d’acides
aminés ou sous forme de vitamine.
Dans l’industrie, on utilise des sources d’azote plus ou moins couteuses selon le coût
du produit final et des exigences du microorganisme.
De nombreuses industries utilisent comme source d’azote :
i) Les sels d’ammonium

20
ii) L’urée
iii) L’Azote gazeux
iv) Des sous-produits d’industries tels que :
– L’eau de trempage de maïs ‘’Corn Steep Liquor’’ qui est la source d’azote la plus
métabolisée. C’est un sous-produit de la fabrication de l’amidon du maïs
contenant 4 à 8% d’azote. On y trouve de nombreux acides aminés (alanine,
arginine, acide glutamique, valine thréonine, cystine etc.), des vitamines et
nucléotides.
– Le lactosérum comme source de carbone et d’azote.
– La farine soja, sous-produit de la production d’huile de soja et contenant 50% de
protéines, 30% d’hydrates de carbone (sucrose, stachyose…), 1% de lipides. Ce
substrat est fréquemment utilisé dans la production d’antibiotiques.
– La farine d’arachide, de poisson
Lorsqu’un microorganisme est incapable de synthétiser certains acides aminés
indispensables on utilise des sources d’azote très couteuses telles que :
- Les extraits de levures, excellents substrats de microorganisme et produits à partir
des levures de boulangerie après autolyse à 50°C ou une plasmolyse en présence de
forte concentration de NaCl.

3- Besoins en oxygène (QO2)


Certains microorganismes exigent l’oxygène comme accepteur final d’électron dans
leur métabolisme énergétique. L’oxygène apporté est utilisé dans certains cas comme
élément constitutif des molécules. Il constitue dans ce cas un élément nutritif rentrant dans
l’anabolisme et non dans le catabolisme producteur d’énergie. Il devient dès lors
indispensable de satisfaire les besoin en oxygène du microorganisme. Connaissant la
quantité d’oxygène consommée par microorganisme, on peut estimer la demande en
oxygène de la culture :
Soit X : la concentration cellulaire d’une culture,
QO2 : La Quantité d’oxygène consommée par une quantité de
microorganismes par heure.(mmoles O2/l/mg cel/h)
La Demande d’oxygène de la culture = QO2.X (mmole O2/l/h)

21
 Les Facteurs influençant QO2
• La nature du microorganisme
• L’âge de la culture
• L’état physiologique de la cellule
• La composition du milieu de culture
• La concentration cellulaire
Rappellons que L’absorption de l’O2 par un microorganisme est un phénomène
complexe en raison des différentes barrières à franchir par l’O2 de la bulle d’air à l’enzyme
du microorganisme dans le milieu de culture à savoir :
• Le Film ou couche gazeuse Entre la bulle d’air et l’interface gaz-liquide
• Le Film liquide entre l’interface gaz-liquide et le milieu de
culture
• La résistance du milieu de culture (Diffusion vers la cellule)
• Le Film liquide entre la membrane cellulaire et le milieu de culture
• La membrane cellulaire
• La Diffusion dans le cytoplasme (eucaryotes)
• La Membrane mitochondriale (Eucaryotes)

4- Les sels minéraux


Les différents éléments minéraux contenus dans les cellules sont incorporés dans les
milieux sous forme de sels. Certains oligoéléments tels que le Zinc, le Fer… sont
généralement apportés par les sous-produits sources de carbone ou d’azote. Certains sous-
produits apportent parfois tous les éléments nécessaires à la constitution du milieu de
culture et à la réalisation de la fonction.

22
II. FORMULATION DES MILIEUX DE CULTURES

Si à l’échelle du laboratoire, la formulation des milieux de culture peut se réaliser à


l’aide de substrats chimiques purs de compositions bien définies, une telle approche ne
peut être transposée à l’échelle industrielle pour des raisons économiques. La formulation
des milieux de cultures industriels est réalisée à partir des substrats complexes mal définis.
En fonction du type de production, 25 à 75% du cout total de la production peut dépendre
du cout du milieu de culture. Pa conséquent, un milieu de culture idéal est un milieu qui
assure à la souche une meilleure production tout en ayant un prix de revient bas.

III. CRITERES DE CHOIX DE LA MATIERE PREMIERE


Les choix des ingrédients des milieux de culture est fonction de certains critères :
1) Le coût ou le prix de revient aussi bas que possible (transport et stockage compris).
2) Disponibilité permanente de la matière première. Autrement dit, pour choisir une
matière première, il faut s’assurer que l’approvisionnement est stable aussi bien en
quantité qu’en qualité tout au long de l’année.
3) La conformité avec la réglementation du pays. Ceci est très important pour des
produits destinés à l’alimentation.
4) La qualité du produit, notamment sa teneur en impuretés.

IV. L’ENVIRONNEMENT SUR LES CULTURES INDUSTRIELLES

L’un des critères que doit remplir un microorganisme d’intérêt industriel est celui
d’avoir une croissance rapide sur substrat organique. Ce qui justifie l’intérêt de la maîtrise
de la croissance durant les productions industrielles.
La croissance peut se définir comme l’accroissement des constituants d’un
organisme. Celle-ci se traduit chez les microorganismes par l’augmentation du nombre de
cellules ou de la masse cellulaire.
La croissance des microorganismes qui est le résultat de la multiplication des cellules
qui dans le cas des microorganismes est généralement asexuée et binaire.

IV.1. Évaluation de la croissance

23
La mesure de la croissance microbienne exige la numération du nombre de
microorganismes dans le milieu ou l’évaluation de la population microbienne qu’on désire
étudier. Plusieurs méthodes d’évaluation de la croissance ont été mise au point, chacune
d’elle ayant ses avantages et inconvénients. Celles-ci peuvent être rangées en deux
groupes :
- Les méthodes directes
- Les méthodes indirectes
L’ensemble de ces méthodes sur lesquelles nous n’insisterons pas ayant été décrit en
microbiologie générale, seules les méthodes permettant à l’industriel d’évaluer l’activité du
microorganisme recherchée dans les délais de temps réduits peuvent être exploitées s dans
les unités de production

IV.2. Action de l’environnement sur la croissance

Les microorganismes ne se développent que lorsque certaines conditions physico-


chimiques de l’environnement sont satisfaites. Par conséquent la conduite d’un procédé de
fermentation nécessite non seulement la sélection d’une bonne souche mais ensuite la
connaissance de l’effet des paramètres de l’environnement sur la croissance et la
production des métabolites. Les facteurs de l’environnement ayant une grande influence
dans l’industrie sont la température, le pH et la concentration en substrat et en oxygène

a) La Température

La croissance microbienne étant le résultat d’une série de réactions chimiques, celle-


ci (comme toute réaction chimique) est par conséquent influencée par la température.
Chaque microorganisme a en effet une température optimale de croissance, bien qu’il soit
capable de se développer dans un intervalle de température large. La connaissance de
cette température optimale est essentielle en industrie pour l’obtention des rendements
élevés. Ce qui justifie la présence des systèmes de régulation de température
indispensables en industrie pour maintenir constante les températures de production.
Rappelons qu’en fonction de leur température optimale, les microorganismes sont rangés
dans trois grandes catégories :
- Les psychrophiles

24
- Les mésophiles
- Les thermophiles
Industriellement, les microorganismes thermophiles présentent l’avantage de limiter le
développement de nombreux contaminants qui sont majoritairement des germes
mésophiles et qui ne peuvent par conséquent se développer à des hautes températures.
Malheureusement en raison du cout énergétique élevé lié au maintien des cultures à des
températures élevées les souches mésophiles sont préférées aux souches thermophiles.

b) Le pH ou l’acidité

Chaque microorganisme a une préférence pour certaines valeurs de pH. Aussi faut-il
ajuster le milieu à la valeur favorisant l’activité cellulaire souhaitée. C’est ainsi qu’on pourra
par une valeur de pH donnée stimuler la synthèse cellulaire, puis ajuster la production du
métabolite souhaité.

Le constat fait dans l’industrie et la tendance observée lors des cultures


microbiennes est celle de l’acidification du milieu dans le temps. Cette variation observée
par des systèmes de contrôle est corrigée par l’addition dans le milieu d’agent neutralisant
tel que la soude. Les pH alcalins sont d’une manière générale néfaste aux microorganismes.
La valeur limite étant de l’ordre de 9. Les microorganismes se développent en général entre
les pH 4 et 8, avec un optimum de 7 pour les bactéries et de 5 pour les champignons.

c) Le Substrat

Durant le cycle de croissance microbienne, il existe une phase exponentielle durant


laquelle la vitesse de croissance est constante. On peut donc penser que si les conditions
du milieu restaient invariables dans le temps ceux-ci se multiplieraient indéfiniment. Donc si
en phase exponentielle la croissance peut être considérée comme indépendante de la
concentration du milieu, lorsque celle-ci varie ou diminue jusqu’à une certaine valeur la
croissance devient dépendante du substrat. Autrement dit lorsque le substrat est limitant,
la croissance est liée à la concentration en substrat.

Monod a montré que la croissance d’un microorganisme dans ces conditions est
fonction de la concentration en substrat.

25
𝑑𝑥
= 𝑓(𝑋. 𝑆)
𝑑𝑡

X= masse de cellule par unité de volume.

Les résultats obtenus par Monod lors de ces expériences en présence de facteur
nutritionnels limitant ou de substrat limitant lui ont permis d’obtenir après représentation
graphique une courbe similaire à celle d’une cinétique enzymatique de Michaelis-Menten.

Conclusion
La croissance des microorganismes étant proportionnelle à la concentration des
constituants du milieu, une formulation judicieuse des ingrédients tant sur le plan
quantitatif que qualitatif s’impose pour une meilleure croissance. D’une manière générale
les ingrédients sont des sous-produits d’autres industries dont la composition est variable. Il
en résulte pour le développement des microorganismes et le contrôle de la fermentation les
conséquences suivantes :
 Un milieu de culture équilibré nécessaire pour la production maximale. Par
conséquent un supplément de certains éléments critiques doit être utilisé si cela est
nécessaire.
 Une adaptation constante du milieu de culture au type (ou processus) de
fermentation. En effet de nouveaux substrats doivent être minutieusement évalués
lors des essais de fermentation avant d’être utilisé en production.
 En plus des rendements du produit, l’extraction du produit doit être examinée lors
des essais de fermentation.
 Si la répression catabolique ou la répression par le phosphate ne peut être éliminé
par une optimisation des nutriments du milieu ou une bonne gestion de la
fermentation (Exemple : l’alimentation) il faudrait peut-être utiliser les mutants
déréglés comme souche microbienne.
 Entre le coût du matériel et le rendement du produit, il faudrait considérer si le
matériel utilisé est disponible en grande quantité et sans coût élevé de transport et
si les impuretés pourraient limiter la purification ou l’extraction du produit et
augmenter les coûts de purification.

26

Vous aimerez peut-être aussi