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de Science
Fragments
de Science
Volume 2
L’Ulva lactuca
La malachite
Le Hyaenodon brachyrynchus
Les tuyaux sonores
La loi de Planck
Dans la collection
Fragments de Science, volume 1, « Le Drosera rotundifolia – La pyrite –
Le Nautilus – Le prisme de Newton – L’équation de D’Alembert », ISBN :
978-2-7598-2708-4 (2022)
Fragments de Science, volume 3, « L’Isatis tinctoria – Le quartz – Les
Calamites suckowi – L’anneau de S’Gravesande – Pi », ISBN : 978-2-7598-
2712-1 (2022)
Imprimé en France
ISBN (papier) : 978-2-7598-2710-7
ISBN (ebook) : 978-2-7598-2711-4
5
Sommaire
Préface...................................................................................................................... 9
Avant-propos....................................................................................................... 11
1. L’Ulva lactuca.............................................................................................. 13
2. La malachite................................................................................................. 27
3. Le Hyaenodon brachyrynchus........................................................ 43
4. Les tuyaux sonores.................................................................................. 57
5. La loi de Planck.......................................................................................... 69
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Préface
9
Fragments de science – Volume 2
Jean-Marc Broto
Président de l’université Toulouse III – Paul Sabatier,
le 1er mars 2022
1. http://www.fragmentsdescience.com
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Avant-propos
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L’Ulva lactuca
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Fragments de science – Volume 2
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L’Ulva lactuca
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Fragments de science – Volume 2
3. Apports anthropiques.
4. Cellule issue de la fécondation.
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L’Ulva lactuca
IDENTIFICATION
Dans l’Antiquité, on connaît peu d’algues, faute de possibi-
lités et de moyens d’observation. Dans son Histoire naturelle5,
Pline l’Ancien consacre quelques lignes à ce qu’il nomme le
« bryon marin6 », une plante portant des feuilles semblables à
celles de la laitue, il est « rugueux et comme resserré sur lui-même,
sans tige, les feuilles s’échappant du haut de la racine ». Ce bryon
pousse principalement sur les rochers et sur les coquillages
« engagés dans le sable ».
Carl von Linné, en 1753, donne la description qui fait réfé-
rence pour la classification mais il reste beaucoup de zones
d’ombre. Dans sa Flore française, en 1778, le chevalier de
Lamarck7 résume « l’étendue » des connaissances concernant
les algues : « Substance aplatie, membraneuse, et qui sous diverses
ramifications, s’étend en longueur, et produit des cupules flori-
formes. Fructification absolument inconnue et insensible8. » En
1805, dans une réédition de sa Flore augmentée de nouvelles
informations et réalisée avec des apports de M. de Candolle9,
on lit pour les généralités concernant les ulves : « Je réunis sous
ce genre les algues membraneuses, dont les graines ou capsules sont
éparses sous l’épiderme, n’aboutissent à aucun conduit externe et
ne peuvent sortir que par la destruction de la feuille elle-même. »
Et encore beaucoup d’incertitudes : « Ce genre comprend des
plantes fort hétérogènes ; les unes sont tubuleuses, d’autres sont
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Fragments de science – Volume 2
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L’Ulva lactuca
MISE EN HERBIER
La conservation pour ces végétaux si particuliers a exigé
la mise au point d’une méthode très précise. Le naturaliste
Arthur Eloffe13 décrit les trois opérations de la mise en
herbier : le lavage de la plante, son application sur le papier,
et enfin sa dessiccation.
• Phase 1 : « On prend une petite cuve percée à sa partie infé-
rieure pour laisser écouler l’eau, on y place une claire-voie
formée de toile à tamis ; la cuve étant remplie de manière à
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L’Ulva lactuca
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L’Ulva lactuca
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L’Ulva lactuca
LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE
L’Ulva lactuca contribue, comme d’autres algues, aux
phénomènes de marées vertes, d’eutrophisation, et en consé-
quence à la réduction de la biodiversité. L’eutrophisation
peut être « assimilée à l’indigestion d’un écosystème ayant
emmagasiné tellement de nutriments qu’il n’est plus en mesure
de les décomposer par lui-même », résume Gilles Pinay, direc-
teur de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes22.
Les sociétés industrielles rejettent en quantité nitrates et
phosphates, et les ulves s’en nourrissent. Le phénomène
prend véritablement une dimension planétaire vers la fin
du xixe siècle, avec l’émergence des grandes agglomérations
et surtout la prolifération des zones industrielles. Dans les
années 1970, la première crise sera en partie amortie avec
la réduction, puis l’interdiction, des phosphates dans les
lessives. Au début xxie siècle, nouvelle alerte, mais c’est le
milieu marin qui est cette fois plus spécifiquement touché.
En l’espace d’une quarantaine d’années, le nombre et l’em-
prise des zones hypoxiques (à faible concentration d’oxy-
gène) et anoxiques (sans oxygène du tout) a triplé à l’échelle
du globe. En France, la Bretagne est particulièrement concer-
née, mais c’est en associant cette question à celle des marées
vertes23 que le sujet arrive enfin au premier plan. Les respon-
sabilités sont partagées entre cultures et élevage intensifs
d’une part et, de l’autre, réchauffement climatique : activité
humaine, toujours !
Mais si elle est quelquefois sources de problèmes, elle
peut aussi devenir ressource dans plusieurs domaines. Des
recherches sont en cours pour chercher à valoriser les masses
22. Grégory Fléchet, « Quand les écosystèmes saturent », CNRS le Journal, 2017.
23. Les émanations de sulfure d’hydrogène qui en résultent ont déjà pro-
voqué le décès de plusieurs personnes.
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La malachite
26. Léon Golzan, Balzac chez lui, Paris, Michel Levy Frères, 1863.
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La malachite
NATURE
C’est un carbonate hydraté de cuivre (Cu2(OH)2CO3), on la
trouve à l’état naturel sous forme d’encroûtements mamelon-
nés avec de belles nuances vertes. Elle est constituée de petits
cristaux en forme d’aiguille disposés en structure radiée. De ce
fait, les masses compactes sont souvent sciées et polies pour
montrer de belles surfaces finement zonées qui varient du vert
pâle au vert foncé parfois irisé de mauve. De système monocli-
nique27, sa dureté sur l’échelle de Mohs est de 3,5 à 4 (sur une
échelle de 1 à 10), son poids spécifique28 de 3,75 à 4. D’éclat
vitreux à soyeux, elle est translucide à opaque ; sa cassure est
parfois avec de petits éclats (esquilleuse). La malachite est un
minéral secondaire29 des zones d’oxydation des gisements de
cuivre. On la trouve donc dans ces gisements, un peu partout
sur la planète, mais en quantité et en qualité très différentes.
L’origine du terme est toujours discutée. Il est présenté
quelquefois comme dérivé de malakos en grec qui signifie
« mou », et ferait donc référence à la tendreté de la pierre. Le
plus souvent, on la dit composée de malak et de lithos. Lithos
c’est la pierre, et malak c’est une fleur très commune en Grèce :
la mauve. Or la malachite est verte. Certains spécialistes ont
suggéré que l’homonymie viendrait des vertus similaires attri-
buées à la plante et à la pierre, hypothèse peu convaincante.
C’est donc du côté des feuilles qu’il faut se tourner, et il faut
même les retourner pour comprendre : les fruits de la mauve,
les akènes, se forment au dos des feuilles en petites meules que
l’on appelle fromageons qui rappellent assez les motifs circu-
laires que l’on retrouve sur la malachite. La démonstration
semble cette fois, beaucoup plus probante.
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La malachite
FABRIQUER UN SIMILI
« Si la malachite n’était pas si rare, elle fournirait un des plus
beaux verts que l’on connaisse. Cette couleur est toute préparée par
la nature » : on a donc cherché une solution, et heureusement,
on a « trouvé des moyens de faire de la malachite artificielle ». Et
voilà la recette : « J’ai dissous du cuivre par l’alkali volatil dégagé du
sel ammoniac, par le moyen de l’alkali fixe, en laissant cette dissolu-
tion, qui est d’un beau bleu d’azur, exposée à l’air dans un vaisseau.
L’alkali, décomposant la matière grasse, reste inhérent au cuivre, &
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Fragments de science – Volume 2
32. Henri Becquerel, « Sur les moyens de produire à l’aide de forces élec-
triques très faibles, de la Malachite semblable à celle que l’on trouve dans
la nature », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des
sciences, tome 1, 1835, p. 5-22. Cristallographie, Séance du 3août 1835
33. Henri Becquerel, op.cit.
34. Henri Becquerel, Mémoires sur de nouveaux développements relatifs aux
effets chimiques produits au contact des solides et des liquides, Mémoire de
l’Académie des sciences de l’Institut de France, tome 23, 1852, p. 379.
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La malachite
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La malachite
37. Daniel Le Fur, Les pigments dans la peinture égyptienne, Paris, CNRS
Éditions, 2002.
38. Le noir, couleur du limon fertile apporté par la crue annuelle du Nil,
est en effet fortement lié à la symbolique de la renaissance. Le limon
déposé sur les berges permettait aux cultures égyptiennes de « renaître »
après une saison de sécheresse où les plantes semblaient « mourir ». Ce
limon, vital pour un peuple d’agriculteurs, donnera le nom ancien de
l’Égypte, Kmt (Kemet), « la (terre) noire ».
39. Il est le premier à enseigner l’archéologie préhistorique en 1882
d’abord à la faculté des sciences de Toulouse puis à la faculté des lettres à
partir de 1890 jusqu’à sa mort en 1921.
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La malachite
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La malachite
50. « Pièces envoyées par l’empereur de Russie, pour une exposition aux
Tuileries », op. cit.
51. Idem.
52. Avec un mastic chaud, composé de cire et de colophane.
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La malachite
53. Alphonse Esquiros, Paris ou les sciences, les institutions et les mœurs au
xixe siècle, tome 1, Comptoir des Imprimeurs unis, 1847, p. 38-41.
54. Alexis de Valon, « Le Tour du monde à l’exposition de Londres », Revue
des Deux Mondes, nouvelle période, tome 11, 1851, p. 193-228.
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Le Hyaenodon
brachyrynchus
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Le Hyaenodon brachyrynchus
LA DÉCOUVERTE
Sa vie de fossile commence par sa découverte en 1839.
Deux scientifiques vont se pencher sur cette tête. Félix
Dujardin58, en 1840, puis Henri de Blainville59, un peu plus
tard. Ce Hyaenodon est un fossile « trouvé presque entier »,
« au bord du Tarn, près de Rabastens » et plus précisément
près d’une « des tuileries, au niveau de la plaine alluviale du
Tarn, vraisemblablement non loin du lieu-dit Toutoure où de
considérables masses d’argile furent exploitées » ; en effet,
« ces argiles souvent sableuses affleurent dans la vallée ». « Il
était enfoui dans une marne sablonneuse et micacée d’un gris
verdâtre, laquelle fait partie du terrain tertiaire moyen. La tête
seule fût conservée et fait partie de la collection de la Faculté
des sciences de Toulouse. »60 En réalité, c’est Albert Moquin-
Tandon61 qui a trouvé cette tête « chez un particulier de notre
ville62 » et qui l’a fait acheter par la faculté pour la somme de
12 francs63.
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Fragments de science – Volume 2
LES DESCRIPTIONS
Dujardin a publié la première note64, et donc la première
description : « L’arrière palais » se prolonge en arrière,
la crête sagittale (crête osseuse sur le sommet du crâne à
l’emplacement de la suture sagittale) permet de dire que le
mammifère est doté de muscles masticatoires d’une force
exceptionnelle, les os nasaux et l’os lacrymal sont très déve-
loppés, l’inclinaison des sutures font un pariétal (entre le
temporal et l’occipital) de forme triangulaire, les trous-or-
bitaires (orifices sous les cavités contenant les yeux pour le
passage des vaisseaux sanguins et des nerfs) ressemblent
à celui des chiens mais placés au-dessus de la troisième
molaire. La mâchoire inférieure est, écrit-il, très similaire de
celle du Hyaenodon de Laizer et Parieu, avec toutefois « des
dents un peu plus fortes et plus saillantes » (ce qui « pourrait
tenir de l’âge et du sexe »), et une carnassière plus longue
(20 mm contre 17 mm). Cette mâchoire porte encore cinq
incisives (sur 6). Ces incisives sont implantées de sorte
« qu’elles se rencontrent à leur sommet ». On voit aussi six
molaires supérieures.
Blainville va compléter et affiner la description : « cette
tête à peu près complète quoique écrasée, était, à ce qu’ont dit
les ouvriers, accompagnée d’un squelette presque entier, qui a
malheureusement été détruit et perdu ». Dans cette descrip-
tion officielle, on en apprend un peu plus : « La tête […] à
laquelle manquent seulement la partie occipitale et les arcades
zygomatiques, a été singulièrement comprimée obliquement
dans toute sa longueur, en sorte que le côté droit semble avoir
glissé sur le gauche qui est aussi plus élevé, et que le chanfrein
et le palais sont obliques ; la mâchoire inférieure est placée et
64. Note publiée dans le Compte rendu des séances de l’Académie des Sciences
de Paris, janvier 1840, p. 134.
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Le Hyaenodon brachyrynchus
ses dents entrecroisées avec celles d’en haut, d’une manière fort
serrée, comme si l’animal était mort dans un état de convulsion
tétanique65. »
Il donne ensuite une description très détaillée du crâne,
puis il s’attarde très longuement, et très précisément, sur la
mâchoire car « ce qui rend surtout cette tête fort remarquable,
c’est la force et l’épaisseur de ses appendices maxillaires ». De
plus, « le système dentaire est au moins aussi remarquable que
les appendices sur lesquels il s’implante ». Les avant-molaires
sont « parfaitement entrecroisées en avant », les arrière-mo-
laires imbriquées « d’une manière complète latéralement » (les
inférieures par les supérieures), toutes « devenant entière-
ment carnassières ». Suit alors une description des 3 paires
d’incisives en haut, puis des 3 paires du bas, des canines
robustes, des 6 molaires du haut et des 7 du bas.
HYPOTHÈSES D’IDENTIFICATION
Dujardin a comparé ce fossile avec « la figure d’une mâchoire
inférieure donnée par MM. Laizer et de Parieu », ce qui, pour lui,
amène à penser que « ces deux pièces appartiennent à une même
espèce de Hyaenodon », de même que « les ossements fossiles
d’un carnassier du gypse de Montmartre que G. Cuvier avait
rapproché des Coatis66 ».
Blainville, dans sa première publication, ne prend pas
position puisque « n’ayant pas vu la pièce intéressante dont M.
Dujardin était en possession, et ne la connaissant que par une
description sans doute abrégée et sans figures », il ne peut, dit-il,
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Le Hyaenodon brachyrynchus
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LE DIFFÉREND PARIS/TOULOUSE
Pourquoi y a-t-il eu une description en deux temps ?
Pourquoi la description officielle réalisée par Blainville est
publiée si longtemps après la découverte et la première note
de Dujardin ? Parce que les relations Paris-Province n’étaient
visiblement pas toujours faciles au xixe siècle, et que l’intérêt
scientifique passait quelquefois au second plan. C’est par les
écrits de Blainville que cette histoire nous parvient : « Je lui
avais fait écrire [à Dujardin] par un ami commun, M. de Roissy,
pour le prier de me confier cette pièce intéressante, mais il n’a pu
le faire, la pièce étant restée à Toulouse, dans la collection de la
faculté des sciences à laquelle elle appartient, et qui, malgré les
plus vives insistances de ma part, n’a pas cru devoir s’en dessaisir,
ni même m’en procurer un moule75. »
Cette première publication est ponctuée d’allusions à ce
manque : « La forme générale de la tête n’est pas indiquée dans la
note citée : je sais seulement, d’après ce que m’en a dit M. de Roissy
qui l’a vue, qu’elle était fortement étranglée en arrière des orbites
[…] seulement il paraît que [la mandibule] était plus courte. » Par
conséquent, le papier est une redite de « l’observation de M.
Dujardin, [qu’il] continue de copier » : la découverte est suffisam-
ment importante pour qu’il livre tout de même, une descrip-
tion par « ouï-dire » en quelque sorte.
Il veut voir ce fossile, et il demande à Auguste de Saint-
Hilaire76 d’intercéder en sa faveur, et celui-ci sollicite Moquin-
Tandon à Toulouse, qui lui, a très envie d’être recruté à Paris.
Echange de bons procédés. Mais l’affaire n’est pas si facile : le
doyen à Toulouse s’oppose à cet envoi. D’autre part le nouveau
professeur de zoologie, a fait valoir que si Blainville voulait
ce fossile c’est qu’il devait être intéressant, et il se propose
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Le Hyaenodon brachyrynchus
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Le Hyaenodon brachyrynchus
84. Gaston Astre, Sur la présence d’un Hyaenodon dans les molasses qui
bordent la rive droite de la Garonne, in Bulletin de la société géologique de
France, 1926, 4ème série, tome 26, pp.389 à 393
85. Ibid.
86. B. Muratet, F. Duranthon, B. Lange-Badré et J. Riveline, Op Cit.
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Les tuyaux sonores
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Les tuyaux sonores
DESCRIPTION
Les tuyaux sonores sont de taille et de forme différentes et
permettent d’étudier les ondes sonores et acoustiques.
Ils sont composés de quatre parties essentielles87 : le porte-
vent (petite pièce à l’intérieur du tuyau, par lequel l’air va entrer
dans le tuyau, qui est en forme de cône renversé), le corps du
tuyau, la languette taillée en biseau qui coupe le vent, et enfin
les oreilles qui sont de petites lames fixées sur les côtés des
tuyaux et qui viennent ouvrir ou fermer une ouverture pour
faire varier la hauteur des sons. La languette sert de langue
à la bouche du tuyau (l’ouverture) « pour le faire parler » et les
oreilles semblent écouter « si les tuyaux sont d’accord ».
Il existe des tuyaux ouverts et des tuyaux fermés qui
peuvent être à embouchure (comme pour une flûte), à anche
libre (qui ne bute nulle part comme dans un harmonica), à
anche battante (fixée et vibrant contre une paroi, comme sur
le bec des saxophones).
HISTOIRE ACOUSTIQUE
Au vie siècle avant notre ère, les Pythagoriciens étudient
le rapport entre nombres et sons, et vont déterminer la
valeur des intervalles de l’échelle musicale, que l’on appelle
aujourd’hui la gamme de Pythagore. Musique et mathéma-
tiques sont liées, Aristote y ajoute la physique en s’intéres-
sant à la nature du son. L’acoustique doit ensuite, en grande
partie à Marin Mersenne et à Daniel Bernoulli, « la découverte
des lois qui régissent les vibrations dans les tuyaux sonores88 ».
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Les tuyaux sonores
OBSERVATIONS
Au fil du temps, l’étude des tuyaux sonores et les expéri-
mentations menées ont permis d’émettre nombres d’obser-
vations, d’identifier des « règles » qui permettront ensuite de
formuler des lois.
• La hauteur des sons dépend de la longueur du tuyau. Pour
deux tuyaux identiques, mais dont l’un est deux fois plus
long que l’autre, le nombre de vibrations du grand sera
deux fois moindre ; le petit donnera donc deux fois plus
de vibrations que le grand, et le son sera une octave plus
haut que celui du grand. (Mersenne)
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Les tuyaux sonores
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Figure 11 La flûte connue la plus ancienne, Divje Babe flute, Musée natio-
nal de Slovénie à Ljubjana. © Thilo Parg, Creative Commons.
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Les tuyaux sonores
RECHERCHE APPLIQUÉE
Si les tuyaux sonores sont un support essentiel pour l’ex-
périmentation en acoustique, ils ont été mis à contribution
pour tenter de résoudre quelques problèmes pratiques. En
189394, par exemple, M. Hardy invente le forménophone,
instrument qui pourrait prévenir des coups de grisou dans
les mines. C’est un article de La Dépêche du 7 décembre 1895
qui signale cette innovation : il a « combiné un appareil dont les
93. Henri Bouasse, Cours de physique : conforme aux programmes des certifi-
cats et de l’agrégation de Physique, 5e partie, Delagrave, Paris, 1907, p. 214.
94. Ferdinand Faideau, La science curieuse et amusante, Tallandier, Paris,
1902.
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Les tuyaux sonores
AILLEURS
Dans la doctrine confucianiste97, la musique est un moyen
de gouverner l’État. On s’appuie sur deux principes fonda-
mentaux : la musique est la manifestation des émotions
96. Il est probable que les facultés obéissaient aux mêmes exigences, hypo-
thèse confirmée par les travaux de Daguin puis de Bouasse, tous deux
professeurs à la faculté des sciences de Toulouse : pour réaliser les démons-
trations acoustiques dont ils ont rendu compte dans leurs ouvrages, ils
avaient besoin a minima de tout cet équipement en tuyaux sonores.
97. Vladislav Sissaouri, « L’influence chinoise sur la formation du roman
japonais au xe siècle. L’Utsuho-monogatari », Études chinoises, année 1987,
6-1, p. 7-28.
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La loi de Planck
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La loi de Planck
UN « PETIT NUAGE »
En avril 1900, William Thomson, alias Lord Kelvin, dans un
discours devant le Royal Institut à Londres, reprend l’idée assez
répandue à l’époque98 qu’il ne reste que deux petits problèmes
à résoudre pour la physique « deux petits nuages à l’horizon ».
Et il prédit d’ailleurs que ces éclaircissements ne sauraient
tarder. L’un d’eux concerne l’existence de « l’éther » (ce supposé
support matériel de propagation de la lumière)99, et l’autre le
rayonnement du corps noir. Il est vrai que, depuis deux siècles,
on a pu établir des lois et produire les outils qui permettent
d’expliquer la plupart des phénomènes : lois du mouvement
des corps, gravitation universelle, théorie ondulatoire de la
lumière, auxquelles s’ajoutent l’émergence de l’électromagné-
tisme et de la thermodynamique. La tentation d’imaginer la fin
de la physique théorique refait surface.
La prédiction de celui qui a donné son nom au système inter-
national de température en thermodynamique, va se vérifier
dans les mois qui suivent à propos du rayonnement du corps
noir, et c’est tout un monde, tout un système de pensée qui se
dessinent : l’horizon, loin d’être dégagé, va devenir en réalité
bien plus nébuleux. Tous ces « prophètes » auraient dû écouter
la mise en garde de Francis Bacon deux siècles plus tôt : « La
subtilité des opérations de la nature surpasse infiniment celle des
sens et de l’entendement100. » Et le nuage devient noir…
98. « In the clear blue sky of physics there remained on the horizon just two
small clouds of incomprehension that obscured the beauty and clearness »,
dans l’ouvrage Nuages du xixe siècle sur la théorie dynamique de la chaleur et
de la lumière, Londres, Royal Institution, 27 avril 1900.
99. Échec de l’expérience de Michelson-Morley qui visait à en faire la
démonstration.
100. Francis Bacon, Novum Organum, 1620, Traduction par F. Riaux
(Nouvel Oraganum), Charpentier, 1843 (2, p. 7-82).
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Fragments de science – Volume 2
LE CORPS NOIR
Le céramiste anglais Josiah Wedgwood avait remarqué, dès
1792, que, si on chauffe un morceau de métal, la température
à laquelle il change de couleur est toujours la même, quel que
soit le métal. Du point de vue expérimental, on sait donc qu’un
corps chauffé devient rouge à 600 °C, puis jaune à 1 000 °C,
puis blanc à 2 000 °C. Voilà pour le spectre visible. Mais que
se passe-t-il au-delà ? En dessous de 600 °C, il rayonne dans
l’infrarouge, au-dessus de 2 000 °C il rayonne dans l’ultraviolet.
On sait aussi qu’un corps chaud va chauffer un corps froid par
le rayonnement qu’il émet : c’est le cas du soleil, mais aussi
d’un radiateur, ou d’un four. Chaleur, lumière, couleur, éner-
gie : la thermodynamique qui étudie les transformations de
l’énergie doit pouvoir traduire en langage mathématique ces
phénomènes physiques. En 1860, Gustav Kirchhoff propose
un modèle : on prend une enceinte fermée dont les parois sont
noires, un four par exemple, ces parois vont absorber toutes
les couleurs du rayonnement (les composantes spectrales). On
maximise ainsi les interactions entre la matière (les parois), et
le rayonnement. Au bout d’un certain temps, après de multiples
interactions, le four atteint un équilibre thermodynamique, un
équilibre entre matière et lumière directement lié à la tempé-
rature interne du four. Si l’on perce un petit trou pour obser-
ver et mesurer le rayonnement, on constate que les couleurs
de ce rayonnement (le spectre lumineux) ne dépendent que de
la température du four, et cela, quelle que soit la nature des
parois (la matière) : c’est ce qu’énonce la loi de Kirchhoff… et
le modèle du « corps noir » est né. Ce corps noir qui absorbe
toutes les radiations est, depuis 1880, sur les paillasses des
physiciens qui étudient son rayonnement.
La couleur du rayonnement ne dépend que de la température,
et pas de la nature du corps, de sa composition : autrement dit,
on a un invariant. Donc, pour les physiciens en général, et pour
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La loi de Planck
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La loi de Planck
conférence, 2015.
107. Léna Soler, « Les origines de la formule de Planck, ou comment l’ana-
logie est vecteur de nouveauté », Philosophia Scientiae, 5 (2), 2001, 89-123.
108. Passer à la limite et faire tendre l’élément de discrétisation vers 0,
pour tendre à nouveau vers un système continu.
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La loi de Planck
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La loi de Planck
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POSTÉRITÉ
En 1918, Max Planck se voit décerner le prix Nobel « en
reconnaissance des services qu’il a rendus à l’avancement de la
physique par sa découverte des quanta d’énergie117 ». Le prix
lui est officiellement remis l’année suivante. Depuis 1929, il
existe en Allemagne un prix qui porte son nom, la médaille
Max Planck, pour couronner un travail en physique théorique
et il en a été le premier lauréat, avec Albert Einstein. Depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale, la Société Kaiser Wilhelm
Gesellschaft, une des principales institutions de recherche
allemandes hors université, est devenue la Société Max Planck
et compte pas moins de 83 instituts couvrant la plupart des
domaines de recherche. Enfin, en 2009, l’Agence spatiale euro-
péenne a donné son nom à un satellite : la mission Planck s’est
achevée en 2013.
Max Planck reste, dans l’histoire de la physique, comme
celui qui est à l’origine d’un bouleversement considérable.
C’est parce qu’il a voulu consciencieusement ajuster théorie
et expérience, en recherchant la loi universelle qui lève les
doutes, démontre, résout, qu’il a remis en cause des fonde-
ments auxquels il était lui-même très attaché. Il est devenu
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La loi de Planck
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