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Sous la direction de Xavier Coumoul

Toxicologie
Illustration de couverture : © Cinematographe – Fotolia.com

© Dunod, 2017
Nouvelle présentation 2019
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-080795-6
Les auteurs

Pascal Andujar
Professeur des universités et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’uni-
versité Paris-Est Créteil (Paris XII)

Armelle Baeza-Squiban
Professeur des universités en toxicologie environnementale à l’université Paris Diderot
(Paris VII)

Robert Barouki
Professeur des universités et praticien hospitalier en toxicologie moléculaire à l’université
Paris Descartes (Paris V)

Laurent Bodin
Pharmacien et docteur en toxicologie de l’université Paris Descartes (Paris V), manager
de projets scientifiques à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-
tation, de l’environnement et du travail)

Lucie Chevillard
Docteur en toxicologie, maître de conférences en pharmacocinétique à l’université Paris
Descartes (Paris V)

Xavier Coumoul
Professeur des universités en toxicologie moléculaire à l’université Paris Descartes
(Paris V)

Xavier Declèves
Professeur des universités et praticien hospitalier en pharmaco-toxicologie à l’université
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Paris Descartes (Paris V)

Robert Garnier
Maître de conférences et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’université
Paris Diderot (Paris VII)

Francelyne Marano
Professeure émérite en biologie cellulaire et toxicologie à l’université Paris Diderot
(Paris VII), vice-présidente de la commission spécialisée risques liés à l’environnement
(CSRE) au Haut conseil de santé publique (HSCP)

III
Les auteurs

France Massicot
Maître de conférences émérite à la faculté de pharmacie Paris Descartes (Paris V)

Jean-Claude Pairon
Professeur des universités et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’uni-
versité Paris-Est Créteil (Paris XII)

Avec la collaboration de

Didier Jean
Chargé de recherches - INSERM UMR 1162 « Génétique fonctionnelle des tumeurs
solides » à Paris

Marie-Claude Jaurand
Directrice de recherches émérite - INSERM UMR 1162 « Génétique fonctionnelle des
tumeurs solides » à Paris

Antoine Villa
Praticien hospitalier au centre antipoison de Paris - Hôpital Fernand Widal (Assistance
publique - Hôpitaux de Paris)

Jérôme Langrand
Praticien hospitalier au centre antipoison de Paris - Hôpital Fernand Widal (Assistance
publique - Hôpitaux de Paris)

Marie-Thérèse Lecam
Praticien hospitalier en dermatologie-allergologie à l’unité de pathologie professionnelle
du centre hospitalier intercommunal de Créteil

IV
Table des matières

1 Introduction : sur le chemin d’une nouvelle


toxicologie 1

1. Un peu d’histoire 1

2. Les scandales sanitaires et l’évolution de la toxicologie 4

3. Vers une nouvelle toxicologie 5


3.1 Une toxicologie systémique 6
3.2 La toxicologie des faibles doses 6
3.3 La toxicologie des cocktails 6
3.4 La toxicologie des temps longs 7
3.5 La toxicologie des cibles vulnérables 8

4. Conclusion 8

L’essentiel 9

2 Principales voies d’entrée des toxiques


et mécanismes de contamination ou d’absorption 11

1. Les mécanismes d’échange membranaire 14


1.1 Les principales phases du devenir d’un xénobiotique au niveau cellulaire 14
1.2 Les principaux mécanismes de passage des composés
à travers des barrières de l’organisme 16
1.3 Descripteurs physicochimiques du passage membranaire
passif des xénobiotiques 17
1.4 Les mécanismes de transport de composés à travers
les membranes biologiques 18

2. Superfamille des transporteurs SLC : nomenclature,


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

classification, localisation cellulaire et tissulaire, fonctions 19

3. Superfamille des transporteurs ABC : nomenclature,


classification, localisation cellulaire et tissulaire, fonctions 20

4. Les voies d’exposition 21


4.1 La voie digestive 21
4.2 La voie respiratoire : inhalation 23
4.3 La voie cutanée ou percutanée 27

L’essentiel 33

V
Table des matières

3 Distribution des xénobiotiques dans l’organisme 35

1. Les espaces corporels et physiologiques 36

2. La partition sang-tissus des xénobiotiques 36

3. Le volume de distribution d’un xénobiotique 37

4. Conséquence du volume de distribution sur les paramètres


pharmacocinétiques observés 39

5. Facteurs de variabilité du volume de distribution 40


5.1 Perfusion des organes 40
5.2 Perméabilité membranaire 41
5.3 La liaison aux protéines sanguines et tissulaires 42

6. Notion de clairance de distribution 43

7. Les barrières internes de l’organisme 44

L’essentiel 47

4 Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques 49

1. Les enzymes de phase I 50


1.1 Les cytochromes P450 50
1.2 Les époxyde hydrolases 53

2. Les enzymes de phase II 53


2.1 Les glutathion-S-transférases 53
2.2 Les UDP-glucuronosyltransférases 54
2.3 Les sulfotransférases 54
2.4 Les N-acétyltransférases 54

3. Les transporteurs de phase III 54

4. Production de métabolites toxiques par le


métabolisme des xénobiotiques 55
4.1 L’activité des CYP1 : génératrice de stress oxydant 57
4.2 L’activité des CYP1 : génératrice de métabolites toxiques 58
4.3 L’activité des CYP1 : rôle biologique des molécules « toxiques » 59

5. Un métabolisme plus ou moins protecteur : l’apport


des modèles KO 59

6. Différences inter-espèces et intra-espèces 61


6.1 Différences intra-espèces 61
6.2 Différences inter-espèces 62
6.3 Les souris « humanisées » 62

VI
Table des matières

7. Quelques exemples d’utilisation 64


7.1 Le métabolisme des amines hétérocycliques 64
7.2 Le métabolisme de la débrisoquine 66

8. Conclusion 67

L’essentiel 68

5 Mécanismes d’action et voies de signalisation


activées par les toxiques 69

1. Mécanismes généraux modulés


par les xénobiotiques 70

2. Voies de signalisation modulées


par la réactivité des xénobiotiques 72
2.1 Les différentes formes de réactivité 72
2.2 Le stress oxydant 72
2.3 Une voie de signalisation en lien avec le stress oxydant : Nrf2 74
2.4 L’adductome 75

3. Voies de signalisation modulées par la liaison à


des récepteurs 76
3.1 Mécanismes généraux activés par les xénobiotiques à la suite
de la liaison à une protéine cible 76
3.2 Mécanismes généraux d’activation des récepteurs de xénobiotiques 77
3.3 Les différents récepteurs de xénobiotiques 78
3.4 Perturbation endocrinienne et récepteurs nucléaires 82
3.5 Des voies de signalisation alternatives 83

4. Conclusion 84

L’essentiel 86

6 Approches méthodologiques 87
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1. Modèles in vivo : utilisation des animaux de laboratoire 89


1.1 Les différents modèles animaux 89
1.2 Les modalités d’exposition : voies et durée/fréquence 89
1.3 Paramètres toxicologiques étudiés 90
1.4 Intérêts et limites des études de toxicité chez l’animal 91

2. Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules 93


2.1 Types de cellules : cellules primaires – lignées cellulaires 93
2.2 Méthodes de culture : 2D – 3D – co-cultures 95
2.3 Paramètres toxicologiques étudiés 96
2.4 Intérêts et limites des cultures cellulaires 97

VII
Table des matières

3. Modèles in silico : approche non expérimentale 98


3.1 SAR et QSAR 99
3.2 Les modèles toxicocinétiques classiques et PBPK
(Physiology-Based PharmacoKinetics) 99

4. La toxicologie prédictive 104


4.1 Concept d’AOP 104
4.2 Stratégie d’analyses intégrées 105

5. Conclusion 105

L’essentiel 107

7 Pathologies toxiques tumorales 109

1. Introduction 109

2. Cancers liés aux xénobiotiques 117

3. Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse 117


3.1 Mécanisme d’action des carcinogènes 117
3.2 Mécanisme de cancérisation des cellules 118
3.3 Association mode d’action et cancer 129

4. Conclusions générales et perspectives 134

L’essentiel 136

8 Pathologies toxiques non tumorales 137

1. Neurotoxicité 138
1.1 Organisation du système nerveux 138
1.2 Méthodes d’étude des effets neurotoxiques 144
1.3 Mécanismes des effets neurotoxiques 147
1.4 Conclusion 155

2. Pneumotoxicité 155
2.1 Rappels anatomiques et histologiques de l’appareil respiratoire
chez l’Homme 155
2.2 Physiopathologie des atteintes respiratoires aiguës
et subaiguës d’origine toxique 156
2.3 Pathologies respiratoires aiguës d’origine toxique 158
2.4 Pathologies respiratoires chroniques d’origine toxique 169

3. Dermatoxicité 175
3.1 Description anatomique et histologique de la peau 175
3.2 Éléments de toxicocinétique 177

VIII
Table des matières

3.3 Méthodes d’études de la toxicité cutanée 177


3.4 Pathologies toxicologiques cutanées non tumorales 179
3.5 Acné 185
3.6 Troubles de la pigmentation 186
3.7 Granulome 186

4. Hématotoxicité 186
4.1 Hématopoïèse 186
4.2 Cellules sanguines circulantes 188
4.3 Hématoxicité 190

5. Néphrotoxicté 194
5.1 Anatomie et fonctions physiologiques du rein 194
5.2 Évaluation de la fonction rénale 197
5.3 Pathologies rénales d’origine toxique 198
5.4 Conclusion 200

6. Hépatotoxicité 200
6.1 Rappels sur le foie 201
6.2 Principaux types d’atteintes hépatiques 202
6.3 Exemples de substances chimiques hépatotoxiques 205
6.4 Conclusion 207

7. Reprotoxicité et toxicité du développement 207


7.1 Physiologie de la reproduction chez l’Homme 207
7.2 Principaux systèmes hormonaux 208
7.3 Effets toxiques pour la reproduction et le développement 209
7.4 Altération de la fertilité 210
7.5 Effet sur le développement lors d’une exposition
à un toxique durant la grossesse 210
7.6 Effets sur le développement consécutifs à une exposition à
un toxique durant l’allaitement 212

L’essentiel 213
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

9 Évaluation du risque et réglementations 215

1. Valeurs de référence hors cadre réglementaire 215


1.1 Identification des dangers 218
1.2 Prise en compte de la sensibilité et de la vulnérabilité 219
1.3 Utilisation des approches QSAR, in silico 219

2. Définition des relations dose-réponse 220


2.1 NOAEL-LOAEL 220
2.2 Benchmark dose 220

IX
Table des matières

3. Réglementations REACH et des produits phytosanitaires


et biocides 223
3.1 Valeurs de référence dans le cadre du règlement REACH 224
3.2 Valeurs de référence dans le cadre des réglementations biocides
et phytosanitaires 225

4. Conclusion et perspectives 226


4.1 Effet néfaste – gravité de l’effet 226
4.2 Courbes non monotones 226
4.3 VTR interne 227
4.4 Comparaison des différentes valeurs réglementaires versus
non réglementaires 227

L’essentiel 228

Sujets de synthèse 229

Bibliographie 241

Index 251

X
À la découverte de votre livre

Chapitre 1
Introduction : sur le
chemin d’une nouvelle
toxicologie

1 Ouverture de chapitre Introduction


On connait les poisons depuis la préhistoire, mais il a fallu les scandales sanitaires du
20me siècle et les recherches qu’ils ont suscitées pour que des réglementations de plus en
plus contraignantes se mettent en place. Cependant, la prise de conscience des exposi-
tions à faible dose à des cocktails de polluants tout au long de la vie, les questionnements
sur l’augmentation des maladies chroniques remettent en cause ces règlementations et
demandent le développement d’une nouvelle toxicologie, celle de « l’exposome ».

Objectifs Plan
Comprendre l’histoire de la toxicologie. 1 Un peu d’histoire
Analyser l’origine des règlementations au 2 Les scandales sanitaires et

Elle donne :
20me siècle. l’évolution de la toxicologie
3 Vers une nouvelle toxicologie
Tirer les conséquences de l’évolution des
connaissances biologiques. 4 Conclusion

Développer de nouvelles approches pour la


toxicologie prédictive.

tune introduction aux sujets 1 Un peu d’histoire

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et aux problématiques abordés La connaissance des poisons et de leurs effets sur l’Homme et les animaux remonte à la
plus haute antiquité. Les papyrus égyptiens montrent une grande expertise dans la science
des poisons d’origine animale et végétale. Le papyrus d’Ebers (Bardinet, 1995), qui
date d’environ 3 500 ans, fait état de la toxicité de nombreuses substances naturelles.

dans le chapitre Il compile plus de sept cents drogues et poisons dont il décrit les effets délétères. Déjà,
certains de ces extraits de plantes sont utilisés à des fins thérapeutiques ou contracep-
tives. Le mot « toxique » est sans doute d’origine grecque, « toxicon » désignant les
flèches empoisonnées utilisées dans la chasse. Cette pratique existait sans doute dès la
préhistoire avec la connaissance de baies toxiques dont les extraits servaient à imprégner

tun rappel des objectifs 1

pédagogiques
tle plan du chapitre
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques

A. Transporteur de type ABC C. Transporteur de type SLC


4 Conséquence du volume de distribution sur les paramètres pharmacocinétiques observés (utilisant l’ATP) (actif secondaire)

M1 XOH

4 Conséquence du volume de distribution sur


les paramètres pharmacocinétiques observés
Le volume de distribution est un des paramètres pharmacocinétiques fondamentaux ADP ATP
(ou primaires) qui a un impact important sur la forme des courbes des concentrations + Pi XOH M1 XOH
d’un xénobiotique dans le sang et les tissus en fonction du temps. Après une injection
intraveineuse bolus d’un xénobiotique où son Cmax dans la circulation systémique est
atteint très rapidement (quelques minutes), son Vd déterminera la valeur du Cmax. Plus B. Transporteur de type SLC

2 Le cours
le Vd d’un xénobiotique sera important et plus son Cmax sera faible. On note sur (facilité) Cytoplasme

la figure 3.2 que la concentration initiale du xénobiotique 1 est bien inférieure au xéno-
biotique 2. D’une manière générale, après une exposition unique à un xénobiotique XOH

par voie extravasculaire quelle que soit sa voie d’absorption (voie d’exposition pour un Transporteur
M1 M2
toxique) ou par voie intravasculaire (intraveineuse, intra-artérielle), les concentrations ATP ADP + Pi
sanguines seront d’autant plus faibles que son Vd sera grand comme vu dans sa définition.

10,000
Changement
Xénobiotique 1 conformationnel Transporteur
Xénobiotique 2 XOH actif primaire
M1 M2
Concentration sanguine (ng/l)

1,000
Figure 4.3 – Les trois formes de transports réalisés par les ABC et les SLC.

Les transporteurs d’anions (OATP1B1 ou 1B3) ainsi que les trois ABC, MRP2,
BCRP et la p-glycoprotéine constituent des protéines quantitativement et qualitative-

Le cours, concis et structuré,


100
ment importantes.

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expose le programme. Il donne :
10
0 200 400 600
Temps (minutes)
800 1,000 1,200 1,400 1,600
4 Production de métabolites toxiques par le
Figure 3.2 – Évolution des concentrations sanguines de deux xénobiotiques en
métabolisme des xénobiotiques
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fonction de leur volume de distribution.


L’augmentation d’expression des enzymes et des transporteurs du métabolisme des
Ces courbes de pharmacocinétique sont simulées dans le sang pour deux xénobiotiques
(X1 et X2) administrés à la même dose (1 mg) par voie IV bolus et présentant la même xénobiotiques permet de mettre en place leur élimination et de protéger la cellule des
clairance corporelle totale (1 l/minute). Les Vd sont respectivement de 1000 l et 100 l effets toxiques de ces derniers (formation d’adduits, inhibition de certaines enzymes…).

tun rappel des notions clés


pour X1 et X2. Toutefois, ces protéines peuvent dans certains cas permettre aussi la mise en place de
En revanche, les toxiques présentant une forte distribution dans les tissus et ainsi un processus toxiques. L’exemple des cytochromes P450 induits par le benzo(a)pyrène
Vd important présenteront une bien plus longue demi-vie d’élimination. La figure 3.2 permet d’illustrer ces toxicités potentielles.
montre effectivement que le xénobiotique 1 présente une demi-vie plus longue que le
xénobiotique 2. Ceci est parfaitement illustré avec la dioxine et ses dérivés qui présentent

tdes schémas pour maîtriser le cours


des demi-vies d’élimination de 7-8 ans ! Selon le principe pharmacocinétique qui établit
55
la durée de la phase d’élimination d’un xénobiotique à 6 fois sa demi-vie d’élimination, il

39

tdes exemple reliés au cours

L’essentiel
Mécanismes d’action et voies de
signalisation activées par les toxiques

3 En fin de chapitre
Réactivité Modification des
(ex: nucléophlie) propriétés environnementales
Liaison
n à des
cellulai
e res
Cibles cellulaires

--- -- - - -
-
-- - - - -

Modifications irréversibles +/- réversibles


Macromolécules, enzymes, facteurs de transcription, environnement

tL’essentiel : les points clés pour


Les xénobiotiques présentent de nombreuses cibles de par leurs propriétés réactionnelles.
Les xénobiotiques sont 1) caractérisés par une réactivité intrinsèque ; 2) fréquemment détectés par des
récepteurs de xénobiotiques ; 3) des antagonistes ou effecteurs enzymatiques ; 4) des perturbateurs
des conditions environnementales. Ces modes d’actions très variés conduisent à des modifications le
plus souvent réversibles au sein de la cellule de par le ciblage de macromolécules essentielles (lipides
membranaires, protéines, acides nucléiques).

réviser les connaissances essentielles Les points clefs du chapitre


1 Les xénobiotiques présentent des propriétés de réactivité propres ou liées à leur
métabolisme.
2 De nombreux composants cellulaires (lipides, protéines, acides nucléiques) constituent des
cibles de ces xénobiotiques.
3 Le stress oxydant (excès de dérivés réactifs de l’oxygène) est un processus fréquemment
activé par les xénobiotiques.
4 Des récepteurs de xénobiotiques jouent un rôle clé en tant que facteurs transcriptionnels
régulant l’expression des enzymes (Chapitre 4).
5 La perturbation endocrinienne se définit typiquement par la multitude de cibles qui la
caractérisent (production des hormones, transport, mode d’action agoniste ou antagoniste
des perturbateurs).
6 La découverte récente de nouvelles voies alternatives laisse entendre que de nouveaux
modes d’action des xénobitiques seront bientôt identifiés.

4 En fin d’ouvrage 86

Index

tDes sujets de synthèse pour tester Sujets de synthèse 3 R (règles des) 92


4-aminobiphényle 115
β-caténine 128
β-HCG (hormone chorionique
Agence européenne des produits
chimiques (European Che-
micals Agency ou ECHA)
224
antigènes-anticorps 189
antihypertenseur 62, 64
anti-inflammatoires 198
anti-oxydants 57
Sujet 1
ses connaissances et s’entraîner
Agence nationale de sécurité
gonadotrope) 209 antiseptiques 181
sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du AOEL 225
A travail (ANSES) 110 AOP (Adverse Outcome
Agency for Toxic Substances Pathways) 5, 104, 105
Les composés perfluorés (PF) sont des substances synthétisées par l’Homme et sont utilisées ABC (ATP Binding Cassette) and Disease Registry ou apoptose 97, 121, 144, 199, 203
44, 54 ATSDR 216
pour de nombreuses applications du fait de leur très haute stabilité : protection de matériaux, absorption (A) 12, 100, 213
appareil de Golgi 139

tLes corrigés des exercices


agent physique 181
cosmétiques, peintures… Ils sont également utilisés pour le revêtement de certains usten- acariens 173
approches intégrées en matière
agents lacrymaux 164 d’essai et d’évaluation
siles culinaires comme les poêles ou les casseroles. Le polytétrafluoroéthylène, ou PTFE est accouchement 208 agriculture biologique 2 (IATA) 5
notamment utilisé pour fabriquer du téflon. accumulation 50 AhR (Aryl hydrocarbon argent 186
acétaldéhyde 112 Receptor) 56, 60, 62, 69, 70, armes chimiques 164
La structure du PTFE est représentée dans la figure 1.1 :
acétaminophène 51, 59, 60 78, 79, 83, 84 ARN longs non codants (long
acétylcholine 76, 143, 148 air 56 non-coding RNA) 134
F F F F F F F F F F acétylcholinestérase 71, 76, 77 albumine 42, 43, 202 ARN non codants 134
acétyl-coA 53 alcool 50, 67, 110, 116, 198, 203 ARNT 78, 79
C C C C C C C C C C acide (s) 180, 181 aldéhydes 180 arsenic 112-115, 186, 193, 205,
acétique 162 allergènes 24, 174, 182 206

Un index
F F F F F F F F F F aminés 195, 196 allergies 4 aryl 78
chromique 180 alliages 171 asbestose 171
Figure 1.1 − Structure du PTFE cyanhydrique [HCN] 167 alvéoles 25, 118, 155, 156, 169 asthme 169, 172
fluorhydrique 180 amiante 9, 12, 23, 112-114, astrocytes 140, 141, 155
La stabilité des PF pose néanmoins de sérieux problèmes environnementaux. Ils sont ainsi gamma-aminobutyrique 116-118, 132, 133, 170 ATM 120
classés pour certains comme des POPs depuis 2009 et comme neurotoxiques. Par ailleurs, ils (GABA) 148 amines 173 ATP-binding cassette (ABC) 19
glutamique 148 aromatiques 193 ATP 18, 21, 54, 188, 206
peuvent entraîner une immaturité de développement pulmonaire.
gras 29, 205 hétérocycliques 64, 65 ATPases 77, 142, 143
lactique 122 amitraze 148 ATR 120
1.1 Rappeler ce que signifie l’acronyme POP. Citer deux propriétés nucléiques 191 ammoniac 162, 167 atropine 149
essentielles qui définissent un POP. oxalique 180 ammoniums quaternaires 173 ATSDR 218
urique 194, 196 AMPc 84 audition 145
Ces POPs fluorés ont toutefois des propriétés sensiblement différentes des autres POPs acné 185 amphiphiles 177 auto-anticorps 206
classiques (dioxines, pesticides organochlorés…) en termes de bio-distribution dans les orga- acroléine 162 anatomie 201 autophagie 122
acrylamide 153, 210 androgènes 82 Autorité européenne de sécurité
nismes. Leur affinité est ainsi très forte vis-à-vis de l’albumine, une protéine plasmatique. des aliments 217
additif (s) 7 anémones 184
Le PFOA et le PFOS (perfluorooctanoic acid et perfluorooctane sulfonate) ont des demi- avortement 211
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

alimentaires 12 anesthésie 77
vies de quelques heures (rat) à près d’un mois (singe). Chez l’Homme, les demi-vies sont adductome 75 aneuploïdie 125, 126 axone 139, 142, 144, 152
toutefois estimées à 3,8 (PFOA) et 4,8 ans (PFOS). Ces composés présentant de nombreuses adduits 57, 69, 75 angiogenèse 207 axonopathies 152

toxicités, la connaissance de leur bio-distribution tissulaire dans le sang et les autres organes ADE 102 angiotensine 195, 196, 197
adhésion 199 angor 192 B
en fonction du temps est essentielle.
adipocytes 28, 175, 176 anion superoxyde 73
BAC 63
ADN 58, 75, 97 anse de Henlé 196
1.2 Rappeler la signification de l’acronyme PBPK. Citer deux intérêts bacille 154
ADN complémentaire (ADNc) 63 ANSES 218
barrière 16, 35, 44
de ces derniers. Adverse Outcome Pathway 104 antagoniste 7
cutanée 177, 178
AOEL (Acceptable Operator anticoagulants 61
fœto-placentaire 44
L’objectif de la première partie de l’étude ci-dessous est de tester un modèle PBPK en termes Exposure Level) 225 anticorps 189, 205
hémato-encéphalique (BHE)
aérosols 24, 33, 160 antidote 179 17, 22, 44, 138, 140, 141,
de bio-distribution des 2 PF présentés (PFOA et PFOS).
aflatoxines 112 antigène 176 151
Un premier modèle PBPK de Loccisano et al. (2011) est présenté en figure 1.2.

251

229
Chapitre 1
Introduction : sur le
chemin d’une nouvelle
toxicologie
Introduction
On connait les poisons depuis la préhistoire, mais il a fallu les scandales sanitaires du
20me siècle et les recherches qu’ils ont suscitées pour que des réglementations de plus en
plus contraignantes se mettent en place. Cependant, la prise de conscience des exposi-
tions à faible dose à des cocktails de polluants tout au long de la vie, les questionnements
sur l’augmentation des maladies chroniques remettent en cause ces règlementations et
demandent le développement d’une nouvelle toxicologie, celle de « l’exposome ».

Objectifs Plan
Comprendre l’histoire de la toxicologie. 1 Un peu d’histoire
Analyser l’origine des règlementations au 2 Les scandales sanitaires et
20me siècle. l’évolution de la toxicologie
3 Vers une nouvelle toxicologie
Tirer les conséquences de l’évolution des
connaissances biologiques. 4 Conclusion

Développer de nouvelles approches pour la


toxicologie prédictive.

1 Un peu d’histoire
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La connaissance des poisons et de leurs effets sur l’Homme et les animaux remonte à la
plus haute antiquité. Les papyrus égyptiens montrent une grande expertise dans la science
des poisons d’origine animale et végétale. Le papyrus d’Ebers (Bardinet, 1995), qui
date d’environ 3 500 ans, fait état de la toxicité de nombreuses substances naturelles.
Il compile plus de sept cents drogues et poisons dont il décrit les effets délétères. Déjà,
certains de ces extraits de plantes sont utilisés à des fins thérapeutiques ou contracep-
tives. Le mot « toxique » est sans doute d’origine grecque, « toxicon » désignant les
flèches empoisonnées utilisées dans la chasse. Cette pratique existait sans doute dès la
préhistoire avec la connaissance de baies toxiques dont les extraits servaient à imprégner

1
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie

l’extrémité des armes, flèches ou lances. Ces pratiques ancestrales se retrouvent encore
chez certaines tribus d’Amérique centrale et de l’Océan indien.
La toxicité des métaux était également connue et il était déconseillé de s’en servir
sans précaution dans les ustensiles pour la préparation des aliments.
Par exemple, le cuivre était connu pour certains effets néfastes malgré ses
nombreuses vertus. Il fut l’un des premiers métaux utilisés dès la préhistoire et, en
alliage avec l’étain, a donné naissance au bronze, lui-même à l’origine d’une révolution
technologique caractérisant l’âge de bronze. Les objets de cette période ont été remar-
quablement conservés : armes, médailles, statues mais également plats et marmites
qui étaient utilisés essentiellement pour réchauffer les aliments car les anciens avaient
constaté que ceux-ci devenaient toxiques s’ils étaient conservés trop longtemps dans
des récipients en cuivre pur. La pratique de l’étamage, c’est-à-dire le traitement de
l’intérieur des récipients en cuivre par de l’étain, s’est alors développée jusqu’à main-
tenant. Mais il a fallu attendre le XXe siècle pour comprendre que la toxicité du cuivre
était associée à ses formes oxydées : vert de gris, oxyde cuivreux, oxyde cuivrique
et que l’étamage permettait de les éviter. C’est l’étude scientifique de ses propriétés
qui a montré que le cuivre, outre ses remarquables capacités à conduire la chaleur,
quand il est dissous dans l’eau devient un puissant antibactérien et antifongique,
propriétés utilisées dans la bouillie bordelaise pour le traitement de la vigne et la lutte
contre le mildiou. On l’autorise en agriculture biologique à la différence de pesticides
« modernes » de synthèse mais, comme tout produit efficace, ici la dose fait le poison
et il est nécessaire de ne pas « surtraiter » les vignes sous peine d’accumulation de
cuivre dans les sols et de risques pour les espèces animales les plus sensibles. Il a été
constaté des intoxications chez les moutons dont les pâturages étaient à proximité de
vignobles trop traités. Cet exemple illustre bien le cheminement millénaire qui conduit
d’une connaissance empirique, accumulée à travers de très nombreuses observations
au cours des temps, à la culture scientifique du XXIe siècle.
Le plomb est un autre bel exemple de cette évolution. Il s’agit là encore de l’un des
métaux les plus anciennement connus et on le retrouve dans des objets datant de 6 à
8 000 ans avant J.-C. Or ses dangers sont observés et décrits depuis l’antiquité et retrouvés
dans des textes de l’époque romaine qui a utilisé le plomb depuis les canalisations
jusqu’à la vaisselle sans prendre pour autant des précautions d’usage malgré les alertes.
Cette utilisation, constante depuis l’antiquité, s’est développée largement à l’ère indus-
trielle avec des applications dans de nombreux produits : peintures, batteries, essence,
plombages dentaires entre autres. Mais c’est également au XXe siècle que le saturnisme
a été décrit par des médecins qui ont su mettre en relation l’intoxication au plomb chez
les jeunes enfants et de graves déficits intellectuels. Aujourd’hui encore, on continue à
découvrir des effets néfastes du plomb à des doses de plus en plus faibles.
Il y a donc eu très tôt dans l’histoire de l’humanité une conscience des effets néfastes
de certaines substances naturelles que l’on a appelées poisons et de certains métaux
utilisés dès l’âge de bronze mais cette connaissance est restée très longtemps empirique
et fragmentaire. Cependant des philosophes, mathématiciens et médecins de l’antiquité

2
1 Un peu d’histoire

comme Pythagore et Hippocrate ont introduit les premiers concepts de la toxicologie en


se basant sur l’observation de la relation exposition/effets. Elle est à la base de l’approche
scientifique qui se développera deux millénaires plus tard. C’est dans les écrits d’Hip-
pocrate (Maréchaux, 1996) que l’on trouve les premières constatations sur la relation
dose-effet, une substance médicinale pouvant devenir un poison en fonction du mode
d’administration et de la dose.
Cependant, c’est seulement au XVe siècle qu’un médecin alchimiste suisse, Paracelse,
a repris et illustré le concept de relation dose-effet, « toutes les choses sont poison, et
rien n’est sans poison, seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison » (Borzelleca,
2000). Il a défendu l’utilisation à des usages médicaux de substances considérées comme
toxiques telles que le mercure en considérant que le rapport entre les bénéfices poten-
tiels et les risques pouvaient dépendre de la dose. Il a également compris que, dans des
extraits naturels animaux ou végétaux utilisés dans la pharmacopée traditionnelle, il y
avait des « principes actifs » et qu’en les extrayant et en les concentrant, il était possible
de les rendre plus efficaces ou plus toxiques. Cette notion a été un apport considérable et
a fondé la relation entre substance chimique et effet biologique et physiologique qu’il soit
bénéfique ou toxique. Au XIXe siècle, la toxicologie a évolué de manière concertée avec
le développement de la physiologie. D’ailleurs, les grands physiologistes et médecins de
ce siècle comme François Magendie et Claude Bernard ont contribué considérablement
à l’exploration des mécanismes toxiques. Il est intéressant de noter que, depuis quelques
années, on assiste à nouveau à un rapprochement entre physiologie et toxicologie, notam-
ment avec la découverte et l’exploration des effets des perturbateurs endocriniens.
La compréhension de la relation dose-effet a été déterminante pour le développement
de la pharmacologie et de la toxicologie. Ce concept est resté central en toxicologie
jusqu’à maintenant et a été largement à la base de la toxicologie réglementaire. C’est
son application qui a conduit à définir des doses sans effet et des marges de sécurité
pour les médicaments comme pour les produits chimiques environnementaux à partir
d’une démarche expérimentale qui s’est développée essentiellement au siècle dernier. Les
réglementations élaborées dans la seconde moitié du XXe siècle reposent sur ce concept.
Cependant, à la différence des observations ponctuelles sur des effets bénéfiques ou
adverses après administration volontaire ou intoxication chez l’Homme, telles qu’elles
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apparaissaient dans les textes anciens, c’est dans le cadre de protocoles établis scientifi-
quement dans les laboratoires de recherche que la toxicologie moderne s’est développée
(Marano et al., 2011), en bénéficiant des avancées de la physiologie puis de la biologie
cellulaire et du développement des outils expérimentaux de la recherche fondamentale,
en particulier ces dernières années avec le développement de l’approche « omique ».
Des règlements et des directives nationaux et internationaux se sont succédé au cours
des cinquante dernières années, obligeant les industriels du médicament, des produits
chimiques dont les pesticides et les biocides, à tester la toxicité de leurs produits avant
de les mettre sur le marché. Les essais préconisés sont encore largement fondés sur la
relation dose-effet, qui a été récemment remise en cause à partir des publications sur
certains contaminants chimiques environnementaux comme nous le verrons plus loin.

3
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie

2 Les scandales sanitaires et l’évolution


de la toxicologie
Les avancées dans le domaine de la toxicologie, en particulier environnementale, se
sont malheureusement souvent développées à la suite des scandales sanitaires qui ont
émaillés le XXe siècle. Rappelons celui de la thalidomide, médicament commercialisé
à partir de 1957 dans près de 46 pays (mais pas en France) et utilisé pour traiter les
états nauséeux des femmes enceintes, jusqu’à ce qu’on constate qu’il passait la barrière
placentaire et qu’il était un puissant tératogène. Plus précisément, le traitement durant le
premier trimestre du développement fœtal a été à l’origine d’avortements et de malfor-
mations des membres chez le fœtus. On considère que près de 20 000 bébés malformés
sont nés à la suite de ces traitements jusqu’à l’interdiction en 1960. Or, tous les tests
réglementaires de l’époque avaient été réalisés jusqu’aux essais cliniques chez l’adulte.
Ils avaient conclu à l’innocuité du produit. On a pris conscience alors que les effets sur
la reproduction n’étaient pas correctement couverts par ces tests surtout lorsqu’une seule
espèce animale était testée ! (Janicki, 2009) Ce drame a été à l’origine d’une révision
internationale des essais toxicologiques des médicaments et le développement de
la pharmacovigilance, ce qui n’a pas empêché d’autres scandales plus récents comme
celui du Mediator.
La prise de conscience des risques de l’exposition environnementale aux polluants
atmosphériques a émergé à partir du scandale de l’amiante (Henry, 2007) et du constat
des méfaits sanitaires des polluants gazeux et particulaires dans les zones urbaines
(Dockery et al., 1993). Celle des effets des métaux lourds, comme le mercure pendant
la grossesse, est partie de l’analyse des causes de la maladie de Minamata au Japon. La
démonstration par des scientifiques japonais que des effluents industriels contenant du
mercure rejetés dans la mer à des concentrations faibles et ne dépassant pas les valeurs
admises à l’époque pouvaient se concentrer dans la chaîne alimentaire jusqu’à des valeurs
toxiques pour l’Homme a jeté les bases de nouvelles réglementations plus protectrices
(Grandjean et al., 2010).
Si les scandales sanitaires provoquent une prise de conscience des populations et des
décideurs politiques, le véritable enjeu de la toxicologie moderne n’est pas tant dans
les effets les plus visibles et frappants mais plutôt dans cette toxicité à bas bruit et au
long cours que l’on suspecte avec le développement d’outils de plus en plus sensibles.
Ce type de toxicité est par essence plus difficile à visualiser et à prouver et peut se
prêter de ce fait à une double instrumentalisation. D’une part, le fait que les effets
sont le plus souvent suspectés plutôt qu’avérés conduit certains à un déni complet et
à une stigmatisation de ce qu’ils appellent de la mauvaise science. Pour d’autres au
contraire, la frontière entre le possible et le certain est facilement ignorée et on assiste
alors à une approche dramatisante encouragée par certains média dont la profondeur de
pensée est égale à la longueur d’un tweet. Faut-il croire qu’une grande partie des mala-
dies chroniques (allergies, obésité, diabète, cancers, maladies neuro-dégénératives) est

4
3 Vers une nouvelle toxicologie

associée aux dérives de l’industrialisation ? A-t-on actuellement les données objectives


qui permettent de répondre à cette question qui fait l’objet de vives controverses entre
experts ? La toxicologie, associée à l’épidémiologie et à l’expologie, est ici en première
ligne pour une évaluation des risques protectrice des populations et tout particulièrement
des plus vulnérables.

3 Vers une nouvelle toxicologie


Les controverses les plus récentes, par exemple autour de l’interdiction du bisphénol A
(BPA), emblématique des perturbateurs endocriniens, et de la définition de ces PE,
montrent les difficultés à intervenir au niveau européen et à introduire des tests adaptés
dans les réglementations. Il reste encore beaucoup à faire pour la recherche dans le
domaine de la toxicologie !
Celle-ci évolue avec l’intégration des connaissances de la biologie cellulaire et
moléculaire pour comprendre les mécanismes d’action (MoA) (Troise, 2016), de la
biologie systémique et des approches « omiques » pour avoir une vision plus globale
des effets des xénobiotiques (Barouki et al., 2006 ; National Academies Press, 2009). On
peut considérer que, si la toxicologie réglementaire a encore de beaux jours devant elle
et a apporté une masse de données absolument nécessaire en définissant en particulier
les LOAEL (Low Adverse Effect), les NOAEL (No Adverse Effect) et les VTR (Valeurs
toxicologiques de référence), elle se doit cependant d’évoluer et d’intégrer les nouvelles
approches rapidement. Elle le fait à travers les AOP (Adverse Outcome Pathways) ou voies
des effets adverses, et les approches intégrées en matière d’essai et d’évaluation (IATA).
La toxicologie s’oriente actuellement vers la connaissance la plus fine possible des
perturbations induites par les xénobiotiques. Cette approche implique qu’il ne faut
pas se contenter d’une étude classique de toxicité aiguë, sub-chronique et chronique sur
des modèles animaux, encore largement préconisée par les règlements européens et
internationaux même si des restrictions à leur utilisation s’expriment dans le règlement
REACH et s’ils sont interdits par la directive cosmétique. On y intègre actuellement
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les données obtenues au niveau moléculaire, cellulaire, tissulaire, systémique voire


sur une population afin de déterminer les étapes clés d’une AOP. On y décrit, lorsque
c’est possible, les interactions moléculaires sur le site d’action, la cascade des réactions
produites au niveau des cellules cibles qui peut différer en fonction de leur différentia-
tion, et les perturbations induites au niveau de l’organe et de l’organisme en identifiant
à chaque fois les étapes critiques menant à l’effet toxique final (Troise, 2016). Ainsi, le
développement des AOP en toxicologie vise à augmenter la prédictivité d’effets adverses,
à déterminer des « familles » de xénobiotiques ayant des mécanismes d’action proches
voire similaires et à déterminer à partir d’une base scientifique les tests nécessaires chez
l’animal. Il doit également conduire à des stratégies de tests intégrés et d’évaluation
IATA. Celles-ci, à terme, devraient remplacer les batteries de tests prédéfinies de la

5
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie

réglementation actuelle par une approche « à la carte » reposant sur les connaissances
développées sur des familles de molécules ayant des mécanismes d’action équivalents.
Cette nouvelle toxicologie qui se développe sous nos yeux se caractérise par un certain
nombre de notions fondamentales.

3.1 Une toxicologie systémique


La biologie systémique est une approche globale pour qui vise à intégrer au niveau d’une
cellule, d’un tissu, d’un organisme, voire d’un écosystème, l’ensemble des informations
disponibles, qu’elles soient d’ordre génomique, protéomique, métabolomique ou autre.
L’objectif est de construire un modèle le plus quantitatif possible intégrant les données
sous la forme d’un réseau mettant en relation les différents composants cellulaires et les
différentes informations disponibles (Barouki et al., 2006). Une des ambitions affichées
est de pouvoir prédire les conséquences d’une perturbation donnée sur l’ensemble du
système.
On voit bien l’intérêt d’une telle approche en toxicologie : en effet, plutôt que de se
contenter de données parcellaires sur un gène ou un métabolite, celle-ci intègre les
données. Ce faisant, on peut s’attendre à avoir une meilleure représentation des effets
globaux d’une substance chimique et de compenser ainsi au moins partiellement les
insuffisances d’un modèle ou d’un système simplifié.
Cette approche globale et intégrée peut apporter des réponses aux questions actuelles
de la toxicologie telles que nous les avons énoncées ci-dessus.

3.2 La toxicologie des faibles doses


Les données récentes montrent que la relation entre dose et toxicité n’est pas toujours
linéaire et que des effets toxiques chroniques peuvent se manifester à des doses faibles
voire très faibles, proches des doses auxquelles certaines populations peuvent être expo-
sées et non prévisibles par les études classiques à forte dose (Vanderberg et al., 2012 ;
Bouskine et al., 2009).
Ce sont les relations non monotones mises en évidence avec les découvertes de la
perturbation endocrinienne provoquée par de nombreuses molécules. Celles-ci, déjà
autorisées selon les critères classiques de la toxicologie réglementaire, vont devoir être
revues sur cette nouvelle base et les tests à venir devront en tenir compte.
Le bouleversement de la toxicologie induit par la découverte de la perturbation endo-
crinienne démontre bien qu’il s’agit d’une science millénaire mais qui ne doit pas être
figée dans un carcan de normes et réglementations non évolutives et qu’elle doit suivre
l’évolution des connaissances de la biologie fondamentale.

3.3 La toxicologie des cocktails


Nous sommes exposés chaque jour à travers notre alimentation, l’air que nous respirons,
nos produits cosmétiques, à une multitude de produits chimiques auxquels il faut ajouter

6
3 Vers une nouvelle toxicologie

les expositions physiques de notre environnement. Cette exposition chronique à une


multitude de substances présentes chacune à faible dose est connue sous le nom
d’effet « cocktail ».
L’univers chimique qui nous constitue et nous entoure est complexe et comprend
plus de 100 000 molécules différentes. Il est déjà très difficile d’étudier la toxicité de
ces molécules une à une sur une gamme de doses. Il est impossible d’envisager l’étude
de toutes les combinaisons possibles de ces molécules. Il y a là un vrai défi conceptuel
et méthodologique.
On peut imaginer que certaines de ces molécules aient un effet additif, synergique,
voire antagoniste (Kortenkamp, 2007). On peut l’aborder en définissant un ensemble
limité de mélanges typiques en s’appuyant sur le type de consommation, sur la vie
urbaine ou non, etc. Il s’agit là d’une approche par exposition (exposome, Wild, 2005)
qui a l’avantage d’être réaliste, mais le désavantage d’être descriptive.
Une autre approche, mécanistique, consiste à s’intéresser principalement non aux
composés chimiques eux-mêmes, mais plutôt aux voies de toxicité principales qu’ils
évoquent. Ces voies sont en nombre bien plus limité et on peut les estimer à une vingtaine
ou une trentaine principalement. C’est la base du projet Tox 21 aux États-Unis (National
Academies Press, 2009 ; Kawlock, 2009) qui vise à définir les voies de toxicité de milliers
de composés chimiques. Il suffit, en principe, d’étudier les interactions entre ces voies
pour avoir une idée des effets de mélanges simples.
On peut ensuite grâce à la biologie systémique compliquer davantage les mélanges
et tenter de prédire les conséquences. Cette approche est, elle aussi, ardue, mais elle
est plus satisfaisante pour qui veut comprendre les choses et entrer dans une démarche
prédictive. Elle peut représenter un beau défi pour des toxicologues à la recherche de
nouvelles frontières.

3.4 La toxicologie des temps longs


C’est là aussi un défi majeur, assez difficile du reste. Comment prédire ce qui peut se
passer 30 ans après une exposition, voire quelques générations plus tard ? Il n’y a ni
modèle in vitro, ni modèle in vivo possibles dans une approche prédictive. À l’évidence,
il n’y a pas de réponse unique à cette question.
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La compréhension des mécanismes de toxicité à long terme, qui reste très parcel-
laire aujourd’hui, est sans doute nécessaire. Il est clair que l’épigénétique avec les
modifications héritables des modes d’expression génique qu’elle implique, peut apporter
une réponse partielle. Une autre notion soulevée par l’analyse des effets à long terme est
que les mécanismes adaptatifs ou systèmes de détoxication qui sont essentiels à la survie
des organismes vivants sont en partie responsables des phénomènes toxiques (Barouki,
2010). Il est donc difficile de séparer des réponses dites « adaptatives » de réponses
« toxiques ». En effet, une réponse biologique qui nous permet de survivre à une exposi-
tion aiguë peut, si elle est répétée sur le long terme, être à l’origine de toxicité chronique.

7
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie

3.5 La toxicologie des cibles vulnérables


La toxicologie ne doit pas s’intéresser seulement à l’agent toxique et caractériser sa dose,
le temps d’exposition ou les conditions d’exposition. Elle doit aussi s’intéresser à la cible.
En effet, pour un même toxique, les effets dépendent de l’individu ciblé car un fœtus,
un jeune enfant ou un adulte ne présentent pas la même sensibilité vis-à-vis des toxiques
et les variations individuelles d’ordre génétique conduisent à une sensibilité différente
à certains toxiques. De très nombreux travaux sont actuellement consacrés à l’étude
des effets d’agents toxiques au cours du développement fœtal. Plusieurs exemples
indiquent qu’une exposition au cours de cette période du développement, y compris
à faible dose, peut conduire à une augmentation du risque d’effets pathologiques plus
tard dans la vie (enfance, adolescence, âge adulte). Ces travaux entrent dans la cadre
du concept de DOHaD (Developmental Origine of Health and Disease, Junien, 2016).
Plusieurs mécanismes pourraient rendre compte de ces effets différés, en premier
desquels se trouvent les modifications épigénétiques. D’autres sources de vulnérabi-
lité viennent du fond génétique ou de l’association avec des pathologies chroniques ou
certains régimes alimentaires (Barouki, 2013).

4 Conclusion
L’évolution de la toxicologie nous conduit à aller au-delà de la notion initiale de « science
des poisons ». Ainsi, une bonne définition de la toxicologie est l’étude de l’interaction
entre un agent toxique et une cible, cette interaction recouvrant les effets de l’agent
toxique sur la cible mais aussi l’action de la cible sur l’agent toxique. Il s’agit en somme
d’étudier les effets de l’environnement sur l’Homme mais aussi les mécanismes adap-
tatifs et leurs coûts en termes de santé. De nos jours, une bonne compréhension des
mécanismes de toxicité est indissociable d’une bonne connaissance des mécanismes
physiologiques, développementaux, cellulaires et moléculaires. De même, la toxicologie
humaine doit être intégrée dans un ensemble plus large décrivant les effets des pertur-
bations de l’environnement sur les écosystèmes, les sources et les voies des expositions,
les analyses à l’échelle populationnelle et individuelle. Cette vision systémique est sans
doute très ambitieuse mais elle seule permet une analyse objective et rationnelle des
mécanismes toxiques.

8
L’essentiel

Les points clefs du chapitre


1 L’histoire de la toxicologie débute avec la découverte des poisons animaux et végétaux
mais ce sont les scandales sanitaires du 20me siècle, thalidomide, amiante, méthylmercure
entre autres et les changements sociétaux qui ont été à l’origine des règlementations
actuelles.
2 Les règlementations actuelles ont apporté un grand nombre de données basées sur le
dogme de la relation dose-effet.
3 Les avancées des connaissances fondamentales en biologie et la découverte des effets des
faibles doses et des « fenêtres d’exposition » avec la perturbation endocrinienne ont modi-
fié considérablement les approches modernes de la toxicologie.
4 Elle doit maintenant s’orienter vers une toxicologie systémique qui inclue l’ensemble des
perturbations d’un organisme en réponse à son environnement.

9
Chapitre 2
Principales voies
d’entrée des toxiques
et mécanismes de
contamination ou
d’absorption
Introduction
Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques (médicaments,
polluants de l’environnement, additifs alimentaires ou stupéfiants non médicamenteux) qui
ont un effet nocif sur leur organisme. L’effet nocif de ces toxiques ne peut s’exercer
qu’après leur pénétration dans l’organisme. Dans ce chapitre nous décrirons les pricipaux
mécanismes moléculaires permettant d’expliquer le passage membranaire des xénobio-
tiques au travers des barrières physiologiques de l’organisme afin qu’ils puissent arriver
dans la circulation sanguine. Nous nous intéresserons ensuite davantage aux voies d’ab-
sorption orale, pulmonaire et cutanée qui représentent les trois principales modalités d’en-
trée des xénobiotiques dans l’organisme.

Objectifs Plan
Comprendre les mécanismes moléculaires 1 Les mécanismes d’échange
et cellulaires du passage membranaire des membranaire
xénobiotiques. 2 Superfamille des
Décrire les différents transporteurs transporteurs SLC :
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nomenclature, classification,
SLC et ABC ainsi que leur mode de
localisation cellulaire et
fonctionnement. tissulaire, fonctions
Décrire les trois principales voies d’entrée 3 Superfamille des
des xénobiotiques dans l’organisme (orale transporteurs ABC :
pulmonaire et cutanée). nomenclature, classification,
localisation cellulaire et
tissulaire, fonctions
4 Les voies d’exposition

Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques, synthétiques
ou naturels (toxines), provenant de microorganismes, de plantes ou d’animaux, qui
peuvent perturber le fonctionnement normal de l’individu qui les aura absorbés et ainsi

11
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

avoir un effet nocif sur l’organisme. Il s’agit de toxiques médicamenteux ou non tels les
polluants environnementaux (métaux, pesticides et produits phytosanitaires, hydrocar-
bures polychlorés comme les dioxines en suspension dans l’air, la formation de produits
de combustion lors d’un incendie : monoxyde de carbone, dioxines, acides chlorhydrique
et cyanhydrique, émission de poussières, telle l’amiante, et nanoparticules), les additifs
alimentaires, les stupéfiants non médicamenteux.
L’objectif de ce chapitre consiste à décrire les voies d’entrée des toxiques dans
l’organisme. De manière générale, le devenir des xénobiotiques dans l’organisme (ou
pharmacocinétique) consiste en l’étude en fonction du temps de l’évolution des concen-
trations d’un composé auquel un individu est exposé, mais également de ses métabolites
éventuels, dans les liquides biologiques de l’organisme (sang, liquides extracellulaires et
intracellulaires, urine, liquide céphalorachidien…) et les tissus associés. La pharmacoci-
nétique d’un xénobiotique est divisée en trois grandes phases appelées l’absorption (A),
la distribution (D) et l’élimination (E) dont va dépendre l’évolution de la concentration
d’un xénobiotique dans le corps humain (Fig. 2.1).

Xénobiotique

Peau
Muqueuse Tractus Poumon
gastro-intestinal

Veine porte Artère Veine


pulmonaire pulmonaire
Bile Foie Cerveau

Cœur
Veine cave
Aorte
Distribution
Métabolisme Rein
Foetus

Fèces Urine Air expiré

Figure 2.1 – Voies de pénétration et devenir des xénobiotiques


dans l’organisme (cours en ligne Toxicocinétique, P. Andujar).

Le suivi des concentrations sanguines des xénobiotiques au cours du temps permet de


caractériser chacune de ces phases (Fig. 2.2). L’absorption décrit le passage du xénobio-
tique à partir de son site d’administration (médicaments) ou d’exposition (toxiques), par
exemple les voies orale, pulmonaire et cutanée, vers la circulation sanguine générale.
Lors de l’ingestion de toxiques par voie orale, la phase d’absorption représente le passage
de la substance active en solution, donc à l’état moléculaire, depuis la lumière du tractus
gastro-intestinal vers la circulation sanguine générale après avoir subi un éventuel effet
de premier passage hépatique qui correspond à une perte d’une certaine quantité de
substance active avant même qu’elle n’ait pu atteindre la circulation générale. Comme le

12
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

montre la figure 2.2, la biodisponibilité, la concentration maximale dans le sang (Cmax),


le temps nécessaire pour atteindre la concentration maximale (Tmax) et l’aire sous la
courbe des concentrations sanguines définissent le profil pharmacocinétique de la phase
d’absorption d’une substance en termes de quantité absorbée et de vitesse à laquelle elle
a été absorbée. Une fois dans la circulation générale, le xénobiotique se distribue dans
les différents tissus de l’organisme, ce qui définit la phase de distribution. Cette étape
sera décrite dans le chapitre suivant (voir chapitre 3). Le xénobiotique peut également
être éliminé sous forme inchangée dans les urines et/ou la bile, mais également après
métabolisation enzymatique (voir chapitre 4).

Figure 2.2 – Phases pharmacocinétiques lors de l’absorption


d’un xénobiotique par voie orale.
L’évolution des concentrations sanguines du xénobiotique en fonction du temps
montre d’abord une croissance des concentrations (absorption) puis une décroissance
en lien avec les phases de distribution tissulaire et d’élimination hors de l’organisme.

Les voies d’administration (ou d’exposition) ainsi que les mécanismes d’absorption
vont ainsi moduler la fonction d’entrée des composés toxiques dans l’organisme en
termes de quantité absorbée et de vitesse d’absorption. L’objectif de ce chapitre n’est
pas de décrire les équations permettant le calcul des paramètres pharmacocinétiques
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de la phase d’absorption mais d’en définir les mécanismes moléculaires et cellulaires en


lien avec la physiologie humaine. Chez l’Homme, les voies d’absorption de composés
potentiellement toxiques de l’environnement sont principalement représentées par la voie
orale pour leur présence dans les aliments et l’eau de boisson, par les voies aériennes
et pulmonaires pour les composés toxiques volatils ou contenus dans des particules en
suspension dans l’air, et par la voie cutanée.
Certains composés tels que les pesticides (les insecticides organochlorés, DDT par exemple,
les insecticides organophosphorés par exemple le sarin, le parathion ou le paraoxon) peuvent
être en général absorbés par toutes les voies même si les voies pulmonaire et cutanée sont
davantage concernées. Il est à noter que la toxicité de certains médicaments peut également
intervenir par ces mêmes voies d’exposition sachant que leurs modalités d’administration

13
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

peuvent emprunter ces mêmes voies d’absorption mais aussi bien d’autres comme les voies
sublinguale, rectale, intramusculaire, sous-cutanée, intraveineuse et placentaire qui peuvent
être utilisées mais non décrites dans ce chapitre (Fig. 2.3).

Figure 2.3 – Les différentes voies d’administration des médicaments


(d’après Y. Touitou, 2013).

Nous nous intéresserons donc principalement aux mécanismes d’absorption par les
voies orale, pulmonaire et cutanée étant donné qu’elles représentent les voies majoritaires
d’exposition aux xénobiotiques toxiques. Afin d’atteindre la circulation générale, les
composés toxiques doivent passer un certain nombre de barrières : gastro-intestinale et
hépatique pour la voie orale, alvéolo-capillaire pour la voie pulmonaire, cutanée pour
la voie cutanée. Ces mécanismes d’entrée de composés toxiques à travers ces barrières
font intervenir des mécanismes de passage à travers (transcellulaire) ou entre (paracel-
lulaire) les cellules formant histologiquement ces barrières. Les mécanismes de passage
à travers ces barrières dépendent d’un grand nombre de propriétés physicochimiques
des composés toxiques mais également des propriétés anatomiques, biochimiques et
physiologiques des tissus concernés. L’objectif de ce chapitre est d’aborder les différents
mécanismes de passage à travers les barrières en définissant, dans un premier temps, des
aspects théoriques et conceptuels des constantes cinétiques intervenant dans ces méca-
nismes d’échange, puis de décrire d’un point de vue anatomo-histo-physiologique les
trois principales barrières intervenant dans la phase d’absorption des composés toxiques.

1 Les mécanismes d’échange membranaire


1.1 Les principales phases du devenir d’un xénobiotique
au niveau cellulaire
Quatre phases ont été décrites concernant le devenir d’un xénobiotique avec les cellules de
l’organisme. Il est à noter qu’un xénobiotique peut n’être concerné par aucune de ces phases

14
1 Les mécanismes d’échange membranaire

ou au contraire les subir toutes en fonction du xénobiotique et du type de cellule concerné.


La première, appelée phase 0, correspond à l’entrée du xénobiotique dans la cellule à travers
la membrane plasmique par des mécanismes de perméabilité décrits dans ce chapitre. Il est
à noter que certains transporteurs SLC permettent l’entrée dans la cellule alors que d’autres
de la superfamille des ABC transporteurs s’y opposent. Une fois dans la cellule, et si celle-
ci présente des enzymes du métabolisme des xénobiotiques comme c’est le cas de certaines
cellules de l’organisme (hépatocytes, entérocytes, cellules rénales, neurones, etc.), le xéno-
biotique pourra être métabolisé par ces enzymes de phase I et de phase II (voir chapitre 4)
en fonction de son affinité (Km) et de sa vitesse maximale de métabolisation (Vmax) s’il s’agit
d’enzymes michaeliennes. La phase III correspond à la sortie du composé hors de la cellule
sous la forme de métabolites issus des phases I et/ou II. Elle est assurée par des transporteurs
qui reconnaissent les métabolites de phase I ou de phase II pour permettre de les expulser plus
facilement. En effet, le métabolisme des xénobiotiques conduit le plus souvent à des méta-
bolites plus polaires, souvent de plus haut poids moléculaire (phase II) et donc plus solubles
dans l’eau, et enfin plus facilement excrétés hors de l’organisme dans les urines et la bile, ce
qui leur confère un caractère physicochimique défavorable pour ce qui est de leur diffusion
passive à travers des membranes biologiques ; les transporteurs de phase III peuvent alors
permettre leur export en dehors de la cellule (Fig. 2.4).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.4 – Les 4 phases cellulaires du devenir d’un xénobiotique.


La phase 0 correspond à l’entrée dans la cellule et elle est médiée par des transporteurs
d’entrée (SLC) ou de sortie (ABC). La phase I correspond à la phase de métabolisation
du xénobiotique par des enzymes de type mono-oxygénases (CYP450, FMO…).
La phase II correspond à la métabolisation des xénobiotiques parents ou de leurs
métabolites de phase I par des enzymes de conjugaison (UGT, SULT, GST, NAT…). Enfin
l’expulsion des métabolites de phase II se fait principalement par l’intermédiaire de
transporteurs de type ABC (ref : Curr Drug Metab. 2011 Oct;12(8):732-41. Interplay of
drug metabolizing CYP450 enzymes and ABC transporters in the blood-brain barrier.
Decleves X1, Jacob A, Yousif S, Shawahna R, Potin S, Scherrmann JM.). Des facteurs
de transcription (FT) tels que AhR, PXR et CAR présents dans le cytosol ou le noyau
de certaines cellules sont capables de lier certains xénobiotiques et ainsi de moduler
l’expression des transporteurs et des enzymes du métabolisme (voir chapitre 4).

15
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

1.2 Les principaux mécanismes de passage des composés


à travers des barrières de l’organisme
Afin d’être absorbé, distribué puis éliminé de l’organisme, le xénobiotique sera amené à
traverser des barrières de l’organisme, qu’elles soient externes en contact avec l’extérieur
(tractus gastro-intestinal, poumons, peau…) ou internes (hémato-encéphalique, hémato-
liquidienne, hémato-testiculaire, fœto-placentaire). Il est à noter que le xénobiotique
devra également traverser des épithéliums (tubules rénaux par exemple) et ceux des tissus
autres que le cerveau et les testicules ne présentant pas stricto sensu des propriétés de
barrière cellulaires mais des surfaces d’échange cellulaires avec le sang ou des liquides
de l’organisme et constituées de cellules plus ou moins jointives entre elles. La particu-
larité des barrières réside dans la présence de jonctions cellulaires serrées plus ou moins
étanches qui vont limiter le passage paracellulaire d’autant plus que leurs complexes
jonctionnels seront étanches. À côté de ce passage paracellulaire, les xénobiotiques
pourront emprunter des voies transcellulaires comme celles décrites sur la figure 2.5.

(A) Diffusion passive


(B) Diffusion facilitée à l’aide d’un transporteur
(C) Transport actif secondaire (ex : antiport sodique)
(D) Transport actif primaire
(E) Transcytose assurée par un récepteur
(F) Transcytose par adsorption

Figure 2.5 – Mécanismes généraux du passage à travers les barrières cellulaires


d’après (Thèse d’Université d’Aude Jacob, Université Paris Descartes, 2010).
Les xénobiotiques peuvent s’échanger au travers des barrières physiologiques par
différents mécanismes (A à F). Ce schéma représentent ces différents mécanismes en
s’inspirant de ceux décrits au niveau de la barrière hémato-encéphalique (BHE).
Le passage des molécules de faible poids moléculaire peut faire intervenir des
mécanismes de type A à D alors que les mécanismes de transcytose assurés par un
récepteur (E) ou une interaction électrochimique due à la différence de charge entre
la membrane cellulaire (chargée négativement) et des composés cationiques (F)
permettent le passage de composés de plus haut poids moléculaire tels des protéines,
des peptides chargés ou non.

16
1 Les mécanismes d’échange membranaire

1.3 Descripteurs physicochimiques du passage membranaire


passif des xénobiotiques
La diffusion passive décrit un mécanisme physique de passage d’un compartiment 1
vers un compartiment 2 à travers une membrane semi-perméable. Le soluté diffuse
du compartiment le plus concentré vers le compartiment le moins concentré suivant
la seconde loi décrite par le physiologiste allemand Adolph Fick dite « seconde loi de
Fick » :
∆C
Jnet = D. A.K
h

où Jnet est le flux net de transfert de matière à travers la membrane semi-perméable,


D le coefficient de diffusion de la molécule en solution, A la surface d’échange, K une
constante qui tient compte de l’éventuelle interaction du soluté avec la membrane
semi-perméable (important si la membrane semi-perméable est d’origine biologique
avec des charges et des composés lipophiles), ∆C le gradient de concentration du
soluté et h l’épaisseur de la membrane. Si l’on transpose cette propriété de diffusion
passive à un composé traversant une membrane biologique plasmique cellulaire, cela
correspond au passage du composé au travers d’une bicouche phospholipidique dont
la composition est d’environ pour moitié constituée de lipides (cholestérol, phospho-
lipides, glycolipides) et de protéines. Il s’agit d’une diffusion simple, sans aucune
transformation de ce composé, ni aucune activité de transport facilité ou actif. Ainsi
la traversée de la bicouche lipidique de la membrane cellulaire est conditionnée par
les caractéristiques physicochimiques de la molécule et concerne les gaz (CO2, O2,
N2), les molécules hydrophobes de préférence avec un poids moléculaire inférieur
à 500 Da et les petites molécules polaires (H 2O, urée). En revanche, les molécules
polaires tels les sucres (par exemple, le glucose), les acide aminés, les ions (Na+,
K+, Cl–, HCO3 –, H+, Ca 2+) et les molécules lipophiles de haut poids moléculaire
(> 500 Da) présentent une diffusion passive nettement plus faible, voire nulle. Les
caractéristiques physicochimiques intervenant ainsi dans les propriétés de diffusion
passive des composés sont : le poids moléculaire, la surface polaire et la solubilité
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans l’eau, la lipophilie et la charge en fonction du pH s’il s’agit d’acides ou de


bases. À titre d’exemple, une corrélation entre le passage cérébral et la lipophilie
des molécules n’est observée que pour des composés de faible poids moléculaire
(< 400-600 Da) et traversant la barrière hémato-encéphalique par diffusion passive.
Si la lipophilie évaluée par la partition calculée dans un mélange octanol/eau
(logPoct/eau ou Ko/w) peut constituer une première approche, ce critère ne permet pas
d’effectuer à lui seul les meilleures corrélations et extrapolations entre ce paramètre
et la perméabilité du composé mesurée. C’est pourquoi de nouveaux descripteurs
moléculaires, comme les liaisons hydrogène et la surface polaire de la molécule, sont
aujourd’hui calculés afin de mieux prédire la diffusion passive d’une molécule au
travers des membranes cellulaires. Enfin, les molécules organiques peuvent contenir

17
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

des fonctions ionisables comme les groupements de type « acide carboxylique »


ou « amine ». Elles peuvent alors exister sous plusieurs formes moléculaires et la
proportion de chaque forme varie en fonction de la constante d’ionisation K a de la
molécule et du pH de la solution dans laquelle elle se trouve. La loi de Fick indique
que la perméabilité membranaire d’une molécule est plus importante quand celle-
ci est sous forme neutre que chargée en raison d’un coefficient de partage octanol/
eau plus grand. Des descripteurs moléculaires ont été utilisés comme la « règle des
cinq de Lipinski » qui permet d’estimer la capacité de diffusion passive d’une molé-
cule en fonction de son poids moléculaire et de définir ainsi des propriétés favorables
à la diffusion passive : PM < 500 Da, logPoct/eau < 5, nombre de donneurs < 5 et
d’accepteurs < 10 de liaison hydrogène. Si au moins deux des conditions ne sont
pas validées, la molécule aura une diffusion passive faible (Lipinski et al., 2001).

1.4 Les mécanismes de transport de composés à travers


les membranes biologiques
Plusieurs mécanismes de transport ont été décrits au niveau des membranes biologiques
pour des composés de faible comme de haut poids moléculaires. La diffusion facilitée est
un mécanisme de passage d’un composé au travers d’une membrane dans le sens de son
gradient de concentration par l’intervention d’une protéine formant un canal ou jouant
le rôle d’un transporteur sans apport direct d’énergie (ATP). L’implication de protéines
interagissant avec le composé met en œuvre des mécanismes saturables où la vitesse de
transport du substrat tend vers une vitesse maximale (Vmax) avec une concentration en
substrat à demi-saturation (constante de Michaelis-Menten, K m) qui représente l’affinité
du substrat pour le transporteur. La diffusion facilitée permet le passage au travers des
membranes biologiques de nombreuses molécules hydrophiles, incapables de franchir
la bicouche lipidique comme certains sucres (glucose et transporteurs GLUT…), acides
aminés et acides monocarboxyliques (acides pyruvique et lactique). La diffusion facilitée
permet l’échange membranaire de composés neutres, dont le sens de passage est imposé
par le gradient de concentration, et de composés chargés dont le sens de passage est
dépendant du potentiel de membrane.
La transcytose est un mode de passage de molécules de haut poids moléculaire
(peptides, polypeptides, protéines) à travers des membranes biologiques fait inter-
venir deux types de mécanisme : la transcytose par adsorption et celle médiée par des
récepteurs. La formation de vésicules cellulaires de la membrane plasmique résulte de
phénomènes d’attractions électrostatiques dans le cas de la transcytose par adsorption
et d’une liaison du ligand à un récepteur présent à la surface luminale dans celui de la
transcytose médiée par récepteur. Ces phénomènes permettent à des composés comme
les lipoprotéines, l’insuline et la transferrine de franchir la membrane par une transcytose
médiée par récepteur.
Nous aborderons dans ce chapitre les mécanismes de transport actif de composés
de faible poids moléculaire car il concerne davantage les composés toxiques évoqués

18
2 Superfamille des transporteurs SLC

dans ce livre. Le transport actif est un mode de transport énergie-dépendant qui peut
s’exercer contre le gradient de concentration du composé d’intérêt. On distingue deux
systèmes de transport : des systèmes dits « primaires » nécessitant l’hydrolyse d’ATP
par le système réalisant le transport et d’autres dits « secondaires » dont l’énergie
pour son fonctionnement est liée à la préexistence d’un gradient de concentration
ou de potentiel de membrane qui fournit l’énergie. Parmi ces transporteurs, certains
sont uniquement capables de réaliser un transport unidirectionnel et cela concerne
ceux impliqués dans la sortie (efflux) du composé hors de la cellule alors que d’autres
transportent leurs substrats de manière bidirectionnelle permettant l’entrée (influx) ou
la sortie du composé de la cellule. Ils peuvent fonctionner dans le sens du gradient de
concentration et réaliser ainsi de la diffusion facilitée de solutés mais le plus souvent
ils s’y opposent en utilisant de l’énergie. L’objectif ci-après est de décrire sur le plan
moléculaire ces mécanismes de transport. Il existe deux grandes familles de trans-
porteurs actifs primaires : les transporteurs de la superfamille des « solute carrier »
(SLC) et ceux de la superfamille des transporteurs ATP-dépendants « ATP-binding
cassette » (ABC).

2 Superfamille des transporteurs SLC :


nomenclature, classification, localisation
cellulaire et tissulaire, fonctions
Les transporteurs SLC font partie d’une superfamille de protéines avec 395 membres
identifiés en 2016 chez l’Homme, classés en au moins 52 familles et présents dans
toutes les espèces animales. La nomenclature internationale de ces transporteurs est
récente. Le premier nombre après le terme SLC indique la famille (exemple : SLC22),
la lettre suivante indique la sous-famille (exemple : SLC22A) et le dernier chiffre
indique le membre (isoforme) de la sous-famille (SLC22A1). Certains transporteurs
SLC sont des transporteurs actifs secondaires alors que d’autres sont des transporteurs
facilités. Ils sont responsables principalement de l’influx et secondairement de l’efflux
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

cellulaire d’une très grande variété de substrats inorganiques ou organiques tels des
nutriments, des neurotransmetteurs et certains xénobiotiques. En effet, les molécules
hydrophiles et chargées n’ont pas la capacité de franchir les membranes cellulaires et
vont interagir avec les transporteurs SLC afin de les traverser. Les substrats endogènes
sont des ions, des acides aminés, des métaux, des sucres, des nucléotides, des vita-
mines, des hormones, des neurotransmetteurs et divers cations ou anions organiques
(Tab. 2.1). Les transporteurs SLC peuvent transporter de manière facilitée ou active
comme pour le glucose. Les transporteurs SLC sont exprimés dans tous les tissus de
l’organisme mais avec des localisations subcellulaires et des niveaux d’expression qui
peuvent varier d’un tissu à l’autre.

19
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

Tableau 2.1 Exemples de transporteurs de la superfamille SLC impliqués dans le


transport de molécules organiques endogènes

Transporteurs SLC
Gènes Substrats endogènes
(protéines)

SLC1A1 EAATs Glutamate

SLC2A1 → 11 GLUT 1 → 11 Hexoses (T. facilité)

SLC5A1/A2 SGLT ½ Hexoses (T. actif)

SLC7As L, A, N… Acides aminés

SLC15A1/A2 PepT1/T2 di-, tripeptides

SLC16 A1 → 6 MCT 1 → 6 Acides carboxyliques

SLC21A (SLC0) OATP Anions organiques

SLC22A OAT Anions organiques

SLC22A OCT, OCTN1/2 Cations organiques

SLC29As ENT, CNT Nucléosides

3 Superfamille des transporteurs ABC :


nomenclature, classification, localisation
cellulaire et tissulaire, fonctions
La superfamille des transporteurs ABC compte 49 membres. La nomenclature interna-
tionale de ces transporteurs s’est inspirée de celle des CYP450. La première lettre après
le terme ABC indique la sous-famille (par exemple, la sous-famille B ou ABCB) et le
chiffre après cette lettre indique le membre de la sous-famille (membre 1 de la sous-
famille B ou ABCB1). Selon la nomenclature HUGO, ces gènes sont regroupés en sept
sous-familles baptisées de ABCA à ABCG, selon leurs homologies de séquence d’acides
aminés et leur phylogénie (Tab. 2.2).
Tableau 2.2 Nomenclature des transporteurs ABC

Anciens noms ABC1 MDR MRP ALD OABP GCN20 White

Sous-familles ABCA ABCB ABCC ABCD ABCE ABCF ABCG

Membres 12 11 13 4 1 3 5

La majorité des transporteurs ABC se caractérisent par une structure commune


composée de deux domaines transmembranaires (TMD = transmembrane domain),
chacun étant formé de six hélices transmembranaires α. Chacun de ces TMD est associé
à un site cytoplasmique de fixation de l’ATP (NBD = Nucleotide-Binding Domain).
Des variantes de ces structures de base (2 TMD + 2 NBD) existent cependant. En effet,

20
4 Les voies d’exposition

certains transporteurs tels que la BCRP sont des « demi-transporteurs » puisqu’ils ne


sont formés que d’un seul TMD et un seul NBD. Cette demi-structure forme un dimère
pour constituer une unité fonctionnelle. À l’inverse, d’autres transporteurs tels que les
MRP1, MRP2, MRP3, MRP6 et MRP10 possèdent un TMD additionnel.
Les transporteurs ABC sont exprimés au niveau de la membrane plasmique des cellules
où ils fonctionnent comme des pompes d’efflux ATP-dépendantes. Le processus d’expul-
sion peut s’effectuer contre de forts gradients de concentration grâce à l’hydrolyse de l’ATP
en ADP, fournissant l’énergie nécessaire au changement de conformation du transpor-
teur, à l’origine du processus d’expulsion. Les substrats de la Pgp sont très nombreux et
comprennent de nombreux toxiques organiques tels des médicaments cytotoxiques mais
également certains polluants comme des pesticides neurotoxiques. Sa localisation cellulaire
est toujours polarisée au niveau du pôle apical des épithéliums digestifs, rénaux, biliaires,
pancréatiques et au niveau de la membrane luminale des capillaires de la BHE, hémato-
testiculaire, hémato-rétinienne et hémato-placentaire. Comme son nom l’indique, la BCRP
(pour Breast Cancer Resistance Protein) a été découverte dans une lignée mammaire
devenue résistante aux anticancéreux. La BCRP transporte des composés endogènes tels
que l’œstrone-3-sulfate, 17β-œstradiol ou des porphyrines, mais elle est surtout connue
pour son efflux de xénobiotiques tels que la mitoxantrone (molécule antinéoplasique). Elle
transporte hors de la cellule de nombreux composés amphipathiques/hydrophobes neutres
ou cationiques, dont des anticancéreux comme la mitoxantrone ou des inhibiteurs de tyro-
sine kinase (par exemple : imatinib). Des composés endogènes tels que la protoporphyrine
et le phéophorbide sont aussi pris en charge par la BCRP. Le spectre de substrats pour
la BCRP chevauche en grande partie celui de la Pgp. La sous-famille des transporteurs
MRPs (Multidrug Resistance-associated Protein) compte 13 membres prenant en charge
des composés anioniques conjugués ou non avec un glucuronide, glutathion, sulfate ou
phosphate. Ils seront donc davantage impliqués dans le transport de composés conjugués
par les enzymes de phase II.

4 Les voies d’exposition


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4.1 La voie digestive


La première étape d’entrée des xénobiotiques dans l’organisme par voie orale consiste en
la traversée de l’épithélium intestinal constitué à 80 % d’entérocytes. La voie digestive
est la voie majeure d’exposition à des toxiques présents dans l’alimentation et les eaux
de boisson. Quel que soit le toxique considéré, la voie digestive comportera une étape
stomacale où l’acidité gastrique (pH = 1 à jeun) peut inactiver certains composés. Une
fois l’estomac passé, le xénobiotique arrive dans l’intestin grêle (duodénum, jéjunum,
iléon) qui représente la partie de l’intestin la plus favorable à l’absorption intestinale des
toxiques en raison d’une très grande surface d’échange des villosités intestinale (plus
de 100 m2) et du temps de transit de plusieurs heures à ce niveau. Comme le montre la
figure 2.6, un xénobiotique de faible poids moléculaire peut traverser la paroi intestinale

21
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

par voie paracellulaire étant donné l’existence de jonctions cellulaires peu serrées entre
les entérocytes. Par comparaison, la résistance électrique qui est le reflet de l’étanchéité
de la paroi intestinale est d’environ 80 ohm ⋅ cm2 alors qu’elle est de 2 000 ohms ⋅ cm2
au niveau de la barrière hémato-encéphalique (BHE) qui est la barrière la plus étanche de
l’organisme au passage paracellulaire des composés. À titre d’exemple, le mannitol, petite
molécule polaire très soluble dans l’eau, a un taux de passage de 16 % chez l’Homme
par voir orale alors qu’il est quasi nul au niveau de la BHE. Les xénobiotiques lipophiles
telles de nombreuses molécules environnementales toxiques peuvent traverser aisément
la paroi intestinale par diffusion passive (dioxines, pesticides…) si leurs propriétés physi-
cochimiques le permettent (voir paragraphe 1.3 sur la diffusion passive). Dans le cas de
propriétés physicochimiques défavorables à la diffusion passive (sucres, acides aminés,
vitamines hydrosolubles), de nombreux transporteurs SLC (OATP, PepT1/2, MCT…)
exprimés sur les faces apicales et basales de l’entérocyte permettent leur absorption
dans la circulation mésentérique par des mécanismes de diffusion facilitée ou actifs
secondaires. Fort heureusement, des mécanismes primaires actifs d’efflux cellulaire
permettent de limiter l’entrée de composés toxiques lipophiles présentant pourtant des
propriétés physicochimiques favorables à leur diffusion passive. Les principaux trans-
porteurs ABC telles la Pgp, la MRP2 et la BCRP permettent ainsi de limiter l’entrée
de composés lipophiles cytotoxiques comme certains pesticides neurotoxiques (MPTP,
MPP+) mais surtout de très nombreux médicaments anticancéreux.

Figure 2.6 – Principaux mécanismes de transport présents


au niveau des entérocytes.
Les jonctions serrées de l’épithélium intestinal limitent de façon modérée le passage
paracellulaire. Le passage trans-cellulaire par diffusion passive suit le gradient de
concentration et est non saturable. Des protéines de transport peuvent faciliter le
passage de composés à travers la membrane apicale et basolatérale des entérocytes.
Les transporteurs ABC et SLC permettent ces échanges par diffusion facilitée,
transport actif primaire ou secondaire.

22
4 Les voies d’exposition

Une fois le xénobiotique dans la circulation sanguine des villosités intestinales,


il rejoint la circulation portale puis de nouveau arrive dans des capillaires du
parenchyme hépatique appelés sinusoïdes où il sera en contact avec la membrane
basolatérale des hépatocytes (Fig. 2.7). Son entrée dans l’hépatocyte peut se faire
par diffusion passive ou par des transporteurs SLC. Une fois dans l’hépatocyte, il
est métabolisé par les enzymes du métabolisme et lui-même et/ou ses métabolites
peuvent être excrétés directement dans la bile ou revenir dans la circulation sanguine
par des transporteurs ABC.

Figure 2.7 – Devenir d’un xénobiotique dans l’hépatocyte.


À partir du capillaire sinusoïde au niveau hépatique, le xénobiotique (X) peut diffuser
passivement ou interagir avec des transporteurs SLC (OATP, OAT, OCT…) pour
atteindre le cytoplasme de l’hépatocyte. Dans cet exemple, deux hépatocytes sont
associés par des jonctions cellulaires et le xénobiotique est métabolisé au niveau
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intracellulaire par des enzymes de phase I en métablite X1 (par exemple : CYP450) et II


(UGT) pour former des métabolites secondaires glucurono-conjugués (X2) qui pourront
ainsi interagir avec des transporteurs d’efflux ABC au niveau du pôle canaliculaire (par
ex : MRP2) pour être excréter dans la bile ou ceux du pôle baso-latéral (par ex : MRP3)
pour rejoindre la circulation sanguine puis la veine sus-hépatique. Le xénobiotique
parent peut également être directement excrété dans la bile par les transporteurs
ABC présents à ce niveau (ex : MRP2 et Pgp).

4.2 La voie respiratoire : inhalation


La voie respiratoire est la principale voie d’absorption des xénobiotiques présents dans
l’environnement sous forme de petites particules solides ou liquides dans un gaz : les
fumées, les poussières de métaux lourds (plomb, mercure, cadmium), d’amiante, les

23
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

aérosols, les allergènes (farines, protéines de latex, acide chlorogénique contenu dans les
grains de café, ou différents fruits et légumes), les gaz irritants (poussières de chlorure
de zinc) et les vapeurs en suspension dans l’air ou encore les substances biologiques
(bactéries, virus, pollens).
La voie pulmonaire permet aussi une absorption rapide des médicaments, en parti-
culier les gaz (oxygène, par exemple) grâce à l’importance de sa vascularisation. Les
antiasthmatiques, les antibiotiques et les sulfamides peuvent être absorbés sous forme
d’aérosols grâce à des inhalateurs.
La pénétration d’une substance par voie respiratoire dépend de sa concentration, de
la dose inhalée, du temps de contact, de la ventilation et du type de substance.
On distingue trois niveaux dans les voies respiratoires (Fig. 2.8) : la région des
voies aériennes supérieures extrathoraciques (cavités nasales, pharynx et larynx), la
région thoracique (trachée, bronches et bronchioles) et la région alvéolaire (bronchioles
terminales, sacs alvéolaires et alvéoles) qui correspond à la région où se produisent
85 % des échanges gazeux. Les échanges se produisent aussi pour 6 à 10 % au niveau
des bronches et des bronchioles et le restant au niveau des tissus nerveux et vascu-
laires. La paroi des alvéoles et des capillaires sanguins et lymphatiques et la matrice
extracellulaire forment la membrane alvéolo-capillaire constituant une barrière air-
sang (Fig. 2.9).

Pénétration des particules selon diamètre

Voies aériennes supérieures


Fraction inhalable
t > 30 μm : pénétration facile dans
less fosses nasales
t 20 – 30 μm : piégeage par impact
dans cavité nasale, pharynx
et larynx

Région thoracique
t Bronches, bronchioles
10 – 20 μm
t Bronches terminales
10 – 3 μm

air
une alvéole
pulmonaire
Zone des échanges gazeux bronchiole

Fraction alvéolaire : < 3 μm

sac alvéolaire

Figure 2.8 – Schéma de la pénétration particulaire dans le poumon


(adapté des techniques de l’ingénieur ; Oberdörster et al., 2005).

24
4 Les voies d’exposition

Epithélium alvéolaire

Matrice extracellulaire

AIR

Surfactant secrété par


épithélium respiratoire Capillaire pulmonaire

Figure 2.9 – Représentation de la barrière alvéolo-capillaire.

Les plus grosses particules constituant la fraction inhalable sont arrêtées dans les
voies respiratoires supérieures au niveau des fosses nasales et n’ont guère d’impor-
tance toxicologique. Les particules moyennes (diamètre 5 à < 30 µm) sont piégées par
impact dans la cavité nasale, le pharynx et le larynx. Ces particules extrathoraciques sont
évacuées par les mucosités et les mouvements ciliaires des muqueuses respiratoires. Au
contraire, les fines particules (1 à 5 µm), les gaz et les vapeurs, moins hydrosolubles, vont
pénétrer jusqu’aux alvéoles, dépourvues de mucus et de cellules ciliées, mais en contact
direct avec la barrière alvéolo-capillaire. Ces composés se déposent par sédimentation
au niveau des bronches, des bronchioles et des alvéoles (Fig. 2.8). La collision des très
fines particules (< 0,1 µm), le long de l’arbre respiratoire par mouvement brownien jusque
dans les alvéoles, est à l’origine des pneumoconioses (amiante, silice). La paroi alvéo-
laire comprend essentiellement deux types de cellules : les pneumocytes I ou cellules
alvéolaires de type I (ATI) sont des cellules pavimenteuses représentant 90 % de la paroi
alvéolaire, et les pneumocytes de type II ou cellules alvéolaires de type II (ATII) sont des
cellules cubiques sécrétant le surfactant qui est un complexe macromoléculaire d’eau, de
lipides et de protéines aux propriétés tensioactives. Le macrophage est le troisième type
cellulaire de la paroi alvéolaire ; il a un rôle capital dans la phagocytose des particules
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déposées. Cependant, lorsque la résorption est impossible, les particules sont séquestrées
par les macrophages dans le parenchyme (pneumoconiose de l’amiante). En libérant
des médiateurs de l’inflammation, les macrophages peuvent induire des phénomènes de
sensibilisation à l’origine d’asthme, rhinite, pneumopathie d’hypersensibilité.
Outre la taille des particules, l’absorption des particules déposées dans les alvéoles
est aussi déterminée par leur hydrosolubilité. Les composés très hydrosolubles tels que
l’ammoniac NH3, le dioxyde de soufre SO2, les acides forts (HCl, H2SO4, HNO3…) sont
retenus dans les voies aériennes supérieures alors que les composés lipophiles, le dioxyde
d’azote NO2, l’ozone O3, le phosgène sont bien absorbés et pénètrent profondément
dans l’arbre respiratoire en y provoquant des lésions (irritation, fibrose, aggravation des
symptômes d’asthme, emphysème, œdème aigu du poumon).

25
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

Les alvéoles de surface très importante (140 à 150 m2 chez l’adulte) sont délimitées par
une membrane de diffusion fine (1/10 à ½ μm d’épaisseur) et humide (due à la formation
d’un film insoluble d’ultrafiltrat plasmatique intercalé avec le surfactant) permettant
les échanges oxygène et gaz carbonique ainsi que ceux des autres gaz et vapeurs. La
diffusion à travers la paroi alvéolaire se fait donc rapidement. Les très petites particules
hydrosolubles, les gaz et les vapeurs diffusent directement, par voie passive, dans les
capillaires au travers des parois cellulaires (Schneeberger, 1991) ; les particules lipo-
solubles pénètrent dans les vaisseaux lymphatiques après dissolution (Effros et Mason,
1983) et diffusent aussi très rapidement par voie passive.
L’intensité de l’exposition pulmonaire peut être déterminée en mesurant la concentra-
tion du toxique présente dans l’air (dose externe). Le taux d’absorption par l’organisme
(dose interne) est plus difficile à estimer car il dépend de la concentration du toxique dans
l’air, de la concentration intrapulmonaire et de la durée d’exposition ainsi que de l’apport
des données des modèles PBPK qui intégrent les études renseignant sur les différences
de cinétique liées au sexe, l’âge ou l’espèce.
Pour les gaz et les vapeurs, ces facteurs sont la ventilation pulmonaire, le débit
cardiaque, la solubilité des gaz dans le sang et les tissus (partage sang : air), et le gradient
de pression partielle des gaz entre les alvéoles et le sang veineux.
L’augmentation de la ventilation réduit la différence de concentration entre l’air inspiré
et l’air alvéolaire facilitant ainsi l’absorption des gaz solubles dans le sang et les tissus
comparativement aux gaz insolubles.
La quantité de toxique inhalé sous forme d’aérosol qui pénètre dans la circulation
systémique dépend de facteurs conditionnant la pénétration, l’élimination (clairance) et
la rétention des particules.
Le volume d’air inspiré permet de déterminer la quantité de produit qui pénètre dans
le corps.
Pour une personne standard, le volume respiratoire est le suivant :
̭ air inspiré au repos = 6 L/min ;
̭ air inspiré pour un travail modéré = 20 L/min ;
̭ air inspiré lors d’un travail intense = 100 L/min.
Selon l’activité, les quantités de gaz, de vapeurs ou de particules inhalées peuvent
être considérables. Les mécanismes de clairance pulmonaire vont éliminer une partie
des particules déposées. Dans l’arbre trachéo-bronchique, les particules solubles peuvent
être éliminées par solubilisation dans le milieu extracellulaire. Les particules insolubles
retenues dans le mucus recouvrant la trachée et les bronches seront progressivement
transportées vers le pharynx par les mouvements ciliaires et expectorées. Certaines
substances qui altèrent la qualité du mucus ou les mouvements ciliaires peuvent modi-
fier la clairance particulaire. Dans les zones non ciliées des bronches et des alvéoles,
l’élimination des particules se fait de quatre manières non exclusives :
̭ certaines particules peuvent être amenées au niveau de l’épithélium cilié et éliminées
par le mucus grâce au mouvement du surfactant recouvrant les alvéoles ;

26
4 Les voies d’exposition

̭ d’autres particules sont phagocytées par les macrophages et hydrolysées par le système
lysosomal des macrophages ; les macrophages peuvent aussi migrer vers les voies
aériennes supérieures ;
̭ certaines particules traversent les membranes des pneumocytes par un mécanisme
de pinocytose pour être phagocytées par des macrophages du tissu interstitiel ; ces
macrophages peuvent aussi migrer par les voies lymphatiques dans les ganglions. Les
particules peuvent aussi pénétrer directement dans les capillaires alvéolaires ou les
vaisseaux lymphatiques ;
̭ les particules solubilisées peuvent aussi diffuser à travers les membranes alvéolaires
dans la circulation systémique pour atteindre directement les différents organes sans
passage hépatique contrairement aux substances ingérées.
La clairance est d’autant plus efficace que le diamètre des particules est petit et d’autant
plus rapide que les particules sont déposées dans la zone ciliée plutôt que dans la zone
non ciliée où l’élimination est plus lente. L’exposition à divers polluants (silice, ozone…)
peut altérer les mécanismes de clairance alvéolaire.
Les xénobiotiques inhalés sont distribués dans l’organisme avant d’avoir atteint le
foie. Le métabolisme pulmonaire des substances inhalées peut entraîner l’induction
des systèmes enzymatiques et contribuer à leurs effets toxiques et au développement
des pathologies pulmonaires (fibroses, cancers). D’une façon générale, les systèmes
enzymatiques pulmonaires sont ceux qui sont décrits dans le chapitre métabolisme et
élimination des xénobiotiques. Il s’agit des cytochromes P450 ou CYP 1A1 permettant
l’oxydation du benzo [a]pyrène contenue par exemple dans les fumées (tabac…) en diol-
époxyde (Uppstad et al., 2010) ou l’oxydation par ses CYPA6 (Baxter et al., 2015), des
CYP2A pour former des groupes -diazo par α-hydroxylation des nitrosamines (Brown
et al., 2007). Les solvants inhalés (dichlorométhane par exemple) peuvent aussi être
métabolisés en acide formique et en aldéhyde après conjugaison au glutathion (Hasmi
et al., 1994).

4.3 La voie cutanée ou percutanée


Tout d’abord, quelques notions de physiologie.
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Physiologie de la peau
La peau constitue une barrière physicochimique permettant de protéger l‘organisme
contre les agressions extérieures externes, mais c’est aussi un lieu d’échange avec le
monde extérieur. Chez l’être humain, la peau présente une épaisseur moyenne de 3 mm,
une surface de 2 m2 et d’environ 5 kilos. Elle possède des follicules pileux, des glandes
sudoripares, des récepteurs sensoriels et des capillaires sanguins et lymphatiques
(Bouillon, 2002).
La structure de la peau se divise en trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypo-
derme (Fig. 2.10).

27
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

pores tige d’un follicule pileux (poil)

surface de la peau
pore de épiderme
transpiration

capillaires
muscle érecteur
du poil derme
glande
glande sudoripare sébacée
exocrine
hypoderme
réseau veineux
réseau artériel tissu conjonctif
cellules adipeuses terminaison nerveusecellules matricielles
(graisseuses)

Figure 2.10 – Représentation anatomique de la peau et de ses annexes.

Pénétration cutanée
L’épiderme est un épithélium constituant la couche la plus superficielle ; il forme
la première barrière rencontrée par les xénobiotiques. Il est composé de plusieurs
assises cellulaires regroupées de l’extérieur vers l’intérieur en couche cornée, couche
granuleuse, couche épineuse et couche basale. La couche cornée est directement en
contact avec l’extérieur et son épaisseur varie selon la région du corps. Elle est très
importante au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds. La couche
cornée protège donc la peau contre les agressions extérieures (chaleur, froid, séche-
resse, déshydratation) et empêche aussi la pénétration d’éléments extérieurs (agents
microbiens, poussières…).
L’épiderme est constitué de différentes cellules dont 85 % de kératinocytes qui inter-
viennent dans la protection de la peau, constituant une véritable barrière vis-à-vis de
l’extérieur.
Le derme, tissu conjonctif de la région intermédiaire, contient des fibroblastes
sécrétant des glycoprotéines (collagène et élastine) qui assurent souplesse et élasti-
cité à la peau. C’est une région très innervée et vascularisée, où sont enchâssées les
glandes sudoripares et sébacées, ainsi que les follicules pileux. Les vaisseaux sanguins
et lymphatiques jouent un rôle primordial dans le transport des substances toxiques
vers les différents organes. Le derme constitue une barrière moins sélective et donc
plus facilement franchissable.
L’hypoderme est la région la plus profonde. Il s’agit d’un tissu conjonctif lâche conte-
nant des cellules adipeuses (adipocytes). Il est très vascularisé. Il renferme les réserves
énergétiques.
Ces différents types cellulaires permettent à la peau d’assurer de nombreuses fonc-
tions : protectrice, métabolique, immunitaire, de thermorégulation, sensorielle et
d’échanges.

28
4 Les voies d’exposition

De par sa structure, la peau est une barrière très efficace contre les microorganismes,
le rayonnement ultraviolet et différents agents nocifs. Cependant, la voie cutanée
constitue la deuxième voie importante d’absorption des toxiques soit parce que la
manipulation de certains produits se fait sans précaution, c’est-à-dire sans porter des
équipements de protection individuelle désignés par l’acronyme EPI (gants, lunettes,
masques, vêtements de protection), soit parce que, en cas de projections importantes,
la peau n’est pas complètement étanche vis-à-vis de nombreux produits chimiques
qui peuvent traverser directement l’épiderme et pénétrer profondément au travers des
pores ou des follicules pileux. En effet, un toxique peut exercer un effet local (irritation,
nécrose, eczéma…) ou être absorbé. Cet effet peut être accentué en cas de pathologie
cutanée.
Une substance déposée sur la peau peut traverser la couche cornée, diffuser à travers
l’épiderme, le derme, l’hypoderme ou être résorbée dans les capillaires dermiques.
L’absorption cutanée est déterminée par les facteurs suivants :
̝ Les propriétés physicochimiques de la substance comprenant la solubilité dans l’eau
et les lipides, le degré d’ionisation, le poids moléculaire : les substances liposolubles
pénètrent mieux que les substances hydrosolubles. Les substances non ionisables
sont transportées en fonction de leur lipophilie et passent en général facilement les
membranes. Un petit nombre de toxiques facilement ionisables (alcaloïdes et acides
organiques) sont transportés selon le pH de la peau. Peu solubles dans les graisses,
leur pénétration percutanée reste cependant souvent assez faible. Un poids moléculaire
élevé limite l’absorption cutanée transépidermique.
̭ Le rôle du solvant ou du véhicule utilisé est essentiel : le diméthylsulfoxyde
et la diméthylformamide facilitent l’absorption percutanée des substances
dissoutes en dissolvant le sébum de surface et les lipides (céramides, acides gras
libres, cholestérol) de la couche cornée. D’une façon générale, tous les solvants
sont bien absorbés par voie cutanée car ils sont liposolubles mais aussi souvent
polaires et présentent une certaine hydrosolubilité qui favorise leur pénétra-
tion. Il s’agit par exemple des éthers de glycol, de plusieurs alcools (méthylique,
propylique, n-butylique), de divers nitriles dont l’acrylonitrile, des hydrocarbures
aromatiques (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène), diverses cétones, des hydro-
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carbures chlorés (tétrachlorure de carbone, tétrachloroéthylène), les surfactifs


anioniques (tel le laurylsulfate de sodium), mais aussi cationiques et non anio-
niques. Une fois la barrière cutanée franchie, les solvants sont véhiculés par le
sang et se dispersent dans tout l’organisme (phase de dissémination) où ils peuvent
provoquer des troubles au niveau d’organes cibles (foie, reins, vessie, système
nerveux). L’utilisation des solvants est donc bien réglementée en milieu industriel.
L’affinité d’une substance pour son véhicule (coefficient de partage/couche cornée)
conditionne l’aptitude de la substance à traverser : l’absorption est augmentée
sur une peau lésée (inhibiteurs topiques de la calcineurine utilisés dans le traite-
ment de la dermatite atopique, les rétinoïdes qui induisent une prolifération des

29
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

kératinocytes et une desquamation accélérée). Cette propriété est utilisée pour


augmenter l’absorption. En effet, l’occlusion, physiologique dans les plis cutanés
ou obtenue grâce à des pansements ou des corps gras, augmente la température
et l’hydratation du stratum corneum ainsi que le débit sanguin et l’effet réservoir.
Les armes chimiques tels que les composés organophosphorés neurotoxiques (sarin,
tabun), solubles dans les graisses, pénètrent rapidement par la peau et sont mortels
à très faible dose (le sarin a été utilisé récemment lors d’un attentat dans le métro
de Tokyo). L’intégrité de la couche cornée limite donc la pénétration transcutanée.
L’affinité d’une substance pour son véhicule (coefficient de partage/couche cornée)
conditionne l’aptitude de la substance à traverser.
̝ L’importance de la surface cutanée en contact avec la substance.
̭ La durée du contact/application : la couche cornée constitue un réservoir en subs-
tance ou en principe actif médicamenteux, relarguant pendant plusieurs heures la
substance appliquée à la surface, ce qui évite des applications répétées dans la journée.
L’importance de l’absorption cutanée influence la mesure des indicateurs biologiques
d’exposition. Par exemple, il a été montré que le profil d’excrétion urinaire de la méthy-
lène dianiline et de ses métabolites différait selon la voie d’exposition (par inhalation
ou par contact cutané) : par voie cutanée, les concentrations urinaires étaient plus
élevées dans l’échantillon urinaire prélevé le lendemain avant la reprise du travail,
alors que lors d’une exposition par inhalation, le dosage devra se faire dans l’échan-
tillon urinaire de fin de journée.
̭ La température, le degré d’hydratation et le pH de la peau : une modification de
chacun de ces facteurs accélère l’absorption des substances appliquées. Les modi-
fications du pH de la solution conditionnent la diffusion percutanée : la forme non
dissociée, non ionisée est plus diffusible. L’hydratation est favorisée par les émollients
utilisés lors du traitement du psoriasis ou de la sécheresse cutanée liée au vieillisse-
ment pour réduire le prurit.
̭ Le site d’application : l’abondance en follicules pileux du stratum corneum et son
épaisseur peuvent influer sur la vitesse d’absorption cutanée de la substance. Le
stratum corneum de la peau des jambes est plus perméable que celui de la peau de
l’abdomen. Dans les zones où le stratum corneum est épais, paume des mains et plante
des pieds, la pénétration des médicaments en particulier est réduite. Au contraire, il
y a une pénétration accrue des médicaments topiques lorsque le stratum corneum est
peu épais (visage, organes génitaux, plis axillaires et inguinaux, cou). Par exemple,
les corticoïdes ont une pénétration cutanée multipliée par 10 sur le visage et jusqu’à
40 sur le scrotum par rapport à la peau de l’avant-bras.
̭ L’âge du patient : il existe une immaturité fonctionnelle de la barrière cutanée et
du stratum corneum chez le petit enfant et chez le prématuré qui favorise une péné-
tration accrue des produits. En outre, le rapport surface cutanée/masse corporelle,
plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte, contribue à un risque accru d’absorption
par voie cutanée et d’effet systémique des médicaments administrés par voie topique
(Tab. 2.3).

30
4 Les voies d’exposition

Tableau 2.3 Effets systémiques lors d’applications excessives de médicaments topiques


chez le petit enfant

Produit Utilisation Toxicité Contexte

Alcool Antiseptique Nécrose hémorragique Prématuré

Corticoïdes Anti-inflammatoire Hypercorticisme, Dermatite


insuffisance atopique
surrénalienne

Hexachlorophène Antiseptique Neurotoxicité Contaminant du talc

Lidocaïne prilocaïne Anesthésique Épilepsie, Anesthésie du petit


méthémoglobinémie enfant

Lindane Antiparasitaire Epilepsie, neurotoxicité Traitement de la gale

Salicylés Acidose métabolique Encéphalopathie Petit enfant, anomalie


Kératolytique génétique de la
barrière

̭ Les pathologies cutanées : de nombreuses pathologies (dermatite atopique, derma-


toses bulleuses, brûlures, ichtyoses) présentant des altérations du stratum corneum
favorisent l’augmentation de la pénétration cutanée des médicaments (corticoïdes
locaux).
̭ La circulation périphérique n’augmente que l’absorption des substances ayant
traversé la couche cornée.
̭ La fixation aux protéines du tissu cutané et le métabolisme intracutané : le méta-
bolisme cutané est localisé dans l’épiderme ; il représente 2 % de celui du foie.
La fixation de certains allergènes du secteur industriel (métaux divers : nickel,
mercure, chrome hexavalent ; le dinitrochlorobenzène ; la p-phénylènediamine) sur
des protéines épidermiques induit le développement de la dermite de contact (eczéma).
La pénétration du toxique à travers la peau peut se faire selon deux voies : la voie
transépidermique dont le stratum corneum (10 µm) constitue la principale barrière de
diffusion et la voie pilosébacée (follicules pileux, glandes sébacées, glandes sudoripares).
Lorsque la barrière du stratum corneum est franchie, la pénétration des substances
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans le derme et les vaisseaux sanguins est facile car ces structures sont relativement
perméables. Pour les molécules ionisées, le passage peut se faire par voie transannexielle
c’est-à-dire par les follicules pilosébacés et/ou les glandes sudoripares (mercure, sels
de fer…).
Il a été montré qu’une quantité importante de médicament qui traverse la peau obéit
à la loi de diffusion passive de Fick (déjà citée dans ce chapitre). Si la quantité déposée
est épuisée, le flux percutané diminue, ce qui nécessite de répéter l’application pour une
thérapeutique dermatologique. La distance de diffusion dans le derme est de l’ordre
de quelques dixièmes de millimètre et la couche de kératine présente une très grande
résistance à la diffusion de nombreuses substances. Les substances peuvent traverser
le stratum corneum par diffusion passive à travers les cellules kératinisées ; le stratum

31
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…

corneum sert de réservoir temporaire aux substances appliquées localement. Une


absorption dermique considérable de substances liposolubles très toxiques (insecticides
organophosphorés ou solvants organiques) peut donc provoquer une intoxication. Dans
le cas de substances liquides, l’absorption est importante. L’absorption percutanée de
vapeurs peut être importante pour les solvants présentant une pression de vapeur très
basse et une forte affinité pour l’eau et la peau. Les corticoïdes inhibent la synthèse de
collagène et des polysaccharides qui constituent la matrice extracellulaire du derme.
Après plusieurs semaines d’utilisation, ils sont responsables d’une atrophie cutanée
lentement réversible à l’arrêt du traitement. En utilisation chronique dans le traitement
des dermatoses inflammatoires (psoriasis, eczéma de contact, dermatite atopique), ils
peuvent aussi perturber la fonction de barrière de l’épiderme en réduisant l’épaisseur du
stratum corneum et altérer l’endothélium vasculaire.
Les substances qui ont pénétré dans l’épiderme et dans le derme (œstrogènes, corti-
coïdes, métal radioactif, pesticides par exemple) seront métabolisées par des réactions
d’hydrolyse, d’oxydation, de réduction et de conjugaison. Le métabolisme cutané est
cependant modeste, moins de 5 % du médicament absorbé, en raison de la saturation
rapide des enzymes cutanées qui sont aussi faiblement exprimées.

Protection de la peau
En milieu industriel, il est important d’assurer une protection de la peau afin d’éviter
le contact avec les solvants ou les composés chimiques irritants, en utilisant des vête-
ments de protection résistant à ces produits (gants adaptés, manchons, combinaisons,
bottes), associés à des mesures collectives de réduction de l’exposition. Les vêtements
de protection sont à base de polymère et peuvent être plus ou moins perméables en
fonction des interactions entre le polymère et le solvant car aucun des matériaux ne peut
résister à toutes les classes de solvants. Il en est de même pour les gants qui sont à base
de caoutchouc ou de plastique.
L’utilisation de substances hydratantes (émollients) permet de réduire les sensations
de sécheresse et de grattage, associées à l’utilisation d’irritants ou en cas de dermatites.

32
L’essentiel
Les points clefs du chapitre
1 Les voies majeures d’exposition aux toxiques environnementaux sont les voies digestives,
pulmonaires et cutanées.
2 L’entrée des toxiques dans l’organisme fait intervenir des processus de diffusion passive
simple, de transports facilités ou actifs à travers les barrières cellulaires externes.
3 Les mécanismes moléculaires de perméabilité cellulaire font intervenir des transporteurs
d’entrée (SLC) et/ou d’efflux (ABC).
4 La voie pulmonaire est la voie majeure d’entrée des toxiques gazeux, vapeurs et aérosols
présents dans l’air, qui véhicule également des microorganismes et des pollens.
5 La voie cutanée d’entrée des toxiques dans l’organisme fait intervenir la voie transdermique
ou les glandes annexes. Elle est la principale voie d’entrée des toxiques tels les liquides
volatiles (solvants) et les gaz lipophiles.

33
Chapitre 3
Distribution des
xénobiotiques dans
l’organisme
Introduction
Ce chapitre présente les mécanismes et les facteurs de variabilité de la phase de distribu-
tion des xénobiotiques dans l’organisme. Les modalités de passage des xénobiotiques du
sang aux tissus font intervenir des mécanismes moléculaires de type diffusionnels et de
transport au travers des barrières cellulaires internes de l’organisme abordés dans le cha-
pitre 2. Le volume de distribution d’une molécule (composé parent auquel on est
exposé ou ses métabolites éventuels formés par métabolisme, voir chapitre 4) évalue cette
capacité qu’ont les molécules de se distribuer plus ou moins intensément dans les tissus.
Il varie en fonction de nombreux critères, liés d’une part au xénobiotique et aux tissus aux-
quels il est amené à se distribuer (tels que son poids moléculaire, son degré de lipophilie
et d’ionisation, son interaction avec les transporteurs ABC et SLC au niveau des surfaces
d’échanges sang-tissus, son affinité pour les constituants protéiques, lipidiques et gluci-
diques des cellules de l’organisme, le pourcentage de liaisons aux protéines plasmatiques),
et d’autre part à l’organisme lui-même (tels que les débits de perfusion et la composition
corporelle).

Objectifs Plan
Comprendre les mécanismes de distribution 1 Les espaces corporels et
des xénobiotiques dans l’organisme. physiologiques
Connaître l’impact du volume de distribution 2 La partition sang-tissus des
dans la pharmacocinétique d’un xénobiotiques
3 Le volume de distribution
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xénobiotique dans le sang et les tissus.


d’un xénobiotique
Connaître les principaux facteurs de
4 Conséquence du
variabilité de la distribution tissulaire des
volume de distribution
xénobiotiques.
sur les paramètres
Acquérir des connaissances sur les principales pharmacocinétiques observés
barrières internes de l’organisme. 5 Facteurs de variabilité du
volume de distribution
6 Notion de clairance de
distribution
7 Les barrières internes de
l’organisme

35
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

1 Les espaces corporels et physiologiques


L’organisme humain comme d’autres espèces animales est constitué majoritairement
d’eau et d’espaces tissulaires. Chez un homme adulte pesant 70 kg avec un indice
de masse corporel compris entre 18 et 25 kg/m2, l’espace hydrique occupe environ
60 % du poids corporel total (PCT) et ainsi l’espace tissulaire 40 %.
Dans l’organisme, l’espace hydrique se répartit dans plusieurs compartiments : le
sang (5 litres dont environ 3 litres de plasma), les espaces extracellulaires (15 litres) qui
représentent les liquides présents au niveau interstitiel et dans les cavités de l’organisme
(humeur vitrée, pré-urine des tubules rénaux, urine dans la vessie, LCR dans les ventri-
cules cérébraux et les espaces sous-arachnoïdiens supra-spinaux et spinaux), et enfin
les espaces intracellulaires de toutes les cellules composant l’organisme (25 litres). On
comprend déjà aisément qu’un xénobiotique, qui ne se distribuera que dans l’eau totale
de l’organisme sans jamais se fixer à aucun constituant tissulaire, occupera un volume
(que l’on appellera volume de distribution en pharmacocinétique) de 45 litres, qui repré-
sentera le volume hydrique total.
Les espaces tissulaires, toujours chez un homme adulte de poids normal, sont repré-
sentés par les espaces protéique (18 % du PCT), lipidique (15 % du PCT) et minéral
(7 % du PCT). Il est important de noter que cette composition corporelle peut varier
qualitativement et quantitativement avec différents facteurs au cours de la vie, notam-
ment l’âge, le poids, le sexe, les maladies mais ces modifications ne seront pas abordées
dans ce chapitre.

2 La partition sang-tissus des xénobiotiques


Il est fondamental de comprendre que la distribution d’un xénobiotique dans les
tissus dépend de sa capacité à occuper des espaces corporels principalement protéo-
lipidiques à partir de sa présence dans les espaces hydriques de l’organisme. Cette
capacité de distribution va ainsi dépendre de son coefficient de partition entre l’eau
et les graisses qui peut être évalué par le coefficient de partition octanol/eau logP
(ou Kow dans la littérature anglo-saxonne) et le coefficient de distribution logDpH.
Le logP d’un xénobiotique est le logarithme décimal du rapport de sa concentration
dans une phase lipidique (représentée ici par un solvant très apolaire : l’octanol) à sa
concentration dans l’eau une fois l’équilibre de partition du xénobiotique obtenu dans
chacune de ces deux phases non miscibles. Un logP négatif signifie ainsi que le xénobio-
tique est davantage concentré dans l’eau que dans l’octanol et inversement si le logP est
positif. Un logP de 3 indique donc que la concentration du xénobiotique dans l’octanol
une fois l’équilibre de partition atteint est 1 000 (103) fois supérieure à celle dans l’eau, ce
qui témoigne d’une forte affinité pour les solvants organiques apolaires apparentée à une

36
3 Le volume de distribution d’un xénobiotique

forte lipophilie de la molécule qui sera un élément favorable à une très forte distribution
dans les tissus à partir du sang. À titre d’exemple, le logP de la dioxine de Seveso est de
6,4 (PubChem CID : 15625), ce qui montre sa très forte lipophilie et explique pourquoi
ce composé est si intensément distribué chez les mammifères dans les tissus riches en
lipides comme les graisses (en plus de sa résistance vis-à-vis du métabolisme des xéno-
biotiques). Le logDpH est obtenu en remplaçant la phase aqueuse non tamponnée (pour
le logP) par une solution aqueuse tamponnée au pH pour lequel on souhaite mesurer la
partition octanol/tampon. Il convient donc toujours d’indiquer la valeur du pH du tampon
utilisé lorsqu’on présente le logD d’un xénobiotique. L’intérêt du logD est de mesurer sa
valeur à plusieurs pH qui peuvent représenter ceux de l’organisme (par exemple : pH = 1
dans l’estomac à jeun, pH = environ 5 dans les compartiments intracellulaires lysoso-
miaux, pH = 5-6 dans les urines, pH = 7,4 dans le plasma et pH = 7,3 dans le LCR), et
ce, d’autant plus si le xénobiotique présente des fonctions ionisables de type acide/base
qui se retrouveront à des degrés divers sous forme neutre ou ionisée en fonction du pH
dans lequel il se trouve (voir l’équation de Henderson-Hasselbalch et la théorie dite de
la « pH partition »).
Le coefficient de partition sang-tissu d’un xénobiotique (Kp) est un para-
mètre in vivo représentant le rapport des concentrations tissulaires et sanguines
d’un xénobiotique après atteinte de son état d’équilibre de distribution. Le Kp d’un
xénobiotique va ainsi fortement dépendre de son coefficient de partage octanol/eau
pour ce qui est de la capacité de sa liaison aux tissus qui contiennent une grande
quantité de lipides (environ 50 %) dans les membranes cellulaires (cholestérol, phos-
pholipides, glycolipides…).

3 Le volume de distribution d’un xénobiotique


Le volume de distribution (Vd) d’un xénobiotique est défini comme un volume fictif
exprimant le rapport de sa quantité présente dans l’organisme à sa concentration dans
un site d’exploration défini. Autrement dit, le Vd exprime la capacité d’un xénobiotique
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

à se distribuer plus ou moins intensément dans les tissus de l’organisme.


À titre d’exemple, le Vd d’une molécule administrée par voie IV qui présente une
cinétique d’élimination monoexponentielle décroissante se calculera par le rapport de
la dose administrée divisée par la concentration sanguine à t = 0 (concentration extra-
polée à partir des concentrations observées en fonction du temps). On comprend ainsi
que si la concentration en xénobiotique est extrêmement faible dans le sang au regard
de la quantité de xénobiotique présente dans l’organisme, cela indique une très impor-
tante distribution du xénobiotique dans les tissus. Ceci explique pourquoi le Vd peut
atteindre des valeurs qui dépassent de très loin les volumes physiologiques comme le
montre la figure 3.1 pour plusieurs composés de poids moléculaire, charges et lipophilie
très différents.

37
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

Vd (litres)
Molécules
50 000 Quinacrine lipophiles
bases faibles
20 000 Chloroquine (liaisons tissus)

2000 Antidépresseurs
tricycliques

500 Digoxine

Vol. eau 50 Digitoxine, phénobarbital


totale théophyline
Vol. extra-
cellulaire Ac. Salicylique
10
phénylbutazone
Molécules
Vol. sang 5 Macromolécules acides et neutres
Plasma 3 pm > 100 000 (liaison prot. Plasma)
macromolécules

Figure 3.1 – Échelle des Vd en litres de différents composés.

Les molécules de haut poids moléculaire comme des anticorps vont avoir des
Vd très faibles en raison de leur faible diffusion tissulaire, leur incapacité à franchir
les membranes cellulaires sauf au niveau d’organes présentant des récepteurs aux
fragments Fc des immunoglobulines comme le système réticulo-endothélial. Leur
Vd ne dépassera généralement pas 10 litres et seront proches du volume de plasma
auquel il faut ajouter des volumes représentés par des liquides interstitiels proches
et accessibles pour leur diffusion. Il en sera de même pour des molécules chimiques
de petits poids moléculaire, neutres ou acides (par exemple : acide salicylique)
présentant des propriétés physicochimiques favorables à leur diffusion tissulaire mais
dont la distribution sera limitée du fait de leur forte liaison restrictive aux protéines
plasmatiques (voir paragraphe 5.3 sur la liaison aux protéines plasmatiques). En
revanche, une molécule de faible poids moléculaire (< 500 d, voir chapitre 2) faci-
lement diffusible dans l’espace hydrique extracellulaire et intracellulaire aura un Vd
identique à celui qu’occupe l’espace hydrique total de l’organisme à savoir 45 litres
(ex. : théophylline).
À la différence de ces molécules présentant des Vd faibles ou intermédiaires jusqu’à
45 litres, les xénobiotiques présentant des caractéristiques favorables pour leur
diffusion dans les tissus (faible poids moléculaire, basiques ou neutres, logP positif et
élevé avec forte lipophilie) et une forte capacité à s’y fixer sur des constituants cellu-
laires protéiques et/ou lipidiques auront des Vd bien plus élevés, voire très élevés. Par
exemple, la dioxine est une molécule très lipophile avec un logP de 6,4 et présente un
Vd de plusieurs milliers de litres chez l’homme.

38
4 Conséquence du volume de distribution sur les paramètres pharmacocinétiques observés

4 Conséquence du volume de distribution sur


les paramètres pharmacocinétiques observés
Le volume de distribution est un des paramètres pharmacocinétiques fondamentaux
(ou primaires) qui a un impact important sur la forme des courbes des concentrations
d’un xénobiotique dans le sang et les tissus en fonction du temps. Après une injection
intraveineuse bolus d’un xénobiotique où son Cmax dans la circulation systémique est
atteint très rapidement (quelques minutes), son Vd déterminera la valeur du Cmax. Plus
le Vd d’un xénobiotique sera important et plus son Cmax sera faible. On note sur
la figure 3.2 que la concentration initiale du xénobiotique 1 est bien inférieure au xéno-
biotique 2. D’une manière générale, après une exposition unique à un xénobiotique
par voie extravasculaire quelle que soit sa voie d’absorption (voie d’exposition pour un
toxique) ou par voie intravasculaire (intraveineuse, intra-artérielle), les concentrations
sanguines seront d’autant plus faibles que son Vd sera grand comme vu dans sa définition.

10,000

Xénobiotique 1

Xénobiotique 2
Concentration sanguine (ng/l)

1,000

100

10
0 200 400 600 800 1,000 1,200 1,400 1,600
Temps (minutes)

Figure 3.2 – Évolution des concentrations sanguines de deux xénobiotiques en


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fonction de leur volume de distribution.


Ces courbes de pharmacocinétique sont simulées dans le sang pour deux xénobiotiques
(X1 et X2) administrés à la même dose (1 mg) par voie IV bolus et présentant la même
clairance corporelle totale (1 l/minute). Les Vd sont respectivement de 1000 l et 100 l
pour X1 et X2.
En revanche, les toxiques présentant une forte distribution dans les tissus et ainsi un
Vd important présenteront une bien plus longue demi-vie d’élimination. La figure 3.2
montre effectivement que le xénobiotique 1 présente une demi-vie plus longue que le
xénobiotique 2. Ceci est parfaitement illustré avec la dioxine et ses dérivés qui présentent
des demi-vies d’élimination de 7-8 ans ! Selon le principe pharmacocinétique qui établit
la durée de la phase d’élimination d’un xénobiotique à 6 fois sa demi-vie d’élimination, il

39
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

faudra donc environ 50 ans pour qu’un homme exposé à la dioxine l’élimine totalement
de son organisme. Il est important de noter que la demi-vie d’élimination d’un xéno-
biotique est un paramètre hybride qui dépend également de sa capacité à être éliminé par
l’organisme. Ainsi, plus la clairance d’un xénobiotique sera grande et plus sa demi-vie
d’élimination sera courte (voir chapitre 4). Il est également important de distinguer le rôle
du Vd lors d’administration/exposition unique ou réitérée à un toxique. Alors que nous
venons de voir que le Vd influence considérablement les concentrations dans l’organisme
lors d’une exposition unique à un toxique, il n’aura aucun effet sur les concentrations
sanguines et tissulaires moyennes lors d’administrations réitérées. Seule la biodispo-
nibilité (F) d’un xénobiotique par voie extravasculaire et sa clairance corporelle totale
conditionneront ses concentrations moyennes sanguines et tissulaires qui seront d’autant
plus faibles que sa biodisponibilité sera faible et sa clairance élevée.

5 Facteurs de variabilité du volume


de distribution
Les facteurs de variabilité du volume de distribution d’un xénobiotique sont la perfusion
(débit sanguin) des organes, la perméabilité du xénobiotique aux interfaces sang-tissus
et sa liaison aux protéines sanguines.

5.1 Perfusion des organes


Le débit sanguin dans les tissus est un élément déterminant de la distribution des
xénobiotique dans l’organisme. Le tableau 3.1 rassemble les débits de perfusion des
principaux organes impliqués dans la distribution des xénobiotiques chez l’homme.
Notons que ces valeurs sont celles au repos pour un homme de poids normal.

Tableau 3.1 Volume tissulaire et débit sanguin des principaux organes de distribution
des xénobiotiques chez l’homme de 70 kg et de surface corporelle égale à 1,73 m2.

Volume tissulaire Débit tissulaire


Tissus
(l) (l/min)
Sang 5 5,8
Plasma 2,5 2,9
Foie 1,5 1,5
Muscles 30 1,2
Reins 0,3 1,2
Cerveau 1,5 0,75
Peau 1,73* 0,5
Cœur 0,3 0,24
Graisses 10 0,2

*surface de la peau en m2 .

40
5 Facteurs de variabilité du volume de distribution

Plusieurs organes présentent des débits sanguins élevés comme le foie, les reins, les
muscles et le cerveau alors que d’autres présentent de faibles débits comme les graisses
et le cœur. De quelle manière ces débits vont-ils influencer la distribution tissulaire
d’un xénobiotique ? De façon générale, un xénobiotique se distribuera d’autant plus dans
un organe qu’il présentera un débit sanguin élevé. Il faut distinguer dans la distribution
tissulaire d’un xénobiotique, la vitesse de sa distribution lors de sa captation tissulaire et
sa concentration dans le tissu lorsque son équilibre de distribution aura été atteint entre
le sang et les tissus exposés.
La vitesse de captation du xénobiotique sera d’autant plus grande que sa concentration
artérielle et le débit de perfusion du tissu considéré seront élevés et que le volume tissu-
laire sera faible. Il est parfaitement compréhensible qu’un toxique lipophile comme la
dioxine se distribue lentement (vitesse lente de captation tissulaire) dans les graisses qui
sont faiblement perfusées mais qui occupent un espace tissulaire important. À l’équilibre
de distribution entre un tissu et le sang, les quantités de toxique dans ces tissus dépendent
à la fois de la concentration sanguine et du coefficient de partage Kp du composé pour
le tissu considéré.
Si l’on reprend l’exemple de la dioxine, son affinité est telle pour les graisses en raison
de ses propriétés physicochimiques que son Kp est très élevé pour les graisses et ainsi
les quantités de dioxine à l’équilibre seront très élevées dans les graisses.
Nous venons de voir que la cinétique de distribution de la dioxine dans les graisses
est lente, il en sera de même pour sa redistribution dans le sang pendant son élimina-
tion et c’est bien cette étape de redistribution qui conditionnera sa très longue demi-vie
d’élimination observée dans le sang. Pour des composés hautement lipophiles comme
la dioxine, le facteur limitant sa distribution ne sera pas sa perméabilité membranaire
étant donné ses propriétés physicochimiques très favorables à sa forte diffusion passive
à travers les membranes cellulaires (voir chapitre 2).

5.2 Perméabilité membranaire


Le deuxième facteur influençant la distribution des xénobiotiques dans l’organisme est
leur capacité à franchir les membranes biologiques.
En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, le passage des xénobiotiques
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au travers des membranes biologiques fait intervenir plusieurs mécanismes de passage


par diffusion passive ou facilitée et/ou par transport actif primaire ou secondaire. Les
propriétés physicochimiques ainsi que l’affinité pour des systèmes de transport d’influx
et d’efflux vont ainsi être des éléments déterminants de leur capacité à se distribuer dans
les tissus. Les échanges d’un xénobiotique entre le sang et les liquides extracellulaires
vont être rapides alors que leur passage dans les liquides intracellulaires pourra être
un phénomène plus lent en fonction de leur vitesse de passage à travers les membranes
biologiques. Enfin, leur distribution dans les tissus en raison de leur affinité pour les
composants protéiques et lipidiques cellulaires sera un mécanisme encore plus lent
comme vu dans le paragraphe précédent.

41
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

Une molécule ayant des propriétés défavorables de liaison aux tissus se distribuera
donc rapidement dans les liquides de l’organisme avec un volume de distribution limité
aux espaces liquidiens physiologiques. En revanche, une molécule se fixant intensément
aux tissus se distribuera lentement mais fortement dans les tissus avec un Vd qui dépas-
sera les volumes physiologiques comme décrit dans le paragraphe sur les Vd.

5.3 La liaison aux protéines sanguines et tissulaires


Le troisième paramètre important pour comprendre la distribution tissulaire des
xénobiotiques est leur capacité relative de fixation aux protéines sanguines et
tissulaires.
Les principales protéines de fixation des xénobiotiques dans le plasma sont l’albumine
(environ 40 g/l chez l’homme sain), l’orosomucoïde ou alpha-1-glycoprotéine acide
(environ 1 g/l chez l’homme sain) et les lipoprotéines (HDL, VLDL, LDL).
La fraction libre non liée aux protéines plasmatiques (fup) d’un xénobiotique est le
rapport de sa concentration libre dans le plasma divisée par sa concentration plasma-
tique totale. Les protéines plasmatiques présentent un haut poids moléculaire (65 kDa
pour l’albumine) et on comprend qu’un xénobiotique fixé à ces protéines ne pourra pas
aisément franchir les membranes biologiques. Seule la fraction libre du xénobiotique
sera ainsi capable de les franchir en fonction de ses propriétés physicochimiques (voir
chapitre 2). Une fois dans le tissu, le xénobiotique sous forme libre pourra interagir avec
des protéines/lipides tissulaires et s’y lier, ce qui définit la fraction libre non liée à ces
macromolécules tissulaires (fut). Comme le montre la figure 3.3, lorsque l’équilibre de
distribution est atteint, il existe un équilibre entre les concentrations libres dans le plasma
(Cup) et les tissus (Cut) selon la relation :
Cp × fup = Ct × fut

Où Cp est la concentration totale dans le plasma, Ct la concentration totale dans le tissu.


Ainsi il vient que la concentration tissulaire Ct suit la relation suivante :
fup
Ct = × Cp
fut

Dans cette équation, on observe que la concentration totale dans le tissu à l’équilibre
dépend du rapport des fractions libres du xénobiotique dans le plasma et le tissu.
On peut démontrer que le Vd d’un xénobiotique dépend également de ce rapport selon
l’équation suivante :
fup
Vd = Vp + × Vt
fut

Où Vp est le volume physiologique de plasma et Vt le volume tissulaire.


Le Vd d’un xénobiotique ne dépend donc pas seulement de la liaison aux protéines
plasmatiques mais également de sa capacité de fixation aux tissus. Prenons l’exemple

42
6 Notion de clairance de distribution

de l’acide salicylique qui présente une forte fixation à l’albumine mais une faible fixa-
tion au tissu, son Vd sera faible en raison de son incapacité à diffuser dans les tissus
(fup très faible) et à s’y fixer (fut important). Ce phénomène est connu sous le nom de
« liaison restrictive » d’un xénobiotique aux protéines plasmatiques. Inversement, la
dioxine fortement fixée dans le sang aux lipoprotéines (80 %), à l’albumine (15 %) et aux
cellules sanguines (5 %) avec une fraction libre infinitésimale (fup très faible) l’est encore
davantage aux lipides et aux protéines tissulaires et présente ainsi un Vd important.
Ce phénomène est dit « liaison permissive » aux protéines plasmatiques car, en dépit
d’une forte fixation aux protéines plasmatiques, leur forte affinité pour les tissus permet
néanmoins une forte distribution tissulaire.

6 Notion de clairance de distribution


Cette notion est importante pour comprendre les facteurs limitant la distribution des xéno-
biotiques dans les tissus en fonction, soit du débit sanguin de l’organe considéré, soit de sa
perméabilité membranaire. La relation existant entre le flux sanguin et la perméabilité du
xénobiotique à travers les membranes biologiques du tissu dans lequel le xénobiotique se
distribue peut être décrite par le modèle de diffusion à travers un simple capillaire à l’aide
de l’équation de Crone-Renkin (Fig. 3.3) (Pardridge and Landaw, 1984).

Ca, Q Cv, Q
X X X

Figure 3.3 – Perméabilité d’un xénobiotique à travers un capillaire selon le


modèle de diffusion de Crone-Renkin.
Selon ce modèle, le xénobiotique (X) entre dans le tissu avec une concentration artérielle
(Ca) et un débit sanguin (Q), s’échange avec le tissu avec une perméabilité (P) pour
entrer et sortir du tissu avec une concentration veineuse (Cv). La concentration dans le
capillaire décroît de façon exponentielle pendant la distribution de X dans le tissu.
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La clairance de distribution (ClD) se définit comme la capacité du tissu à diminuer


(épurer) la concentration du xénobiotique pendant son trajet dans le capillaire pour se
distribuer dans le tissu et s’établit selon la relation suivante :
–P
ClD = Q × (1 – e Q )

On distingue alors les xénobiotiques selon deux valeurs limites :


̭ Si P >> Q, alors ClD = Q. Leur distribution sera dépendante du débit sanguin du tissu
considéré. Par exemple, la dioxine présente une perméabilité extrêmement élevée à
travers les membranes biologiques donc sa distribution dans les tissus ne dépendra
que du débit sanguin de l’organe que l’on étudie.

43
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

̭ Si P << Q, alors ClD = P. Leur distribution sera dépendante de leur perméabilité à


travers les membranes biologiques. Des composés dont la perméabilité membranaire
est faible en raison de leurs propriétés physicochimiques défavorables à la diffusion
(molécules polaires peu perméables à travers les membranes biologiques) ou de leur
forte interaction avec des transporteurs d’efflux ABC auront une clairance de distri-
bution qui ne dépendra que de leur perméabilité et seront peu influencés par le débit
sanguin de l’organe.

7 Les barrières internes de l’organisme


L’ensemble des capillaires de l’organisme sont de type « fenestrés », ce qui signifie
qu’ils ne disposent pas de jonctions cellulaires serrées capables de rendre étanche la
monocouche de cellules endothéliales composant la paroi du vaisseau. Ces propriétés
histologiques permettent néanmoins le passage paracellulaire de molécules y compris
celles présentant un poids moléculaire important comme des immunoglobulines, même
leur diffusion dans les liquides interstitiels sera limitée.
Au contraire, il existe 4 barrières internes de l’organisme qui limitent le passage
de molécules par voie paracellulaire, y compris celles de faible poids moléculaire. Ces
barrières sont : la barrière hémato-encéphalique (BHE) entre le sang et le parenchyme
cérébral (substance blanche et grise), la barrière hémato-liquidienne (BHL) entre le sang
et le liquide céphalo-rachidien (LCR), la barrière hémato-testiculaire (BHT) entre le
sang et les testicules et dans une moindre mesure la barrière fœto-placentaire.
La BHL est constituée de cellules épithéliales présentant des jonctions serrées au
niveau des plexus choroïdes des ventricules cérébraux mais également au niveau des
méninges dans les espaces sub-arachnoïdiens. La BHT est formée par les cellules de
Sertoli qui présentent des jonctions serrées et permettant ainsi de former une barrière
étanche pour les échanges passifs paracellulaires entre le sang et le compartiment
germinal. Elles expriment de très nombreux transporteurs pour limiter ou favoriser les
échanges au travers de cette barrière (Mruk et al, 2011). Enfin la barrière fœto-placentaire
s’établit à partir de la 10e semaine de grossesse en séparant le sang maternel et fœtal et
est très évolutive au cours de la grossesse. De très nombreux transporteurs d’influx et
d’efflux sont exprimés au niveau de cette barrière pour limiter ou favoriser les échanges
entre la mère et l’enfant (Vähäkangas and Myllynen, 2009).
Les barrières cérébrales BHE et BHL constituent à la fois une protection du SNC
vis-à-vis de molécules qui pourraient être neurotoxiques mais aussi une restriction à
la pénétration cérébrale de certains médicaments à visée cérébrale qui est la cause de
chimiorésistance dans différentes pathologies du SNC telles l’épilepsie, les infections
et certaines tumeurs du SNC. La surface de la BHE est bien plus importante (20 m2)
que celle de la BHL (0,1 m2) et constitue ainsi la principale barrière entre le sang et
le cerveau. Comme illustré sur la figure 3.4, les éléments de base de la BHE sont les

44
7 Les barrières internes de l’organisme

cellules endothéliales des capillaires cérébraux qui sont liées entre elles par des jonc-
tions serrées, en contact étroit avec d’autres éléments périvasculaires tels la lame basale,
les péricytes, et les pieds des astrocytes. En raison de la présence des jonctions serrées
intercellulaires, le passage transcellulaire est le seul mécanisme possible pour un
xénobiotique d’atteindre le cerveau.

Cellule endothéliale
Pieds
astrocytaires

Sang Jonctions serrées

Péricyte Membrane basale

Figure 3.4 – Schéma représentant une coupe transversale d’un capillaire cérébral
de la barrière hémato-encéphalique.
Le capillaire est constitué de cellules endothéliales cérébrales jointives attachées les
unes aux autres par des jonctions serrées, de péricytes dans un rapport de 1 à 3 avec les
cellules endothéliales et recouvert par une membrane basale. Les pieds astrocytaires
ancrés dans la membrane basale recouvrent 99 % de la surface du capillaire.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, il nécessite toutefois la solubilisation de la


molécule dans la bicouche lipidique formée par les membranes des cellules endothéliales.
Aussi, seuls des composés lipophiles et de faibles masses moléculaires peuvent utiliser
cette voie de passage cérébral.
Cependant, afin d’assurer la nutrition du tissu cérébral, la BHE est équipée d’un
grand nombre de systèmes de transports permettant l’entrée ou la sortie cérébrale de
nombreuses molécules endogènes (glucose, acides aminés, composés énergétiques
tels l’acide lactique, vitamines, ions…) et exogènes (Fig. 3.5) qui présentent des
propriétés parfois défavorables à leur diffusion passive. Ils appartiennent aux trans-
porteurs SLC et ABC. Au niveau des capillaires cérébraux, plusieurs familles de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

transporteurs SLC ont été mises en évidence, notamment les familles OATP (SLCO/
SLC21) et OAT (SLC22A) qui jouent un rôle très important dans le transport de subs-
tances organiques endogènes mais également de xénobiotiques. Parmi ses substrats,
l’on retrouve notamment le taurocholate, la digoxine, certaines statines. Concernant
les transporteurs ABC, seules les sous-familles A, B, C, D et G sont aujourd’hui
connues pour participer au transport membranaire de molécules endogènes et/ou
exogènes. Les transporteurs caractérisés au niveau de la membrane luminale (face
cellulaire en contact avec le sang) des cellules endothéliales cérébrales humaines
sont la P-gp (ABCB1), la BCRP (ABCG2), la MRP4 (ABCC4) et la MRP5 (ABCC5)
(Chaves et al, 2014).

45
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme

Liquide extracellulaire cérébral


Pied astrocytaire
Péricyte Membrane basale

Cellule endothéliale
cérébrale

GLUT1, 3/14 EAAT1, 2 LAT1 CAT1 ASCT1 FATP1, RFC MCT1, 8 ENT1 BGT1
Glucose Glutamate 4F2hc L-Arginine Acide aspartique Acides gras Lactate, cladribine GABA,
levodopa, et glutamique à longue chaine Pyruvate, cytarabine quinidine
melphalan GHB, acide valproïque
Sang

MRP4 P-gp BCRP


Nucléosides, Spectre large Composés
prostaglandines, d’interaction, composés lipophiles, ABCA2, ABCA8
méthotrexate, lipophiles neutres, cations conjugués sufates et Lipides, anticancéreux
antiviraux et amphotères glucuronides

Péricyte Membrane basale

Figure 3.5 – Transporteurs de composés endogène et de xénobiotiques au niveau


de la barrière hémato-encéphalique (BHE).
Les transporteurs de la BHE permettent soit l’entrée (influx) soit la sortie (efflux) au
travers des cellules endothéliales composant la BHE. Ils transportent divers nutriments
essentiels au cerveau (ions, vitamines, acides aminés, sucres, molécules organiques
énergétiques) et sont membres de la superfamille des transporteurs SLC. Au contraire,
des transporteurs de type ABC limitent l’entrée principalement de xénobiotiques
dans le cerveau en les effluant vers le sang.

46
L’essentiel
Les points clefs du chapitre
1 La distribution dans les tissus d’un xénobiotique dépend de ses caractéristiques physico-
chimiques et des propriétés histologiques, anatomiques et physiologiques des tissus dans
lesquels il se distribue.
2 Les facteurs de variabilité de la distribution des xénobiotiques sont la perfusion des tissus,
la fixation relative du xénobiotique dans le sang et les espaces tissulaires, la perméabilité
à travers les membranes cellulaires.
3 Le volume de distribution est le paramètre pharmacocinétique permettant de quantifier
l’intensité de la distribution d’un xénobiotique.
4 Plusieurs barrières internes de l’organisme au niveau du cerveau, des testicules et du pla-
centa jouent un rôle majeur dans la distribution des xénobiotiques.
5 De nombreux mécanismes de transport d’entrée et de sortie sont exprimés au niveau des
barrières internes de l’organisme afin de protéger le tissu ou au contraire favoriser son
exposition.

47
Chapitre 4
Le métabolisme et
l’élimination des
xénobiotiques
Introduction
Le métabolisme des xénobiotiques ou MX (polluants, médicaments, composants alimen-
taires…) permet dans de très nombreux cas de protéger l’organisme en cas d’exposition.
Il se caractérise par plusieurs phases (trois principales) qui transforment le xénobiotique
généralement en composé (métabolite) plus hydrophile facilitant son élimination. Il existe
de nombreuses différences au sein des espèces (intra-espèces) mais aussi entre les espèces
(inter-espèces) ce qui soulève de nombreuses questions en termes de santé publique
(gestion individualisée des thérapies médicamenteuses).

Objectifs Plan
Comprendre : 1 Les enzymes de phase I
2 Les enzymes de phase II
t le rôle de chaque phase du MX
3 Les transporteurs de phase III
t la diversité des enzymes du MX
4 Production de métabolites
t son rôle protecteur et ses dangers toxiques par le métabolisme
Appréhender : des xénobiotiques
5 Un métabolisme plus ou
t la diversité inter-espèces ou moins protecteur : l’apport
intra-espèces des modèles KO
t la gestion de cette diversité 6 Différences inter-espèces et
intra-espèces
7 Quelques exemples
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’utilisation
8 Conclusion

Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques ; ces molécules
de petite taille, étrangères à l’organisme (le préfixe xéno- signifie étranger en grec), géné-
ralement organiques, sont parfois persistantes et parfois toxiques. Bien entendu, dans
la vie de tous les jours, nous ne sommes pas exposés à l’ensemble de ces molécules. On
estime cependant qu’il y a environ 100 000 xénobiotiques en quantité appréciable dans
notre environnement. Il est important de ne pas confondre le terme « xénobiotique »
et le terme « toxique ». En effet, de très nombreux xénobiotiques sont solubles dans
l’eau (hydrophiles) et peu réactifs chimiquement ; ils peuvent donc être absorbés par

49
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

l’organisme puis éliminés dans les urines sans aucune conséquence. Par ailleurs, des
molécules parfaitement endogènes et physiologiques peuvent dans certaines conditions
devenir toxiques en fonction de leur dose ou d’une dérégulation ; par exemple, l’am-
moniac est une molécule très toxique pour le système nerveux d’où sa transformation
physiologique en urée.
Cependant, certaines familles de xénobiotiques peuvent manifester des propriétés
toxiques. Il s’agit souvent de molécules hydrophobes ou de molécules réactives chimique-
ment. Cette toxicité dépend de la dose, de la période d’exposition et du temps d’exposition,
du comportement (tabagisme, alcool, drogues, etc.), de l’alimentation mais aussi de la
présence ou non d’autres xénobiotiques qui peuvent modifier le métabolisme de l’indi-
vidu exposé et, en contrepartie, celui de la molécule d’intérêt. À titre d’exemple, chacun
sait qu’un médicament peut affecter l’effet d’un autre médicament. Le métabolisme des
xénobiotiques est essentiel pour permettre l’élimination des molécules toxiques. En effet,
comme évoqué plus haut, de nombreux xénobiotiques sont organiques et souvent hydro-
phobes, ce qui pourrait permettre leur accumulation dans les tissus riches en graisses
(comme le cerveau ou le tissu adipeux). Leur métabolisme permet de les rendre plus
facilement éliminables dans les liquides biologiques comme l’urine ou la sueur, ou les
fèces. Les transformations chimiques sont complexes et nécessitent plusieurs étapes qui
ont été regroupées sous le terme de « phases ». Une propriété importante de ce méta-
bolisme est qu’il est inductible. Ainsi l’exposition à une molécule X entraîne l’induction
d’un système enzymatique capable d’éliminer cette même molécule. Il s’agit donc dans
le meilleur des cas et avant tout d’un système adaptatif : l’organisme n’augmente sa capa-
cité de métaboliser et d’éliminer X que lorsqu’il a détecté la présence de cette molécule.
Comme nous le verrons plus loin, ce système est loin d’être parfait. Notamment, dans
certains cas, ce système adaptatif peut se révéler comme une source de toxicité. Bien
que bénéfique dans une majorité de cas, le métabolisme des xénobiotiques peut toute-
fois engendrer la production de molécules ou métabolites toxiques ; l’un des exemples
classiques est celui du benzo(a)pyrène produit par des combustions incomplètes et qui
peut s’avérer cancérigène chez certains individus. De plus, tous les individus et toutes
les espèces ne prennent pas en charge les molécules auxquelles ils sont exposés selon
le même métabolisme. Cette variabilité doit être prise en compte lors de l’évaluation de
la toxicité des xénobiotiques et soulève des questions importantes quant à l’utilisation
des modèles animaux dans l’évaluation de la toxicité, par exemple, des médicaments.

1 Les enzymes de phase I


1.1 Les cytochromes P450
Les cytochromes P450 ou CYP constituent la majorité des enzymes de phase I (en plus
des époxydes hydrolases…). Il existe 57 gènes codant des CYP chez l’Homme dont un
quart contribue au métabolisme des xénobiotiques. À partir de ces 107 gènes, ont été
définies 18 familles (1, 2, 3…) et 45 sous-familles (A, B, C…) sur la base de pourcentage

50
1 Les enzymes de phase I

d’homologie, et ont été caractérisées 57 enzymes. Le CYP1A2 appartient ainsi à la


famille 1 et à la sous-famille A ; deux CYP (1 et 2, derniers chiffres) appartiennent à
cette sous-famille, le CYP1A1 et le CYP1A2.
Les CYP sont présents dans tous les tissus des organismes vivants (invertébrés ou
vertébrés) et sont principalement localisés dans le foie chez les mammifères. Dix CYP
sont impliqués dans la plupart des réactions hépatiques notamment les CYP1A2, 2C9,
2C19, 2D6 et 3A4 qui métabolisent 90 % des médicaments. Il est important de noter qu’un
même xénobiotique est souvent métabolisé par plusieurs CYP. Ainsi, l’acétaminophène
(nom commercial, Paracétamol) est métabolisé par les CYP1A2 et CYP2E1.
Au niveau cellulaire, les CYP sont localisés dans le réticulum endoplasmique lisse
et interagissent au sein de la membrane de cet organite avec une autre enzyme, la CYP
NADPH réductase qui lui fournit les électrons nécessaires à sa réaction (ceux-ci prove-
nant du NADPH,H+, métabolite produit par la voie des pentoses phosphates et l’enzyme
malique). Certains CYP sont aussi localisés au niveau de la mitochondrie et il existe un
débat actuellement quant à leur fonction. Ces observations ne doivent pas être négligées.

NADP+

e-
NADPH,H+
FAD

FMN

déplacement

e-
Fe3
e-

XH
O2 XOH
d

H2O
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Figure 4.1 – Représentation schématique d’un CYP (en bas) et de la CYP


réductase (en haut) montrant le cheminement des électrons du NADPH,H+ via
deux coenzymes (FAD et FMN) puis au sein du site actif du CYP (hème Fe3+).

Au niveau moléculaire, les cytochromes P450 sont des hémoprotéines c’est-à-dire


qu’elles comportent un groupement prosthétique « hème ». Celui-ci est présent au sein
de leur site actif et permet d’assurer différents types de réactions parmi lesquelles
des oxydations ou des désalkylations (oxydations aromatiques ou aliphatiques, N- ou
O-désalkylations). Les produits de réaction comporteront le plus souvent un groupe-
ment polaire rendant la molécule plus soluble et plus réactive vis-à-vis des enzymes de
phase II (voir plus loin). Bien que souvent schématisé par une réaction unique, il arrive
fréquemment que pour un xénobiotique, plusieurs enzymes de phase I interviennent

51
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

(voir le cas du benzo(a)pyrène, plus loin). Sur un plan structural ou de modélisation, il


n’est donc pas simple de prédire les réactions de phase I mais cet aspect ne doit pas être
négligé pour mieux comprendre la toxicité secondaire d’une molécule notamment dans
le cas de la fabrication d’un médicament.
Le cycle catalytique d’un cytochrome P450 implique différentes réactions au sein
du site actif. Trois éléments obligatoires sont récurrents pour permettre celles-ci : (i) la
présence d’un hème ; (ii) la présence de dioxygène (O2) ; (iii) un apport d’électrons qui
dépend de la CYP réductase (co-enzyme : NADPH,H+). Les différentes réactions sont
schématisées en figure 4.1. Le fer de l’hème (Fe3+) accueille au sein du site actif le xéno-
biotique, représenté sous la forme XH à la place d’une molécule d’eau. Ce remplacement
initie une série d’étapes impliquant à la fois les transferts d’électrons et l’activation d’un
atome d’oxygène provenant du dioxygène. Au cours de toutes ces étapes, le xénobiotique
ne réagit pas mais il est important de comprendre que sa présence initie l’activation du
dioxygène pour comprendre le cas des réactions découplées (comme celle initiée par le
benzo(a)pyrène, voir plus loin). Le composé intermédiaire Fe4 = O contient un atome
d’oxygène réactif qui attaque le xénobiotique et permet la formation du métabolite (le
plus souvent hydroxylé).

H H
O

Fe3
H2O XH
R H S
O XH
XOH H2O
Fe3 Fe3

S S
e-

XH XH
O

Fe4 Fe2

S H2O S

H+ O2
HO °O
O XH O XH

Fe3 Fe3

S -
O S
H+ O XH e-

Fe3

Figure 4.2 – Le cycle catalytique d’un cytochrome P540 ou CYP


(d’après Olsen et al., 2015).

52
2 Les enzymes de phase II

La sélectivité des différentes isoformes de CYP dépend donc du volume du site


actif permettant l’accueil transitoire du xénobiotique et des résidus formant la poche
(Fig. 4.2). Ainsi le CYP3A4 présente un large volume et accueille de nombreux xéno-
biotiques ; c’est un CYP à large spectre. Le CYP1A2 à l’inverse est plutôt sélectif
(vis-à-vis d’hydrocarbures plans). Cette sélectivité est toutefois variable en fonction
des espèces et des individus car il existe un grand nombre de polymorphismes des
CYP (voir plus loin).

1.2 Les époxyde hydrolases


Les époxyde hydrolases sont également des enzymes de phase I ; localisées dans le
cytoplasme, elles convertissent les groupements époxydes (produits pour certains par
les CYP, voir plus loin le cas du benzo(a)pyrène), en groupements dihydrodiols. Cinq
isoformes sont caractérisées chez l’Homme à l’heure actuelle. Leur principale fonction
est de permettre la détoxication de molécules portant des époxydes réactifs susceptibles
de former des liaisons covalentes (adduits) sur les protéines ou les acides nucléiques
comme l’ADN (et de provoquer l’apparition de mutations).

2 Les enzymes de phase II


Les enzymes de phase II utilisent en général le groupement réactif formé par les
enzymes de phase I pour former un métabolite hydrosoluble facilement éliminable
dans les liquides biologiques (urine, sueur…). Il existe une grande variété de ce type
d’enzymes parmi lesquelles les GST (glutathion-S-transférases), UGT (UDP-glucu-
ronosyltransférases), SULT (sulfotransférases), NAT (N-acétyltransférases) et les MT
(méthyltransférases). Elles sont principalement localisées au niveau hépatique chez les
vertébrés et peuvent aussi produire des intermédiaires toxiques comme les enzymes de
phase I. Au niveau cellulaire, les EMX de phase II sont pour la plupart cytoplasmiques
et utilisent pour leur réaction des substrats de nature variée (glutathion, acétyl-coA,
S-adénosylméthionine).
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2.1 Les glutathion-S-transférases


Les GST constituent une large famille d’enzymes qui représentent une large proportion
des protéines hépatiques chez les mammifères. Principalement cytoplasmiques, elles
sont parfois localisées dans les microsomes, les mitochondries et même le noyau. Elles
peuvent aussi servir de transporteurs de xénobiotiques. La formation d’un métabolite
« glutathion-conjugué » joue un rôle particulièrement important dans la détoxication
des composés aromatiques halogénés, des peroxydes lipidiques ainsi que des composés
à groupement époxyde produits par les CYP.

53
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

2.2 Les UDP-glucuronosyltransférases


Les UGT, au nombre de 16 chez l’Homme, sont considérées comme un relais important
des CYP ; elles sont ainsi localisées dans le réticulum endoplasmique et la conco-
mitance des deux réactions (phase I et phase II) permet la production rapide d’un
métabolite conjugué limitant sa toxicité potentielle au sein de la cellule et des autres
compartiments.

2.3 Les sulfotransférases


Les SULT catalysent le transfert d’un groupement sulfate d’une molécule donneuse
généralement le PAPS ou 3’-phosphoadénosine 5’-phosphosulfate vers un groupement
amine ou hydroxyle (par exemple formé par les CYP). Onze enzymes ont été identifiées
chez l’Homme.

2.4 Les N-acétyltransférases


Les NAT constituent une exception dans cette catégorie d’enzymes car elles catalysent
une acétylation produisant un métabolite moins hydrosoluble que leur substrat. NAT1
et NAT2 chez l’Homme sont des enzymes hautement polymorphes.

3 Les transporteurs de phase III


Les transporteurs de phase III permettent le transport des xénobiotiques ou de leurs
métabolites produits par les phases I et II au travers des membranes biologiques.
D’autres transporteurs comme la protéine PgP produite par le gène mdr peuvent
intervenir avant toute modification et jouent un rôle de barrière notamment dans
l’intestin, la barrière hémato-encéphalique, etc. Ils sont eux aussi très représentés
au sein des organismes vivants avec plus de 400 transporteurs caractérisés dans le
génome humain. De ce fait, ils font l’objet d’une classification en deux grandes
familles :
̭ la famille des ABC (ATP Binding Cassette) qui utilisent l’énergie fournie par l’ATP,
hydrolysé au cours du transport du métabolite (Fig. 4.3A) ;
̭ la famille des SLC (Solute Carrier) qui réalisent un transport « facilité » (transport
selon le gradient, Fig. 4.3B) ou sont des transporteurs actifs secondaires (trans-
port contre le gradient, résultant d’un transport actif d’un composé co-transporté,
Fig. 4.3C).

54
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques

A. Transporteur de type ABC C. Transporteur de type SLC


(utilisant l’ATP) (actif secondaire)

M1 XOH

ADP ATP
+ Pi XOH M1 XOH

B. Transporteur de type SLC


(facilité) Cytoplasme

XOH

Transporteur
M1 M2
ATP ADP + Pi

Changement
conformationnel Transporteur
XOH actif primaire
M1 M2

Figure 4.3 – Les trois formes de transports réalisés par les ABC et les SLC.

Les transporteurs d’anions (OATP1B1 ou 1B3) ainsi que les trois ABC, MRP2,
BCRP et la p-glycoprotéine constituent des protéines quantitativement et qualitative-
ment importantes.
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4 Production de métabolites toxiques par le


métabolisme des xénobiotiques
L’augmentation d’expression des enzymes et des transporteurs du métabolisme des
xénobiotiques permet de mettre en place leur élimination et de protéger la cellule des
effets toxiques de ces derniers (formation d’adduits, inhibition de certaines enzymes…).
Toutefois, ces protéines peuvent dans certains cas permettre aussi la mise en place de
processus toxiques. L’exemple des cytochromes P450 induits par le benzo(a)pyrène
permet d’illustrer ces toxicités potentielles.

55
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

Le benzo(a)pyrène (Fig. 4.4) est un hydrocarbure aromatique polycyclique produit


par les processus de combustion incomplète entre 300 et 600 °C : feux de forêt, cuisson
(barbecue, fumée de bois), procédés de fumage, chauffage au bois, brûlage des déchets
verts, activités industrielles (raffineries de pétrole), émission diesel.

Figure 4.4 – Le benzo(a)pyrène.

C’est un composé retrouvé en conséquence dans l’air atmosphérique ou la nourriture. Il


constitue l’un des quinze hydrocarbures carcinogènes définis par l’organisation mondiale
de la santé (OMS). La cancérogénicité du benzo(a)pyrène est due à plusieurs mécanismes,
l’un d’eux étant fortement lié au métabolisme de ce composé. En effet, certains métabo-
lites du benzo(a)pyrène sont extrêmement mutagènes (haute réactivité vis-à-vis de l’ADN
et formation d’adduits mutagènes) et expliquent à ce titre sa cancérogénicité. Dans les
cellules, il est détecté par un récepteur ubiquiste, le AhR (Aryl hydrocarbon Receptor,
voir chapitre 5). Celui-ci agit comme facteur de transcription des cytochromes P450
(CYP) de la famille 1 (entre autres) et provoque ainsi l’induction des CYP1A1, CYP1A2
et CYP1B1 (Fig. 4.5).

Liaison

Élimination
BaP
AhR

Induction

Enzymes
Cyp1 Phase II
BaP conjugué

Figure 4.5 – Le système AhR - CYP1 permettant la détection puis l’élimination du


benzo(a)pyrène.

56
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques

Ceux-ci par leur activité catalytique peuvent être impliqués dans deux processus
toxiques.

4.1 L’activité des CYP1 : génératrice de stress oxydant


Le benzo(a)pyrène est un ligand du AhR et un substrat des CYP1 ; toutefois, il est
possible de le classer dans la catégorie des substrats découplés. Dans la figure 4.2,
nous avons vu que le xénobiotique XH occupe rapidement dans le cycle catalytique
des CYP, le site actif, et initie par sa présence la prise en charge du dioxygène et l’uti-
lisation des électrons provenant de l’activité de la CYP réductase (et du NADPH,H+).
Dans 70 % des cycles catalytiques impliquant le benzo(a)pyrène et le CYP1A1, le
XH quitte le site actif avant sa transformation mais après l’activation du dioxygène
par les électrons. En conséquence, du fait de ce « découplage », le site actif libère
le dioxygène activé sous la forme d’une molécule d’eau oxygénée (H 2O2) ou d’une
molécule d’anion superoxyde (O2 –) : ces molécules sont classées dans la catégorie
des « dérivés réactifs de l’oxygène » (DRO ou ROS pour reactive oxygen species en
anglais) avec le radical hydroxyl (OH°). Ces DRO sont des molécules extrêmement
réactives (formation d’adduits sur l’ADN et mutations, les protéines, les lipides) et
ont des propriétés biologiques notamment par l’activation de voies de signalisation
(kinases), mais aussi des propriétés toxiques par l’induction d’un stress oxydant
lorsque leurs concentrations intracellulaires dépassent les niveaux permettant de
les contrôler (notamment par les anti-oxydants naturels comme le glutathion ou
certaines vitamines).
En conclusion, la présence conjointe dans la cellule de benzo(a)pyrène et des CYP
dont il provoque l’induction peut conduire à un stress oxydant toxique (Fig. 4.6).

Stress oxydant
H2O2
H2O2 H2O2
Liaison
H2O2
H2O2 H2O2
BaP H2O2
AhR
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70% + H2O2
Induction

O
Cyp1 + H2O
30%
O2

Figure 4.6 – L’interaction entre benzo(a)pyrène et le CYP1A1 : génératrice de


stress oxydant.

57
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

4.2 L’activité des CYP1 : génératrice de métabolites toxiques


L’exposition au benzo(a)pyrène de la fumée de cigarette est considérée comme étant le
principal facteur de risque du cancer du poumon. Pourtant le benzo(a)pyrène présente
une affinité relativement faible vis-à-vis de l’ADN alors qu’il est retrouvé « lié » à l’ADN
sous la forme d’adduits mutagènes. Comment expliquer ce paradoxe ? Par la production
de métabolites du benzo(a)pyrène particulièrement réactifs. Par qui ? Les enzymes du
métabolisme des xénobiotiques elles-mêmes induites par le benzo(a)pyrène.
Ainsi une présentation schématique du métabolisme du benzo(a)pyrène est donnée
en figure 4.7. Des enzymes de phase I et II permettent l’oxydation et la conjugaison
de la molécule originale et son élimination. Pour que ce métabolisme se déroule
de manière optimale, il est nécessaire d’avoir un équilibre entre les phases I et II
du métabolisme des xénobiotiques. En cas de déséquilibre, notamment si le méta-
bolisme de phase I par les CYP1A et l’époxyde hydrolase (EH) est plus actif que
celui de phase II, un métabolite intermédiaire, le benzopyrène diol-époxyde (BPDE)
peut s’accumuler. Ce métabolite est hautement réactif vis-à-vis de la molécule d’ADN
notamment des guanines.

O2 , 2e-, 2H+
CYP1A1/1B1

O
Benzo(a)pyrène Benzo(a)pyrène-7,8-epoxide

H2O Epoxyde
hydrolase

Enzymes
O Phase II
O2 , 2e-, 2H+
ADN
CYP1A1/1B1

OH OH
OH OH
Benzo(a)pyrène-7,8-dihydrodiol-9,10-epoxyde Benzo(a)pyrène-7,8-dihydrodiol
Enzymes Enzymes
Phase II Phase II
Dérivés conjugués Dérivés conjugués

Figure 4.7 – Le métabolisme du benzo(a)pyrène par les enzymes de phase I :


une production potentielle de métabolites hautement réactifs (BPDE).

Au cours du processus métabolique impliquant deux fois le CYP1A1, le produit de la


réaction est oxydé avec ajout d’un groupement époxyde. Par ailleurs, cet exemple illustre
parfaitement l’idée selon laquelle chaque xénobiotique peut être bio-transformé en un

58
5 Un métabolisme plus ou moins protecteur : l’apport des modèles KO

ou plusieurs métabolites toxiques par les EMX et qu’un équilibre fin entre l’activité de
ces enzymes est essentiel (notamment entre phase I et phase II).

4.3 L’activité des CYP1 : rôle biologique des molécules


« toxiques »
Il peut paraître surprenant que le métabolisme des xénobiotiques produise des molé-
cules toxiques alors qu’il est l’un des rouages essentiels du processus de détoxication
de certains xénobiotiques. Un examen plus approfondi des mécanismes enzyma-
tiques, chimiques et biologiques, donne une explication au moins partielle de ce
paradoxe. D’abord, concernant les DRO produits par les CYP, nous avons vu le
mécanisme enzymatique de leur production. Ces molécules jouent en réalité un
rôle biologique notamment pour permettre un bon équilibre entre les activités des
enzymes de phase I et de phase II. Ce rôle est donc utile à la voie de métabolisme et
évite l’accumulation d’intermédiaires toxiques. Donc lorsque les DRO sont produits
de manière modérée, leur rôle est avant tout physiologique plutôt que toxique.
Concernant les intermédiaires toxiques, nous avons vu qu’ils sont toxiques parce
qu’ils sont très réactifs chimiquement. Or, c’est justement ce qui est demandé aux
CYP : produire des molécules très réactives capables d’interagir avec les enzymes
de phase II qui vont rajouter un groupement hydrophile. Étant donné le nombre très
important de molécules métabolisées par un seul CYP (des centaines), un des effets
secondaires des produits des CYP est que, dans certains cas, ceux-ci vont interagir
avec d’autres cibles que les enzymes de phase II et provoquer de la toxicité. On voit
donc que l’effet toxique est dans ce cas lié au caractère excessif de l’effet métabo-
lique recherché (produire une molécule chimiquement réactive). Pour une enzyme
capable de métaboliser un grand nombre de composés, il n’est pas surprenant que
de tels effets puissent avoir lieu pour certains d’entre eux. Malheureusement, dans
le cas du CYP1A1, cet effet concerne des molécules de la pollution atmosphérique
et alimentaire très répandues (la famille des benzopyrènes).
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5 Un métabolisme plus ou moins protecteur :


l’apport des modèles KO
L’exemple du benzo(a)pyrène, molécule à laquelle nous sommes fortement exposés
de manière ubiquiste (par la pollution atmosphérique et par notre alimentation), a
rapidement conduit à l’hypothèse que le métabolisme des xénobiotiques pourrait
être plus délétère que bénéfique. D’autres exemples peuvent alimenter cette hypo-
thèse. Ainsi le métabolisme de l’acétaminophène par les CYP1A2 et CYP2E1 conduit
à la formation d’un dérivé métabolique extrêmement toxique (Fig. 4.8), le NAPQI
(N-acétyl-p-benzoquinoneimine).

59
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

Paracétamol

O NH
Dérivé Dérivé
conjugué conjugué

OH
CYP2E1 CYP2A6

O N O NH

Dérivé
NAPQI conjugué
OH
O OH

Figure 4.8 – Le métabolisme de l’acétaminophène en NAPQI


(N-acétyl-p-benzoquinoneimine).

L’utilisation des modèles de souris « knock-out » (KO) a permis de tester plus


simplement cette hypothèse bien que métabolismes humains et murins soient aussi
sensiblement différents (voir plus loin).
De nombreux modèles KO ont été produits pour chaque récepteur (AhR, PXR,
CAR, voir chapitre 5), enzymes (CYP, EH, NQO1, GST…) ou transporteurs (MDR,
MRP…) du métabolisme des xénobiotiques. La plupart des modèles KO d’EMX ne
présentent pas de phénotype apparent à la naissance, ce qui laisse sous-entendre
l’importance modérée de ces protéines au cours du développement embryonnaire.
Comme on peut s’y attendre pour certaines molécules comme l’acétaminophène,
les modèles CYP1A2 ou CYP2E1 KO sont beaucoup moins sensibles en termes
de toxicité (dose létale = 400 mg/kg pour la souris sauvage ; 1 000 mg/kg pour
la souris CYP2E1 KO). Toutefois, pour un grand nombre de xénobiotiques testés
(notamment les polluants), la présence d’un métabolisme intégral est protectrice.
Ainsi, l’utilisation des souris CYP1A1 KO montre que celles-ci sont plus sensibles
à l’exposition au benzo(a)pyrène que les souris sauvages (en termes de mortalité) ;
paradoxalement, avec ce que le métabolisme par les CYP1A et l’EH laisse supposer,
la formation des adduits à l’ADN est plus importante chez les souris CYP1A1 KO.
Le mécanisme associé n’est pas connu mais pourrait impliquer d’autres enzymes ou
la formation spontanée d’adduits.
Les souris KO apportent donc des résultats fondamentaux en termes de connaissance
sur le métabolisme de xénobiotiques et soulignent le fait que les animaux peuvent être
utilisés en pharmacologie et en toxicologie. Les études dans ces domaines démontrent
aussi qu’il existe de nombreuses différences dans la prise en charge des xénobiotiques
entre les espèces mais aussi au sein d’une même espèce.

60
6 Différences inter-espèces et intra-espèces

6 Différences inter-espèces et intra-espèces

6.1 Différences intra-espèces


Au sein d’une même espèce, il peut exister des différences considérables de métabolismes ;
celles-ci sont dues soit à des différences dans les niveaux d’expression des EMX, soit à des
différences dans les niveaux d’activité de ces enzymes. Dans le premier cas, sans que les
protéines soient différentes en termes de séquence et de structure, les conditions physio-
logiques, la présence d’un traitement médicamenteux ou l’existence d’un polymorphisme
dans le promoteur peuvent conduire à des différences dans la quantité d’EMX intracel-
lulaires. Ce constat porte à la fois sur les niveaux basaux d’expression mais aussi sur les
niveaux induits ; ainsi, l’activité induite du CYP1A1 peut varier de 10 fois en fonction
des individus, ce qui entraîne nécessairement des différences de métabolisme (Fig. 4.9).

14

12

10

0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 2.6
Activité du CYP1A1
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Figure 4.9 – Représentation par nombre d’individus (en ordonnée) de l’activité


du CYP1A1 par unité d’activité de la NADH-cytochrome c réductase dans des
lymphocytes humains (47 individus) (d’après Petersen et al., 1991).

Dans le cas du CYP1A1, il a ainsi été démontré que les individus fumeurs avec les
plus forts niveaux d’inductibilité présentaient les risques les plus élevés de cancers de
la gorge et du poumon.
Ces différences peuvent poser de graves problèmes de prise en charge de patients au
sein des structures hospitalières, comme avec les anticoagulants. La marge thérapeutique
de ces médicaments (intervalle de dose efficace et non toxique) est étroite. On peut donc
atteindre un surdosage si les voies métaboliques sont déficientes avec des conséquences

61
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

graves notamment des hémorragies. À titre d’exemple, le CYP2D6 présente près de


100 « variants » polymorphiques chez l’Homme.

6.2 Différences inter-espèces


Aux différences intra-espèces évoquées ci-dessus, s’ajoutent aussi les difficultés rencontrées
lors des tests précliniques des médicaments liés aux différences inter-espèces. Celles-ci
portent sur les récepteurs (AhR, PXR, CAR) mais aussi sur les transporteurs et les enzymes
(leur nombre étant déjà très variable avec 101 CYP chez la souris et 57 chez l’Homme).
Un exemple classique est celui du CYP2D6 chez l’Homme et des CYP2D chez
la souris. La débrisoquine, un antihypertenseur, est initialement métabolisée par le
CYP2D6 chez l’Homme en différents métabolites hydroxyls (Fig. 4.10). Cette réaction
est beaucoup plus lente chez la souris qui possède pourtant 5 CYP2D.

HO

HN N

NH2
3-OH débrisoquine

CYP2D6

HN N

NH2
CYP2D6 CYP2D6
Débrisoquine

HO

1-OH débrisoquine

HN N HN N

NH2 4-OH débrisoquine NH2 HO

Figure 4.10 – Métabolisme de la débrisoquine par le CYP2D6.

6.3 Les souris « humanisées »


L’idée sous-jacente est de produire des animaux possédant les mêmes stocks enzyma-
tiques que chez l’Homme afin de pouvoir étudier de manière plus fidèle le métabolisme
des xénobiotiques comme ce qui pourrait être observé en clinique. Ces modèles ont un
intérêt particulier en pharmacologie mais ils peuvent être aussi utilisés en toxicologie
et pour réaliser plus généralement des études mécanistiques.
62
6 Différences inter-espèces et intra-espèces

Trois grandes approches sont possibles pour produire ce type de modèles ;


chacune présente des avantages et des inconvénients :
1. Production d’une souris transgénique portant pour transgène, l’ADN complé-
mentaire (ADNc) de l’enzyme que l’on souhaite exprimer sous la dépendance d’un
promoteur activé dans un ou plusieurs types cellulaires (Fig. 4.11). Cette approche a
pour avantage d’être relativement rapide à mettre en place (souris transgénique produite
en trois mois) et permet d’assurer un contrôle relativement sûr du niveau de production.
Elle présente toutefois comme désavantage de ne pas permettre une régulation du niveau
d’expression via le promoteur endogène du gène comme dans le cas de l’approche n° 2.

Promoteur
Albumine hCYP
gène mCYP

Foie

Souris exprimant un cytochrome humain


sous la dépendance d’un promoteur de
souris hépatique

Figure 4.11 – Souris humanisée portant un ADNc sous la dépendance


d’un promoteur tissu-spécifique.
Le gène de souris correspondant peut être ou non présent (dans le dernier cas, un
croisement avec un « knock-out » est nécessaire).

2. Production d’une souris transgénique portant pour transgène un clone géno-


mique humain (BAC, PAC, phage lambda, Fig. 4.12). Cette approche a pour
avantage d’être relativement rapide à mettre en place et permet une régulation poten-
tielle de l’expression du gène identique à celle observée chez l’Homme car le clone
contient à la fois les exons, les introns mais aussi les parties promotrices. Elle présente
toutefois comme désavantage de ne pas pouvoir anticiper si la régulation sera absolu-
ment identique chez la souris (différences de facteurs de transcription ?).
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Promoteur
hCYP hCYP
gène
gènemCYP
mCYP

Foie

Souris exprimant un cytochrome humain


sous la dépendance de son propre promoteur

Figure 4.12 – Souris humanisée portant un clone génomique humain complet.


Le gène de souris correspondant peut être ou non présent (dans le dernier cas, un
croisement avec un « knock-out » est nécessaire)

63
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

Ces deux premières approches n’éliminent toutefois pas le risque que l’activité d’une EMX
humaine exprimée par le transgène soit perturbée par la présence de l’isoforme murine corres-
pondante. Il est donc relativement classique de croiser ces souris transgéniques avec des souris
KO pour l’isoforme ciblée de sorte à obtenir des animaux n’exprimant que le transgène. On
comprend ainsi facilement pourquoi il peut être difficile d’obtenir des doubles ou des triples
transgéniques. La dernière approche peut permettre de pallier ce défaut.
3. Production d’une souris « knock-in » c’est-à-dire dont le gène murin est remplacé
par le gène humain correspondant (Fig. 4.13). Dans ce cas, il est possible de s’af-
franchir du problème précité mais l’existence d’un nombre d’isoformes différents pour
une sous-famille entre Homme et souris peut constituer un autre problème.

Promoteur
mC hCYP hCYP YP

Foie

Souris exprimant un cytochrome humain


sous la dépendance de son propre promoteur
en remplacement du gène de souris correspondant

Figure 4.13 – Souris humanisée « knock-in ».

7 Quelques exemples d’utilisation


Des souris humanisées ont été créées pour des récepteurs de xénobiotiques (voir
chapitre 5 ainsi que des enzymes du métabolisme des xénobiotiques (CYP notamment)
et utilisées pour de nombreux cas d’étude en toxicologie et en pharmacologie. Deux cas
seront présentés ici : le métabolisme des amines hétérocycliques et le métabolisme de
la débrisoquine, médicament antihypertenseur (voir plus haut).

7.1 Le métabolisme des amines hétérocycliques


Les cuissons au barbecue produisent potentiellement au-delà de 200 °C des molécules
hautement réactives vis-à-vis de l’ADN, appelées amines hétérocycliques qui résultent
notamment de la biotransformation de la L-phénylalanine et de la créatine. Les exemples
les plus classiques sont le PhIP (2-Amino-1-méthyl-6-phénylimidazo[4,5-b]pyridine) et
l’IQ (2-Amino-3-méthylimidazo[4,5-f]quinoline) dont l’exposition est associée à l’aug-
mentation d’incidence des cancers colorectaux.

64
7 Quelques exemples d’utilisation

Chez l’Homme, l’IQ est métabolisé successivement par le CYP1A2 (enzyme de


phase I) puis la NAT2 (enzyme de phase II) pour former le N-hydroxy-IQ qui, subis-
sant un clivage hétérocyclique, produit un ion nitrénium hautement réactif vis-à-vis de
l’ADN (Fig. 4.14).

NH2
N
N

IQ
N

CYP1A2
HN OH
N
N

N-hydroxy-IQ
N

O
NAT
HN O
N
N

N-acétoxy-IQ
N

Clivage
hétérocyclique NH3
N
N
Ion nitrénium
N

Figure 4.14 – Le métabolisme d’une amine hétérocyclique, l’IQ par le CYP1A2 et


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la NAT2 chez l’Homme.

Ce métabolisme est très différent chez l’Homme et chez la souris. Ainsi, la première
réaction de N-hydroxylation chez l’Homme est majoritairement une O-oxydation protec-
trice chez la souris, ce qui rend difficile les extrapolations toxicologiques (par exemple
de calcul de seuil de risque) chez le rongeur. L’utilisation d’un modèle BAC - CYP1A1
et CYP1A2 (approche n° 2) croisé avec une souris CYP1A1/1A2 KO a permis de se
rapprocher des conditions de métabolisme humain (Fig. 4.12 et 4.15).

65
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

450

400

350

300

250

200

150

100

50

0
Wild-type hCYP1A2

N-OH-PhIP 4-OH-PhIP

Figure 4.15 – Comparaisons relatives des productions de métabolites du CYP1A2


chez la souris sauvage (wild type) et humanisée (hCYP1A2).

La figure 4.15 montre en effet que les niveaux de métabolite N-hydroxylé augmentent
considérablement chez la souris humanisée tout en observant une diminution des niveaux
de métabolites O-oxydés.

7.2 Le métabolisme de la débrisoquine


Nous avons vu qu’il existait des différences majeures inter-espèces pouvant poser un
problème pour évaluer la toxicité, la pharmacocinétique des médicaments avec l’exemple
de la débrisoquine. Chez l’Homme, il n’existe qu’un seul CYP2D6 qui de surcroît est
très polymorphe (près de 100 variantes avec 5 à 10 % de métaboliseurs dits « lents ») ;
ce CYP est impliqué dans le métabolisme de près de 20 % des médicaments. Toute
molécule métabolisée par celui-ci doit donc faire l’objet d’une attention particulière.
Chez la souris, il existe 5 gènes CYP2D mais aucune enzyme d’activité équivalente au
CYP2D6 chez l’Homme. Cette variabilité importante pose de gros problèmes lors des
phases précliniques de tests médicamenteux. Une souris humanisée (approche n° 2) sans
croisement avec un modèle KO (car les activités sont très différentes entre Homme et
souris) a donc été créée et différentes mesures réalisées par exemple sur le métabolisme
de la débrisoquine (Fig 4.12).
Ce ratio est proche de 10 chez la souris sauvage (proche de celui mesuré avec les
métaboliseurs lents). À l’inverse, chez la souris humanisée, celui-ci diminue considé-
rablement et atteint des niveaux proches de 1 (c’est-à-dire correspondant à celui des
métaboliseurs rapides).
On comprend ainsi tout l’intérêt de développer ces modèles tout en gardant en tête leurs
limites et de nombreuses applications ont donc vu le jour grâce à ceux-ci (par exemple, le
CYP2E1 est une enzyme métabolisant de nombreux toxiques, médicaments, composés

66
8 Conclusion

de l’alimentation, d’où l’intérêt de posséder un modèle humanisé potentiellement pour


étudier les interactions médicamenteuses avec d’autres toxiques comme l’alcool).

8 Conclusion
Aujourd’hui, les différentes enzymes de phase I, II ou les transporteurs de phase III sont
relativement bien caractérisés dans les organismes modèles. Cette connaissance permet
de mieux comprendre ou d’appréhender les métabolismes spécifiques de chaque individu,
tant du point de vue pharmacologique que toxicologique (ces deux notions étant bien
évidemment superposables). Cette spécificité soulève de nombreuses questions quant à
la validité des modèles animaux pour tester les médicaments (et leur toxicité) tout autant
que pour mettre en évidence une toxicité de polluant ou d’un mélange de polluants
chez l’Homme. Le développement des modèles humanisés constitue une première solu-
tion pour contrecarrer ces problèmes mais il existe désormais d’autres techniques qui
permettent de s’affranchir de ceux-ci. C’est notamment le cas d’un certain nombre de
méthodes ou technologies de toxicologie prédictive in silico (modélisation PBPK pour ce
qui est de la pharmacocinétique et pharmacodynamique ou approches SAR ou QSAR)
qui anticipe cette toxicité à différentes échelles (bio-distribution pour les approches
PBPK, toxicité propre ou anticipée pour les approches SAR ou QSAR). Ces notions ne
font que renforcer la nécessité d’une approche complémentaire dans le domaine d’une
meilleure caractérisation du métabolisme des xénobiotiques associant méthodologies in
silico, in vitro et in vivo tant sur le plan de la recherche fondamentale que de la recherche
appliquée (recherche et développement).
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67
L’essentiel
Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques

Le métabolisme des xénobiotiques


Il se décompose classiquement en trois phases, avec une première réaction dite de fonctionalisation,
généralement catalysée par des cytochromes P450, permettant la deuxième réaction dite de conjugai-
son, qui conduit à la formation d’un métabolite « conjugué » en général plus hydrophile que la molécule
originale, et catalysée par de nombreuses enzymes dont les GST et UGT, glutathion S-transférases et
UDP-glucurunosyltransférases. La troisième phase correspond à l’expulsion du métabolite hors de la
cellule par le biais d’un transporteur actif dit de phase III.

Les points clefs du chapitre


1 Le métabolisme des xénobiotiques se décompose en trois phases principales : la fonction-
nalisation, la conjugaison et le transport.
2 La métabolisation des xénobiotiques aboutit la plupart du temps à des métabolites plus
hydrophiles et donc plus facilement éliminables dans les urines ou les fecès.
3 Il existe des différences majeures entre les espèces qui rendent parfois difficile l’utilisation
des modèles animaux pour l’évaluation toxicologique de médicaments ou de polluants.
4 Il peut exister des différences majeures au sein d’une même espèce qui expliquent par
exemple des différences de sensibilité vis-à-vis de polluants ou vis-à-vis de médicaments.
5 L’utilisation potentielle des modèles murins pour étudier le métabolisme chez l’Homme
(KO, humanisés) représente une solution pour s’affranchir des différences inter-espèces.

68
Chapitre 5
Mécanismes
d’action et voies de
signalisation activées
par les toxiques
Introduction
Les xénobiotiques peuvent activer de manière plus ou moins spécifique de très nombreuses
voies de signalisation. Leurs liaisons à des cibles cellulaires peuvent ainsi conduire à la for-
mation d’adduits par des liaisons covalentes ou à l’activation de récepteurs par des liaisons
non covalentes.

Objectifs Plan
Comprendre 1 Mécanismes généraux
modulés par les
t les différentes propriétés de reactivité xénobiotiques
des xénobiotiques 2 Voies de signalisation
t la notion de cibles en lien avec cette modulées par la réactivité
réactivité des xénobiotiques
t les mécanismes généraux d’activation 3 Voies de signalisation
modulées par la liaison à des
t le rôle des récepteurs dans la régulation
récepteurs
des EMX
4 Conclusion
t la perturbation endocrinienne
Garder en tête
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t l’importance fréquente du stress


oxydant dans les mécanismes de
toxicité
t les noms des trois grands récepteurs de
xénobiotiques : AhR, PXR, CAR
t l’existence de nombreuses voies
alternatives

Les mécanismes d’action et les voies de signalisation activées par les toxiques sont
particulièrement nombreux et de nature variée. Les xénobiotiques peuvent influencer des
mécanismes cellulaires aussi variés que les transports ioniques au niveau membranaire,

69
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

que le niveau d’activité d’enzymes intra- et extracellulaires, que ce soit par une interac-
tion directe ou par une régulation génique. Ce chapitre ne se veut pas exhaustif mais
vise à présenter les principaux modes d’action et les différents niveaux de régulation en
insistant sur la notion essentielle de spécificité qui conditionne le type d’interaction des
xénobiotiques vis-à-vis de leurs cibles. Ainsi, dans ce contexte, les voies de signalisation
activées par les xénobiotiques peuvent être séparées en trois classes principales :
̭ La première est la voie adaptative spécifique qui consiste à détecter certains xéno-
biotiques et à enclencher un mécanisme de signalisation permettant d’activer leur
élimination (voies AhR, PXR, CAR). C’est une voie biologique essentielle permettant à
un organisme de survivre dans un environnement comprenant des dizaines de milliers
de molécules différentes.
̭ La deuxième voie est aussi une voie adaptative plus générale qui consiste à activer des
systèmes communs à tous les stress cellulaires comme la régulation du cycle et de la
mort cellulaire ou les processus inflammatoires (voies p53, NF-kB, Nrf2…).
̭ La troisième catégorie comprend des voies ciblées par les xénobiotiques en dehors de
tout rôle adaptatif, par exemple lorsqu’un médicament est utilisé pour perturber telle
ou telle voie biologique ou lorsqu’un polluant perturbe un système hormonal donné.
Les voies de signalisation activées par les xénobiotiques sont connues pour certaines
d’entre elles (notamment dans le cas de médicaments conçus en fonction de cibles bien
définies), bien qu’il soit parfois difficile de comprendre les toxicités qui leur sont asso-
ciées. Il existe un aspect qualitatif et un aspect quantitatif à ces régulations. Dans certains
cas, les cibles cellulaires comme les réseaux de gènes régulés sont mal caractérisées ;
dans d’autres cas, le niveau d’activation de ces voies est un élément critique à considerer ;
dans le cas des signaux stimulés par la production de dérivés réactifs de l’oxygène (DRO
ou ROS en anglais pour Reactive Oxygen Species), le niveau de ces molécules est ainsi
déterminant pour définir si la cellule subit un stress oxydant.
Dans ce chapitre, nous aborderons les grandes voies de signalisation activées par les
polluants, contaminants et médicaments, en utilisant l’exemple des pesticides qui sont
susceptibles d’activer de nombreuses cibles. Une part importante sera dédiée au rôle des
récepteurs de xénobiotiques (AhR, PXR et CAR, rôle lié ou non à la fixation de ligands)
mais aussi à celui d’autres récepteurs cellulaires, notamment ceux impliqués dans la signali-
sation endocrinienne et jouant donc un rôle lors de la liaison de perturbateurs endocriniens.

1 Mécanismes généraux modulés


par les xénobiotiques
Comme toute substance chimique, les xénobiotiques peuvent moduler les processus
cellulaires via plusieurs mécanismes plus ou moins spécifiques (Cilento, Adam, 1995 ;
Nieboer et al., 1999) (Fig. 5.1).

70
1 Mécanismes généraux modulés par les xénobiotiques

̭ Les mécanismes liés à leurs propriétés réactives (nucléophilie, électrophilie,


oxydation, réduction) conduisant à des modifications chimiques de leur cible
moléculaire avec le plus souvent des liaisons covalentes parfois irréversibles sur
le court terme (par exemple : thiols de Keap1 dans la voie de signalisation de
Nrf2, voir plus loin ; le benzo(a)pyrène capable après métabolisation de lier l’ADN
et de provoquer des mutations, les insecticides organophosphorés qui inhibent
l’acétylcholinestérase).
̭ Les mécanismes liés à leurs propriétés de liaison vis-à-vis de certaines cibles
ou récepteurs (impliquant des liaisons non covalentes et donc plutôt réversibles
sur le court terme). L’affinité des xénobiotiques vis-à-vis de ces cibles au sens
large est, dans ce cadre précis, un élément essentiel à considérer : ils peuvent
ainsi relever de la catégorie des effecteurs enzymatiques (activateur ou inhibiteur)
avec pour certains la possibilité de provoquer des changements conformationnels
(par exemple : effecteurs allostériques). Le cas des récepteurs de xénobiotiques
activant des cascades de signalisation sera aussi développé plus loin dans ce
chapitre.
̭ Les mécanismes liés à leur capacité à perturber l’environnement cellulaire
sans affecter une cible particulière. On trouve ici des composés capables de
moduler le pH (par exemple : composés issus du métabolisme du méthanol) ou
encore de perturber les gradients électrochimiques (exemple des protonophores
comme l’hexachlorophène).

Xénobiotiques

Propriétés réactives
Modification de
(nucléophilie, électrophilie, Liaison cibles ou récepteurs
l’environnement
oxydation…)

Cibles moléculaires
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Modifications chimiques Modifications activités (enzymes, Modifications pH, gradients


(parfois irréversibles) facteurs de transcription…) électrochimiques

Figure 5.1 – Mécanismes généraux modulés par les xénobiotiques.

71
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

2 Voies de signalisation modulées


par la réactivité des xénobiotiques
2.1 Les différentes formes de réactivité
La plupart des composants cellulaires sont des nucléophiles (ADN, ARN, protéines…)
(Fig. 5.2). Ceux-ci sont donc susceptibles de réagir soit :
̭ avec des composés électrophiles directs ou indirects produits par des réactions d’oxy-
dation ou par départ d’un groupe « partant » formant par exemple des dérivés alkylés.
Un certain nombre de xénobiotiques vont acquérir cette électrophilie au cours de leur
prise en charge par les enzymes du métabolisme des xénobiotiques ;
̭ avec des dérivés réactifs de l’oxygène (DRO) formés au cours de reductions (Morel,
Barouki, 1999). Un exemple de production spontanée de DRO par un herbicide, le
paraquat est détaillé ci-après.

RH RX RX

Oxydations (ex : Formation d’un


Réductions
CYP, peroxydases) groupe partant

+ e−
RY
2e− + H+ X−
Y−
Dérivés réactifs de
Électrophiles R+
l’oxygène R°

Cibles moléculaires
(principalement
nucléophiles)

Figure 5.2 – Composés réactifs et cibles moléculaires.

2.2 Le stress oxydant


Il est avant tout important de rappeler que la formation de DRO peut être un phénomène
physiologique provoqué par des hormones ou des signaux divers. Les DRO à basse
concentration contribuent à la signalisation dans toutes les cellules de l’organisme sans
entraîner de stress oxydant. On ne parle de stress oxydant que lorsque le système basal
qui régule la quantité de DRO dans la cellule est débordé, ce qui provoque un risque
de toxicité. Dans ces conditions, il y a une modification de l’expression génique cellu-
laire visant à lutter contre l’accumulation de molécules oxydantes et à limiter les autres

72
2 Voies de signalisation modulées par la réactivité des xénobiotiques

fonctions cellulaires. Cette définition biologique correspond bien à la notion de stress


qui est avant tout un état de réponse d’une population, d’un individu ou d’une cellule à
un stimulus environnemental jugé dangereux. Nous illustrerons plus loin les mécanismes
cellulaires impliqués dans ces effets.
De nombreux xénobiotiques sont capables de provoquer un stress oxydant dans la
cellule, par une production trop importante de DRO ou une déplétion de molécules anti-
oxydantes. Les mécanismes catalytiques contribuant à cette production sont nombreux.
Dans tous les cas, ils passent par une réduction incomplète du dioxygène (O2).
Le cas du benzo(a)pyrène, substrat découplant de certains cytochromes P450, a été
évoqué dans le chapitre 5.
Le paraquat (PQ) est un herbicide non sélectif, de faible coût, utilisé pendant long-
temps dans de très nombreux pays (produit depuis 1961). Il a fait l’objet, du fait de
sa toxicité élevée, d’une interdiction au sein de l’Union européenne en 2007. Celle-ci
s’explique principalement par la production d’un stress oxydant majeur et auto-entretenu
(Fig. 5.3) (Xu et al., 2014).

Paraquat (PQ2+)
O2 NADPH

O2°- NADP+ + H+

Paraquat (PQ+)
Redox
Cycling
Dérivés
réactifs de H2O2
l’oxygène

OH°
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Stress
Déplétion en Oxydant
glutathion

Figure 5.3 – Cycle continu de production de DRO par le paraquat.


Le PQ est réduit par la NADPH cytochrome P450 réductase donnant un composé
radicalaire qui, en présence d’oxygène, redonne le PQ mais génère l’anion superoxyde.
Ce dernier en présence de radical NO peut donner l’anion peroxynitrite ou sinon être
dismuté en peroxyde d’hydrogène H2O2 grâce à la superoxyde dismutase (SOD). Le
peroxyde d’hydrogène par la réaction de Fenton catalysée par le fer va donner le
radical hydroxyl OH, sauf s’il est éliminé sous l’action de la glutathion peroxydase
(GPX) (d’après Franco et al., 2010).

73
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

La formation de DRO dans le cadre d’un stress oxydant n’entraîne pas nécessai-
rement de toxicité à moyen terme car celle-ci peut être contrée par des mécanismes
communs ou propres à chaque cellule. Celle-ci dispose de molécules anti-oxydantes
comme certaines vitamines (C ou E) ou le glutathion réduit (tri-peptide) qui peuvent
permettre de modérer une hausse trop élevée de concentrations de DRO. Cet effet est à
la fois rapide mais également malheureusement transitoire (on parle alors de déplétions
des réserves anti-oxydantes) car basé en partie sur un apport exogène de ces molécules
anti-oxydantes. Une voie de signalisation spécifiquement activée par le stress oxydant
a été identifiée permettant de mettre en place d’autres défenses anti-oxydantes sur le
moyen terme : la voie Nrf2.

2.3 Une voie de signalisation en lien avec le stress


oxydant : Nrf2
Cette voie de signalisation régule en grande partie l’expression d’enzymes de phase II
et d’enzymes anti-oxydantes (Fig. 5.4) (Ahmed et al., 2016).
Nrf2 (pour Nuclear factor E2-related factor 2) est un facteur de transcription de
la famille des « leucine zipper » (domaine caractéristique permettant la dimérisation
de deux membres de la famille) qui régule la transcription d’une variété importante
d’enzymes :
̭ enzymes de phase II : NAD(P)H quinone oxydoréductase 1 (NQO1), hème oxygé-
nase-1 (HO-1), glutathion-S-transférase (GST) microsomales ou non ;
̭ enzymes ou molécules anti-oxydantes : thioredoxines (Trx), gamma-glutamylcystéine
synthétase (gamma-GCS), glutathion réductase (GR), superoxyde dismutase-1 (SOD1),
glutathion peroxydase (GPx) ;
̭ transporteurs de phase III.
Nrf2, en conditions homéostatiques, est localisé dans le cytoplasme au niveau du
cytosquelette d’actine, séquestré par une protéine appelée Keap1 (Kelch-like ECH-
associated protein-1). Keap1 favorise l’ubiquitination de Nrf2 par une E3 ubiquitine
ligase appelée Cul3 (culline 3) et ainsi sa dégradation par le protéasome. La formation
de ce complexe de dégradation dépend de 3 cystéines de Keap1 qui constituent d’excel-
lents résidus « senseurs » de stress oxydant. En effet, en présence de DRO, ces cystéines
sont oxydées, ce qui provoque un changement conformationnel à la fois de Keap1 et du
complexe d’ubiquitination. Ceci provoque la libération de Nrf2 qui pénètre dans le noyau
et s’hétérodimérise avec différentes protéines (Maf, Jun…).
Le complexe Nrf2-Maf est un facteur de transcription qui se lie sur des éléments
de réponse appelés ARE ou EpRE (Anti-oxydant Responsive Element ou Electrophile
Responsive Element).

74
2 Voies de signalisation modulées par la réactivité des xénobiotiques

Nrf2 Keap1 Nrf2 Keap1


CUL3 CUL3

Ubiquitination Stress oxydant


Ox Ox

Nrf2 Keap1 Nrf2 Keap1 Ox

CUL3 CUL3

Dégradation de Nrf2 Activation transcription

Gènes défense
Protéasome Nrf2 Maf anti-oxydante

Figure 5.4 – Voie de signalisation Nrf2.

2.4 L’adductome
Un adduit correspond à un composé lié de manière covalente à une macromolécule
cellulaire. Cette liaison est le résultat d’une réaction entre cette macromolécule et un
précurseur électrophile très réactif de l’adduit en question. L’adductome correspond
à l’ensemble des adduits présents dans un milieu biologique (Merrick, 2008). L’ADN
est la macromolécule cible la mieux étudiée concernant les adduits. Ceux-ci peuvent
avoir pour conséquence une mauvaise reconnaissance de la base transformée, une
mutagenèse (apparition de mutations) qui peut être responsable sur le long terme de
pathologies (vieillissement, cancers…). Le terme de génotoxicité est employé pour
parler de la toxicité induite par des altérations de la molécule d’ADN dont des modi-
fications covalentes liées à la formation d’adduits. Toutefois, l’ADN n’est pas la seule
molécule ciblée par des molécules réactives (originelles ou métabolites) (Fig. 5.5).
D’autres acides nucléiques peuvent être ciblés mais également les macromolécules
clés que sont les protéines ou les lipides membranaires. La formation d’adduits sur les
protéines peut ainsi conduire à la perte de fonction mais aussi activer des mécanismes
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’immunotoxicité.
Ces modifications covalentes ne sont pas réversibles mais il existe des mécanismes
de réparation de l’ADN permettant d’éliminer les adduits si la réparation survient
avant la réplication de l’ADN. Les adduits protéiques ne peuvent être réparés, les
protéines endommagées seront dégradées via l’action du protéasome et une néo-
synthèse devra intervenir pour récupérer la fonction assurée par les protéines
atteintes.

75
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

RH

Oxydations (ex :
CYP, peroxydases)
Liaison aux acides
Génotoxicité
nucléiques
2e− + H+

02 Dérivés réactifs de
Électrophiles R+ Stress oxydant
l’oxygène ROO°

Liaisons aux
Immunotoxicité
protéines

Figure 5.5 – Principales cibles moléculaires de composés hautement réactifs.

3 Voies de signalisation modulées par la liaison


à des récepteurs

3.1 Mécanismes généraux activés par les xénobiotiques


à la suite de la liaison à une protéine cible
De très nombreux effecteurs d’origine étrangère à l’organisme ont été caractérisés ;
ceux-ci agissent via différents modes d’action sur leurs cibles comme les enzymes. Ainsi,
dans la catégorie des enzymes michaeliennes, des inhibiteurs irréversibles et réversibles
(compétitif, incompétitif, non compétitif) ont été caractérisés. Il en est de même pour les
enzymes allostériques qui peuvent lier des polluants agissant positivement ou négative-
ment sur les paramètres d’affinité ou de catalyse selon le mode d’action des effecteurs
allostériques. Nous aborderons dans cette partie l’exemple de l’acétylcholine estérase
(Sánchez-Santed et al., 2016), une enzyme clé pour le fonctionnement des synapses
cholinergiques et de son inhibition par certains pesticides organophosphorés ou certains
gaz de combat (comme le gaz sarin).
L’acétylcholine est un neurotransmetteur qui est donc libéré au niveau des synapses
cholinergiques et qui active des récepteurs (également cholinergiques) permettant ainsi
la transmission des messages électriques entre deux neurones. Une suractivation de ces
récepteurs provoque potentiellement des paralysies musculaires du fait d’une excita-
tion trop importante des neurones post-synaptiques ou des muscles innervés (jonction
neuromusculaire). L’acétylcholinestérase (de la famille des carboxyestérases), loca-
lisée au niveau de la zone post-synaptique (dans la membrane), catalyse la dégradation

76
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs

de l’acétylcholine (avec une constante catalytique supérieure à 20 000 molécules par


seconde), empêchant ainsi l’accumulation du neurotransmetteur dans la fente et une
sur-activation.
Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase bloquent le fonctionnement du site actif de
l’enzyme ; si certaines molécules sont utilisées dans un cadre thérapeutique (curare et
anesthésie), des toxiques présentent également une action inhibitrice. Certains venins
de serpent contiennent de tels inhibiteurs exerçant une action inhibitrice irréversible ;
c’est aussi le cas de certains gaz neurotoxiques comme le sarin (utilisé au cours d’actes
terroristes comme en 1995 dans le métro de Tokyo) entraînant paralysies musculaires,
bronchoconstriction, convulsions pouvant conduire à la mort par asphyxie. En toxico-
logie environnementale, certains pesticides ont été également décrits comme inhibiteurs
irreéversibles ou réversibles (organophosphorés ou carbamates).
L’exposition aux xénobiotiques s’accompagne dans de nombreux cas d’une perturba-
tion de l’homéostasie calcique. Le niveau cytosolique du calcium doit être maintenu à un
faible niveau grâce à l’activité de systèmes de transport qui l’expulsent ou le séquestrent
dans le réticulum endoplasmique et les mitochondries. L’augmentation soutenue des
concentrations en calcium cytosolique altère les structures cellulaires, module l’expres-
sion génique et active une série d’enzymes (calpaïnes, lipases, endonucléases) pouvant
mener à la mort cellulaire. Les cibles des xénobiotiques menant à la perte de l’homéos-
tasie calcique sont nombreuses car elles peuvent concerner les ATPases Ca2+ en charge
du transport du calcium comme les récepteurs couplés aux proteins G et les récepteurs
à activité tyrosine kinase qui produisent le inositol-3-phosphate qui stimule la libération
du calcium à partir du réticulum endoplasmique.

3.2 Mécanismes généraux d’activation des récepteurs


de xénobiotiques

La régulation EMX
Comme vu précédemment, le métabolisme des xénobiotiques se décompose en trois
phases permettant l’élimination des polluants ou des médicaments. L’expression des
enzymes et des transporteurs peut être constitutive, mais elle est plus souvent régulée
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et, dans ce dernier cas, principalement au niveau transcriptionnel. Il s’agit donc d’un
système adaptatif par lequel la cellule n’induit la voie de détoxication d’un xénobiotique
que lorsqu’elle y est exposée (Barouki et al., 2007a ; Guyot et al., 2013). Comment la
cellule détecte-t-elle la présence de xénobiotiques et comment transmet-elle cette infor-
mation au niveau des gènes des EMX ? Cette fonction est assurée par les récepteurs des
xénobiotiques qui sont aussi des facteurs transcriptionnels pouvant induire les gènes des
EMX capables de métaboliser précisément le xénobiotique auquel la cellule est exposée ;
ainsi ceux-ci, par l’intermédiaire de leur liaison à ces protéines réceptrices, activent leur
propre métabolisme et donc leur propre élimination (Fig. 5.6). Il est à noter qu’il existe
seulement quelques récepteurs de xénobiotiques et quelques dizaines d’EMX alors que

77
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

nous pouvons être exposés à des milliers voire des dizaines de milliers de xénobiotiques.
Ainsi chaque récepteur et chaque enzyme est capable de reconnaître ou de métaboliser
des centaines de molécules. Malgré tout, il y a une correspondance entre un récepteur
donné et un sous-ensemble d’EMX capables de métaboliser les composés reconnus par
ce récepteur. Les bases biochimiques de cette reconnaissance coordonnée, alors que
les récepteurs et les enzymes sont d’origine différente, ne sont toujours pas comprises.
Ce système très élégant suscite de nombreuses questions sur son apparition au cours de
l’évolution.

Xénobiotique

Régulation transcriptionnelle

OH O-Conjugué

Phase I (CYP) Phase II (ex : GST)


Activation Conjugaison
O-Conjugué

Phase III (ex : MDR)


Transport actif

Figure 5.6 – Schéma général de la régulation des enzymes du métabolisme


des xénobiotiques.

3.3 Les différents récepteurs de xénobiotiques

AhR
Le premier récepteur des xénobiotiques identifié est le récepteur Ah (ou AhR pour Aryl
hydrocarbon Receptor (Barouki et al., 2012, 2007 b ; Guyot et al., 2013)) appartient à
la famille PAS qui comprend les protéines Per, ARNT, Sim et de nombreuses protéines
impliquées dans la régulation des rythmes circadiens chez la drosophile). Il est exprimé
par les vertébrés et les invertébrés dans de très nombreux types cellulaires. Chez les
vertébrés, son expression prédomine dans le poumon, le foie et le placenta, mais une
expression de base est retrouvée dans pratiquement tous les tissus. Sa structure protéique
est représentée dans la figure 5.7.

78
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs

bHLH PAS TAD TAD

Liaison ADN
Dimérisation
Transactivation
Liaison ligand

Figure 5.7 – Structure du récepteur Ah.


Elle se décompose en 3 parties principales : 1) Le domaine bHLH N-terminal impliqué
dans la liaison à l’ADN au niveau d’éléments de réponse de séquence spécifique
(GCGTC), appelés XRE (pour Xenobiotic Responsive Elements). Ceux-ci sont localisés
dans les promoteurs de certains EMX dont le AhR régule l’expression. 2) Le domaine
central PAS composé de deux sous-domaines A et B permettant respectivement la
liaison à un partenaire appelé ARNT (voir plus loin) et la liaison des nombreux ligands
(voir plus loin également). 3) Le domaine C-terminal qui comporte des sous-domaines
riches en glutamine assurant le recrutement de co-activateurs transcriptionnels (eux-
mêmes impliqués dans le recrutement de l’ARN polymérase II, qui transcrit l’ADN en
ARN messager).

Les ligands du AhR sont nombreux ; il s’agit de dioxines, de furanes, de PCBs (Poly-
ChlorinatedBiphenyls), d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (comme le benzo(a)
pyrène). Ces différents ligands ont en général une structure plane et sont très hydro-
phobes ; certains d’entre eux sont des POPs ce qui signifie que bien que ligands du AhR
et donc activateurs des EMX régulées par ce récepteur, ils sont résistants au métabolisme
inhérent; c’est le cas de la dioxine de Seveso ou TCDD.
La liaison des ligands a pour conséquence une activation du AhR. Celui-ci à l’état
inactif appartient à un complexe protéique composé de deux protéines de choc thermique
Hsp90, de co-chaperonnes et d’une kinase Src (voir plus loin). Les ligands provoquent
la dissociation du complexe permettant l’entrée du AhR dans le noyau (la séquence des
événements « dissociation - translocation nucléaire » n’est toutefois pas complètement
élucidée) (Fig. 5.8). Dans le noyau, le AhR s’associe à un partenaire de la famille PAS,
ARNT (pour AhR Nuclear Translocator, nom mal choisi puisque celui-ci ne permet
aucunement la translocation du AhR) qui est aussi impliquée dans de nombreuses
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

autres voies de signalisation comme celle de l’hypoxie, d’où son autre nom (HIF-1β ou
Hypoxia Inducible Factor-1 beta). Cette fonction partagée peut poser des problèmes de
compétition. Le dimère AhR-ARNT fixe les XRE et régule ainsi par recrutement de
co-activateurs et du complexe basal de transcription, l’expression de ces gènes cibles.
De nombreux gènes cibles du AhR ont été identifiés depuis le début des années 1990
parmi lesquels :
̭ les EMX avec notamment les cytochromes P450 de la famille 1 (CYP1A1, 1A2, 1B1)
et des enzymes de phase II et III ;
̭ des cytokines pro-inflammatoires ;
̭ des gènes impliqués dans la migration, la prolifération et la différenciation cellulaire.

79
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

Il faut noter que depuis le début des années 2000, de nouveaux ligands d’origine
diverse (pas forcément des polluants xénobiotiques) ont été identifiés : certains sont
d’origine alimentaire comme certains flavonoïdes, d’autres d’origine endogène comme les
dérivés du tryptophane (FICZ, cynurénine…) et d’autres enfin provenant du microbiote
intestinal comme les indoles (Quintana, 2013). Ces recherches ainsi que celles effectuées
sur les souris AhR KO ont permis d’identifier de nouvelles fonctions, notamment des
fonctions physiologiques concernant le développement, le système imunitaire, métabo-
lique, cardiovasculaire et le système nerveux.

Ligand
(BaP, dioxines)

ARNT AhR AhR

ARNT AhR CYP1

Figure 5.8 – Voie de signalisation du AhR.

D’autres récepteurs transcriptionnels ont depuis été identifiés, régulant d’autres EMX
comme les cytochromes P450 de la famille 2 et 3.

PXR et CAR
Les récepteurs PXR (Pregnan X Receptor) et CAR (Constitutive Androstane Receptor)
ont été identifiés vers la fin des années 1990 (Xu et al., 2005). Ce sont des protéines de
la famille des récepteurs nucléaires (comme ceux des œstrogènes ou des androgènes) ;
ils possèdent une structure protéique en six domaines A - F (Fig. 5.9).

A/B C D E/F

Liaison ADN
Dimérisation
Transactivation
Liaison ligand

Figure 5.9 – Structure protéique des récepteurs PXR et CAR.

80
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs

Contrairement au AhR, PXR et CAR sont exprimés dans un nombre restreint de


tissus principalement le foie et l’intestin assurant un rôle de barrières primaires vis-à-vis
notamment des ligands présents dans l’alimentation.
Malgré l’absence d’analogie structurale, la voie de signalisation par PXR/CAR
présente certaines analogies avec la voie du AhR : complexe protéique cytoplasmique
avec des chaperonnes (Hsp), translocation nucléaire après dissociation du complexe par
liaison du ligand (pour CAR, ce phénomène peut aussi être activé par des modifications
post-traductionnelles), liaison à un partenaire nucléaire (le récepteur des réxinoïdes,
RXR) et à des éléments de réponse localisés dans des promoteurs de gènes cibles (par
exemple : cytochromes P450 2 et 3, CYP2 et CYP3) (Fig. 5.10).
Les ligands sont toutefois très différents : pesticides et médicaments par exemple.
Ainsi, on estime que 60 % des médicaments sont capables de lier et d’activer le PXR
conduisant ensuite à leur métabolisme par les CYP2 et CYP3. Cette liaison, qui peut
apparaître comme étant non spécifique, est liée au vaste volume de la poche du PXR
qui est capable d’accueillir plusieurs ligands en même temps.
Le partenaire des deux récepteurs, RXR (Retinoid X Receptor), joue également un
rôle régulateur car il est lui-même activé par des ligands (des rétinoïdes), ce qui signifie
que les concentrations de ces molécules sont susceptibles d’influencer la sensibilité de
la réponse des deux voies.

Ligand

RXR PXR PXR

RXR PXR
CYP2-3
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 5.10 – Les voies de signalisation du PXR et de CAR.

PXR et CAR interviennent aussi dans la régulation de métabolismes endogènes ; c’est


le cas pour CAR de celui :
̭ de la bilirubine, produit de la dégradation de l’hème et responsable d’ictère (jaunisse)
en cas de sur-concentration en raison de sa couleur jaune. Chez les nourrissons, la
faible expression de CAR contribue souvent à l’apparition de l’ictère du nourrisson car
la bilirubine en excès n’est ni détectée par CAR, ni éliminée par les EMX régulées
par celui-ci ;

81
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

̭ du glucose avec une interaction croisée avec le métabolisme hépato-spécifique


néoglucogénique.
Concernant PXR, il s’agit principalement des acides biliaires lorsqu’ils sont présents
à fortes concentrations.

3.4 Perturbation endocrinienne et récepteurs nucléaires


Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances exogènes capables d’altérer
la quantité ou le fonctionnement des hormones et, de ce fait, ils entraînent des effets
néfastes sur la santé de l’Homme et sur l’environnement (Mallozzi et al., 2016). Des
centaines de substances sont suspectées d’être des PE même si seules quelques-unes sont
des PE avérés. Les plus importantes sont certains pesticides, des plastifiants comme les
bisphénols ou les phtalates, les retardateurs de flamme bromés, les dioxines et PCB, etc.
Il existe une différence fondamentale entre la signalisation par les perturbateurs
endocriniens et celle des récepteurs des xénobiotiques. En effet, ces derniers ont pour
fonction biologique de détecter les xénobiotiques et d’induire la détoxication, même si
leur fonctionnement est tel qu’une toxicité collatérale est engendrée. Concernant les PE,
ils vont affecter des récepteurs et des enzymes dont la fonction biologique est tout autre
puisqu’elle concerne la régulation hormonale.
Les cibles principales des PE concernent les œstrogènes et les androgènes, mais il
existe des arguments de plus en plus solides concernant le système thyroïdien et insuli-
nique. Concernant le système œstrogénique, il s’agit le plus souvent d’une activation du
récepteur (ou plutôt des récepteurs parce qu’il en existe plusieurs) de l’œstradiol. Cette
activation est d’ailleurs partielle et souvent associée à un effet inhibiteur en présence de
l’hormone (d’ou le terme de perturbation). Il peut s’agir aussi d’un effet sur les enzymes
de synthèse ou de dégradation de cette hormone. Pour les androgènes, le cas le plus
fréquent est celui de l’inhibition du récepteur de la testostérone, mais un effet sur la
quantité d’hormone est parfois rapporté.
Les PE ont, dans une certaine mesure, révolutionné la toxicologie et ont mis en
évidence des modes de toxicité assez nouveaux. Certains présentent des relations
dose-effet inattendues puisque les courbes correspondantes ne sont pas nécessaire-
ment monotones. Le cas le plus étudié est celui de PE ayant des effets à dose faible
ou modérée qui se réduit à forte dose. L’autre propriété concerne les périodes de
vulnérabilité des organismes puisque plusieurs PE agissent principalement pendant
les premières étapes de la vie (fœtus, jeune enfant, puberté) et sont nettement moins
toxiques chez l’adulte. Cependant, même lorsqu’ils agissent au début de la vie,
leurs conséquences peuvent se manifester beaucoup plus tard, notamment à l’âge
adulte et peut-être sur plusieurs générations (modification de la programmation).
Enfin, ces composés sont souvent présents sous forme de mélanges et des travaux
récents indiquent que, concernant les PE qui ont un même mode d’action, il est
important d’additionner les doses de ces composés (avec un facteur de correction)
pour déterminer la toxicité du mélange.

82
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs

Ainsi ce mode nouveau de signalisation par les toxiques a conduit à une révision des
concepts de la toxicologie et de certains de ses fondements : la relation dose-effet, la
programmation et les effets différés, la vulnérabilité de certaines cibles biologiques, la
notion des mélanges.

Ex : xénoestrogènes et expression de
Synthèse l’aromatase
(enzyme de synthèse des œstrogènes)

Ex : PCBs et liaison à la transthyrétine


Transport
(transport des hormones thyroïdiennes)

Ex : pesticides organochlorés et liaison aux


Liaison
récepteurs des œstrogènes (agoniste / antag.)

Ex : PCBs et polybromés et enzymes de


Dégradation
glucuronidation de l’hormone thyroïdienne T4

Figure 5.11 – Les grandes cibles de la perturbation endocrinienne.

3.5 Des voies de signalisation alternatives


L’activation de certaines voies de signalisation peut conduire à des signaux dits secon-
daires car caractérisés postérieurement ; ceux-ci ont toutefois dans certains cas une
importance non négligeable. Quelques exemples sont décrits ci-après.

Le cas des kinases et l’exemple de Src


La voie principale d’activation du récepteur Ah (AhR) conduit à une activation trans-
criptionnelle de gènes cibles possédant, au sein de leurs séquences promotrices, les
éléments de réponse XRE (voir plus haut). Toutefois, une voie de signalisation dite
« non génomique » a été caractérisée (Tomkiewicz et al., 2013) ; comme évoqué
plus haut, le complexe cytoplasmique comprend une kinase Src qui est libérée à la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

suite de la liaison d’un ligand sur le AhR. Cette dissociation conduit également à
son activation et à la phosphorylation (sur des tyrosines) d’un certain nombre de
protéines cibles ; parmi celles-ci, la kinase FAK (Focal Adhesion Kinase) qui régule
la structure des points d’adhérence focaux permettant l’ancrage de la cellule sur son
substrat (Tomkiewicz et al.). Ces phénomènes sont suspectés de réguler les propriétés
migratoires de la cellule et se mettent en place plus rapidement que ceux dépendant
de la voie génomique (du fait des modifications post-traductionnelles rapides comme
les phosphorylations).

83
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques

Des récepteurs de xénobiotiques membranaires : le cas du BaP


Le benzo(a)pyrène BaP exerce de multiples actions sur la cellule (activation du
AhR, métabolisme conduisant à des mutations de l’ADN, substrat découplant
provoquant la production de DRO au niveau de certains cytochromes P450). Un
nouveau mécanisme d’action a récemment été mis en évidence au niveau membra-
naire ; ainsi, le BaP lie et active un récepteur membranaire de catécholamines appelé
β2ADR (beta 2 Adrenergic Receptor) conduisant à l’activation séquentielle d’une
protein G et d’une adénylate cyclase puis à la production de seconds messagers
comme l’AMPc et à l’entrée d’ions calcium (Ca 2+) dans des cellules endothéliales
(Mayati et al., 2012).
Ces deux phénomènes d’activation rapides laissent sous-entendre que les xénobio-
tiques pourraient exercer leurs effets selon de multiples voies et selon des cinétiques
différentes.

4 Conclusion
Il existe de très nombreux mécanismes d’action et voies de signalisation activés
par les toxiques. Cette variété s’explique par la diversité des cibles cellulaires et
moléculaires qui sont pour la plupart d’entre elles des cibles de molécules endo-
gènes expliquant leur réactivité ou leur propension à lier des agents (par exemple :
récepteurs aux œstrogènes activés par les œstrogènes et donc également par des
analogues structuraux ou plus généralement des perturbateurs endocriniens comme
certains pesticides pro- ou anti-œstrogéniques). La nature de ces cibles est, elle aussi,
très variée (acides nucléiques, lipides membranaires, glucides complexes) mais la
place jouée par les protéines est très importante à considérer compte tenu des modes
d’action qu’elles peuvent mettre en jeu de par leurs fonctions : enzymes, facteurs de
transcription régulant l’expression de gènes cibles, acteurs de voies de signalisation.
Sur le plan même de la nature des toxiques, certains paramètres vont jouer un rôle
sur le type de voies activées ; ainsi, dans le cas des dérivés réactifs de l’oxygène
(DRO ou ROS) abordés dans ce chapitre dont la production peut être activée par de
nombreux toxiques, leur concentration est importante à considérer pour définir ou
non si ceux-ci déclenchent un stress oxydant (notion de seuil) et les voies de signalisa-
tion stimulées (à basse concentration, les MAPK par exemple ; à forte concentration,
la voie Nrf2). Ces aspects fondamentaux nous renvoient à la notion d’adaptation des
systèmes biologiques (voir les catégories définies en introduction) avec la possibilité
pour la troisième catégorie (excluant les phénomènes adaptatifs) de considérer le rôle
de certains de ces acteurs longtemps décrits comme récepteurs de xénobiotiques
(comme le AhR), également comme régulateurs physiologiques. Ainsi, l’invalidation
du AhR chez la souris suggère qu’il régule le développement de nombreux organes
suggérant que des xénobiotiques décrits historiquement comme des agonistes du

84
4 Conclusion

récepteur puissent jouer le rôle de compétiteurs (donc de perturbateurs) vis-à-vis de


ligands endogènes. Ce champ disciplinaire est donc en perpétuelle évolution avec
en plus de nouvelles voies de signalisation alternatives constamment découvertes
ouvrant la voie à la mise à jour de nouveaux mécanismes de toxicité.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

85
L’essentiel
Mécanismes d’action et voies de
signalisation activées par les toxiques

Réactivité Modification des


(ex: nucléophlie) propriétés environnementales
Liaison
n à des
cellulai
e res
Cibles cellulaires

--- -- - - -
-
-- - - - -

Modifications irréversibles +/- réversibles


Macromolécules, enzymes, facteurs de transcription, environnement

Les xénobiotiques présentent de nombreuses cibles de par leurs propriétés réactionnelles.


Les xénobiotiques sont 1) caractérisés par une réactivité intrinsèque ; 2) fréquemment détectés par des
récepteurs de xénobiotiques ; 3) des antagonistes ou effecteurs enzymatiques ; 4) des perturbateurs
des conditions environnementales. Ces modes d’actions très variés conduisent à des modifications le
plus souvent réversibles au sein de la cellule de par le ciblage de macromolécules essentielles (lipides
membranaires, protéines, acides nucléiques).

Les points clefs du chapitre


1 Les xénobiotiques présentent des propriétés de réactivité propres ou liées à leur
métabolisme.
2 De nombreux composants cellulaires (lipides, protéines, acides nucléiques) constituent des
cibles de ces xénobiotiques.
3 Le stress oxydant (excès de dérivés réactifs de l’oxygène) est un processus fréquemment
activé par les xénobiotiques.
4 Des récepteurs de xénobiotiques jouent un rôle clé en tant que facteurs transcriptionnels
régulant l’expression des enzymes (Chapitre 4).
5 La perturbation endocrinienne se définit typiquement par la multitude de cibles qui la
caractérisent (production des hormones, transport, mode d’action agoniste ou antagoniste
des perturbateurs).
6 La découverte récente de nouvelles voies alternatives laisse entendre que de nouveaux
modes d’action des xénobitiques seront bientôt identifiés.

86
Chapitre 6
Approches
méthodologiques
Introduction
L’évaluation de la toxicité des substances repose sur des méthodes expérimentales chez
l’animal (in vivo) et des cellules en culture (in vitro) et sur des méthodes de modélisation
(in silico). Elle vise à identifier la nature et l’origine des effets indésirables induits par l’ex-
position à un toxique et à établir une relation entre la dose d’exposition et la réponse
induite.

Objectifs Plan
Comprendre les objectifs de l’évaluation 1 Modèles in vivo : utilisation
de la toxicité des animaux de laboratoire
Apprendre les différentes méthodes 2 Modèles in vitro : utilisation
d’évaluation de la toxicité pour de cultures de cellules
l’établissement de profils toxicologiques 3 Modèles in silico : approche
non expérimentale
Connaître les avantages et limites des
4 La toxicologie prédictive
approches in vivo, in vitro et in silico
5 Conclusion
Connaître les enjeux de la toxicologie pour
les applications réglementaires

Chaque jour, nous sommes exposés de façon intentionnelle ou non à de nombreux


xénobiotiques dont certains peuvent avoir un effet néfaste sur la santé. De plus, notre
société industrialisée synthétise régulièrement de nouvelles substances dont il faut
évaluer l’innocuité (absence d’effet) ou la nocivité (production d’un effet indésirable).
Le rôle du toxicologue est de s’assurer de la sécurité des personnes qui sont expo-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

sées à des produits chimiques via leur environnement, leur activité professionnelle ou
volontairement par l’utilisation de cosmétiques, de produits de consommation ou de
médicaments. Il a pour objectif de caractériser les effets potentiellement délétères de ces
substances pour l’Homme, qu’elles soient sous forme solide, liquide ou gazeuse. Cette
caractérisation passe par l’identification du danger c’est-à-dire la nature de(s) l’effet(s)
indésirable(s) induit(s) par l’exposition à la substance et l’établissement d’une relation
entre la dose à laquelle l’organisme est exposé et la réponse induite. Le risque qu’une
substance chimique provoque un effet indésirable sur la santé est directement fonction
de l’ampleur, de la fréquence, de la voie et de la durée de l’exposition à cette dernière.
L’évaluation des dangers, combinée à la caractérisation de l’exposition, permet de réaliser
une évaluation des risques (voir chapitre 9).

87
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

L’évaluation de la toxicité des substances a initialement été réalisée grâce à l’utilisa-


tion de modèles animaux, ce que l’on nomme la toxicologie in vivo. Les progrès dans
les domaines de la culture cellulaire et de la biologie moléculaire avec notamment
les approches dites « omiques », ont fait évoluer la toxicologie expérimentale vers la
toxicologie in vitro basée sur l’utilisation de cultures cellulaires et vers une meilleure
connaissance du mécanisme d’action des xénobiotiques. Parallèlement, une approche non
expérimentale s’est développée, basée sur la modélisation mathématique et constitue ce
que l’on appelle la toxicologie in silico. L’intérêt de combiner les approches vivo, vitro et
silico est d’améliorer l’extrapolation des résultats obtenus à l’Homme pour une meilleure
évaluation de la toxicité. L’évolution de la toxicologie vise à une meilleure intégration de
ces différentes approches dans un souci de réduire l’expérimentation animale pour des
raisons éthiques, économiques et de capacité à évaluer un nombre sans cesse croissant
de substances.
La toxicologie expérimentale consiste à exposer des individus, des tissus ou des
cellules à la substance que l’on souhaite étudier, et de comparer la réponse obtenue à un
groupe témoin maintenu dans les mêmes conditions mais non exposé à la substance. Il
s’agit de déterminer quel type d’effet est produit, ce qui peut permettre d’identifier une
cible biologique. À cette phase qualitative est associée une phase quantitative visant
à établir une relation entre la dose d’exposition et la réponse induite. Une gamme de
doses est testée afin de déterminer des doses critiques telles que la NOAEL (acronyme
anglais signifiant No Observed Adverse Effect Level, c’est-à-dire dose pour laquelle on
n’observe pas d’effet adverse), la LOAEL (Lowest Observed Adverse Effect Level : dose
la plus faible pour laquelle on observe un effet adverse) dont seront dérivées des valeurs
de référence toxicologique après application de facteurs de sécurité pour permettre
l’extrapolation à l’Homme (voir chapitre 9). La toxicologie moderne ne s’arrête pas
à des données descriptives mais cherche à identifier le mécanisme d’action des subs-
tances afin de reconstruire les événements qui vont de l’interaction de la substance
avec une molécule cible à l’activation de voies de signalisation cellulaire jusqu’à des
atteintes des tissus et des organes qui aboutiront à l’effet toxique proprement dit pour
l’organisme.
Ces approches méthodologiques doivent permettre d’établir le profil toxicologique
d’une substance et de déterminer des doses seuil pour les médicaments, des limites
d’exposition aux pesticides, contaminants alimentaires, ingrédients cosmétiques,
des mesures de protection pour les personnes qui travaillent avec des substances
toxiques. Elles doivent être réalisées selon des lignes directrices édictées par des
instances internationales comme l’OCDE (Organisation de Coopération et de Déve-
loppement Economique) afin de respecter des protocoles d’expérience standardisés
permettant de valider les résultats obtenus et dans des laboratoires accrédités pour
mettre en œuvre les bonnes pratiques de laboratoire afin de s’assurer de la fiabilité
des données produites. Ces lignes directrices concernent les différents effets toxi-
cologiques qui doivent être investigués comme la toxicité aiguë, la mutagenèse, la
cancérogenèse, les effets sur la reproduction et le développement. L’utilisation de ces

88
1 Modèles in vivo : utilisation des animaux de laboratoire

approches méthodologiques ne se cantonne pas aux applications réglementaires de


la toxicologie. Elles le sont également dans le domaine de la recherche pour étudier
le mécanisme d’action des toxiques en faisant appel à une diversité de protocoles
et de méthodes d’analyse jusqu’aux plus innovantes pour répondre aux questions
de recherche posées. Dans l’industrie, des tests simples à haut débit sont mis en
œuvre pour éliminer rapidement les composés dont le développement risque d’être
compromis pour cause de profil toxicologique défavorable, notamment pour les
médicaments.

1 Modèles in vivo : utilisation des animaux


de laboratoire

1.1 Les différents modèles animaux


La toxicité des substances ne pouvant être directement évaluée chez l’Homme pour des
raisons éthiques évidentes, il est nécessaire de recourir à l’expérimentation animale. En
toxicologie, les modèles animaux les plus utilisés sont des mammifères et en particulier la
souris et le rat et dans une moindre mesure le lapin et le cochon d’Inde, mais également le
chien et le cochon nain, considérant qu’ils présentent certaines similitudes physiologiques
et moléculaires avec l’Homme. Ces espèces de petite taille ont été privilégiées pour des
raisons économiques, de facilité d’expérimentation et de durée de vie.
Les études sont classiquement réalisées avec des animaux sains généralement adultes
mais des animaux nouveau-nés, jeunes ou âgés, peuvent être utilisés pour l’identification
de stades sensibles aux effets toxiques. Elles peuvent également être menées avec des
animaux présentant une pathologie préexistante spontanée ou provoquée. L’intérêt est
alors d’évaluer l’impact des toxiques sur les populations sensibles que sont par exemple
les insuffisants cardiaques, les allergiques, les diabétiques, etc. Certaines expériences
peuvent être menées avec des animaux modifiés génétiquement. Dans ce dernier cas, il
s’agit d’espèces animales présentant un génotype modifié par rapport à l’espèce sauvage,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui sont alors plus sensibles à une maladie ou qui sont déficientes en une molécule
d’intérêt biologique particulière (enzymes, récepteurs…). Ce type de modèle permet
d’étudier l’impact de l’exposition à un toxique sur un processus pathogénique donné ou
d’évaluer l’implication de telle ou telle molécule dans la réponse biologique obtenue
après exposition au toxique étudié (voir exemple au chapitre 5).

1.2 Les modalités d’exposition : voies et durée/fréquence


La toxicité d’une substance peut varier considérablement selon la voie d’exposition.
L’évaluation de la toxicité devra donc considérer les principales voies d’exposition qui
sont la voie orale, la voie respiratoire et la voie cutanée auxquelles peuvent s’ajouter

89
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

d’autres voies pour les médicaments selon la voie d’administration envisagée. Si la voie
orale est systématiquement étudiée, l’étude des autres voies est dépendante des propriétés
et des usages de la substance à évaluer. L’administration peut se faire par gavage ou
par ajout de la substance dans l’eau de boisson ou encore dans la nourriture. Dans ces
conditions, il faut déterminer les quantités bues/ingérées afin de déterminer la dose
administrée et s’assurer qu’il n’y a pas de modification de la biodisponibilité de la sub-
stance par interaction avec des composés nutritifs. Pour la voie dermique, la substance
est appliquée sur la peau rasée saine et scarifiée, avec application d’un pansement plus
ou moins occlusif pour favoriser sa pénétration. L’exposition par la voie respiratoire est
étudiée pour les toxiques gazeux aux conditions normales de température et de pression,
les vapeurs (état gazeux d’un liquide comme les solvants) et les particules liquides ou
solides présentes dans l’air. Elle se fait généralement par inhalation mimant ainsi au
mieux l’exposition pulmonaire qui se produit en conditions naturelles. L’animal est alors
placé dans une chambre d’inhalation dans laquelle est introduite la substance à tester.
À cette exposition encore appelée corps entier, est quelquefois préférée l’exposition dite
« nez seulement » où l’animal est placé dans une chambre de contention afin de n’avoir
que le nez au contact de la substance diffusée dans une enceinte ouverte au niveau du
nez de l’animal. Cette approche permet de mieux contrôler l’exposition évitant une expo-
sition secondaire par voie orale liée au léchage du pelage mais peut générer un stress
chez l’animal et ne peut donc être utilisée que pour des expositions de courte durée. La
réalisation d’études de toxicité respiratoire nécessite des installations dédiées permettant
la génération des atmosphères à tester et le contrôle des concentrations tout au long de
l’étude. Une alternative à l’inhalation est l’utilisation de l’instillation intratrachéale qui
est une méthode plus simple à mettre en œuvre car elle consiste à déposer une quantité
connue de substance, directement dans les voies respiratoires via une canule insérée dans
la trachée. Elle présente l’inconvénient d’être moins physiologique et de ne pas autoriser
une répétition des expositions.
L’apparition d’effets indésirables étant dépendante de la durée et de la fréquence de
l’exposition, quatre protocoles d’exposition sont mis en œuvre : (i) l’exposition aiguë fait
référence à une exposition courte, généralement moins de 24 h, et unique ; (ii) l’exposition
subaiguë correspond à une exposition répétée/prolongée pour une période inférieure à
un mois ; (iii) l’exposition sub-chronique correspond à une exposition répétée comprise
entre 1 et 3 mois ; et enfin (iv) l’exposition chronique correspond à une exposition répétée
sur plus de 3 mois allant jusqu’au 2/3 de la vie de l’animal.

1.3 Paramètres toxicologiques étudiés


L’expérimentation animale va permettre d’une part d’évaluer la toxicocinétique de la
substance (voir chapitre 2) et d’autre part d’identifier les effets et leur gradation selon
les doses et le temps d’exposition.
Les études de toxicité aiguë sont des études à court terme réalisées pour déter-
miner quelle dose représente un danger immédiat pour l’organisme. Elles conduisent à la

90
1 Modèles in vivo : utilisation des animaux de laboratoire

détermination de la dose effective médiane (DE50) c’est-à-dire la quantité de substance


qui affecte la moitié d’un groupe d’animaux d’une espèce donnée dans des conditions
définies. Le critère de toxicité peut être la mortalité permettant de calculer une dose létale
médiane (DL50) servant à établir la toxicité relative de la substance. À cette évaluation
de la toxicité aiguë systémique, sont associées des études de toxicité aiguë locale qui
visent à évaluer le caractère irritant, corrosif, sensibilisant d’une substance pour la peau,
les yeux et les voies respiratoires.
Les études d’expositions répétées (exposition subaiguë, sub-chronique, chronique)
permettent d’évaluer les effets indésirables qui peuvent résulter d’une exposition à long
terme à la substance. Elles se focalisent sur les effets systémiques possibles de la sub-
stance testée pour déterminer des valeurs critiques de doses. Elles nécessitent la mesure
répétée de divers paramètres cliniques, physiologiques, biochimiques pour détecter
les effets de la substance sur l’organisme et identifier le(les) organe(s) concerné(s) par
la toxicité. À l’issue de l’exposition, les animaux sont sacrifiés et l’organisme entier
est examiné pour rechercher des atteintes structurales et fonctionnelles au niveau des
organes. Il peut s’agir d’une défaillance d’un organe ou de changements structuraux
des organes, de mortalité tissulaire, de changements des cellules immunitaires, de
lésions précancéreuses ou de tumeurs. L’examen histo-pathologique des organes est
très important pour dépister les substances cancéreuses (voir chapitre 7). Des proto-
coles spécifiques sont mis en œuvre pour évaluer l’impact sur la reproduction et le
développement du fœtus : il s’agit de déterminer l’effet toxique potentiel sur les organes
reproducteurs, la fertilité à la fois chez le mâle et la femelle, le fœtus et le nouveau-né
afin d’identifier des molécules tératogènes et un éventuel effet sur le développement
prénatal et post-natal. L’évaluation du potentiel tératogène nécessite d’exposer des
femelles gestantes pendant toute la durée de la gestation. La toxicité pour la repro-
duction est testée en exposant des mâles et des femelles à la substance avant et après
l’accouplement, et l’exposition est poursuivie jusqu’à ce que la progéniture ait atteint
la maturité.
Le type et le niveau d’investigations toxicologiques sont dépendants des substances
testées et donc de la directive réglementaire dont elles dépendent (médicaments, produits
phytosanitaires et produits chimiques). Les investigations sont d’autant plus poussées
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qu’une substance est amenée à être largement présente sur le marché.

1.4 Intérêts et limites des études de toxicité chez l’animal


L’intérêt d’utiliser les animaux réside dans le fait qu’il s’agit d’êtres vivants composés
d’une multitude de tissus ayant une physiologie et un métabolisme apparentés à ceux
de l’Homme. Chez l’animal, il est possible de réaliser des études de toxicité systémique
à long terme pour évaluer la cancérogénicité, la toxicité pour la reproduction et le
développement pour lesquelles les approches alternatives à l’expérimentation animale
n’apportent pas à ce jour de solution satisfaisante et représentent un challenge tech-
nique important.

91
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

Voies d’exposition
Voie respiratoire Voie orale Voie cutanée

Durée d’exposition Paramètres de toxicité

aiguë Toxicité aiguë:


systémique (détermination DL50)
Quelques jours
Modèles animaux locale: - irritation, corrosion
- sensibilisation cutanée
subaiguë
Toxicité subaiguë/subchronique/chronique
< 1 mois
identi cation organe(s) cible(s),
de l’e et critique, détermination
de NOAEL
subchronique
Toxicité pour la reproduction et le
90 jours développement prénatal

chronique Mutagénicité

Plus de 3 mois Cancérogénicité

Figure 6.1 – La toxicologie expérimentale in vivo.


Elle repose sur l’utilisation de modèles animaux qui vont être ou non traités à différentes
doses de la substance à évaluer, selon plusieurs voies d’exposition et dans le cadre
d’une exposition unique ou répétée sur une période plus ou moins longue de la vie de
l’animal. Il s’agit d’évaluer non seulement la toxicité aiguë locale et systémique mais
aussi la toxicité à moyen/long terme (toxicité subaiguë, sub-chronique, chronique).
Le but est d’identifier des effets critiques et de déterminer des valeurs critiques de
doses.

Mais les études chez l’animal présentent également un certain nombre de limites.
Bien qu’elles soient conçues pour prédire la toxicité chez l’Homme, les réponses peuvent
varier entre espèces animales à cause de différences anatomiques, physiologiques, biochi-
miques, ce qui limite leur extrapolation à l’Homme. Avec le recul sur l’évaluation des
médicaments, il apparaît que les évaluations précliniques chez l’animal ne sont pas
toujours suffisamment prédictives des effets cliniques. Des différences toxicocinétiques,
métaboliques, de régime alimentaire font partie des raisons qui rendent difficiles l’extra-
polation interespèce. Des modèles animaux humanisés se développent pour pallier à
ces limites (voir chapitre 4). Par ailleurs, les études chez l’animal représentent un coût
important. Leur réalisation est longue, ce qui limite le nombre de composés pouvant
être évalués et ne permet pas de faire face au nombre toujours croissant de nouveaux
composés à tester mais laisse aussi sur le marché des substances qui n’ont pas fait l’objet
d’une évaluation sérieuse. Enfin, un autre aspect et non des moindres, l’aspect éthique
joue un rôle important dans l’évolution de l’approche expérimentale de la toxicologie. Le
souci de la protection animale plaide pour une diminution importante des animaux de
laboratoire dans l’évaluation de la toxicité des produits chimiques. Dès 1959, Russell et
Burch ont élaboré le concept des 3 R (pour Reduction, Refinement and Remplacement)
qui a pour objectif : (i) de réduire le nombre d’animaux utilisés dans les tests toxico-
logiques en optimisant les protocoles; (ii) de raffiner les tests c’est-à-dire de mettre en
œuvre des pratiques qui permettent de réduire la souffrance animale ; (iii) enfin, de

92
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules

remplacer ce qui constitue le volet des méthodes dites alternatives à l’expérimentation


animale dans lesquelles s’intègrent des approches in vitro et in silico. La pression pour
réduire les tests toxicologiques sur animaux s’est traduite au niveau réglementaire en
Europe par l’interdiction de l’expérimentation animale pour évaluer les ingrédients
cosmétiques. De même, la directive européenne Reach relative aux produits chimiques
prône de minimiser l’expérimentation animale amenant à reconsidérer les approches
pour l’évaluation du risque des substances.

2 Modèles in vitro : utilisation de cultures


de cellules
La culture cellulaire est définie comme la croissance dans un milieu artificiel et sous
conditions contrôlées de cellules issues d’un organisme multicellulaire, animal ou
Homme. Ces cellules sont alors capables de se diviser et d’exprimer des métabolismes
et des fonctions spécifiques de leur tissu d’origine.
Notons qu’il existe aussi des cultures organotypiques qui consistent en le maintien
d’un fragment de tissu in vitro. Ces approches sont moins fréquemment utilisées car bien
qu’elles présentent l’avantage de préserver l’intégrité des interactions entre les différents
types cellulaires le constituant, le matériel biologique disponible est limité, restreignant
les investigations possibles, et la variabilité des résultats est plus importante. Néanmoins,
cette méthode est utilisée pour des organes pour lesquels les méthodes de cultures
cellulaires ne donnent pas entière satisfaction comme les études sur les testicules ou le
cerveau.

2.1 Types de cellules : cellules primaires – lignées cellulaires


Les tests de toxicité peuvent être réalisés sur des cultures primaires ou des lignées
cellulaires.
Les cultures primaires dérivent directement de cellules prélevées dans un organisme.
Elles ont une durée de vie limitée restreignant leur expansion in vitro. Leur culture est
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

fréquemment associée à leur dédifférenciation. Leur nouvel environnement physico-


chimique est éloigné de leur environnement physiologique et tend à favoriser leur
prolifération associée à la perte de leurs fonctions spécifiques. Pour certains types cellu-
laires, la culture est delicate, voire impossible, elle ne permet qu’un simple maintien des
cellules sans permettre leur multiplication, réduisant les possibilités d’expérimentation.
De plus, l’obtention de ces cellules, notamment humaines, est très difficile, en particulier
pour les cellules des organes internes qui ne peuvent être recueillies que dans le cadre
(i) d’opérations chirurgicales lorsque les pièces chirurgicales ne sont pas utilisées pour
le diagnostic et peuvent être rapidement acheminées au laboratoire de culture cellulaire
ou congelées, (ii) de transplantation ou (iii) post mortem. L’acquisition de ces cellules

93
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

doit se faire en respectant un cadre légal en obtenant les autorisations nécessaires. Des
compagnies de biotechnologies se sont spécialisées dans la commercialisation de cultures
primaires. La qualité et la sensibilité de la culture établie à partir de ces cellules sont
dépendantes du donneur dont on ne connaît pas le style de vie, l’activité professionnelle
et les habitudes alimentaires. Il convient de renouveler les expériences avec des cellules
issues de plusieurs donneurs afin de tester la variabilité interindividuelle liée aux poly-
morphismes génétiques.
Les lignées cellulaires ont une durée de vie illimitée car elles dérivent de cellules
cancéreuses ou ont acquis leur immortalité par transfection d’un oncogène viral réalisée
au laboratoire à partir de cellules primaires. Dans ces lignées, les populations cellulaires
sont homogènes et normalement stables au cours des ensemencements successifs. De
nombreuses lignées cellulaires animales et humaines issues de différents types d’organes
sont disponibles commercialement dans des banques de tissus. Elles représentent une
alternative aux cultures primaires pour certains types cellulaires pour lesquels les biop-
sies ne sont pas fréquemment ou facilement accessibles. Leur principale limitation est
qu’elles ont généralement perdu en grande partie le phénotype d’origine ou qu’elles
expriment un phénotype incomplet. Ainsi la plupart des lignées de cellules hépatiques
humaines n’expriment pas l’intégralité du panel des enzymes du métabolisme des xéno-
biotiques, ne permettant pas d’établir à partir de celles-ci un profil métabolique complet
pour une substance. Une exception concerne la lignée HepaRG™ issue d’une tumeur
hépatique qui prolifère et exprime des propriétés de cellules progénitrices hépatiques
mais qui, lorsqu’elle est placée dans des conditions de culture appropriées, se différencie
en hépatocytes matures exprimant les enzymes du métabolisme des xénobiotiques de
phase 1 et 2 et les transporteurs. Les lignées cellulaires présentent l’avantage d’être
faciles à manipuler. Elles se multiplient facilement, permettant de disposer de grandes
quantités de cellules utiles pour réaliser des études de criblage à haut débit par exemple.
De plus, elles peuvent être génétiquement modifiées pour établir des lignées reportrices
stables afin d’étudier les effets de composés sur l’activité d’un promoteur d’intérêt lié à un
gène rapporteur comme celui codant la luciférase. On peut citer le test KeratinoSens™
qui appartient à la batterie de tests développés pour évaluer la sensibilisation cutanée.
Il s’agit d’une lignée de kératinocytes humains qui expriment le gène rapporteur de
la luciférase sous le contrôle d’un élément de réponse aux antioxydants (ARE). Cette
lignée est utilisée pour évaluer l’induction de réponses cytoprotectrices induites par les
gènes contrôlés par l’ARE. Il existe maintenant toute une série de lignées reportrices
commerciales permettant d’identifier facilement des voies de signalisation liées à la
toxicité induite par des xénobiotiques (voir chapitre 5).
Les cellules souches humaines apparaissent comme une alternative prometteuse aux
cultures primaires et lignées cellulaires. La mise au point de la technique qui permet de
créer des cellules souches pluripotentes (dites « iPS », pour inducible Pluripotent Stem
cells ») à partir d’une cellule humaine somatique normale ouvre la perspective d’utiliser
ces cellules pour obtenir les différents types cellulaires nécessaires à une investigation

94
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules

toxicologique avec un même fond génétique. Elle permet même d’envisager une toxi-
cologie personnalisée !

2.2 Méthodes de culture : 2D – 3D – co-cultures


La plupart des cellules ont besoin de s’attacher à une surface pour pouvoir survivre,
se diviser et exprimer leurs fonctions spécifiques. La croissance en deux dimensions
c’est-à-dire une monocouche de cellules cultivées sur une surface plane et submergée de
milieu de culture, empêche pour la plupart des cellules le maintien de la différenciation
cellulaire pour cause de pertes d’informations structurales. Ce mode de culture favorise la
proliferation, ce qui nécessite de repiquer régulièrement les cellules empêchant d’étudier
les effets à long terme sur une même population cellulaire. La facilité de cultures en 2D
fait que beaucoup d’études toxicologiques sont toutefois réalisées dans ces conditions.
De plus, la possibilité de miniaturiser les dispositifs de culture et d’automatiser les ense-
mencements, traitements et analyses permettent des études à haut débit dans un but de
criblage rapide de substances.
Pour préserver la différenciation des cellules, des cultures en trois dimensions se
développent, permettant l’interaction des cellules avec leur environnement dans les trois
dimensions. Des cultures de sphéroïdes ou en sandwich dans un gel sont des options
proposées pour améliorer la différenciation et les performances des hépatocytes en
culture et permettre ainsi de prédire la clairance hépatique in vivo par une évaluation
du métabolisme in vitro. D’autres exemples concernent les épithéliums de surface qui
peuvent être cultivés sur une membrane poreuse dans des chambres à deux comparti-
ments permettant de les nourrir par leur pôle basal tandis que leur pôle apical est, ou
non, couvert de milieu de culture. Ce mode de culture reproduit la situation d’interface
de ces épithéliums de surface qui sont des barrières entre le milieu extérieur et le milieu
intérieur. Ces méthodes de culture appliquées aux kératinocytes permettent leur stra-
tification et la reconstruction d’un épiderme (partie superficielle de la peau) sur lequel
l’évaluation des substances appliquées de façon topique peut être réalisée. Il existe des
modèles commerciaux d’épidermes reconstruits (tels Episkin) recommandés d’un point
de vue réglementaire pour l’évaluation de la corrosivité et de l’irritation ainsi que pour
l’absorption percutanée et le métabolisme cutané. MucilAir™ est un exemple d’épithé-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

lium humain des voies respiratoires établi à partir de cellules bronchiques humaines
maintenues à l’interface air-liquide pour favoriser la différenciation de cellules ciliées
et sécrétrices de mucus (Fig. 6.2). Ces cultures peuvent de plus être établies à partir de
cellules de patients souffrant de pathologies respiratoires telles que l’asthme ou encore
de fumeurs dans le but d’étudier les effets sur des populations sensibles. Ces cultures
ont l’avantage de se maintenir assez longtemps, permettant d’envisager de réaliser des
études à long terme.
Ces modèles de culture en 3D peuvent être réalisés en associant plusieurs types
cellulaires qui cohabitent normalement dans un organe (par exemple : neurones, glies,
endothélium…). Les interactions et la communication intercellulaire favorisent la

95
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

différenciation des cellules. Dans les tests de toxicité, cela permet d’apprécier la sensi-
bilité relative des différents types cellulaires.
Inspiré par les découvertes les plus récentes en ingénierie tissulaire et les progrès des
technologies de microfluidique, des organes sur puces se développent dans l’objectif
de mimer les interactions systémiques entre les organes chez l’Homme. Ces dispositifs
complètent l’objectif des cultures 3D en intégrant des caractéristiques qui sont critiques
pour les fonctions des organes comme la perfusion vasculaire, les forces mécaniques, la
circulation de cellules du système immunitaire. On peut citer un modèle de poumon sur
puce où la barrière alvéolo-capillaire est reconstruite et soumise à des contraintes méca-
niques cycliques pour mimer le cycle respiratoire (Fig. 6.2). Des puces se développent,
associant des cellules de différents organes, chacune dans un compartiment dédié mais
reliées entre elles par des canaux où circule un fluide mimant le sang et permettant à la
substance de circuler comme elle le ferait dans le corps humain en respectant les débits
irrigant chaque organe.

Cellules Cellules
endothéliales épithéliales

Interface air-liquide Flux d’air


étirement étirement
Cellules
Cellules épithéliales
épithéliales différenciées Flux de milieu de culture
Neutrophiles
Culture 2D Culture 3D Co-culture /exposition dynamique

Figure 6.2 – Les différents modes de culture in vitro : exemple


de l’épithélium respiratoire.
Les cellules épithéliales respiratoires peuvent être cultivées en 2D c’est-à-dire au fond
d’un puits de culture et recouvertes de milieu de culture, ce qui n’est pas favorable
au maintien de leur différenciation. Leur culture en 3D, c’est-à-dire sur une membrane
poreuse permettant de laisser leur pôle apical au contact de l’air et de les nourrir
uniquement par leur pôle basal, permet leur différenciation in vitro. Ces cellules
peuvent être co-cultivées avec des cellules endothéliales placées sur la face inférieure
de la membrane poreuse et maintenues dans une puce microfluidique qui permet
non seulement de créer un flux d’air du côté apical et un flux de milieu de culture du
côté basal mais aussi de provoquer de façon cyclique un étirement de la membrane
grâce à des modifications de pression dans les canaux latéraux (en gris foncé sur
le schéma) avec pour objectif de mimer les cycles d’inspiration et d’expiration au
niveau alvéolaire. Des neutrophiles peuvent également être mis à circuler dans
le compartiment basal afin de déterminer si l’exposition des cellules épithéliales à
des xénobiotiques s’accompagne d’une réponse pro-inflammatoire qui provoque
l’activation des neutrophiles et leur adhérence aux cellules endothéliales.

2.3 Paramètres toxicologiques étudiés


Le nombre potentiel de paramètres qui peuvent être mesurés pour rendre compte de
l’impact d’une substance peut être important et il n’est pas possible ici d’en faire une liste
exhaustive. En première approche, la cytotoxicité basale est appréciée par des observa-
tions morphologiques ainsi que par des évaluations de la viabilité cellulaire basées sur

96
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules

la mesure de l’intégrité membranaire (test du relargage de l’enzyme cytosolique, lactate


déshydrogénase, incorporation de bleu trypan ou d’iodure de propidium) ou encore le
maintien du métabolisme énergétique (niveau d’ATP, test aux sels de tétrazolium…). En
cas de mort cellulaire, des tests spécifiques permettent de déterminer s’il s’agit d’une
mort par nécrose ou apoptose (test d’externalisation de l’annexine V, mesure de la chute
de la perméabilité mitochondriale…). Les différents mécanismes de toxicité abordés
au chapitre 5 peuvent être étudiés par des tests dédiés. La réalisation d’une batterie de
tests permet d’acquérir de multiples paramètres phénotypiques (morphologie cellulaire,
membranes, noyau, mitochondrie) et fonctionnels (activité enzymatique, signalisation
cellulaire, expression de gènes, métabolisme, etc). Bon nombre d’entre eux sont commer-
cialisés sous forme de kits facilitant leur mise en œuvre. Ils reposent sur la détection
d’un composé coloré/fluorescent/luminescent accumulé ou produit à l’issue d’une réac-
tion spécifique dont l’intensité sera différente dans les cellules exposées par rapport aux
cellules témoins et proportionnelle à la dose testée.
Ces tests sont souvent réalisés sur des plaques de culture multipuits qui donnent une
mesure globale sur une population de cellules. Certains tests nécessitent une analyse des
cellules par cytométrie en flux qui présente l’avantage de mesurer un signal cellule par
cellule sur un effectif important de cellules et d’obtenir ainsi une distribution précise de la
réponse dans une population cellulaire. De plus, grâce à une détection multiparamétrique,
elle permet d’évaluer simultanément plusieurs événements moléculaires/cellulaires. Ces
mêmes avantages sont également partagés par l’imagerie cellulaire à haut débit aussi
appelée HCS (pour High Content Screening) qui permet de réaliser la mesure sur des
cellules adhérentes. Cette approche facilite les études sur cellules vivantes dont on peut
suivre la cinétique de réponse aux toxiques.

2.4 Intérêts et limites des cultures cellulaires


Les cultures cellulaires présentent un certain nombre d’avantages justifiant leur utilisa-
tion croissante en toxicologie. Il est possible d’utiliser des cellules humaines facilitant
l’extrapolation à l’Homme puisqu’il n’y a plus de différence inter-espèce. Elles permettent
d’étudier l’effet direct d’une substance sur une cellule cible sans interférence hormonale,
nerveuse et métabolique. Les conditions physicochimiques de réalisation de l’étude
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

sont très contrôlées en termes de température, humidité, pH, apport d’oxygène, statut
hormonal et nutritif garantissant que les effets observés soient directement reliés à l’expo-
sition à la(les) substance(s) testée(s). Elles offrent la possibilité de tester une large gamme
de doses et de temps d’exposition pour une caractérisation complète de la toxicité d’un
composé au travers de l’analyse d’un nombre important de paramètres. La miniaturi-
sation des dispositifs expérimentaux permet de n’avoir besoin que d’une faible quantité
de substances. Les possibilités d’automatisation et de robotisation permettent d’obtenir
des données à haut débit et donc de trier rapidement de nombreux composés sur la
base d’une série de critères de toxicité ciblant des fonctions cellulaires clés (mort cellu-
laire, prolifération, dommages à l’ADN, stress oxydant, homéostasie calcique, atteinte

97
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

mitochondriale). Elles sont de ce fait beaucoup utilisées aux stades très précoces du
développement préclinique de médicaments pour identifier et prioriser les substances à
exclure ou à conserver.
Les cultures cellulaires présentent néanmoins un certain nombre de limites. Les
conditions de culture ne sont pas physiologiques en termes de matrice extracellulaire, de
densité cellulaire, en particulier pour les cultures 2D. Un seul type cellulaire étant utilisé,
on ne tient pas compte des interactions cellulaires. De plus, les cellules sont générale-
ment d’origine monoclonale et peuvent dégénérer au cours de leur maintien en culture.
Les conditions de culture ne sont pas homéostasiques : on procède à des changements
brusques de milieu de culture, il y a une déplétion continue des éléments nutritifs et
une accumulation de déchets du métabolisme. L’utilisation de cellules cancéreuses peut
poser des problèmes d’interprétation des résultats car elles présentent de nombreuses
mutations et pertes de parties de chromosomes conduisant à une hétérogénéité de la
population cellulaire cultivée. Enfin, les substances testées peuvent se lier différemment
et de façon non spécifique aux milieux et plastiques de culture, s’évaporer, se dégrader
au cours de l’exposition conduisant à une dose biologiquement effective inférieure à la
dose nominale appliquée et produisant des relations dose-réponse erronées par sous-
estimation de la toxicité.
La mise au point d’un test toxicologique in vitro et sa validation est extrêmement
longue, ce qui fait qu’à ce jour les tests validés d’un point de vue réglementaire sont
limités à la toxicité aiguë. Un segment entier de l’évaluation de la toxicité n’est pas couvert
par ces essais telles la toxicité systémique et les expositions répétées. Les lignes direc-
trices pour les tests réglementaires validées pour remplacer l’expérimentation animale
sont disponibles pour évaluer des paramètres de toxicité spécifiques comme l’absorption
dermique, la phototoxicité, la corrosion et l’irritation cutanée et oculaire, la sensibili-
sation cutanée et la génotoxicité. En détectant des mécanismes d’action de base, elles
permettent d’exclure des dangers sanitaires sans avoir des tests supplémentaires chez
l’animal. Elles permettent aussi la classification des composés selon le système global de
classification et étiquetage des produits chimiques en identifiant les dangers sanitaires. En
revanche, les interactions complexes de facteurs qui conduisent à la toxicité systémique
ou d’organes in vivo ne sont pas efficacement reproduites in vitro.

3 Modèles in silico : approche non expérimentale


Parallèlement aux approches expérimentales, des méthodes in silico se sont déve-
loppées pour prédire la toxicité. Le terme « silico » en référence aux puces en silice
des ordinateurs, signifie l’utilisation de méthodes numériques pour créer des modèles
utilisables pour prédire la toxicocinétique et la toxicité avec pour intérêt de réduire la
durée et le coût des études.

98
3 Modèles in silico : approche non expérimentale

Le développement de ces outils in silico dépend des données d’entrée issues des études
in vivo et in vitro et reflètent donc également leurs lacunes. La diffusion publique limitée
de ces données, le manque d’homogénéité des jeux de données et un éventuel biais de
sélection de celles-ci lié à leur disponibilité sont des limites qui peuvent affecter la qualité
de la modélisation et sa validation.

3.1 SAR et QSAR


Les relations structure à activité (RSA ou SAR en anglais) décrivent la relation existant
entre structure chimique et activité pour une série de composés. Cette activité peut
concerner par exemple la liaison à un récepteur, la sensibilité au métabolisme des cyto-
chromes P450, la toxicité aiguë… Le terme RSA recouvre différentes approches, allant
de simples considérations de similarité ou de diversité des molécules à l’établissement
de modèles mathématiques liant les caractéristiques structurales et les propriétés physi-
cochimiques d’un composé à un effet toxicologique donné qui est mesurable. On parle
alors dans ce dernier cas d’approche quantitative (RSAQ ou QSAR en anglais pour
Quantitative Structure Activity Relationships).
Le développement des modèles QSAR nécessite de disposer de données toxicologiques
issues de bases de données ou acquises expérimentalement qui serviront de base pour
le développement d’un modèle prédictif. Les approches RSA peuvent être utiles pour
prédire les propriétés toxicologiques de substances non encore évaluées sur la base des
propriétés connues de substances chimiques apparentées qui présentent des domaines
critiques (motifs d’alerte). Elles permettent de faire l’hypothèse du mécanisme par lequel
le composé peut interagir avec les systèmes biologiques. Cependant chaque modèle a
une prédictivité restreinte à une famille structurale parfaitement délimitée et pour un
seul effet toxique considéré.
Ces approches de modélisation sont susceptibles d’apporter des informations tout du
moins dans le processus initial d’évaluation de la toxicité afin d’éliminer précocement
des molécules aux propriétés préoccupantes bien que non testées sur le vivant.

3.2 Les modèles toxicocinétiques classiques et PBPK


(Physiologically-Based PharmacoKinetics)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

En complément des approches exposées ci-dessus permettant d’identifier les effets béné-
fiques ou indésirables relatifs à l’exposition à une substance, il est essentiel de caractériser
leur pharmacocinétique, ces effets n’étant pas uniquement liés à la dose externe reçue
mais dépendant de la quantité de produit actif (parent ou métabolite) atteignant les
organes et les cellules cibles.
Deux approches de modélisation pharmaco/toxicocinétique sont principalement utili-
sées : les modèles compartimentaux de type classique (Gibaldi et Perrier, 1982) et les
modèles physiologiques (Gerlowski et Jain, 2003). Ces modèles décrivant le devenir des
substances toxiques dans un organisme vivant au cours du temps, se basent sur la subdivi-
sion de l’organisme en compartiments, dans lequel la substance est supposée se distribuer

99
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

de façon homogène. Seuls quelques compartiments liés par des échanges de substance
définissent un modèle toxicocinétique classique. Typiquement, un compartiment central
est défini, et des compartiments périphériques sont ajoutés jusqu’à l’obtention d’un ajuste-
ment correct du modèle aux données (un ou deux sont généralement nécessaires). Les
compartiments ne sont donc pas nécessairement biologiquement interprétables, ni les
paramètres du modèle. Ces modèles permettent de décrire de façon satisfaisante certaines
cinétiques avec un minimum de paramètres. Les modèles toxicocinétiques physiologiques
(ou PBPK) peuvent décrire de façon plus détaillée les mécanismes connus de l’absorption,
de distribution, du métabolisme et de l’excrétion. Contrairement aux modèles classiques,
les compartiments et les paramètres de ces modèles ont pour la plupart une signification
physiologique. Les échanges de matière sont régis par les flux sanguins, lymphatiques,
ou autres transports et diffusions identifiables physiologiquement.
Ces modèles peuvent avoir différents niveaux de complexité, selon les buts suivis par
la modélisation et les caractéristiques de la substance étudiée.
Les avantages des modèles toxicocinétiques classiques sont la simplicité de leur struc-
ture et leur rapidité d’ajustement. De par leur description paramétrique de l’organisme,
les modèles PBPK sont plus satisfaisants pour comprendre les variabilités inter- ou intra-
individu, ou extrapoler et transposer les résultats à d’autres conditions expérimentales
(inter-dose, inter-voie d’administration, inter-espèce ou encore inter-individu).

1. Modèles toxicocinétiques classiques


Les modèles toxicocinétiques classiques ou compartimentaux sont encore très large-
ment employés en raison de leur simplicité, d’être définissables uniquement à partir
des données plasmatiques ou urinaires et de l’absence de connaissance concernant la
structure interne du modèle.
Le modèle classique le plus simple est le modèle mono-compartimental (Fig. 6.3A)
dans lequel l’organisme est représenté par un seul volume de distribution homogène
(V) (Gibaldi et Perrier, 1982). La concentration de produit dépend alors uniquement
de la dose d’exposition, elle-même fonction de la voie d’administration, et de la clai-
rance métabolique et/ou urinaire du produit (CL). Généralement, les processus d’entrée
(absorption, inhalation) et de sortie (élimination) sont des processus du premier ordre
(la vitesse est proportionnelle à la concentration de produit), mais parfois saturables (par
exemple : cas de réactions enzymatiques de type Michaelis-Menten). En général, les
différents paramètres (V, le volume de distribution ; ka, la constante d’absorption ; PC,
le coefficient de partage sang-tissu et CL, la clairance d’élimination) qui définissent le
modèle, ne sont pas connus a priori et sont ajustés aux données mesurées au cours de la
résolution mathématique des équations différentielles qui régissent celui-ci :

( PC + CL ) ⋅
Q p
Q p ⋅ [Cair ] − C]
[
d [C ]
=
dt V

100
3 Modèles in silico : approche non expérimentale

d [C ] ka ⋅ Dorale(t) ⋅ F − CL ⋅ [C ]
ou =
dt V

Ces modèles peuvent être rendus plus complexes par simple ajout de compartiments
et par conséquent de paramètres (Fig. 6.3B) en ne dépassant que très rarement trois
compartiments. Les compartiments sont alors liés entre eux à l’aide de constante de
transfert exprimant là encore des réactions d’ordre 1.

[Cair] [Cair]
A) B)
Qp Qp/PC Qp Qp/PC

k12
ka, F Central ka, F Central Périphérique
Dorale Dorale
[C] [C] [Cp]
k21
V V

CL CL

Figure 6.3 – Représentation schématique d’un modèle toxicocinétique à (A) un ou


(B) deux compartiments.

Ce type de modèles permet de prédire la concentration [C] de xénobiotique, en fonc-


tion du temps et de la concentration [Cair] ou de la dose Dorale d’exposition selon le
mode d’exposition. Les symboles sont les suivants : V, volume de distribution ; Qp, flux
pulmonaire ; PC, coefficient de partage ; ka, constante d’absorption ; F, biodisponibilité ;
CL, clairance métabolique et/ou urinaire du produit ; k12 et k21, constantes de transfert
entre les compartiments central et périphérique.
Ces modèles compartimentaux sont des modèles simples qui peuvent décrire correc-
tement certaines cinétiques avec un nombre minimum de paramètres, et un temps
de calcul relativement faible. Ils sont apparus suffisants pour de nombreux produits
(éthers de glycol [Bois, 1999]) et ont été beaucoup utilisés par l’industrie et la recherche
pharmaceutiques jusqu’au début du XXIe siècle. Cependant, en raison des difficultés
d’extrapolation rencontrées pour ces modèles, les toxicologues se sont intéressés aux
modèles physiologiques.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

2. Pharmacocinétique basée sur la physiologie ou PBPK


En quelques années, la modélisation PBPK s’est imposée en évaluation du risque toxi-
cologique mais aussi dans l’industrie pharmaceutique pour améliorer la caractérisation
des relations dose-réponse, notamment pour sa capacité à extrapoler entre différentes
conditions expérimentales (US EPA) et à donner des informations sur des cinétiques
locales (tissulaires).
Un modèle PBPK, qui permet une connaissance réelle et a priori du système, subdivise
l’organisme en compartiments représentant des tissus ou organes et les relie entre eux par
l’intermédiaire d’un fluide circulant, le plus souvent le sang. Les paramètres du modèle

101
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

correspondent à des entités physiologiques et biochimiques spécifiques de l’organisme et


de la substance étudiés, telles que les volumes des organes, les flux sanguins tissulaires,
les affinités de la substance pour les tissus ou encore les vitesses de métabolisme. Les
objectifs principaux de ces modèles sont à la fois de réaliser des simulations afin de tester
des hypothèses (conséquence d’une insuffisance rénale, réduction du débit sanguin…) et
des extrapolations d’une espèce à l’autre, ou encore de l’in vitro à l’in vivo…
Le développement d’un modèle PBPK nécessite plusieurs étapes que sont : la sélection
des compartiments devant intervenir dans le modèle, la définition de l’architecture du
modèle (flow diagram), l’écriture mathématique du modèle, les estimations des para-
mètres du modèle, la résolution du système, la validation du modèle et enfin l’utilisation
du modèle dans d’autres conditions.
Dans la majorité des cas, seuls les organes ou tissus étant nécessaires à la description
des processus pharmacocinétiques (ADE) sont inclus. Ainsi, le site d’absorption ou
d’administration (le tractus gastro-intestinal pour une administration orale, les poumons
pour une inhalation, la peau pour une exposition dermique, ou encore le sang pour une
injection par intraveineuse) et les sites de métabolisme et d’élimination sont toujours
présents. Selon les objectifs de la modélisation, sont ajoutés en complément, d’autres
compartiments représentant des groupes généraux de tissus : les tissus bien perfusés
(les viscères), les tissus peu perfusés (les muscles, la peau), les graisses et les organes
cibles (lieu d’action du xénobiotique) et les compartiments spécifiques de certaines
situations tels que le placenta et le fœtus pour le développement d’un modèle chez la
femme enceinte. Une fois les différents compartiments sélectionnés, ils sont reliés entre
eux en respectant les données anatomiques en matière de circulation sanguine (Fig. 6.4).

Q poumon = Q total

Qcerveau

Qcœur

Qfoie
Site d’entrée
Sang artériel
Sang veineux

Qintestin
Air exhalé Site d’excrétion

Qos Site de métabolisation


Qmuscle

Qpeau

Qgraisse
Qrein

Figure 6.4 – Description d’un modèle PBPK générique avec différents sites
d’administration, d’excrétion et de métabolisme (d’après Brochot et al., 2014).

102
3 Modèles in silico : approche non expérimentale

De manière générale, chaque organe, bien que pouvant être subdivisé en trois sous-
compartiments homogènes, l’espace vasculaire par lequel l’organe est perfusé, l’espace
extracellulaire et l’espace intracellulaire, est généralement agrégé. Ainsi, la concentration
globale dans un organe est représentée comme suit, par la loi fondamentale (loi de Fick)
régissant les modèles physiologiques :

dCi Q Q ⎛ C ⎞
= i ⋅ (Cin − Cout ) = i ⋅ ⎜ Cin − i ⎟
dt Vi Vi ⎝ k pi ⎠

avec Vi le volume du l’organe i, Ci la concentration totale dans l’organe i, Qi le débit


sanguin à l’entrée de l’organe, Cin la concentration sanguine (plasmatique) totale de
l’analyte à l’entrée du système, Cout la concentration sanguine (plasmatique) totale de
l’analyte à la sortie du système et kpi le coefficient de partage tissulaire.
Pour certains organes (foie, rein, poumons…), les variations des concentrations
tissulaires doivent tenir compte des processus d’élimination et l’équation fondamentale
ci-dessus est modifiée par l’adjonction d’un terme décrivant le processus métabolique
linéaire ou de type michaelien :

dCrein Q ⎛ C ⎞
= rein ⋅ ⎜ Cin − rein ⎟ − CL ⋅ frein ⋅ Crein − = ×
dt Vrein ⎝ k prein ⎠

avec CL la clairance intrinsèque de l’analyte dans le rein et frein la fraction libre de


l’analyte dans le rein.
Enfin, les concentrations sanguines veineuses et artérielles peuvent être exprimées
comme un unique espace vasculaire lorsque les poumons n’ont pas la capacité d’éliminer
l’analyte (cas le plus fréquent), selon l’équation suivante :

dCB 1 ⎛ n C ⎞
= ⋅ ⎜⎜∑Qi ⋅ i − QB ⋅ CB + g(t)⎟⎟⎟
dt VB ⎜⎝ k pi ⎠
i
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

avec CB la concentration sanguine (plasmatique), VB le volume sanguin (plasmatique),


QB le débit sanguin, Qi le débit sanguin à la sortie de l’organe, Ci/kpi la concentration
sanguine (plasmatique) sortant de l’organe i et g(t) la fonction d’entrée dépendante de la
modalité d’administration.
Le développement de modèles PBPK, dont la résolution s’effectue à l’aide d’algorithme
adéquat, a su s’adapter aux besoins de l’évaluation du risque (voir ci-après) et ainsi
permettre de mieux caractériser les doses internes efficaces, de réaliser des simulations
en vue de tester des hypothèses. Enfin, ces modèles ont tendance à se complexifier afin
d’intégrer la diversité des expositions, des modes d’action des substances mais aussi les
changements physiologiques et biochimiques des individus sur leurs vies entières.

103
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

4 La toxicologie prédictive
L’approche consistant à se baser principalement sur la toxicologie sur l’animal pour
l’évaluation des risques des produits chimiques est de plus en plus remise en cause.
Compte tenu du nombre toujours plus important de substances à évaluer, des pressions
pour réduire l’expérimentation animale, des contraintes réglementaires, de nouvelles
stratégies d’évaluation doivent être mises en œuvre intégrant les méthodes alternatives
à l’expérimentation animale.
Les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire associés aux progrès technolo-
giques ont permis d’améliorer les systèmes de culture, de les rendre automatisables pour
des études à haut débit, d’obtenir des données à haut contenu par imagerie, de disposer
grâce aux approches « omiques » d’une vision élargie des modifications à l’échelle du
transcriptome, protéome, métabolome… Les puissances de calcul aujourd’hui dispo-
nibles permettent de compiler les nombreuses données générées et l’élaboration de
modèles. Par rapport à l’approche traditionnelle d’évaluation de la toxicité par l’étude des
effets apicaux chez l’animal (dommages aux organes cibles, mutagenèse, cancérogenèse,
effets sur la reproduction et le développement), on dispose grâce aux méthodes alterna-
tives d’une multitude de données pour une compréhension approfondie des processus
toxicologiques aux différents niveaux d’organisation biologique.

4.1 Concept d’AOP


Une nouvelle perspective pour la toxicologie s’est ouverte basée sur les mécanismes de
toxicité. Ainsi a émergé le concept d’AOP (pour Adverse Outcome Pathway) que l’on peut
exprimer en français par « voie impliquée dans des effets indésirables ». Ce concept décrit
le lien causal entre un événement moléculaire initiateur provoqué par le toxique, des
événements clés intermédiaires (réponses cellulaires et moléculaires, atteintes physio-
logiques) et l’effet indésirable pour un individu ou une population (Fig. 6.5). Il repose
sur l’idée que, si les voies de réponses cellulaires sont suffisamment perturbées, il en
résulte des effets sanitaires néfastes. La construction d’une AOP repose sur l’acquisition
de données mécanistiques pour identifier les voies biologiques qui sous-tendent une toxi-
cité donnée et l’estimation du niveau de perturbation que chaque voie peut tolérer sans
l’induction de voies spécifiques de toxicité. L’identification d’événements clés dans une
voie de toxicité doit amener à concevoir de nouveaux tests in vitro pour mesurer spécifi-
quement cet événement et peut conduire au développement de biomarqueurs spécifiques
de l’événement impliqué. L’introduction du concept d’AOP au niveau réglementaire va
nécessiter de relever le challenge de développer des outils capables d’intégrer les très
nombreuses données issues de divers systèmes expérimentaux en un modèle unifié pour
l’évaluation du risque.
En capitalisant sur les progrès scientifiques et en utilisant toutes les connaissances
disponibles, l’objectif est d’augmenter les capacités et l’efficacité (coût) des évaluations
de risque et d’améliorer la prédictivité des effets toxicologiques.

104
5 Conclusion

Toxique Interactions Réponses Réponses des Réponses de


macromoléculaires cellulaires organes l’organisme

Interaction récepteur/ Activation de Physiologie Mortalité


ligand gènes altérée
Propriétés
Développement
chimiques Liaison à l’ADN Production de Homéostasie perturbé
protéines
Oxydation des Développement et Reproduction
protéines Signalisation fonctions tissulaires anormale
perturbée altérées

Voies de toxicité Effet indésirable

Figure 6.5 – Principe d’une AOP (Adverse Outcome Pathway : voie impliquée
dans des effets indésirables).
Le concept d’AOP consiste à caractériser, organiser et définir les relations prédictives
entre des événements clés qui reflètent la progression des perturbations induites
par une substance et des effets indésirables considérés comme pertinents pour
l’évaluation du risque.

4.2 Stratégie d’analyses intégrées


L’ensemble des nouvelles approches disponibles permet de concevoir l’évaluation de la
toxicité de façon intégrée et stratifiée. La construction de ces approches intégrées dans
un objectif d’utilisation à visée réglementaire reste encore à réaliser. Ainsi pour les
substances déjà sur le marché et pour lesquelles l’évaluation toxicologique n’a pas été
réalisée et qui sont régies par la directive Reach, l’idée est de compiler toutes les données
préexistantes sur l’expérimentation in vivo sur la substance et celles structurellement
apparentées ainsi que celles acquises par les méthodes in vitro et in silico pour minimiser
le recours à de nouvelles expérimentations in vivo.

5 Conclusion
La façon d’évaluer la toxicité a pu évoluer au fil des années grâce au développement
conjoint des connaissances en sciences de la vie et des progrès technologiques. Elle a
permis de passer d’une toxicologie descriptive réalisée uniquement chez l’animal à une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

toxicologie mécanistique. Cette toxicologie, basée sur la connaissance des voies de toxi-
cité sous-tendant les effets indésirables, est vouée à un fort développement pour répondre
aux enjeux sanitaires. Son intégration dans les processus réglementaires reste à ce jour
très limitée. Ces nouvelles approches doivent prouver qu’elles sont un remplacement
valable voire supérieur aux tests traditionnels et capables de générer une information
fiable pour être utilisée dans la prise de décision réglementaire. Cette nouvelle toxicologie
doit permettre de répondre aux enjeux actuels qui sont le nombre important de subs-
tances déjà sur la marché qui à ce jour n’ont pas été évaluées, mais aussi des composés
émergents comme des composés biologiques (protéines utilisées comme médicaments,
la thérapie cellulaire, les aliments génétiquement modifiés, les nanoparticules) qui sont

105
$IBQJUSFt Approches méthodologiques

autant d’exemple de produits pour lesquels les approches traditionnelles posent problèmes
et vont nécessiter une réflexion sur l’évaluation de leur toxicité. Elle doit aussi répondre
à des préoccupations sanitaires apparues plus récemment qui n’ont pas été considérées
dans les approches traditionnelles chez l’animal comme le problème des perturbateurs
endocriniens, la toxicité neuro-développementale, l’immunogénicité (formation d’anti-
corps contre des médicaments biologiques), les problèmes respiratoires (probablement
liés à l’asthme chez l’enfant), des composés ayant un impact sur le développement neuro-
logique (pouvant contribuer à l’autisme ou des déficits d’attention…).

106
L’essentiel

Évaluation de la toxicité

Approches Modélisation
expérimentales

In vivo In silico

1 2 3 4
QSAR
=
A

B In vitro
poumons
C
PBPK muscles
viscères
graisses
reins
foie intestin

Toxique Interactions Réponses Réponses des Réponses de


macromoléculaires cellulaires organes l’organisme

L’évaluation de la toxicité combine des approches expérimentales et de modélisation pour


déterminer les mécanismes à l’origine des effets indésirables pour l’organisme en fonction
des doses d’exposition.

Les points clefs du chapitre


1 Si l’expérimentation animale reste à ce jour l’approche de choix pour l’établissement des
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

seuils toxicologiques, ses limites éthiques et économiques favorisent le développement


d’approches alternatives.
2 Les différentes approches possibles avec les cultures cellulaires (cellules humaines, cultures
3D ou sur puces, haut débit, co-cultures) constituent des outils puissants pour trier les
substances et approfondir leur mécanisme d’action.
3 Les approches par modélisation permettent de réduire l’expérimentation pour identifier
des molécules à risque (méthodes QSAR) et pour déterminer les doses internes et faciliter
les exercices d’extrapolation (méthodes PBPK).
4 L’évaluation de la toxicité doit reposer sur la compréhension des mécanismes de toxicité
intégrant la séquence d’évènements entre l’interaction du toxique avec une molécule cible
jusqu’à l’apparition d’un effet indésirable (concept d’AOP : adverse outcome pathway).

107
Chapitre 7
Pathologies toxiques
tumorales
Introduction
En France, les cancers représentent en 2015 environ 385 000 cas incidents, avec une part
attribuable aux expositions environnementales et professionnelles non négligeable (envi-
ron 19 % selon l’Organisation mondiale de la santé). En premier lieu, ce chapitre rappelle
les principes de classification des agents cancérogènes pour l’Homme et les principaux
xénobiotiques actuellement connus ou fortement suspectés d’être cancérogènes pour
l’Homme, et leurs principaux sites de cancer (en excluant les causes médicamenteuses et
infectieuses). Dans un second temps, les mécanismes biologiques et génétiques de carci-
nogenèse et les principaux modes d’action des xénobiotiques cancérogènes sont déve-
loppés en prenant exemple sur l’amiante.

Objectifs Plan
Comprendre les principes de classification des agents 1 Introduction
cancérogènes pour l’Homme de l’Union Européenne 2 Cancers liés aux
et du Centre International de Recherche sur le xénobiotiques
Cancer. 3 Processus
Connaître les principaux agents carcinogènes d’origine impliqués dans
professionnelle, environnementale ou liés à des le mécanisme de
carcinogenèse
comportements de l’Homme, et leurs principaux sites
de cancer. 4 Conclusions
générales et
Apprendre les principaux mécanismes biologiques perspectives
et génétiques impliqués dans les processus de
carcinogenèse et les différents modes d’action des
agents cancérogènes, en prenant exemple sur
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l’amiante.

1 Introduction
D’après l’Institut national du cancer (InCa), les cancers représentent, en France,
385 000 cas incidents (nombre de nouveaux cas par an) pour 2015, dont 211 000 cas
chez l’homme et 174 000 chez la femme (InCa). Parmi les nombreux toxiques,
seulement certains sont susceptibles de générer des cancers chez l’Homme. Il existe
de multiples facteurs de risque des cancers, qu’il s’agisse de facteurs de risque

109
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

comportementaux, tels que la fumée de tabac, l’alcool ou d’habitudes alimentaires,


ou de facteurs environnementaux. Des expositions environnementales aux agents
carcinogènes peuvent provenir de l’environnement général (pollution atmosphérique
et de l’air intérieur des locaux) ou professionnel, mais aussi de la contamination de
l’eau ou d’aliments.
Les données de la littérature qui rapportent les relations entre l’exposition à un
xénobiotique et les pathologies observées font l’objet d’analyses dans des groupes de
travail d’agences gouvernementales environnementales (par exemple, l’Agence nationale
de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en
France, l’Environmental Protection Agency (EPA), le National Institute of Environ-
mental Health Sciences (NIEHS) et l’Occupational Safety and Health Administration
(OSHA) aux États-Unis) par des experts et, pour certaines agences, un classement est
effectué selon les preuves du potentiel carcinogène.
La classification réglementaire en France des agents carcinogènes est celle de
l’Union européenne (classement CPL). Elle comporte trois catégories :
̝ Catégorie 1A : substance que l’on sait être carcinogène pour l’Homme. Il existe
suffisamment d’éléments pour établir l’existence d’une relation entre l’exposition à la
substance incriminée et l’apparition d’un cancer.
̝ Catégorie 1B : substance devant être assimilée à un carcinogène pour l’Homme. Il
existe suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption de causalité entre
l’exposition et la survenue d’un cancer. Cette présomption est généralement fondée
sur des études à long terme sur l’animal et/ou d’autres informations appropriées.
Il faut disposer, soit de résultats positifs sur deux espèces animales, ou d’éléments
positifs indiscutables pour une espèce, étayés par des éléments secondaires tels
que : des données sur la génotoxicité, des études métaboliques ou biochimiques,
l’induction de tumeurs bénignes, des relations structurelles avec d’autres substances
carcinogènes connues ou des données tirées d’études épidémiologiques suggérant
une association.
̝ Catégorie 2 : substance préoccupante pour l’Homme en raison d’effets carcino-
gènes possibles. Il existe deux cas de figure, soit cette substance est suffisamment
étudiée, mais il n’existe pas d’effets tumorigènes suffisants pour entraîner le clas-
sement dans la catégorie 1B (des expériences complémentaires ne seraient pas
susceptibles d’apporter d’autres informations pertinentes pour la classification) ;
soit la substance est insuffisamment étudiée. Dans ce dernier cas, les données
disponibles sont inadéquates, mais préoccupantes pour l’Homme (classement
provisoire en attente d’études complémentaires avant de prendre une décision
finale).
Il existe d’autres classifications, comme la classification internationale du Centre
international de recherche sur le cancer (CIRC) (Tab. 7.1). Dans le tableau 7.2, figure une
liste des agents carcinogènes avérés (groupe 1) ou probables (groupe 2A) pour l’Homme
selon la classification du CIRC (IARCa).

110
1 Introduction

Tableau 7.1 Évaluation globale de la carcinogénicité chez l’Homme d’après le Centre


international de recherche sur le cancer (CIRC)

Indications de Indications de
carcinogénicité chez carcinogénicité chez Autres données
l’Homme l’animal

suffisantes - -
Groupe 1 :
carcinogène avéré
pour l’Homme
(limitées) (suffisantes) (mécanisme connu)

limitées suffisantes -

Groupe 2A :
mécanisme analogue
probablement
insuffisantes suffisantes chez l’Homme et
carcinogène pour
l’animal
l’Homme

(limitées) - -

limitées limitées -

Groupe 2B : limitées insuffisantes -


possiblement
carcinogène pour
l’Homme insuffisantes suffisantes -

existence de données
insuffisantes limitées mécanistiques
pertinentes

insuffisantes insuffisantes -

Groupe 3 : inclassable
par rapport au insuffisantes limitées -
pouvoir carcinogène
pour l’Homme
mécanisme chez
insuffisantes suffisantes l’animal non pertinent
chez l’Homme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Groupe 4 : absence absence -


probablement
non carcinogène pour
existence de données
l’Homme insuffisantes absence
pertinentes

111
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Tableau 7.2 Agents carcinogènes d’origine professionnelle, environnementale ou liés à


des comportements (en excluant les causes médicamenteuses et infectieuses) avérés et
probables pour l’Homme d’après la classification du Centre international de recherche
sur le cancer (d’après http://monographs.iarc.fr/ENG/Classification/Table4.pdf)

Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène

Lèvre Rayonnement solaire

Boissons alcoolisées
Chique de bétel avec ou sans
Cavité buccale ajout de tabac
Tabac non fumé
Tabagisme actif

Glandes salivaires Rayons X, rayons gamma Iode radioactif, dont Iode 131

Boissons alcoolisées
Chique de bétel avec ajout Amiante (toutes formes)
Pharynx
de tabac Tabagisme passif
Tabagisme
Formaldéhyde
Nasopharynx Poussières de bois
Tabagisme
Acétaldéhyde associé à la
Tube digestif haut consommation de boissons
alcoolisées
Acétaldéhyde associé à la
consommation de boissons
alcoolisées
Boissons alcoolisées
Œsophage Chique de bétel avec ajout
de tabac
Rayons X, rayons gamma
Tabac non fumé
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Rayons X, rayons gamma
Estomac Composés inorganiques du plomb
Tabagisme
Nitrates ou nitrites
Boissons alcoolisées
Côlon et rectum Rayons X, rayons gamma Amiante (toutes formes)
Tabagisme
Aflatoxines
Boissons alcoolisées
Arsenic et ses composés inorganiques
Chlorure de vinyle
Chique de bétel sans ajout de tabac
1,2-Dichloropropane
Foie et voies DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane)
Plutonium
biliaires Dichlorométhane
Tabagisme (chez les fumeurs
Rayons X, rayons gamma
et leurs enfants)
Trichloroéthylène
Thorium-232 et produits de
désintégration

112
1 Introduction

Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Thorium-232 et produits de
Vésicule biliaire
désintégration
Boissons alcoolisées
Tabac non fumé Rayons X, rayons gamma
Pancréas
Tabagisme Thorium-232 et produits de
désintégration
Tube digestif (non
Iode radioactif (dont Iode 131)
spécifique)
Certains composés du nickel
Poussières de bois
Fosses nasales et Poussières de cuir Certains composés du chrome (VI)
sinus de la face Radium-226 et -226 et leurs Formaldéhyde
produits de désintégration
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Boissons alcoolisées
Gaz moutarde
Larynx Brouillards d’acides forts
Tabagisme passif
inorganiques
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Arsenic et ses composés
inorganiques
Béryllium et composés du
béryllium
Bis(chlorométhyl)éther et
chlorométhyl méthyl éther Brouillards d’acides forts inorganiques
Hydrocarbures aromatiques Carbure de silicium fibreux
polycycliques issus de goudron Cobalt métallique avec carbure de
de houille tungstène
Cadmium et composés du Créosotes
cadmium Émissions émanant de la combustion
Composés du chrome (VI) de biocombustibles
Composés du nickel Émissions dues à la friture à haute
Émissions de sources intérieures température
Poumon
émanant de la combustion Association de toluènes α-chlorés et
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de charbon de chlorure de benzoyle


Gaz d’échappement des moteurs Fumées de soudage
Diesel Hydrazine
Gaz moutarde Insecticides non arsénicaux
Particules fines de la pollution (exposition professionnelle lors de
atmosphérique et pollution l’épandage et de l’application)
atmosphérique 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-
Plutonium para-dioxine
Poussières de silice cristalline
Radon-222 et ses produits de
désintégration
Rayons X, Rayons gamma
Suie
Tabagisme actif et passif

113
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Plutonium
Radium-224, -226 et -228 et leurs
Os Iode radioactif, dont Iode 131
produits de désintégration
Rayons X, rayons gamma
Rayonnements UV
Peau (mélanome)
Polychlorobiphényles
Arsenic et ses composés
inorganiques
Hydrocarbures aromatiques
polycycliques issus de goudron
Peau (autres
de houille
tumeurs malignes
Huiles minérales, peu ou non Créosotes
cutanées en
raffinées Moutarde azotée
dehors du
Huiles de schistes
mélanome)
Rayons UV A associés ou non au
méthoxsalène
Rayons X, rayons gamma
Suie
Mésothéliome Amiante (toutes formes)
(plèvre et Érionite
péritoine) Fluoro-édénite
Polychlorophénols ou leurs sels
de sodium
Tissus mous Iode radioactif dont Iode 131
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-
para-dioxine
Oxyde d’éthylène
Boissons alcoolisées
Seins Polychlorobiphényles
Rayons X, rayons gamma
Tabagisme

Col utérin Tabagisme

Amiante (toutes formes)


Ovaire Rayons X ou rayons gamma
Tabagisme
Arsenic et ses composés inorganiques
Cadmium et composés du cadmium
DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane)
Malathion
Prostate
N,N-diméthylformamide
Rayons X ou rayons gamma
Thorium-232 et ses produits de
désintégration

Testicule Acide perfluorooctanoique

Rayons X ou rayons gamma Acide perfluorooctanoïque


Rein Tabagisme Arsenic et ses composés inorganiques
Trichloroéthylène Cadmium et ses composés

114
1 Introduction

Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Plantes contenant de l’acide
Bassinet du rein
aristolochique Acide aristolochique
et uretère
Tabagisme
2-Naphthylamine
2-Mercaptobenzothiazole (MBT)
4-Aminobiphényle
4-Chloro-ortho-toluidine
Arsenic et composés inorganiques
Brais de goudron de houille
de l’arsenic
Vessie Gaz d’échappement des moteurs
Benzidine
Diesel
Orthotoluidine
Suie
Rayons X ou rayons gamma
Perchloroéthylène
Tabagisme

Œil Soudage Rayonnement solaire

Cerveau et Champs électromagnétiques de


système nerveux Rayons X ou rayons gamma radiofréquences (y compris les
central téléphones sans fil)
Iode radioactif, dont Iode 131
Thyroïde
Rayons X ou rayons gamma
Bis-chloroéthyl nitroso-urée (BCNU)
Champs magnétiques, principalement
les fréquences extrêmement basses
(leucémie de l’enfant)
DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane)
Dichlorométhane
1,3-Butadiène
Glyphosate
Benzène
Iode radioactif, dont Iode 131
Formaldéhyde
Malathion
Lindane
Moutarde azotée
Phosphore-32
Leucémie et/ou Oxyde d’éthylène
Produits de fission, dont le
lymphome Polychlorobiphényles
strontium-90
Polychlorophénols et leurs sels de
Tabagisme
sodium (expositions mixtes)
Thorium-232 et produits de
Radon-222 et produits de
désintégration
désintégration
Rayons X ou rayons gamma
Styrène
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Tabagisme (leucémie de l’enfant chez


les enfants de fumeurs)
Trichloroéthylène
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-
para-dioxine
Produits de fission, dont le
Localisations
strontium-90 Herbicides chlorophénoxylés
multiples (non
Rayons X ou rayons gamma Plutonium
spécifiées)
(exposition in utero)
Tous types
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-
de cancers
para-dioxine
confondus

115
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Bien que l’on ne puisse connaître avec précision la part des cancers attribuables
aux différents facteurs de risque, des estimations peuvent être produites. Selon
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 19 % des cancers seraient liés aux
expositions environnementales et professionnelles. Selon le rapport sur les causes des
cancers en France et les données de mortalité par cancer au cours de l’année 2000,
le tabagisme restait la principale cause de cancer, responsable de 29 000 décès, soit
33,5 % des décès par cancer chez l’homme, 5 500 décès, soit 10 % des décès par
cancer chez la femme (IARCb). La consommation d’alcool était à l’origine d’environ
9 % des décès par cancer chez l’homme et 3 % chez la femme. Le tabagisme et la
consommation d’alcool étaient à l’origine de 28 % des décès par cancer. L’obésité
et le manque d’activité physique causaient environ 2 % des cancers chez l’homme
et 5,5 % chez la femme.
Certains sites de cancers sont fortement liés à une exposition à un carci-
nogène. À titre d’exemple, la fraction de risque attribuable à l’amiante est pour le
mésothéliome pleural d’environ 87 % chez l’homme et 65 % chez la femme (Lacourt
et al., 2014).
Selon la voie d’exposition et la biodistribution des xénobiotiques dans l’organisme
(voir chapitres 2 et 3), leur métabolisation ou activation éventuelle en métabolites actifs
(voir chapitre 4), les toxiques ou leurs produits dérivés, telles des molécules dérivées
du stress oxydant, interagissent avec les cellules, aboutissant, à terme, à une cancérisa-
tion des cellules normales et à une tumeur. Il faut noter qu’un xénobiotique induit une
transformation néoplasique préférentiellement de certains types cellulaires à diverses
localisations anatomiques.
L’identification de carcinogènes est fondée sur :
̭ des analyses épidémiologiques comparant les populations exposées et non exposées
à un facteur donné (études de cohortes), ou les expositions de patients atteints d’un
type de cancer par rapport à des sujets exempts de ce cancer (études cas-témoins).
Les études épidémiologiques peuvent conduire à définir des facteurs de risque ayant
une probabilité d’être associés à un cancer ;
̭ des études expérimentales, chez l’animal, apportant par ailleurs des données sur les
relations entre une exposition à un xénobiotique donné et la survenue d’un cancer ;
̭ enfin, des études mécanistiques, le plus souvent sur cellules confortent les données
recueillies in vivo, en particulier les études de génotoxicité.
Dans ce chapitre, sont mentionnées les données actuelles sur les causes avérées ou
possibles de survenue des cancers en liaison avec l’exposition à des xénobiotiques. Les
mécanismes de carcinogenèse sont abordés, et un exemple de mécanisme d’action d’un
carcinogène avéré, l’amiante, est donné.

116
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

2 Cancers liés aux xénobiotiques


Le tableau 7.2 indique, pour différentes localisations, les agents carcinogènes pour
l’Homme, selon que l’on dispose d’indications suffisantes ou limitées de leur effet carci-
nogène. Il faut noter que l’exposition à certains carcinogènes provoque des cancers avec
plusieurs localisations, avec à titre d’exemple : certains hydrocarbures aromatiques
polycycliques (HAP), tel que le benzo[a]pyrène (B[a]P) avec des localisations vésicales,
bronchiques ou cutanées ; des particules pour le poumon, la plèvre et la vessie ; des
particules comme l’amiante, avec des localisations bronchique, ovarienne ou laryngée,
sans oublier des localisations mésothéliales avec des mésothéliomes de localisation, par
ordre décroissant de fréquence, pleurale, péritonéale ou péricardique ; les radiations
ionisantes, avec des hémopathies ou des cancers cutanés ou bronchiques par exemple.

3 Processus impliqués dans le mécanisme


de carcinogenèse

3.1 Mécanisme d’action des carcinogènes


Le mécanisme de carcinogenèse doit être pensé tout d’abord au sens large, comme incluant
plusieurs étapes, depuis l’entrée du toxique dans l’organisme jusqu’à son interaction avec les
cellules à l’origine du développement de la tumeur. Les différentes interfaces avec le milieu
environnant sont constituées par les voies aériennes, la peau et le système digestif. Après
dépôt dans l’organisme, par inhalation, voie transcutanée ou digestive, les agents présentent
une biodistribution dans l’organisme qui dépend de la voie d’entrée, de leur nature physique
et physico-chimique, des mécanismes d’épuration et de rétention. Ainsi, de nombreux
paramètres modulent le devenir des xénobiotiques dans l’organisme. In fine les réactions
locales qu’ils engendrent et les interactions avec les cellules cibles qu’ils endommagent
engagent un processus néoplasique (terminologie également employée pour définir la carci-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nogenèse). Dans ce chapitre, nous nous intéresserons en particulier aux étapes terminales
qui concernent les interactions entre les xénobiotiques et les cellules, dans leur micro-
environnement, sauf pour le cas des particules solides inhalées pour lesquelles on résume
les différentes étapes dans le paragraphe suivant, depuis l’inhalation jusqu’aux interactions
avec les cellules épithéliales bronchiques ou les cellules mésothéliales.
Dans le cas de particules solides, les particules inhalées sont déposées en premier
lieu dans les voies aériennes supérieures et leur distribution dans le poumon dépend de
leurs caractéristiques. Les mécanismes qui régulent le dépôt des particules sont complexes,
ils incluent l’interception, l’impaction et la sédimentation (Andujar et al., 2009). Les
particules dont le diamètre est supérieur à 10 μm (PM10) se déposent dans les voies
aériennes supérieures (nasopharynx) où elles peuvent être déposées ou dégluties. Les

117
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

particules plus fines (2,5 à 10 μm) atteignent les bronches où elles peuvent être éliminées
par le tapis muco-ciliaire. La partie la plus fine, schématiquement de diamètre inférieur
à 5 μm, atteint le poumon profond. Dans les alvéoles pulmonaires, le dépôt se fait par
diffusion brownienne. Différents mécanismes permettent l’élimination de ces particules :
phagocytose par les macrophages, cellules spécialisées dans l’épuration des substances
exogènes et prise en charge par le système lymphatique (Fig. 7.1). Cependant, une fraction
des particules déposées reste en rétention dans le poumon et migre vers d’autres sites, y
compris vers la plèvre. Les mécanismes de dépôt et de rétention des particules inhalées
permettent de comprendre pourquoi des particules peuvent persister dans les tissus (on
parle alors de biopersistance). Par rapport à d’autres particules, les fibres présentent une
forme allongée, et des fibres longues atteignent le poumon en raison de leur petit diamètre.
Cette spécificité est importante pour rendre compte des effets des fibres d’amiante.

Inhalation de particules

Translocation Dépôt dans la région Clairance


vers la plèvre trachéo-bronchique muco-ciliaire
lymphatique

Dépôt dans les bronches


Cellules
Cellules Dépôt dans la région alvéolaire épithéliales
mésothéliales
attraction
cellules
Macrophages
inflammatoires
Dommages
cellulaires Cellules Passage vers
épithéliales interstitium Clairance

Persistance
transmission
Fibroblastes
Réparation
Transformation
néoplasique

Figure 7.1 – Diagramme représentant le cheminement des particules


après inhalation.
Cette figure montre la dynamique des particules dans les voies aériennes après
inhalation. Elle indique les voies d’épuration (encadrés à fond gris foncé) et les types
cellulaires susceptibles d’être en contact avec les particules (encadrés à fond gris
clair). Les éléments soulignés indiquent les événements et processus intracellulaires.

3.2 Mécanisme de cancérisation des cellules


D’après nos connaissances du mécanisme de la transformation néoplasique, la carcino-
genèse est un processus multi-étapes qui s’inscrit dans la durée. Progressivement, les
cellules acquièrent différentes caractéristiques qui les différencient des cellules normales
et leur confèrent la capacité de se diviser et de croître en échappant aux mécanismes
de contrôle interne qui maintiennent leur intégrité fonctionnelle, et externe comme la

118
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

structure et l’environnement normal du tissu auquel elles appartiennent. Ces changements


résultent du mode d’action des carcinogènes, lesquels altèrent les fonctions propres des
cellules, modifiant ainsi les relations avec le milieu extracellulaire et définissant un
nouvel équilibre tumoral. La transformation que subissent les cellules s’accompagne
de l’apparition de phénotypes spécifiques qui permettent de les différencier des cellules
normales (Tab. 7.3). Sans être exhaustifs, les paragraphes suivants vont mentionner les
principales fonctions cellulaires qui peuvent être altérées par l’exposition à un carci-
nogène, les concepts pour expliquer l’évolution tumorale, puis préciser comment les
données obtenues peuvent être intégrées dans un mécanisme général, sachant toutefois
que chaque cancer a une histoire différente et ses propres spécificités.

Tableau 7.3 Quelques caractéristiques phénotypiques des cellules cancéreuses*

Cellules dédifférenciées par rapport au type cellulaire d’origine.


Morphologie différente : rapport nucléocytoplasmique, forme.
Perte de la propriété de sénescence ; immortalisation.
Perte de l’inhibition de contact entre les cellules.
Croissance in vitro en absence de sérum (croissance autocrine ou paracrine).
Croissance en milieu semi-solide (indépendance d’ancrage).
Dérégulation de la prolifération cellulaire.
Résistance à la mort cellulaire.
Modification des relations avec le milieu extracellulaire : réponse à des facteurs paracrines,
production de protéases, de facteurs de croissance…
Augmentation de la mobilité, de l’invasion et de la migration vers d’autres sites anatomiques
(potentiel métastatique).
Modifications métaboliques (augmentation du transport du glucose, de la glycolyse…).
Anomalies caryotypiques, réarrangements chromosomiques, pertes et gains de régions
chromosomiques.
Mutations.
Instabilité génétique (évolution caryotypique).
Induction de tumeur chez la souris immunodéprimée (xénogreffe).
*Ces caractéristiques concernent les tumeurs solides (par exemple, cancer du poumon, du
côlon…) et plus particulièrement les cellules épithéliales.

Oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur


Deux types de gènes, les oncogènes et les gènes suppresseurs de tumeur, jouent un rôle
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

particulièrement important dans l’oncogenèse. Les premiers sont des proto-oncogènes.


En absence de mutation, ces proto-oncogènes sont des gènes cellulaires normaux. Leur
définition est liée à l’observation que certains virus animaux sont capables d’induire
des tumeurs en raison de la présence, dans leur génome, d’oncogènes qui sont une
altération de proto-oncogènes cellulaires intégrés dans le génome viral. Ils sont activés
par mutation, translocation, fusion avec un autre gène, mise sous la dépendance de
séquences régulatrices d’un autre gène (promoteur ou enhancer…) ou surexpression
dans les cancers. Ils concernent essentiellement des gènes régulant positivement la
prolifération et la différentiation (tels que les gènes MYC [V-Myc Avian Myelocytoma-
tosis Viral Oncogene Homolog], EGFR [Epidermal Growth Factor Receptor] ou RAS
[proto-oncogene]). L’activation d’oncogènes peut induire une sénescence des cellules,

119
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

qui a pour effet de s’opposer à la prolifération, mais aussi un stress lors de la réplica-
tion (stress oncogénique) (Aird et al., 2014). En revanche, les gènes suppresseurs de
tumeur sont des gènes cellulaires qui sont inactivés par mutation ou délétion. Ils
concernent essentiellement des gènes régulateurs négatifs de la prolifération cellulaire,
intervenant par exemple pour bloquer la prolifération cellulaire, activer l’apoptose ou
contrôler l’intégrité de l’ADN (tels que les gènes TP53 [Tumor Protein P53], CDKN2A
[cyclin-dependent kinase inhibitor 2A], PTEN [Phosphatase and tensin homolog] ou
RB1 [retinoblastoma 1]).
La notion d’oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeur est définie par leur fonc-
tion. Une surexpression des premiers dans des cellules normales a pour conséquence
d’induire des changements cellulaires compatibles avec un phénotype transformé ; à
l’inverse, l’introduction de gènes suppresseurs de tumeur normaux dans des cellules
cancéreuses inactivées pour ces gènes inhibe le caractère transformé. Pour mettre en
évidence ces changements, on dispose d’un certain nombre de critères qui caractérisent
les cellules tumorales (Tab. 7.3).
En plus de ces gènes dont les fonctions dans l’oncogenèse sont remarquables, il y a
d’autres catégories de gènes impliqués dans la tumorigenèse. Par exemple, d’une
manière générale, les endommagements de l’ADN provoquent un arrêt de la réplication
et l’activation de mécanismes de réparation susceptibles d’induire des mutations et des
délétions. Ainsi, les gènes activés dans cette réponse au stress réplicatif sont également
impliqués dans la tumorigenèse, comme les gènes ATR Sérine/Thréonine Kinase (ataxia
telangiectasia and Rad3-related protein Sérine/Thréonine Kinase), ATM Sérine/Thréo-
nine Kinase (ataxia telangiectasia mutated Sérine/Thréonine Kinase), BRCA1 et BRCA2
DNA repair (Breast Cancer de type 1 et 2) ou CHK2 (Checkpoint Kinase 2). D’autres
gènes jouent un rôle important, tels les gènes qui codent pour la télomérase ou pour des
enzymes de réparation de l’ADN. La télomérase maintient la longueur des télomères et
inhibe la sénescence. L’ADN télomérique est progressivement perdu au cours des divisions
cellulaires, ce qui limite le nombre de divisions cellulaires et induit la sénescence. Des
mutations des enzymes de réparation de l’ADN, par défaut de réparation de l’ADN, ampli-
fient le taux de mutations dans l’ensemble du génome, ce qui peut aboutir au phénotype
mutateur qui constitue l’un des mécanismes de carcinogenèse (voir ci-après).
Les fonctions de ces gènes jouant un rôle dans la carcinogenèse peuvent être direc-
tement altérées par les xénobiotiques génotoxiques.

Stress cellulaires
Les cellules, dans leur environnement, sont exposées à divers agents qui peuvent engendrer
des stress cellulaires (réplication, stress oxydatif, choc thermique ou mécanique, oncogènes).
Pour résister, les cellules s’adaptent en consommant des « antidotes » (tels que le GSH [Gluta-
thion-SH] pour le stress oxydant), en activant des mécanismes de protection (sénescence
induite par un oncogène), en synthétisant des protéines de stress (Heat Shock Proteins).
L’activation d’oncogènes peut induire une sénescence des cellules, qui a pour effet de s’opposer
à la prolifération, mais aussi un stress lors de la réplication (Hills et Diffley, 2014).

120
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

Le stress oxydatif est une cause d’endommagement de l’ADN ; il peut être impliqué
dans la carcinogenèse. Les oxydants (espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote,
respectivement ERO et ERN) ont une durée de vie très courte et leur action a lieu,
soit directement au niveau de l’ADN, soit par la génération de molécules plus stables
(dérivées secondaires, facteurs clastogènes) qui interagissent avec l’ADN. Ces molé-
cules incluent le radical superoxyde O2 .–, lequel peut être métabolisé en eau oxygénée
(H 2O2) par la superoxyde dismutase ; H 2O2 qui est susceptible d’être transformé, par
réaction de Fenton en présence de métaux, en radical hydroxyle OH̝ et OH–, ou être
métabolisé par des enzymes de détoxication, catalase ou glutathion peroxydase. Ces
espèces réactives provoquent des cassures de brins d’ADN (simple brin, ou double brin)
et des oxydations de bases azotées. Il existe de nombreux systèmes de réparation de
l’ADN ; on peut citer ici l’excision de bases (Base Excision Repair, BER), l’excision
de nucléotides (Nucleotide Excision Repair, NER), la réparation de mésappariements
(Mismatch Repair, MMR), les recombinaisons homologues (Homologous Recombi-
nation, HR), et non homologues (Non Homologous End Joining, NHEJ) qui réparent
respectivement les cassures simple et double brin. Une absence de réparation ou une
réparation défaillante des lésions de l’ADN provoque des mutations et des altérations
génétiques qui atteignent différents gènes, incluant les oncogènes et les gènes suppres-
seurs de tumeur.
Le stress mécanique a fait l’objet de travaux moins nombreux jusqu’ici, et les méca-
nismes moléculaires de mécano-transduction associés commencent à être élucidés. La
forme des cellules, leur interaction avec la matrice extracellulaire (MEC) et les contacts
cellule-cellule sont modulés par des forces mécaniques. Les interactions avec la MEC
induisent l’activation de voies de signalisation et l’activation de facteurs de transcription
qui vont moduler l’organisation des fibres du cytosquelette et des filaments intermédiaires
nucléaires. De même, les différentes phases de la mitose sont associées à des change-
ments de la forme des cellules et de la force d’interaction avec la MEC. L’activation de
certaines voies de signal a été associée à une réponse au stress mécanique, telle Hippo,
avec l’activation du cofacteur de transcription YAP (Dupont et al., 2011).
Globalement, les xénobiotiques peuvent conduire à ces différentes conditions de stress
qui engendrent des réponses cellulaires susceptibles d’avoir des effets sur l’initiation ou
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la progression tumorale, en favorisant notamment la prolifération.

Homéostasie cellullaire
L’homéostasie cellulaire nécessite le maintien du volume cellulaire, donc d’un équilibre
entre la croissance et la mort cellulaire. Celle-ci se produit par différents processus :
apoptose, nécrose…. Il existe de nombreux mécanismes cellulaires qui régulent le volume
et la viabilité des cellules : apoptose, anoïkis, nécrose, nécroptose, nécrose programmée,
ferroptose… (Galluzzi et al., 2015). D’autres mécanismes, autophagie et sénescence,
permettent de contrôler la prolifération. La formation d’une tumeur correspond à un
accroissement du volume cellulaire qui résulte d’un déséquilibre entre le nombre de
cellules qui naissent et du nombre de cellules qui disparaissent.

121
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

La sénescence a été évoquée en réponse au stress oncogénique, c’est une propriété des
cellules normales. Les travaux de Hayflick et al. ont rapproché l’échappement à la sénes-
cence à une étape de la transformation (Hayflick et Moorhead, 1961). Dans leur étude, le
repiquage successif de fibroblastes embryonnaires induisait une sénescence des cellules,
mais quelques clones échappaient et continuaient de proliférer montrant des phénotypes
anormaux (immortalisation). Outre la sénescence, les cellules normales sont capables de
s’autodégrader par des mécanismes d’autophagie. Dans ce cas, les cellules catabolisent
les constituants cellulaires permettant leur recyclage. Les mécanismes d’autophagie sont
également dérégulés lors de la transformation néoplasique.
En cas de dommages cellulaires trop importants, les mécanismes de mort cellulaire
sont mis en œuvre ; ils constituent une protection contre la cancérisation des cellules.
L’apoptose est le mécanisme le mieux étudié, particulièrement en réponse à l’exposition
à des xénobiotiques ; il aboutit à une destruction des cellules dont les débris sont pris
en charge par les cellules résidentes. Il existe deux voies apoptotiques aboutissant à
l’activation de caspases effectrices ; une voie extrinsèque médiée par des récepteurs
membranaires ; une voie intrinsèque qui passe par les mitochondries (perméabilisation
de la membrane externe). Dans ce dernier mécanisme, les mitochondries produisent
des ERO associées au stress oxydatif et modifient l’équilibre redox (équilibre entre le
stress oxydant et les mécanismes de défense anti-oxydante), entre le stress oxydant et
les mécanismes de défense anti-oxydante de la cellule.

Dérégulation physiopathologique
Le métabolisme des cellules tumorales est modifié comparativement aux cellules normales.
Cela résulte d’une adaptation aux nouvelles conditions métaboliques occasionnées par les
altérations des gènes et des voies de signalisation. Les cellules doivent maintenir un équi-
libre biochimique pour maintenir le métabolisme énergétique et le statut redox cellulaire.
Le métabolisme énergétique est le mieux caractérisé. Il a été particulièrement étudié en
raison d’observations anciennes montrant une augmentation de la consommation de glucose
et de production d’acide lactique dans les cellules tumorales, même en présence d’oxygène,
et suggérant que les tumeurs produisaient leur énergie à partir de la glycolyse plutôt que de
la phosphorylation oxydative. Ce phénomène est connu sous le terme « d’effet Warburg »
(Ferreira, 2010). En dépit de controverses sur la généralisation de ces observations, plusieurs
hypothèses sont formulées pour expliquer cette déviation, avec au niveau des mitochon-
dries : altérations fonctionnelles, accumulation de mutations des gènes mitochondriaux ;
altération de la phosphorylation oxydative, augmentation du transport du glucose et de
l’expression des enzymes de la glycolyse et, selon des hypothèses plus récentes, commu-
tation vers la glycolyse. Dans cette dernière hypothèse, un rôle du complexe pyruvate
déshydrogénase est suggéré. En effet, en présence d’oxygène, l’activité de ce complexe est
stimulée et une diminution de son activité renvoie vers la glycolyse (Devic, 2016). On peut
remarquer que ces hypothèses ne sont pas nécessairement exclusives. En outre, d’autres
voies métaboliques sont susceptibles d’être altérées, telles que le métabolisme lipidique
avec des modifications de l’expression des enzymes impliquées dans la synthèse de novo

122
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

(lipogenèse et synthèse du cholestérol) ou le catabolisme, ainsi que des protéines impliquées


dans l’import/export des lipides.

Cellules souches cancéreuses


Le concept de cellules souches cancéreuses a été élaboré pour rendre compte d’ob-
servations dans des modèles de xénogreffe de cellules tumorales chez la souris
immunodéprimée, dans lesquels on a observé un potentiel tumorigène différent de
sous-populations de cellules tumorales. La xénogreffe des différentes sous-populations
d’une tumeur a permis de mettre en évidence une population à fort potentiel tumorigène
(Shackleton et al., 2009). L’analyse en cytométrie de flux des différentes sous-populations
cellulaires montre une différence de marquage avec des anticorps spécifiques de récep-
teurs membranaires tels que CD44 et CD24. Ces résultats soulignent que l’hétérogénéité
des tumeurs est aussi liée à une hétérogénéité de la population cellulaire. Ce concept
propose qu’une population a majoritairement un potentiel tumorigène ; il a une incidence
importante sur les approches thérapeutiques, suggérant qu’il est plus important de cibler
ces cellules que le reste de la population tumorale. Toutefois, le modèle de xénogreffe
permet de détecter un potentiel qui ne rend pas forcément compte de la situation in situ
chez les patients (Shackleton et al., 2009).

Évolution clonale dans les cancers


La formation d’une tumeur résulte de la multiplication des cellules tumorales et les
cancers évoluent avec des durées variables. Au cours de cette évolution, les cellules
acquièrent des altérations somatiques génétiques (mutations et modifications du nombre
de copies des gènes) et épigénétiques (par méthylation de l’ADN génomique, remodelage
de la chromatine et action d’ARN non codants), et voient aussi une modification de leur
environnement. Un clone cellulaire peut ainsi générer des sous-clones ayant acquis un
ou plusieurs changements supplémentaires, et se diviser suivant une expansion clonale,
ce qui contribue à l’hétérogénéité cellulaire de la tumeur (Fig. 7.2).

> > >


Sous-clone D
x

x
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

x x x x x Sous-clone C
x

* * * * * Sous-clone B

* * * * * * Clone A

Figure 7.2 – Représentation schématique de l’évolution clonale des cellules au


cours de la transformation néoplasique.
Une cellule normale, en bas à gauche, acquiert une ou plusieurs mutations somatiques
qui sont héritées dans les cellules filles formant un clone (A), et sont susceptibles
de générer différents sous-clones (B, C, D) après avoir subi d’autres modifications
somatiques successives.

123
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Rôle du micro-environnement
Dans une tumeur solide, le micro-environnement des cellules cancéreuses, ou stroma,
joue un rôle dans l’évolution néoplasique des cellules. Le stroma est constitué de popu-
lations cellulaires diverses, incluant des fibroblastes (Cancer-Associated Fibroblasts,
CAF), des cellules endothéliales des vaisseaux, des cellules inflammatoires et immuni-
taires (macrophages, neutrophiles, lymphocytes). Sont également présents les composants
de la matrice extra-cellulaire (MEC) : collagènes, laminines, fibronectines et protéo-
glycanes. Les cellules du stroma sont susceptibles d’interagir avec les cellules cancéreuses,
par exemple par la production de facteurs de croissance et de facteurs inflammatoires et
par la modulation de l’environnement immun. La composition de la matrice extracel-
lulaire régule aussi l’attachement, la mobilité et l’invasion cellulaire. Il faut également
souligner l’importance de la vascularisation tumorale apportant l’O2 et de nutriments
aux cellules tumorales, et qui est mise en place par un processus de néo-vascularisation
appelée angiogenèse (Buache et Rio, 2014).
Des recherches sont actuellement développées pour abolir la résistance des cellules
tumorales envers le système immunitaire. Il existe des points de contrôle immunitaires
(immune checkpoints) consistant en des interactions ligand-récepteur. Ce système est
verrouillé dans les cellules tumorales, ce qui empêche leur reconnaissance et leur élimi-
nation par le système immunitaire. Des anticorps spécifiques de ces points de contrôle
immunitaire peuvent permettre la levée de ce contrôle négatif. Actuellement, des études
cliniques sont en cours dans plusieurs cancers pour évaluer l’effet du blocage de la signali-
sation CTLA4 (Cytotoxic T-Lymphocyte-Associated antigen 4) et PD1-PDL1 (programmed
cell death protein 1-PDL ligand), à l’aide d’anticorps spécifiques (Pardoll, 2012).

Modèle initiation-promotion ; progression néoplasique


Le concept d’initiation-promotion a été posé il y a plusieurs années pour expliquer l’évo-
lution tumorale dans un système particulier. Il ne s’applique pas à tous les mécanismes
de carcinogenèse mais il donne le contexte général de la progression tumorale dans
lequel on peut retrouver différentes hypothèses formulées dans les paragraphes précé-
dents. Initialement, ces modèles ont été établis à partir de l’exposition à un initiateur, une
molécule chimique (hydrocarbures aromatiques polycycliques, HAP), suivie de plusieurs
expositions à un promoteur. Plusieurs modèles in vivo ont été employés ; application de
benzo[a]pyrène suivi d’esters de phorbol (12- O- tétradécanoylphorbol-13- acétate, TPA)
sur peau de souris ; induction, par voie orale, de carcinomes hépatiques par le 2-acétyla-
minofluorène, suivi de phénobarbital. Dans ces conditions, l’initiateur seul ne provoque
pas de tumeur s’il n’est pas un carcinogène complet, mais l’application répétée d’un
promoteur permet l’apparition de tumeur. Sur le plan mécanistique, l’initiateur génère
des altérations génétiques et c’est la stimulation de la prolifération par le promoteur qui
permet l’expression de la tumeur.
In vitro plusieurs systèmes ont été utilisés à partir de fibroblastes de souris ou de
hamster, de cellules mésothéliales pleurales de rat ou des cellules trachéales de rongeurs,

124
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

avec un HAP comme initiateur et des fibres d’amiante comme promoteur ou inversement.
Les fibres d’amiante agissent plutôt comme initiateurs que comme des promoteurs, mais
certains considèrent qu’il s’agit d’un carcinogène complet.
Dans ces essais, les mutations n’ont pas été identifiées, ni les anomalies moléculaires
des cellules tumorales, mais les découvertes ultérieures s’inscrivent dans ce schéma
général de progression tumorale multi-étape au cours de laquelle les cellules somatiques
subissent des changements génétiques, mais aussi des modifications de leur micro-
environnement. Plus récemment, l’effet promoteur de nanotubes de carbone multi-paroi
(NTC) a été étudié, in vivo, chez la souris exposée au méthylcholanthrène (par voie
intrapéritonéale) en tant qu’initiateur et au NTC (par inhalation) en tant que promoteur.
Les NTC n’augmentaient pas la fréquence des tumeurs pulmonaires, par rapport aux
contrôles, mais l’exposition au méthylcholanthrène induisait des cancers du poumon et
l’incidence était fortement accrue par l’exposition aux NTC comparativement au méthyl-
cholanthrène seul (Sargent et al., 2014).
Hanahan (2014) a défini dix caractères que les cellules acquièrent au cours du
processus tumoral. Les différentes acquisitions concernent : une instabilité génétique
et des mutations géniques, une prolifération autosuffisante, l’échappement au contrôle
des gènes suppresseurs de tumeur, une dérégulation du métabolisme énergétique, une
résistance à la mort cellulaire, une capacité à se diviser sans limitation, l’induction
d’angiogenèse, l’activation des mécanismes de métastase et d’invasion, l’inflammation
locale à effet promoteur potentiel et l’échappement au contrôle immunologique. Les
cellules cancéreuses sont susceptibles de produire elles-mêmes leurs facteurs de crois-
sance (facteurs autocrines) et d’avoir, en raison de mutations, une activation constitutive
des récepteurs aux facteurs de croissance, une activation des voies de prolifération ou à
l’inverse une inactivation de contrôle négatif de ces voies. Dans les cellules tumorales,
il y a soustraction à l’effet de suppresseurs de croissance, par inactivation des gènes
suppresseurs de tumeur. Les étapes ultérieures consistent en l’invasion tissulaire et le
processus métastatique. Elles impliquent une perte de l’inhibition de contact entre les
cellules qui maintient la structure tissulaire. Ce processus est aussi associé à la transition
épithélio-mésenchymateuse (TEM) (voir ci-après). Ces caractères résultent à la fois des
modifications intrinsèques des cellules telles que les mutations, les divergences méta-
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boliques, immortalisation, la résistance à la mort cellulaire et la reconnaissance immune,


mais aussi des contributions du micro-environnement.

Modèles d’oncogenèse : phénotype mutateur, aneuploïdie,


mutations de gènes et nombre de copies
Les altérations de l’ADN et des chromosomes génèrent une instabilité génomique qui
est un facteur important de l’évolution néoplasique. Comme cela a été mentionné, les
mutations génétiques, les remaniements chromosomiques et les modifications du nombre
de copies des gènes (aneuploïdie) constituent les changements majeurs mis en évidence
dans les cellules cancéreuses. Des concepts ont été élaborés pour rendre compte de ces
évolutions dans ce contexte de mutations et/ou d’instabilité chromosomique.

125
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Au vu de l’augmentation du nombre de mutations trouvées dans les tumeurs malignes,


le concept de phénotype mutateur (mutator phenotype) a été élaboré, proposant que les
mutations provoquées par des mutagènes puissent engendrer une cascade de mutations
(Loeb, 2016). Ces mutations incluent des mutations directrices (driver mutations) qui
confèrent un avantage sélectif aux cellules. Dans cette hypothèse, l’accroissement du taux
de mutations résulte de mutations dans des gènes qui jouent un rôle dans la réplication
(polymérases) ou la réparation de l’ADN (mismatch repair genes par exemple). Rappe-
lons que des mutations sont aussi produites spontanément dans les cellules normales.
Ces mutations, sans conséquence pathologique en relation avec le cancer, appelées
« mutations passagères » (passenger mutations), peuvent se produire suite à des erreurs
d’incorporation de bases lors de la réplication ou à des mécanismes de réparation non
fidèles. Certains polymorphismes dans les gènes de réparation de l’ADN peuvent aussi
favoriser une sensibilité aux xénobiotiques.
L’aneuploïdie, fréquemment observée dans les cancers, est aussi considérée comme
un mécanisme important dans l’évolution néoplasique. Il est proposé qu’elle est à l’origine
de l’évolution tumorale et en est le mode prédominant (Bloomfield et al., 2014). L’aneu-
ploïdie peut être induite par de multiples voies (Giam et Rancati, 2015). Elle résulte d’une
ségrégation anormale des chromosomes lors de la mitose en raison de mésappariement
des chromosomes, d’interaction au niveau du fuseau avec les microtubules, de défaillance
des voies régulant l’activité des points de contrôle, voire d’une dérégulation temporelle
de la mitose. Cette dérégulation temporelle aura par exemple comme conséquence une
augmentation de la durée des phases du cycle cellulaire lors des réparations de l’ADN,
ou une désynchronisation de l’expression des facteurs régulant le cycle cellulaire et la
progression de la mitose et son contrôle. Le déséquilibre chromosomique dans les cellules
aneuploïdes détruit l’équilibre de la quantité normale des gènes.
Une étude réalisée sur plus de 3 000 tumeurs provenant de 12 types différents de
cancers a déterminé les modifications génétiques et épigénétiques par des méthodes de
séquençage à haut débit et d’analyse de la méthylation de l’ADN génomique. Les alté-
rations ont été classées en nombre de copies et mutations somatiques. Les résultats ont
permis de définir deux classes de tumeurs présentant un grand nombre d’altérations
consistant soit en mutations (classe M), soit en nombre de copies (classe C). Dans la
classe M (cancer du rein, colorectal et glioblastome, par exemple), des sous-classes étaient
identifiées par des différences de voies de signalisation altérées. La classe C (cancer de
l’ovaire, du sein, certains cancers du poumon par exemple) était caractérisée par des
mutations de TP53 et des gains ou des pertes chromosomiques récurrentes. Les sous-
classes de la classe C se différenciaient par la présence ou l’absence d’un chromosome
ou d’une région chromosomique spécifique (Ciriello et al., 2013 ; Kandoth et al., 2014).
Ces résultats sont compatibles avec des mécanismes différents d’évolution des cancers
qui peuvent être dus au mode d’action du xénobiotique responsable du cancer ou aux
propriétés intrinsèques des cellules.

126
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

Il faut souligner ici que le génome est aussi soumis à des modifications épigénétiques
qui, outre les mutations génétiques et chromosomiques, sont capables de jouer un rôle
dans ces mécanismes en levant ou en inhibant l’expression de gènes appropriés.

Processus métastatique et transition


épithélio-mésenchymateuse (TEM)
Le processus métastatique permet aux cellules cancéreuses des tumeurs primitives
d’envahir les ganglions ou des organes à distance. Il comporte schématiquement des
étapes d’invasion et de migration. Pour migrer, les cellules épithéliales doivent se libérer
des interactions entre les récepteurs de la cellule tumorale et les glycoprotéines de la
membrane basale. Les intégrines et les cadhérines, et les laminines, les fibronectines et
les collagènes jouent un rôle dans des interactions. Les protéases produites pas les cellules
tumorales localement (plasminogène et autres sérine protéases, cystéine protéases et
métalloprotéinases) et la modulation de leur activité par des inhibiteurs provoquent une
lyse de la matrice extracellulaire qui permet aux cellules d’envahir les tissus environ-
nants, de rejoindre le système vasculaire ou lymphatique et d’atteindre d’autres sites
anatomiques. L’étape ultérieure consiste en l’adaptation des cellules tumorales à leur
nouvel environnement. Ces cellules peuvent résider sans se diviser, et l’on a fait l’hypo-
thèse de cellules tumorales dormantes qui restent localisées dans le site secondaire puis,
après un certain délai et sous l’effet de facteurs qui restent à déterminer, prolifèrent et
forment une nouvelle tumeur à distance (métastase). Il existe, pour un cancer donné,
des sites préférentiels de métastases, par exemple la plèvre pour le cancer du poumon.
La TEM est un processus que l’on retrouve dans les cancers. Il résulte d’une modi-
fication phénotypique des cellules épithéliales qui acquièrent un phénotype
mésenchymateux. C’est toutefois un mécanisme associé à des processus non tumo-
raux, qui est activé au cours du développement et dans certaines circonstances telles
que la cicatrisation ou la fibrose. Dans le cancer, c’est un processus important dans la
progression. Les différenciations mésenchymateuses des carcinomes ont généralement
une évolution plus rapide que les formes épithéliales. La TEM confère aux cellules un
potentiel migratoire en raison de la perte ou la redistribution cellulaire de protéines
des interactions cellule-cellule et cellule-matrice. Dans la TEM, l’expression des gènes
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

épithéliaux est réprimée tels que celui codant pour la E-cadhérine, suite à l’activation du
répresseur transcriptionnel SNAIL, la desmoplakine et certaines cytokératines alors que
celle des gènes mésenchymateux, codant pour N-cadhérine ou vimentine par exemple
est activée. Cette différenciation est liée à la perte de propriétés des jonctions intercellu-
laires des cellules épithéliales, desmosomes, jonctions adherens et jonctions serrées. De
nombreux facteurs de croissance induisent la TEM, FGF, PDGF ou IGF par exemple et
plusieurs voies de signalisation la régulent, telles TGFβ, WNT, NOTCH, MAPK (Thiery
et al., 2009). Les données récentes indiquent que la TEM est régulée via une reprogram-
mation épigénétique et par des modifications post-traductionnelles (Wu et al., 2012).

127
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Exemples d’évolution tumorale


L’évolution tumorale est documentée par les observations anatomopathologiques et histo-
logiques bien identifiées au plan morphologique. Pour certains cancers, chez l’Homme,
il est possible de suggérer une évolution génétique moléculaire tumorale en raison de
l’identification de stades bénins ou pré-néoplasiques. Le cancer colorectal en est un bon
exemple, car son évolution comporte plusieurs stades, de la forme adénome divisée en
phases précoce, intermédiaire et tardive, et qui évoluent en carcinome puis en métastase.
Les études génétiques ont mis en évidence l’apparition séquentielle de mutations condui-
sant en premier à l’inactivation du gène suppresseur de tumeur APC, puis à l’activation
du gène RAS et, suite à des phases d’instabilité chromosomique, à la perte des gènes
suppresseurs DDC et DPC4, et enfin à des mutations dans TP53. Toutefois, la séquence
d’apparition de ces altérations génétiques n’est pas invariante (Fearon, 2011). MLH1,
gène impliqué dans la réparation de mésappariement (famille MMR) qui présente une
mutation constitutionnelle dans les cancers colorectaux héréditaires, peut être inactivé à
différentes étapes du processus. Toutefois, cette inactivation peut être due à une méthyla-
tion, et les données récentes soulignent le rôle de changements épigénétiques (miRNAs)
dans cette évolution (Fearon, 2011).
Dans le carcinome hépatocellulaire (CHC) sur foie cirrhotique, la mutation fréquente
qui affecte le promoteur de TERT apparaît être un marqueur précoce d’altération géné-
tique somatique (Zucman-Rossi et al., 2015). Des mutations récurrentes ont été mises
en évidence dans de nombreux gènes, affectant différentes voies de signal (WNT, cycle
cellulaire, remodelage de la chromatine, stress oxydatif, MAPK…) en lien avec le
contexte pathologique. Une évolution depuis le stade bénin jusqu’au stade CHC a été
mise en évidence sur la base de différences de mutations de CTNNB1, gène codant pour
la β-caténine, au cours de l’évolution, les mutations étant soit faiblement activatrices dans
les tumeurs bénignes, soit fortement activatrices dans les stades ultérieurs (Rebouissou
et al. 2016).

Conclusions sur les mécanismes


En résumé, on a vu que la transformation néoplasique était un processus complexe. Les
cellules normales existent au sein d’un tissu dans lequel elles maintiennent un équilibre
physiologique et environnemental qui permet, d’une part, l’intégrité de la cellule et,
d’autre part, son adéquation avec le milieu environnant. Dans un épithélium, les interac-
tions se situent entre cellules épithéliales et avec la matrice extracellulaire et le stroma.
Les carcinogènes qui endommagent les cellules provoquent des altérations qualitatives
et quantitatives du matériel génétique, lesquelles ont des conséquences délétères, plus
particulièrement sur certains gènes qui contrôlent l’intégrité de l’ADN, la régulation de
la prolifération, le volume cellulaire, le métabolisme et les relations entre les cellules et
le milieu tissulaire du micro-environnement. Il faut considérer que l’organisation spatio-
temporelle est importante pour expliquer la carcinogenèse, à la fois parce que la cellule
cancéreuse épithéliale n’est pas isolée dans un tissu, mais induit et génère des échanges

128
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

avec son milieu, car les altérations s’accumulent au cours de divisions cellulaires, mais
aussi parce que les fonctions des gènes et les activations des voies de signalisation doivent
se produire dans un ordre correct et au bon moment (stress réplicatif ; cohérence entre
réplication de l’ADN et transcription par exemple) (Fig. 7. 3).

Évolution morphologique épithélium normal carcinome invasif

Croissance Expression Évolution


Hyperplasie nodulaire tumorale métastatique

Schématisation du processus multi-étapes

initiation promotion progression

Contraintes, perturbations qui impactent le fonctionnement cellulaire


ADN/génome prolifération Instabilité Cellules
endommagés cellulaire chromosomique tumorales

Mécanismes
altérés

réparation Mort cellulaire


(apoptose)

Figure 7.3 – Représentation schématique de l’évolution néoplasique.


La transformation néoplasique se développe à partir de cellules de différentes
origines ; cellules hématopoïétiques, mésenchymateuses, épithéliales. Dans le cas
d’un épithélium (diagramme du haut), l’observation morphologique met en évidence
différentes phases, allant d’une hyperplasie caractérisée par une prolifération des
cellules normales, laquelle peut évoluer vers des stades bénins de croissance nodulaire
bénigne et pouvant évoluer vers une tumeur maligne, en raison de la différenciation
des cellules due aux modifications génétiques somatiques.
Sur le plan mécanistique, un schéma général peut être proposé, à partir des études
effectuées avec des xénobiotiques et des données sur les caractéristiques moléculaires
des cellules cancéreuses (diagramme du bas). Les premières étapes correspondent à
des altérations qui affectent l’ADN et les chromosomes. L’intégrité de l’ADN peut
être restaurée grâce à des mécanismes de réparation ou, en cas de dommages trop
importants ou non tolérés après prolifération, les cellules peuvent être éradiquées par
mort cellulaire. Cependant, les lésions peuvent être non ou mal réparées et altérer
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des gènes jouant un rôle dans la prolifération cellulaire ou son contrôle et provoquer
une instabilité génomique. Celle-ci, associée à de nouvelles altérations génomiques,
donne un avantage sélectif aux cellules néoplasiques.

3.3 Association mode d’action et cancer


Le développement des technologies d’analyse du génome permet d’avoir accès au profil
de mutations d’un très grand nombre de tumeurs d’un type de cancer donné. L’analyse
des résultats a permis d’établir des signatures qui ont pu être liées à un type de cancer
ou, le cas échéant, au mécanisme d’action connu d’un carcinogène (HAP de la fumée
de tabac, UV ou 2-acétylaminofluorène).

129
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Signature mutationnelle
Les agents génotoxiques, par l’intermédiaire d’altérations génétiques, conduisent à
des changements dans l’information génétique des cellules somatiques. Ces altérations
aboutissent, à terme, à la transformation maligne de ces cellules. Le type d’altération
induit par chaque agent génotoxique dépend de son mode d’action : induction de
lésions de l’ADN (substitution de bases ou modifications structurales telles que la
formation d’adduits ou de cassures dans l’ADN) de façon directe ou indirecte, inter-
férence avec le fuseau mitotique empêchant une bonne ségrégation des chromosomes
durant la mitose… Il est également dépendant des mécanismes de réparation de l’ADN
mis en œuvre dans les cellules pour réparer les lésions. Ces altérations, qui peuvent
correspondre à des réarrangements chromosomiques ou des mutations ponctuelles,
constituent des signatures moléculaires ou empreintes spécifiques présentes dans le
génome des cellules tumorales.
Au niveau chromosomique, l’association entre l’exposition à un carcinogène et
la présence d’altérations a été, dans un premier temps, analysée par cytogénétique.
Ces approches, consistant à comparer les caryotypes de cellules tumorales issues
de patients exposés ou non au carcinogène ou après exposition de cellules normales
à des carcinogènes, ont pu identifier les modifications du nombre de chromosomes
(aneuploïdie) et de la structure des chromosomes (présence de translocation). Le déve-
loppement des techniques de puce à ADN à haut débit telles que les CGH (Comparative
Genomic Hybridization) ou SNP (Single Nucleotide Polymorphism) micro-arrays ont
permis d’étudier plus finement les régions chromosomiques qui pouvaient être perdues
ou amplifiées suite à une exposition à un carcinogène. Ces pertes et gains de régions
chromosomiques peuvent conduire à une modification du nombre de copies des gènes
et donc à une modification de leur expression.
Historiquement, les lésions de l’ADN ont tout d’abord été déterminées en séquen-
çant, principalement par la méthode de Sanger, des régions spécifiques du génome,
en particulier les loci des gènes impliqués dans la carcinogenèse (gènes suppres-
seurs de tumeur ou oncogènes) fréquemment mutés dans les cellules tumorales. Ces
données ont permis de commencer à associer certains types de substitution de bases
à l’exposition à un carcinogène. Les mutations les plus fréquentes de TP53 dans les
cancers de la peau associés aux rayons UV résultent de transitions C > T, y compris
en tandem CC > TT, conséquence de la formation de dimères de pyrimidine. Pour
le cancer du poumon, on observe des transversions C > A majoritaires, ainsi que des
transitions G > A. Les transversions G > T sont en relation avec la fumée de tabac
car elles sont trouvées chez les fumeurs et pas chez les sujets non-fumeurs, et ce type
de mutations est retrouvé dans des cellules bronchiques exposées à des goudrons de
fumée de cigarette (Hainaut et Pfeifer, 2016). L’exposition à l’aflatoxine B1 provoque
des transversions C > T qui sont retrouvées dans le cancer du foie (Poon et al., 2014).

130
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

Avec les progrès dans les technologies de séquençage et l’avènement des NGS (Next-
Generation Sequencing), il est maintenant possible de séquencer le génome entier
des cellules tumorales et d’identifier les mutations avec une grande sensibilité.
L’impact des méthodes NGS dans la compréhension des signatures mutationnelles
a été décisif en permettant de définir précisément des spectres de mutations. Ainsi,
en 2010, les séquençages du génome entier de mélanomes et de cancers du poumon à
petites cellules ont permis de révéler les spectres de mutations induites par l’exposition
aux rayonnements UV et au tabac, respectivement. La signature mutationnelle liée aux
carcinogènes du tabac d’après la base de données COSMIC qui répertorie les mutations
somatiques dans le cancer (http://cancer.sanger.ac.uk/cosmic/signatures) est présentée
dans la Figure 7.4. Depuis, d’autres signatures mutationnelles ont été extraites à
partir de nombreux génomes de différents cancers, et associées ou non à une exposi-
tion à des agents carcinogènes connus. En revanche, les signatures mutationnelles de
nombreux agents, tels que l’amiante, restent à préciser. Les antécédents d’exposition
et de traitement des patients permettent de guider l’interprétation des spectres muta-
tionnels. Cependant, dans de nombreux cas, cette interprétation est rendue difficile
par plusieurs raisons : (i) l’exposition préalable à un agent cancérigène peut être mal
définie ; (ii) les expositions peuvent être multiples ; (iii) les modes d’action de l’agent
génotoxique et les mécanismes cellulaires de réparation de l’ADN mis en œuvre ne
sont pas suffisamment précisés ; (iv) les différents processus indépendants conduisant
à la transformation néoplasique d’un type de cellules sont méconnus. Par ailleurs,
alors que les signatures mutationnelles reposent actuellement sur les substitutions de
bases, l’intégration des autres altérations génétiques (petites délétions ou insertions),
chromosomiques (variation du nombre de copie du gène par perte ou gain de régions
chromosomiques, translocation…) et potentiellement épigénétiques permettraient de
mieux définir les signatures.

C>A C>G C>T T>A T>C T>G


10%
Mutation Type

Signature 4
Probability

5%
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

GCG
GCG

GCG
ACG

GCA
ACG

GCA

ACG

GCA
ACA

CCG

GCC
ACA

CCG

GCC

ACA

CCG

GCC
ACC

CCA

GTG

GTG

GTG
ACC

CCA

ACC

CCA
CCC

ATG

GTA

ATG

GTA

ATG

GTA
CCC

GCT

TCG

CCC
GCT

TCG

GCT

TCG
ATA

CTG

GTC

ATA

CTG

GTC

ATA

CTG

GTC
ACT

TCA
ACT

TCA

ACT

TCA

ATC

CTA

ATC

CTA

ATC

CTA
CCT

TCC
CCT

TCC

CCT

TCC

CTC

CTC

CTC
GTT

TTG

GTT

TTG

GTT

TTG
ATT

TTA

ATT

TTA

ATT

TTA
TCT
TCT

TCT

CTT

TTC

CTT

TTC

CTT

TTC
TTT

TTT

TTT

Figure 7.4 – Exemple de la signature mutationnelle (signature n° 4)


liée aux carcinogènes du tabac.
Le profil de chaque signature est affiché en utilisant les six sous-types de substitution :
C > A, C > G, C > T, T > A, T > C, et T > G. Chacune des substitutions est examinée
en incorporant des informations sur les bases immédiatement 5’ et 3’ à chaque base
mutée générant 96 types de mutations possibles (6 types de substitution x 4 types de
base 5’ x 4 types de base 3’).

131
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

Exemple d’associations entre mode d’action et cancer :


amiante et mésothéliome
L’amiante est un bon exemple pour illustrer le mode d’action d’un carcinogène. Les
analyses épidémiologiques ont mis en évidence que cette fibre minérale naturelle est un
facteur de risque pour plusieurs types de cancer incluant les carcinomes du larynx,
du poumon et de l’ovaire ainsi que le mésothéliome. Pour ce dernier, l’amiante est le
facteur de risque principal. Les mésothéliomes sont issus de la transformation néo-
plasique des cellules mésothéliales qui tapissent les mésothéliums, membranes séreuses
qui entourent la plupart des organes internes. Chez l’espèce humaine, on distingue
quatre mésothéliums selon leur localisation (la plèvre, le péritoine, le péricarde et la
tunique vaginale testiculaire chez l’homme ou la tunique séreuse de l’ovaire chez la
femme) et donc autant de localisations de mésothéliomes. La principale voie d’entrée
des fibres d’amiante dans l’organisme est l’inhalation. Le mésothéliome pleural,
localisé au niveau de la plèvre qui entoure les poumons, est d’ailleurs le mésothéliome
le plus fréquent (80 à 90 % des cas). Une exposition à l’amiante est retrouvée dans
environ 80 % des patients atteints de mésothéliome pleural, ce cancer se développant
en général 20 à 40 ans voire davantage après la première exposition à l’amiante.
Après inhalation, les fibres d’amiante vont se déposer dans les tissus pulmonaires.
Une partie d’entre elles vont être transloquées à travers la plèvre viscérale (Fig. 7.5).
La plèvre, comme tous les mésothéliums, est constituée de deux feuillets : un feuillet
viscéral, qui est adjacent aux poumons, et un feuillet pariétal, qui est situé contre la
paroi thoracique. Ces deux feuillets délimitent un espace virtuel, la cavité pleurale,
contenant une mince couche de liquide, que les fibres d’amiante vont donc atteindre.

Plèvre Plèvre
pariétale viscérale

1 Inhalation des fibres


d’amiante
Cancer du Larynx

Fibres
Cancer du Poumon

cellule
inflammatoire Mésothéliome
Pleural Malin
4 Interaction avec les
2 Dépôt dans les tissus
cellules mésothéliales
pulmonaires
Mésothéliome
3 Translocation à travers la Péritonéal Malin
plèvre viscérale
Cancer de l’ovaire

Figure 7.5 – Représentation schématique du cheminement des fibres d’amiante


après leur inhalation et des cancers liés à une exposition à cette fibre minérale.
L’encart en bas à droite présente l’organisation structurale de la plèvre, le mésothélium
qui entoure la cavité thoracique, que les fibres d’amiante vont atteindre et conduire au
développement d’un mésothéliome pleural malin.

132
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse

La présence des fibres d’amiante dans la cavité pleurale va conduire au développement


d’un mésothéliome pleural par plusieurs mécanismes. Tout d’abord, elles vont créer
une irritation mécanique de la plèvre en endommageant les monocouches de cellules
mésothéliales qui composent chacun des deux feuillets (viscéral et pariétal). Ainsi, elles
vont engendrer des cycles prolongés de dommages et de réparation, et conduire à une
inflammation locale chronique. Dans les modèles animaux, il a d’ailleurs été montré que
l’inflammation, soutenue par le recrutement de cellules inflammatoires et la production
de cytokines, est une réponse précoce et persistante à la présence de fibres d’amiante
au niveau de la plèvre. Il est reconnu que l’état inflammatoire est propice au dévelop-
pement des tumeurs. Deuxièmement, les fibres d’amiante vont conduire à la génération
d’espèces réactives dérivées de l’oxygène (ERO). L’origine de ces molécules peut être due
soit aux fibres elles-mêmes à cause de leur réactivité de surface, soit à l’interaction des
fibres avec les cellules inflammatoires. Par exemple, il a été mis en évidence que lorsque
les macrophages tentent de phagocyter les fibres d’amiante sans parvenir à les ingérer
complètement ou à les éliminer (phagocytose frustrée), ils produisent des cytokines
inflammatoires, amplifiant l’inflammation locale, et des ERO. Il faut d’ailleurs noter que
l’internalisation des fibres d’amiante n’est pas limitée aux macrophages mais concerne
également les cellules mésothéliales. Les ERO favorisent de nombreux aspects du déve-
loppement et de la progression des tumeurs, notamment en induisant des mutations ou
des cassures dans l’ADN génomique. Une signature mutationnelle des ERO a d’ailleurs
été retrouvée dans une grande série de mésothéliomes par une analyse NGS récente, mais
il n’a pas pu être montré que cette signature était liée au statut d’exposition des patients à
l’amiante (Bueno et al., 2016). Troisièmement, les fibres d’amiante ont la capacité d’inter-
férer avec le processus mitotique. Lors de la mitose, les fibres d’amiante en contact avec
les cellules vont perturber le fuseau mitotique, ce qui empêche une bonne ségrégation des
chromosomes et conduit à l’aneuploïdie et à d’autres formes de lésions chromosomiques.
Les études de cytogénétique et plus récemment celles de génomique ont d’ailleurs mis
en évidence qu’une des caractéristiques majeures du mésothéliome est justement de
présenter de nombreuses anomalies chromosomiques incluant des altérations du nombre
de chromosomes et de la structure des chromosomes (translocations et perte de régions
chromosomiques de taille variable). Quatrièmement, l’exposition à des fibres d’amiante
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de cellules mésothéliales en culture a pu mettre en évidence que l’amiante induisait


l’activation de plusieurs voies de signalisation et conduisait à la production de facteurs
de croissance et à une augmentation de l’expression de proto-oncogènes tels que c-fos
et c-jun. Ces événements susceptibles d’entretenir la prolifération des cellules peuvent
jouer un rôle important lors des étapes initiales de la carcinogenèse.
Ces mécanismes d’action des fibres d’amiante sont à mettre en relation avec les
propriétés physiques et physico-chimiques (forme/taille, réactivité de surface et
biopersistance) qui sont importantes pour rendre compte du potentiel toxique des fibres.
Ainsi, la forme et la taille vont influer sur la capacité des fibres à se déplacer dans les
voies aériennes, à pénétrer l’épithélium pulmonaire et à atteindre l’espace pleural. Leur
réactivité de surface va moduler leur capacité à produire des ROS et à interagir avec les

133
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales

surfaces biologiques telles que la surface des cellules mésothéliales. Enfin, la biopersis-
tance des fibres va dicter leur durée de rétention dans l’espace pleural et notamment leur
propension à induire une irritation des tissus prolongée et une inflammation chronique.
Un rôle de l’inflammasome NLRP3, complexe macromoléculaire protéique activé sous
différents stimuli externes incluant l’interaction avec des particules (comme la silice
cristalline ou l’amiante), participe à l’inflammation en provoquant la maturation de cyto-
kines pro-inflammatoires (He et al., 2016 ; Sayan et al., 2014). Il est important de noter
que d’autres types de fibres partagent des propriétés similaires aux fibres d’amiante. C’est
le cas de fibres minérales naturelles telles que l’érionite ou la fluoro-édénite, dont des
études épidémiologiques dans les régions où l’on retrouve ces fibres, en Cappadoce (située
au centre de la péninsule anatolienne en Turquie) et en Sicile (Italie) respectivement,
ont pu montrer qu’elles étaient également des facteurs de risque pour le mésothéliome.
C’est également le cas de certaines fibres artificielles produites par l’Homme telles que
les fibres céramiques réfractaires ou certains types de nanotubes de carbone dont des
études expérimentales chez les rongeurs ont montré qu’elles pouvaient induire des méso-
théliomes après injection intra-péritonéale ou après inhalation (Kuempel et al., 2016).
Le mésothéliome pleural malin est une tumeur caractérisée par de nombreuses alté-
rations moléculaires au niveau génomique (nombreuses anomalies chromosomiques),
au niveau génétique (mutations principalement de gènes suppresseurs de tumeur) et au
niveau épigénétique (profil de méthylation de l’ADN génomique propre à ces tumeurs).
Une dérégulation de l’expression de nombreux gènes codant pour des ARNs messagers
(mRNA) et donc des protéines, des micro-ARNs (miRNA) et des ARN longs non codants
(long non-coding RNA) a été mise en évidence dans les cellules cancéreuses. Certaines
de ces altérations peuvent être reliées directement au mode d’action des fibres d’amiante
(anomalies chromosomiques), d’autres sont la conséquence de l’évolution du processus
tumoral que les fibres d’amiante ont initié (mutation de gènes spécifiques).

4 Conclusions générales et perspectives


Les chapitres de ce volume ont montré comment les xénobiotiques pouvaient endom-
mager les cellules cibles et comment l’exposition pouvait conduire à développer des
pathologies, parmi lesquelles figure le cancer. Les xénobiotiques cancérogènes ont des
modes d’action différents, ils ont en commun d’interagir directement ou indirectement
avec le génome cellulaire. Sur le plan moléculaire, alors que le mécanisme de carci-
nogenèse a tout d’abord reposé sur l’existence de mutations géniques et le déséquilibre
du nombre de copies de régions chromosomiques, les données actuelles montrent que
le génome est modifié ainsi que l’expression de gènes modulée, non seulement par des
altérations génétiques, mais également épigénétiques par méthylation de l’ADN géno-
mique, remodelage de la chromatine et action d’ARN non codants.

134
4 Conclusions générales et perspectives

Le cancer apparaît aujourd’hui comme un processus résultant d’une prolifération de


cellules ayant acquis progressivement une indépendance vis-à-vis de leur milieu naturel.
Cette évolution passe par de complexes modifications génétiques, épigénétiques et méta-
boliques, et des adaptations physiologiques en relation avec le micro-environnement.
Les méthodologies pangénomiques récentes ont apporté de nouvelles connaissances qui
s’intègrent parfaitement dans les fondements précédemment établis par des analyses
histopathologiques et immunomoléculaires in situ des tumeurs. Les données actuelles
sont compatibles avec le schéma général de l’évolution néoplasique multi-étapes, mais
le processus n’est pas universel pour tous les cancers et dépend du carcinogène, du type
de cellules cibles et de facteurs individuels. Aujourd’hui un certain nombre de questions
nécessitent d’approfondir notre connaissance des cancers, en particulier sur la clonalité,
l’hétérogénéité cellulaire et les relations avec le micro-environnement.
Il est important de mentionner que l’Homme, dans son environnement, est exposé à de
multiples toxiques. Il faut donc considérer le cancer, non seulement comme un processus
pathologique lié à l’exposition à un facteur de risque, mais aussi dans un contexte d’expo-
sitions multifactorielles sans que l’on connaisse actuellement le rôle positif ou négatif
de facteurs exogènes ou aussi endogènes.
Dans le futur, des efforts devraient être développés pour mieux préciser les interactions
entre les carcinogènes, les gènes et les autres constituants cellulaires, ainsi que pour
développer des outils de prédiction permettant d’évaluer les effets toxiques, par exemple
par la détermination de la relation quantitative structure-activité (QSAR) (Zvinavashe
et al., 2008 ; Winkler et al., 2013). L’approche « exposome », visant à intégrer toutes
les expositions au cours de la vie, pour évaluer l’ensemble des expositions environne-
mentales et les pathologies, devrait permettre une avancée importante pour déterminer
l’influence des expositions sur le cancer. L’amélioration de notre connaissance sur les
effets de xénobiotiques cancérogènes fait appel à des études pluridisciplinaires associant
des biologistes cellulaires et moléculaires, cliniciens, épidémiologistes, pathologistes,
toxicologues et sociologues.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

135
L’essentiel
Pathologies toxiques tumorales
Apoptose

Activation de la prolifération
cellulaire

Inactivation de l’apoptose

Induction de l’angiogenèse
(micro-environnement)
Xénobiotique Cancer
cancérogène
Activation des capacités
d’invasion et de métastases

Activation de l’immortalisation
(télomérases)

Inactivation des gènes


suppresseurs de tumeur

Réparation de l’ADN

136
Chapitre 8
Pathologies toxiques
non tumorales
Introduction
Si la toxicité d’un agent chimique s’exprime à l’échelle d’un individu, il est en effet
important de bien comprendre les mécanismes toxiques à l’échelle de l’organe et les
conséquences cliniques d’une exposition à un agent chimique toxique. Ce chapitre pré-
sente les différents aspects de la toxicologie médicale, en procédant par organe cible.
Après un bref rappel anatomique, histologique et physiologique, on présentera les
méthodes d’investigation propres à chaque organe, et on donnera des exemples concrets
d’action toxique d’agents chimiques d’origine professionnelle et environnementale (en
excluant les médicaments).

Objectifs Plan
Apprendre les notions anatomiques, 1 Neurotoxicité
histologiques et physiologiques 2 Pneumotoxicité
chez l’Homme essentielles pour la 3 Dermatotoxicité
compréhension des effets toxiques d’une 4 Hématotoxicité
substance chimique sur un organe cible.
5 Néphrotoxicité
Comprendre les mécanismes de toxicité
6 Hépatotoxicité
d’un organe causée par une exposition à
7 Reprotoxicité et toxicité
un agent chimique toxique et les modes
du développement
temporels d’exposition et de toxicité
d’organe (aigu, subaigu, chronique).
Connaître les méthodes d’investigation
clinique de la toxicité d’organe : notamment
paracliniques, fonctionnelles, histologiques
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et analytiques.
Prendre en compte les terrains particuliers
(nouveau-né, pathologies pré-existantes,
sujets âgés…) en toxicologie médicale.

Aborder le problème de la toxicité d’organe correspond à un champ extrêmement vaste


et complexe, du fait de la spécificité de certains organes en termes de physiologie, cible
toxique et types de réponses à divers agresseurs. C’est la raison pour laquelle il a été
décidé de procéder à un choix de plusieurs organes emblématiques de la réponse à divers
toxiques de l’environnement professionnel ou de l’environnement général. Pour chaque
organe abordé dans ce chapitre sont successivement présentés des rappels anatomiques ou

137
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

physiologiques importants pour la compréhension de l’effet toxique sur cet organe et leur
cible en s’appuyant sur quelques exemples, puis les différents exemples emblématiques
de toxiques connus, et enfin des méthodes d’étude mises en œuvre pour l’évaluation de
la toxicité.
Les exemples de toxiques présentés correspondent à des toxiques de l’environnement
professionnel ou de l’environnement général ; les toxiques médicamenteux ne sont pas
abordés dans ce chapitre, ni les pathologies tumorales liées à des toxiques professionnels
ou environnementaux, ces dernières étant présentées chapitre 7.

1 Neurotoxicité
Mondialement, des millions de personnes sont actuellement exposées à des substances
dont la neurotoxicité est documentée. Par ailleurs, les éléments de preuve en faveur d’un
lien causal entre l’exposition professionnelle et/ou environnementale à diverses nuisances
chimiques et certaines maladies neurologiques chroniques (en particulier, des maladies
neurodégénératives) sont de plus en plus nombreux. Des interférences entre les toxines
ou les substances chimiques de l’environnement d’une part et le système nerveux d’autre
part sont connues depuis plus de deux cents ans. Depuis le XIXe siècle, l’exploration de
l’organisation et du fonctionnement du système nerveux a, d’ailleurs, souvent utilisé les
effets des agents neurotoxiques.

1.1 Organisation du système nerveux


Du point de vue de la compréhension des mécanismes neurotoxiques, c’est l’échelon
cellulaire qui est généralement pertinent. La principale des exceptions à cette règle est
le rôle déterminant de la barrière hémato-encéphalique dans la modulation des effets de
certains agents toxiques et/ou d’antidotes.

a) Organisation cellulaire
Il y a deux grandes classes de cellules constitutives du système nerveux. La première est
constituée de cellules excitables, les neurones, qui reçoivent, conduisent et transmettent
des informations. Les cellules gliales constituent la deuxième catégorie de cellules ; elles
ne sont pas excitables mais jouent néanmoins un rôle important au niveau du système
nerveux central où elles sont bien plus nombreuses que les neurones.

Neurones
Les neurones ont un aspect et une taille qui peuvent beaucoup varier d’une partie à une
autre du système nerveux, mais ils ont certaines caractéristiques communes qui sont
déterminantes dans le fonctionnement du système nerveux et pour la compréhension de
certains effets neurotoxiques.

138
1 Neurotoxicité

Tous les neurones (Fig. 8.1) sont constitués de :


• Un corps cellulaire d’un diamètre de 10 à 100 μm, avec un noyau et un cytoplasme
contenant diverses organelles : réticulum endoplasmique granuleux (corps de Nissl) où
se produit la synthèse de protéines et de glycoprotéines ; mitochondries productrices
d’énergie (phosphorylation oxydative, cycle de Krebs) ; appareil de Golgi (vésicules de
stockage des déchets avant leur élimination). C’est au niveau du corps cellulaire que
sont produits les neuromédiateurs et que sont stockés les déchets du fonctionnement
neuronal avant leur élimination.

Corps cellulaire
Noyau

Réticulum endoplasmique
Rugueux

Élément transitionnel
Appareil de golgi

Vacuole autophagique
Réticulum endoplasmique lisse
Polysome libre

Microfilament

Neurofilament

Microtubule
Axolemme

Axone

Mitochondrie
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Citerne Terminaison
nerveuse
Vésicule recouverte
Vésicule synaptique

Figure 8.1 – Organisation cellulaire des neurones (d’après


Spencer et Schaumburg 1980).
• Un axone, prolongement cellulaire 10 à 10 000 fois plus long que le corps cellu-
laire, qui contient des mitochondries et un réticulum endoplasmique lisse, capable de
métaboliser les substances endogènes et les xénobiotiques qui ont pénétré le neurone.
L’axone contient, en outre, des matériaux filamenteux de deux types : des neurotubules

139
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

d’un diamètre de 200-400 Å, impliqués dans le transport axonal et des neurofilaments


d’un diamètre de 80-100 Å, qui constituent le cytosquelette axonal ; il ne contient pas
de ribosomes ; l’extrémité du neurone est sa terminaison synaptique, constituée d’un
bulbe synaptique où s’accumulent des vésicules remplies de neuromédiateur et d’une
modification de la membrane cellulaire qui va permettre la libération du neuromé-
diateur dans la fente synaptique pour la communication avec le neurone suivant ou
la cellule effectrice.
• Une chevelure dendritique, constituée de prolongements du corps cellulaire ;
les dendrites sont moins longs que l’axone ; ils contiennent les mêmes organelles
que le corps cellulaire et aussi des neurotubules ; à leur périphérie, les dendrites
développent de petites protrusions, les épines dendritiques qui sont les récepteurs
synaptiques du neurone (ils reçoivent les terminaisons synaptiques de neurones
voisins).

Cellules gliales
Les principales cellules gliales sont les astrocytes, la microglie et les oligodendrocytes
dans le système nerveux central, les cellules de Schwann dans le système nerveux
périphérique.
• Astrocytes. Il y a deux types d’astrocytes, protoplasmiques et fibreux. Les premiers
sont ceux qui sont les plus abondants dans la substance blanche du système nerveux
central (SNC) et les seconds prédominent dans la substance grise. Comme leur
nom l’indique, ce sont des cellules en forme d’étoile qui se caractérisent par
l’abondance de filaments gliaux dans leur cytoplasme. Les astrocytes, en particulier
ceux de la substance grise, participent à la barrière hémato-encéphalique par leurs
prolongements périvasculaires qui bloquent le passage du sang vers le système
nerveux central. En cas de lésion du système nerveux central, les astrocytes proli-
fèrent, pour former des cicatrices gliales.
• Microglie. La microglie constitue 5 à 20 % des cellules gliales cérébrales. Ce sont
les macrophages du SNC. En cas de lésion cérébrale, elles prolifèrent et phagocytent
les corps étrangers et les débris cellulaires.
• Oligodendrocytes. Les oligodendrocytes sont les cellules gliales responsables de
la myélinisation des neurones du SNC. Ce sont des cellules très riches en réticulum
endoplasmique rugueux. Contrairement aux cellules de Schwann dans le système
nerveux périphérique, chaque oligodendrocyte a la capacité de myéliniser plusieurs
segments d’un même axone ou d’axones différents.
• Cellules de Schwann. Les cellules de Schwann assurent la myélinisation des axones
du système nerveux périphérique. Contrairement aux oligodendrocytes, les cellules
de Schwann ne myélinisent chacune qu’un segment de neurone. Leurs prolongements
myélinisés s’enroulent en spirale autour d’un segment d’axone en constituant des
couches concentriques de lipides en sandwich entre des couches protéiques orientées

140
1 Neurotoxicité

tangentiellement. La brève portion d’axone entre deux segments myélinisés est un


nœud de Ranvier.

b) Barrière hémato-encéphalique
Le concept de barrière hémato-encéphalique est né à la fin du XIXe siècle, lorsque des
expérimentateurs ont observé que certaines substances ne pénétraient pas ou diffusaient
moins bien dans le SNC que dans d’autres tissus.
La base anatomo-physiologique de cette barrière est double.
• Au niveau cérébral, les cellules de l’endothélium capillaire sont étroitement jointes
et constituent une barrière limitant le passage des substances hydrosolubles dans le
SNC (pour diffuser, elles doivent traverser les cellules endothéliales alors que dans
les autres tissus elles passent principalement entre ces cellules) ; dans certaines
régions du cerveau (plexus choroïdes, noyaux latéraux de l’hypothalamus, area
postrema, épiphyse, hypophyse), les cellules endothéliales sont moins jointives,
le passage du sang vers les structures cérébrales y est donc facilité ; de même, le
bulbe olfactif est un affleurement du SNC au contact avec l’air extérieur et, à ce
niveau, une pénétration directe des substances de l’environnement dans le SNC
est possible.
• Il y a également un pôle glial de la barrière hémato-encéphalique ; il est constitué
par les astrocytes qui enveloppent les capillaires cérébraux et s’opposent au passage
des substances lipophiles. Globalement, la barrière hémato-encéphalique est
moins efficace vis-à-vis des substances lipophiles que vis-à-vis de celles qui sont
hydrophiles.
La neurotoxicité centrale du mercure élémentaire est une bonne illustration du rôle
déterminant de la barrière hémato-encéphalique. En l’occurrence, elle est perméable
au mercure élémentaire (et au mercure organique), pas au mercure ionisé (mercureux
ou mercurique). L’exposition répétée au mercure élémentaire – mais pas ou guère
l’intoxication aiguë, même massive – est responsable d’une encéphalopathie : parce
que, dès son absorption, le mercure élémentaire est rapidement oxydé en mercure
mercurique, de sorte qu’une faible fraction de la dose absorbée seulement peut diffuser
dans le SNC où elle est oxydée et va s’accumuler progressivement, si l’exposition est
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

répétée.
De même, le pralidoxime, antidote de certains composés organophosphorés, ne peut
traverser la barrière hémato-encéphalique : en conséquence, quand il est administré
pour le traitement des intoxications par ces insecticides, il est en capacité d’en corriger
les effets neurotoxiques périphériques, mais pas les effets centraux.
Des observations expérimentales anciennes, dont la pertinence est aujourd’hui
discutée, ont fondé l’assertion partout répétée, mais bien mal étayée, d’une moindre
efficacité de la barrière hémato-encéphalique des prématurés, des nouveau-nés et des

141
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

jeunes enfants, qui les rendrait plus sensibles aux effets neurotoxiques de certains agents,
tels que le plomb, le camphre ou le mercure.

c) Organisation fonctionnelle des neurones


Transport axonal
L’organisation fonctionnelle des neurones est très asymétrique : dans le corps cellulaire,
se trouve toute la machinerie nécessaire à la synthèse et à la dégradation des macro-
molécules et des organelles ; l’axone est spécialisé dans le transport de ces matériaux
vers leur site d’utilisation et celui des déchets vers leur site de dégradation (Fig. 8.2).

Noyau Transport rétrograde Pénétration Relargage

Axone

Réticulum
endoplasmique
Vésicule
Synthèse et trafic des
vésicules et des protéines
Transport antérograde
Synapse
Corps cellulaire

Complexe dynéine-dynactine Mitochondrie Transport


(mouvement rétrograde) antérograde

Kinésine (mouvement Microtubules Transport


antérograde) rétrograde
Facteurs Neurofilaments
neurotrophiques

Figure 8.2 – Organisation fonctionnelle des neurones (d’après Nature


Reviews, Nature Publishing Group, 2006).
Il existe quatre modes de transport axonal :
• un transport antérograde rapide : il est destiné au transport, du corps cellulaire
vers la périphérie, de protéines et de glycoprotéines, nécessaires à la maintenance de
l’axone et des terminaisons synaptiques ; les matériaux sont véhiculés dans des vési-
cules guidées par des microtubules ; l’énergie nécessaire est fournie par une enzyme,
la kinésine, qui est une ATPase ; la vitesse de progression est d’environ 400 mm/j ;
• un transport antérograde lent : il concerne le transfert des éléments des neurotubules
et des neurofilaments ; sa vitesse est variable : selon le matériau transporté, le diamètre
et la longueur de l’axone, elle est comprise entre 0,2 et 5 mm/j ;

142
1 Neurotoxicité

• un transport antérograde intermédiaire : sa vitesse est de 10 à 100 mm/j et les maté-


riaux véhiculés sont constitutifs des mitochondries et d’autres organelles ;
• un transport rétrograde : ses caractéristiques sont proches de celles du transport
antérograde rapide ; il sert au retour des matériaux vers le corps cellulaire pour leur
dégradation ; l’ATPase impliquée est la dynéine.
Divers agents chimiques peuvent être à l’origine d’axonopathies résultant et/ou à l’origine
d’altérations du transport axonal.

Conduction nerveuse
Les neurones sont des cellules excitables. L’excitation résulte de la modification de la
perméabilité membranaire à divers cations, essentiellement le sodium, le potassium et
le calcium.
La dépolarisation de la membrane ouvre les canaux sodiques et le sodium pénètre dans
la cellule (c’est la phase ascendante du potentiel d’action), puis les canaux potassiques
s’ouvrent à leur tour et le potassium sort de la cellule, cependant que la perméabilité
au sodium diminue rapidement (c’est la phase décroissante du potentiel d’action). Les
flux ioniques impliqués sont faibles, relativement aux pools sodique et potassique intra-
cellulaires (environ 1/1 000). Cependant, il est nécessaire qu’un mécanisme assure le
retour à l’état quo ante : c’est le rôle de la pompe Na+/K+ - ATPase dépendante qui est
déclenchée par l’augmentation de la natricytie.
Dans les axones myélinisés, la conduction de l’influx nerveux est saltatoire, d’un nœud
de Ranvier à l’autre, parce que seules ces portions des axones ne sont pas myélinisées
et sont porteuses de canaux ioniques.
De nombreuses substances naturelles et de synthèse sont capables de modifier les flux
ioniques transmembranaires et, en conséquence, l’excitation neuronale et la conduction de
l’influx nerveux. Plusieurs exemples en sont donnés, dans le paragraphe ci-après « Alté-
ration de l’excitabilité des neurones et de la conduction axonale ».

Transmission synaptique
Dans le système nerveux, c’est une formation spécialisée, la synapse, qui assure la
communication intercellulaire (entre les neurones ou entre les neurones et la cellule
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effectrice). Les neurotransmetteurs sont libérés dans la fente synaptique par le neurone
présynaptique. Ils peuvent :
• la traverser pour se fixer sur un récepteur post-synaptique et moduler l’activité d’un
canal ionique ou activer un système à second messager ; ce récepteur post-synaptique
est porté par un autre neurone ou par une cellule effectrice (par exemple, dans le cas de
la jonction neuromusculaire, l’acétylcholine est le neuromédiateur qui est libéré et va
se fixer sur les récepteurs cholinergiques des myocytes, produisant leur contraction) ;
• se fixer sur un récepteur de la terminaison synaptique du protoneurone pour moduler
la libération du neuromédiateur.

143
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

De nombreuses substances chimiques peuvent interagir avec la transmission synap-


tique, en inhibant ou en stimulant la libération du neuromédiateur, en inhibant son
métabolisme ou sa recapture dans la fente synaptique, en stimulant ou en bloquant les
récepteurs post-synaptiques… Des exemples en sont donnés ci-après dans le paragraphe
« Modulation de la transmission synaptique ».

d) Besoins énergétiques du système nerveux


Du fait du grand nombre de cellules concernées, des fonctions consommatrices d’énergie
des neurones, le système nerveux et en particulier le SNC a des besoins énergétiques
très élevés. Il les tire de la glycolyse aérobie et en conséquence, une rupture même brève
des apports en glucose ou en oxygène est susceptible d’avoir des conséquences catastro-
phiques. Des exemples en sont donnés ci-après dans le paragraphe « Neuronopathies ».

e) Développement et capacité de régénération


du système nerveux
Le système nerveux se développe pendant la gestation et jusqu’à l’adolescence. Proli-
fération, migration, différenciation cellulaire, synaptogenèse, myélinisation, apoptose
sont précisément programmées et les substances susceptibles d’interférer dans cette
programmation peuvent avoir des effets délétères.
Par ailleurs, alors que la synaptogenèse est une fonction conservée pendant toute
la vie des individus et de leurs neurones, la neurogenèse (la capacité de proliférer des
neurones) est très réduite après la naissance et a complètement disparu à l’adolescence.
Cette perte de sa capacité de régénération, le système nerveux la compense partiellement
par la grande plasticité que lui confère la conservation de sa capacité à créer de nouvelles
connexions interneuronales, créant de nouveaux circuits, parfois capable de suppléer les
voies de conduction perdues.
En cas d’axonopathie, si le corps cellulaire est préservé, à l’arrêt de l’exposition à la
nuisance responsable de l’atteinte, la régénération de l’axone est possible. Cependant,
la progression de l’axone vers sa cible antérieure peut être gênée par le développement
antérieur d’un tissu cicatriciel à la place des axones lésés. C’est en particulier le cas au
niveau du SNC, où les espaces abandonnés par les axones sont rapidement occupés par
des cellules gliales : ce qui explique qu’en cas d’axonopathie toxique centrale et péri-
phérique, à l’arrêt de l’exposition, les atteintes centrales régressent habituellement moins
vite et moins bien que les atteintes périphériques.

1.2 Méthodes d’étude des effets neurotoxiques


a) Chez l’Homme
Évaluation clinique
L’évaluation neurologique clinique commence par un interrogatoire, colligeant les anté-
cédents médicaux personnels et familiaux de l’intéressé, en particulier ses antécédents

144
1 Neurotoxicité

neurologiques, ses expositions à des agents chimiques (médicamenteux, alimentaires, profes-


sionnels, environnementaux), en particulier à ceux qui ont des effets neurotoxiques connus.
L’examen clinique comprendra toujours une brève évaluation de la conscience, de
l’orientation, de la parole, des capacités de concentration, de la mémoire, de l’humeur et
de l’affectivité (des questionnaires standardisés peuvent être utilisés pour le « testing »
individuel de ces fonctions supérieures, mais c’est dans la conduite d’études épidé-
miologiques qu’ils trouvent leur pleine utilité), une évaluation des capacités motrices
et sensitives des membres, un « testing » des paires crâniennes, de l’équilibre, de la
coordination et de la dextérité.

Tests psychométriques
Diverses batteries permettent de tester un grand nombre de fonctions : en particulier,
les performances psychomotrices, les capacités verbales et visuo-spatiales, la mémoire,
l’attention et les fonctions exécutives. Classiquement, elles sont administrées et interpré-
tées par un neuropsychologue expérimenté. Dans le cadre d’études épidémiologiques,
des versions abrégées, standardisées et éventuellement auto-administrables de ces tests
sont parfois utilisées. Dans le même cadre, des questionnaires psychiatriques et plus
généralement de collecte de symptômes neurologiques subjectifs sont disponibles.

Tests neurosensoriels
L’audition, l’odorat et la vue peuvent faire l’objet d’explorations ciblées et approfondies.
Par ailleurs, d’assez nombreuses études ont montré que des troubles de la vision des
couleurs et une altération de la vision des contrastes étaient des signes précoces, assez
constants, d’une encéphalopathie toxique, en particulier quand des solvants organiques
sont en cause. Ces deux fonctions sont assez souvent testées, dans le cadre du dépistage
précoce des effets neurotoxiques centraux des solvants. Dans la même indication, l’éva-
luation de la sensibilité aux vibrations et celle du balancement postural sont également
des épreuves intéressantes.

b) Examens électrophysiologiques
• Électromyogramme : l’électromyographie, associée à la mesure des vitesses de
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conduction nerveuse et des potentiels d’action sensitifs, reste l’examen de référence


pour la détection et l’évaluation des neuropathies périphériques.
• Électroencéphalogramme : l’électroencéphalographie classique est un examen qui
manque de sensibilité et de spécificité. Sa digitalisation en améliore sensiblement
les performances, tant pour les suivis longitudinaux individuels que pour les études
épidémiologiques. En pratique, l’utilisation de ces examens numérisés reste limitée,
en l’absence de normalisation et d’harmonisation des techniques disponibles.
• Potentiels évoqués : ils rendent compte du fonctionnement des voies de conduction
du système nerveux central ; les examens de ce type qui sont les plus utilisés sont
les potentiels évoqués visuels, les potentiels évoqués somesthésiques, les potentiels

145
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

évoqués auditifs du tronc cérébral et les potentiels évoqués cognitifs (ces derniers
évaluent les voies de conduction impliquées dans les associations cognitives).

Imagerie
Au cours des dernières décennies, l’imagerie cérébrale a connu d’importants déve-
loppements et a mis à disposition des équipes médicales de nombreuses techniques
d’intérêt : tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique, tomographie par
émission de positons, tomographie par émission monophotonique… Elles peuvent être
utiles à l’évaluation d’effets neurotoxiques centraux sévères, mais à de rares exceptions
près (par exemple, le diagnostic des encéphalopathies des intoxications oxycarbonées
aiguës sévères), leur sensibilité et leur spécificité sont insuffisantes pour qu’elles soient
utiles au dépistage, au diagnostic précoce ou à l’enquête étiologique en cas d’exposition
à des agents neurotoxiques ou d’encéphalopathie d’origine inconnue.

Études publiées
Les publications rapportant des effets neurotoxiques chez l’Homme sont, en première
intention, celles qui sont les plus pertinentes pour l’évaluation de la neurotoxicité d’un
agent ou d’un groupe d’agents pour l’espèce humaine.
En pratique, cependant, les données humaines accessibles sont, généralement, surtout
constituées de rapports de cas ou de séries de cas. Quand il s’agit d’effets aigus ou
subaigus, le lien causal entre l’exposition et les effets observés peut assez souvent être
évalué comme plausible ou probable ; c’est rarement le cas quand les effets observés sont
chroniques ou retardés. Un des intérêts majeurs des cas individuels et des séries de cas
est de susciter des hypothèses, secondairement validées par des travaux expérimentaux
et/ou épidémiologiques.
La fonction des études épidémiologiques en neurotoxicologie est de rechercher des
associations entre des effets neurotoxiques et l’exposition à certains agents naturels ou
de synthèse et, idéalement, d’évaluer la causalité des associations observées. Elles sont
généralement observationnelles.
Les études expérimentales humaines de la neurotoxicité sont beaucoup plus rares.
C’est pourtant une source potentielle d’informations irremplaçables et éthiquement
acceptables : ainsi, pour l’évaluation des effets neurotoxiques aigus ou subaigus et sub-
cliniques, aux faibles doses (altérations cognitives associées à l’exposition à de faibles
concentrations de solvants organiques ou d’anesthésiques, par exemple).

c) Chez l’animal
De très nombreux tests ont été développés pour l’étude expérimentale des effets neuro-
toxiques chez l’animal :
• des batteries de tests neurocomportementaux très nombreux et divers, en capacité
de prendre en compte de tous les types d’effets neurotoxiques (sensitifs, moteurs,
sensoriels, sur les fonctions supérieures) ;

146
1 Neurotoxicité

• des examens neurophysiologiques : électromyogramme, mesure des conductions


nerveuses, potentiels évoqués, électroencéphalogramme… ;
• des examens biochimiques : biomarqueurs d’effets précoces ;
• des examens histologiques et histochimiques (activités enzymatiques, biomarqueurs
cellulaires, modifications de la composition de la myéline…).

d) In vitro
Les études in vitro sont utilisées pour tester des hypothèses spécifiques relatives aux
mécanismes des effets neurotoxiques : espèces chimiques en cause, cible cellulaire,
séquence événementielle aboutissant à l’effet… Elles peuvent utiliser de nombreuses tech-
niques (électrophysiologiques, biochimiques, de toxicologie analytique, histologiques…).

1.3 Mécanismes des effets neurotoxiques


En première intention, on peut classer les agents neurotoxiques en deux groupes : les
toxiques fonctionnels qui produisent un dysfonctionnement régressif à l’arrêt de l’expo-
sition et les toxiques lésionnels qui sont en capacité d’entraîner des lésions définitives de
leurs cellules cibles. En pratique, les toxiques fonctionnels sont ceux qui provoquent une
altération transitoire de l’excitabilité neuronale et/ou de la conduction axonale ou encore
qui sont en capacité de moduler la transmission synaptique. Les toxiques lésionnels
sont ceux qui sont à l’origine de neuronopathies, d’axonopathies ou de myélinopathies.
Les pages qui suivent illustrent les principaux mécanismes de ces effets neurotoxiques,
sans chercher à en dresser un tableau exhaustif.

a) Altération de l’excitabilité des neurones et de la conduction


axonale
Les substances responsables de ce type d’effets sont des modulateurs des canaux ioniques
dont ils bloquent l’ouverture ou la fermeture.
L’exemple classique de ce type de neurotoxique fonctionnel est la tétrodotoxine
(TTX). Comme son nom l’indique, elle est présente dans les viscères et la peau des
tétrodons, poissons de plusieurs espèces de la sous-famille des tetraodontidae. Ces
poissons étaient autrefois des espèces exotiques mais, avec le réchauffement climatique,
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ils sont maintenant présents en Méditerranée et sur les côtes atlantiques de l’Espagne,
du Portugal et du sud de la France. La TTX est également présente dans la peau et les
viscères de certains batraciens (crapauds, tritons) et dans le venin de certaines pieuvres.
La TTX est un inhibiteur de l’ouverture des canaux sodiques rapides. En conséquence,
elle abaisse le seuil d’excitabilité des cellules excitables et bloque la conduction axonale.
Les premiers signes de l’intoxication par la TTX sont des paresthésies péribuccales et des
extrémités qui traduisent des décharges répétitives des récepteurs sensitifs dans ces zones
richement innervées. Ils surviennent quelques minutes à trois heures après l’ingestion et
s’accompagnent fréquemment de troubles digestifs, puis d’une bradycardie et d’une hypo-
tension (traduisant une hyperstimulation du glomus carotidien) et finalement des parésies

147
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

et des paralysies, ainsi que des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire. Tous les
troubles régressent spontanément en quelques heures sans séquelle, si une réanimation
adaptée a pu être mise en œuvre précocement. Cependant, en raison de la précocité de
la survenue de la paralysie respiratoire, la mortalité de ces intoxications est élevée.
D’autres toxines naturelles et des produits de synthèse ont des effets semblables
à ceux de la TTX, comme :
• la saxitoxine et les brévétoxines, toxines sécrétées par des dinoflagellés et concentrées
par des coquillages, bloquent respectivement l’ouverture et la fermeture des canaux
sodiques rapides ;
• les ciguatoxines dans certains poissons, à l’origine de la ciguatera, bloquent la ferme-
ture des canaux sodiques rapides ;
• les toxines scorpioniques et les insecticides de la famille des pyréthrinoïdes sont
des inhibiteurs de la fermeture des canaux sodiques rapides.

b) Modulation de la transmission synaptique

Inhibition de la synthèse du neuromédiateur


Certains agents chimiques interfèrent avec la neurotransmission en inhibant la synthèse
du neuromédiateur. C’est notamment le cas de l’isoniazide ou de la méthylhydrazine
(métabolite de la toxine d’un champignon de printemps Gyromitra esculenta). Ces agents
complexent le phosphate de pyridoxal, qui est le cofacteur de la glutamate décarboxy-
lase, laquelle catalyse la transformation de l’acide glutamique (neuro-excitateur) en
acide gamma-aminobutyrique (GABA). En conséquence, ces substances provoquent
des convulsions qu’il faut traiter par un anticonvulsivant, mais aussi par la vitamine B6
pour prévenir leur récidive.

Inhibition de la libération du neuromédiateur


L’amitraze (insecticide), la romifidine (tranquillisant vétérinaire) et la clonidine
(médicament antihypertenseur) sont des agonistes des récepteurs α-2-adrénergiques
présynaptiques. En conséquence, ils inhibent la libération de catécholamines par les
neurones sympathiques. L’intoxication se traduit par une somnolence, une bradycardie,
une hypotension et un myosis.
Les toxines tétanique et botulique sont d’autres exemples d’inhibiteurs de la libération
de neuromédiateurs :
• la toxine tétanique bloque celle de GABA et de glycine au niveau médullaire, ce qui
a pour résultat de produire une hypertonie et des spasmes en hyperextension ;
• les toxines botuliques inhibent la libération d’acétylcholine par les neurones choli-
nergiques, ce qui explique la survenue d’une sécheresse des muqueuses, de troubles
de l’accommodation, d’une mydriase et d’une diplopie, de parésies et de paralysies
périphériques.

148
1 Neurotoxicité

Stimulation de la libération du neuromédiateur


La yohimbine est un antagoniste des récepteurs α-2-présynaptiques et en conséquence,
elle augmente la libération de catécholamines par les neurones sympathiques, ce qui se
traduit par une agitation, une tachycardie et une hypertension artérielle.

Inhibition du catabolisme du neuromédiateur dans la fente synaptique


C’est le mode d’action des insecticides organophosphorés et de tous les anticholines-
térasiques qui bloquent l’hydrolyse de l’acétylcholine dans la fente synaptique : a) entre
les neurones et les récepteurs du système parasympathique ; b) au niveau de la jonction
neuromusculaire ; c) dans les ganglions sympathiques ; d) au niveau des voies choliner-
giques du système nerveux central. Cela entraîne, respectivement :
a) une augmentation du péristaltisme du tube digestif et des voies urinaires, une
bronchoconstriction, un myosis, une paralysie de l’accommodation, une bradycardie
sinusale, un allongement de la conduction auriculo-ventriculaire, une vasodilatation
périphérique, une augmentation de toutes les sécrétions exocrines ;
b) une asthénie intense, des fasciculations musculaires et des myoclonies, des parésies
et des paralysies périphériques ;
c) une tachycardie sinusale, des poussées hypertensives, une hyperexcitabilité myocar-
dique, une hypokaliémie, une hyperglycémie ;
d) des céphalées, une confusion, des troubles de conscience et des convulsions.

Inhibition de la recapture du neuromédiateur dans la fente synaptique


C’est le principal mode d’action de la cocaïne (elle facilite aussi la libération de dopamine)
qui inhibe la recapture des catécholamines (dopamine, noradrénaline, sérotonine), ce qui
explique l’agitation, la tachycardie, l’hypertension artérielle, les accidents de vasoconstric-
tion, les convulsions et les troubles de l’excitabilité cardiaque induits par cette substance.

Stimulation des récepteurs post-synaptiques


La nicotine en est un bon exemple. Elle stimule les récepteurs cholinergiques au niveau :
a) de la jonction neuromusculaire ; b) des ganglions sympathiques ; c) du système nerveux
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central. Cela entraîne, respectivement :


a) une asthénie, des fasciculations musculaires, des myoclonies, des parésies ;
b) une tachycardie, une vasoconstriction, une élévation de la pression artérielle, des
troubles de l’excitabilité cardiaque ;
c) des céphalées, une agitation, voire des troubles de conscience et des convulsions.

Inhibition des récepteurs post-synaptiques


L’atropine et la strychnine en sont de bons exemples :
• la première bloque les récepteurs parasympathiques, ce qui entraîne : sécheresse
des muqueuses, mydriase, paralysie de l’accommodation, tachycardie, agitation,
hallucinations… ;

149
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

• la seconde est un antagoniste des récepteurs à la glycine, neuromédiateur inhibiteur


médullaire, ce qui provoque, myoclonies et spasmes en hyperextension.

c) Neuronopathies
On regroupe sous cette dénomination toutes les pathologies neurotoxiques qui sont
susceptibles d’aboutir à la mort du neurone. Les conséquences en sont nécessairement
sévères, puisqu’il n’y a pas de régénération possible. On classe dans la catégorie des
substances susceptibles d’induire des neuronopathies deux types d’agents :
a) ceux qui ont des effets neurotoxiques lésionnels parce qu’ils peuvent être à l’origine
d’une crise énergétique cérébrale par :
• effet hypoglycémiant : insuline et autres médicaments hypoglycémiants ; hypo-
glycine contenue dans les baies de Blighia sapida quand elles ne sont pas arrivées
à maturité (cet arbre des régions subtropicales est périodiquement à l’origine
d’épidémies de graves intoxications infantiles) ; toxines de Trogia venenata, un
champignon qui a été responsable d’épidémies d’intoxications mortelles en Chine ;
• hypoxie tissulaire :
– en empêchant l’utilisation tissulaire de l’O2 : acide cyanhydrique et cya-
nures alcalins ou hydrogène sulfuré qui bloquent la cytochrome oxydase ;
– en bloquant son transport des poumons vers les tissus : CO et agents mé-
thémoglobinisants ; substances susceptibles d’induire des troubles hémo-
dynamiques sévères (voir « Hématotoxicité » p. 186) ;
– en empêchant l’hématose : agents asphyxiants (tous les gaz qui sont ca-
pables de faire fortement diminuer la concentration de l’O2 dans l’air) ou
substances capables de produire des troubles respiratoires sévères.
b) les substances qui ont des effets délétères sur tous les neurones, ou sur certains
d’entre eux. Elles sont nombreuses, mais leur mode d’action est généralement
inconnu ou incomplètement compris. Dans cette catégorie, les exemples le plus
souvent cités sont :
• le méthylmercure dont les effets neurotoxiques associent une détérioration intel-
lectuelle, des troubles de l’humeur et de la personnalité, des déficits moteurs,
sensitifs et sensoriels, associés à des lésions dégénératives extensives du système
nerveux, en particulier, corticales, des voies optiques et auditives, du cervelet et
de la moelle épinière ; les mécanismes de cette toxicité neuronale extensive sont
encore largement incompris ;
• les sels organiques d’étain qui induisent des lésions neuronales affectant plus
particulièrement certaines régions spécifiques du système nerveux central
(hippocampe, surtout corne d’Ammon et gyrus denté) ; leur mécanisme d’action
est toujours discuté et ces lésions neuronales sont associées à une atteinte des
oligodendrocytes (voir myélinopathies p. 153).
Pour de rares substances, le mécanisme des lésions neuronales est mieux compris.
C’est le cas de la méthylphényltétrahydropyridine (MPTP) et du manganèse, qui
lèsent spécifiquement les neurones dopaminergiques du système nerveux central :

150
1 Neurotoxicité

̭ La MPTP est une impureté qui a été produite lors de la synthèse illégale de la péthi-
dine (un opiacé utilisé en substitution de l’héroïne), en Californie, à la fin des années
1970. Les utilisateurs de la péthidine contaminée ont rapidement (en quelques jours)
développé un syndrome parkinsonien invalidant et définitif. Chez les personnes décé-
dées et chez les animaux auxquels la MPTP a été secondairement administrée, elle
a produit une dégénérescence des neurones dopaminergiques. Les travaux ultérieurs
ont clarifié le mécanisme de cet effet. La MPTP passe la barrière hémato-encépha-
lique. Dans les astrocytes, elle est oxydée par la monoamine oxydase-B (MAO-B)
en un ion dihydropyridinium (MPDP+), puis en un ion pyridinium (MPP+) et c’est ce
dernier métabolite qui est en capacité de pénétrer dans les neurones dopaminergiques,
en utilisant le mécanisme de transport actif de la dopamine. Dans les neurones dopa-
minergiques, le MPP+ agit comme un poison mitochondrial et bloque la respiration
cellulaire ; il augmente également la production d’espèces réactives de l’O2 (Fig. 8.3).

Tissus
MPTP Métabolisme (monoamine oxydase [MAO] périphériques
et autres enzymes)
Barrière
hémato-
Inhibiteurs de
MPTP encéphalique
la MAO-B (IMAO-B)

MPDP+
Radicaux libres

Inhibiteurs Dopamine
+
de la pénétration MPP
Dommage
membranaire

MPP+ MPP+
Vésicule Cerveau

Pertubation de
l’homéostasie calcique

MPP+ Terminaison
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neuronale
NADH + H+ + CoQ NAD+ + CoQH2
dopaminergique
ADP ATP
inhibition du complexe I

Mitochondrie

Figure 8.3 – Toxicité de la MPTP (d’après Sian et al., 1999).

• L’intoxication chronique par le manganèse se traduit aussi par un syndrome parkinso-


nien et de nombreuses études ont montré : 1) que le manganèse absorbé se concentrait

151
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

transitoirement dans les noyaux gris centraux et les neurones dopaminergiques ; 2) qu’il
y induisait un dysfonctionnement mitochondrial et un stress oxydatif et finalement la
mort neuronale. Les mécanismes impliqués ne sont pas encore parfaitement élucidés.

d) Axonopathies
Les axonopathies sont caractérisées par une atteinte spécifique de l’axone qui dégénère
et avec lui la gaine de myéline, quand le neurone est myélinisé. Le corps cellulaire
est préservé et l’axone peut être régénéré, si l’exposition responsable de l’atteinte est
interrompue.

Gamma-dicétones
La mieux étudiée des axonopathies est celle induite par la 2,5-hexanedione, qui est une
gamma-dicétone. Il s’agit du principal métabolite du n-hexane (et de la n-butylcétone).
L’exposition répétée au n-hexane est responsable d’une neuropathie sensitivomotrice
centrale et périphérique d’évolution ascendante. Elle est caractérisée par l’apparition,
après plusieurs semaines ou mois d’exposition, d’un syndrome déficitaire sensitivo-
moteur, qui touche d’abord les extrémités des membres inférieurs et a une évolution
progressivement ascendante ; après quelques semaines, les membres supérieurs sont, à
leur tour, atteints et le syndrome déficitaire y a la même évolution ascendante. En fait,
d’autres neurones longs et de gros calibres sont simultanément touchés dans le SNC
(en particulier, au niveau des faisceaux pyramidaux), mais ces lésions centrales sont
initialement masquées par les déficits périphériques.
Le mécanisme de l’atteinte est compris : le n-hexane est métabolisé par des mono-
oxygénases à cytochrome P450, en particulier par le CYP2E1 ; son principal métabolite
est la 2,5-hexanedione. Dans les neurones, ce métabolisme est axonal. La 2,5-hexa-
nedione est électrophile ; elle se lie avec des groupements aminés libres de protéines
axonales (des neurofilaments) pour former des adduits pyrrole. L’oxydation secondaire de
ces adduits leur permet de se lier à nouveau avec d’autres neurofilaments, ce qui forme
des amalgames de neurofilaments dont la taille s’accroît progressivement à mesure qu’ils
progressent au long de l’axone, du corps cellulaire vers la périphérie. In fine, l’amas de
neurofilaments obstrue l’axone au niveau d’un nœud de Ranvier. Les flux axonaux étant
interrompus, la partie distale de l’axone se trouve en crise énergétique et dégénère.

Insecticides organophosphorés
Dans les jours ou les semaines suivant une intoxication aiguë ou subaiguë par certains
insecticides organophosphorés peut survenir une axonopathie distale ascendante sensi-
tivomotrice, à prédominance motrice, qui progresse pendant environ 3 mois avant de se
stabiliser et de régresser. Comme pour l’axonopathie des gamma-dicétones, l’atteinte
est, en fait, centrale et périphérique et elle touche d’abord les axones les plus longs à leur
périphérie ; elle a aussi une évolution ascendante et comme avec les gamma-dicétones
des amas neurofilamenteux sont observés au niveau de nœuds de Ranvier périphériques ;

152
1 Neurotoxicité

ils sont associés à une dégénérescence de la portion de l’axone située en aval. Le méca-
nisme de la formation des amas neurofilamenteux n’est pas parfaitement élucidé. La
formation d’adduits, puis de ponts organophosphates, à l’imitation des adduits et des
ponts pyrroles des neuropathies des gamma-dicétones, est supputée par certains auteurs.

Disulfure de carbone
Le disulfure de carbone est à l’origine de neuropathies périphériques, cliniquement et
histologiquement proches de celles induites par les gamma-dicétones. Le mécanisme de
leur production est également proche de celui impliqué avec les gamma-dicétones. C’est
le disulfure de carbone lui-même qui réagit avec les groupements aminés des protéines
pour former des adduits dithiocarbamates. Ceux-ci sont secondairement transformés en
adduits isothiocyanates électrophiles qui réagissent avec d’autres groupements nucléo-
philes protéiques pour produire des ponts thiourée entre protéines et finalement des amas
neurofilamenteux qui finissent par obstruer l’axone.

Autres causes d’axonopathies


D’autres agents chimiques sont responsables d’axonopathies distales ascendantes dont
les mécanismes sont généralement moins bien compris que ceux décrits ci-dessus pour
les gamma-dicétones ou le disulfure de carbone. C’est le cas des insecticides organo-
phosphorés, de l’acrylamide ou de la pyridinethione.
Le β,βʹ-iminodipropionitrile induit des axonopathies avec accumulation de neuro-
filaments, mais dans la partie proximale de l’axone.
La colchicine, le placlitaxel et les alcaloïdes de la vinca sont des poisons tubulaires.
Ils se lient à la tubuline et altèrent l’assemblage ou provoquent la dépolymérisation des
neurotubules.

e) Myélinopathies
Les myélinopathies toxiques peuvent résulter d’un œdème intramyélinique ou de dégéné-
rescence des cellules productrices de myéline (cellules de Schwann au niveau du système
nerveux périphérique et oligodendrocytes au niveau du SNC).
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Triéthylétain
Au début des années 1950, en France, la présence dans une préparation antiseptique
(Stalinon®) à base de diododiéthylétain d’impuretés de triéthylétain (TET) a été à l’ori-
gine d’une épidémie d’encéphalopathie : plus de 200 cas en ont été recensés, dont une
centaine ont été mortels. Les premières manifestations cliniques apparaissaient quelques
jours après le début de l’exposition ; il s’agissait de signes d’hypertension intracrânienne
(céphalées, nausées, vomissements, puis rapidement troubles de la vision, confusion,
coma et convulsions). À l’autopsie, les malades décédés avaient un œdème de la substance
blanche avec de sévères altérations des oligodendrocytes.

153
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Ces atteintes cérébrales ont été confirmées et précisées par l’expérimentation animale.
Dans plusieurs espèces, l’administration unique ou répétée de TET a reproduit l’encé-
phalopathie spongiforme observée chez l’Homme : œdème du cerveau et de la moelle
épinière, spongiose de la substance blanche résultant de nombreuses vacuoles. Histologi-
quement, le corps cellulaire et les axones des neurones étaient préservés ; la vacuolisation
apparaissait au sein de la myéline dans les oligodendrocytes. Biochimiquement,
la composition de la myéline était inchangée. C’est sa production qui était inhibée.
La cible cellulaire du TET semble être mitochondriale et la panne énergétique corollaire
(blocage de la phosphorylation oxydative et du cycle de Krebs) explique probablement les
effets observés. L’oligodendrocyte lui-même est longtemps préservé et, en conséquence,
les lésions régressent assez rapidement, à l’arrêt de l’exposition.

Hexachlorophène
Dans les années 1970, l’application cutanée de talc contenant de l’hexachlorophène a été
à l’origine d’assez nombreux cas d’encéphalopathie démyélinisante, chez des nourris-
sons. Ce composé lipophile passe facilement la barrière hémato-encéphalique. Comme
le triéthylétain, il est responsable d’une encéphalopathie spongiforme. Le mécanisme
des effets neurotoxiques de l’hexachlorophène n’est pas parfaitement élucidé. Il semble
que, comme avec le TET, la cible principale soit les mitochondries des oligodendrocytes.

Tellure
Il n’y a pas de cas humain publié de neuropathie au tellure. Expérimentalement, dans
plusieurs espèces animales, cet élément a produit de sévères atteintes démyélinisantes,
centrales et périphériques. Le tellure perturbe la synthèse de la myéline : il inhibe
la synthèse du cholestérol et des cérébrosides (lipides richement représentés dans la
myéline), dans les oligodendrocytes et les cellules de Schwann. Le squalène, précurseur
du cholestérol, s’y accumule : selon certains auteurs, la squalène-époxydase serait la prin-
cipale cible du tellure. Les cellules de Schwann et les oligodendrocytes qui sont les plus
vulnérables aux effets du tellure sont ceux qui assurent la myélinisation des plus grandes
portions d’axones (parce que ce sont les cellules qui doivent assurer la maintenance de
la plus grande quantité de myéline). À l’arrêt de l’exposition, les lésions démyélinisantes
sont rapidement corrigées.

Toxine diphtérique
La toxine produite par Corynebacterium diphteriae est un polypeptide d’une masse
molaire de 63 000 daltons. Elle est responsable d’une neuropathie motrice touchant
presque exclusivement les nerfs crâniens. Le déficit résulte d’une démyélinisation. C’est la
toxine entière qui pénètre dans les cellules de Schwann. Dans le cytosol de ces dernières,
elle est clivée en deux fragments, A et B. C’est le fragment A (PM 24 000 daltons) qui est
à l’origine des effets neurotoxiques en bloquant la synthèse protéique. L’atteinte sélective
des nerfs crâniens a une explication trivialement topographique : le bacille prolifère dans
la gorge et ce sont les nerfs voisins qui sont touchés.

154
2 Pneumotoxicité

1.4 Conclusion
Cette rapide revue des effets neurotoxiques des substances naturelles ou de synthèse n’a,
par essence, pas de prétention d’exhaustivité. Elle vise seulement à décrire les princi-
pales cibles des agents neurotoxiques, les modalités d’exploration de ces derniers et les
mécanismes impliqués. Tous les effets neurotoxiques possibles ne sont pas évoqués : par
exemple, ne sont traités ni les effets toxiques pour les astrocytes ou l’implication de la
microglie dans les effets neurotoxiques, ni les effets dépresseurs du SNC, ou les troubles
cognitifs induits par l’exposition répétée à certains agents (solvants organiques, métaux).
Les choix faits ne sont pas complètement arbitraires : ils ont été principalement guidés
par la connaissance des mécanismes impliqués. C’est selon le même principe qu’ont été
sélectionnés les exemples retenus pour illustrer ces mécanismes.

2 Pneumotoxicité
Les atteintes respiratoires d’origine toxique couvrent un spectre très large de types
d’atteintes en fonction de la nature du toxique en cause. Elles sont susceptibles
d’affecter différents étages de l’appareil respiratoire : zone de conduction (trachée, bronches,
bronchioles), zone d’échange (alvéoles) et enveloppe (plèvre). Les atteintes respiratoires
toxiques peuvent survenir à court terme (de façon aiguë) ou à long terme après des
expositions répétées. Nous n’aborderons pas ici les pathologies respiratoires d’origine
médicamenteuse (pour en savoir plus, un site leur est dédié, http://www.pneumotox.com/),
infectieuse ou immunologique. De même, les pathologies pulmonaires post-tabagiques ou
consécutives à la pollution atmosphérique provenant de sources anthropogéniques (trafic
automobile, activités industrielles et domestiques…) et naturelles (éruptions volcaniques,
feux de forêt…) ne sont pas développées ici.
Les atteintes respiratoires d’origine toxique peuvent survenir à court terme (aiguës)
ou à long terme après le plus souvent des expositions répétées dans le temps.

2.1 Rappels anatomiques et histologiques de l’appareil


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respiratoire chez l’Homme


L’appareil respiratoire est subdivisé en deux zones : la zone extra-thoracique et la zone
thoracique. La zone extra-thoracique comprend les voies aériennes supérieures (cavité
nasale, nasopharynx, larynx et trachée extra-thoracique). La zone thoracique comprend
la trachée intrathoracique qui se divise de façon dichotomique donnant deux bronches
souches, l’une pour le poumon gauche et l’autre pour le poumon droit. Le poumon gauche
est composé de deux lobes (inférieur et supérieur) et le poumon droit de trois lobes
(inférieur, moyen et supérieur). Chaque poumon est enveloppé par une séreuse : la plèvre
composée d’un feuillet pariétal et d’un feuillet viscéral. Les bronches se divisent 23 fois
pour aboutir aux bronchioles terminales puis aux bronchioles respiratoires et enfin aux

155
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

alvéoles (300 millions) représentant une surface d’échange totale d’environ 180 m2. La
zone de conduction part de la cavité nasale jusqu’aux bronches. La zone intermédiaire
correspond aux bronchioles et la zone d’échange correspond à la région alvéolaire.
La paroi des bronches est composée d’une muqueuse, d’une sous-muqueuse et d’une
musculeuse composée de myocytes lisses et une partie cartilagineuse. La muqueuse
bronchique est composée de plusieurs types cellulaires, notamment des cellules ciliées,
des cellules caliciformes (ou à mucus), des cellules neuro-endocrines et des cellules
basales permettant le renouvellement cellulaire. Les bronchioles sont en outre composées
de cellules de Clara contenant du cytochrome P450. Les bronchioles respiratoires sont
dépourvues de muscle lisse.
Les alvéoles sont composées de pneumocytes de type I et de type II. Le pneumocyte
de type I fait partie de la membrane alvéolo-capillaire avec la cellule endothéliale du
capillaire permettant les échanges gazeux d’O2 et de CO2. Les pneumocytes de type II
produisent le surfactant qui est un liquide macromoléculaire composé de phospholipides
et de protéines permettant la béance alvéolaire lors de l’expiration et peuvent se différen-
cier en pneumocytes de type I lors de leur prolifération en cas d’agressions chimiques
par exemple. Les macrophages alvéolaires sont présents à la surface des alvéoles dans le
surfactant. Ceux-ci sont doués de phagocytose permettant de phagocyter des particules
notamment.
La clairance pulmonaire comprend plusieurs mécanismes : la clairance muco-ciliaire
(épuration rapide vers le carrefour aérodigestif), la clairance immunologique (macro-
phages alvéolaires et polynucléaires neutrophiles notamment) et l’épuration lymphatique.

2.2 Physiopathologie des atteintes respiratoires aiguës


et subaiguës d’origine toxique
Elles résultent le plus souvent d’une exposition accidentelle unique d’origine profession-
nelle, domestique ou environnementale à une substance toxique inhalée, comme lors
de la catastrophe industrielle de Bhopal en 1984 due à une intoxication à l’isocyanate
de méthyle. Les intoxications accidentelles au chlore ou aux hydrocarbures pétroliers,
mais également l’utilisation de gaz vésicants lors de la première guerre mondiale ou de
la guerre Iran-Irak en sont des exemples retentissants. Beaucoup plus rarement, une sub-
stance chimique peut être ingérée et atteindre par voie systémique l’appareil respiratoire
et causer des dommages (exemple des ingestions accidentelles ou volontaires de paraquat).
Une substance chimique inhalée peut se présenter sous forme d’un gaz, d’une vapeur,
ou d’un aérosol plus ou moins complexe d’origine minérale naturelle (particules métal-
liques, particules minérales non fibreuses ou fibreuses) ou artificielle, mais également
d’origine organique naturelle simple ou complexe (agents biologiques…) ou artificielle
(produits de dégradation thermique de matières plastiques, produits phytosanitaires,
médicaments…). Une substance chimique inhalée peut exercer, selon les cas, une action
toxique directe et/ou indirecte sur l’appareil respiratoire.

156
2 Pneumotoxicité

a) Pénétration et déposition des substances chimiques dans


l’appareil respiratoire
Le site et la sévérité de l’atteinte pulmonaire causée par une substance chimique inhalée
dépendent essentiellement des caractéristiques physico-chimiques de celle-ci (hydro-
solubilité/liposolubilité, pH, etc.), ainsi que de sa concentration atmosphérique et de la
dose inhalée par l’individu.

Degré de pénétration et de déposition


Ils dépendent en particulier de leur granulométrie pour les aérosols particulaires. Ainsi,
chez l’Homme, les particules d’un diamètre aérodynamique supérieur à 5 μm se déposent
préférentiellement au niveau des voies aériennes supérieures et celles de plus petite
taille (< 5 μm) se déposent davantage dans le poumon profond, dans les bronchioles et
les alvéoles. En revanche, pour les nanoparticules (diamètre < 100 nm) soumises à des
mouvements de diffusion, la déposition est moins importante au niveau alvéolaire et plus
importante au niveau du nasopharynx et de l’arbre trachéobronchique, surtout pour les
nanoparticules inférieures à quelques dizaines de nm.

Degré d’hydrosolubilité d’une substance chimique inhalée


Le caractère plus ou moins hydrosoluble conditionne le site d’action et la latence d’appa-
rition des symptômes respiratoires. En effet, une substance chimique irritante :
• hydrosoluble affecte principalement les voies aériennes supérieures, causant une
rhinite, une laryngite, une pharyngite, une trachéite ou une bronchite aiguë. En effet,
elle est facilement absorbée par les différents milieux liquidiens (voies aériennes supé-
rieures). L’apparition immédiate de ces signes cliniques constitue un signal d’alarme
pour le sujet exposé permettant de se soustraire rapidement de cette atmosphère nocive
et prévenant ainsi une exposition massive ;
• moyennement hydrosoluble peut irriter les voies aériennes supérieures, mais aussi
le poumon profond, lors d’expositions importantes ou prolongées, et causer un œdème
aigu du poumon lésionnel ;
• peu hydrosoluble voire lipophile a un faible pouvoir irritant et va plus facilement
atteindre le poumon profond, causant, selon les cas, un œdème aigu pulmonaire
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

lésionnel retardé, c’est-à-dire survenant après un temps de latence de plusieurs heures.


De telles expositions peuvent être parfois tolérées sans grande difficulté.
À noter : lors d’une inhalation massive d’agents chimiques irritants hydrosolubles, le
caractère d’hydrosolubilité joue un rôle moindre, car l’asphyxie par manque d’oxygène
s’associe à la nocivité propre de la substance chimique inhalée entraînant un œdème
aigu pulmonaire d’apparition plus ou moins retardée. Dans ce cas, la densité de la subs-
tance chimique inhalée a une grande importance, notamment lorsque les intoxiqués se
réfugient dans des poches d’air déclives et s’intoxiquent à cause de l’accumulation dans
celles-ci des agents chimiques plus denses que l’air.

157
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

b) Seuil d’olfaction
Certaines substances chimiques ont des seuils de détection olfactive auxquels sont
associées des notions de danger et de toxicité, avec parfois pour une même substance
chimique, une grande variabilité selon les auteurs.
Il est important de souligner que :
• la sensation d’irritation de la muqueuse nasale et l’olfaction empruntent des voies
neurophysiologiques très différentes ;
• la non-perception d’une odeur n’est pas forcément associée à une innocuité de l’agent
chimique ;
• des facteurs physiologiques (accoutumance à une odeur, température et degré d’hygro-
métrie) et des facteurs pathologiques (rhinite, altération quantitative et/ou qualitative
de l’odorat notamment) peuvent expliquer une partie de la variabilité de la perception
olfactive interindividuelle et intra-individuelle.
La dose inhalée dépend de la concentration atmosphérique de la substance chimique
inhalée, de la durée d’exposition, du mode ventilatoire du sujet exposé (dépendant notam-
ment du mode d’inspiration [buccale ou nasale] ou de l’intensité de l’activité physique
[débits ventilatoires augmentés lors de l’effort physique]), mais également des moyens de
protection respiratoire portés par la victime lors de l’exposition. Le terrain de la victime
est également un élément important à prendre en compte en cas d’intoxication : des
maladies préexistantes, comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO),
altèrent l’épithélium bronchique et affectent ainsi la clairance muco-ciliaire bronchique.

2.3 Pathologies respiratoires aiguës d’origine toxique

a) Fièvres d’inhalation
Elles regroupent trois syndromes pseudo-grippaux : la fièvre des métaux, la fièvre des
polymères et le syndrome toxique des poussières organiques.
La physiopathologie des fièvres d’inhalation reste encore mal connue. La fièvre des
métaux semble être due à une activation non spécifique, c’est-à-dire d’origine non aller-
gique, des macrophages alvéolaires et des cellules épithéliales pulmonaires par une
cascade de libération de médiateurs de l’inflammation, tels que les interleukines IL-6
et IL-8, et le TNFα. Dans le syndrome toxique des poussières organiques, une réaction
inflammatoire à des composants toxiques de matériels végétaux ou à des contaminants
bactériens et fongiques semble être d’origine non allergique, médiée par des cytokines.

Fièvre des métaux


Elle est engendrée par l’inhalation de fumées d’oxydes métalliques (comme des oxydes
de zinc par exemple) dont la fréquence semble être sous-estimée en raison de son carac-
tère non spécifique et bénin. Connue sous les noms de « fièvre du lundi » et « fièvre
des fondeurs ou des soudeurs », elle peut être aussi observée lors de travaux de brico-
lage. L’inhalation d’un aérosol de particules d’oxydes métalliques lors d’opérations de

158
2 Pneumotoxicité

chauffage portant des métaux en fusion, de pulvérisations de métaux sur des surfaces
ou de galvanisation peuvent engendrer une fièvre des métaux. Selon certains auteurs,
d’autres oxydes métalliques que les oxydes de zinc pourraient également causer une
fièvre des métaux (cuivre, magnésium, aluminium, antimoine, fer, manganèse, nickel,
sélénium, argent, étain et cadmium), mais de façon moins documentée, sauf pour le
cuivre. La fièvre des métaux ne doit pas être confondue avec une pneumopathie chimique
induite par certains métaux ou une pneumopathie d’hypersensibilité, éventualité rare
mais démontrée pour les oxydes de zinc.

Fièvre des polymères


La fièvre des polymères est la plus rare des fièvres d’inhalation. Elle a été décrite lors de
l’inhalation de fumées des produits de dégradation thermique de polymères fluorés, tels
que le Téflon® ou polytétrafluoroéthylène (PTFE), chauffés à environ 300 °C. Elle peut
aussi survenir lors de l’inhalation des produits de dégradation thermique de matières
plastiques, telles que le polychlorure de vinyle (PVC) ou d’autres polymères chlorés,
le polyuréthane ou d’autres polymères contenant des retardateurs de flammes bromés.

Syndrome toxique des poussières organiques (ou mycotoxicose pulmonaire)


Il s’agit d’une pathologie fréquente dans certaines professions (incidence annuelle
estimée à 1 % chez certains fermiers), survenant après une exposition unique et impor-
tante à des poussières d’origine agricole souvent contaminées par des spores fongiques
et des endotoxines : lors du déchargement de silos, lors de la fermentation de végétaux,
notamment de graines, dans des manufactures de coton, dans des scieries, dans des
champignonnières, dans des élevages de porcs et de chevaux. Il a été rapporté des cas
en présence d’humidificateurs.

Diagnostic, diagnostic différentiel, traitement et évolution


Les symptômes initiaux apparaissent 4 à 8 heures après une exposition (le plus souvent
le soir succédant l’exposition) et comprennent un syndrome pseudo-grippal associant
une fièvre transitoire habituellement entre 39 et 40 °C (pic maximum entre 9 à 12 heures
après le début de l’exposition et disparition en moins de 24 à 48 heures), une sensation
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de malaise général (de façon inconstante, frissons, céphalées, myalgies, nausées voire
vomissements). Dans le cas de la fièvre des métaux, une sensation de goût métallique
dans la bouche peut être ressentie. Les symptômes respiratoires sont habituellement
modérés, comprenant principalement des signes d’irritation des voies aériennes supé-
rieures avec parfois des symptômes plus sévères avec une dyspnée. L’examen physique
est habituellement normal. Cependant, l’auscultation pulmonaire peut attirer l’attention,
car parfois des râles crépitants sont perçus dans les cas les plus graves.
Au niveau des examens complémentaires, il existe habituellement une polynucléose
sanguine à polynucléaires neutrophiles précoce et transitoire comme la fièvre. Le liquide
de lavage broncho-alvéolaire montre, le plus souvent dans les 24 premières heures après
l’exposition, une augmentation importante des polynucléaires neutrophiles, représentant

159
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

10 à 60 % des cellules. La radiographie thoracique est habituellement normale. Dans


certains cas, des infiltrats pulmonaires peuvent être visualisés sur l’imagerie thora-
cique. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) sont le plus souvent normales ;
parfois, dans le cas des syndromes toxiques des poussières organiques, un trouble venti-
latoire restrictif (TVR) modéré peut être observé. De même, dans les cas les plus sévères,
une diminution précoce de la capacité vitale, du VEMS et du coefficient de diffusion
du monoxyde de carbone (KCO) peut être observée, ainsi qu’une hypoxémie transitoire
modérée.
Le diagnostic positif des fièvres d’inhalation repose essentiellement sur un interroga-
toire minutieux, avec la mise en évidence d’une exposition à un agent étiologique dans
les 24 heures précédant l’apparition du syndrome pseudo-grippal. Une méconnaissance
fréquente de ces syndromes conduit à une piste infectieuse virale, amenant parfois à
pratiquer des examens invasifs inutiles dans les formes sévères. Les diagnostics d’asthme
ou de pneumopathie d’hypersensibilité sont parfois avancés, alors même que la sympto-
matologie respiratoire et clinique caractéristique de l’une ou l’autre pathologie est absente.
Contrairement à la maladie du poumon de fermier (pneumopathie d’hypersensibilité), il
n’existe pas d’anticorps précipitants dans les syndromes toxiques aux poussières orga-
niques. Le meilleur paramètre, en plus de l’interrogatoire, est la prise quotidienne de
la température dès qu’une fièvre d’inhalation est suspectée. Le suivi de la numération
leucocytaire dans le sang peut apparaître utile.
La guérison spontanée sans séquelles est la règle en l’absence de tout traitement. Dans
le cas de la fièvre des métaux et le syndrome toxique des poussières organiques, il est
rapporté un phénomène de tolérance chez les sujets exposés de façon chronique. En effet,
la fréquence et la sévérité des accès fébriles s’estompent progressivement avec le temps.
Cependant, une interruption de l’exposition (arrêt de travail, congés ou week-end) peut
faire disparaître ce phénomène de tolérance avec la réapparition des symptômes après
un réexposition. En revanche, le phénomène de tolérance ne semble pas exister dans la
fièvre des polymères. Dans la littérature, il a été rapporté des cas d’œdème pulmonaire
et un cas de fibrose pulmonaire consécutifs à des fièvres des polymères.
Le traitement des fièvres d’inhalation est donc symptomatique à base essentiellement
d’antipyrétiques.

b) Pneumopathies aiguës d’origine toxique


Un très grand nombre de substances chimiques peut causer des pneumopathies aiguës
d’origine toxique. Elles peuvent être sous forme de gaz, d’aérosol liquide ou particulaire.
Dans le cas, par exemple, de fumées d’incendie, de combustion de bois ou de matières
plastiques, des gaz et des aérosols particulaires peuvent coexister. Les pneumopathies
aiguës chimiques peuvent aussi être le fait de substances chimiques ingérées, comme les
solvants organiques (trichloroéthylène, méthanol…), les hydrocarbures pétroliers (essence,
gasoil…), des produits phytosanitaires, comme le paraquat ou les organophosphorés.

160
2 Pneumotoxicité

Symptomatologie des pneumopathies aiguës d’origine toxique


La réponse de l’appareil respiratoire à une agression chimique aiguë est rarement
spécifique de l’agent chimique. De façon générale, une exposition à un agent irritant
hydrosoluble occasionnera une toux importante, un enrouement, des expectorations blan-
châtres parfois associées à des filets de sang, un sifflement laryngé ou un stridor et une
douleur rétrosternale. La survenue d’un œdème laryngé peut causer, dans certains cas,
le décès du sujet exposé. Les substances moins hydrosolubles inhalées peuvent atteindre
plus facilement le poumon profond et la région alvéolaire et occasionner éventuellement
des œdèmes pulmonaires non cardiogéniques ou lésionnels avec un temps de latence
de plusieurs heures.
Il est très important de ne pas méconnaître la gravité de tels accidents
chimiques. En effet, les victimes peuvent se sentir parfaitement bien et désirer
rentrer à leur domicile ou se rendre par leurs propres moyens chez le médecin ou aux
urgences. Quelques heures après l’inhalation, apparaissent une dyspnée progressive,
une respiration superficielle, une cyanose, des expectorations mousseuses rosées et
parfois une insuffisance respiratoire aiguë. Ainsi, le tableau clinique de syndrome
de détresse respiratoire aigu (SDRA) peut survenir de façon progressive entre 4
et 72 heures, et ceci même après une période d’amélioration clinique. Du fait de
la perturbation des mécanismes de protection des voies respiratoires suite à une
exposition chimique aiguë (destruction de l’épithélium respiratoire, perturbation de
la clairance muco-ciliaire, encombrement bronchique dû aux débris cellulaires et
à l’inflammation), une complication infectieuse pulmonaire peut survenir dans les
jours suivant l’accident chimique.
Selon les circonstances de l’accident, la victime peut présenter des brûlures
faciales thermiques ou chimiques, ainsi que des signes d’irritation, des œdèmes
et même une hémorragie ou des ulcérations des voies respiratoires. L’auscultation
cardio-pulmonaire peut retrouver des râles crépitants, sibilants ou des ronchi. La
spirométrie peut montrer une fonction respiratoire altérée avec un trouble ventilatoire
obstructif (TVO), un TVR ou mixte selon le site atteint. Les gaz du sang peuvent
révéler une hypoxémie et une acidose respiratoire selon la sévérité de l’atteinte. La
radiographie thoracique est habituellement normale si les voies aériennes supérieures
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sont les seules à être atteintes, mais des signes radiologiques d’épaississements péri-
bronchiques peuvent être visualisés. Dans les cas de pénétration d’agents chimiques
dans le poumon profond, la radiographie thoracique est normale durant la période
de latence. Puis, progressivement, apparaissent un syndrome interstitiel, un œdème
alvéolaire, des infiltrats pulmonaires, des atélectasies, voire même des poumons
blancs. À ces signes radiologiques, peuvent se surajouter des images radiologiques
d’infection bronchopulmonaire.
Selon le type d’agent chimique impliqué et les circonstances de l’accident chimique,
d’autres complications peuvent survenir et d’autres organes peuvent être atteints.

161
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Agents chimiques à l’origine des pneumopathies chimiques aiguës


Les principaux agents chimiques à l’origine des pneumopathies chimiques aiguës sont
présentés dans le tableau 8.1.

Tableau 8.1 Agents étiologiques des pneumopathies aiguës d’origine toxique

Très hydrosolubles : ammoniac, dioxyde de soufre, acide


chlorhydrique…
Gaz
Moyennement hydrosolubles : dichlore, sulfure d’hydrogène
Faiblement hydrosolubles : ozone, dioxyde d’azote, phosgène
Acides organiques : acide acétique
Aldéhydes : formaldéhyde, acroléine, glutaraldéhyde
Substances chimiques Isocyanates : méthyl-isocyanate, toluène diisocyanate
organiques Amines : hydrazine, chloramines
Gaz lacrymogènes (CS, CN…)
Gaz de combat : gaz moutarde
Solvants organiques Perchloroéthylène, trichloroéthylène et autres
Paraquat
Produits phytosanitaires
Organophosphorés
Vapeurs mercurielles
Métaux Oxydes métalliques : CdO, V2O5, MnO, Os3O4…
Alliages : ZnCl2, TiCl4, SbCl5, UF6, Ni(CO)4
Hydrures métalliques : B2H5, LiH, AsH3, SbH3
Fumées d’incendie
Mélanges complexes Produits de dégradation thermique de matières plastiques
Mélanges de solvants organiques et polymères fluorocarbonés
(sprays imperméabilisants)

Gaz à fort potentiel irritant


Le pouvoir irritant des gaz très hydrosolubles est un excellent signal d’alarme pour la
victime, permettant au sujet exposé, en général, de se soustraire dans des délais extrê-
mement brefs, occasionnant une irritation simple des voies aériennes supérieures. En
revanche, lorsqu’un retrait rapide n’est pas possible, le potentiel toxique est alors accru
avec une atteinte plus sévère des voies aériennes supérieures, des bronches et du paren-
chyme pulmonaire, et ce d’autant plus si la concentration du gaz irritant ou la durée de
l’exposition sont importantes.
• Ammoniac (NH3) : gaz incolore avec une odeur âcre, moins dense que l’air et très
hydrosoluble. Le NH3 se dégage lors de la putréfaction de matières organiques, notam-
ment dans les égouts, les fosses à purin ou les élevages confinés, au niveau des fours
à coke ou des usines à gaz. Il est utilisé comme produit phytosanitaire et employé
dans les industries de fabrication de matières plastiques et de raffinage du pétrole.
Des accidents survenus dans des mines ou des sites de l’industrie chimique avec un
relargage important de NH3 ont été décrits dans la littérature.
• Dioxyde de soufre (SO2) : gaz incolore, plus dense que l’air. Le SO2 est utilisé comme
agent de blanchiment dans l’industrie papetière ou dans l’industrie chimique de
synthèse. Des accidents ou des explosions dans des mines ou des sites de l’industrie
chimique avec un relargage important de SO2 ont été décrits.

162
2 Pneumotoxicité

Gaz à potentiel irritant moindre


Il s’agit de molécules chimiques moins hydrosolubles.
• Chlore (ou dichlore, Cl2) : gaz jaune-verdâtre, d’odeur âcre, plus dense que l’air et
faiblement hydrosoluble. L’inhalation accidentelle de Cl2 est probablement l’une des
causes les plus fréquentes d’inhalation de gaz irritants, non seulement dans le milieu
industriel, mais aussi en milieu domestique ou dans des lieux publics, comme lors
de la désinfection des piscines. Le Cl2 est utilisé comme désinfectant (traitement
de l’eau) ou agent blanchissant (industrie textile, papetière ou en blanchisserie). Les
substances chimiques obtenues à partir du Cl2 sont par exemple l’acide chlorhydrique,
l’hypochlorite de sodium (eau de javel, NaClO), le chlorure de zinc et de calcium et des
composés chlorés organiques, tel que le phosgène (COCl2). Les mélanges de certains
produits ménagers domestiques sont la cause de pneumopathies chimiques aiguës
sévères dont l’origine toxique n’est pas d’emblée reconnue (mélange de l’eau de javel
avec des produits contenant des acides, comme les produits détartrants pour toilettes).
Il s’ensuit une réaction chimique conduisant au relargage de Cl2 dans l’atmosphère
sous la forme d’une fumée blanchâtre. De même, l’utilisation de produits chlorés pour
la désinfection de piscine, tels que l’eau de javel, génère, notamment au contact de
l’urine contenant des ions ammoniaque, des composés volatiles appelés chloramines.
• Sulfure d’hydrogène (ou hydrogène sulfuré, SH2) : gaz incolore avec une odeur
caractéristique d’œuf pourri avec une densité supérieure à celle de l’air. Le SH2 est
produit lors de la décomposition de matières organiques, notamment dans les puits,
les égouts, les cales de bateaux de pêche en raison de la putréfaction de poissons
notamment gras (saumons…) ou de navires transportant des graines (fermentation
notamment de fèves de cacao), les étables d’élevages de porcs, mais aussi lors de la
fabrication de fumier et dans les tanneries ou lors du nettoyage de cuves contenant des
matières organiques soufrées avec des produits d’acides. Le SH2 est un contaminant
rencontré dans les raffineries de pétrole ou de gaz naturel. Le SH2 a non seulement
un pouvoir irritant pour les voies aériennes, mais il provoque également une asphyxie
cellulaire. Le SH2 est un puissant inhibiteur de la cytochrome-oxydase mitochondriale,
appelée complexe IV (dernière enzyme de la chaîne respiratoire mitochondriale), par
sa fixation au fer trivalent de l’hème, bloquant ainsi la chaîne de transfert d’électrons
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à l’oxygène, entraînant une hypoxie cellulaire (voir « Hématotoxicité », p. 186). Les


sujets victimes d’une inhalation massive de SH2 peuvent présenter un œdème pulmo-
naire hémorragique, mais aussi une pneumopathie quelques jours après l’exposition.
• Isocyanate de méthyle (CH3CNO) : à l’origine de la catastrophe industrielle de Bhopal
en Inde en 1984, avec plusieurs milliers de décès et plusieurs centaines de milliers
de personnes intoxiquées. Il provoque une irritation oculaire très intense, ainsi que
des voies aériennes. Il peut engendrer un œdème pulmonaire aigu, et à terme de
nombreuses séquelles respiratoires (fibrose interstitielle diffuse, RADS « reactive
airways dysfunction syndrome » et bronchiolite chronique oblitérante), mais égale-
ment non respiratoires (effets neurologiques, oculaires, reproductifs et psychologiques).

163
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Gaz à faible potentiel irritant


Les gaz faiblement hydrosolubles sont potentiellement les plus dangereux, du fait de
l’absence d’effet irritant. Ils vont pénétrer dans le poumon profond jusqu’à la région
bronchiolo-alvéolaire avec une dose cumulative croissante avec l’installation progressive
de lésions épithéliales et endothéliales pulmonaires à l’origine d’un œdème pulmonaire
non cardiogénique d’apparition retardée. Les exemples les plus connus concernent les
intoxications par le dioxyde d’azote, l’ozone et le phosgène ou chlorure de carbonyle.
• Dioxyde d’azote (NO2) : gaz rouge-brun plus dense que l’air. Le NO2 est en général en
équilibre avec le monoxyde d’azote (NO) et le peroxyde d’azote (N2O4). Il est rencontré
dans une multitude d’activités professionnelles. En milieu agricole, la pathologie
pulmonaire des ensileurs est due à l’exposition par inhalation de NO2 provenant de
la fermentation notamment du fourrage présent depuis quelques jours dans un silo,
exposant ainsi les sujets pénétrant à l’intérieur à un risque d’intoxication pulmonaire
fatale avec la survenue d’un œdème pulmonaire aigu non cardiogénique. D’autres
accidents ont été décrits avec d’importantes concentrations de NO2 lors d’une fuite
importante, de combustion ou d’explosion de réservoir d’acide nitrique (HNO3) ou de
N2 en milieu industriel. Il existe de nombreuses situations d’exposition au NO2, par
exemple lors de la production ou de l’utilisation de certains produits phytosanitaires
fertilisants, d’explosifs, de la combustion de tout type de carburants ou de travaux de
soudage ou oxycoupage.
• Ozone (O3) : gaz à fort potentiel oxydatif, principalement rencontré dans la pollution
atmosphérique. L’O3 est à l’origine de syndromes irritatifs, d’inflammations et de gênes
fonctionnelles respiratoires. À ce jour, aucune pathologie pulmonaire aiguë grave
consécutive à l’inhalation d’O3 en milieu professionnel n’a été décrite (réalisation de
photocopies, d’impressions laser ou de travaux de soudage).
• Phosgène (COCl2) : gaz connu pour causer des œdèmes pulmonaires. Il a été utilisé
lors de la première guerre mondiale comme gaz de combat et a été couramment
employé dans l’industrie. Actuellement, le COCl2 est utilisé dans de multiples appli-
cations industrielles en chimie de synthèse (synthèse des isocyanates).
Cas particulier des agents lacrymaux et des armes chimiques
• Agents lacrymaux : agents neutralisants communément appelés gaz lacrymaux. Ils
sont utilisés pour le maintien de l’ordre ou comme arme de défense personnelle. Ils
sont composés d’agents chimiques particulièrement irritants, comme l’ortho-chlo-
robenzalmalononitrile (CS), l’1-chloroacétophénone (CN) et la capsaïcine. Leur action
est, en général, de courte durée et limitée à un effet irritant des muqueuses oculaires
et des voies aériennes supérieures. Cependant, leur utilisation dans un espace confiné
peut provoquer de graves lésions pulmonaires. Des cas d’œdèmes aigus pulmonaires
retardés et des bronchospasmes ont été décrits avec le CS.
• Armes chimiques : ils comprennent des agents létaux, comme les gaz suffocants
(dichlore, chloropicrine, perfluoroisobutylène [PFIB], phosgène, diphosgène), certains

164
2 Pneumotoxicité

poisons mitochondriaux (chlorure de cyanogène [CK]) et les gaz vésicants (la Lewisite
[2-chlorovinyldichlorarsine] et l’ypérite appelée gaz moutarde [sulfure de 2,2'-dichlo-
rodiéthyle]). Les gaz vésicants sont très irritants, pouvant occasionner un œdème aigu
du poumon lésionnel retardé, mais dans des délais plus brefs dans le cas de la Lewisite.
L’ypérite a été notamment employée lors du conflit Iran-Irak causant chez les sujets
exposés de sévères lésions broncho-pulmonaires et des neutropénies retardées et des
séquelles respiratoires, avec notamment des trachéomalacies, des hyperréactivités
bronchiques et des bronchiolites oblitérantes.

Substances organiques
• Solvants organiques : rarement la cause de pathologies pulmonaires aiguës. Néan-
moins, des expositions aiguës, à de très fortes concentrations, à des vapeurs solvantées
dans des espaces confinés peuvent être à l’origine de pneumopathies chimiques et
d’œdèmes pulmonaires souvent chez des victimes ayant perdu connaissance lors de
l’accident.
• Produits phytosanitaires : les substances organiques utilisées en milieu agricole
peuvent causer des pathologies pulmonaires toxiques sans inhalation, mais uniquement
après ingestion de certains produits phytosanitaires, par exemple le paraquat qui est
le plus connu ou la famille des organophosphorés.
– Le paraquat (1,1 diméthyl 4,4′ bipyridylium) est un herbicide utilisé sur toutes
les cultures (viticoles, maraîchères, céréalières…). Après ingestion orale, il est
rapidement absorbé par voie intestinale avec un pic maximal à 2 heures et
accède à l’appareil respiratoire et à d’autres organes (reins, foie) par la circulation
sanguine. En revanche, il est faiblement absorbé (moins de 10 %) par voie cuta-
née ou respiratoire. La dose létale minimale est estimée entre 35 et 40 mg/kg.
Il exerce une toxicité spécifique sur l’épithélium pulmonaire en induisant une
peroxydation lipidique, après transformation de l’oxygène en anion superoxyde
par sa forme réduite et une déplétion en NADPH. L’intoxication se déroule en
trois phases. Dans la phase initiale, des lésions caustiques très douloureuses se
traduisent par des douleurs pharyngées et abdominales, et des vomissements.
Des formes suraiguës peuvent entraîner le décès du sujet exposé par une insuf-
fisance respiratoire suite à un œdème pulmonaire non cardiogénique et à une
hémorragie alvéolaire dans un tableau de SDRA ou dans le cadre d’une dé-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

faillance multiviscérale. Une seconde phase débutant environ 24 heures après


l’ingestion, comprenant une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique ou à diu-
rèse conservée par tubulopathie s’installe progressivement (voir « Néphrotoxi-
cité » p. 194). Dans une dernière phase, quelques jours après l’ingestion, une
fibrose pulmonaire retardée et progressive s’installe, aboutissant à un décès dans
un tableau d’hypoxémie réfractaire.
– Les inhibiteurs de l’acétyl cholinestérase, tels que les insecticides organo-
phosphorés ou les carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques, sont
également à l’origine d’intoxications pulmonaires avec la survenue successi-
vement de bronchospasmes et de bronchorrhées dans le cadre d’un syndrome

165
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

muscarinique et d’une dépression respiratoire dans le cadre d’un syndrome


nicotinique avec parfois un œdème pulmonaire retardé.

Substances chimiques métalliques


De façon générale, les principes précédemment abordés avec les gaz irritants sont rela-
tivement applicables aux composés métalliques dont la plupart exercent une toxicité sur
l’appareil respiratoire, mais également sur d’autres organes. Ces composés métalliques
peuvent être inhalés sous forme de sels, de particules ou de fumées. Dans ce dernier
cas, il s’agit le plus souvent d’oxydes métalliques.
• Cadmium : parmi les pathologies pulmonaires aiguës induites par des métaux, les
pathologies pulmonaires aiguës liées à une exposition au cadmium sont certainement
parmi les mieux documentées. Le cadmium est utilisé pour faire des revêtements
anticorrosion par trempage ou dépôt électrolytique. Il rentre dans la composition de
batteries ou accumulateurs (en association notamment avec du nickel), de pigments de
peintures et de nombreux alliages pour la fabrication notamment de câbles, de bâtons
de soudage ou de cellules photoélectriques. Ce métal est également présent dans les
minerais de fer, de cuivre, de zinc et de plomb à l’état d’impureté, exposant ainsi les
travailleurs impliqués dans l’extraction et le raffinage de ces minerais. Il est impor-
tant de noter que les expositions professionnelles au cadmium sont le plus souvent
méconnues par les travailleurs exposés aux fumées de soudage, contenant des alliages
à base de cadmium, aux produits de dégradation thermique de pièces métalliques
ou de revêtements métallisés contenant entre autres du cadmium ou à la fusion de
minerais de fer, de cuivre, de zinc et de plomb contenant du cadmium. L’inhalation
de cadmium peut conduire, après quelques heures de latence, à une pneumopathie
chimique aiguë avec des signes d’irritation des voies respiratoires comprenant une
toux sèche, une dyspnée et des douleurs rétrosternales s’accompagnant d’une fièvre,
de céphalées, de myalgies et d’une hyperleucocytose. Ce syndrome pseudo-grippal ne
doit pas être confondu avec une fièvre des fondeurs aux fumées d’oxydes métalliques.
En effet, la pneumopathie aiguë induite par le cadmium s’aggrave rapidement et peut
aboutir à une broncho-alvéolite hémorragique conduisant au décès du patient dans 10
à 25 % des cas. Alors que le cadmium s’accumule dans de nombreux organes, comme
le rein, lors d’expositions chroniques, il n’a jamais été rapporté dans la littérature de
concentration tissulaire de cadmium détectable dans le parenchyme pulmonaire
de sujets ayant une pneumopathie aiguë chimique au cadmium.
• Mercure : une inhalation d’une forte concentration atmosphérique (1 à 3 mg/m³)
de vapeur de mercure peut également induire des cas de pneumopathies chimiques
sévères. En effet, de nombreux cas ont été rapportés dans la littérature, notamment
lors du raffinage en milieu confiné de l’or ou de l’argent. Le mercure est alors utilisé
pour amalgamer l’or ou l’argent. L’inhalation de vapeur de mercure peut résulter d’un
chauffage de mercure métallique. Les cas les plus graves peuvent conduire à une
alvéolite hémorragique avec, parfois, un décès précoce de la victime. Une fibrose
pulmonaire séquellaire est souvent constatée chez les sujets survivants.

166
2 Pneumotoxicité

• Pentoxyde de vanadium : il est employé dans l’industrie nucléaire et entre dans la


composition de nombreux alliages, notamment dans le ferrovanadium dans l’industrie
de l’acier. Le pentoxyde de vanadium est également rencontré à des concentrations
élevées, notamment dans les résidus de certains pétroles bruts dans l’industrie du raffi-
nage du pétrole, dans les suies provenant de chaudières à pétrole, dans le fioul et dans
des huiles minérales. Les dérivés minéraux rentrent dans la composition de pigments
de peinture, d’encres ou de teintures, mais également dans des révélateurs photogra-
phiques. Les particules contenant du pentoxyde de vanadium peuvent entraîner des
symptômes respiratoires irritatifs, comprenant une rhinite avec des éternuements, une
épistaxis, une pharyngite et une trachéobronchite aiguë avec une toux et des siffle-
ments avec, possiblement, une hyperréactivité bronchique éventuellement associée à
une broncho-pneumopathie, comme la « bronchite du chaudronnier ».
• Autres métaux : certains auteurs ont indiqué par le passé que de fortes concentra-
tions atmosphériques d’oxydes de béryllium, de cobalt, d’osmium ou de manganèse
peuvent causer des signes d’irritation respiratoire, avec même des broncho-pneumo-
pathies associées. De nouvelles technologies, comme la pulvérisation thermique de
métaux, peuvent provoquer des pathologies pulmonaires aiguës, comme en témoigne
la survenue du décès suite à une défaillance respiratoire probablement sur un SDRA
d’un travailleur exposé à une pulvérisation thermique de particules fines de nickel.
D’autres cas d’œdèmes pulmonaires aigus retardés ou de SDRA ont été décrits, par
exemple avec : ZnCl2, SbCl5, TiCl4, PH3, AsH3, TeH2 ou SbH3.

Composés chimiques complexes


L’inhalation de fumées d’incendie, d’origine industrielle ou domestique est probablement
l’une des causes les plus importantes de survenue de pathologies pulmonaires aiguës
chimiques. En effet, la morbidité respiratoire est souvent la principale complication
chez les victimes brûlées. Les complications respiratoires sont dues, soit à une brûlure
thermique directe, soit le plus souvent à la toxicité des produits inhalés issus de la
dégradation thermique ou de la pyrolyse de matériaux (monoxyde de carbone [CO],
acide cyanhydrique [HCN]…). La composition chimique d’une fumée est très variable
et très complexe (gaz irritants et particules de taille variable…), car celle-ci dépend des
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matériaux employés dans un processus industriel ou brûlés lors d’un incendie. Pour le cas
des matières plastiques, les principaux gaz formés lors de leur dégradation thermique ou
de leur pyrolyse sont le CO, le CO2 et la vapeur d’eau, le méthane et des hydrocarbures
aliphatiques et aromatiques (polyéthylène, polypropylène…), mais aussi du chlorure
d’hydrogène et des hydrocarbures chlorés (polymères chlorés : PVC), des composés
fluorés et de fluorure d’hydrogène (polymères fluorés : PTFE…), de l’ammoniac, des
nitriles, de cyanogène, de cyanure d’hydrogène ou plus rarement des oxydes d’azote
(polymères azotés : polyamides, polyuréthannes, polyacrylonitrile, aminoplastes…),
des aldéhydes (polyméthacrylate de méthyle, polyamides, polyalcool vinylique…) et du
SO2 ou du SH2 (polysulfones et polysulfure de phénylène).

167
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

c) Pathologies respiratoires d’origine toxique et pneumopathie


organisée
Les pneumopathies aiguës toxiques sont caractérisées sur le plan anatomo-pathologique
par un dommage alvéolaire diffus, un œdème alvéolo-interstitiel lésionnel hémorra-
gique et une desquamation du revêtement épithélial alvéolaire remplacé par un exsudat
fibrineux constituant un aspect de membranes hyalines, et selon le stade des lésions, une
infiltration de polynucléaires, une hyperplasie de l’épithélium alvéolaire et bronchique et
la constitution d’une fibrose interstitielle ou intra-alvéolaire. De façon compréhensible,
peu de pathologistes font le diagnostic de pneumopathie toxique aiguë, hormis lors
d’autopsies de cas décédés de façon fulminante.
Une question difficile concerne la pneumopathie organisée chimiquement induite. La
pneumopathie organisée est aussi appelée bronchiolite oblitérante avec pneumopathie
organisée (BOOP en anglais pour Bronchiolitis Obliterans Organizing Pneumonia).
Cette entité a des caractéristiques cliniques, fonctionnelles et radiologiques assez
distinctes ; elle est caractérisée essentiellement par la présence de tissu granulaire poly-
poïde sous forme de bourgeons fibro-inflammatoires intra-bronchiolaires (bronchiolite
oblitérante : BO) et intra-alvéolaires (pneumonie organisée : PO). Il est souvent rapporté
que la pneumonie organisée peut être la conséquence retardée d’une inhalation de subs-
tances toxiques. Cependant, le lien entre l’exposition à un toxique par voie respiratoire
et la survenue d’une BOOP n’est pas bien établi. Les cas décrits sont constitués princi-
palement par des BOOP induites par des substances irritantes, comme le NO2 qui est la
cause de BOOP chimique la mieux documentée, le SO2, certains produits de nettoyage,
des produits de dégradation thermique de matières plastiques, le trichloroéthylène,
la fumée de cocaïne ou des mycotoxines.

d) Séquelles possibles suite à l’inhalation aiguë d’un


agent chimique
Dans la majorité des cas, les intoxications chimiques aiguës par inhalation sont suivies
d’une guérison complète avec retour à l’état antérieur. Cependant, une proportion subs-
tantielle de patients ayant eu un SDRA, causé par des étiologies autres que toxiques,
a à distance une dyspnée séquellaire plus ou moins importante avec une altération de
la fonction respiratoire, notamment une réduction du coefficient de diffusion du CO
(DLCO). Il n’est pas encore bien connu dans quelle mesure et avec quelle fréquence,
une fibrose pulmonaire pourrait survenir après des lésions pulmonaires diffuses d’ori-
gine toxique. L’éventuelle survenue de lésions résiduelles des voies aériennes est mieux
documentée, même si souvent la preuve est basée sur un seul cas clinique. Ainsi, des
séquelles chroniques variées, telles que la bronchiolite constrictive, les bronchectasies et
d’autres lésions bronchiolaires, comme des sténoses ou des polypes, ont été rapportées à
une agression chimique par inhalation. Par ailleurs, une hyperréactivité bronchique non
spécifique permanente dénommée « syndrome de Brooks » ou « syndrome d’irritation
aiguë des bronches » (ou RADS, Reactive Airways Dysfunction Syndrome en anglais)

168
2 Pneumotoxicité

est un asthme non allergique qui peut survenir chez des sujets ayant subi une agression
chimique des voies respiratoires sévère. Le RADS répond, après avoir éliminé d’autres
diagnostics, aux critères diagnostiques suivants : absence de manifestations respira-
toires antérieures, début des symptômes d’asthme (toux, dyspnée, râles sibilants) dans
les 24 heures après une exposition unique à un agent causal irritant (vapeur, fumée…)
à forte concentration, persistance des symptômes pendant au moins trois mois et test
à la méthacholine positif associé ou non à un TVO.
L’incidence et les mécanismes à l’origine de l’asthme post-inhalation et de l’asthme
induit par des irritants restent à élucider. Des observations récentes chez des pompiers
et d’autres personnels impliqués dans des opérations de secours pendant et après la
catastrophe du World Trade Center suggèrent que le RADS peut survenir chez une
proportion significative de sujets exposés sans survenue de signes cliniques de lésions
pulmonaires graves.

2.4 Pathologies respiratoires chroniques d’origine toxique

a) Pneumoconioses
Les pneumoconioses sont des maladies pulmonaires non tumorales résultant de
l’inhalation de particules minérales ou organiques en excluant l’asthme, la bronchite
et l’emphysème.
Deux paramètres importants caractérisant un aérosol particulaire sont à prendre en
compte : le profil granulométrique (distribution de la taille des particules) et la nature
physico-chimique de la particule. Une particule peut être assimilée, quelle que soit sa
forme, à une sphère théorique selon sa densité et ses dimensions réelles, permettant
ainsi de calculer un diamètre aérodynamique moyen permettant de définir des classes
granulométriques. Les particules sont arrêtées selon leur taille dans l’appareil respira-
toire comme suit :
– > 100 μm : au niveau des fosses nasales ;
– 20 à 100 μm : au niveau de la partie supérieure de l’arbre respiratoire ;
– 5 à 20 μm : au niveau de la zone de conduction (trachées et bronches) ;
– < 5 μm (et une faible fraction entre 5 à 10 μm) : au niveau de la zone d’échange
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(bronchioles respiratoires et alvéoles).


Les conséquences respiratoires d’une rétention particulaire dépendent de la nature
de la particule :
• pneumoconioses fibrogènes : principalement dues à l’amiante (asbestose) caractérisée
par une fibrose interstitielle diffuse ou à la silice cristalline (silicose) caractérisée par
une fibrose nodulaire ;
• pneumoconioses de surcharge : notamment liée à une rétention de particules de
fer, titane, charbon, talc… et caractérisées par des anomalies radiologiques et parfois
associées à un TVO ;

169
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

• cas particulier de la bérylliose ;


• pneumoconioses mixtes : cas le plus fréquemment rencontré en milieu professionnel.

Pneumoconioses fibrogènes
Silicose
Il existe trois types de silice cristalline (quartz, cristobalite et tridymite). Lors du chauf-
fage au-delà de 1 000 °C, le quartz peut être transformé en cristobalite, puis en tridymite
avec un pouvoir fibrogène croissant. Il est important de noter que la silice amorphe n’est
pas fibrogène, mais que son chauffage peut conduire à la formation de cristobalite. Les
principaux secteurs et professions exposés à la silice cristalline sont les suivants : extrac-
tion de roches contenant de la silice cristalline (carrières, forage, perçage de tunnels,
concassage, mines de fer, de charbon…), industrie du verre, de la céramique, fonderies
ou travaux de sablage, ponçage ou de meulage.
La silicose peut être aiguë en cas d’inhalation aiguë et massive de silice cristal-
line réalisant un tableau d’insuffisance respiratoire aiguë avec un aspect d’œdème
pulmonaire. Le plus souvent, il s’agit d’une forme chronique, asymptomatique ou se
révélant par une toux chronique ou une dyspnée d’effort. Les lésions radiologiques
sont constituées par des micronodules de 1 à 3 mm de diamètre, à distribution
lymphatique, prédominant dans les lobes supérieurs. Des adénopathies médiastinales
calcifiées ou non sont fréquemment associées. L’évolution se fait vers la confluence
des nodules en masse fibreuse rétractant les structures adjacentes conduisant à
des distorsions bronchiques et des lésions d’emphysème paracicatriciel. Il existe
un risque accru de développer un cancer bronchique primitif (voir chapitre 7).
Certaines associations ont été rapportées : association à une sclérodermie (syndrome
d’Erasmus), à une polyarthrite rhumatoïde (syndrome de Caplan-Colinet) ou au
cancer bronchique primitif.

Amiante
Ce terme désigne un groupe de fibres minérales naturelles comprenant deux familles,
les serpentines (chrysolite) et les amphiboles (crocidolite, amosite notamment).
Du fait de grandes propriétés physico-chimiques (résistance à la chaleur et à la traction
et à la friction, bonne résistance aux attaques acides), l’amiante a été très largement utilisé
sous des formes diverses (flocage, cordelette, amiante tissé, ou de fibrociment) jusqu’à
son interdiction en France au 1er janvier 1997. Les flocages en amiante ont été interdits
en France en 1978. Les principales professions pouvant être associées encore aujourd’hui
à une exposition à l’amiante sont les professions du bâtiment lors d’intervention sur des
matériaux contenant de l’amiante.
Après inhalation, les fibres d’amiante atteignant la région alvéolaire sont phago-
cytées par des macrophages. Les corps asbestosiques (CA) sont les résidus de fibres
d’amiante engainés d’une couche ferro-protidique visibles en microscopie optique
plusieurs dizaines d’années du fait de leur biopersistance. De même, les fibres
d’amiante nues peuvent être visualisées et caractérisées en microscopie électronique.

170
2 Pneumotoxicité

L’analyse biométrologique à la recherche de CA dans le liquide de lavage broncho-


alvéolaire ou le parenchyme pulmonaire permet de quantifier la rétention pulmonaire.
Les pathologies respiratoires liées à une exposition antérieure à l’amiante ont un temps
de latence particulièrement long de plusieurs dizaines d’années, elles se subdivisent en
deux groupes :
• Pathologies bénignes
– Fibrose interstitielle diffuse (asbestose) : initialement localisée en périphérie,
elle peut s’étendre progressivement à l’ensemble de l’interstitium pulmonaire
de façon centripète. L’association à des plaques pleurales est inconstante.
– Affections pleurales bénignes :
• atteinte de la plèvre pariétale (plaques pleurales) : il s’agit de lésions pleurales
bénignes extrêmement fréquentes correspondant à des plaques fibrohyalines,
d’aspect blanc jaunâtre, plus ou moins calcifiées. Elles surviennent après une
latence d’au moins 15 ans après le début de l’exposition à l’amiante, quel que
soit le type d’amiante et pour des doses cumulées d’exposition variables, parfois
faibles. Elles n’entraînent le plus souvent aucune symptomatologie et souvent
pas de retentissement sur la fonction respiratoire. Souvent difficiles à identifier
sur la radiographie thoracique de face, elles sont mieux visualisées sur une
tomodensitométrie thoracique qui est désormais l’examen de référence pour
les mettre en évidence ;
• atteinte de la plèvre viscérale (fibrose de la plèvre viscérale, atélectasies rondes
par enroulement, pleurésie exsudative bénigne).
• Pathologies malignes (cancer bronchique primitif, mésothéliome pleural) (voir
chapitre 7).

Autres pneumoconioses
Autres pneumoconioses de surcharge
Par exemple, la fibrose pulmonaire du mineur de charbon ou les pneumopathies consé-
cutives à des expositions à divers métaux.

Bérylliose
Il s’agit d’une granulomatose, consécutive à un processus immunoallergique surve-
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nant chez certains sujets exposés. Il existe une prédisposition génétique pour les sujets
porteurs du HLA DP β 1 avec un glutamate en position 69. Les secteurs d’activité les
plus concernés sont la fabrication d’alliages, l’industrie nucléaire, électronique ou aéro-
nautique, la fabrication de céramiques, les prothésistes dentaires.

b) Bronchopneumopathie chronique obstructive d’origine


professionnelle
Le tabagisme actif est sans conteste le facteur étiologique principal de la BPCO (plus de
80 % des cas). La pollution de l’air intérieur notamment liée à la combustion de matières
organiques (bois, fuel, charbon…) ou au tabagisme passif est aussi incriminée. Des

171
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

facteurs génétiques sont aussi connus mais rares, comme le déficit en α1-antitrypsine
souvent lié à un emphysème précoce et sévère. La responsabilité de facteurs profession-
nels dans la genèse ou l’aggravation de certaines BPCO est désormais établie. Toutefois,
aucun phénotype clinique ou fonctionnel ne permet de distinguer une BPCO profession-
nelle d’une BPCO post-tabagique.
Les études épidémiologiques montrent un rôle important des expositions profession-
nelles, notamment aux gaz, poussières, vapeurs et fumées, dans la survenue de BPCO.
D’après une revue de la littérature récente, la fraction de risque attribuable aux facteurs
professionnels est estimée à environ 15 % pour le TVO et la bronchite chronique. Il
existerait un effet synergique entre les expositions professionnelles et le tabagisme dans
la BPCO. Plusieurs secteurs ou activités professionnelles ont été identifiés comme étant
à haut risque de BPCO. Les secteurs professionnels le mieux étudiés et pour lesquels
en dispose des données les plus solides (tableau 8.2). Certaines nuisances sont présu-
mées être responsables d’un excès de risque de BPCO. Les données de la littérature sont
convaincantes pour la silice cristalline, les poussières de charbon, de coton et de céréales,
les endotoxines bactériennes et les fumées de gaz d’échappement de moteurs Diesel.

Tableau 8.2 Étiologies professionnelles de la BPCO

Excès de TVO Relation dose-effet Excès de


et/ou bronchite entre l’exposition et mortalité par
chronique la BPCO BPCO
Secteur minier ++ ++ +
Bâtiment-travaux publics + ? ?
Fonderie sidérurgie + ? ?
Industrie textile (coton) ++ + ?
Milieu céréalier (silos) + + ND
Production laitière + ? ND
Élevage de porcs ? + ND
Travail du bois ? ? ND
Soudage ? ? ND
Cimenterie ? ? ND
Usinage des métaux ? ? ND
++ : fort niveau de preuve ; + : études peu nombreuses avec résultats concordants ; ? : études peu
nombreuses avec résultats contradictoires ; ND : non documenté.

c) Asthme professionnel
L’asthme professionnel représente 10 à 15 % des asthmes de l’adulte. Il s’agit soit d’un
asthme de novo causé par l’exposition à un allergène sur le lieu du travail, soit d’un
asthme préexistant aggravé par le travail.
Il existe deux types d’asthme professionnel :
• l’asthme immunologique (avec période de latence). La période de latence entre le
début de l’exposition et la survenue de l’asthme correspond au temps nécessaire à
l’acquisition d’une sensibilisation à l’agent causal ;
• l’asthme non immunologique (sans période de latence) (encore appelé RADS pour
Reactive Airways Dysfunction Syndrome ou syndrome de Brooks). Il survient après

172
2 Pneumotoxicité

une exposition accidentelle unique massive à une substance irritante sur le lieu de
travail (voir « Pathologies respiratoires chroniques d’origine toxique », p. 169).
Six professions représentent la moitié des cas d’asthme professionnel :
̭ boulangers-pâtissiers : les allergènes responsables sont les farines de céréales (blé,
seigle, son…), les enzymes (α-amylase), les acariens de stockage ou les blattes ;
• métiers de la santé : sont en cause le latex des gants, le formaldéhyde utilisé comme
fixateur de tissus, les ammoniums quaternaires et les amines aliphatiques utilisés dans
les produits de désinfection ;
• coiffeurs : les allergènes sont les suivants, les persulfates alcalins utilisés comme
produit de décoloration capillaire et le latex des gants ;
• peintres au pistolet dans l’industrie automobile : les molécules responsables sont les
isocyanates entrant dans la composition des peintures polyuréthanes ;
• travailleurs du bois (menuisiers, ébénistes, luthiers…) : les molécules en cause sont
les poussières de bois, certaines colles (colophane, formaldéhyde) ou certains vernis
(isocyanates, chrome) ;
• métiers de nettoyage : les principaux allergènes sont les acariens, le latex des gants,
les ammoniums quaternaires et les amines aliphatiques. L’utilisation de produits sous
forme de sprays facilite la pénétration des allergènes dans les voies respiratoires.
Une éventuelle origine professionnelle doit être évoquée systématiquement devant tout
asthme chez l’adulte. En premier lieu, un interrogatoire minutieux et exhaustif est indis-
pensable. Les principales questions sont :
• histoire détaillée de l’asthme : de novo ou préexistant aggravé par le travail ;
• existence de manifestations associées (rhino-conjonctivite allergique, urticaire…) ;
• existence d’un terrain atopique ;
• exposition accidentelle antérieure à une substance chimique dans l’hypothèse d’un
syndrome de Brooks ;
• notion d’une profession à risque ;
• mise en évidence d’une relation temporelle (rythme professionnel) entre la survenue
des symptômes et le travail (déclenchement des symptômes en période de travail et
amélioration des symptômes les jours de repos, disparition lors des congés).
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L’examen clinique est souvent normal en dehors des crises. Les EFR recherchent un
trouble ventilatoire obstructif (TVO) réversible après un test aux bronchodilatateurs ou
une hyperréactivité bronchique non spécifique (HRBNS).
Certains examens complémentaires orientés par un interrogatoire minutieux préalable
apportent une aide au diagnostic :
• rythme professionnel objectif par la mise en évidence de variations du débit expira-
toire de pointe ou du VEMS (volume expiratoire maximal en 1 seconde). Des mesures
répétées de l’HRBNS peuvent être utiles pour conforter le diagnostic d’asthme profes-
sionnel, en mettant en évidence de manière objective une aggravation pendant les
périodes de travail ou d’amélioration pendant les périodes de congés ;

173
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

• sensibilisation immunologique en cas de mécanisme IgE dépendant :


– tests cutanés (prick-tests) (voir « Dermatotoxicité » p. 175) ;
– dosage sérique d’IgE spécifiques. À noter que les dosages d’IgE spécifiques
sont un complément précieux au diagnostic surtout lorsque l’allergène est de
haut poid moléculaire (protéines d’origine animale ou végétale). En revanche,
concernant les allergènes de faible poids moléculaire, la pertinence des résultats
de ces dosages est médiocre (faux négatifs fréquents) ;
• test de provocation nasal spécifique pour certains allergènes, voire bronchiques en
cabine en milieu spécialisé.
Les mesures de prévention sont essentielles et à discuter au cas par cas selon le contexte
médico-social, comme :
• éviction de l’agent responsable, à défaut d’une diminution des niveaux d’exposition
selon le contexte clinique ;
• changement de poste dans l’entreprise ;
• réorientation professionnelle.

d) Pneumopathie d’hypersensibilité
Les pneumopathies d’hypersensibilité sont dues à l’inhalation d’antigènes organiques
(micro-organismes, protéines animales ou végétales notamment) en réalisant un tableau
d’insuffisance respiratoire aiguë ou subaiguë récidivant à chaque exposition. Il s’agit
d’une sensibilité de type III de la classification de Gell & Coombs.
Les cinq critères diagnostiques principaux sont :
• la mise en évidence d’une exposition à un antigène à l’interrogatoire et des précipitines
sériques dirigés contre l’antigène suspecté, témoins de la sensibilisation ou sur des
prélèvements aérobiologiques ;
• la présence de râles crépitants ;
• l’existence de plages de verre dépoli sur la tomodensitométrie thoracique réalisant un
aspect de mosaïque ;
• la mise en évidence d’une alvéolite lymphocytaire dans le liquide de lavage
broncho-alvéolaire ;
• la diminution du coefficient du transfert du CO aux EFR.
Les facteurs responsables sont très nombreux :
• en milieu agricole : les maladies du poumon fermier, des éleveurs d’oiseaux, des
champignonnistes, des travailleurs du bois, des fromagers…
• hors milieu agricole : les maladies des climatiseurs/humidificateurs, des fabricants
de saucisson, des animaliers de laboratoire, des fourreurs, des détergents (Bacillus
subtilis), notamment. Par ailleurs, il a été décrit des alvéolites à divers métaux, à la
pénicilline et aux isocyanates.

174
3 Dermatoxicité

3 Dermatoxicité
Régulièrement exposée à de nombreux produits chimiques, qu’ils soient cosmétiques,
professionnels, ménagers, ou bien lors des activités de bricolage et de loisirs, la peau
assure la protection de notre organisme des agressions extérieures comme une véritable
barrière. Elle est soumise également à des agressions physiques, des micro-organismes,
des rayonnements ultraviolets, notamment. Elle est par ailleurs impliquée dans la thermo-
régulation, l’immunité, le métabolisme de la vitamine D et la perception sensorielle.

3.1 Description anatomique et histologique de la peau


Sa surface (1,5 à 2 m2) et son poids (jusqu’à 3 kg) varient en fonction du poids et de la
taille du sujet. Son épaisseur varie de 0,5 à 3 mm selon la zone considérée. L’ensemble
de la peau et des phanères (cheveux, poils, ongles) constitue le tégument. De la surface à
la profondeur, la peau est composée de trois couches superposées : l’épiderme, le derme
et l’hypoderme (Fig. 8.4).

Poil

Épiderme

Nerf Derme

Glande sudoripare

Veine Hypoderme
Artére

Adipocytes
Glande Follicule
sébacée pileux

Figure 8.4 – Représentation de la peau humaine.


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a) Épiderme
Dépourvu de vaisseaux sanguins, l’épiderme est en constant renouvellement, représenté
à plus de 90 % par les kératinocytes qui forment la barrière cutanée.
Les kératinocytes migrent à travers l’épiderme de la couche basale vers la couche
cornée en 3 à 4 semaines. Au fur et à mesure, les kératinocytes perdent leur fonction de
prolifération et leurs noyaux. Ils s’aplatissent et se transforment en cornéocytes soudés
par des jonctions serrées avec une organisation en strates pour constituer la barrière
cutanée. Le processus de maturation dit de kératinisation aboutit à la libération régulière
de cornéocytes isolés invisibles à l’œil nu. Lorsque la desquamation devient visible, elle

175
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

traduit un état pathologique signe de désordre inflammatoire et/ou de réparation. Les


kératinocytes ont aussi un rôle dans l’immunité : présentation d’antigène, production
de cytokines.
Le film hydrolipidique de surface responsable de l’hydratation cutanée varie en
fonction de la localisation et de la densité des glandes sébacées et sudoripares sécrétant
respectivement le sébum et la sueur. Le pH cutané est légèrement acide (entre 4 à 6).
L’épiderme renferme d’autres types de cellules :
• les mélanocytes, répartis dans la couche basale, produisent la mélanine, responsable
de la pigmentation de la peau ;
• les cellules de Langerhans, distribuées dans les couches moyennes, sont impliquées
dans les réactions immunitaires (propriétés phagocytaires et enzymatiques vis-à-
vis des agents infectieux et présentation de l’allergènes aux lymphocytes T). Elles
peuvent quitter l’épiderme pour migrer dans le derme et générer la réponse allergique
de contact ;
• les cellules de Merkel assurent la perception et la conduction de différents influx
nerveux.

b) Derme
Le derme assure à la peau sa résistance, son élasticité et sa souplesse grâce aux fibro-
blastes qui produisent les fibres élastiques et collagènes. L’ensemble baigne dans la
substance fondamentale faite de mucopolysaccharides. Le derme a plusieurs fonctions :
réserve d’eau, soutien, résistance physique de la peau et ancrage du réseau vasculaire et
des glandes sudoripares et sébacées.
En superficie, le derme papillaire, siège d’un vaste réseau sanguin et lymphatique,
assure la nutrition des épithéliums sus-jacents ainsi que les échanges hormonaux. Il
héberge l’essentiel des terminaisons nerveuses responsables de la fonction sensorielle
de la peau. Il contrôle en partie l’absorption percutanée grâce aux débits sanguin et
lymphatique. Il contribue à la fonction immunitaire de la peau en permettant le transit
des cellules immunitaires.
En profondeur, le derme réticulaire, composé d’un tissu conjonctif dense, dépourvu
de cellules, héberge les annexes cutanées.
Les glandes sudoripares sont réparties sur l’ensemble du tégument. Les glandes séba-
cées sont annexées à des follicules pileux et sont concentrées dans les régions supérieures
(visage, scalp, torse supérieur) et absentes dans les régions terminales (mains, pieds).

c) Hypoderme
Il est la couche la plus profonde, constituée de tissu adipeux. Les adipocytes sont contenus
dans des lobules séparés par des fibres. Il intervient dans la thermorégulation et l’amor-
tissement des chocs.

176
3 Dermatoxicité

3.2 Éléments de toxicocinétique

a) Absorption percutanée
Une substance chimique peut traverser la peau par plusieurs voies : intracellulaire,
transcellulaire ou pilo-sébacée (transannexielle).
La pénétration transcutanée se fait successivement à travers l’épiderme, le derme et
l’hypoderme. La pénétration dans les capillaires dermiques peut se faire après passage
de l’épiderme de la substance toxique. La pénétration dépendra à la fois de la nature
physico-chimique et de l’affinité des substances chimiques. La barrière cutanée n’est pas
imperméable à toutes les molécules, certaines pénètrent très aisément jusqu’aux couches
les plus profondes et peuvent se retrouver dans la circulation générale. La couche cornée
malgré sa faible épaisseur assure cette fonction de barrière grâce aux lipides qu’elle
comporte et à son architecture. Si la peau est normale, la pénétration des molécules de
poids moléculaire élevé (> à 1 000 daltons) est très difficile en raison de la cohésion du
stratum corneum. La voie transcellulaire est surtout empruntée par les molécules de
petite taille, amphiphiles ou lipophiles essentiellement par diffusion passive. La diffu-
sion passive intercellulaire est très lente et linéaire au cours du temps, en fonction de la
concentration, de la surface d’application, du véhicule et des caractéristiques physico-
chimiques du produit (loi de diffusion passive de Fick).
La voie annexielle correspond au passage transfolliculaire ou transsudoral (ce dernier
étant rarement démontré). Dans la voie transfolliculaire, les molécules peuvent aller
jusqu’au derme réticulaire. Les appareils pilosébacés n’ont pas une couche cornée très
développée d’où une pénétration facilitée, notamment pour de grosses molécules, péné-
trant mal, hautement insolubles.

b) Biotransformation
Dans les cosmétiques, certains ingrédients agissent comme véhicule. Ils ont pour rôle
de transporter le principe actif de la formulation galénique jusqu’à la couche cornée de
la peau, tout en facilitant sa pénétration. Le principe actif doit diffuser hors du véhicule
puis traverser la barrière cutanée pour parvenir à son site d’action.
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3.3 Méthodes d’études de la toxicité cutanée


L’évaluation du potentiel irritant, corrosif et/ou sensibilisant des substances chimiques
existantes ou nouvellement mises sur le marché est un enjeu majeur. Elle fait l’objet de
réglementations destinées à établir une classification et un étiquetage des substances
dangereuses, de certifier leur autorisation et leur condition d’utilisation (concentration,
type de produit).
Les méthodes de mesure de l’absorption cutanée sont multiples : in vivo chez l’Homme
ou l’animal et in vitro, grâce aux cultures de cellules qui permettent de reconstituer des
modèles de peaux.

177
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Elles permettent de connaître la quantité de substances ayant pénétré dans l’organisme,


la quantité stockée dans les couches cutanées et celle ayant atteint le compartiment
sanguin. Elles permettent aussi d’évaluer une réponse biologique par rapport à un prin-
cipe actif donné, l’influence d’un véhicule donné, l’évaluation de la qualité de la barrière
cutanée selon l’état de la peau…

a) Méthodes d’étude in vivo


Pour étudier la pénétration cutanée, de nombreuses méthodes existent : dosage dans
les excrétas, suivi du taux plasmatique, mesure de l’effet local, disparition d’un isotope
radioactif, bulle de succion, microdialyse du derme, dosage dans le stratum corneum
(stripping), mesure de la quantité disparue (méthode des différences).
Elles sont de moins en moins utilisées afin d’éviter l’utilisation d’animaux de labo-
ratoire ainsi que l’exposition de volontaires à une éventuelle toxicité des substances
appliquées.
Au-delà de la toxicité, des tests pour rechercher le pouvoir sensibilisant cutané des
produits chimiques existent :
• tests de sensibilisation de la peau réalisés chez le cobaye, qui permettent de déterminer
le pouvoir sensibilisant d’une molécule ;
• essai de stimulation locale des ganglions lymphatiques (évaluation de la relation
dose-effet) ;
• test de gonflement de l’oreille de souris, il ne détecte que les sensibilisants forts.

b) Méthodes d’étude in vitro


Plusieurs méthodes alternatives ont été mises au point pour tester la tolérance cutanée
ou l’efficacité de produits cosmétiques, chimiques ou pharmaceutiques. Ceci permet
de quantifier les effets des produits et de sélectionner les matières premières les mieux
tolérées (modèles Epiderm®, Episkin®, SkinEthic®). La pénétration d’une molécule peut
varier selon le modèle utilisé.
Ces techniques in vitro utilisent de la peau reconstruite grâce à des cultures cellulaires
ou des résidus de peau humaine issus de la chirurgie esthétique.
Les études in vitro visant à prédire le pouvoir sensibilisant d’une molécule sont actuel-
lement en cours de développement :
• études de relation structure-activité (SAR) ou structure-activité-quantitative (QSAR) ;
• tests de réactivité avec le glutathion ou les peptides synthétiques (Direct Peptide
Reactivity Assay, DPRA) ;
• utilisation de tests cellulaires à partir de kératinocytes (KeratinoSens®, LuSens®),
cellules dendritiques, macrophages THP-1, tests h-CLAT (Human Cell Line Activation
Test) ou MUSST (Myeloid U937 Skin Sensitization Test).
Les tests mis au point séparément n’explorent chacun qu’une, voire deux, voies du
processus conduisant à la sensibilisation. Il est donc nécessaire de les associer pour
trouver la meilleure combinaison.

178
3 Dermatoxicité

c) Examens complémentaires en clinique chez l’Homme


Pour déterminer une éventuelle sensibilisation cutanée à un allergène présumé (chez un
sujet malade uniquement), différents tests peuvent être réalisés en pratique courante en
consultation allergologique ou dermatologique.
• Tests épicutanés (patch-tests) : méthode diagnostique essentielle d’exploration des
eczémas de contact (sensibilisation retardée, type IV de la classification de Gell et
Coombs). Les allergènes à tester le plus fréquemment rencontrés sont contenus dans
la batterie standard européenne à réaliser en priorité. Il existe des batteries spéciali-
sées regroupant des allergènes spécifiques adaptés à chaque exposition. Les produits
personnels ou professionnels apportés par le patient peuvent être testés sous certaines
condition permettant de tester des substances absentes dans les batteries ou ayant des
caractéristiques physico-chimiques différentes des allergènes commercialisés. Les
irritants potentiels sont testés en semi-ouvert. Les tests sont retirés à la 48e heure et
lus 15 minutes après, avec une seconde lecture de contrôle à 96 heures. Un test est
considéré comme positif, lorsqu’il reproduit une réaction d’eczéma (érythème, œdème,
vésicule). Il est capital de confronter la positivité des tests épicutanés à l’histoire
clinique et d’évaluer leur pertinence ancienne et actuelle. Un test positif est synonyme
de sensibilisation et non d’allergie.
• Prick-tests (tests cutanés) : méthode d’exploration des réactions d’allergie immédiate,
c’est-à-dire de type I de la classification de Gell et Coombs. D’un point de vue derma-
tologique, ils explorent les urticaires, les angioœdèmes et les dermites de contact aux
protéines. La lecture est immédiate, 20 minutes après la réalisation du test.

3.4 Pathologies toxicologiques cutanées non tumorales


Les dermatoses désignent toute affection de la peau, indépendamment de leur cause.
Le contact de la peau avec des substances peut entraîner des dermatoses de contact.
Les dermatoses professionnelles, provoquées ou aggravées par l’activité profession-
nelle, constituent l’une des causes les plus fréquentes de pathologie professionnelle.
Des désordres cutanés peuvent également apparaître après exposition systémique à des
produits chimiques. Les toxidermies d’origine médicamenteuse ne sont pas abordées ici.
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a) Dermites de contact

Brûlures chimiques
Les brûlures chimiques peuvent être provoquées par un grand nombre de produits caus-
tiques. Les acides entraînent une coagulation des protéines formant une barrière qui
limite l’extension des lésions. Les produits alcalins entraînent une saponification des
lipides et une liquéfaction des tissus qui favorisent la pénétration. Le réflexe doit être
de rincer abondamment à l’eau et de façon prolongée au moins quinze minutes le plus
rapidement possible après le contact accidentel. Certains composés doivent être ensuite
neutralisés par un antidote spécifique (Tab. 8.3).

179
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

En fonction de l’importance de la brûlure, les séquelles cicatricielles seront plus ou


moins invalidantes. Sur des cicatrices étendues et remaniées, le risque potentiel à plus
ou moins long terme est l’apparition d’une dégénérescence maligne (épithélioma baso-
cellulaire ou spinocellulaire).

Tableau 8.3 Substances chimiques à l’origine de brûlures chimiques

Substances Particularités
Complications Antidote/Traitement
chimiques cliniques
Acide inorganique
Brûlure en général
(chlorhydrique,
sévère
nitrique,
sulfurique…)
Brûlure, paresthésies, Sulfate de magnésium
Nécrose sur les
Acide oxalique cyanose, décoloration à 5 % sur compresse
extrémités
jaune pâle des ongles humide
Nécrose
Action caustique Hypocalcémie sévère,
forte avec symptômes déminéralisation
décalés parfois de osseuse aux doigts Gel de gluconate de
Acide fluorhydrique
plusieurs heures pour Hypokaliémie avec calcium à 2,5 %
des concentrations troubles ECG
< 70 % Hyperglycémie
Acidose métabolique
Pigeonneau :
ulcération (3 à 4 mm)
Amplifiée au contact
torpide, douloureuse,
des surfaces humides
Acide chromique ou ronde ou ovale à
(muqueuse nasale,
ses sels et autres fond sale entouré
conjonctive, plaie)
métaux d’un bourrelet
Lésions parfois
périphérique dur,
multiples
kératosique (5 à
10 mm)
Brûlure caustique
sévère
Vinaigre (acide
Composé basique Délai entre le contact
Cicatrisation lente acétique) dilué à 2 %,
Ciment et l’apparition des
jus de citron
douleurs et de la
brûlure
Les particules
solides doivent être
Chaux
enlevées avant toute
humidification
Compresses chaudes
imbibées de sulfate
de cuivre 1 %, permet
Phosphore l’élimination de
particules brunes à la
pince ou à la curette
(phosphure de cuivre)
Solution
Aldéhydes
d’ammoniaque à 5 %

180
3 Dermatoxicité

Substances Particularités
Complications Antidote/Traitement
chimiques cliniques
Hyposulfite de soude
Chlore ou brome
à 10 % pour la peau, à
liquides
3 % pour les yeux
Nécrose locale
proportionnelle à Polyéthylène glycol/
Phénol
la concentration du éthanol
produit
Dichlorométhane Brûlure du 2e et Si inhalation : risque
(chlorure méthylène) 3e degré de coma et choc
Bulles de grande
Oxyde d’éthylène taille, décollement en
lambeaux
Douleur apparaît de
Diméthylacétylène
façon retardée par
dicarboxylate
rapport au contact

Dermites irritatives
C’est une réaction locale inflammatoire, secondaire à l’application unique ou répétée
d’une substance chimique irritante ou d’un agent physique, sur un site cutané identique
(Tab. 8.4). Elle survient sans sensibilisation préalable.
Tableau 8.4 Principales substances chimiques irritantes

Mains dans l’eau plus de 2 heures/jour


Port prolongé de gants plus de 2 heures/jour
Travail en milieu humide
Lavage fréquent des mains
Lavage agressif des mains
Mélanges de tensio-actifs, de solvants organiques…
Détergents
Parfois abrasifs
Désinfectants et antiseptiques Irritants et sensibilisants
Acides et bases Voir brûlure chimique
Solvants organiques Pour enlever les salissures tenaces
Les fluides semi-synthétiques riches en émulsifiants sont plus
Huiles et fluides de coupe
irritants que les huiles minérales
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Irritants et sensibilisants
Acrylates
Matières plastiques Durcisseur des résines époxy (amines, anhydrides d’acide)
Épichlorhydrine
Peroxyde de benzoyle
Oxalate de calcium sous forme de cristaux (philodendron,
jonquille, jacinthe, ananas…)
Broméline de l’ananas
Plantes et bois Ester diterpénique des euphorbes
Isothiocyanates des brassicacées (moutarde…)
Proto-anémonine des renoncules
Facteurs mécaniques (épines…)
Chloropicrine, dazomet, métam-sodium, dichloropropène,
Produits phytosanitaires fluorure de sulfuryle, bromure de méthyle, chlorothalonile,
propargite, paraquat…
Produits techniques de coiffure Thioglycolates, persulfates
181
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

L’agent chimique au contact de la peau est pro-inflammatoire par toxicité directe sur
les cellules cutanées, entraînant la production d’IL-1β et de TNF-α par les kératinocytes à
l’origine du recrutement de leucocytes sur le site cutané altéré et cliniquement d’un eczéma.
Cliniquement, les lésions érythémato-squameuses restent localisées à la zone de contact.
L’irritation cutanée, en fragilisant la barrière cutanée, permet aux allergènes de péné-
trer plus facilement. Elle fait le lit de l’allergie.

b) Allergies de contact
Eczéma de contact (ou dermite allergique)
Il s’agit d’une réaction allergique cutanée de type retardée apparaissant 24-48 heures
après le contact avec l’allergène (type IV de la classification de Gell et Coombs). Les
allergènes le plus souvent en cause sont des haptènes, substances de bas poids molé-
culaire qui vont se fixer sur des protéines épidermiques et déclencher la stimulation
des lymphocytes T qui ont été induits lors des précédents contacts. Les lymphocytes T
activés produisent INF-Υ, IL-2, TNF-α et sont cytotoxiques. Ils activent et détruisent
par apoptose les cellules cutanées, ce qui induit une inflammation responsable de la
lésion d’eczéma. La sensibilisation simultanée ou successive à plusieurs allergènes est
possible. On parle alors de polysensibilisation. Les allergènes de contact sont extrême-
ment nombreux. Les plus communs sont rassemblés dans la batterie standard européenne,
testés par la technique des patch-tests (voir ci-dessus).
L’eczéma de contact se développe aux endroits où pénètrent les haptènes respon-
sables de la réaction. Il déborde souvent en dehors de la zone de contact et peut parfois
secondairement se généraliser. Cliniquement, l’eczéma est représenté par une éruption
polymorphe formée d’érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation. Ces lésions
peuvent se succéder ou coexister. Il est parfois difficile de distinguer cliniquement une
dermite irritative d’une dermite allergique (Tab. 8.5).

Urticaire de contact
Elle provient de l’activation du mastocyte à l’origine de la libération immédiate d’hista-
mine, de la synthèse secondaire de leucotriènes et de prostaglandines et plus tardivement
de chimiokines et de cytokines. Rapidement apparaissent un érythème et un œdème le
plus souvent prurigineux. Les urticaires de contact sont schématiquement séparées en
immunologiques (allergiques) et non immunologiques.

Urticaire de contact immunologique


La physiopathologie de l’urticaire de contact immunologique est celle de l’hypersensibi-
lité immédiate de type 1 avec production d’IgE spécifiques de la substance. Les urticaires
de contact ont tendance à s’étendre rapidement avec risque d’atteinte systémique (asthme,
hypotension…). La réaction n’apparaît qu’après une période de sensibilisation non symp-
tomatique. Ce sont principalement les protéines animales ou végétales et plus rarement
des substances chimiques de bas poids moléculaire qui sont responsables des urticaires

182
3 Dermatoxicité

Tableau 8.5 Critères permettant la distinction entre les


dermites irritatives et allergiques

Dermite irritative
Dermite allergique
Aiguë Chronique
Fréquence Collective Individuelle
Expositions répétées Sensibilisation préalable
Survenue Dès la 1re exposition
et prolongées Durée d’apparition variable
Peau sèche Aiguë vésicule
Érythème, œdème,
Clinique desquamative, Chronique peau épaissie
bulle
crevasses lichenifiée
Signes
Brûlure, picotement / Douleur, prurit Prurit
fonctionnels
Dissémination en zones non
Strictement limitée à la zone d’application
Topographie exposées
sans débord
Bords émiettés
Allergie (+, ++, +++) /
Tests épicutanés Irritatifs ou négatifs / non reproductibles
reproductibles
Spongiose, œdème
Nécrose kératinocytaire dermique
Histologie
Infiltrat lympho-histiocytaire dermique Infiltrat lympho-
hystiocytaire périvasculaire
Concentration
Forte Faible
substance
Temps
Court, intense Prolongé, répété Variable suivant l’allergène
d’exposition
Évolution Courte Prolongée Prolongée
Symptômes 24-72 heures
Symptômes rapides
après début de l’exposition
après début
Symptômes dès début après sensibilisation
Rythme exposition
de l’exposition préalable
Guérison initiale en
Guérison initiale lente
quelques jours
> 7 jours

de contact. L’urticaire de contact allergique la plus fréquente est l’allergie au latex. Les
explorations allergologiques reposent sur la pratique de prick-tests et la recherche d’IgE
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spécifiques (voir ci-dessus).


Les principales substances à l’origine d’urticaire de contact d’origine immunologique
sont :
• les protéines d’origine animale (phanères, viande, liquides biologiques d’origine
animale) ;
• les protéines d’origine végétale (latex, certaines plantes et certains légumes) ;
• des enzymes utilisées en boulangerie, dans l’industrie alimentaire et dans les
détergents ;
̭ des substances de bas poids moléculaire, comme certains produits de coiffure, certains
métaux, certaines résines plastiques, certains biocides, certains colorants textiles.

183
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Urticaire de contact non immunologique


Plus fréquente, elle apparaît dès le premier contact. Elle se produit sur la plupart des
sujets exposés (exemple de la piqûre d’ortie). La réaction reste limitée à la zone de contact
et disparaît en une à deux heures. Il peut s’agir d’une substance induisant l’activation
mastocytaire sans participation des IgE, ou d’un agent riche en histamine, prostaglan-
dines, leucotriènes ou en substances vasoactives avec un effet vasculaire direct.
Les principales substances à l’origine d’urticaire de contact d’origine non immuno-
logique sont :
• certaines substances d’origine végétale, comme les urticacées (ortie) ;
• certaines substances d’origine animale, comme les méduses et les anémones de mer
ou les chenilles processionnaires et les papillons de nuit :
• certaines substances chimiques, comme le baume du Pérou ou la térébenthine.

Dermite aux protéines


Elle se manifeste sous forme d’un eczéma chronique avec des exacerbations aiguës dans
les minutes suivant le contact avec l’agent responsable. Une atteinte cutanée aéroportée
et des atteintes respiratoires (rhinite et asthme) peuvent s’associer. Les explorations
allergologiques à réaliser sont des prick-tests. Elle est déclenchée essentiellement par
des aliments (fruits, légumes, épices, plantes, protéines animales : viande, poisson, sang,
liquide amniotique…), des céréales, des enzymes protéolytiques et le latex.

c) Photodermatoses
Le rayonnement solaire ultraviolet (UV) est un rayonnement non ionisant compris dans
des longueurs d’onde allant de 100 à 400 nm. Il est divisé en trois groupes :
• les UVA (320-400 nm) traversent le verre des vitres dont la quantité est constante
au cours de la journée. Ils pénètrent plus profondément l’épiderme et le derme. Ils
sont impliqués dans les photosensibilisations et dans la photocarcinogenèse (effet
mutagène) ;
• les UVB (280-320 nm) sont arrêtés par le verre des vitres. Leur quantité varie selon la
saison, l’heure et l’altitude. Les plus énergétiques sont une activité directe sur l’ADN
(risque de mutation) ;
• les UVC (100-280 nm) sont arrêtés par la couche d’ozone. Ils peuvent être produits
lors des opérations de soudage à l’arc et au voisinage des lampes germicides des
sources lumineuses artificielles. Ils sont très énergétiques et dangereux sur le plan de
la cancérogenèse.
Une photoréaction correspond à l’interaction entre une longueur d’onde et une sub-
stance photosensibilisante activée par l’exposition solaire. La substance sensibilisante
peut provenir d’un trouble métabolique (porphyrie…) ou d’une substance introduite dans
l’organisme par voie systémique ou par contact.

184
3 Dermatoxicité

Tableau 8.6 Caractéristiques de la phototoxicité et de la photoallergie

Phototoxicité Photoallergie
24-48 heures après le début de
Apparition Rapide d’emblée maximale l’exposition
Apparition progressive
Uniquement chez les sujets
Chez tous les sujets exposés à une
photosensibilisés pour de faibles
quantité suffisante de substance
doses de photosensibilisants et
chimique
des doses faibles d’UV
Hypersensibillité retardée à
Mécanisme Non immunologique
médiation cellulaire
Signes
Sensation de brûlures, douleurs Démangeaison
fonctionnels
Lésions eczématiformes
Éruption limitée aux zones photo lichenoïdes ou urticariennes.
exposées et en contact avec la Initialement localisées aux
substance zones photo exposées, peuvent
Signes cliniques
Comme un coup de soleil plus ou s’étendre sur les zones non
moins sévère exposées si l’éviction du
Hyperpigmentation séquellaire photoallergène n’a pas été
réalisée.
Aliments* :
- Céleri, persil, panais, bergamote
citron, figue… Certaines molécules employées
- Boissons contenant de la quinine comme écran solaire
- Additifs alimentaires (métabisulfite Certaines molécules employées
Principaux
de sodium) en parfumerie et cosmétiques
photosensibilisants
- Édulcorant de synthèse à base de Certains pesticides ou
cyclamates. insecticides
Goudrons et dérivés
Certains colorants
Paraquat
* La quantité nécessaire pour que ces aliments déclenchent une photoréaction est souvent
importante et jamais atteinte en pratique. C’est lors de la prise d’un autre photosensibilisant qu’ils
peuvent aggraver la réaction. Les professions exposées par contact sont les maraîchers, jardiniers,
épiciers, fleuristes…

3.5 Acné
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L’acné « professionnelle » résulte exclusivement de la présence dans l’environnement de


substances chimiques comédogènes alors que l’acné vulgaire est une dermatose d’origine
endogène. Les comédons exogènes s’inflamment et s’infectent dans un second temps,
mimant sur le plan clinique une acné vulgaire. Les principales acnés exogènes sont les
boutons d’huile (huiles minérales), acné du brai de goudron ou de houille et la chloracné
due par exemple à l’exposition à des dioxines.

185
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

3.6 Troubles de la pigmentation


On distingue deux grands groupes d’anomalies pigmentaires : celles qui résultent d’une
anomalie de la répartition d’un pigment normal (hyperpigmentation leucodermie) et celles
qui résultent de la présence anormale d’un pigment endogène ou exogène (dyschromie).

a) Dyschromie cutanée secondaire à la présence d’un pigment


exogène
Une hyperpigmentation cutanée peut être secondaire à des dépôts, par exemple d’argent
(argyrie cutanée), d’or (chrysocyanose), de fer (sidérose cutanée), de mercure (hydrar-
gisme cutané) ou de charbon.

b) Leucodermies par hypomélanose


Les hypomélanoses d’origine chimique font suite soit à une exposition professionnelle
accidentelle, soit à l’application de cosmétiques utilisés à visée dépigmentante. Les
causes d’hypomélanoses toxiques peuvent être des dérivés des phénols (hydroquinone
par exemple), du mercure ou de l’arsenic).

3.7 Granulome
La survenue dans les tissus de matériel étranger entraîne ou non la formation de granu-
lomes liés à une hyperplasie réactionnelle des macrophages. Ils sont soit à corps étranger,
soit immunogénique :
• à corps étranger : réaction non immunologique liée à la présence de nombreux macro-
phages et cellules géantes autour du corps étranger. Des cellules épithélioïdes et des
lymphocytes T peuvent être présents. Selon la nature du composé, la réaction peut être
riche en polynucléaires neutrophiles (Hg métal) ou fortement sclérogène (paraffine) ;
• immunogénique : réaction à corps étranger complétée d’une réaction d’hypersensibi-
lité retardée induite par une substance sensibilisante, comme le béryllium, les fibres
synthétiques (par exemple le nylon), les piquants d’oursins ou l’encre de tatouage (le
plus souvent de couleur rouge), le zirconium et la silice.

4 Hématotoxicité

4.1 Hématopoïèse
L’hématopoïèse est un processus biologique continu et physiologique qui assure le renou-
vellement des cellules sanguines (ou éléments figurés du sang) dans l’organisme à partir
de cellules souches hématopoïétiques. Les cellules sanguines sont produites dans la
moelle osseuse (Fig. 8.5). Les cellules souches hématopoïétiques s’autorépliquent par
mitose. La plupart des descendants des cellules souches vont s’engager dans un processus

186
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Cellules précurseurs
Présence dans le sang circulant
Présence dans les tissus Cellule souche hématopoïétique pluripotente
Étapes de maturation des cellules progénitrices
engagées dans la différenciation

Cellule progénitrice myéloïde Cellule progénitrice lymphoïde

Cellule CFU-E Cellule CFU-Meg Cellule CFU-GM CFU pré-B CFU pré-T CFU pré-NK

CFU-M CFU-G

Proérythroblaste Cellule Myéloblaste Myéloblaste Lymphoblaste Lymphoblaste


Mégacaryoblaste Monoblaste Myéloblaste
commune pré-DC éosinophile basophile B T

Éjection
du noyau

Réticulocyte Mégacaryocyte

Monocyte Polynucléaire Polynucléaire Polynucléaire Lymphocytes T Cellule


Hématie Plaquettes Cellule pré-DC Lymphocyte B
neutrophile éosinophile basophile CD4+ et CD8+ natural killer

Macrophage Cellules dentritiques (CD)


Plasmocyte

CD dérivée de monocyte CD plasmocytoïde CD « classique »

Figure 8.5 – Hématopoïèse.


CD : cellule dendritique ; CFU : colony-forming unit ; CFU-E : erythroid CFU ; CFU-G : granulocyte CFU ; CFU-GM : granulocyte-
macrophage CFU ; CFU-M : macrophage CFU ; CFU-Meg : megakaryocytic CFU ; CFU-pré-NK : pré-natural killer cell CFU;
CFU-pré-B : pré-B-lymphocyte CFU; CFU-pré-T : pré-T-lymphocyte CFU ; DC : dendritic cell.
4 Hématotoxicité

187
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

de différenciation, dont chacune des étapes conduit à une restriction supplémentaire de


lignée cellulaire, avec une seule lignée à la fin de ce processus de différenciation. Ces
cellules sanguines vont subir alors des phases de maturation en cellules différenciées
terminales et aller dans le compartiment sanguin :
• leucocytes comprenant :
– monocytes (macrophages dans les tissus) et cellules dendritiques ;
– lymphocytes B et T (CD-4+ et CD-8+), et cellules NK (natural killer) ;
– polynucléaires (ou granulocytes) neutrophiles, éosinophiles et basophiles ;
• hématies (ou érythrocytes ou globules rouges) ;
• plaquettes (ou thrombocytes), fragments cellulaires issus des mégacaryocytes.
À chacune étape de différenciation décrite dans la figure 8.5, s’ajoute une proliféra-
tion cellulaire permettant une amplification cellulaire accroissant le nombre de cellules
générées. En cas d’atteinte médullaire (moelle osseuse), il existe un déficit d’une ou
plusieurs lignées cellulaires sanguines, voire de l’ensemble des cellules sanguines, on
parle alors d’aplasie médullaire.
Cas particulier de l’érythropoïèse : chez le fœtus, les hématies sont produites par
le sac amniotique, le cordon ombilical, puis le foie, la rate et enfin la moelle osseuse.
L’affinité de l’hémoglobine fœtale pour l’oxygène est supérieure à celle de l’adulte, ce
qui va faciliter l’oxygénation du fœtus. À la naissance, la moelle osseuse est le seul site
de production des hématies. Mais celles-ci peuvent être produites par réactivation de la
rate et du foie, en cas d’hypoxie, jusqu’à l’âge de 4 ans.

4.2 Cellules sanguines circulantes


Le sang est constitué en volume, d’une part, d’environ 50 % de plasma comprenant de
l’eau, des protéines, des gaz dissouts et des électrolytes, et, d’autre part, d’environ 50 %
de cellules sanguines.

a) Hématies et leur précurseur


Le réticulocyte est le précurseur immédiat de l’hématie. La production médullaire de
réticulocytes est appelée réticulocytose. Elle est peut-être stimulée lors d’une hypoxie
tissulaire comme une hémorragie ou une baisse de la pression partielle en O2 en altitude.
L’hématie est une cellule dépourvue de noyau, de mitochondries et de réticulum
endoplasmique. La seule source énergétique d’ATP de l’hématie est la glycolyse. Elle
a pour fonction le transport de l’O2 et du CO2 en partie, grâce à leur fixation sur une
protéine : l’hémoglobine. Le transport du CO2 se fait principalement (75 %) sous forme
de HCO3– en solution dans le cytoplasme lié aux groupements aminés de l’hémoglo-
bine (la carbamino-Hb). La demi-vie d’une hématie est de 120 jours. Elle est détruite
physiologiquement dans la rate. Leur destruction, la raréfaction de l’O2 ou le blocage
de l’hémoglobine par le CO par exemple peut être à l’origine d’une hypoxie tissulaire.
Dans ce cas, le système nerveux central et le myocarde, très consommateurs d’O2, sont
les tissus qui en souffriront le plus.

188
4 Hématotoxicité

Les valeurs normales de l’hémogramme sont les suivantes :


• hématies : 4 500 000 à 6 500 000 / mm3 ;
• réticulocytes : 25 000 à 100 000 / mm3 ;
• hémoglobinémie (Hb) : 12 à 18 g/dL. Inférieure à 12 g/dL, on parle d’anémie. Elle est
microcytaire, si le volume globulaire moyen (VGM) est < 80 μm3 ou macrocytaire, si
le VGM est > 100 μm3 et elle est normochrome, si la teneur d’Hb dans les hématies
est normale ou hypochrome, en cas de déficit d’Hb dans les hématies ;
• hématocrite (Ht) : 40 à 54 %. Elle correspond au rapport entre le volume total des
cellules sanguines sur le volume de sang total.

b) Leucocytes
Polynucléaires
• Polynucléaires neutrophiles (PNN) (valeur normale entre 2 000 et 7 500 / mm3).
Leur présence dans le sang circulant varie de 6 à 24 heures. Ils ont pour fonction la
phagocytose (rôle important dans la lutte contre les infections) et la destruction des
corps étrangers. En cas de déficit du nombre de PNN par mm3, on parle de neutropénie.
• Polynucléaires éosinophiles (valeur normale entre 40 à 800 / mm3). Leur présence
dans le sang circulant est brève. Ils phagocytent les cellules reconnues avec des
complexes antigènes-anticorps et ont un rôle important dans la lutte contre certains
parasites et dans les réactions allergiques. Leurs granules contiennent une histaminase
et une arylsulfatase.
• Polynucléaires basophiles (valeur normale entre 10 à 200 / mm3). Leurs granules
contiennent de l’histamine, de l’héparine et des leucotriènes. Une dégranulation peut
survenir dans certaines réactions d’hypersensibilité retardée. Les mastocytes sont des
cellules proches des polynucléaires basophiles et jouent un rôle important dans les
défenses antiparasitaires.

Monocytes
Leur valeur normale varie de 200 à 1 000 / mm3. Leur temps de présence dans le sang
circulant varie de 2 à 4 jours. Ils migrent ensuite dans les tissus et se transforment alors
en macrophages. La demi-vie des macrophages varie de quelques semaines à plusieurs
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années. Ils ont pour fonction : la phagocytose des cellules sanguines et des antigènes
macromoléculaires et corpusculaires, la production d’interféron, de TNF et de certaines
interleukines. Certains macrophages sont des cellules présentatrices des antigènes.

Lymphocytes
Leur valeur normale varie de 1 000 à 4 000 / mm3. Ils représentent environ 60 à 80 %
des lymphocytes circulants. Ils sont des vecteurs de l’immunité cellulaire, capables de
détruire les cellules reconnues comme étrangères. Les lymphocytes T-helper et T-suppres-
seur participent à la régulation de la production d’anticorps (ou immunoglobulines) par

189
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

les lymphocytes B qui sont alors appelés plasmocytes. En cas de déficit du nombre de
lymphocytes par mm3, on parle de lymphopénie.

c) Plaquettes
Leur valeur normale varie de 150 000 à 500 000 / mm3. Elles jouent un rôle majeur dans
l’hémostase en association avec l’endothélium vasculaire et les facteurs de coagulation.
En cas de déficit du nombre de plaquettes par mm3, on parle de thrombopénie.

4.3 Hématoxicité
a) Effets toxiques sur l’hématopoïèse
Il faut distinguer les effets sur les cellules souches et les précurseurs et ceux sur les
éléments circulants. L’inhibition de l’hématopoïèse peut toucher une ou plusieurs lignées
sanguines. Les causes toxiques possibles sont, en dehors de certains médicaments comme
des cytostatiques (médicaments anticancéreux), les éthers monométhylique (EGME) et
monoéthylique (EGEE) de l’éthylène glycol et leurs acétates, et le plomb.

Exemple des éthers monométhylique et monoéthylique de l’éthylène glycol


et de leurs acétates
Effet dépresseur médullaire
Certains éthers de l’éthylène glycol, comme l’EGME et l’EGEE, et leurs acétates ont un
effet dépresseur médullaire dose-dépendant dans toutes les espèces animales testées.
Ces éthers de glycol sont responsables d’une hypocellularité et d’une diminution des
progéniteurs, en particulier des progéniteurs granulocytaires et érythrocytaires. Ces
effets sont responsables donc d’une leucopénie, d’une neutropénie et d’une anémie. Il
y a d’assez nombreux cas rapportés de cytopénies chez travailleurs exposés à l’EGME,
l’EGEE ou leurs acétates.

Toxicité pour les organes lymphoïdes et lymphopénie


Certains éthers de l’éthylène glycol, comme l’EGME et l’EGEE, et leurs acétates, ont
des effets dose-dépendants dans toutes les espèces animales testées, avec une atrophie
du cortex thymique et de la rate, une diminution des lymphocytes, particulièrement des
lymphocytes T CD4+ (sans atteinte numérique ou fonctionnelle des cellules NK) et une
diminution des réponses aux stimuli antigéniques.
Quelques cas de lymphopénie ont été rapportés chez des parqueteurs exposés à divers
solvants organiques dont l’EGME et l’EGEE. Les effets rapportés étaient une diminution
des lymphocytes CD4+ et CD11+ (sans modification des CD8+) et une augmentation
des cellules NK.
Exemple du plomb
Le plomb est à l’origine d’une anémie en interférant avec la synthèse de l’hème (consti-
tuant de l’hémoglobine) en inhibant la déshydratase de l’acide delta-aminolévulinique
(ALA), l’hème synthétase et, à un moindre degré, la coproporphyrinogène décarboxylase.

190
4 Hématotoxicité

Il inhibe également la synthèse de la globine et le transport du fer. Par ailleurs, il a


une toxicité membranaire directe et est à l’origine d’une déplétion en glutathion (GSH)
érythrocytaire.
L’anémie est classiquement normochrome et normocytaire chez l’adulte et souvent
hypochrome et microcytaire chez l’enfant du fait d’une carence martiale associée.
L’hémoglobine diminue dès que la plombémie est égale à 400 μg/L. Mais l’anémie, en
l’absence de cause associée, apparaît quand la plombémie est supérieure à 800 μg/L. Les
hématies à granulations basophiles résultent de l’inhibition de la pyrimidine-5'-nucléoti-
dase qui est une enzyme catalysant l’hydrolyse des acides nucléiques. Les granulations
sont des résidus d’acides nucléiques. L’inhibition de cette enzyme débute dès que la
plombémie est égale à 200-300 μg/L.

b) Hémolyses toxiques
La destruction des hématies est à l’origine d’une baisse de l’hémoglobine, de l’hématocrite
et de l’haptoglobine, et d’une augmentation de la bilirubine libre et de l’hémoglobinémie
(hémoglobine plasmatique). Les mécanismes de l’hémolyse toxique peuvent être divers.
Elles peuvent être d’origine immunologique, liées à des agressions membranaires ou au
stress oxydant. Par exemple, la pénicilline, les céphalosporines, la quinine, la quinidine
peuvent être à l’origine de mécanismes immuno-allergiques. La méthyldopa peut être
responsable d’hémolyses auto-immunes. La saponine, les tensioactifs, toutes les sub-
stances irritantes ou corrosives (en intravasculaire, ou à doses massives), l’arsine, la stibine,
le plomb ou le butylglycol peuvent être responsables d’agressions membranaires directes.

c) Effets toxiques sur la fonction de transport d’O2


Exemple de la carboxyhémoglobinémie
Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore et inodore, dont la densité est proche
de celle de l’air. Il est appelé le « silent killer ». Le CO est issu d’une combustion incom-
plète de toute matière organique : cigarette, émission de gaz d’échappement de moteurs,
appareils de chauffage au gaz, au bois ou au charbon, soudage, fours, fonderies, explo-
sions ou incendies. Le CO peut être également produit comme métabolite actif lors d’une
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intoxication à des dihalogénures de méthane comme le dichlorométhane.


L’absorption respiratoire du CO est excellente. Sa diffusion alvéolaire est égale à celle
de l’O2. Il ne subit pas de biotransformation et est éliminé par voie respiratoire. Sa demi-
vie d’élimination en air ambiant est d’environ 4 heures, de 80 à 90 minutes sous O2 pur
et de 20-25 minutes sous oxygénothérapie hyperbare (3 atmosphères [Atm]).
Cas particulier de la femme enceinte : le CO passe très bien la barrière placentaire.
Il n’y a pas de parallélisme strict entre les oxycarbonémies de la mère et du fœtus. Son
augmentation est retardée chez le fœtus et sa diminution est plus lente.
Le CO se lie à l’hémoglobine (HbCO). Son affinité est 240 fois supérieure à celle
de l’O2 pour l’hémoglobine. Quand le CO atmosphérique est égal à 1 ‰, l’HbCO est
supérieure à 50 % puisque la fraction inspirée d’O2 est de 21 %.

191
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

L’HbCO ne peut pas transporter d’O2. Par conséquent, l’O2 est plus difficilement
délivré aux tissus, ce qui aggrave l’anoxie tissulaire. Le CO se fixe dans une moindre
mesure sur d’autres hémoprotéines : la myoglobine, le cytochrome P450 et la cytochrome
oxydase. Le CO est principalement responsable d’une anoxie tissulaire. Les tissus les plus
sensibles aux effets du CO sont ceux qui sont les plus sensibles à l’anoxie : le système
nerveux central et le myocarde.
Lors de l’intoxication aiguë, la présentation classique initiale est la triade : céphalées,
nausées, vomissements et sensations vertigineuses. Il peut exister également de façon
inconstante :
• des troubles du comportement, une perte de connaissance, un coma, des convulsions,
un syndrome pyramidal ou extra-pyramidal, un syndrome déficitaire focalisé ;
• des troubles de la repolarisation, de la conduction et/ou de l’excitabilité, un angor, un
infarctus, des troubles hémodynamiques et un œdème aigu du poumon cardiogénique ;
• une insuffisance rénale tubulaire due à une rhabdomyolyse par compression ou par
toxicité directe, ou post-convulsions ;
• des phlyctènes par compression, une coloration cochenille de la peau (le plus souvent
une cyanose) ;
• une pneumopathie d’inhalation dans les suites d’un coma avec vomissements ;
• une pancréatite (rare).
Un syndrome post-intervallaire peut survenir dans 1 à 3 % des cas, 3 jours à
3 semaines après l’intoxication. Il s’agit d’une démyélinisation rapide, visible à l’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM), après quelques semaines correspondant à
une aggravation des troubles neurologiques (détérioration intellectuelle, ± syndrome
extrapyramidal et/ou cérébelleux, ± troubles auditifs, ± cécité corticale, ± myélo-
pathie). La récupération est habituelle en 12-18 mois. Cependant, le CO est la principale
cause de mortalité par intoxication non médicamenteuse. Dans un certain nombre
de cas, il existe des séquelles neurologiques, le syndrome parkinsonien étant le plus
fréquent.
Le diagnostic de l’intoxication aiguë se fait par le dosage sanguin de l’HbCO. Il existe
trois unités : en % d’HbCO, en ml de CO pour 100 ml de sang (1 ml CO/100 ml ≈ 5 %
HbCO) ou en mmol de CO par litre de sang (1 mmol CO/l = 2,24 mL CO/100 ml).
NB : il n’existe pas de corrélation entre le taux d’HbCO ou de CO dans le sang et la
gravité de l’intoxication. L’oxycarbonémie ne sert qu’à confirmer le diagnostic.
Devant toute suspicion d’intoxication aiguë au CO, une oxygénothérapie est initiée
immédiatement sans attendre la confirmation par le dosage. Elle sera normobare au
masque (FiO2 = 100 %) en général, ou hyperbare (2 à 3 atm) devant tout trouble neuro-
logique ou cardiaque et chez les femmes enceintes.
Les symptômes possiblement présentés lors d’une intoxication chronique sont une
asthénie, des céphalées, des sensations vertigineuses rythmées par le travail ou tout
autre lieu d’exposition, des troubles mentaux organiques, un syndrome parkinsonien, un

192
4 Hématotoxicité

angor, des troubles à l’électrocardiogramme. Il existe une hypotrophie fœtale, lorsque


l’intoxication survient chez la femme enceinte.

Exemple de la méthémoglobinémie
La méthémoglobine est une hémoglobine dont le fer ferreux (Fe2+) a été oxydé en fer
ferrique (Fe3+). Cette modification chimique rend l’hémoglobine incapable de trans-
porter l’O2 et donc une hypoxie tissulaire. Les substances méthémoglobinisantes sont
nombreuses : nitrites, chlorates, nitrobenzènes, amines aromatiques, phénols, amino-
phénols, naphtalène, sulfamides, sulfones, hydroquinone…
Physiologiquement, il y a une réduction de la méthémoglobine par la MetHb-réductase
NADH-dépendante (voie principale : glycolyse aérobie) et par la réductase quiescente
NADPH-dépendante et le bleu de méthylène (voie secondaire : glycolyse anaérobie
ou voie des pentoses (G6PD)). Cette voie secondaire est inefficace en cas de déficit en
G6PD. Les manifestations cliniques de la méthémoglobinémie sont une cyanose, gris
ardoisé, et un sang de couleur brun-chocolat quand la méthémoglobinémie est supérieure
à 1,5 g/dL. Les signes d’hypoxie tissulaire sont neurologiques et cardiaques. Il existe
des corrélations dose-effet (Tab. 8.7).

Tableau 8.7 Corrélation des effets cliniques et pourcentage de méthémoglobinémie

% de méthémoglobinémie Effets cliniques


0-15 % Aucun
15-20 % Cyanose et sang « brun chocolat »
20-45 % Asthénie, dyspnée, céphalées et/ou lipothymies
45-55 % Troubles de conscience
55-70 % Coma/convulsions, troubles du rythme cardiaque et
hémodynamiques
> 70 % Risque élevé de décès

d) Effets toxiques sur les plaquettes


Les thrombopénies peuvent être d’origine périphérique ou centrale (atteinte médullaire)
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ou induites par un hypersplénisme.


Les thrombopénies périphériques ont un mécanisme immunoallergique (exemple :
quinine, quinidine, héparine, sels d’or…) ou sont dues à une consommation de plaquettes
(coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) compliquant une atteinte viscérale grave
par exemple lors de certaines envenimations par des venins de serpent).
Les thrombopénies centrales sont dues à une dépression médullaire ; dans ce cas, la
thrombopénie est rarement isolée. L’hypersplénisme peut être due à une hypertension
portale compliquant une fibrose hépatique induite par le chlorure de vinyle ou l’arsenic
par exemple. Certaines substances (aspirine, dipyridamole, ticlopidine…) peuvent par
ailleurs avoir un effet antiagrégrant plaquettaire.

193
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

5 Néphrotoxicté
Le rein est un organe émonctoire important et un organe cible pour de nombreux xéno-
biotiques, qu’il s’agisse de médicaments, de toxiques professionnels et environnementaux,
voire même de certaines mycotoxines. La fraction attribuable à des étiologies toxiques
dans la survenue d’une insuffisance rénale chronique est estimée à moins de 2 % selon
certains auteurs, les médicaments étant la cause la plus fréquente des insuffisances
rénales toxiques, essentiellement les analgésiques. Cependant, 25 à 50 % des insuffisances
rénales n’ont pas d’étiologie retrouvée. Une origine toxique iatrogène, professionnelle ou
environnementale pourrait représenter une part non négligeable de ces cas. Sur le plan
expérimental, il existe de nombreuses substances dont la néphrotoxicité a été clairement
établie. Cependant, imputer une relation causale entre une insuffisance rénale aiguë et
une origine toxique n’est pas aisé chez l’Homme, et est encore plus difficile dans le cas
de néphropathies chroniques du fait de :
• une action en général très lente et silencieuse des substances néphrotoxiques, avec des
manifestations cliniques qui n’apparaissent qu’une fois que près de 80 % des néphrons
sont détruits ;
• une adaptation rénale permettant pendant longtemps de remédier aux troubles fonc-
tionnels induits ;
• une progression de la maladie rénale après cessation de l’exposition à la substance
néphrotoxique.
Dans la suite de ce chapitre, les atteintes médicamenteuses ne sont pas décrites, mais
elles constituent une cause nettement plus fréquente d’atteinte rénale toxique que les
causes d’origine industrielle ou domestique.

5.1 Anatomie et fonctions physiologiques du rein


Les reins sont des organes rétropéritonéaux et paravertébraux. Ils pèsent chacun 150 g
et mesurent 11 à 12 cm en longueur et 6 cm en largeur avec une épaisseur de 3 cm.
Un rein comporte une zone externe, le cortex, et une zone interne, la médulla, elle-
même subdivisée en médullas externe et interne

a) Fonctions non endocrines du rein


Les reins épurent de façon sélective notamment :
• les déchets azotés : urée, créatinine et acide urique ;
• les métabolites hormonaux, vitamines ou certains medicaments.
Par ailleurs, ils ont un rôle primordial dans l’homéostasie hydroélectrolytique et
acidobasique (pH) plasmatique de l’organisme. En effet, il existe une grande variabilité
de la composition des urines en fonction des apports ou des pertes en termes de :
• volume hydrique (diurèse : 0,5 à 12 litres/24 h) ;

194
5 Néphrotoxicté

• molécules (sodium (Na+), potassium, chlore, calcium, phosphore, magnésium…) avec


notamment le Na+ variant de 0 à 1 000 mmol/24 h et de façon plus globale une osmo-
lalité allant de 50 à 1 200 mOsm/kg ;
• protons (H+) avec un pH urinaire qui varie de 4,4 à 8.
L’unité fonctionnelle du rein permettant l’épuration rénale est le néphron. Chaque rein
compte 2 millions de néphrons environ (Fig. 8.6). Chaque néphron est composé d’un
glomérule dont la principale fonction est la filtration glomérulaire de l’eau plasmatique
et des déchets au travers de la capsule de Bowman. Les tubules assurent la réabsorption
et la sécrétion de certaines molécules.
• La filtration glomérulaire consiste à séparer l’eau plasmatique et des protéines depuis
les capillaires glomérulaires vers la lumière tubulaire proximale au travers du glomé-
rule. Cet ultrafiltrat contient de petites molécules (poids moléculaire < 5 kDa), très
peu de grosses protéines (comme l’albumine), des électrolytes, du glucose et des acides
aminés. Il existe un métabolisme permettant la régulation de la filtration glomérulaire
par des enzymes ou des médiateurs.

Tube contourné proximal Tube contourné


Capsule (TCP) distal (TCD)
de Bowman

Glomérule

Anse de Henlé Tube collecteur


de Bellini
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Figure 8.6 – Néphron

La filtration glomérulaire est influencée par :


• les pressions en présence :
– pression hydrostatique du sang dans les capillaires : glomérulaires à environ
50 mmHg ; péritubulaires à environ 10 mmHg ;
– pression oncotique des protéines inférieure aux pressions hydrostatiques dans
les capillaires glomérulaires et péritubulaires ;
• des influences neuro-hormonales :
– vasoconstriction sous l’effet par exemple de l’angiotensine de type II, et un
rôle majeur de certains médicaments qui inactivent l’action du système rénine-
angiotensine diminuant ainsi le débit de filtration glomérulaire (voir ci-après) ;

195
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

– vasodilatation sous l’effet par exemple des prostaglandines dont la produc-


tion glomérulaire est stimulée par l’angiotensine de type II et la noradrénaline,
aboutissant à une diminution du tonus artériolaire et donc du débit de filtration
glomérulaire.
• Tube contourné proximal
Il existe au niveau du tube contourné proximal une réabsorption du liquide tubulaire
comportant de l’eau, des électrolytes, du glucose, de l’acide urique, des acides aminés,
vers la lumière des capillaires péritubulaires.
• Anse de Henlé
Il existe au niveau de l’anse de Henlé une réabsorption du sodium Na+ et du chlore Cl– et
d’autres électrolytes, une sécrétion de l’urée et une réabsorption d’acides aminés neutres.
• Tube contourné distal et canal collecteur (tubes de Bellini)
Il existe par la suite une concentration des urines avec une réabsorption éventuelle d’eau
au niveau du tube contourné distal et du canal collecteur.
• La circulation sanguine rénale a pour particularité d’avoir :
– réseau artério-artériel glomérulaire ;
– réseau artério-veineux péri-tubulaire ;
– 3 microcirculations différentes : glomérulaire ; post-glomérulaire corticale ;
post-glomérulaire médullaire.
La circulation sanguine rénale est modulée par des hormones favorisant la vaso-
constriction (angiotensine de type II, hormone antidiurétique (ADH), endothélines,
noradrénaline, adrénaline) et des hormones favorisant au contraire la vasodilatation
(acétylcholine, bradykinines, dopamine, oxyde d’azote (NO) et prostaglandines). Afin
de réguler l’homéostasie hydroélectrolytique, le rein a un débit sanguin qui est d’environ
20 % du débit cardiaque, soit environ 1 000 à 1 200 ml/min et la consommation rénale
en O2 est d’environ 8 % de la totalité de la consommation en O2 au repos de l’organisme.
Il existe par ailleurs une faible désaturation artérioveineuse rénale.

b) Fonctions endocrines du rein


Vitamine D
La forme active de la vitamine D, appelée 1,25 (OH)2-vitamine D3 ou calcitriol, est
produite par les cellules tubulaires proximales, à partir de son précurseur hépatique,
la 25-OH-vitamine D3, sous l’effet de l’α-hydroxylase. L’activité de cette enzyme est
augmentée par la parathormone (PTH). La vitamine D active permet d’augmenter l’ab-
sorption digestive et rénale d’ions calcium, et l’absorption intestinale d’ions phosphate.

Érythropoïétine
L’érythropoïétine (EPO) est produite par des cellules interstitielles péritubulaires en
réponse à l’hypoxie cellulaire et stimule la production des érythrocytes dans la moelle
osseuse.

196
5 Néphrotoxicté

Système rénine-angiotensine-aldostérone
Le rein participe à la régulation de la pression artérielle :
• Régulation rapide : système rénine angiotensine. La rénine est sécrétée au niveau de
l’appareil juxta-glomérulaire, en réponse aux variations de la volémie. Elle active
ensuite l’angiotensinogène circulant d’origine hépatique et l’enzyme de conversion
transforme l’angiotensine I libérée en angiotensine II. Cette dernière exerce des effets
vasoconstricteurs puissants et stimule la sécrétion surrénalienne d’aldostérone favori-
sant la rétention de Na+.
• Régulation lente : régulation de la volémie (voir ci-dessus).

5.2 Évaluation de la fonction rénale


a) Évaluation globale de la fonction rénale
Plusieurs marqueurs biologiques sont usuellement employés pour évaluer la fonc-
tion rénale, comme la créatininémie (μmol/L), la clairance de la créatinine (en mL/
min/1,73 m2, différentes formules selon l’âge et le sexe comme les formules de :
• Cockroft et Gault : [(140 - âge) × poids/créatininémie en μmol/L)] × k (k = 1,23 chez
l’homme, k = 1,04 chez la femme) ;
• MDRD (modification of diet disease study) : 186,3 × (créatininémie en μmol/L/88,4)–1,154
× âge –0,203 (× 0,742 si sexe féminin, × 1,21 si ethnie africaine subsaharienne) ;
• CKD-Epi (Chronic Kidney Disease - Epidemiology Collaboration) : 41 × min (Scr/κ, 1)α
× max(Scr/κ, 1) –1,209 × 0,993Age (× 1,018 si sexe féminin, × 1,159 si ethnie africaine
subsaharienne) avec : Scr créatininémie sérique mg/dL ; κ : 0,7 pour les femmes et
0,9 pour les hommes ; α : –0,329 pour les femmes ; –0,411 pour les hommes ; min :
minimum de Scr/κ ou 1 ; max : maximum de Scr/κ ou 1.
La valeur normale de clairance de la créatinine est de 90 à 120 ml/min/1,73 m2,
l’insuffisance rénale est définie par une clairance inférieure à 60 ml/min/1,73 m2
Il est important de noter que ces biomarqueurs sont des marqueurs d’effets tardifs.
En milieu hospitalier, d’autres épreuves fonctionnelles rénales permettent d’évaluer la
fonction en mesurant la clairance de l’inuline ou du 99Tc DTPA. Ces marqueurs ne sont
pas employés en routine. D’autres biomarqueurs urinaires ou sanguins sont actuellement
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étudiés, comme la cystatine C, la NGAL (Neutrophil Gelatinase Associated Lipocalin),


le KIM-1 (Kidney Injury Molecule-1), l’IL-18 (interleukine 18) (urine) et le L-FABP
(Liver-Fatty Acid Binding Protein).

b) Évaluation spécifique des différents compartiments du rein


Évaluation de l’atteinte glomérulaire
L’atteinte glomérulaire est évaluée usuellement par :
• protéines de haut poids moléculaire : albuminurie (valeur anormale si > 50 mg/24 h
ou > 25 mg/l) ;
• hématurie (> 10 000 hématies/ml).

197
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Évaluation de l’atteinte tubulaire


De façon globale, le pouvoir de concentration des urines est altéré et peut être estimé
par une restriction hydrique. Cette épreuve est cependant désormais rarement pratiquée.
L’atteinte tubulaire est évaluée usuellement par la recherche dans l’urine :
• de protéines de faible poids moléculaire (atteinte tubulaire proximale) :
– β2-microglobulinurie (instable en milieu acide) ;
– protéine transporteuse du rétinol ou RBP, Retinol Binding Protein ;
– α1-microglobuline ;
• d’une enzymurie : N-acétylglucosaminidase (NAG) (atteinte de la bordure en brosse
tubulaire) ;
• par la glycoprotéine de Tamm-Horsfall (témoignant d’une atteinte tubulaire distale).
Leur sensibilité est autour de 70 à 90 % pour la NAG, de 45 à 75 % pour la
β2-microglobulinurie et de 65 à 70 % pour la RBP. Il existe également une variabilité
des marqueurs utilisés de l’ordre de 10 à 20 %, selon :
• l’âge (β2-microglobulinurie, NAG) ;
• le tabagisme, d’alcool ou la pression artérielle (microalbuminurie, NAG) ;
• le pH urinaire (β2-microglobulinurie).

c) Tests de dépistage colorimétrique d’une atteinte rénale


Il existe des tests rapides colorimétriques (bandelette urinaire) pour estimer notamment
la protéinurie, l’hématurie, la leucocyturie et certaines bandelettes évaluant la micro-
albuminurie. Ces test colorimétriques peuvent être mis en œuvre simplement dans divers
cabinets médicaux. Il est important de noter que ces tests de dépistage comportent
des faux-positifs (si pH > 7, urines concentrées, hématurie en cas d’infection urinaire,
menstruations, albuminurie < 20 mg/L) et des faux-négatifs (si présence de protéinurie à
chaînes légères, comme dans le myélome). Tout résultat anormal doit donc être confirmé
par des tests biologiques usuels en laboratoire. Un recueil des urines des 24 h permet de
s’affranchir d’un certain nombre de ces facteurs.

5.3 Pathologies rénales d’origine toxique


a) Insuffisance rénale
Insuffisance rénale aiguë
Il existe plusieurs types d’insuffisance rénale aiguë :
• fonctionnelle liée à une hypovolémie qui peut être d’origine toxique, le plus souvent
d’origine médicamenteuse (prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de
l’enzyme de conversion, diurétiques, l’injection de produits de contraste radiologique
chez un sujet insuffisamment hydraté) ;
• par obstacle sur les voies excrétrices urinaires qui peut être d’origine toxique avec
une lithiase urinaire (cas de certains analgésiques et cadmium) ou s’il existe une fibrose
rétropéritonéale (méthotrexate) ;

198
5 Néphrotoxicté

• organique : les insuffisances rénales aiguës d’origine organique comportent les néphro-
pathies glomérulaires, tubulaires, interstitielles et vasculaires. Elles sont dues par exemple
à une atteinte cellulaire aboutissant à la mort cellulaire par apoptose ou par nécrose, une
altération de l’adhésion cellulaire, un épithélium cellulaire lacunaire, une fuite du filtrat
glomérulaire, une diminution de la filtration glomérulaire ou un agrégat de cellules alté-
rées dans la lumière tubulaire. Des processus réactionnels de réparation vont permettre
dans un certain nombre de cas, une réparation cellulaire avec une réépithélialisation,
une hypertrophie compensatrice, une adaptation cellulaire, une prolifération cellulaire.
Il peut exister une induction de certaines protéines comme la métallothionéine ou des
protéines de stress. Ces processus adaptatifs peuvent masquer une fonction rénale devenue
anormale, alors qu’elle n’est pas détectée par des tests usuels (comme la clairance de la
créatinine par exemple) qui demeurent dans les limites de la normale.
L’intoxication aiguë par des métaux lourds, certains solvants organiques ou pesticides
induit une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë.
Les principales étiologies toxiques des néphropathies aiguës figurent dans le
tableau 8.8.

Tableau 8.8 Principales étiologies toxiques non médicamenteuses des insuffisances


rénales aiguës

Types d’insuffisance
Mécanismes Agents toxiques
rénale aiguë
Fonctionnelle État de choc Paraquat
Obstruction des voies Précipitation de cristaux Éthylène glycol
excrétrices d’oxalate de calcium Vigne vierge à fortes doses
Organique Nécrose tubulaire aiguë Métaux lourds (cadmium, chrome,
plomb, mercure, platine, uranium…)
Certains solvants organiques
(tétrachlorure de carbone…)
Monoxyde de carbone par
rhabdomyolyse
Hydrogène arsénié (arsine) par
hémolyse intravasculaire
Certains produits phytosanitaires
(paraquat, chlorate de sodium et de
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potassium par exemple)

Insuffisance rénale chronique


L’insuffisance rénale chronique est due à des pathologies rénales chroniques, compor-
tant les néphropathies tubulo-interstitielles (une néphropathie tubulaire chronique
s’accompagne toujours d’une néphropathie interstitielle et inversement), glomérulaires
et vasculaires. Elles sont dues par exemple à une détérioration progressive de la fonction
rénale du fait de l’atteinte au long cours du rein causée par une ou plusieurs substance(s)
chimique(s) néphrotoxique(s).
L’exposition prolongée à certains métaux (plomb, cadmium) est à l’origine d’une
néphropathie tubulo-interstitielle chronique qui évolue lentement vers une insuffisance

199
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

rénale chronique (Tab. 8.9). La survenue d’une néphropathie glomérulaire par un toxique
d’origine professionnelle est plus exceptionnelle. Elle a été démontrée pour le mercure,
chez l’Homme et dans des modèles expérimentaux, mais reste rare. D’autres toxiques,
notamment les solvants organiques et certains autres métaux, sont impliqués dans
l’aggravation de certaines néphropathies notamment glomérulaires sans qu’il soit claire-
ment démontré qu’ils ont joué un rôle causal dans l’atteinte glomérulaire initialement. Les
principales étiologies toxiques des néphropathies chroniques figurent dans le tableau 8.9.

Tableau 8.9 Principales étiologies toxiques non médicamenteuses des insuffisances


rénales chroniques

Types d’insuffisance rénale chronique Agents toxiques


Plomb, cadmium, mercure, or…
Néphropathies glomérulaires Tétrachlorure de carbone
Autres solvants organiques (rôle aggravant)
Plomb, cadmium, mercure, or…
Certains hydrocarbures halogénés (tétrachlorure de
carbone par exemple)
Silice cristalline (mécanisme auto-immun suspecté)
Néphropathies tubulo-interstitielles Certaines herbes chinoises (acide aristolochique par
exemple)
Certains champignons supérieurs (tous les cortinaires
et l’Aminata proxima) ou certaines mycotoxines
comme l’amanitine de l’Amanite phalloïde.

5.4 Conclusion
Les atteintes rénales toxiques d’origine professionnelle, environnementale ou domes-
tique, même si elles sont probablement peu fréquentes, doivent systématiquement être
évoquées, car elles sont probablement sous-estimées. Elles nécessitent que, outre la
recherche des consommations médicamenteuses éventuelles, un interrogatoire profes-
sionnel et environnemental soit réalisé lors du bilan étiologique de toute atteinte rénale.

6 Hépatotoxicité
De par son rôle central dans le métabolisme, le foie est exposé à de très nombreuses
substances, d’origines médicamenteuses, environnementales ou professionnelles. Parmi
ces substances, nombreuses sont celles décrites comme pouvant induire une toxicité
hépatique. Néanmoins, la survenue de ces effets est souvent difficile à prévoir car les
mécanismes à l’origine de cette toxicité sont multiples, et de nombreux facteurs inter-
viennent dans leur survenue : co-expositions, susceptibilité individuelle. Par exemple,
et malgré les différents essais préalables à la mise sur le marché des médicaments, les
atteintes hépatiques toxiques sont la première cause de leur retrait du marché. Ces effets
idiosyncrasiques sont également rencontrés pour des toxiques environnementaux ou
industriels, ils représentent la majorité des cas d’atteintes toxiques hépatiques.

200
6 Hépatotoxicité

La compréhension des principaux types d’atteintes hépatotoxiques et de leurs


mécanismes implique une connaissance minimale de l’organisation du foie. Le texte
qui suit présente successivement et succinctement, l’organisation du foie et les principaux
types d’effets hépatotoxiques.

6.1 Rappels sur le foie


a) Anatomie
Le foie est un organe glandulaire impair d’un poids moyen de 1 500 g et d’une taille
moyenne de 28 cm de large, 8 cm de haut et 16 cm d’avant en arrière. Il est situé dans
la partie supérieure de l’abdomen, à l’étage sus-mésocolique dans l’hypochondre droit,
majoritairement sous la coupole diaphragmatique droite. Le foie est irrigué par la veine
porte et l’artère hépatique. Le foie comporte quatre lobes : la partie inférieure du lobe
caudé, le lobe droit, le lobe gauche et le lobe carré. Ces lobes ne représentent qu’une
séparation anatomique, en aucun cas fonctionnelle. Le foie peut également être séparé
en foie droit et en foie gauche, selon une segmentation fonctionnelle correspondant au
trajet et à la distribution intrahépatique de la veine porte.

b) Histologie du foie
La cellule parenchymateuse principale du foie est l’hépatocyte. Les hépatocytes sont à
l’origine de la formation de la bile et des transformations métaboliques de très nombreuses
substances. Ils sont regroupés en lobules hépatiques, l’unité fonctionnelle du foie. Les
lobules sont de forme hexagonale, avec une veine centrolobulaire au centre et des espaces
portes aux sommets. Les espaces portes sont des travées de tissu conjonctif, au sein
desquelles cheminent les vaisseaux issus de la veine porte et de l’artère hépatique ainsi
que les canaux biliaires intrahépatiques. Des petits capillaires sanguins relient les vais-
seaux issus de la veine porte et de l’artère hépatique aux veines centrolobulaires, ce
sont les capillaires sinusoïdes. La circulation sanguine se fait de manière centripète,
depuis l’espace-porte vers la veine centrolobulaire. À l’inverse, la bile progresse de façon
centrifuge pour rejoindre les canaux biliaires dans les espaces portes. Il existe d’autres
cellules au sein du parenchyme hépatique, notamment les cellules de Kupffer. Ce sont
des cellules macrophagiques, situées dans les capillaires sinusoïdes. Elles vont phago-
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cyter certaines particules afin de les empêcher de gagner la circulation générale par les
veines centrolobulaires. Parmi les autres cellules, on retrouve aussi les cholangiocytes,
qui sont des cellules épithéliales formant les canaux biliaires, et les cellules étoilées du
foie, qui ont notamment un rôle dans le stockage de la vitamine A.

c) Physiologie
Le foie assure de nombreuses fonctions au sein de l’organisme. C’est un organe de synthèse,
qui va permettre la formation de la bile. La bile va à la fois éliminer certains produits du cata-
bolisme hépatique mais également jouer un rôle essentiel dans la digestion et l’absorption de
substances au niveau du tube digestif en solubilisant dans la lumière digestive des substances

201
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

liposolubles. C’est également le lieu de synthèse de la majeure partie des protéines plasma-
tiques, que ce soit des transporteurs comme l’albumine, des facteurs de la coagulation, des
protéines de l’inflammation ou des protéines du métabolisme du fer (ferritine, transferrine).
Le foie va également jouer un rôle dans la synthèse lipidique (néosynthèse hépatique de
cholestérol et de triglycérides) et glucidique (formation de glycogène et néoglucogenèse).
Grâce à ces phénomènes, le foie permet un maintien d’une glycémie constante. Le foie est
également l’organe principal du métabolisme. Le métabolisme correspond à l’ensemble
des réactions enzymatiques entrant en jeu dans la transformation d’une molécule en un ou
plusieurs métabolites, souvent plus facilement éliminables par voie biliaire ou urinaire. Les
métabolites peuvent avoir, ou non, une activité pharmacologique. Les substances absorbées
par voie digestive vont ainsi être transformées dans les hépatocytes et leurs métabolites
pourront alors passer dans la circulation sanguine générale. Le foie joue un rôle majeur
dans le métabolisme de nombreuses substances essentielles à l’organisme, dont le fer et le
cuivre. Enfin, le foie est également un organe de détoxification. Il est en effet le siège du
cycle de l’urée et de la conjugaison de la bilirubine non conjuguée. Le cycle de l’urée permet
la transformation de l’ammoniac (neurotoxique) issu du catabolisme des acides aminés en
urée, qui est facilement éliminée dans les urines. La bilirubine non conjuguée est également
neurotoxique et elle est issue de la dégradation de l’hémoglobine. Sa conjugaison au niveau
hépatique permet son élimination par voie biliaire.

6.2 Principaux types d’atteintes hépatiques


Le foie est équipé de nombreux systèmes enzymatiques qui permettent la métaboli-
sation des xénobiotiques (abordés au début du chapitre 4 dans « Le métabolisme et
l’élimination des xénobiotiques »). Les interférences des xénobiotiques avec ces voies
de métabolisation sont nombreuses et les mécanismes à l’origine des atteintes toxiques
sont complexes, encore assez souvent méconnus, et souvent intriqués. Les principales
formes d’atteintes hépatiques, occasionnées par ces différents mécanismes toxiques, sont
l’hépatite cytolytique, la cholestase et la stéatose.

a) Cytolyse
Les effets cytotoxiques touchent les hépatocytes et peuvent s’exprimer par une mort
cellulaire par nécrose ou aptoptose, ou bien prendre la forme d’autres lésions dégénéra-
tives (vacuolisation des hépatocytes). Les lésions de nécrose peuvent être focales, leur
localisation diffère alors selon le toxique et le mécanisme impliqué : elles peuvent être
centrolobulaires, intermédiaires ou périportales. Cette localisation spécifique est notam-
ment liée à la répartition des différents systèmes enzymatiques à l’origine de la conversion
des substances en agents hépatotoxiques : la présence des cytochromes CYP450 dans
la zone centrolobulaire explique les lésions nécrotiques induites par le paracétamol
et le tétrachlorure de carbone qui sont métabolisés dans cette zone. Au contraire, les
lésions peuvent également être diffuses au sein des lobules, avec des plages de nécrose
multiples. C’est le cas de très nombreuses atteintes hépatotoxiques médicamenteuses,
fréquemment en lien avec un mécanisme toxique idiosyncrasique. La sévérité de ces

202
6 Hépatotoxicité

hépatites est fonction de nombreux facteurs, depuis l’augmentation asymptomatique des


transaminases jusqu’à l’hépatite fulminante. En l’absence de remaniements graves du
parenchyme hépatique, ces atteintes sont le plus souvent réversibles à l’arrêt de l’expo-
sition. Dans le cas contraire, elles peuvent évoluer jusqu’à constitution d’une cirrhose.
Différents mécanismes peuvent être à l’origine de cette cytolyse. Il peut s’agir d’effets
toxiques directs, par formation de radicaux libres ou de formes activées de l’oxygène,
qui vont entraîner des lésions destructrices directes sur les cellules et leurs composants :
altération des membranes cellulaires par peroxydation des acides gras, dénaturation des
protéines membranaires, atteinte des différentes organelles hépatocytaires. La cytolyse
peut aussi résulter d’une toxicité indirecte, suite à l’interférence avec une voie métabo-
lique qui peut entraîner une apoptose. Enfin, les mécanismes à l’origine de la cytolyse
sont également fréquemment des réactions idiosyncrasiques dues à réactions immunoal-
lergiques ou des particularités métaboliques individuelles. Enfin, de nombreux facteurs
peuvent modifier significativement la toxicité d’une substance chez un individu : induc-
teurs enzymatiques, état nutritionnel, co-expositions.

Alcool allylique
Fer

Zone 1 ou zone périportale

Borohydrides
Zone 2 ou zone médiolobaire Béryllium
Phosphore blanc
Trichorométhane
Zone 3 ou zone centrolobulaire

Veine
Centrolobulaire Amanite phalloïde
Bromométhane
Bromobenzéne
Cocaïne
Composés aliphatiques halogénés
Composés aromatiques halogénés
Dioxane
Éthanol
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Halothane
Paracétamol
Tétrachlorure de carbone

Figure 8.7 – Localisation histologique préférentielle au sein du


lobule hépatique, de certaines atteintes hépatiques toxiques
(d’après Mégarbane, Deye, Baud, 2007).

b) Cholestase
Les atteintes cholestatiques provoquent la diminution ou l’arrêt de la sécrétion biliaire. La
présentation clinique est celle d’un ictère avec élévation des phosphatases alcalines, dont
l’amélioration à l’arrêt de l’exposition peut prendre plusieurs semaines ou mois. Selon

203
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

le toxique impliqué, les cholestases peuvent être isolées, ou associées avec une cytolyse
hépatique. Elles peuvent résulter d’une toxicité directe sur les canaux biliaires (paraquat),
ou bien de mécanismes indirects comme l’interaction avec les processus de sécrétion
biliaire. Certains toxiques peuvent en effet interagir avec les systèmes de transports de
diverses substances vers la bile (acides biliaires, anions organiques, glutathion, phospho-
lipides, cholestérol), entraînant leur accumulation intracellulaire, ce qui peut entraîner
une apoptose. Des cholestases par réaction idiosyncrasique peuvent exister, c’est le cas
par exemple chez les femmes hétérozygotes porteuses d’une mutation du transporteur
MDR3 qui permet l’excrétion des phospholipides dans la bile, qui présentent un risque
accru de développer une cholestase induite par les œstrogènes.

c) Stéatose
Certaines atteintes toxiques sont à l’origine d’une stéatose, soit l’accumulation de graisses
dans les hépatocytes, avec, à l’instar des lésions de nécrose, une possibilité de location
préférentielle selon le toxique impliqué (en région périportale pour le phosphore blanc, ou
centrolobulaire pour l’éthanol). La stéatose peut être microvésiculaire ou macrovacuolaire,
en fonction du toxique et du mécanisme impliqué. Dans la stéatose microvésiculaire, les
inclusions lipidiques intracellulaires sont petites, elle résulte d’une dysfonction mitochon-
driale qui entraîne l’inhibition de l’oxydation des acides gras et provoque ainsi une crise
énergétique cellulaire aiguë qui se traduit par une acidose lactique et une hyperammoniémie,
à l’origine d’une cytolyse hépatique secondaire.
La stéatose macrovacuolaire est plus commune, par exemple dans le cas d’effets
toxiques de l’éthanol ou du méthotrexate. Les hépatocytes contiennent alors une inclusion
lipidique de grande taille qui déplace le noyau en périphérie. Elle peut être due à une
inhibition modérée de la bêta-oxydation, à une diminution de la sécrétion des VLDL, ou
à une activation de la lipogenèse. Le plus souvent cette stéatose reste asymptomatique,
mais dans certains cas, elle peut se compliquer d’une cytolyse, avec la possibilité de
survenue d’une réaction inflammatoire et des lésions nécrotiques.

d) Autres atteintes toxiques hépatiques


Il existe d’autres formes d’atteintes hépatiques toxiques notamment vasculaires. Parmi
les atteintes vasculaires, on trouve la thrombose de la veine hépatique, réaction idio-
syncrasique rare de type métabolique qui peut être provoquée par les œstrogènes. Un
autre type d’atteinte vasculaire est la maladie veino-occlusive, qui associe une atteinte
des veinules distales et du parenchyme hépatique au niveau de la zone périportale. Cette
maladie veino-occlusive est notamment induite par des espèces végétales contenant
des alcaloïdes pyrrolizidiniques (Senecio). Parmi les atteintes vasculaires, la péliose
hépatique est caractérisée par la dilatation des sinusoïdes hépatiques, causée notamment
pas la consommation de stéroïdes anabolisants ou contraceptifs. Enfin on trouve aussi
des hépatites granulomateuses d’origine toxique, comme celle, rare, occasionnée par
l’exposition au béryllium.

204
6 Hépatotoxicité

6.3 Exemples de substances chimiques hépatotoxiques


Dans le tableau 8.10 figurent les principaux toxiques hépatiques.

a) Éthanol
Si la toxicité de l’éthanol sur le foie est bien établie, les mécanismes exacts à l’origine
des différentes lésions observées sont encore incertains. Les lésions observées en cas
d’abus chronique sont une stéatose le plus souvent macrovacuolaire, liée à une inhibition
de la bêta-oxydation des acides gras et de la sécrétion de VLDL, qui peut parfois se
compliquer d’une stéatohépatite. Les raisons de la transformation de la stéatose bénigne
en réaction inflammatoire et nécrosante pouvant évoluer vers la cirrhose sont incertaines.
Les facteurs qui ont été évoqués pour expliquer cette transformation sont multiples : d’une
part, la dénutrition fréquemment associée dans ce contexte ; d’autre part, l’induction par
la consommation chronique d’éthanol de l’activité du cytochrome P450 qui, par augmen-
tation des réactions métaboliques de phase I, expose le foie aux effets cytotoxiques des
métabolites produits par de nombreux autres toxiques hépatiques.

b) Halothane
L’halothane est un gaz anesthésique qui a entraîné des nécroses hépatiques fatales chez
certains patients. Plus rarement, il a pu être à l’origine d’effets toxiques chez les profes-
sionnels exposés lors de l’anesthésie. L’halothane entraîne une nécrose hépatique par
réaction idiosyncrasique de type immunoallergique. Ces effets résultent de la forma-
tion d’haptènes, par liaison des métabolites réactifs de l’halothane avec des fragments
peptidiques sur des cellules présentant des antigènes. Une réaction immunitaire est alors
initiée avec formation d’anticorps qui reconnaissent ces fragments peptidiques modi-
fiés, qui aboutit à la lyse des hépatocytes. La probabilité de survenue de ces atteintes
hépatiques est faible lors de la première exposition, mais augmente en cas d’expositions
répétées. La symptomatologie de ces hépatites immunoallergiques est un ictère avec
cytolyse hépatique, souvent accompagné de signes d’hypersensibilité avec fièvre, éosino-
philie et exanthème.

c) Arsenic
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Chez l’Homme, de nombreux cas de stéatose, de péliose, de fibrose et de cirrhose


hépatique sont rapportés après prise orale répétée d’arsenic. Des atteintes du même
type ont également été décrites chez des viticulteurs exposés à l’arsenic, mais ceux-ci
consommaient aussi leur vin qui était contaminé par l’arsenic. Expérimentalement,
une vacuolisation des hépatocytes a été observée chez le singe après des expositions
répétées, une stéatose et une fibrose hépatiques ont été produites chez le rat, et une
stéatose hépatique et une fibrose ont été observées chez la souris après administration
prolongée. Ces lésions sont issues des dérivés trivalents de l’arsenic qui entraînent la
formation d’espèces réactives à l’origine de lésions cellulaires directes et d’une induction
de l’apoptose hépatocytaire.

205
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

d) Hydrazine
L’hydrazine et ses dérivés organiques sont utilisés comme carburant de fusée et comme
réactifs de laboratoire. L’hydrazine est à l’origine de lésions hépatiques à la fois nécro-
tiques et stéatosiques. L’atteinte cytolytique est explicable par une toxicité directe liée à
la production d’espèces réactives et de radicaux libres à plusieurs étapes du métabolisme
des hydrazines. L’hydrazine interfère également avec le fonctionnement mitochondrial,
à l’origine de lésions stéatosiques, mais également d’une crise énergétique cellulaire par
déplétion en ATP et d’une inhibition du cycle de l’urée.

e) Germandrée petit-chêne
La germandrée est une plante utilisée en phytothérapie, qui a été utilisée notamment dans
les années 1980 en France comme amaigrissant. Des cas d’hépatite cytolytique ont été
alors observés, dont certains cas d’évolution fatale. L’hépatite survenait après plusieurs
semaines de consommation, mais récidivait plus rapidement en cas de réexposition. Les
mécanismes à l’origine de cette toxicité sont doubles, d’une part via la formation d’es-
pèces réactives après métabolisation des diterpénoïdes contenus dans la plante, d’autre
part par un mécanisme d’hypersensibilité auto-immune avec formation d’auto-anticorps.

Tableau 8.10 Exemples d’atteintes hépatotoxiques et leurs mécanismes

Agent chimique
Type d’atteinte hépatique Mécanisme(s)
hépatotoxique
Interférence métabolique
Éthanol Stéatose, cytolyse mitochondriale, induction
enzymatique
Formation d’espèces réactives,
Halothane Cytolyse, stéatose
réaction immunoallergique
Arsenic Cytolyse Formation d’espèces réactives
Formation d’espèces réactives,
Hydrazine Cytolyse, stéatose interférence métabolique
mitochondriale
Formation d’espèces réactives,
Germandrée Cytolyse, stéatose
réaction immunoallergique
Paraquat Cytolyse, cholestase Formation d’espèces réactives
Stéroïdes anabolisants ou
Cholestase Inhibition de la sécrétion biliaire
contraceptifs
Arylation des protéines, formation
Paracétamol Cytolyse
d’espèces réactives
Alcaloïdes
Atteinte veino-occlusive Liaison covalente du métabolite
pyrrolizidiniques
Phalloïdine (champignons Liaison aux récepteurs
Nécrose, péliose
hépatotoxiques) membranaires

206
7 Reprotoxicité et toxicité du développement

6.4 Conclusion
Les atteintes hépatotoxiques sont des phénomènes complexes qui nécessitent de prendre
en considération la toxicité intrinsèque de la substance, la susceptibilité individuelle et
les interactions entre différentes substances. Les mécanismes sont nombreux et souvent
imparfaitement élucidés et les réactions idiosyncrasiques fréquentes.

7 Reprotoxicité et toxicité du développement


Les effets sur la reproduction (reprotoxicité) comprennent les effets sur les capacités de
l’homme ou de la femme à pouvoir procréer, mais aussi l’induction d’effets délétères sur
leur descendance. Certains facteurs professionnels peuvent altérer la fertilité masculine
ou féminine et entraîner des issues de grossesse défavorables (avortements, prématurité,
malformations…). Certains agents chimiques ont des effets néfastes sur la reproduction
chez l’homme et/ou chez la femme, ou sur le développement de l’enfant in utero chez
l’embryon ou le fœtus ou post-partum au cours de l’allaitement.
Il existe d’autres agents toxiques ayant un retentissement sur la reproduction et le
développement qui ne seront pas abordés dans ce chapitre, notamment d’origine infec-
tieuse, comme les infections par la rubéole, la toxoplasmose ou le cytomégalovirus,
d’origine médicamenteuse, comme le Distilbène® contenant du diéthylstilbestrol à l’ori-
gine d’avortements spontanés, ou accouchements prématurés, malformations génitales
féminines et masculines chez la descendance des femmes enceintes traitées, ou encore le
thalidomide employé comme sédatif et antinauséeux prescrit dans les années 1950 à 1960
chez les femmes enceintes à l’origine d’effets tératogènes par inhibition de l’angiogenèse,
aboutissant à des malformations congénitales, telles que des phocomyélies. Il existe
également des agents non toxiques pouvant avoir de tels effets, par exemple des agents
physiques, comme les radiations ionisantes. Ces agents toxiques pour la reproduction et
le développement ne seront pas abordés ici.

7.1 Physiologie de la reproduction chez l’Homme


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

a) Cycle de la reproduction
Les gonades ont une double fonction avec, d’une part, la gamétogenèse, dénommée
spermatogenèse chez l’homme et ovogenèse chez la femme, et d’autre part, la sécrétion
d’hormones sexuelles, dénommée folliculogenèse chez la femme.
Le cycle de la reproduction est constitué de processus biologiques comportant des
phases critiques successives sous dépendance hormonale avec des interactions cellulaires
et tissulaires complexes :
• Gamétogenèse : elle comporte une phase critique de division cellulaire, la méiose :

207
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

– la spermatogenèse est un processus de méiose continue, dans les testicules


démarrant à la puberté ;
– l’ovogenèse est initiée in utero lors du développement fœtal dans les ovaires
du fœtus (première division méiotique) et poursuivie lors de la fécondation de
l’ovocyte (deuxième division méiotique). Il est donc important de noter que le
nombre d’ovocytes sera définitif à la naissance, il est d’environ 400 000 ovo-
cytes par ovaire.
• Fécondation d’un ovocyte par un spermatozoïde.
• Transport du zygote de la trompe de Fallope jusqu’à l’utérus.
• Nidation (ou implantation) du zygote 6 jours après la fécondation, avec 4 phases :
– adhésion du blastocyste à la paroi utérine (interaction entre les molécules
d’adhésion embryonnaires L-sélectine et les polysaccharides présents à la surface
de l’épithélium utérin) ;
– pénétration dans l’endomètre ;
– invasion trophoblastique dans l’endomètre ;
– transformation déciduale (ou épithélioïde) des fibroblastes du stroma induite par
la progestérone.
• Genèse du placenta.
• Embryogenèse.
• Développement fœtal.
• Accouchement.
• Lactation.
• Développement post-natal.
• Croissance infantile.
• Maturation sexuelle lors de la puberté.
Chacune de ces étapes peut être affectée par l’exposition à un agent toxique pour la
reproduction ou pour le développement sur une ou plusieurs cibles.

7.2 Principaux systèmes hormonaux


L’axe hypothalamo-hypophysaire est très impliqué dans ces processus biologiques de la
reproduction et du développement en stimulant les gonades ou d’autres tissus, notamment
musculaires ou mammaires. Par exemple, la sécrétion folliculaire de GnRH (Gonado-
tropin-Releasing Hormone) par l’hypothalamus stimule la sécrétion antehypophysaire
de FSH (Follicle Stimulating Hormone) et de LH (Luteinizing Hormone) chez la femme.
La spermatogenèse dans les testicules est sous dépendance de :
• la testostérone sécrétée par les cellules de Leydig après stimulation par la LH ;
• l’hormone anti-müllerienne sécrétée par les cellules de Sertoli après stimulation par
la FSH.
Le cycle menstruel féminin est sous la dépendance de la progestérone et de l’estradiol,
respectivement stimulés par la LH et la FSH.
La lactation est induite après stimulation des glandes mammaires par :

208
7 Reprotoxicité et toxicité du développement

• la prolactine sécrétée par l’antehypophyse et modulée par les hormones PIF (Prolactin
Inhibitor Factor) et PRF (Prolactin Releasing Factor) secrétées par l’hypothalamus ;
• l’ocytocine sécrétée par l’hypothalamus et l’hypophyse postérieure.
D’autres systèmes hormonaux interviennent également notamment au cours de la
grossesse.
Le maintien du corps jaune à la surface ovarienne et donc de la sécrétion de progesté-
rone durant la grossesse est assuré grâce à la sécrétion de β-HCG (hormone chorionique
gonadotrope) par le trophoblaste du placenta.

7.3 Effets toxiques pour la reproduction et le


développement
La toxicité vis-à-vis de la reproduction et du développement de substances chimiques
d’origine environnementale ou professionnelle peut intervenir de façon réversible ou
irréversible tout au long de la vie d’un individu avec des expositions allant de la vie
utérine à l’âge adulte. Elle peut aussi survenir sur sa descendance avec une altération du
cycle de reproduction (effet transgénérationnel).
La toxicité peut s’exercer, soit de façon directe, notamment sur les gonades mascu-
lines et féminines, les systèmes hormonaux, la maturation sexuelle ou les phases du
développement in utero, embryonnaire (embryotoxicité) ou fœtal (fœtotoxicité), soit
de façon indirecte par une altération du comportement des individus ne permettant
plus la reproduction. Il peut donc en résulter une altération de la fertilité masculine ou
féminine, ou engendrer des issues de grossesse défavorables (avortements, prématurité,
malformations…).
D’après la directive européenne 67/548/CEE, sont reprotoxiques toutes « substances
et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire
ou augmenter la fréquence d̕effets nocifs non héréditaires dans la progéniture ou porter
atteinte aux fonctions ou capacités reproductives mâles ou femelles ».
Les substances chimiques reprotoxiques sont classées dans la classification euro-
péenne dite « CMR » (pour cancérigène, mutagènes et reprotoxique) selon le degré de
certitude du caractère reprotoxique de la substance chimique incriminée (lien avéré,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

présumé ou suspecté) (Tab. 8.11).

Tableau 8.11 Classification européenne des substances chimiques toxiques pour la


reproduction (classification CMR).

Catégorie Définition

1A Substances dont la toxicité pour la reproduction humaine est avérée

1B Substances présumées toxiques pour la reproduction humaine

2 Substances suspectées d‘être toxiques pour la reproduction humaine

209
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

Il est important de noter que la classification européenne CMR n’est pas exhaustive et
est modifiée en fonction des connaissances scientifiques. La dernière liste des substances
CMR figure dans le règlement de l’Union européenne n° 2016/1179 du 19 juillet 2016.
Dans cette liste, figurent par exemple le plomb et le brome ainsi que certains de leurs
dérivés, ou le monoxyde de carbone.

7.4 Altération de la fertilité


L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les altérations du sperme :
• Nombre de spermatozoïdes :
– Oligospermie : < 15 millions/ml d’éjaculat
– Azoospermie : absence totale de spermatozoïdes
• Vitalité des spermatozoïdes :
– Nécrospermie : baisse de la vitalité des spermatozoïdes (vitalité < 58 %)
• Mobilité des spermatozoïdes :
– Asthénospermie : pourcentage de mobilité progressive < 32 %
– Akinétospermie : pourcentage de mobilité progressive à 0 %
• Malformation des spermatozoïdes :
– Tératospermie : pourcentage de spermatozoïdes à forme normale < 30 %
Parfois, plusieurs altérations peuvent être associées et constituer par exemple une
oligoasthénotératospermie.
Chez l’homme, il existe de nombreux toxiques connus comme étant toxiques pour la
spermatogenèse, pouvant causer une altération de la qualité du sperme au cours d’expo-
sition à l’âge adulte ou dans l’enfance, voire in utero. Il s’agit par exemple d’exposition
au plomb, à certains éthers de glycols (triéthylène glycol diméthyl éther), à certains phta-
lates, au bromométhane, à l’acrylamide, au disulfure de carbone, à l’éthanol (alcool), à
la fumée de tabac et de cannabis et à la prise de certains médicaments (chimiothérapies,
tétracyclines, quinolones, colchicine, sulfalazine, isorétinoïdes, statines, inhibiteur de
la 5α-réductase…).
Chez la femme, l’insuffisance ovarienne débutante non liée à l’âge est la première
cause d’infertilité après l’âge de 35 ans. Elle est définie par une aménorrhée primaire ou
secondaire de plus de 4 mois associée à une augmentation de la concentration sérique de
FSH (> 40 UI/ml) confirmée par une seconde mesure à un mois d’intervalle, avec une
diminution de la quantité d’œstrogènes. Il semblerait que la période de susceptibilité à
des facteurs environnementaux ou des facteurs toxiques pourrait être à n’importe quel
moment de la vie.

7.5 Effet sur le développement lors d’une exposition


à un toxique durant la grossesse
En cas de grossesse, certaines expositions à des agents toxiques pour le développement
peuvent engendrer des risques pour l’enfant à naître ou pour le déroulement de la gros-
sesse chez la femme.

210
7 Reprotoxicité et toxicité du développement

Les effets induits peuvent être divers, comme un avortement, un retard de croissance
intra-utérin, une hypotrophie, une prématurité, des malformations (effets tératogènes),
une perturbation de développement du système nerveux ou des troubles du comporte-
ment. L’exposition à des agents chimiques durant la grossesse peut induire également
des cancers ou des maladies génétiques à terme chez la descendance par le biais de
mutations de l’ADN par exemple.
Il existe une interrelation étroite entre des facteurs individuels maternels, comme : le
métabolisme, la physiologie ou certains facteurs de susceptibilité, les altérations fonc-
tionnelles du transfert placentaire et la toxicité de la reproduction et du développement
(Fig. 8.8).

Exposition maternelle à un toxique

Effets potentiels directs sur la mère


Facteurs de susceptibilité du toxique ou du/des métabolite(s) :
maternelle : t %ysfonctionnement endocrinien
t Âge t %ÏöDJUOVUSJUJPOOFM
t Hérédité t %ÏTÏRVJMJCSFIZESPÏMFDUSPMZUJRVF
t Métabolisme t "MUÏSBUJPOEFMBCBMBODFBDJEPCBTJRVF
t Stress t %ÏCJUTBOHVJOVUÏSJO IZQPQFSGVTJPOQMBDFOUBJSFy
t Parité t Altération fonctionnelle d’un organe
t Existence d’une t "MMBJUFNFOU RVBOUJUÏ RVBMJUÏy
pathologie grave

Placenta

Toxicité placentaire :
Passage placentaire t Réduction de la taille et/ou du flux sanguin
t "ltération du transport
t "ltération du métabolisme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Toxicité directe Toxicité indirecte

Développement de l’embryon ou fœtus

Figure 8.8 – Toxicité du développement embryo-fœtal après exposition


maternelle.

211
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales

7.6 Effets sur le développement consécutifs à une


exposition à un toxique durant l’allaitement
Lors de l’allaitement, un certain nombre d’agents toxiques pour le développement de
l’enfant ou leurs métabolites peuvent être sécrétés dans le lait maternel après exposition
de la femme allaitante et entraîner une contamination du nourrisson. C’est le cas par
exemple :
• des dioxines, comme les polychlorodibenzodioxines (PCDD), des furanes comme les
polychlorodibenzofuranes (PCDF) qui sont des substances chimiques très liposolubles
qui se bioaccumulent tout le long de la chaîne alimentaire ;
• certains pesticides comme les organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes ;
• certains métaux comme le plomb, le cadmium, le mercure.

212
L’essentiel
Pathologies toxiques non tumorales

Agent chimique toxique

Exposition humaine : aiguë, subaiguë ou chronique ?


Quantité ?
Terrain particulier
t Femme enceinte
Absorption t Nouveau-né
t Sujet âgé

?
ORGANE t Pathologie d’organe
DE Distribution
pré-existante
STOCKAGE ORGANE
Métabolisme CIBLE Effets : cliniques ou infracliniques
Apparition : aiguë, subaiguë
ou différée
Élimination
Méthodes d’investigations

Métabolites ?
Milieux de recueil ? Urine, fèces, sueur, lait maternel, cheveux… ?

213
Chapitre 9
Évaluation du risque
et réglementations
Introduction
La démarche d’évaluation des risques sanitaires née aux États-Unis dans les années 1980
est une démarche de synthèse des connaissances scientifiques disponibles (environnemen-
tales, cliniques, épidémiologiques, toxicologiques), permettant de définir les effets sur la
santé humaine d’une exposition sur des individus ou des populations à des substances, des
agents ou des situations dangereuses.
Cette démarche est actuellement utilisée dans les agences d’expertise sanitaire où elle sert
de base à la fixation de seuils réglementaires ou de valeurs sanitaires (tels que la valeur
toxicologique de référence (VTR), la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP), la
valeur guide de qualité d’air intérieur (VGAI), la dose journalière admissible (DJA)…).

Objectifs Plan
Comprendre la démarche d’une évaluation 1 Valeurs de référence hors
de risque. cadre réglementaire
Comprendre l’intérêt de la toxicologie dans 2 Définition des relations
le domaine réglementaire. dose-réponse
3 Réglementations REACH et
Compendre les relations dose-réponses.
des produits phytosanitaires
Connaître la méthode de construction et biocides
des valeurs sanitaires, reconnaitre les 4 Conclusion et perspectives
différences entre valeurs réglementaires
et non réglementaire.
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1 Valeurs de référence hors cadre réglementaire


La conduite d’une évaluation des risques sanitaires (ERS), telle qu’initiée dans les années
1980 aux États-Unis (NRC, 1983) et qui fait toujours référence, implique une démarche
en quatre étapes :
̭ identification des dangers ;
̭ définition des relations dose-réponse ;
̭ évaluation de l’exposition ;
̭ caractérisation des risques.

215
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

Les deux premières étapes qui visent à caractériser le danger ont pour objectif, lorsque
les données disponibles sur les substances considérées le permettent, la proposition de
valeurs toxicologiques de référence ou VTR.
Une VTR (Valeur Toxicologique de Référence) est une appellation générique regrou-
pant tous les types d’indice toxicologique qui permettent d’établir une relation entre
une dose et un effet (toxique à seuil d’effet) ou entre une dose et une probabilité d’effet
(toxique sans seuil d’effet). Les VTR sont établies par des instances internationales
(Organisation mondiale de la santé…) ou des structures nationales (US Environmental
Protection Agency ou US EPA, Agency for Toxic Substances and Disease Registry ou
ATSDR, Institut national de la santé publique et de l’environnement aux Pays-Bas ou
RIVM, Santé Canada…). Elles permettent d’évaluer des effets sanitaires éventuels d’une
exposition à des substances chimiques. Par définition, une VTR est construite pour
l’effet le plus sensible considéré comme indésirable. Cependant, elle ne tient pas compte
de la gravité de l’effet, ni de la réversibilité ou non des effets. Elles sont spécifiques
d’une substance, d’une durée d’exposition et d’une voie d’exposition. Elles ne prennent
pas en compte l’existence d’effets de mélange qui peuvent conduire à des interactions.
Les VTR s’appliquent à l’ensemble de la population. Cependant, elles peuvent parfois
être spécifiques d’un sous-groupe de la population. Le mode de construction des VTR
dépend des données disponibles sur les mécanismes d’action biologique des substances et
d’hypothèses communément admises : on distingue ainsi des « VTR sans seuil de dose »
et des « VTR à seuil de dose ». De manière générale, les « VTR à seuil de dose » sont
utilisées pour les effets non cancérogènes ou cancérogènes non génotoxiques tandis que
les « VTR sans seuil de dose » sont utilisées pour les effets cancérogènes génotoxiques.
Dans le cas des effets à seuil de dose, l’effet néfaste ne survient que si une certaine
dose est atteinte et dépasse les capacités de détoxication de l’organisme. C’est la gravité
de l’effet qui dépend de la dose.
La VTR correspond alors à une dose ne devant pas entraîner la survenue de l’effet
néfaste.
Pour ajuster cette valeur à l’ensemble de la population humaine, et ainsi prendre en
compte les incertitudes (liées à la variabilité entre animal et Homme, entre les Hommes, à
la durée de l’étude, etc.), des facteurs d’incertitudes (UFs) sont appliqués à la dose critique
ou POD (Point of Departure), établie en général chez l’animal (parfois chez l’Homme).
VTR = POD/(UFs)
La VTR est donc égale à la dose critique observée chez l’animal ou chez l’Homme
divisée par les facteurs d’incertitude.
Cette VTR est ensuite comparée aux niveaux d’exposition (D) dans le calcul du
quotient de danger QD.
QD = D/VTR
Les valeurs de QD supérieures à 1 indiquent une possible survenue de l’effet. Plus ces
valeurs sont grandes, plus le risque est important.

216
1 Valeurs de référence hors cadre réglementaire

Dans le cas des effets sans seuil de dose, l’effet apparaît quelle que soit la dose reçue.
C’est la probabilité du risque qui croît avec la dose.
La VTR correspond alors à une probabilité supplémentaire, pour un individu exposé
à une unité de dose, par rapport à un individu non exposé, de manifester un effet néfaste.
C’est ce qu’on appelle l’excès de risque unitaire (ERU), ou encore la pente de la droite
reliant le POD à l’origine. Elle est obtenue en faisant une extrapolation linéaire à l’origine
à partir de la POD. Il s’agit de l’inverse d’une dose ou de concentration.
Les VTR sont applicables pour des durées d’exposition précises. Généralement,
en évaluation des risques sanitaires chez l’Homme, on distingue trois types de durée
d’exposition :
̭ les expositions aiguës, de quelques heures à quelques jours ;
̭ les expositions subchroniques, de quelques jours à quelques mois ;
̭ les expositions chroniques, d’une ou de quelques années à la vie entière.
Ces durées d’exposition sont données à titre indicatif et peuvent varier d’une sub-
stance à l’autre, en fonction des mécanismes en jeu, des propriétés physicochimiques
de la substance ou de ses propriétés toxicocinétiques.
La nature de la VTR (aiguë, subchronique, chronique) est déterminée en partie par
la durée d’exposition des études toxicologiques mais également des besoins en ERS
(Anses, 2007).
La durée des études animales obéit elle-même à des protocoles expérimentaux stan-
dardisés (OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques ;
International Conference on Harmonisation of Technical Requirements for Registration
of Pharmaceuticals for Human Use ou ICH, National Toxicology Program ou NTP…). À
titre d’information, chez le rongeur, la toxicité aiguë est étudiée après une exposition de
quelques heures (lignes directrices OCDE n° 401, 402, 403), la toxicité subaiguë par une
exposition répétée sur quelques jours (jusqu’à 28 jours) (ligne directrice OCDE n° 407,
410, 412), la toxicité subchronique par une exposition répétée pendant 90 jours (lignes
directrices OCDE n° 408, 411, 413) et la toxicité chronique lors d’expositions répétées
supérieures à 90 jours et généralement d’une durée d’au moins un an (lignes directrices
OCDE n° 452 et 453) et les effets cancérogènes par une exposition répétée de 2 ans
(le rat a une durée de vie d’environ 2,5 ans) (lignes directrices OCDE n° 451, 453).
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Concernant les effets sur le développement, il est généralement admis qu’une expo-
sition unique peut suffire pour induire la survenue de l’effet si l’exposition survient
lors d’une phase critique du développement embryonnaire ou fœtal. Par conséquent, la
dose d’exposition est directement celle à retenir sans ajustement concernant la durée de
l’exposition. Ainsi, une VTR reprotoxique s’applique pour des durées d’exposition d’une
journée (Anses, 2007).
Les VTR peuvent être fixées par :
̭ des instances internationales (OMS) ;
̭ des agences d’expertise européenne (Autorité européenne de sécurité des aliments ou
EFSA, European Food Safety Authority, est une des principales agences de l’Union) ;

217
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

̭ des agences d’expertise nationale (France : ANSES ; États-Unis : US EPA, ATSDR ;


Canada : Santé Canada ; Pays-Bas : RIVM, etc.).
La construction d’une VTR pour une substance donnée (Fig. 9.1) nécessite :

Identification des effets néfastes – choix de l’effet critique

Sélection d’un étude épidémiologique ou toxicologique

À seuil Sans seuil

Modélisation des données

Identification
dose critique

Extrapolation
Facteurs linéaire à
d’incertitude l’origine

Pente = « slope factor »


Niveau d’exposition de sécurité Excès de risque unitaire
acceptable

Figure 9.1 – Construction de valeurs de référence.

̭ d’identifier les dangers (recenser et analyser les données de toxicité disponibles, iden-
tifier le (ou les) organe(s) cible(s) et l’effet critique) ;
̭ de définir une relation dose-réponse (sélectionner/choisir une étude clé de bonne
qualité (épidémiologique ou toxicologique), définir une dose critique, dose repère ou
point de départ (POD) chez l’Homme ou l’animal à partir de cette étude (voir plus
loin : NOAEL/C, LOAEL/C, BMD/C…) ;
̭ d’identifier l’hypothèse de construction, à seuil ou sans seuil de dose.
Pour une VTR à seuil, appliquer des facteurs d’incertitude à cette dose de manière à
dériver une VTR applicable à l’ensemble de la population visée ; pour une VTR sans
seuil, réaliser une extrapolation linéaire à l’origine afin de déterminer un excès de risque.

1.1 Identification des dangers


On classe les effets d’une exposition aux substances dans les catégories suivantes : effets
portant sur un organe en particulier, le système nerveux ou le comportement, la repro-
duction et la croissance, le système immunitaire, la cancérogenèse et la mutagenèse.
Ces effets se manifestent aux niveaux biochimique, cellulaire, histologique, morpho-
logique et comportemental. Ils varient selon le dosage, la voie d’exposition (par exemple,
ingestion, inhalation ou absorption cutanée), la fréquence ou la durée d’exposition, l’es-
pèce (la lignée en ce qui concerne les animaux), l’état physiologique ainsi que le sexe et
l’âge de la population exposée.

218
1 Valeurs de référence hors cadre réglementaire

Les effets toxicologiques résultant d’une exposition aux substances chimiques peuvent
être brefs ou prolongés, réversibles ou irréversibles, immédiats ou différés. La nature,
le nombre, la gravité, l’incidence ou la prévalence d’effets toxicologiques particuliers
sur les populations (qu’il s’agisse des êtres humains ou d’espèces animales) exposées à
des substances chimiques augmentent généralement avec la dose. Pour la plupart des
substances chimiques, les données portant sur les effets toxicologiques observés après
une exposition se limitent aux renseignements obtenus à partir d’études réalisées chez
des animaux de laboratoire. Des renseignements obtenus à partir d’études réalisées chez
les populations humaines (principalement des enquêtes épidémiologiques) peuvent être
intégrés à la base de données utilisée aux fins de la détermination de la toxicité.
Dans le choix des études qui conviennent le mieux à l’évaluation de la toxicité, il faut
prendre en considération plusieurs paramètres : la pureté du composé administré, le
nombre d’animaux exposés (et d’animaux témoins), la conformité de l’étude aux principes
liés aux bonnes pratiques de laboratoire, la pertinence de la voie d’exposition par rapport
à celle des êtres humains, la durée de l’exposition, le nombre de doses administrées (et
leur pertinence), et l’analyse statistique des données. Les types, la localisation, l’incidence
et la gravité des effets ainsi que la nature de la relation exposition-effet ou dose-effet sont
également pris en considération.
Dans l’appréciation du niveau de preuves d’un effet en particulier, il faut tenir compte
de la cohérence des résultats des principales études (par exemple, des effets similaires
ont-ils été observés dans les études portant sur d’autres espèces ou de tels effets étaient-
ils prévisibles en fonction de la structure ou des propriétés de la substance chimique ?).

1.2 Prise en compte de la sensibilité et de la vulnérabilité


Au cours d’une vie, il peut y avoir des périodes particulièrement critiques où une personne
est plus sensible à ces substances (durant la grossesse ou la vieillesse ou en cas de patho-
logie). Il en résulte que le risque d’effets nocifs pour la santé attribuables à une exposition
à long terme (chronique) ou à une exposition durant des périodes critiques (la grossesse)
est un facteur à considérer dans la détermination de la toxicité. Il faut, par conséquent,
privilégier les études sur l’exposition chronique durant laquelle les substances chimiques
sont administrées à un animal pendant une grande partie de sa vie ou les études sur la
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sous-population la plus sensible (par exemple, l’embryon ou le fœtus d’une mère exposée
au cours d’études relatives au développement).
Les données obtenues à partir d’études d’exposition à court terme réalisées chez des
animaux de laboratoire permettent de déterminer les organes cibles ou les différences de
sensibilité entre les espèces, cependant elles ne suffisent pas pour établir la toxicité en
cas d’exposition subchronique ou chronique.

1.3 Utilisation des approches QSAR, in silico


La méthode consiste à utiliser des données provenant d’un ou plusieurs composés
chimiques similaires pour prédire des propriétés ou des paramètres d’une ou plusieurs

219
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

substances pour lesquelles on manque de données empiriques. Des lignes directrices


relatives à l’utilisation de méthodes prédictives par analogie structurale à partir d’ana-
logues ont été élaborées par divers organismes dont l’OCDE (2007). Selon l’OCDE,
les composés chimiques dont les propriétés physicochimiques et toxicologiques sont
probablement similaires peuvent être considérés en tant que groupe ou « catégorie » de
composés chimiques afin de caractériser leurs effets potentiels sur la santé.
En l’absence de données expérimentales, dans le domaine de la caractérisation du
danger, l’utilisation de méthodes prédictives (QSAR, « read across »…, voir chapitre 6)
peut être intéressante pour la caractérisation des profils toxicologiques.

2 Définition des relations dose-réponse


2.1 NOAEL-LOAEL
La dose critique servant de point de départ à la construction de la VTR est souvent une
NOAEL (dose ou concentration sans effet nocif observé, DSENO, ou No Observable
Adverse Effect Level) ou à défaut une LOAEL (dose ou concentration minimale avec
effet nocif observé, DMENO, ou Lowest Observed Adverse Effect Level).
Cette dose ou concentration repère est établie généralement à partir d’études
toxicologiques sur des animaux de laboratoire, mais quelquefois à partir d’études
épidémiologiques sur les populations humaines.
Ils sont déterminés à partir de l’expérimentation animale, grâce à un test statistique qui
permet de détecter une différence significative dans les effets ou la réponse induits par
une dose testée par rapport à ceux qui sont observés sur un groupe non exposé (témoin) :
̭ le LOAEL correspond à la première dose testée, dans l’ordre croissant, qui produit
un effet considéré comme néfaste, d’une intensité ou d’une fréquence présentant une
différence statistiquement significative avec le témoin. Le LOAEL ne correspond pas à
un seuil biologique mais à un seuil statistique qui dépend du protocole expérimental ;
̭ le NOAEL est défini comme la dose testée immédiatement inférieure au LOAEL.
Lorsque la première dose testée conduit déjà à un effet significativement différent du
témoin, il n’est pas possible de définir un NOAEL.

2.2 Benchmark dose


La « benchmark dose » est une dose produisant un effet mesurable correspondant à un
niveau de réponse donné par rapport à un groupe témoin. Le plus souvent, la limite infé-
rieure de son intervalle de confiance à 95 % ou 90 % (Benchmark Dose95/90 ou BMDL95%,
BMDL90%. L’US EPA utilise la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % (two
sided), le RIVM la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 90 % (one side), les

220
2 Définition des relations dose-réponse

deux approches conduisent à des résultats identiques) est utilisée. Cette approche repose
sur une modélisation des données expérimentales prenant en compte l’ensemble de la
courbe dose-réponse. L’analyse de la réponse dans les groupes exposés nécessite de
définir plusieurs cas de figure en fonction du type d’effets choisis :
̭ si les observations concernent le nombre d’animaux atteints (par une altération orga-
nique, une pathologie…), la réponse obtenue est dite dichotomique ou quantale : c’est
la proportion d’individus touchés ;
̭ si les observations concernent un paramètre physiologique ou biologique de l’orga-
nisme, la réponse obtenue est dite de nature continue (par exemple le poids d’un
organe, le nombre de globules rouges ou la concentration sanguine d’une enzyme
hépatique).

« Substances toxiques avec seuil »


Pour ce qui est de nombreux types d’effets toxiques (au niveau d’un tissu ou d’un organe
en particulier : le système nerveux ou immunitaire ; au niveau d’un processus physiolo-
gique : le comportement, la reproduction et la croissance ; ou physiopathologique : les
modifications épigénétiques au cours de la cancérogenèse), on considère généralement
qu’il y a une dose ou une concentration en deçà (c’est-à-dire, un seuil) de laquelle des
effets nocifs ne peuvent pas être observés.
On applique alors des facteurs d’incertitude à dose critique pour établir une dose ou
une concentration journalière admissible. Il s’agit de la dose ou de la concentration à
laquelle on estime qu’une personne peut être exposée quotidiennement durant sa vie
entière sans effet délétère.
Les facteurs d’incertitude (Uncertainty Factor ou UF) (également retrouvés sous le
terme de facteurs de sécurité ou facteurs d’ajustement) reflètent à la fois l’incertitude
scientifique existante sur la transposition d’une espèce et d’un individu à l’autre comme
sur la transposition d’une situation d’exposition à une autre ou sur la disponibilité des
connaissances au moment de la construction de la VTR (différences inter-espèces et
intra-espèces).
La valeur haute de 10 pour chaque UF est utilisée par défaut lorsqu’aucune connais-
sance ne permet de la réduire. L’application d’une valeur plus faible doit être argumentée
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par des éléments scientifiques pertinents (par exemple : différence d’affinité entre deux
récepteurs ou EMX, voir chapitre 5).
Il n’existe pas d’approche universellement admise pour l’application des UF dans le
cadre d’une construction de VTR et le recours au jugement d’experts est utilisé à chaque
fois que cela est nécessaire pour compléter ou suppléer des données objectives.
Pour la construction de VTR à seuil, les facteurs d’incertitude suivants sont appliqués
à la dose critique retenue (Tab. 9.1) :
̭ un facteur pour la transposition inter-espèces UFA (valeur variable selon les données),
tenant compte de l’incertitude d’une espèce à l’autre dans la réponse biologique ;

221
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

DÉFINITION
L’incertitude fait référence à un manque d’information, une littérature incomplète
ou des données incorrectes. Elle peut en principe être réduite par des études plus
approfondies ou par des mesures supplémentaires.

̭ un facteur interindividuel ou intra-espèce UFH correspondant à la variabilité au sein


d’une même espèce.

DÉFINITION
La variabilité se réfère aux réelles différences attribuables à une hétérogénéité
vraie ou une diversité de population. Elle résulte de processus naturels aléatoires
provenant de l’environnement, du style de vie, et des différences génétiques. La
variabilité est une propriété fondamentale de la population exposée, généralement
non réductible par des mesures ou des études supplémentaires. Seule sa caracté-
risation peut être améliorée.

Tableau 9.1 Valeurs des facteurs d’incertitude à appliquer pour la construction de VTR

Valeurs
Acronyme Interprétation des UF
des UF
Si absence de donnée 4
Si une partie de la toxicocinétique
1à3
est identique
Composante Si l’ensemble de la
toxicocinétique toxicocinétique est sensiblement
1à3
UFA-TK la même ou si utilisation d’un
coefficient d’ajustement de doses
Variabilité
UFA
inter-espèces Si modèle PBPK renseigné 1
Si utilisation d’une étude humaine –
Si absence de données 2,5
Composante Si toxicodynamie identique 1
toxicodynamique
UFA-TD Si Homme moins sensible 1
Si utilisation d’une étude humaine –
Variabilité Composante toxicocinétique UFH-TK 3
UFH inter
individuelle Composante toxicodynamique UFH-TD 3
1, 3 ou 10
UFL Utilisation d’un LOAEL au cas par
cas
1, 3 ou 10
UFS Transposition subchronique à chronique au cas par
cas
1, 3 ou 10
UFD Insuffisance des données (en qualité et en quantité) au cas par
cas

222
3 Réglementations REACH et des produits phytosanitaires et biocides

D’autres facteurs peuvent être appliqués tels que :


̭ un facteur UFS prenant en compte la transposition d’une exposition subchronique à
chronique, pourra être envisagé et sa valeur sera appréciée au regard des données
toxicologiques ;
̭ un facteur UFD, tenant compte de l’exhaustivité des données toxicologiques et de la
quantité des informations disponibles, dont l’application sera également proposée au
cas par cas.

Alternative à l’utilisation des facteurs d’incertitude


Les modèles PBPK (voir aussi chapitre 6) présentent certains avantages : ils permettent
d’apporter une réponse plus juste aux questions d’extrapolation (inter-doses, inter-espèces,
interindividuelles), et donc, de réduire les facteurs d’incertitudes lors de l’élaboration des
VTR. Ils permettent également de prendre en compte les spécificités liées au fonction-
nement d’organes précis et de simuler la relation entre la concentration plasmatique et
le temps en vue de déterminer les concentrations dans l’organe cible.
L’utilisation de modèles PBPK est possible à chaque fois que ceux-ci ont été déve-
loppés et validés dans la littérature scientifique pour la substance afin de réduire les
facteurs d’incertitudes (facteur inter-espèces ou interindividuels).

Substances toxiques « sans seuil »


En ce qui concerne les substances dont l’effet critique est supposément dépourvu de seuil
(c’est-à-dire qu’à l’heure actuelle, cette hypothèse est réservée à la mutagenèse et à la
cancérogenèse génotoxique), on présume qu’elles peuvent présenter un danger pour la
santé humaine quel que soit le degré d’exposition ; il ne convient donc pas de calculer
une dose en deçà de laquelle on ne prévoit pas d’effets nocifs. Les VTR sans seuil de dose
traduisent une augmentation de la probabilité, par rapport à un sujet non exposé, qu’un
individu exposé lors de sa vie entière à une unité de dose de la substance développe une
pathologie. Cela s’exprime par un excès de risque unitaire (ERU).
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3 Réglementations REACH et des produits


phytosanitaires et biocides
Dans les réglementations des produits phytosanitaires et biocides, des VTR sont fixées
pour chaque substance active. Elles servent à réaliser une évaluation des risques a priori
pour toutes les voies d’exposition pertinentes et pour toutes les populations susceptibles
d’être exposées. Elles sont issues des doses critiques (NOAEL) déterminées dans les
études de toxicité requises réglementairement. Ces valeurs sont proposées et validées
au niveau européen.

223
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

Dans ce contexte, les valeurs de référence, basées sur les données des dossiers transmis
par les industriels, sont discutées et validées au niveau européen. Ces valeurs sont la dose
dérivée sans effet (DNEL) ou dose dérivée avec effet minimum (DMEL) dans le cadre
de REACH, le niveau acceptable d’exposition (pour l’opérateur) [A(O)EL], la dose aiguë
de référence (DARf) et la DJA dans le cadre des phytosanitaires et biocides.
La construction des VTR est cadrée au niveau européen par des documents guides et
les VTR fixées par expertise collective. Toutefois, des valeurs différentes peuvent être
fixées pour la même substance : les données soumises peuvent être différentes (notifiant
différent), les études et les facteurs de sécurité peuvent être sujets à des interprétations
différentes (groupes d’experts différents).

3.1 Valeurs de référence dans le cadre du règlement REACH


Les valeurs de référence définies dans le règlement REACH sont la dose en dessous de
laquelle aucun effet sur la santé humaine n’est attendu, appelée niveau « dérivé » sans effet
(Derived Non-Effect Level ou DNEL), ou la dose minimum à laquelle sont observés des
effets sanitaires (Derived Minimal Effect Level ou DMEL). Par définition, la DNEL est
un indice toxicologique élaboré dans un objectif de santé publique. Les DN(M)EL sont
élaborées par les industriels dans un objectif d’« évaluer la sécurité chimique » de leurs
substances enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Euro-
pean Chemicals Agency ou ECHA) dans le cadre du règlement REACH no 1907/2006.
L’évaluation des dangers est la première étape de l’évaluation de la sécurité chimique.
Les informations disponibles ou produites doivent permettre d’établir, pour chaque
effet sur la santé, le niveau d’exposition à la substance en dessous duquel aucun effet sur
la santé humaine n’est attendu. Dans le cas où aucune DNEL ne peut être établie (par
exemple effet cancérogène génotoxique sans seuil), une DMEL est utilisée. Les sub-
stances concernées sont les substances produites ou importées à plus de 10 tonnes/an dans
l’Union européenne, ou préoccupante (CMR, PBT, vPvB). Au mois de septembre 2011,
suite à la première phase d’enregistrement, plus de 5 000 substances étaient enregis-
trées. Une minorité d’entre elles fera l’objet d’une contre-expertise par les autorités
compétentes.
Dans le cadre de REACH, le guide technique R.8, « Chapter R.8: Characterisation
of dose [concentration]-response for human health, version 2, Echa, December 2010 »
élaboré par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), détaille la méthode
de construction des DNEL/DMEL.
Les DNEL sont déterminées pour chaque substance pour une durée, une voie d’expo-
sition, un type d’effet (systémique ou local) ainsi que pour une population cible. Leur
construction présente de nombreuses similitudes avec la construction des valeurs de
référence utilisées en évaluation des risques sanitaires, que ce soit en milieu environne-
mental (VTR) ou professionnel (VLEP).

224
3 Réglementations REACH et des produits phytosanitaires et biocides

3.2 Valeurs de référence dans le cadre des réglementations


biocides et phytosanitaires
Dans les réglementations des produits phytosanitaires (directive 91/414/CEE abrogée par
le règlement (CE) n° 1107/2009) et biocides (directive 98/8/CE remplacée en septembre
2013 par le règlement (CE) n° 528/2012), des VTR sont fixées pour chaque substance
active. Les substances avec des VTR dites « sans seuil de dose » sont rares dans ces
réglementations, car ce critère fait partie des critères d’exclusion ou de substitution de
la réglementation. Ces valeurs servent à réaliser une évaluation des risques a priori
pour toutes les expositions pertinentes et pour toutes les populations susceptibles d’être
exposées. Ces valeurs sont des AOEL et AEL (Acceptable Operator Exposure Level)
pour les phytosanitaires et les biocides, respectivement.
L’A(O)EL correspond au niveau acceptable d’exposition (pour l’opérateur). Elle est
définie comme la quantité maximum de substance à laquelle une personne peut être
exposée quotidiennement, sans nuire à sa santé. C’est une dose systémique prenant en
compte toutes les voies d’expositions. Pour les phytosanitaires, l’AOEL correspond aux
scénarios d’exposition, moyen ou long terme. L’exposition sur moyen terme est représen-
tative d’un traitement considéré comme saisonnier. Pour les biocides, plusieurs valeurs
peuvent être déterminées en fonction de la durée d’exposition attendue (aiguë, sub-
chronique, chronique) des scénarios d’exposition. Des doses de référence aiguë et
chronique sont également déterminées en lien avec l’ingestion des substances (voie
alimentaire, y compris l’eau de boisson).
La DJA est la quantité maximale d’une substance pesticide, biocide ou de leurs résidus
qui peut être quotidiennement ingérée par le consommateur, pendant toute sa vie, sans
effet pour la santé ; et la dose aiguë de référence (DARf) qui est définie comme la quan-
tité maximale d’une substance qui peut être ingérée par le consommateur pendant une
courte période (au cours d’un repas ou d’un jour, dans la nourriture ou l’eau de boisson),
sans effet pour sa santé. La détermination de ces DJA ne se limite toutefois pas qu’au
composé parent. La DJA d’un résidu (produit par le métabolisme des xénobiotiques,
voir chapitre 4), n’est pas forcement la même que celle du composé parent. Les rapports
d’évaluation des substances actives autorisées, c’est-à-dire inscrites à l’annexe I de la
directive, contenant les VTR adoptées au niveau européen, sont disponibles sur le site
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’ECHA.
Certaines particularités sont propres à la réglementation biocides ou phytosanitaires :
ʮ Concernant les produits biocides, une AEL est déterminée pour chaque durée d’expo-
sition. Par conséquent, chaque substance active possède une AEL court, moyen et long
terme, dérivée pour une exposition aiguë, subchronique ou chronique. Par ailleurs, une
concentration acceptable d’exposition (AEC) peut être calculée. Elle est définie pour
caractériser les effets locaux par voie respiratoire en général. Contrairement à l’AEL,
c’est une valeur externe, c’est-à-dire ne prenant pas en compte la valeur d’absorption et
donc spécifique d’une voie d’exposition. Enfin, une approche différente de l’AEL afin
d’exprimer le risque, est présentée dans les dossiers biocides : une marge d’exposition

225
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

de référence (MOEref) correspondant au produit des facteurs de sécurité est proposée.


Cette MOEref est comparée à la MOE calculée par le ratio NOAEL sur exposition
pour la caractérisation du risque.
ʮ Concernant les particularités de la réglementation des produits phytosanitaires, les
substances actives et les métabolites pertinents dans les eaux souterraines possèdent
des valeurs de référence définies dans la réglementation. La concentration maximum
à ne pas dépasser est de 0,1 mg/L. Cette valeur est une limite de qualité. En fonction
de la concentration du métabolite, supérieure à 0,1 mg/L, à 0,75 mg/L ou 10 mg/L,
une évaluation du risque toxicologique et du risque pour le consommateur est réalisée,
basée sur une approche par étapes en fonction des propriétés toxicologiques de la
substance et du métabolite. De plus, pour les produits phytosanitaires, une LMR est
déterminée.
ʮ Dans le cadre des substances phytosanitaires ou biocides, la construction des VTR
est cadrée au niveau européen par des documents guides et résulte d’une expertise
collective. Elles sont déterminées sur la base des données soumises dans les dossiers
des industriels pour chaque substance et des données de la littérature disponibles.

4 Conclusion et perspectives
4.1 Effet néfaste – gravité de l’effet
Par définition, une VTR est construite pour l’effet le plus sensible considéré comme indé-
sirable. Cependant, cela ne tient pas compte de la gravité de l’effet, ni de la réversibilité
ou non des effets (elle-même pouvant dépendre de la durée de l’exposition). Comme ce
qui est déjà réalisé pour les seuils de toxicité aiguë (létaux, réversibles, irréversibles),
il serait possible pour les VTR de pouvoir classer les effets (graves, bénins, afin d’aider
à l’interprétation des résultats des évaluations de risques sanitaires, quotient de danger
ou excès de risque individuel) en fonction de la gravité de l’effet.

4.2 Courbes non monotones


Conventionnellement, « la dose fait le poison », c’est-à-dire que l’on observe une courbe
dose-réponse monotone (les effets augmentent de façon constante en fonction de la dose).
En revanche, pour les effets dits non monotones, la réponse pourrait à la fois augmenter
ou diminuer au fur et à mesure que la dose augmente, ce qui entraîne, par exemple, des
courbes en forme de U ou en forme de U inversé. De plus en plus d’études suggèrent des
relations dose réponses non monotones. Cependant il reste à déterminer si l’effet décrit
dans ces études constitue une modification biochimique (par exemple un changement
dans le niveau d’un enzyme), ou s’il est directement lié à un effet adverse sur la santé.

226
4 Conclusion et perspectives

4.3 VTR interne


Les VTR « internes », c’est-à-dire une concentration limite d’une substance chimique
toxique (ou de l’un de ses métabolites) dans un milieu biologique (sang, urine, tissu…)
qui soit relié à une VR « externe », constituent un outil intéressant, notamment en vue
de l’interprétation des données de biosurveillance.
Au vu du nombre croissant de données de biosurveillance en population générale
recueillies lors d’enquêtes nationales et européennes, il semble indispensable de pouvoir
disposer de valeurs repères permettant en particulier d’identifier les populations soumises
à des expositions potentiellement à risques.

4.4 Comparaison des différentes valeurs réglementaires


versus non réglementaires
Les DNEL sont construites effet par effet alors que les autres valeurs de référence
prennent en compte l’effet à la plus faible dose et protègent de tous les effets connus
pour une voie d’exposition donnée. En 2008, l’INERIS a réalisé un rapport sur la compa-
raison entre les VTR et les DNEL en partant des mêmes études clés. Pour faire suite à
ce travail, une comparaison des VTR sans seuil et des DMEL pourrait être envisagée.
Il est à noter que des valeurs différentes peuvent être fixées pour une même sub-
stance, lorsqu’elle est soumise dans plusieurs réglementations. Cela peut s’expliquer
par la soumission de données pouvant être différentes (industriel notifiant la substance
différent), par le fait que les études et les facteurs de sécurité peuvent être sujets à des
interprétations différentes (groupes d’experts différents). Il est donc indispensable de
justifier systématiquement la construction des VTR afin de s’assurer de leur cohérence
et de pouvoir harmoniser les approches, si cela est possible.
En conclusion, l’élaboration de valeur de référence structure un ensemble d’acti-
vités en évaluation des risques sanitaires. Cette démarche requiert en effet un niveau
élevé d’expertise dans diverses disciplines (toxicologie, épidémiologie, bio-statistiques,
chimie…) ainsi que l’application d’une méthodologie rigoureuse et transparente.
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227
L’essentiel
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations

Les points clefs du chapitre


1 Identification des dangers
L’objectif est d’identifier les types d’effets néfastes sur la santé qui peuvent être causés par
l’exposition à certains agents et de caractériser la qualité et le niveau de preuves à l’appui
de cette identification.
2 Estimation de la relation dose-effet
L’objectif est de documenter la relation entre la dose et l’effet toxique. Une relation dose-
réponse décrit comment la probabilité et la gravité des effets négatifs sont liées au niveau
et à l’état de l’exposition à un toxique.
3 Estimation des expositions
L’objectif est de calculer une estimation de l’exposition ou de la dose. L’évaluation de
l’exposition est le processus qui consiste à mesurer ou à estimer l’ampleur, la fréquence et
la durée de l’exposition humaine à un agent dans l’environnement ou à estimer les expo-
sitions futures d’un agent.
4 Caractérisation des risques
L’objectif est de résumer et d’intégrer l’information provenant des étapes de l’évaluation
des risques afin de synthétiser une conclusion globale sur le risque. L’intégration de l’infor-
mation sur les risques, l’exposition et la dose-réponse pourra fournir une estimation de la
probabilité que des effets indésirables identifiés se produiront chez les personnes exposées.

228
Sujets de synthèse
Sujet 1

Les composés perfluorés (PF) sont des substances synthétisées par l’Homme et sont utilisées
pour de nombreuses applications du fait de leur très haute stabilité : protection de matériaux,
cosmétiques, peintures… Ils sont également utilisés pour le revêtement de certains usten-
siles culinaires comme les poêles ou les casseroles. Le polytétrafluoroéthylène, ou PTFE est
notamment utilisé pour fabriquer du téflon.
La structure du PTFE est représentée dans la figure 1.1 :

F F F F F F F F F F

C C C C C C C C C C

F F F F F F F F F F
Figure 1.1 − Structure du PTFE

La stabilité des PF pose néanmoins de sérieux problèmes environnementaux. Ils sont ainsi
classés pour certains comme des POPs depuis 2009 et comme neurotoxiques. Par ailleurs, ils
peuvent entraîner une immaturité de développement pulmonaire.

1.1 Rappeler ce que signifie l’acronyme POP. Citer deux propriétés


essentielles qui définissent un POP.

Ces POPs fluorés ont toutefois des propriétés sensiblement différentes des autres POPs
classiques (dioxines, pesticides organochlorés…) en termes de bio-distribution dans les orga-
nismes. Leur affinité est ainsi très forte vis-à-vis de l’albumine, une protéine plasmatique.
Le PFOA et le PFOS (perfluorooctanoic acid et perfluorooctane sulfonate) ont des demi-
vies de quelques heures (rat) à près d’un mois (singe). Chez l’Homme, les demi-vies sont
toutefois estimées à 3,8 (PFOA) et 4,8 ans (PFOS). Ces composés présentant de nombreuses
toxicités, la connaissance de leur bio-distribution tissulaire dans le sang et les autres organes
en fonction du temps est essentielle.

1.2 Rappeler la signification de l’acronyme PBPK. Citer deux intérêts


de ces derniers.

L’objectif de la première partie de l’étude ci-dessous est de tester un modèle PBPK en termes
de bio-distribution des 2 PF présentés (PFOA et PFOS).
Un premier modèle PBPK de Loccisano et al. (2011) est présenté en figure 1.2.

229
Sujets de synthèse

Oral dose, drinking water


Gut
QGut

Liver
QLiv
Fat
QFat
Plasma
IV Skin
Free QSkn
fraction
Rest of body
QR

Kidney
QKid
Tm,Ki

QFil Filtrate

Storage
Kurine
Urine

Figure 1.2 − Modèle PBPK de Loccisano (2011)

L’utilisation du modèle de Loccisano a produit des valeurs simulées (simulated) qui ont été
comparées à des données expérimentales obtenues (experimental) à partir de tissus prélevés
après autopsie de personnes vivant dans la région de Tarragona (Italie). Ces mesures sont
présentées dans le tableau 1.1.

Tableau 1.1 Concentrations de PFOA et PFOS dans 4 compartiments (ng/g)


(mean : moyenne)
Tissue Experimental Simulated
Mean é SD Min−max LOD
PFOA Plasma 3.2 ± 1.2 1.4−5.6 0.66 28.7
Liver 13.6 ± 35.2 < 3−98.9 3.0 63.1
Fat n.a n.a n.a. 1.15
Kidney 2.0 ± 2.7 < 3−11.9 3.0 36.1
PFOS Plasma 13.6 ± 6.3 1.4−28.9 0.09 21.3
Liver 102 ± 123 < 3−405 3.0 79.6
Fat n.a n.a n.a. 3.01
Kidney 75.6 ± 612 < 6−269 6.0 20.5
LOD : limit of detection (limite de détection) ; SD : standard deviation (déviation
standard) ; n.a. : not available.

1.3 Comparer les résultats simulés et expérimentaux. Conclure.

230
Sujet 1

Un modèle alternatif de PBPK est proposé par Fabrega et al. et présenté dans la figure 1.3.

Oral dintake
Oral dose,
Gut Gut
drinking water
QGut

Liver Liver
QLiv
Fat Kidney
QFat
Plasma Filtrate
IV Skin P
QSkn
L
Storage
Rest of body A
QR S
Urine elimination
M
Kidney Fat
QKid A
Tm,Ki
Brain
QFil Filtrate

Lungs
Storage
Kurine Rest of the
Urine body

Figure 1.3 − Modèle PBPK de Loccisano (2011) à gauche pour rappel et modèle
PBPK de Fabrega (2014) à droite

1.4 Quelle est la différence fondamentale entre les deux modèles ?

1.5 Compte tenu de vos connaissances et des données de l’énoncé, donner


une raison qui justifie la présence des compartiments suivants dans
le(s) modèle(s) : cerveau, foie, intestin, poumons.

Une différence fondamentale entre les deux modèles, qui n’apparaît pas dans les schémas
présentés, est la prise en compte dans le modèle de Fabrega (2014) du mécanisme de réab-
sorption par les transporteurs rénaux au niveau du compartiment filtré. Les simulations sont
alors réalisées avec ce nouveau modèle et présentées dans le tableau 1.2.

Tableau 1.2 Concentrations de PFOA et PFOS dans 4 compartiments (ng/g)


(mean : moyenne). Données expérimentales (experimental) réalisées chez
l’Homme et simulées chez le rat et l’Homme
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Tissue Experimental Simulated


Mean é SD Min-max Rat-based Pk Human-based Pk
PFOA Liver 13.6 ± 35.2 < 3−98.9 7.03 3.33
Brain > 1.5 < 1.5 0.04 0.54
Lung 29.2 ± 32.2 < 6−87.9 0.47 4.06
Kidney 2.0 ± 2.7 < 3−11.9 4.02 4.50
PFOS Liver 102.3 ± 122.9 < 3−405 50.7 36.4
Brain 4.9 ± 6.6 < 1.5−22.5 0.16 3.48
Lung 29.1 ± 16.8 < 3−61.8 2.04 2.11
Kidney 75.6 ± 61.2 < 6−269 13.1 20.5
SD: standard deviation (déviation standard).

231
Sujets de synthèse

1.6 Formuler une ou deux hypothèses pouvant expliquer les différences


de demi-vies entre l’Homme et les autres espèces.

Sur le plan mécanistique, les PF pourraient lier le récepteur nucléaire PPAR alpha. Celui-ci
fonctionne selon la même voie de signalisation que le PXR.

1.7 Rappeler la voie de signalisation du PXR par un schéma.

Le but de l’étude suivante de Wolf et al. (2014) est d’étudier les effets d’additivité des PF sur
la voie de signalisation du PPAR alpha.
Pour cela, des cellules COS-1 sont transfectées avec un vecteur comprenant un promoteur
liant le récepteur PPAR alpha en amont du gène luciférase.

1.8 Expliquer l’intérêt de ce plasmide et donc dans quel but est


probablement réalisée cette expérience.

1.9 Quelle propriété de la luciférase et du produit de celle-ci sera utilisée


au cours de ces expériences ?

Les résultats suivants sont observés avec le PFOA et le PFOS (Fig. 1.4) :
a PFOA b PFOS
1.1 1.05
1.0 0.90
0.9
log10 Fold Induction
log10 Fold Induction

0.8 0.75
0.7 0.60
0.6
0.5 0.45
0.4 0.30
0.3
0.2 0.15
0.1
0.00
0.0
-0.1 -0.15
-0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
[log µm] [log µm]
1 -256 µM 4 -512 µM

Figure 1.4 − Courbes « dose-réponse » individuelles obtenues avec les


2 PF dans le cadre de l’expérience présentée dans l’énoncé

1.10 Quelle conclusion simple pouvez-vous tirer de ces résultats ?

232
Solutions
1.1 POP signifie « polluant organique persistant ».
Les propriétés essentielles qui définissent un POP sont :
– stabilité à la dégradation ;
– répartition large sur Terre (même là où ce n’est pas utilisé) ;
– bioaccumulation dans la chaîne alimentaire ou hydrophobicité ;
– composé organique.

1.2 PBPK signifie Physiological Based Phamacokinetic (model).


Les modèles PBPK permettent :
– d’étudier la biodistribution sans expériences in vivo ;
– d’étudier des molécules proches ;
– de comparer entre espèces ;
– de faire des modèles complexes mère–fœtus, molécules mères–métabolites.

1.3 On constate une très grosse différence entre expérimental et simulé. Le modèle
surestime la réalité pour le PFOA en particulier. Pour le PFOS, le modèle fonctionne
mieux (foie, rein) mais la variabilité expérimentale est très grande.

1.4 La différence fondamentale entre les deux modèles est qu’on a ajouté les poumons et
le cerveau et éliminé la peau dans le second modèle.

1.5 Les raisons justifiant la présence des compartiments suivants dans le(s) modèle(s)
sont :
– cerveau : neurotoxicité des composés et le cerveau est affin pour les composés hydrophobes ;
– foie : Passage obligé de ce qui arrive par le sang et organe principal de métabolisation des
xénobiotiques ;
– intestin : voie d’entrée des xénobiotiques par la nourriture ;
– poumons : immaturité pulmonaire.

1.6 Pour expliquer les différences de demi-vies entre l’Homme et les autres espèces, on
peut faire les hypothèses suivantes :
– métabolisme différent entre différentes espèces ;
– plus ou moins de gras (adipose tissue) selon l’espèce ;
– les humains ont un plus gros cerveau (gras).

233
Solutions

1.7
Ligand

RXR PXR PXR

RXR PXR CYP2-3

1.8 Ce plasmide permet d’étudier l’activité de la voie de signalisation du PPAR alpha.

1.9 La luciférase est une protéine extérieure aux cellules de mammifères qui génère de la
lumière. Donc, les valeurs viennent forcément du gène rapporteur (luciférase) et pas
d’une protéine endogène. La luciférase est aussi facile à doser.

1.10 Ces résultats montrent que PFOA et PFOS activent la voie de signalisation du PPAR
alpha avec des profils d’activation sensiblement équivalents (affinité plus importante
pour le PFOA).

234
Sujet 2

Sujet 2

1re partie

2.1 Définir le terme « souris humanisée ».

2.2 Rappeler deux intérêts des modèles murins.

2.3 Rappeler les trois grandes approches techniques utilisées pour


produire les modèles murins.

2e partie
Le récepteur Ah (ou AhR) est une protéine qui lie des molécules de structure chimique variée.

2.4 Rappeler la signification de l’acronyme Ah.

2.5 Rappeler par un schéma la voie de signalisation « classique » du AhR.

2.6 Quels sont les gènes classiquement décrits comme étant régulés par
le AhR ?

Plusieurs laboratoires ont montré qu’en fonction du type de ligand utilisé, le AhR ne
régulait pas nécessairement les mêmes gènes. Narayanan et al. ont étudié l’influence
du 3ʹ,4ʹ-dimethoxy-α-naphthoflavone (DiMNF), un ligand du AhR, sur la réponse
inflammatoire.
Des cellules Huh7 (lignées d’hépatocarcinome humain) sont ainsi traitées avec du DiMNF
pendant une heure puis par de l’interleukine 1B (IL1B) pendant vingt-quatre heures. L’IL1B
est une cytokine favorisant la mise en place des processus inflammatoires. Les ARNm sont
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ensuite extraits puis analysés (Fig. 2.1 présentée volontairement sans légende). Un gène (CD55)
fait l’objet d’une attention toute particulière en raison de sa caractéristique de marqueur de la
réponse inflammatoire (système du complément).

235
Sujets de synthèse

2.7 Quelle technique rapide peut être utilisée pour mesurer les niveaux
de l’ARNm de CD55 ?

2.5 ***

Fold Induction CD55/LI3 mRNA


2.0

1.5

1.0
***
0.5

0.0 cle

IB

NF

B
LI
IL

M
hi

+i
DI
Ve

NF
M
DI
Figure 2.1

2.8 À quoi le terme « vehicle » fait-il référence ?

2.9 À quoi la mesure présentée en ordonnée correspond-elle ? Vous


poserez par ailleurs une hypothèse pour expliquer le rôle dans
l’expérience de LI3.

2.10 Interpréter la figure 2.1.

Une expérience similaire est réalisée mais les expérimentateurs réalisent en préambule une
transfection de deux types de siRNA avant les traitements et analyses indiqués plus haut
(Fig. 2.2).
Control siRNA AHR siRNA
1.2
1.1 ***
Relative CD55/LI3 mRNA

1.0
0.9 *
0.8
0.7
0.6 *
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0.0
cle

IB

NF

cle

IB

NF

B
LI

LI
IL

IL
M

M
hi

hi
+i

+i
Di

Di
Ve

Ve
NF

NF
M

M
DI

DI

Figure 2.2

236
Sujet 2

2.11 Interpréter (sans la décrire) la figure 2.2.

CD 55 est une protéine de surface qui inhibe la constitution du complexe d’attaque membranaire
du complément, qui est permet de détruire les cellules au cours de la réaction immunitaire.

2.12 Dans un contexte cellulaire tumoral (comme celui de la lignée


HuH7), quel pourrait être l’intérêt d’utiliser du DiMNF à des fins
thérapeutiques ?

La TCDD, xénobiotique toxique et ligand du AhR, n’a aucun effet sur l’expression de CD55.

2.13 En incluant dans votre réflexion une comparaison entre DiMNF


et TCDD, expliquer pourquoi la voie du AhR peut avoir un intérêt
thérapeutique tout en modérant votre propos.
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237
Solutions
2.1 Une souris humanisée est une souris qui a été modifiée génétiquement pour exprimer
un ou plusieurs récepteurs ou enzymes du métabolisme des xénobiotiques humain.

2.2 Les modèles murins présentent les intérêts suivants :


– étude pharmacologique : métabolisme médicaments (phase pré-clinique) ;
– étude toxicologique : métabolisme, détection des polluants.

2.3 Les trois grandes approches pour produire les modèles murins sont :
– fusion d’un ADNc humain avec un promoteur « tissu-spécifique » (Serum Alb. et
foie) ;
– utilisation d’un clone génomique humain (contient tous les élements du gène) :
phage Lambda, BAC, PAC (attention, la régulation peut être différente) ;
– knock-in : remplacement du gène souris par le gène humain.

2.4 L’acronyme Ah signifie « Aryl hydrocarbon ».

2.5
Ligand
(BaP, dioxines)

ARNT AhR AhR

ARNT AhR CYP1

2.6 Les gènes classiquement décrits comme étant régulés par le AhR sont les enzymes et
transporteurs du métabolisme des xénobiotiques.

2.7 La technique rapide pouvant être utilisée pour mesurer les niveaux de l’ARNm de
CD55 est la RT-PCR quantitative en temps réel.

2.8 Le terme « vehicle » fait référence au contrôle : classiquement c’est le solvant utilisé
pour dissoudre les autres éléments (exemple : IL1β).

2.9 La mesure présentée en ordonnée correspond au ratio de l’expression de CD55 sur


celle d’un gène de référence (ex : LI3), normalisé par la valeur du point contrôle (ex :
vehicle). LI3 joue donc le rôle de gène de référence.

238
Solutions

2.10 L’IL1B augmente l’expression du marqueur inflammatoire. Le DiMNF ne modifie pas


l’expression du marqueur inflammatoire mais bloque les effets d’IL1B. Conclusion :
le DiMNF exerce un effet anti-inflammatoire potentiel (à vérifier sur d’autres
paramètres).

2.11 Les résultats à gauche sont les mêmes que ceux de la figure 1. La figure 2 montre
que l’invalidation d’expression du AhR bloque les effets du DiMNF. Conclusion :
le DiMNF exerce son effet sur l’induction par l’IL1B de CD55 via le AhR (effet
inhibiteur).

2.12 Le DiMNF permettrait de favoriser la constitution du complexe d’attaque membranaire


du complément, qui permet de détruire les cellules au cours de la réaction immunitaire.

2.13 Le DiMNF n’exerce pas les mêmes effets que la TCDD. Pourtant les deux ligands lient
le AhR. L’activation de la voie par le DiMNF peut permettre d’exercer des effets anti-
inflammatoires ou anti-tumoraux.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

239
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Index
3 R (règles des) 92 Agence européenne des produits antigènes-anticorps 189
4-aminobiphényle 115 chimiques (European Che- antihypertenseur 62, 64
micals Agency ou ECHA)
β-caténine 128 anti-inflammatoires 198
224
β-HCG (hormone chorionique anti-oxydants 57
Agence nationale de sécurité
gonadotrope) 209 sanitaire de l’alimentation, antiseptiques 181
de l’environnement et du AOEL 225
A travail (ANSES) 110 AOP (Adverse Outcome
Agency for Toxic Substances Pathways) 5, 104, 105
ABC (ATP Binding Cassette) and Disease Registry ou apoptose 97, 121, 144, 199, 203
44, 54 ATSDR 216
appareil de Golgi 139
absorption (A) 12, 100, 213 agent physique 181 approches intégrées en matière
acariens 173 agents lacrymaux 164 d’essai et d’évaluation
accouchement 208 agriculture biologique 2 (IATA) 5
accumulation 50 AhR (Aryl hydrocarbon argent 186
acétaldéhyde 112 Receptor) 56, 60, 62, 69, 70, armes chimiques 164
acétaminophène 51, 59, 60 78, 79, 83, 84 ARN longs non codants (long
acétylcholine 76, 143, 148 air 56 non-coding RNA) 134
acétylcholinestérase 71, 76, 77 albumine 42, 43, 202 ARN non codants 134
acétyl-coA 53 alcool 50, 67, 110, 116, 198, 203 ARNT 78, 79
acide(s) 180, 181 aldéhydes 180 arsenic 112-115, 186, 193, 205,
acétique 162 allergènes 24, 174, 182 206
aminés 195, 196 allergies 4 aryl 78
chromique 180 alliages 171 asbestose 171
cyanhydrique [HCN] 167 alvéoles 25, 118, 155, 156, 169 asthme 169, 172
fluorhydrique 180 amiante 9, 12, 23, 112-114, astrocytes 140, 141, 155
gamma-aminobutyrique 116 -118, 132, 133, 170 ATM 120
(GABA) 148 amines 173 ATP-binding cassette (ABC) 19
glutamique 148 aromatiques 193 ATP 18, 21, 54, 188, 206
gras 29, 205 hétérocycliques 64, 65 ATPases 77, 142, 143
lactique 122 amitraze 148 ATR 120
nucléiques 191 ammoniac 162, 167 atropine 149
oxalique 180 ammoniums quaternaires 173 ATSDR 218
urique 194, 196 AMPc 84 audition 145
acné 185 amphiphiles 177 auto-anticorps 206
acroléine 162 anatomie 201 autophagie 122
acrylamide 153, 210 androgènes 82 Autorité européenne de sécurité
additif(s) 7 anémones 184 des aliments 217
avortement 211
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alimentaires 12 anesthésie 77
adductome 75 aneuploïdie 125, 126 axone 139, 142, 144, 152
adduits 57, 69, 75 angiogenèse 207 axonopathies 152
ADE 102 angiotensine 195, 196, 197
adhésion 199 angor 192 B
adipocytes 28, 175, 176 anion superoxyde 73
BAC 63
ADN 58, 75, 97 anse de Henlé 196
bacille 154
ADN complémentaire (ADNc) 63 ANSES 218
barrière 16, 35, 44
Adverse Outcome Pathway 104 antagoniste 7
cutanée 177, 178
AOEL (Acceptable Operator anticoagulants 61
fœto-placentaire 44
Exposure Level) 225 anticorps 189, 205
hémato-encéphalique
aérosols 24, 33, 160 antidote 179 (BHE) 17, 22, 44, 138, 140,
aflatoxines 112 antigène 176 141, 151

251
Index

hémato-liquidienne (BHL) 44 Cancer-Associated Fibroblasts chaîne respiratoire 163


hémato-testiculaire (BHT) 44 (CAF) 124 chaperonnes 81
Base Excision Repair (BER) 121 cancers 4, 58, 61, 64, 75, 109, charbon 169, 172, 186
116, 123, 125, 126, 128, 131,
bases 181 chauffage 56
132, 134, 135, 170, 211
batraciens 147 chaux 180
de l’ovaire 132
BCRP 21, 22 du larynx 132
chenilles 184
benchmark dose 220 chimiokines 182
du poumon 132
benzène 115 CHK2 120
études cas-témoins 116
benzo[a]pyrène (B[a]P) 50, cancérigène 50
chloracné 185
55-60, 71, 73, 117, 124 chloramines 162, 163
cancérogenèse 88, 104, 184, 218
benzopyrène diol-époxyde chlore 163, 181, 195
(BPDE) 58 cannabis 210
cholestase 202, 203
bérylliose 171 capillaires 195
cholestérol 29, 154
béryllium 113, 167, 203, 204 sanguins 201
cholinestérase 165
bêta-oxydation 204, 205 capsule de Bowman 195
carbamates 212 chrome (VI) 113, 199
bhopal 163 chronique 225
bile 15, 23, 201, 204 carboxyestérases 76
carburants 164 cigarette 191
bilirubine 81, 191, 202 ciguatoxines 148
biocides 3, 223, 225, 226 carcinogène 110, 111
carcinogenèse 117, 128 ciment 180
biodisponibilité 13, 40, 101 cirrhose 203, 205
biodistribution 117 carcinogénicité 111
carcinome hépatocellulaire clairance 26, 27, 43, 44, 100, 101,
biologie systémique 5, 6 103, 156, 158, 197, 199
(CHC) 128
biomarqueurs 197 climatiseurs 174
CAR (Constitutive Androstane
biotransformation 177 Receptor) 60, 62, 69-81 clone génomique 63
bisphénol A 5 catécholamines 149 clonidine 148
bisphénols 82 cations 143 CMR 209, 224
bois 112, 173, 174, 181, 191 cellules CO 150, 188, 192
BOOP 168 de Kupffer 201 CO2 188
boulangers 173 de Langerhans 176 coagulation 179
BPCO 171, 172 de Leydig 208 coagulation intravasculaire
bradycardie 147, 149 de Merkel 176 disséminée (CIVD) 193
BRCA1 120 dendritiques 187 cobalt 167
Breast Cancer Resistance de Schwann 140, 141, 153, 154 cocaïne 149, 203
Protein 21 cocktails 6
de Sertoli 208
brévétoxines 148 coefficient
endothéliales 141
brome 181 de diffusion 160
gliales 138, 140, 144
bromométhane 210 de distribution 36
NK 190
bronches 24, 25, 118, 155, 156, de partage 100, 101, 103
primaires 93
169 de partition 36, 37
souches 123, 186, 187
bronchioles 24, 25, 155 colchicine 153
souches humaines 94
Bronchiolitis Obliterans Organi- collagènes 124, 176
zing Pneumonia 168 Centre international de recherche
sur le cancer (CIRC) 110, colles 173
bronchite 169
112 côlon 112
bronchopneumopathie chronique
céphalées 192 colorants 183
obstructive (BPCO) 158, 171
céphalosporines 191 col utérin 114
brûlures 179, 183
céramides 29 complexe IV 163
C céramiques 171 comportement 218
céréales 173 concentration acceptable
cadmium 113, 114, 166, 198-200, cérébrosides 154 d’exposition (AEC) 225
212 cerveau 115, 154 constante d’absorption 100, 101
calcium 77, 84, 143, 195, 199 CGH (Comparative Genomic constante de Michaelis-Menten,
canal collecteur 196 Hybridization) 130 K m 18

252
Index

contaminants alimentaires 88 demi-transporteurs 21 journalière admissible (DJA)


cordon ombilical 188 demi-vie d’élimination 39 215
cornéocytes 175 dendrites 140 létale médiane (DL50) 91
corps asbestosiques (CA) 170 dérivés réactifs de l’oxygène DRO 59, 73
cortex 194 (DRO) 57, 70, 72, 84 drogues 50
corticoïdes 30 derivés réactives de l’O2 151 dynéine 143
cosmétiques 88, 177 dermatoses 179, 185
courbes dermatotoxicité 137 E
en forme de U 226 derme 28, 175, 176, 184
eau 188, 196
en forme de U inversé 226 dermite allergique 182
oxygénée (H2O2) 121
non monotones 226 désalkylations 51
E-cadhérine 127
créatinine 194, 197, 199 désinfectants 181
eczéma 182, 184
croissance 218 détergents 181
eczéma de contact 182
cuisson 56 détoxification 202
effet
cuivre 2, 166 développement 4, 8, 207, 208
« cocktail » 7
culture diabète 4
sans seuil de dose 217
cellulaire 93 dichlore 164
Warburg 122
en 2D 95 dichlorométhane 112, 181, 191
efflux 19
en 3D 95 diesel 56, 113, 115, 172
EFSA, European Food Safety
organotypique 93 diéthylstilbestrol 207 Authority 217
primaire 94 différences inter-espèces 62 électroencéphalogramme 145
curare 77 différenciation 144 électrolytes 188, 195, 196
cyanure 150, 167 diffusion électromyogramme 145
cycle de Krebs 139, 154 facilitée 16, 18 électrons 52, 57
cycle de l’urée 202 passive 16, 18, 22, 23, 33 électrophiles 71, 72
CYP 53, 59, 62 simple 17 éléments de réponse 74
CYP1 59 digestive 117 élimination 12, 213
CYP1A 58 dioxines 12, 37, 41, 43, 79, 82, embryogenèse 208
CYP1A1 60, 61 113-115, 185, 212
embryon 219
CYP1A2 53, 65 dioxyde d’azote (NO2) 162, 164,
embryotoxicité 209
CYP2D6 62, 66 168
emphysème 169, 172
CYP2E1 60, 66, 152 dioxyde de soufre (SO2) 162, 168
EMX 61, 221
CYP3A4 53 dioxygène (O2) 52, 57, 73
endomètre 208
CYP450 20 directive Reach 105
endothélium 190
CYP réductase 51, 52, 57 Direct Peptide Reactivity Assay
(DPRA) 178 endotoxines 172
cytochrome oxydase 192
Distilbène® 207 Environmental Protection Agency
cytochromes P450 (CYP) 27, 50, (EPA) 110
52, 55, 56, 68, 79, 152, 156, distribution 12, 13, 100, 213
enzymes 49, 76, 82, 183, 184
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192, 202, 205 distribution tissulaire 42


allostériques 76
cytokératines 127 disulfure de carbone 153
de phase II 53
cytokines 176, 182 DJA 224, 225
cytolyse 202, 203, 204, 206 de phase I, II 67
DOHaD (Developmental Origine
cytomégalovirus 207 of Health and Disease) 8 du métabolisme des xénobio-
tiques 64
cytométrie en flux 97 données à haut débit 97
épiderme 28, 175, 184
cytoplasme 139 dopamine 149
épigénétiques 123, 134
cytosquelette 121 dose 50
Episkin 95
aiguë de référence (DARf)
épithéliums 16, 176, 199
D 224, 225
dérivée avec effet minimum épithéliums de surface 95
DDT 112, 114, 115 (DMEL) 224 époxyde hydrolases 53, 58
débrisoquine 62, 64 dérivée sans effet (DNEL) 224 époxydes 53
délétions 131 effective médiane (DE50) 91 équation de Crone-Renkin 43

253
Index

équation de Henderson-Hassel- fenêtres d’exposition 9 GnRH (Gonadotropin-Releasing


balch 37 fer 166, 169, 186, 191, 203 Hormone) 208
équipements de protection fertilité 209 gonades 207, 209
individuelle EPI 29 goudron 113
feux de forêt 56
ERS 217 granulocytes 188
FGF 127
érythème 182 groupement prosthétique 51
fibres 118
érythème, œdème, bulle 183 GST (glutathion-S-transférases)
fibrose 160, 163, 165, 166, 168,
érythrocytes 196 171, 193, 198, 205 53, 68
érythropoïèse 188 fièvre 158, 159, 205 guanines 58
érythropoïétine 196 filtrat glomérulaire 199
espace hydrique 36 filtration glomérulaire 195, 199 H
espaces tissulaires 36 flavonoïdes 80 halothane 205, 206
espèces réactives dérivées de l’oxy- fœtotoxicité 209
gène (ERO) 133 HAP 129
fœtus 4, 8, 91, 188, 191, 219 haptènes 182
esters de phorbol 124 foie 29, 31, 51, 112, 165, 188,
estomac 112 h-CLAT (Human Cell Line Acti-
200 -202, 205 vation Test) 178
estradiol 208 folliculogenèse 207 HCS 97
étain 150 formaldéhyde 112, 113, 162 hématies 187, 188, 189, 191
éthanol 203, 204, 205, 206, 210 FSH (Follicle Stimulating hématocrite (Ht) 189, 191
éthers de glycols 210 Hormone) 208
hématopoïèse 186
éthers monométhyliques 190 fumage 56
hématotoxicité 137, 186, 190
éthique 92 fumées 23, 162
hématurie 197, 198
éthylène glycol 190, 199 fumeurs 61, 130
hème 51
études de cohortes 116 furanes 212
hémoglobine 188, 191, 193, 202
évaluation des risques sanitaires
(ERS) 215 G hémogramme 189
hémolyses 191
excès de risque unitaire (ERU)
217 gamétogenèse 207 hémoprotéines 51
excrétion 100 gamma-dicétones 152 HepaRG™ 94
expérimentation animale 89, 91 ganglions 27 héparine 189
explorations fonctionnelles respira- ganglions lymphatiques 178 hépatite 202
toires (EFR) 160 gaz 24, 26, 33, 156, 160, 164, hépatocytes 95, 201, 202, 204,
exposition 166, 172, 191 205
aiguë 90, 217, 225 moutarde 113, 162, 165 hépatotoxicité 137, 200
chronique 90, 217 neurotoxiques 77 herbicide 73
subchronique 90, 217 gènes suppresseurs de tumeur héroïne 151
APC 120, 128 hexachlorophène 71, 154
subaiguë 90
génétique 134 High Content Screening 97
exposome 1, 135
génotoxicité 75, 116 histamine 182, 184, 189
F Germandrée 206 histologie 201
glandes sébacées 176 homéostasie 121
facteurs glandes sudoripares 176 homéostasie calcique 97
de transcription 56 glucose 82, 195, 196 Homologous Recombination,
de croissance 125 glutaraldéhyde 162 HR 121
de sécurité 88 glutathion 53, 57, 74, 120, 191 hormones 72, 196, 207
d’incertitudes (UFs) 216 glutathion-conjugué 53 Hsp90 79
d’incertitude (Uncertainty glutathion peroxydase 74 huiles 181
Factor ou UF) 221 glutathion S-transférases 68, 74 hydratation 176
UFD 223 glycine 150 hydrazines 206
UFS 223 glycolyse 144 hydrocarbures 12, 114, 156, 160
FAD et FMN 51 glycoprotéine de Tamm-Horsfall aromatiques polycycliques
faibles doses 6 198 (HAP) 79, 117
FAK 83 glyphosate 115 hydrosolubilité 157

254
Index

hyperplasie 186 IQ 65 maladie de Minamata 4


hypersensibilité 185, 186 isocyanate de méthyle 163 maladies neuro-dégénératives 4
immédiate de type 1 182 isoformes 53, 64 malathion 114, 115
hypoderme 28, 175, 176 isotope 178 malformations 4
hypophyse 209 manganèse 150, 151, 167
hypotension 147 J MAPK 127
hypothalamus 141, 208, 209 mastocyte 182
jonctions cellulaires 16, 22
hypoxie 188, 193, 196 matrice extra-cellulaire (MEC)
jonctions serrées 45 121, 124
I K
mécanismes d’action (MoA) 5
médicaments 50, 52, 66, 67, 81,
IgE 182 91, 98, 200,
kératine 31 210
IGF 127
kératinocytes 95, 175, 182 médulla 194
imagerie cellulaire 97
KeratinoSens® 178 méduses 184
imagerie par résonance magné-
KeratinoSens™ 94
tique (IRM) 146, 192 méiose 207
kinase Src 83 mélanocytes 176
immunité 175
kinésine 142 mélanomes 131
immunoglobulines 38
knock-in 64 membrane (s) 41, 97
immunotoxicité 75
knock-out (KO) 59, 60, 63 biologique 17
incertitude 222
inducible Pluripotent Stem cells mémoire 145
(iPS) 94 L mercure 4, 141, 166, 186, 199,
INERIS 227 200, 212
lactation 208
infarctus 192 mésothéliomes 114, 132-134
larynx 113, 155
inflammasome 134 métabolisme 49, 97, 100, 175,
latence 172
inflammations 25, 164, 182, 202 211, 213
latex 173
influx 19 des xénobiotiques 49, 59
LCR 36
inhalation 118 métabolites 12, 30, 49
leucémie 115
inhibiteurs 76 métastase 125
leucocytes 188, 189
initiation 121 métaux 2, 12, 31, 212
leucotriènes 182
insecticides 32, 149 lourds 23, 199
LH (Luteinizing Hormone) 208
insecticides organophosphorés méthane 167
lignées cellulaires 93, 94
152 méthanol 71, 160
lipides 75
insertions 131 méthode de Sanger 130
Lipinski (règle des cinq) 18
in silico 98 méthylation 126, 128, 134
lipophilie 17, 35, 177
Institut national du cancer (InCa) méthylmercure 9, 150
lipoprotéines 42, 43
109 méthylphényltétrahydropyridine
l’IQ (2-Amino-3-méthy- (MPTP) 150
Institut national de la santé
limidazo[4,5-f]quinoline) 64
publique et de l’environne- Michaelis-Menten 100
liquides 33
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ment aux Pays-Bas micro-ARNs (miRNA) 128, 134


(RIVM) 216 LOAEL Lowest Observed Adverse
microbiote 80
insuline 150 Effect Level 5, 88, 220
microdialyse 178
interactions médicamenteuses 67 lobe 201
microfluidique 96
inter-espèces 61, 62 loi de Fick 17, 18, 31, 103, 177
microglie 140
interféron 189 LuSens® 178
microsomes 53
interleukines 158, 189 lymphocytes B 187, 188, 189, 190
microtubules 126, 142
intoxications 2 lymphocytes T 186, 187
migration 127, 144
intra-espèces 61 lymphome 115
Mismatch Repair, MMR 121
in utero 207, 208, 209 mitochondries 53, 97, 122, 139,
invasion 127
M 154
iode 112, 113, 114, 115 macrophages 25, 27, 118, 140, mitose 133
ionisation 35 170, 187 modèles animaux 89
ion nitrénium 65 magnésium 195 modèles humanisés 67

255
Index

modèles in silico 98 N-cadhérine 127 œdèmes 157, 161, 163, 164, 182
moelle épinière 154 nécrose 97, 121, 183, 199, 202, œil 115
moelle osseuse 188, 196 204, 206 œsophage 112
MOEref 226 néphron 195 œstrogènes 82, 84
mono-compartimental 100 néphrotoxicité 137 olfaction 158
monocytes 187, 188, 189 neurofilaments 140, 152 oligodendrocytes 140, 150, 154
monoéthylique 190 neurogenèse 144 omiques 5, 88, 104
monoxyde de carbone (CO) 12, neurones 138 oncogènes 119
160, 167, 191 neurotoxicité 137, 138 organes sur puces 96
mort cellulaire 70, 97, 122 neurotransmetteurs 77, 143 Organisation mondiale de la santé
moutarde 115 neurotubules 139 (OMS) 116, 210, 216
azotée 114 NGS (Next-Generation Sequen- organophosphorés 71, 141, 149,
MPTP 151 cing) 131, 133 160, 162,
MRP 22 n-hexane 152 165, 212
MRPs (Multidrug Resistance- N-hydroxy-IQ 65 ortie 184
associated Protein) 21 nickel 166 os 114
MT (méthyltransférases) 53 nicotine 149 osmium 167
MucilAir™ 95 nitrates 112 ovaire 114, 208
mucopolysaccharides 176 nitrique, sulfurique 180 ovocyte 208
MUSST (Myeloid U937 Skin nitrites 193 ovogenèse 208
Sensitization Test) 178 NOAEL (No Adverse Effect) 5, oxydant 69
mutagenèse 75, 88, 104, 218 88 oxydations 51, 58, 71
mutations 75, 125, 130 nœud de Ranvier 141, 143 oxyde d’éthylène 181
myalgies 159 nomenclature HUGO 20 ozone (O3) 162, 164, 184
mycotoxines 194 non-fumeurs 130
myéline 152, 154 Non Homologous End Joining P
myélinisation 140, 141, 144 (NHEJ) 121
myélinopathies 153 No Observable Adverse Effect PAC 63
myocarde 188, 192 (NOAE) 220 pancréas 113
myocytes 156 noradrénaline 149, 196 paracelse 3
myoglobine 192 NOTCH 127 paracétamol 203, 206
nourriture 56 paraquat 72, 73, 160, 162, 165,
N nouveau-né 91 204, 206
noyau 53, 97, 139 parathormone (PTH) 196
N-acétylglucosaminidase (NAG) Nrf2 70, 74, 84 particules 25, 26, 27, 117, 118,
198 169
NTC 125
N-acétyltransférases 54
nucléaire 171 PAS 79
NADPH 165
nucléophilie 71, 72 PBPK (Physiologically-Based
NADPH,H+ 52, 57 Pharmaco Kinetics) 26, 67,
Nucleotide Excision Repair
Na+/K+ - ATPase 143 (NER) 121 99-103, 223
nanoparticules 12, 157 nylon 186 PCBs 79, 82
nanotubes de carbone 125, 134 PDGF 127
NAPQI (N-acétyl-p-benzoquino- O peau 27, 29, 114, 117, 147, 175,
neimine) 59, 60 176
nasopharynx 155 O2 188 humaine 178
National Institute of Environmen- obésité 4, 116 peintures 173
tal Health Sciences (NIEHS) Occupational Safety and Health pénicilline 191
110 Administration (OSHA)
pente de la droite 217
National Toxicology Program 110
(NTP) 217 perchloroéthylène 162
OCDE (Organisation de coopé-
NAT (N-acétyltransférases) 53, ration et de développement perfusion 40
54, 65 economiques) 88, 217 période 50
natural killer 187 ocytocine 209 perméabilité 33, 40
nausées 192 odorat 145 membranaire 41

256
Index

peroxydation 203 PM10 117 pyréthrinoïdes 148, 212


peroxyde d’hydrogène H2O2 73 pneumoconioses 169 pyridinethione 153
persulfates 173 pneumocytes 25, 27, 156
perturbateurs endocriniens (PE) pneumopathies 160, 163, 166, Q
3, 5, 82-84 168, 174
pesticides 3, 12, 13, 22, 70, 76, pneumotoxicité 137, 155 QSAR (Quantitative Structure
77, 81, 82, Activity Relationships) 67,
POD (Point of Departure) 216 99, 135, 219
88, 199, 212 poisons 1, 8, 9
pétrole 56 quartz 170
pollens 33 quinine 191
p-glycoprotéine 55 pollution 59
PgP 21, 22, 54
pH 97, 198
polyarthrite rhumatoïde 170 R
polychlorobiphényles 114
phage lambda 63 polychlorure de vinyle (PVC) radical hydroxyle (OH) 57, 121
phagocytose 25, 189 159 radiographie 161
phalloïdine 206 polymorphismes 53, 61, 66 RADS, Reactive Airways Dys-
pharmacocinétique 13, 35, 39, 99 polynucléaires 187, 188, 189 function Syndrome 168, 172
pharmacologie 60, 62, 64 polytétrafluoroéthylène (PTFE) rate 188
pharmacovigilance 4 159 rayons gamma 112, 113, 114, 115
pharynx 112 potassium 143, 195 rayons X 112, 113, 114, 115
phase de distribution 35 potentiel d’action 143 RBP, Retinol Binding Protein
phase I 15, 58, 59 potentiels évoqués 145 198
phase II 15, 21, 53, 58, 59, 74 poumons 24, 96, 103, 113, 117, REACH 223
phase III 15 131, 132, 155, 157, 161, 174 réaction de Fenton 121
phénobarbital 124 poussières 160 Reactive Oxygen Species (ROS)
pralidoxime 141 57, 70
phénols 181, 193
prédisposition génétique 171 récepteurs 64, 69, 71, 77, 82,
PhIP (2-amino-1-méthyl-6-phény-
prématurité 211 148, 206
limidazo [4,5-b]pyridine) 64
pression artérielle 198 récepteurs couplés aux pro-
phosgène (COCl2) 162, 164 téines G 77
phosphatases alcalines 203 PRF (Prolactin Releasing Fac-
tor) 209 récepteurs nucléaires 80
phosphate de pyridoxal 148 rectum 112
phospholipides 204 prick-tests 179, 183, 184
réduction 71
phosphore 180, 195 processus inflammatoires 70
reins 29, 114, 165, 194, 197
phosphorylation oxydative 122, processus pathologique 135
relation dose-effet 3
139, 154 produits de contraste 198
relation dose-réponse 98, 101,
pH partition 37 produits phytosanitaires 91
215, 218
phtalates 82, 210 progestérone 208, 209
relation structure-activité (SAR)
physiologie 3, 201, 211 progression tumorale 121, 124 178
physiologique 59 projet Tox 21 7 rénine-angiotensine-aldostérone
phytosanitaires 160, 162, 164, prolifération 97, 120, 144 197
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165, 181, 223, 225, 226 prostaglandines 182, 196 réparation 75


PIF (Prolactin Inhibitor Factor) prostate 114 de l’ADN 120, 126, 130
209 protéasome 74 réplication 75, 126
pigment 186 protéines 75, 179, 183, 188, 197, reproduction 218
placlitaxel 153 198 reprotoxicité 137, 207
plaques fibrohyalines 171 protéinurie 198 retardateurs de flamme bromés
plaquettes 187, 188 protonophores 71 82
plastifiants 82 proto-oncogènes 119 réticulocytes 188, 189
plastiques 162, 181 PTFE 167 réticulum endoplasmique 51, 54,
platine 199 puce 96 77, 139
plèvre 117, 132, 155, 171 à ADN 130 rétinoïdes 29
plomb 2, 166, 190, 191, 199, 200, PVC 167 rhinite 158
210, 212 PXR (Pregnan X Receptor) 60, risques 58, 88, 215
plutonium 113, 115 62, 69, 70, 80, 81 RIVM 218

257
Index

romifidine 148 strontium 115 thalidomide 4, 9


RSA ou SAR 99 structure-activité-quantitative thioredoxines 74
rubéole 207 (QSAR) 178 thorium 113
RXR 81 strychnine 149 thrombopénies 190, 193
styrène 115 thyroïde 115
S subchronique 225 tissu conjonctif 201
substances chimiques repro- titane 169
S-adénosylméthionine 53 toxiques
TNF 189
SAR 67, 99 (CMR) 209
toluène 162
sarin 77 suie 115
tomographie par émission de
saturnisme 2 sulfamides 193
positons 146
saxitoxine 148 sulfotransférases 54
tomographie par émission
scandales sanitaires 4 sulfure d’hydrogène 162, 163 monophotonique 146
sclérodermie 170 SULT (sulfotransférases) 53, 54 toxicité
SDRA 165, 168 superoxyde dismutase 73, 74, 121 aiguë 92
sécrétion 205 surfaces d’échange 16 chronique 92
seins 114 synapse 143 subaiguë 92
sénescence 120, 122 synaptogenèse 144 sub-chronique 92
sensibilisation 181 syndrome toxicocinétique 98, 101, 177
sérotonine 149 de Brooks 168, 172, 173 toxicologie analytique 147
serpent 77 de détresse respiratoire aigu toxicologie prédictive 67
(SDRA) 161
sexe 197 toxine diphtérique 154
parkinsonien 151, 192
silice 172, 186 toxine botulique 148
synergique 7
silicose 170 toxine tétanique 148
système
site actif 53 toxoplasmose 207
adaptatif 50
SLC (Solute Carrier) 19, 35, 54 TP53 128
digestif 117
SNP (Single Nucleotide Polymor- trachées 155, 169
immunitaire 218
phism) micro-arrays 130 transaminases 203
nerveux 29, 138, 211, 218
sodium 143, 195 transcytose 16, 18
nerveux central 115, 188, 192
soluté 17 transition épithélio-mésenchyma-
parasympathique 149 teuse (TEM) 125, 127
solvants 162, 165, 181, 199
souris transport 35
T actif 16, 17, 19, 54
humanisée 62, 66
KO 64 tabac 110, 112, 113, 131, 210 antérograde 143
transgénique 63 tabagisme 50, 116, 171, 198 facilité 17
spermatogenèse 207, 208, 210 tachycardie 149 rétrograde 143
spermatozoïdes 208, 210 talc 169 transporteurs 11, 15, 18, 20, 33,
44, 49
sperme 210 tatouage 186
ABC 21, 23, 35, 45
sphéroïdes 95 Téflon® 159
de phase III 54, 67
spirométrie 161 tellure 154
SLC 23, 45
spongiose, œdème dermique 183 télomérase 120
transposition inter-espèces UFA
spores 159 température 97 221
Src 79 temps 50 trichloroéthylène 160, 162, 168
stéatohépatite 205 tératogènes 91, 211 triéthylétain 153, 154
stéatose 202, 204, 205, 206 testicule 114 trompe de Fallope 208
stéroïdes 206 testostérone 208 trouble ventilatoire obstructif
stratum corneum 30, 31 tests épicutanés 179 (TVO) 161, 173
stress 69, 120 tests in vitro 104 trouble ventilatoire restrictif
stress mécanique 121 tests réglementaires 98 (TVR) 160
stress oxydant 57, 72-74, 97, 121, tétrachlorure de carbone 202 tryptophane 80
122, 191 tétrodotoxine (TTX) 147 tube contourné distal 196
stroma 124, 128 TGFβ 127 tube contourné proximal 196

258
Index

tube digestif 112, 113, 149 valeur limite d’exposition profes- paracellulaire 22
tumeurs 116, 121, 123, 126 sionnelle (VLEP) 215 pulmonaire 12, 24, 33
tumorigenèse 120 valeur de référence 224 respiratoire 23, 89, 90
TVO 169 valeur toxicologique de référence transcutanée 117
(VTR) 215
TVR 161 volume de distribution 37, 100,
vanadium 167 101
tyrosine kinase 77
vapeurs 26, 33 VTR (valeur toxicologique de
variabilité 222 référence) 5, 216, 217, 221,
U 223, 224
variants 62
ubiquitination 74 vasodilatation 196 à seuil 218
UDP-glucuronosyltransférases vernis 173 à seuil de dose 216
54, 68 vésicules 18 sans seuil de dose 216
UGT (UDP-glucuronosyltransfé- vessie 29, 115, 117 vue 145
rases) 53, 54, 68 vimentine 127
ultraviolets 129-131, 175, 184 vin 205 W
Union européenne 224 vitamine 74, 194
WNT 127
uranium 199 A 201
urée 194, 206 D 175, 196 X
uretère 115 vitesse maximale (Vmax) 18
urines 15, 36, 53, 194, 196, 198 VLDL 204, 205 xénobiotiques 11, 49
urticaire de contact 182 VLEP 224 xénogreffe 123
US Environmental Protection voie(s) XRE 79
Agency (EPA) 216, 218 aériennes 117
utérus 208 cutanée 12, 27, 89 Y
d’absorption 11
V de signalisation 69
ypérite 165

vaisseaux sanguins 28, 175 des pentoses 193 Z


d’exposition 21
valeur guide de qualité d’air
intérieur digestives 21, 33 zinc 166
(VGAI) 215 orale 12, 89 zygote 6 208
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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