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Toxicologie
Illustration de couverture : © Cinematographe – Fotolia.com
© Dunod, 2017
Nouvelle présentation 2019
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-080795-6
Les auteurs
Pascal Andujar
Professeur des universités et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’uni-
versité Paris-Est Créteil (Paris XII)
Armelle Baeza-Squiban
Professeur des universités en toxicologie environnementale à l’université Paris Diderot
(Paris VII)
Robert Barouki
Professeur des universités et praticien hospitalier en toxicologie moléculaire à l’université
Paris Descartes (Paris V)
Laurent Bodin
Pharmacien et docteur en toxicologie de l’université Paris Descartes (Paris V), manager
de projets scientifiques à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-
tation, de l’environnement et du travail)
Lucie Chevillard
Docteur en toxicologie, maître de conférences en pharmacocinétique à l’université Paris
Descartes (Paris V)
Xavier Coumoul
Professeur des universités en toxicologie moléculaire à l’université Paris Descartes
(Paris V)
Xavier Declèves
Professeur des universités et praticien hospitalier en pharmaco-toxicologie à l’université
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Robert Garnier
Maître de conférences et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’université
Paris Diderot (Paris VII)
Francelyne Marano
Professeure émérite en biologie cellulaire et toxicologie à l’université Paris Diderot
(Paris VII), vice-présidente de la commission spécialisée risques liés à l’environnement
(CSRE) au Haut conseil de santé publique (HSCP)
III
Les auteurs
France Massicot
Maître de conférences émérite à la faculté de pharmacie Paris Descartes (Paris V)
Jean-Claude Pairon
Professeur des universités et praticien hospitalier en médecine et santé au travail à l’uni-
versité Paris-Est Créteil (Paris XII)
Avec la collaboration de
Didier Jean
Chargé de recherches - INSERM UMR 1162 « Génétique fonctionnelle des tumeurs
solides » à Paris
Marie-Claude Jaurand
Directrice de recherches émérite - INSERM UMR 1162 « Génétique fonctionnelle des
tumeurs solides » à Paris
Antoine Villa
Praticien hospitalier au centre antipoison de Paris - Hôpital Fernand Widal (Assistance
publique - Hôpitaux de Paris)
Jérôme Langrand
Praticien hospitalier au centre antipoison de Paris - Hôpital Fernand Widal (Assistance
publique - Hôpitaux de Paris)
Marie-Thérèse Lecam
Praticien hospitalier en dermatologie-allergologie à l’unité de pathologie professionnelle
du centre hospitalier intercommunal de Créteil
IV
Table des matières
1. Un peu d’histoire 1
4. Conclusion 8
L’essentiel 9
L’essentiel 33
V
Table des matières
L’essentiel 47
VI
Table des matières
8. Conclusion 67
L’essentiel 68
4. Conclusion 84
L’essentiel 86
6 Approches méthodologiques 87
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
VII
Table des matières
5. Conclusion 105
L’essentiel 107
1. Introduction 109
L’essentiel 136
1. Neurotoxicité 138
1.1 Organisation du système nerveux 138
1.2 Méthodes d’étude des effets neurotoxiques 144
1.3 Mécanismes des effets neurotoxiques 147
1.4 Conclusion 155
2. Pneumotoxicité 155
2.1 Rappels anatomiques et histologiques de l’appareil respiratoire
chez l’Homme 155
2.2 Physiopathologie des atteintes respiratoires aiguës
et subaiguës d’origine toxique 156
2.3 Pathologies respiratoires aiguës d’origine toxique 158
2.4 Pathologies respiratoires chroniques d’origine toxique 169
3. Dermatoxicité 175
3.1 Description anatomique et histologique de la peau 175
3.2 Éléments de toxicocinétique 177
VIII
Table des matières
4. Hématotoxicité 186
4.1 Hématopoïèse 186
4.2 Cellules sanguines circulantes 188
4.3 Hématoxicité 190
5. Néphrotoxicté 194
5.1 Anatomie et fonctions physiologiques du rein 194
5.2 Évaluation de la fonction rénale 197
5.3 Pathologies rénales d’origine toxique 198
5.4 Conclusion 200
6. Hépatotoxicité 200
6.1 Rappels sur le foie 201
6.2 Principaux types d’atteintes hépatiques 202
6.3 Exemples de substances chimiques hépatotoxiques 205
6.4 Conclusion 207
L’essentiel 213
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IX
Table des matières
L’essentiel 228
Bibliographie 241
Index 251
X
À la découverte de votre livre
Chapitre 1
Introduction : sur le
chemin d’une nouvelle
toxicologie
Objectifs Plan
Comprendre l’histoire de la toxicologie. 1 Un peu d’histoire
Analyser l’origine des règlementations au 2 Les scandales sanitaires et
Elle donne :
20me siècle. l’évolution de la toxicologie
3 Vers une nouvelle toxicologie
Tirer les conséquences de l’évolution des
connaissances biologiques. 4 Conclusion
dans le chapitre Il compile plus de sept cents drogues et poisons dont il décrit les effets délétères. Déjà,
certains de ces extraits de plantes sont utilisés à des fins thérapeutiques ou contracep-
tives. Le mot « toxique » est sans doute d’origine grecque, « toxicon » désignant les
flèches empoisonnées utilisées dans la chasse. Cette pratique existait sans doute dès la
préhistoire avec la connaissance de baies toxiques dont les extraits servaient à imprégner
pédagogiques
tle plan du chapitre
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques
M1 XOH
2 Le cours
le Vd d’un xénobiotique sera important et plus son Cmax sera faible. On note sur (facilité) Cytoplasme
la figure 3.2 que la concentration initiale du xénobiotique 1 est bien inférieure au xéno-
biotique 2. D’une manière générale, après une exposition unique à un xénobiotique XOH
par voie extravasculaire quelle que soit sa voie d’absorption (voie d’exposition pour un Transporteur
M1 M2
toxique) ou par voie intravasculaire (intraveineuse, intra-artérielle), les concentrations ATP ADP + Pi
sanguines seront d’autant plus faibles que son Vd sera grand comme vu dans sa définition.
10,000
Changement
Xénobiotique 1 conformationnel Transporteur
Xénobiotique 2 XOH actif primaire
M1 M2
Concentration sanguine (ng/l)
1,000
Figure 4.3 – Les trois formes de transports réalisés par les ABC et les SLC.
Les transporteurs d’anions (OATP1B1 ou 1B3) ainsi que les trois ABC, MRP2,
BCRP et la p-glycoprotéine constituent des protéines quantitativement et qualitative-
39
L’essentiel
Mécanismes d’action et voies de
signalisation activées par les toxiques
3 En fin de chapitre
Réactivité Modification des
(ex: nucléophlie) propriétés environnementales
Liaison
n à des
cellulai
e res
Cibles cellulaires
--- -- - - -
-
-- - - - -
4 En fin d’ouvrage 86
Index
Un index
F F F F F F F F F F aminés 195, 196 allergies 4 aryl 78
chromique 180 alliages 171 asbestose 171
Figure 1.1 − Structure du PTFE cyanhydrique [HCN] 167 alvéoles 25, 118, 155, 156, 169 asthme 169, 172
fluorhydrique 180 amiante 9, 12, 23, 112-114, astrocytes 140, 141, 155
La stabilité des PF pose néanmoins de sérieux problèmes environnementaux. Ils sont ainsi gamma-aminobutyrique 116-118, 132, 133, 170 ATM 120
classés pour certains comme des POPs depuis 2009 et comme neurotoxiques. Par ailleurs, ils (GABA) 148 amines 173 ATP-binding cassette (ABC) 19
glutamique 148 aromatiques 193 ATP 18, 21, 54, 188, 206
peuvent entraîner une immaturité de développement pulmonaire.
gras 29, 205 hétérocycliques 64, 65 ATPases 77, 142, 143
lactique 122 amitraze 148 ATR 120
1.1 Rappeler ce que signifie l’acronyme POP. Citer deux propriétés nucléiques 191 ammoniac 162, 167 atropine 149
essentielles qui définissent un POP. oxalique 180 ammoniums quaternaires 173 ATSDR 218
urique 194, 196 AMPc 84 audition 145
Ces POPs fluorés ont toutefois des propriétés sensiblement différentes des autres POPs acné 185 amphiphiles 177 auto-anticorps 206
classiques (dioxines, pesticides organochlorés…) en termes de bio-distribution dans les orga- acroléine 162 anatomie 201 autophagie 122
acrylamide 153, 210 androgènes 82 Autorité européenne de sécurité
nismes. Leur affinité est ainsi très forte vis-à-vis de l’albumine, une protéine plasmatique. des aliments 217
additif (s) 7 anémones 184
Le PFOA et le PFOS (perfluorooctanoic acid et perfluorooctane sulfonate) ont des demi- avortement 211
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
alimentaires 12 anesthésie 77
vies de quelques heures (rat) à près d’un mois (singe). Chez l’Homme, les demi-vies sont adductome 75 aneuploïdie 125, 126 axone 139, 142, 144, 152
toutefois estimées à 3,8 (PFOA) et 4,8 ans (PFOS). Ces composés présentant de nombreuses adduits 57, 69, 75 angiogenèse 207 axonopathies 152
toxicités, la connaissance de leur bio-distribution tissulaire dans le sang et les autres organes ADE 102 angiotensine 195, 196, 197
adhésion 199 angor 192 B
en fonction du temps est essentielle.
adipocytes 28, 175, 176 anion superoxyde 73
BAC 63
ADN 58, 75, 97 anse de Henlé 196
1.2 Rappeler la signification de l’acronyme PBPK. Citer deux intérêts bacille 154
ADN complémentaire (ADNc) 63 ANSES 218
barrière 16, 35, 44
de ces derniers. Adverse Outcome Pathway 104 antagoniste 7
cutanée 177, 178
AOEL (Acceptable Operator anticoagulants 61
fœto-placentaire 44
L’objectif de la première partie de l’étude ci-dessous est de tester un modèle PBPK en termes Exposure Level) 225 anticorps 189, 205
hémato-encéphalique (BHE)
aérosols 24, 33, 160 antidote 179 17, 22, 44, 138, 140, 141,
de bio-distribution des 2 PF présentés (PFOA et PFOS).
aflatoxines 112 antigène 176 151
Un premier modèle PBPK de Loccisano et al. (2011) est présenté en figure 1.2.
251
229
Chapitre 1
Introduction : sur le
chemin d’une nouvelle
toxicologie
Introduction
On connait les poisons depuis la préhistoire, mais il a fallu les scandales sanitaires du
20me siècle et les recherches qu’ils ont suscitées pour que des réglementations de plus en
plus contraignantes se mettent en place. Cependant, la prise de conscience des exposi-
tions à faible dose à des cocktails de polluants tout au long de la vie, les questionnements
sur l’augmentation des maladies chroniques remettent en cause ces règlementations et
demandent le développement d’une nouvelle toxicologie, celle de « l’exposome ».
Objectifs Plan
Comprendre l’histoire de la toxicologie. 1 Un peu d’histoire
Analyser l’origine des règlementations au 2 Les scandales sanitaires et
20me siècle. l’évolution de la toxicologie
3 Vers une nouvelle toxicologie
Tirer les conséquences de l’évolution des
connaissances biologiques. 4 Conclusion
1 Un peu d’histoire
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La connaissance des poisons et de leurs effets sur l’Homme et les animaux remonte à la
plus haute antiquité. Les papyrus égyptiens montrent une grande expertise dans la science
des poisons d’origine animale et végétale. Le papyrus d’Ebers (Bardinet, 1995), qui
date d’environ 3 500 ans, fait état de la toxicité de nombreuses substances naturelles.
Il compile plus de sept cents drogues et poisons dont il décrit les effets délétères. Déjà,
certains de ces extraits de plantes sont utilisés à des fins thérapeutiques ou contracep-
tives. Le mot « toxique » est sans doute d’origine grecque, « toxicon » désignant les
flèches empoisonnées utilisées dans la chasse. Cette pratique existait sans doute dès la
préhistoire avec la connaissance de baies toxiques dont les extraits servaient à imprégner
1
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie
l’extrémité des armes, flèches ou lances. Ces pratiques ancestrales se retrouvent encore
chez certaines tribus d’Amérique centrale et de l’Océan indien.
La toxicité des métaux était également connue et il était déconseillé de s’en servir
sans précaution dans les ustensiles pour la préparation des aliments.
Par exemple, le cuivre était connu pour certains effets néfastes malgré ses
nombreuses vertus. Il fut l’un des premiers métaux utilisés dès la préhistoire et, en
alliage avec l’étain, a donné naissance au bronze, lui-même à l’origine d’une révolution
technologique caractérisant l’âge de bronze. Les objets de cette période ont été remar-
quablement conservés : armes, médailles, statues mais également plats et marmites
qui étaient utilisés essentiellement pour réchauffer les aliments car les anciens avaient
constaté que ceux-ci devenaient toxiques s’ils étaient conservés trop longtemps dans
des récipients en cuivre pur. La pratique de l’étamage, c’est-à-dire le traitement de
l’intérieur des récipients en cuivre par de l’étain, s’est alors développée jusqu’à main-
tenant. Mais il a fallu attendre le XXe siècle pour comprendre que la toxicité du cuivre
était associée à ses formes oxydées : vert de gris, oxyde cuivreux, oxyde cuivrique
et que l’étamage permettait de les éviter. C’est l’étude scientifique de ses propriétés
qui a montré que le cuivre, outre ses remarquables capacités à conduire la chaleur,
quand il est dissous dans l’eau devient un puissant antibactérien et antifongique,
propriétés utilisées dans la bouillie bordelaise pour le traitement de la vigne et la lutte
contre le mildiou. On l’autorise en agriculture biologique à la différence de pesticides
« modernes » de synthèse mais, comme tout produit efficace, ici la dose fait le poison
et il est nécessaire de ne pas « surtraiter » les vignes sous peine d’accumulation de
cuivre dans les sols et de risques pour les espèces animales les plus sensibles. Il a été
constaté des intoxications chez les moutons dont les pâturages étaient à proximité de
vignobles trop traités. Cet exemple illustre bien le cheminement millénaire qui conduit
d’une connaissance empirique, accumulée à travers de très nombreuses observations
au cours des temps, à la culture scientifique du XXIe siècle.
Le plomb est un autre bel exemple de cette évolution. Il s’agit là encore de l’un des
métaux les plus anciennement connus et on le retrouve dans des objets datant de 6 à
8 000 ans avant J.-C. Or ses dangers sont observés et décrits depuis l’antiquité et retrouvés
dans des textes de l’époque romaine qui a utilisé le plomb depuis les canalisations
jusqu’à la vaisselle sans prendre pour autant des précautions d’usage malgré les alertes.
Cette utilisation, constante depuis l’antiquité, s’est développée largement à l’ère indus-
trielle avec des applications dans de nombreux produits : peintures, batteries, essence,
plombages dentaires entre autres. Mais c’est également au XXe siècle que le saturnisme
a été décrit par des médecins qui ont su mettre en relation l’intoxication au plomb chez
les jeunes enfants et de graves déficits intellectuels. Aujourd’hui encore, on continue à
découvrir des effets néfastes du plomb à des doses de plus en plus faibles.
Il y a donc eu très tôt dans l’histoire de l’humanité une conscience des effets néfastes
de certaines substances naturelles que l’on a appelées poisons et de certains métaux
utilisés dès l’âge de bronze mais cette connaissance est restée très longtemps empirique
et fragmentaire. Cependant des philosophes, mathématiciens et médecins de l’antiquité
2
1 Un peu d’histoire
apparaissaient dans les textes anciens, c’est dans le cadre de protocoles établis scientifi-
quement dans les laboratoires de recherche que la toxicologie moderne s’est développée
(Marano et al., 2011), en bénéficiant des avancées de la physiologie puis de la biologie
cellulaire et du développement des outils expérimentaux de la recherche fondamentale,
en particulier ces dernières années avec le développement de l’approche « omique ».
Des règlements et des directives nationaux et internationaux se sont succédé au cours
des cinquante dernières années, obligeant les industriels du médicament, des produits
chimiques dont les pesticides et les biocides, à tester la toxicité de leurs produits avant
de les mettre sur le marché. Les essais préconisés sont encore largement fondés sur la
relation dose-effet, qui a été récemment remise en cause à partir des publications sur
certains contaminants chimiques environnementaux comme nous le verrons plus loin.
3
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie
4
3 Vers une nouvelle toxicologie
5
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie
réglementation actuelle par une approche « à la carte » reposant sur les connaissances
développées sur des familles de molécules ayant des mécanismes d’action équivalents.
Cette nouvelle toxicologie qui se développe sous nos yeux se caractérise par un certain
nombre de notions fondamentales.
6
3 Vers une nouvelle toxicologie
La compréhension des mécanismes de toxicité à long terme, qui reste très parcel-
laire aujourd’hui, est sans doute nécessaire. Il est clair que l’épigénétique avec les
modifications héritables des modes d’expression génique qu’elle implique, peut apporter
une réponse partielle. Une autre notion soulevée par l’analyse des effets à long terme est
que les mécanismes adaptatifs ou systèmes de détoxication qui sont essentiels à la survie
des organismes vivants sont en partie responsables des phénomènes toxiques (Barouki,
2010). Il est donc difficile de séparer des réponses dites « adaptatives » de réponses
« toxiques ». En effet, une réponse biologique qui nous permet de survivre à une exposi-
tion aiguë peut, si elle est répétée sur le long terme, être à l’origine de toxicité chronique.
7
$IBQJUSFt Introduction : sur le chemin d’une nouvelle toxicologie
4 Conclusion
L’évolution de la toxicologie nous conduit à aller au-delà de la notion initiale de « science
des poisons ». Ainsi, une bonne définition de la toxicologie est l’étude de l’interaction
entre un agent toxique et une cible, cette interaction recouvrant les effets de l’agent
toxique sur la cible mais aussi l’action de la cible sur l’agent toxique. Il s’agit en somme
d’étudier les effets de l’environnement sur l’Homme mais aussi les mécanismes adap-
tatifs et leurs coûts en termes de santé. De nos jours, une bonne compréhension des
mécanismes de toxicité est indissociable d’une bonne connaissance des mécanismes
physiologiques, développementaux, cellulaires et moléculaires. De même, la toxicologie
humaine doit être intégrée dans un ensemble plus large décrivant les effets des pertur-
bations de l’environnement sur les écosystèmes, les sources et les voies des expositions,
les analyses à l’échelle populationnelle et individuelle. Cette vision systémique est sans
doute très ambitieuse mais elle seule permet une analyse objective et rationnelle des
mécanismes toxiques.
8
L’essentiel
9
Chapitre 2
Principales voies
d’entrée des toxiques
et mécanismes de
contamination ou
d’absorption
Introduction
Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques (médicaments,
polluants de l’environnement, additifs alimentaires ou stupéfiants non médicamenteux) qui
ont un effet nocif sur leur organisme. L’effet nocif de ces toxiques ne peut s’exercer
qu’après leur pénétration dans l’organisme. Dans ce chapitre nous décrirons les pricipaux
mécanismes moléculaires permettant d’expliquer le passage membranaire des xénobio-
tiques au travers des barrières physiologiques de l’organisme afin qu’ils puissent arriver
dans la circulation sanguine. Nous nous intéresserons ensuite davantage aux voies d’ab-
sorption orale, pulmonaire et cutanée qui représentent les trois principales modalités d’en-
trée des xénobiotiques dans l’organisme.
Objectifs Plan
Comprendre les mécanismes moléculaires 1 Les mécanismes d’échange
et cellulaires du passage membranaire des membranaire
xénobiotiques. 2 Superfamille des
Décrire les différents transporteurs transporteurs SLC :
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
nomenclature, classification,
SLC et ABC ainsi que leur mode de
localisation cellulaire et
fonctionnement. tissulaire, fonctions
Décrire les trois principales voies d’entrée 3 Superfamille des
des xénobiotiques dans l’organisme (orale transporteurs ABC :
pulmonaire et cutanée). nomenclature, classification,
localisation cellulaire et
tissulaire, fonctions
4 Les voies d’exposition
Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques, synthétiques
ou naturels (toxines), provenant de microorganismes, de plantes ou d’animaux, qui
peuvent perturber le fonctionnement normal de l’individu qui les aura absorbés et ainsi
11
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
avoir un effet nocif sur l’organisme. Il s’agit de toxiques médicamenteux ou non tels les
polluants environnementaux (métaux, pesticides et produits phytosanitaires, hydrocar-
bures polychlorés comme les dioxines en suspension dans l’air, la formation de produits
de combustion lors d’un incendie : monoxyde de carbone, dioxines, acides chlorhydrique
et cyanhydrique, émission de poussières, telle l’amiante, et nanoparticules), les additifs
alimentaires, les stupéfiants non médicamenteux.
L’objectif de ce chapitre consiste à décrire les voies d’entrée des toxiques dans
l’organisme. De manière générale, le devenir des xénobiotiques dans l’organisme (ou
pharmacocinétique) consiste en l’étude en fonction du temps de l’évolution des concen-
trations d’un composé auquel un individu est exposé, mais également de ses métabolites
éventuels, dans les liquides biologiques de l’organisme (sang, liquides extracellulaires et
intracellulaires, urine, liquide céphalorachidien…) et les tissus associés. La pharmacoci-
nétique d’un xénobiotique est divisée en trois grandes phases appelées l’absorption (A),
la distribution (D) et l’élimination (E) dont va dépendre l’évolution de la concentration
d’un xénobiotique dans le corps humain (Fig. 2.1).
Xénobiotique
Peau
Muqueuse Tractus Poumon
gastro-intestinal
Cœur
Veine cave
Aorte
Distribution
Métabolisme Rein
Foetus
12
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
Les voies d’administration (ou d’exposition) ainsi que les mécanismes d’absorption
vont ainsi moduler la fonction d’entrée des composés toxiques dans l’organisme en
termes de quantité absorbée et de vitesse d’absorption. L’objectif de ce chapitre n’est
pas de décrire les équations permettant le calcul des paramètres pharmacocinétiques
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
13
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
peuvent emprunter ces mêmes voies d’absorption mais aussi bien d’autres comme les voies
sublinguale, rectale, intramusculaire, sous-cutanée, intraveineuse et placentaire qui peuvent
être utilisées mais non décrites dans ce chapitre (Fig. 2.3).
Nous nous intéresserons donc principalement aux mécanismes d’absorption par les
voies orale, pulmonaire et cutanée étant donné qu’elles représentent les voies majoritaires
d’exposition aux xénobiotiques toxiques. Afin d’atteindre la circulation générale, les
composés toxiques doivent passer un certain nombre de barrières : gastro-intestinale et
hépatique pour la voie orale, alvéolo-capillaire pour la voie pulmonaire, cutanée pour
la voie cutanée. Ces mécanismes d’entrée de composés toxiques à travers ces barrières
font intervenir des mécanismes de passage à travers (transcellulaire) ou entre (paracel-
lulaire) les cellules formant histologiquement ces barrières. Les mécanismes de passage
à travers ces barrières dépendent d’un grand nombre de propriétés physicochimiques
des composés toxiques mais également des propriétés anatomiques, biochimiques et
physiologiques des tissus concernés. L’objectif de ce chapitre est d’aborder les différents
mécanismes de passage à travers les barrières en définissant, dans un premier temps, des
aspects théoriques et conceptuels des constantes cinétiques intervenant dans ces méca-
nismes d’échange, puis de décrire d’un point de vue anatomo-histo-physiologique les
trois principales barrières intervenant dans la phase d’absorption des composés toxiques.
14
1 Les mécanismes d’échange membranaire
15
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
16
1 Les mécanismes d’échange membranaire
17
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
18
2 Superfamille des transporteurs SLC
dans ce livre. Le transport actif est un mode de transport énergie-dépendant qui peut
s’exercer contre le gradient de concentration du composé d’intérêt. On distingue deux
systèmes de transport : des systèmes dits « primaires » nécessitant l’hydrolyse d’ATP
par le système réalisant le transport et d’autres dits « secondaires » dont l’énergie
pour son fonctionnement est liée à la préexistence d’un gradient de concentration
ou de potentiel de membrane qui fournit l’énergie. Parmi ces transporteurs, certains
sont uniquement capables de réaliser un transport unidirectionnel et cela concerne
ceux impliqués dans la sortie (efflux) du composé hors de la cellule alors que d’autres
transportent leurs substrats de manière bidirectionnelle permettant l’entrée (influx) ou
la sortie du composé de la cellule. Ils peuvent fonctionner dans le sens du gradient de
concentration et réaliser ainsi de la diffusion facilitée de solutés mais le plus souvent
ils s’y opposent en utilisant de l’énergie. L’objectif ci-après est de décrire sur le plan
moléculaire ces mécanismes de transport. Il existe deux grandes familles de trans-
porteurs actifs primaires : les transporteurs de la superfamille des « solute carrier »
(SLC) et ceux de la superfamille des transporteurs ATP-dépendants « ATP-binding
cassette » (ABC).
cellulaire d’une très grande variété de substrats inorganiques ou organiques tels des
nutriments, des neurotransmetteurs et certains xénobiotiques. En effet, les molécules
hydrophiles et chargées n’ont pas la capacité de franchir les membranes cellulaires et
vont interagir avec les transporteurs SLC afin de les traverser. Les substrats endogènes
sont des ions, des acides aminés, des métaux, des sucres, des nucléotides, des vita-
mines, des hormones, des neurotransmetteurs et divers cations ou anions organiques
(Tab. 2.1). Les transporteurs SLC peuvent transporter de manière facilitée ou active
comme pour le glucose. Les transporteurs SLC sont exprimés dans tous les tissus de
l’organisme mais avec des localisations subcellulaires et des niveaux d’expression qui
peuvent varier d’un tissu à l’autre.
19
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
Transporteurs SLC
Gènes Substrats endogènes
(protéines)
Membres 12 11 13 4 1 3 5
20
4 Les voies d’exposition
21
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
par voie paracellulaire étant donné l’existence de jonctions cellulaires peu serrées entre
les entérocytes. Par comparaison, la résistance électrique qui est le reflet de l’étanchéité
de la paroi intestinale est d’environ 80 ohm ⋅ cm2 alors qu’elle est de 2 000 ohms ⋅ cm2
au niveau de la barrière hémato-encéphalique (BHE) qui est la barrière la plus étanche de
l’organisme au passage paracellulaire des composés. À titre d’exemple, le mannitol, petite
molécule polaire très soluble dans l’eau, a un taux de passage de 16 % chez l’Homme
par voir orale alors qu’il est quasi nul au niveau de la BHE. Les xénobiotiques lipophiles
telles de nombreuses molécules environnementales toxiques peuvent traverser aisément
la paroi intestinale par diffusion passive (dioxines, pesticides…) si leurs propriétés physi-
cochimiques le permettent (voir paragraphe 1.3 sur la diffusion passive). Dans le cas de
propriétés physicochimiques défavorables à la diffusion passive (sucres, acides aminés,
vitamines hydrosolubles), de nombreux transporteurs SLC (OATP, PepT1/2, MCT…)
exprimés sur les faces apicales et basales de l’entérocyte permettent leur absorption
dans la circulation mésentérique par des mécanismes de diffusion facilitée ou actifs
secondaires. Fort heureusement, des mécanismes primaires actifs d’efflux cellulaire
permettent de limiter l’entrée de composés toxiques lipophiles présentant pourtant des
propriétés physicochimiques favorables à leur diffusion passive. Les principaux trans-
porteurs ABC telles la Pgp, la MRP2 et la BCRP permettent ainsi de limiter l’entrée
de composés lipophiles cytotoxiques comme certains pesticides neurotoxiques (MPTP,
MPP+) mais surtout de très nombreux médicaments anticancéreux.
22
4 Les voies d’exposition
23
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
aérosols, les allergènes (farines, protéines de latex, acide chlorogénique contenu dans les
grains de café, ou différents fruits et légumes), les gaz irritants (poussières de chlorure
de zinc) et les vapeurs en suspension dans l’air ou encore les substances biologiques
(bactéries, virus, pollens).
La voie pulmonaire permet aussi une absorption rapide des médicaments, en parti-
culier les gaz (oxygène, par exemple) grâce à l’importance de sa vascularisation. Les
antiasthmatiques, les antibiotiques et les sulfamides peuvent être absorbés sous forme
d’aérosols grâce à des inhalateurs.
La pénétration d’une substance par voie respiratoire dépend de sa concentration, de
la dose inhalée, du temps de contact, de la ventilation et du type de substance.
On distingue trois niveaux dans les voies respiratoires (Fig. 2.8) : la région des
voies aériennes supérieures extrathoraciques (cavités nasales, pharynx et larynx), la
région thoracique (trachée, bronches et bronchioles) et la région alvéolaire (bronchioles
terminales, sacs alvéolaires et alvéoles) qui correspond à la région où se produisent
85 % des échanges gazeux. Les échanges se produisent aussi pour 6 à 10 % au niveau
des bronches et des bronchioles et le restant au niveau des tissus nerveux et vascu-
laires. La paroi des alvéoles et des capillaires sanguins et lymphatiques et la matrice
extracellulaire forment la membrane alvéolo-capillaire constituant une barrière air-
sang (Fig. 2.9).
Région thoracique
t Bronches, bronchioles
10 – 20 μm
t Bronches terminales
10 – 3 μm
air
une alvéole
pulmonaire
Zone des échanges gazeux bronchiole
sac alvéolaire
24
4 Les voies d’exposition
Epithélium alvéolaire
Matrice extracellulaire
AIR
Les plus grosses particules constituant la fraction inhalable sont arrêtées dans les
voies respiratoires supérieures au niveau des fosses nasales et n’ont guère d’impor-
tance toxicologique. Les particules moyennes (diamètre 5 à < 30 µm) sont piégées par
impact dans la cavité nasale, le pharynx et le larynx. Ces particules extrathoraciques sont
évacuées par les mucosités et les mouvements ciliaires des muqueuses respiratoires. Au
contraire, les fines particules (1 à 5 µm), les gaz et les vapeurs, moins hydrosolubles, vont
pénétrer jusqu’aux alvéoles, dépourvues de mucus et de cellules ciliées, mais en contact
direct avec la barrière alvéolo-capillaire. Ces composés se déposent par sédimentation
au niveau des bronches, des bronchioles et des alvéoles (Fig. 2.8). La collision des très
fines particules (< 0,1 µm), le long de l’arbre respiratoire par mouvement brownien jusque
dans les alvéoles, est à l’origine des pneumoconioses (amiante, silice). La paroi alvéo-
laire comprend essentiellement deux types de cellules : les pneumocytes I ou cellules
alvéolaires de type I (ATI) sont des cellules pavimenteuses représentant 90 % de la paroi
alvéolaire, et les pneumocytes de type II ou cellules alvéolaires de type II (ATII) sont des
cellules cubiques sécrétant le surfactant qui est un complexe macromoléculaire d’eau, de
lipides et de protéines aux propriétés tensioactives. Le macrophage est le troisième type
cellulaire de la paroi alvéolaire ; il a un rôle capital dans la phagocytose des particules
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
déposées. Cependant, lorsque la résorption est impossible, les particules sont séquestrées
par les macrophages dans le parenchyme (pneumoconiose de l’amiante). En libérant
des médiateurs de l’inflammation, les macrophages peuvent induire des phénomènes de
sensibilisation à l’origine d’asthme, rhinite, pneumopathie d’hypersensibilité.
Outre la taille des particules, l’absorption des particules déposées dans les alvéoles
est aussi déterminée par leur hydrosolubilité. Les composés très hydrosolubles tels que
l’ammoniac NH3, le dioxyde de soufre SO2, les acides forts (HCl, H2SO4, HNO3…) sont
retenus dans les voies aériennes supérieures alors que les composés lipophiles, le dioxyde
d’azote NO2, l’ozone O3, le phosgène sont bien absorbés et pénètrent profondément
dans l’arbre respiratoire en y provoquant des lésions (irritation, fibrose, aggravation des
symptômes d’asthme, emphysème, œdème aigu du poumon).
25
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
Les alvéoles de surface très importante (140 à 150 m2 chez l’adulte) sont délimitées par
une membrane de diffusion fine (1/10 à ½ μm d’épaisseur) et humide (due à la formation
d’un film insoluble d’ultrafiltrat plasmatique intercalé avec le surfactant) permettant
les échanges oxygène et gaz carbonique ainsi que ceux des autres gaz et vapeurs. La
diffusion à travers la paroi alvéolaire se fait donc rapidement. Les très petites particules
hydrosolubles, les gaz et les vapeurs diffusent directement, par voie passive, dans les
capillaires au travers des parois cellulaires (Schneeberger, 1991) ; les particules lipo-
solubles pénètrent dans les vaisseaux lymphatiques après dissolution (Effros et Mason,
1983) et diffusent aussi très rapidement par voie passive.
L’intensité de l’exposition pulmonaire peut être déterminée en mesurant la concentra-
tion du toxique présente dans l’air (dose externe). Le taux d’absorption par l’organisme
(dose interne) est plus difficile à estimer car il dépend de la concentration du toxique dans
l’air, de la concentration intrapulmonaire et de la durée d’exposition ainsi que de l’apport
des données des modèles PBPK qui intégrent les études renseignant sur les différences
de cinétique liées au sexe, l’âge ou l’espèce.
Pour les gaz et les vapeurs, ces facteurs sont la ventilation pulmonaire, le débit
cardiaque, la solubilité des gaz dans le sang et les tissus (partage sang : air), et le gradient
de pression partielle des gaz entre les alvéoles et le sang veineux.
L’augmentation de la ventilation réduit la différence de concentration entre l’air inspiré
et l’air alvéolaire facilitant ainsi l’absorption des gaz solubles dans le sang et les tissus
comparativement aux gaz insolubles.
La quantité de toxique inhalé sous forme d’aérosol qui pénètre dans la circulation
systémique dépend de facteurs conditionnant la pénétration, l’élimination (clairance) et
la rétention des particules.
Le volume d’air inspiré permet de déterminer la quantité de produit qui pénètre dans
le corps.
Pour une personne standard, le volume respiratoire est le suivant :
̭ air inspiré au repos = 6 L/min ;
̭ air inspiré pour un travail modéré = 20 L/min ;
̭ air inspiré lors d’un travail intense = 100 L/min.
Selon l’activité, les quantités de gaz, de vapeurs ou de particules inhalées peuvent
être considérables. Les mécanismes de clairance pulmonaire vont éliminer une partie
des particules déposées. Dans l’arbre trachéo-bronchique, les particules solubles peuvent
être éliminées par solubilisation dans le milieu extracellulaire. Les particules insolubles
retenues dans le mucus recouvrant la trachée et les bronches seront progressivement
transportées vers le pharynx par les mouvements ciliaires et expectorées. Certaines
substances qui altèrent la qualité du mucus ou les mouvements ciliaires peuvent modi-
fier la clairance particulaire. Dans les zones non ciliées des bronches et des alvéoles,
l’élimination des particules se fait de quatre manières non exclusives :
̭ certaines particules peuvent être amenées au niveau de l’épithélium cilié et éliminées
par le mucus grâce au mouvement du surfactant recouvrant les alvéoles ;
26
4 Les voies d’exposition
̭ d’autres particules sont phagocytées par les macrophages et hydrolysées par le système
lysosomal des macrophages ; les macrophages peuvent aussi migrer vers les voies
aériennes supérieures ;
̭ certaines particules traversent les membranes des pneumocytes par un mécanisme
de pinocytose pour être phagocytées par des macrophages du tissu interstitiel ; ces
macrophages peuvent aussi migrer par les voies lymphatiques dans les ganglions. Les
particules peuvent aussi pénétrer directement dans les capillaires alvéolaires ou les
vaisseaux lymphatiques ;
̭ les particules solubilisées peuvent aussi diffuser à travers les membranes alvéolaires
dans la circulation systémique pour atteindre directement les différents organes sans
passage hépatique contrairement aux substances ingérées.
La clairance est d’autant plus efficace que le diamètre des particules est petit et d’autant
plus rapide que les particules sont déposées dans la zone ciliée plutôt que dans la zone
non ciliée où l’élimination est plus lente. L’exposition à divers polluants (silice, ozone…)
peut altérer les mécanismes de clairance alvéolaire.
Les xénobiotiques inhalés sont distribués dans l’organisme avant d’avoir atteint le
foie. Le métabolisme pulmonaire des substances inhalées peut entraîner l’induction
des systèmes enzymatiques et contribuer à leurs effets toxiques et au développement
des pathologies pulmonaires (fibroses, cancers). D’une façon générale, les systèmes
enzymatiques pulmonaires sont ceux qui sont décrits dans le chapitre métabolisme et
élimination des xénobiotiques. Il s’agit des cytochromes P450 ou CYP 1A1 permettant
l’oxydation du benzo [a]pyrène contenue par exemple dans les fumées (tabac…) en diol-
époxyde (Uppstad et al., 2010) ou l’oxydation par ses CYPA6 (Baxter et al., 2015), des
CYP2A pour former des groupes -diazo par α-hydroxylation des nitrosamines (Brown
et al., 2007). Les solvants inhalés (dichlorométhane par exemple) peuvent aussi être
métabolisés en acide formique et en aldéhyde après conjugaison au glutathion (Hasmi
et al., 1994).
Physiologie de la peau
La peau constitue une barrière physicochimique permettant de protéger l‘organisme
contre les agressions extérieures externes, mais c’est aussi un lieu d’échange avec le
monde extérieur. Chez l’être humain, la peau présente une épaisseur moyenne de 3 mm,
une surface de 2 m2 et d’environ 5 kilos. Elle possède des follicules pileux, des glandes
sudoripares, des récepteurs sensoriels et des capillaires sanguins et lymphatiques
(Bouillon, 2002).
La structure de la peau se divise en trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypo-
derme (Fig. 2.10).
27
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
surface de la peau
pore de épiderme
transpiration
capillaires
muscle érecteur
du poil derme
glande
glande sudoripare sébacée
exocrine
hypoderme
réseau veineux
réseau artériel tissu conjonctif
cellules adipeuses terminaison nerveusecellules matricielles
(graisseuses)
Pénétration cutanée
L’épiderme est un épithélium constituant la couche la plus superficielle ; il forme
la première barrière rencontrée par les xénobiotiques. Il est composé de plusieurs
assises cellulaires regroupées de l’extérieur vers l’intérieur en couche cornée, couche
granuleuse, couche épineuse et couche basale. La couche cornée est directement en
contact avec l’extérieur et son épaisseur varie selon la région du corps. Elle est très
importante au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds. La couche
cornée protège donc la peau contre les agressions extérieures (chaleur, froid, séche-
resse, déshydratation) et empêche aussi la pénétration d’éléments extérieurs (agents
microbiens, poussières…).
L’épiderme est constitué de différentes cellules dont 85 % de kératinocytes qui inter-
viennent dans la protection de la peau, constituant une véritable barrière vis-à-vis de
l’extérieur.
Le derme, tissu conjonctif de la région intermédiaire, contient des fibroblastes
sécrétant des glycoprotéines (collagène et élastine) qui assurent souplesse et élasti-
cité à la peau. C’est une région très innervée et vascularisée, où sont enchâssées les
glandes sudoripares et sébacées, ainsi que les follicules pileux. Les vaisseaux sanguins
et lymphatiques jouent un rôle primordial dans le transport des substances toxiques
vers les différents organes. Le derme constitue une barrière moins sélective et donc
plus facilement franchissable.
L’hypoderme est la région la plus profonde. Il s’agit d’un tissu conjonctif lâche conte-
nant des cellules adipeuses (adipocytes). Il est très vascularisé. Il renferme les réserves
énergétiques.
Ces différents types cellulaires permettent à la peau d’assurer de nombreuses fonc-
tions : protectrice, métabolique, immunitaire, de thermorégulation, sensorielle et
d’échanges.
28
4 Les voies d’exposition
De par sa structure, la peau est une barrière très efficace contre les microorganismes,
le rayonnement ultraviolet et différents agents nocifs. Cependant, la voie cutanée
constitue la deuxième voie importante d’absorption des toxiques soit parce que la
manipulation de certains produits se fait sans précaution, c’est-à-dire sans porter des
équipements de protection individuelle désignés par l’acronyme EPI (gants, lunettes,
masques, vêtements de protection), soit parce que, en cas de projections importantes,
la peau n’est pas complètement étanche vis-à-vis de nombreux produits chimiques
qui peuvent traverser directement l’épiderme et pénétrer profondément au travers des
pores ou des follicules pileux. En effet, un toxique peut exercer un effet local (irritation,
nécrose, eczéma…) ou être absorbé. Cet effet peut être accentué en cas de pathologie
cutanée.
Une substance déposée sur la peau peut traverser la couche cornée, diffuser à travers
l’épiderme, le derme, l’hypoderme ou être résorbée dans les capillaires dermiques.
L’absorption cutanée est déterminée par les facteurs suivants :
̝ Les propriétés physicochimiques de la substance comprenant la solubilité dans l’eau
et les lipides, le degré d’ionisation, le poids moléculaire : les substances liposolubles
pénètrent mieux que les substances hydrosolubles. Les substances non ionisables
sont transportées en fonction de leur lipophilie et passent en général facilement les
membranes. Un petit nombre de toxiques facilement ionisables (alcaloïdes et acides
organiques) sont transportés selon le pH de la peau. Peu solubles dans les graisses,
leur pénétration percutanée reste cependant souvent assez faible. Un poids moléculaire
élevé limite l’absorption cutanée transépidermique.
̭ Le rôle du solvant ou du véhicule utilisé est essentiel : le diméthylsulfoxyde
et la diméthylformamide facilitent l’absorption percutanée des substances
dissoutes en dissolvant le sébum de surface et les lipides (céramides, acides gras
libres, cholestérol) de la couche cornée. D’une façon générale, tous les solvants
sont bien absorbés par voie cutanée car ils sont liposolubles mais aussi souvent
polaires et présentent une certaine hydrosolubilité qui favorise leur pénétra-
tion. Il s’agit par exemple des éthers de glycol, de plusieurs alcools (méthylique,
propylique, n-butylique), de divers nitriles dont l’acrylonitrile, des hydrocarbures
aromatiques (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène), diverses cétones, des hydro-
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29
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
30
4 Les voies d’exposition
dans le derme et les vaisseaux sanguins est facile car ces structures sont relativement
perméables. Pour les molécules ionisées, le passage peut se faire par voie transannexielle
c’est-à-dire par les follicules pilosébacés et/ou les glandes sudoripares (mercure, sels
de fer…).
Il a été montré qu’une quantité importante de médicament qui traverse la peau obéit
à la loi de diffusion passive de Fick (déjà citée dans ce chapitre). Si la quantité déposée
est épuisée, le flux percutané diminue, ce qui nécessite de répéter l’application pour une
thérapeutique dermatologique. La distance de diffusion dans le derme est de l’ordre
de quelques dixièmes de millimètre et la couche de kératine présente une très grande
résistance à la diffusion de nombreuses substances. Les substances peuvent traverser
le stratum corneum par diffusion passive à travers les cellules kératinisées ; le stratum
31
$IBQJUSFt Principales voies d’entrée des toxiques et mécanismes de contamination…
Protection de la peau
En milieu industriel, il est important d’assurer une protection de la peau afin d’éviter
le contact avec les solvants ou les composés chimiques irritants, en utilisant des vête-
ments de protection résistant à ces produits (gants adaptés, manchons, combinaisons,
bottes), associés à des mesures collectives de réduction de l’exposition. Les vêtements
de protection sont à base de polymère et peuvent être plus ou moins perméables en
fonction des interactions entre le polymère et le solvant car aucun des matériaux ne peut
résister à toutes les classes de solvants. Il en est de même pour les gants qui sont à base
de caoutchouc ou de plastique.
L’utilisation de substances hydratantes (émollients) permet de réduire les sensations
de sécheresse et de grattage, associées à l’utilisation d’irritants ou en cas de dermatites.
32
L’essentiel
Les points clefs du chapitre
1 Les voies majeures d’exposition aux toxiques environnementaux sont les voies digestives,
pulmonaires et cutanées.
2 L’entrée des toxiques dans l’organisme fait intervenir des processus de diffusion passive
simple, de transports facilités ou actifs à travers les barrières cellulaires externes.
3 Les mécanismes moléculaires de perméabilité cellulaire font intervenir des transporteurs
d’entrée (SLC) et/ou d’efflux (ABC).
4 La voie pulmonaire est la voie majeure d’entrée des toxiques gazeux, vapeurs et aérosols
présents dans l’air, qui véhicule également des microorganismes et des pollens.
5 La voie cutanée d’entrée des toxiques dans l’organisme fait intervenir la voie transdermique
ou les glandes annexes. Elle est la principale voie d’entrée des toxiques tels les liquides
volatiles (solvants) et les gaz lipophiles.
33
Chapitre 3
Distribution des
xénobiotiques dans
l’organisme
Introduction
Ce chapitre présente les mécanismes et les facteurs de variabilité de la phase de distribu-
tion des xénobiotiques dans l’organisme. Les modalités de passage des xénobiotiques du
sang aux tissus font intervenir des mécanismes moléculaires de type diffusionnels et de
transport au travers des barrières cellulaires internes de l’organisme abordés dans le cha-
pitre 2. Le volume de distribution d’une molécule (composé parent auquel on est
exposé ou ses métabolites éventuels formés par métabolisme, voir chapitre 4) évalue cette
capacité qu’ont les molécules de se distribuer plus ou moins intensément dans les tissus.
Il varie en fonction de nombreux critères, liés d’une part au xénobiotique et aux tissus aux-
quels il est amené à se distribuer (tels que son poids moléculaire, son degré de lipophilie
et d’ionisation, son interaction avec les transporteurs ABC et SLC au niveau des surfaces
d’échanges sang-tissus, son affinité pour les constituants protéiques, lipidiques et gluci-
diques des cellules de l’organisme, le pourcentage de liaisons aux protéines plasmatiques),
et d’autre part à l’organisme lui-même (tels que les débits de perfusion et la composition
corporelle).
Objectifs Plan
Comprendre les mécanismes de distribution 1 Les espaces corporels et
des xénobiotiques dans l’organisme. physiologiques
Connaître l’impact du volume de distribution 2 La partition sang-tissus des
dans la pharmacocinétique d’un xénobiotiques
3 Le volume de distribution
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35
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
36
3 Le volume de distribution d’un xénobiotique
forte lipophilie de la molécule qui sera un élément favorable à une très forte distribution
dans les tissus à partir du sang. À titre d’exemple, le logP de la dioxine de Seveso est de
6,4 (PubChem CID : 15625), ce qui montre sa très forte lipophilie et explique pourquoi
ce composé est si intensément distribué chez les mammifères dans les tissus riches en
lipides comme les graisses (en plus de sa résistance vis-à-vis du métabolisme des xéno-
biotiques). Le logDpH est obtenu en remplaçant la phase aqueuse non tamponnée (pour
le logP) par une solution aqueuse tamponnée au pH pour lequel on souhaite mesurer la
partition octanol/tampon. Il convient donc toujours d’indiquer la valeur du pH du tampon
utilisé lorsqu’on présente le logD d’un xénobiotique. L’intérêt du logD est de mesurer sa
valeur à plusieurs pH qui peuvent représenter ceux de l’organisme (par exemple : pH = 1
dans l’estomac à jeun, pH = environ 5 dans les compartiments intracellulaires lysoso-
miaux, pH = 5-6 dans les urines, pH = 7,4 dans le plasma et pH = 7,3 dans le LCR), et
ce, d’autant plus si le xénobiotique présente des fonctions ionisables de type acide/base
qui se retrouveront à des degrés divers sous forme neutre ou ionisée en fonction du pH
dans lequel il se trouve (voir l’équation de Henderson-Hasselbalch et la théorie dite de
la « pH partition »).
Le coefficient de partition sang-tissu d’un xénobiotique (Kp) est un para-
mètre in vivo représentant le rapport des concentrations tissulaires et sanguines
d’un xénobiotique après atteinte de son état d’équilibre de distribution. Le Kp d’un
xénobiotique va ainsi fortement dépendre de son coefficient de partage octanol/eau
pour ce qui est de la capacité de sa liaison aux tissus qui contiennent une grande
quantité de lipides (environ 50 %) dans les membranes cellulaires (cholestérol, phos-
pholipides, glycolipides…).
37
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
Vd (litres)
Molécules
50 000 Quinacrine lipophiles
bases faibles
20 000 Chloroquine (liaisons tissus)
2000 Antidépresseurs
tricycliques
500 Digoxine
Les molécules de haut poids moléculaire comme des anticorps vont avoir des
Vd très faibles en raison de leur faible diffusion tissulaire, leur incapacité à franchir
les membranes cellulaires sauf au niveau d’organes présentant des récepteurs aux
fragments Fc des immunoglobulines comme le système réticulo-endothélial. Leur
Vd ne dépassera généralement pas 10 litres et seront proches du volume de plasma
auquel il faut ajouter des volumes représentés par des liquides interstitiels proches
et accessibles pour leur diffusion. Il en sera de même pour des molécules chimiques
de petits poids moléculaire, neutres ou acides (par exemple : acide salicylique)
présentant des propriétés physicochimiques favorables à leur diffusion tissulaire mais
dont la distribution sera limitée du fait de leur forte liaison restrictive aux protéines
plasmatiques (voir paragraphe 5.3 sur la liaison aux protéines plasmatiques). En
revanche, une molécule de faible poids moléculaire (< 500 d, voir chapitre 2) faci-
lement diffusible dans l’espace hydrique extracellulaire et intracellulaire aura un Vd
identique à celui qu’occupe l’espace hydrique total de l’organisme à savoir 45 litres
(ex. : théophylline).
À la différence de ces molécules présentant des Vd faibles ou intermédiaires jusqu’à
45 litres, les xénobiotiques présentant des caractéristiques favorables pour leur
diffusion dans les tissus (faible poids moléculaire, basiques ou neutres, logP positif et
élevé avec forte lipophilie) et une forte capacité à s’y fixer sur des constituants cellu-
laires protéiques et/ou lipidiques auront des Vd bien plus élevés, voire très élevés. Par
exemple, la dioxine est une molécule très lipophile avec un logP de 6,4 et présente un
Vd de plusieurs milliers de litres chez l’homme.
38
4 Conséquence du volume de distribution sur les paramètres pharmacocinétiques observés
10,000
Xénobiotique 1
Xénobiotique 2
Concentration sanguine (ng/l)
1,000
100
10
0 200 400 600 800 1,000 1,200 1,400 1,600
Temps (minutes)
39
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
faudra donc environ 50 ans pour qu’un homme exposé à la dioxine l’élimine totalement
de son organisme. Il est important de noter que la demi-vie d’élimination d’un xéno-
biotique est un paramètre hybride qui dépend également de sa capacité à être éliminé par
l’organisme. Ainsi, plus la clairance d’un xénobiotique sera grande et plus sa demi-vie
d’élimination sera courte (voir chapitre 4). Il est également important de distinguer le rôle
du Vd lors d’administration/exposition unique ou réitérée à un toxique. Alors que nous
venons de voir que le Vd influence considérablement les concentrations dans l’organisme
lors d’une exposition unique à un toxique, il n’aura aucun effet sur les concentrations
sanguines et tissulaires moyennes lors d’administrations réitérées. Seule la biodispo-
nibilité (F) d’un xénobiotique par voie extravasculaire et sa clairance corporelle totale
conditionneront ses concentrations moyennes sanguines et tissulaires qui seront d’autant
plus faibles que sa biodisponibilité sera faible et sa clairance élevée.
Tableau 3.1 Volume tissulaire et débit sanguin des principaux organes de distribution
des xénobiotiques chez l’homme de 70 kg et de surface corporelle égale à 1,73 m2.
*surface de la peau en m2 .
40
5 Facteurs de variabilité du volume de distribution
Plusieurs organes présentent des débits sanguins élevés comme le foie, les reins, les
muscles et le cerveau alors que d’autres présentent de faibles débits comme les graisses
et le cœur. De quelle manière ces débits vont-ils influencer la distribution tissulaire
d’un xénobiotique ? De façon générale, un xénobiotique se distribuera d’autant plus dans
un organe qu’il présentera un débit sanguin élevé. Il faut distinguer dans la distribution
tissulaire d’un xénobiotique, la vitesse de sa distribution lors de sa captation tissulaire et
sa concentration dans le tissu lorsque son équilibre de distribution aura été atteint entre
le sang et les tissus exposés.
La vitesse de captation du xénobiotique sera d’autant plus grande que sa concentration
artérielle et le débit de perfusion du tissu considéré seront élevés et que le volume tissu-
laire sera faible. Il est parfaitement compréhensible qu’un toxique lipophile comme la
dioxine se distribue lentement (vitesse lente de captation tissulaire) dans les graisses qui
sont faiblement perfusées mais qui occupent un espace tissulaire important. À l’équilibre
de distribution entre un tissu et le sang, les quantités de toxique dans ces tissus dépendent
à la fois de la concentration sanguine et du coefficient de partage Kp du composé pour
le tissu considéré.
Si l’on reprend l’exemple de la dioxine, son affinité est telle pour les graisses en raison
de ses propriétés physicochimiques que son Kp est très élevé pour les graisses et ainsi
les quantités de dioxine à l’équilibre seront très élevées dans les graisses.
Nous venons de voir que la cinétique de distribution de la dioxine dans les graisses
est lente, il en sera de même pour sa redistribution dans le sang pendant son élimina-
tion et c’est bien cette étape de redistribution qui conditionnera sa très longue demi-vie
d’élimination observée dans le sang. Pour des composés hautement lipophiles comme
la dioxine, le facteur limitant sa distribution ne sera pas sa perméabilité membranaire
étant donné ses propriétés physicochimiques très favorables à sa forte diffusion passive
à travers les membranes cellulaires (voir chapitre 2).
41
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
Une molécule ayant des propriétés défavorables de liaison aux tissus se distribuera
donc rapidement dans les liquides de l’organisme avec un volume de distribution limité
aux espaces liquidiens physiologiques. En revanche, une molécule se fixant intensément
aux tissus se distribuera lentement mais fortement dans les tissus avec un Vd qui dépas-
sera les volumes physiologiques comme décrit dans le paragraphe sur les Vd.
Dans cette équation, on observe que la concentration totale dans le tissu à l’équilibre
dépend du rapport des fractions libres du xénobiotique dans le plasma et le tissu.
On peut démontrer que le Vd d’un xénobiotique dépend également de ce rapport selon
l’équation suivante :
fup
Vd = Vp + × Vt
fut
42
6 Notion de clairance de distribution
de l’acide salicylique qui présente une forte fixation à l’albumine mais une faible fixa-
tion au tissu, son Vd sera faible en raison de son incapacité à diffuser dans les tissus
(fup très faible) et à s’y fixer (fut important). Ce phénomène est connu sous le nom de
« liaison restrictive » d’un xénobiotique aux protéines plasmatiques. Inversement, la
dioxine fortement fixée dans le sang aux lipoprotéines (80 %), à l’albumine (15 %) et aux
cellules sanguines (5 %) avec une fraction libre infinitésimale (fup très faible) l’est encore
davantage aux lipides et aux protéines tissulaires et présente ainsi un Vd important.
Ce phénomène est dit « liaison permissive » aux protéines plasmatiques car, en dépit
d’une forte fixation aux protéines plasmatiques, leur forte affinité pour les tissus permet
néanmoins une forte distribution tissulaire.
Ca, Q Cv, Q
X X X
43
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
44
7 Les barrières internes de l’organisme
cellules endothéliales des capillaires cérébraux qui sont liées entre elles par des jonc-
tions serrées, en contact étroit avec d’autres éléments périvasculaires tels la lame basale,
les péricytes, et les pieds des astrocytes. En raison de la présence des jonctions serrées
intercellulaires, le passage transcellulaire est le seul mécanisme possible pour un
xénobiotique d’atteindre le cerveau.
Cellule endothéliale
Pieds
astrocytaires
Figure 3.4 – Schéma représentant une coupe transversale d’un capillaire cérébral
de la barrière hémato-encéphalique.
Le capillaire est constitué de cellules endothéliales cérébrales jointives attachées les
unes aux autres par des jonctions serrées, de péricytes dans un rapport de 1 à 3 avec les
cellules endothéliales et recouvert par une membrane basale. Les pieds astrocytaires
ancrés dans la membrane basale recouvrent 99 % de la surface du capillaire.
transporteurs SLC ont été mises en évidence, notamment les familles OATP (SLCO/
SLC21) et OAT (SLC22A) qui jouent un rôle très important dans le transport de subs-
tances organiques endogènes mais également de xénobiotiques. Parmi ses substrats,
l’on retrouve notamment le taurocholate, la digoxine, certaines statines. Concernant
les transporteurs ABC, seules les sous-familles A, B, C, D et G sont aujourd’hui
connues pour participer au transport membranaire de molécules endogènes et/ou
exogènes. Les transporteurs caractérisés au niveau de la membrane luminale (face
cellulaire en contact avec le sang) des cellules endothéliales cérébrales humaines
sont la P-gp (ABCB1), la BCRP (ABCG2), la MRP4 (ABCC4) et la MRP5 (ABCC5)
(Chaves et al, 2014).
45
$IBQJUSFt Distribution des xénobiotiques dans l’organisme
Cellule endothéliale
cérébrale
GLUT1, 3/14 EAAT1, 2 LAT1 CAT1 ASCT1 FATP1, RFC MCT1, 8 ENT1 BGT1
Glucose Glutamate 4F2hc L-Arginine Acide aspartique Acides gras Lactate, cladribine GABA,
levodopa, et glutamique à longue chaine Pyruvate, cytarabine quinidine
melphalan GHB, acide valproïque
Sang
46
L’essentiel
Les points clefs du chapitre
1 La distribution dans les tissus d’un xénobiotique dépend de ses caractéristiques physico-
chimiques et des propriétés histologiques, anatomiques et physiologiques des tissus dans
lesquels il se distribue.
2 Les facteurs de variabilité de la distribution des xénobiotiques sont la perfusion des tissus,
la fixation relative du xénobiotique dans le sang et les espaces tissulaires, la perméabilité
à travers les membranes cellulaires.
3 Le volume de distribution est le paramètre pharmacocinétique permettant de quantifier
l’intensité de la distribution d’un xénobiotique.
4 Plusieurs barrières internes de l’organisme au niveau du cerveau, des testicules et du pla-
centa jouent un rôle majeur dans la distribution des xénobiotiques.
5 De nombreux mécanismes de transport d’entrée et de sortie sont exprimés au niveau des
barrières internes de l’organisme afin de protéger le tissu ou au contraire favoriser son
exposition.
47
Chapitre 4
Le métabolisme et
l’élimination des
xénobiotiques
Introduction
Le métabolisme des xénobiotiques ou MX (polluants, médicaments, composants alimen-
taires…) permet dans de très nombreux cas de protéger l’organisme en cas d’exposition.
Il se caractérise par plusieurs phases (trois principales) qui transforment le xénobiotique
généralement en composé (métabolite) plus hydrophile facilitant son élimination. Il existe
de nombreuses différences au sein des espèces (intra-espèces) mais aussi entre les espèces
(inter-espèces) ce qui soulève de nombreuses questions en termes de santé publique
(gestion individualisée des thérapies médicamenteuses).
Objectifs Plan
Comprendre : 1 Les enzymes de phase I
2 Les enzymes de phase II
t le rôle de chaque phase du MX
3 Les transporteurs de phase III
t la diversité des enzymes du MX
4 Production de métabolites
t son rôle protecteur et ses dangers toxiques par le métabolisme
Appréhender : des xénobiotiques
5 Un métabolisme plus ou
t la diversité inter-espèces ou moins protecteur : l’apport
intra-espèces des modèles KO
t la gestion de cette diversité 6 Différences inter-espèces et
intra-espèces
7 Quelques exemples
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d’utilisation
8 Conclusion
Les êtres vivants peuvent être exposés à de très nombreux xénobiotiques ; ces molécules
de petite taille, étrangères à l’organisme (le préfixe xéno- signifie étranger en grec), géné-
ralement organiques, sont parfois persistantes et parfois toxiques. Bien entendu, dans
la vie de tous les jours, nous ne sommes pas exposés à l’ensemble de ces molécules. On
estime cependant qu’il y a environ 100 000 xénobiotiques en quantité appréciable dans
notre environnement. Il est important de ne pas confondre le terme « xénobiotique »
et le terme « toxique ». En effet, de très nombreux xénobiotiques sont solubles dans
l’eau (hydrophiles) et peu réactifs chimiquement ; ils peuvent donc être absorbés par
49
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
l’organisme puis éliminés dans les urines sans aucune conséquence. Par ailleurs, des
molécules parfaitement endogènes et physiologiques peuvent dans certaines conditions
devenir toxiques en fonction de leur dose ou d’une dérégulation ; par exemple, l’am-
moniac est une molécule très toxique pour le système nerveux d’où sa transformation
physiologique en urée.
Cependant, certaines familles de xénobiotiques peuvent manifester des propriétés
toxiques. Il s’agit souvent de molécules hydrophobes ou de molécules réactives chimique-
ment. Cette toxicité dépend de la dose, de la période d’exposition et du temps d’exposition,
du comportement (tabagisme, alcool, drogues, etc.), de l’alimentation mais aussi de la
présence ou non d’autres xénobiotiques qui peuvent modifier le métabolisme de l’indi-
vidu exposé et, en contrepartie, celui de la molécule d’intérêt. À titre d’exemple, chacun
sait qu’un médicament peut affecter l’effet d’un autre médicament. Le métabolisme des
xénobiotiques est essentiel pour permettre l’élimination des molécules toxiques. En effet,
comme évoqué plus haut, de nombreux xénobiotiques sont organiques et souvent hydro-
phobes, ce qui pourrait permettre leur accumulation dans les tissus riches en graisses
(comme le cerveau ou le tissu adipeux). Leur métabolisme permet de les rendre plus
facilement éliminables dans les liquides biologiques comme l’urine ou la sueur, ou les
fèces. Les transformations chimiques sont complexes et nécessitent plusieurs étapes qui
ont été regroupées sous le terme de « phases ». Une propriété importante de ce méta-
bolisme est qu’il est inductible. Ainsi l’exposition à une molécule X entraîne l’induction
d’un système enzymatique capable d’éliminer cette même molécule. Il s’agit donc dans
le meilleur des cas et avant tout d’un système adaptatif : l’organisme n’augmente sa capa-
cité de métaboliser et d’éliminer X que lorsqu’il a détecté la présence de cette molécule.
Comme nous le verrons plus loin, ce système est loin d’être parfait. Notamment, dans
certains cas, ce système adaptatif peut se révéler comme une source de toxicité. Bien
que bénéfique dans une majorité de cas, le métabolisme des xénobiotiques peut toute-
fois engendrer la production de molécules ou métabolites toxiques ; l’un des exemples
classiques est celui du benzo(a)pyrène produit par des combustions incomplètes et qui
peut s’avérer cancérigène chez certains individus. De plus, tous les individus et toutes
les espèces ne prennent pas en charge les molécules auxquelles ils sont exposés selon
le même métabolisme. Cette variabilité doit être prise en compte lors de l’évaluation de
la toxicité des xénobiotiques et soulève des questions importantes quant à l’utilisation
des modèles animaux dans l’évaluation de la toxicité, par exemple, des médicaments.
50
1 Les enzymes de phase I
NADP+
e-
NADPH,H+
FAD
FMN
déplacement
e-
Fe3
e-
XH
O2 XOH
d
H2O
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51
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
H H
O
Fe3
H2O XH
R H S
O XH
XOH H2O
Fe3 Fe3
S S
e-
XH XH
O
Fe4 Fe2
S H2O S
H+ O2
HO °O
O XH O XH
Fe3 Fe3
S -
O S
H+ O XH e-
Fe3
52
2 Les enzymes de phase II
53
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
54
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques
M1 XOH
ADP ATP
+ Pi XOH M1 XOH
XOH
Transporteur
M1 M2
ATP ADP + Pi
Changement
conformationnel Transporteur
XOH actif primaire
M1 M2
Figure 4.3 – Les trois formes de transports réalisés par les ABC et les SLC.
Les transporteurs d’anions (OATP1B1 ou 1B3) ainsi que les trois ABC, MRP2,
BCRP et la p-glycoprotéine constituent des protéines quantitativement et qualitative-
ment importantes.
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55
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
Liaison
Élimination
BaP
AhR
Induction
Enzymes
Cyp1 Phase II
BaP conjugué
56
4 Production de métabolites toxiques par le métabolisme des xénobiotiques
Ceux-ci par leur activité catalytique peuvent être impliqués dans deux processus
toxiques.
Stress oxydant
H2O2
H2O2 H2O2
Liaison
H2O2
H2O2 H2O2
BaP H2O2
AhR
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70% + H2O2
Induction
O
Cyp1 + H2O
30%
O2
57
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
O2 , 2e-, 2H+
CYP1A1/1B1
O
Benzo(a)pyrène Benzo(a)pyrène-7,8-epoxide
H2O Epoxyde
hydrolase
Enzymes
O Phase II
O2 , 2e-, 2H+
ADN
CYP1A1/1B1
OH OH
OH OH
Benzo(a)pyrène-7,8-dihydrodiol-9,10-epoxyde Benzo(a)pyrène-7,8-dihydrodiol
Enzymes Enzymes
Phase II Phase II
Dérivés conjugués Dérivés conjugués
58
5 Un métabolisme plus ou moins protecteur : l’apport des modèles KO
ou plusieurs métabolites toxiques par les EMX et qu’un équilibre fin entre l’activité de
ces enzymes est essentiel (notamment entre phase I et phase II).
59
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
Paracétamol
O NH
Dérivé Dérivé
conjugué conjugué
OH
CYP2E1 CYP2A6
O N O NH
Dérivé
NAPQI conjugué
OH
O OH
60
6 Différences inter-espèces et intra-espèces
14
12
10
0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 2.6
Activité du CYP1A1
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Dans le cas du CYP1A1, il a ainsi été démontré que les individus fumeurs avec les
plus forts niveaux d’inductibilité présentaient les risques les plus élevés de cancers de
la gorge et du poumon.
Ces différences peuvent poser de graves problèmes de prise en charge de patients au
sein des structures hospitalières, comme avec les anticoagulants. La marge thérapeutique
de ces médicaments (intervalle de dose efficace et non toxique) est étroite. On peut donc
atteindre un surdosage si les voies métaboliques sont déficientes avec des conséquences
61
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
HO
HN N
NH2
3-OH débrisoquine
CYP2D6
HN N
NH2
CYP2D6 CYP2D6
Débrisoquine
HO
1-OH débrisoquine
HN N HN N
Promoteur
Albumine hCYP
gène mCYP
Foie
Promoteur
hCYP hCYP
gène
gènemCYP
mCYP
Foie
63
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
Ces deux premières approches n’éliminent toutefois pas le risque que l’activité d’une EMX
humaine exprimée par le transgène soit perturbée par la présence de l’isoforme murine corres-
pondante. Il est donc relativement classique de croiser ces souris transgéniques avec des souris
KO pour l’isoforme ciblée de sorte à obtenir des animaux n’exprimant que le transgène. On
comprend ainsi facilement pourquoi il peut être difficile d’obtenir des doubles ou des triples
transgéniques. La dernière approche peut permettre de pallier ce défaut.
3. Production d’une souris « knock-in » c’est-à-dire dont le gène murin est remplacé
par le gène humain correspondant (Fig. 4.13). Dans ce cas, il est possible de s’af-
franchir du problème précité mais l’existence d’un nombre d’isoformes différents pour
une sous-famille entre Homme et souris peut constituer un autre problème.
Promoteur
mC hCYP hCYP YP
Foie
64
7 Quelques exemples d’utilisation
NH2
N
N
IQ
N
CYP1A2
HN OH
N
N
N-hydroxy-IQ
N
O
NAT
HN O
N
N
N-acétoxy-IQ
N
Clivage
hétérocyclique NH3
N
N
Ion nitrénium
N
Ce métabolisme est très différent chez l’Homme et chez la souris. Ainsi, la première
réaction de N-hydroxylation chez l’Homme est majoritairement une O-oxydation protec-
trice chez la souris, ce qui rend difficile les extrapolations toxicologiques (par exemple
de calcul de seuil de risque) chez le rongeur. L’utilisation d’un modèle BAC - CYP1A1
et CYP1A2 (approche n° 2) croisé avec une souris CYP1A1/1A2 KO a permis de se
rapprocher des conditions de métabolisme humain (Fig. 4.12 et 4.15).
65
$IBQJUSFt Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
Wild-type hCYP1A2
N-OH-PhIP 4-OH-PhIP
La figure 4.15 montre en effet que les niveaux de métabolite N-hydroxylé augmentent
considérablement chez la souris humanisée tout en observant une diminution des niveaux
de métabolites O-oxydés.
66
8 Conclusion
8 Conclusion
Aujourd’hui, les différentes enzymes de phase I, II ou les transporteurs de phase III sont
relativement bien caractérisés dans les organismes modèles. Cette connaissance permet
de mieux comprendre ou d’appréhender les métabolismes spécifiques de chaque individu,
tant du point de vue pharmacologique que toxicologique (ces deux notions étant bien
évidemment superposables). Cette spécificité soulève de nombreuses questions quant à
la validité des modèles animaux pour tester les médicaments (et leur toxicité) tout autant
que pour mettre en évidence une toxicité de polluant ou d’un mélange de polluants
chez l’Homme. Le développement des modèles humanisés constitue une première solu-
tion pour contrecarrer ces problèmes mais il existe désormais d’autres techniques qui
permettent de s’affranchir de ceux-ci. C’est notamment le cas d’un certain nombre de
méthodes ou technologies de toxicologie prédictive in silico (modélisation PBPK pour ce
qui est de la pharmacocinétique et pharmacodynamique ou approches SAR ou QSAR)
qui anticipe cette toxicité à différentes échelles (bio-distribution pour les approches
PBPK, toxicité propre ou anticipée pour les approches SAR ou QSAR). Ces notions ne
font que renforcer la nécessité d’une approche complémentaire dans le domaine d’une
meilleure caractérisation du métabolisme des xénobiotiques associant méthodologies in
silico, in vitro et in vivo tant sur le plan de la recherche fondamentale que de la recherche
appliquée (recherche et développement).
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67
L’essentiel
Le métabolisme et l’élimination des xénobiotiques
68
Chapitre 5
Mécanismes
d’action et voies de
signalisation activées
par les toxiques
Introduction
Les xénobiotiques peuvent activer de manière plus ou moins spécifique de très nombreuses
voies de signalisation. Leurs liaisons à des cibles cellulaires peuvent ainsi conduire à la for-
mation d’adduits par des liaisons covalentes ou à l’activation de récepteurs par des liaisons
non covalentes.
Objectifs Plan
Comprendre 1 Mécanismes généraux
modulés par les
t les différentes propriétés de reactivité xénobiotiques
des xénobiotiques 2 Voies de signalisation
t la notion de cibles en lien avec cette modulées par la réactivité
réactivité des xénobiotiques
t les mécanismes généraux d’activation 3 Voies de signalisation
modulées par la liaison à des
t le rôle des récepteurs dans la régulation
récepteurs
des EMX
4 Conclusion
t la perturbation endocrinienne
Garder en tête
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Les mécanismes d’action et les voies de signalisation activées par les toxiques sont
particulièrement nombreux et de nature variée. Les xénobiotiques peuvent influencer des
mécanismes cellulaires aussi variés que les transports ioniques au niveau membranaire,
69
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
que le niveau d’activité d’enzymes intra- et extracellulaires, que ce soit par une interac-
tion directe ou par une régulation génique. Ce chapitre ne se veut pas exhaustif mais
vise à présenter les principaux modes d’action et les différents niveaux de régulation en
insistant sur la notion essentielle de spécificité qui conditionne le type d’interaction des
xénobiotiques vis-à-vis de leurs cibles. Ainsi, dans ce contexte, les voies de signalisation
activées par les xénobiotiques peuvent être séparées en trois classes principales :
̭ La première est la voie adaptative spécifique qui consiste à détecter certains xéno-
biotiques et à enclencher un mécanisme de signalisation permettant d’activer leur
élimination (voies AhR, PXR, CAR). C’est une voie biologique essentielle permettant à
un organisme de survivre dans un environnement comprenant des dizaines de milliers
de molécules différentes.
̭ La deuxième voie est aussi une voie adaptative plus générale qui consiste à activer des
systèmes communs à tous les stress cellulaires comme la régulation du cycle et de la
mort cellulaire ou les processus inflammatoires (voies p53, NF-kB, Nrf2…).
̭ La troisième catégorie comprend des voies ciblées par les xénobiotiques en dehors de
tout rôle adaptatif, par exemple lorsqu’un médicament est utilisé pour perturber telle
ou telle voie biologique ou lorsqu’un polluant perturbe un système hormonal donné.
Les voies de signalisation activées par les xénobiotiques sont connues pour certaines
d’entre elles (notamment dans le cas de médicaments conçus en fonction de cibles bien
définies), bien qu’il soit parfois difficile de comprendre les toxicités qui leur sont asso-
ciées. Il existe un aspect qualitatif et un aspect quantitatif à ces régulations. Dans certains
cas, les cibles cellulaires comme les réseaux de gènes régulés sont mal caractérisées ;
dans d’autres cas, le niveau d’activation de ces voies est un élément critique à considerer ;
dans le cas des signaux stimulés par la production de dérivés réactifs de l’oxygène (DRO
ou ROS en anglais pour Reactive Oxygen Species), le niveau de ces molécules est ainsi
déterminant pour définir si la cellule subit un stress oxydant.
Dans ce chapitre, nous aborderons les grandes voies de signalisation activées par les
polluants, contaminants et médicaments, en utilisant l’exemple des pesticides qui sont
susceptibles d’activer de nombreuses cibles. Une part importante sera dédiée au rôle des
récepteurs de xénobiotiques (AhR, PXR et CAR, rôle lié ou non à la fixation de ligands)
mais aussi à celui d’autres récepteurs cellulaires, notamment ceux impliqués dans la signali-
sation endocrinienne et jouant donc un rôle lors de la liaison de perturbateurs endocriniens.
70
1 Mécanismes généraux modulés par les xénobiotiques
Xénobiotiques
Propriétés réactives
Modification de
(nucléophilie, électrophilie, Liaison cibles ou récepteurs
l’environnement
oxydation…)
Cibles moléculaires
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71
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
RH RX RX
+ e−
RY
2e− + H+ X−
Y−
Dérivés réactifs de
Électrophiles R+
l’oxygène R°
Cibles moléculaires
(principalement
nucléophiles)
72
2 Voies de signalisation modulées par la réactivité des xénobiotiques
Paraquat (PQ2+)
O2 NADPH
O2°- NADP+ + H+
Paraquat (PQ+)
Redox
Cycling
Dérivés
réactifs de H2O2
l’oxygène
OH°
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Stress
Déplétion en Oxydant
glutathion
73
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
La formation de DRO dans le cadre d’un stress oxydant n’entraîne pas nécessai-
rement de toxicité à moyen terme car celle-ci peut être contrée par des mécanismes
communs ou propres à chaque cellule. Celle-ci dispose de molécules anti-oxydantes
comme certaines vitamines (C ou E) ou le glutathion réduit (tri-peptide) qui peuvent
permettre de modérer une hausse trop élevée de concentrations de DRO. Cet effet est à
la fois rapide mais également malheureusement transitoire (on parle alors de déplétions
des réserves anti-oxydantes) car basé en partie sur un apport exogène de ces molécules
anti-oxydantes. Une voie de signalisation spécifiquement activée par le stress oxydant
a été identifiée permettant de mettre en place d’autres défenses anti-oxydantes sur le
moyen terme : la voie Nrf2.
74
2 Voies de signalisation modulées par la réactivité des xénobiotiques
CUL3 CUL3
Gènes défense
Protéasome Nrf2 Maf anti-oxydante
2.4 L’adductome
Un adduit correspond à un composé lié de manière covalente à une macromolécule
cellulaire. Cette liaison est le résultat d’une réaction entre cette macromolécule et un
précurseur électrophile très réactif de l’adduit en question. L’adductome correspond
à l’ensemble des adduits présents dans un milieu biologique (Merrick, 2008). L’ADN
est la macromolécule cible la mieux étudiée concernant les adduits. Ceux-ci peuvent
avoir pour conséquence une mauvaise reconnaissance de la base transformée, une
mutagenèse (apparition de mutations) qui peut être responsable sur le long terme de
pathologies (vieillissement, cancers…). Le terme de génotoxicité est employé pour
parler de la toxicité induite par des altérations de la molécule d’ADN dont des modi-
fications covalentes liées à la formation d’adduits. Toutefois, l’ADN n’est pas la seule
molécule ciblée par des molécules réactives (originelles ou métabolites) (Fig. 5.5).
D’autres acides nucléiques peuvent être ciblés mais également les macromolécules
clés que sont les protéines ou les lipides membranaires. La formation d’adduits sur les
protéines peut ainsi conduire à la perte de fonction mais aussi activer des mécanismes
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d’immunotoxicité.
Ces modifications covalentes ne sont pas réversibles mais il existe des mécanismes
de réparation de l’ADN permettant d’éliminer les adduits si la réparation survient
avant la réplication de l’ADN. Les adduits protéiques ne peuvent être réparés, les
protéines endommagées seront dégradées via l’action du protéasome et une néo-
synthèse devra intervenir pour récupérer la fonction assurée par les protéines
atteintes.
75
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
RH
Oxydations (ex :
CYP, peroxydases)
Liaison aux acides
Génotoxicité
nucléiques
2e− + H+
02 Dérivés réactifs de
Électrophiles R+ Stress oxydant
l’oxygène ROO°
Liaisons aux
Immunotoxicité
protéines
76
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs
La régulation EMX
Comme vu précédemment, le métabolisme des xénobiotiques se décompose en trois
phases permettant l’élimination des polluants ou des médicaments. L’expression des
enzymes et des transporteurs peut être constitutive, mais elle est plus souvent régulée
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et, dans ce dernier cas, principalement au niveau transcriptionnel. Il s’agit donc d’un
système adaptatif par lequel la cellule n’induit la voie de détoxication d’un xénobiotique
que lorsqu’elle y est exposée (Barouki et al., 2007a ; Guyot et al., 2013). Comment la
cellule détecte-t-elle la présence de xénobiotiques et comment transmet-elle cette infor-
mation au niveau des gènes des EMX ? Cette fonction est assurée par les récepteurs des
xénobiotiques qui sont aussi des facteurs transcriptionnels pouvant induire les gènes des
EMX capables de métaboliser précisément le xénobiotique auquel la cellule est exposée ;
ainsi ceux-ci, par l’intermédiaire de leur liaison à ces protéines réceptrices, activent leur
propre métabolisme et donc leur propre élimination (Fig. 5.6). Il est à noter qu’il existe
seulement quelques récepteurs de xénobiotiques et quelques dizaines d’EMX alors que
77
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
nous pouvons être exposés à des milliers voire des dizaines de milliers de xénobiotiques.
Ainsi chaque récepteur et chaque enzyme est capable de reconnaître ou de métaboliser
des centaines de molécules. Malgré tout, il y a une correspondance entre un récepteur
donné et un sous-ensemble d’EMX capables de métaboliser les composés reconnus par
ce récepteur. Les bases biochimiques de cette reconnaissance coordonnée, alors que
les récepteurs et les enzymes sont d’origine différente, ne sont toujours pas comprises.
Ce système très élégant suscite de nombreuses questions sur son apparition au cours de
l’évolution.
Xénobiotique
Régulation transcriptionnelle
OH O-Conjugué
AhR
Le premier récepteur des xénobiotiques identifié est le récepteur Ah (ou AhR pour Aryl
hydrocarbon Receptor (Barouki et al., 2012, 2007 b ; Guyot et al., 2013)) appartient à
la famille PAS qui comprend les protéines Per, ARNT, Sim et de nombreuses protéines
impliquées dans la régulation des rythmes circadiens chez la drosophile). Il est exprimé
par les vertébrés et les invertébrés dans de très nombreux types cellulaires. Chez les
vertébrés, son expression prédomine dans le poumon, le foie et le placenta, mais une
expression de base est retrouvée dans pratiquement tous les tissus. Sa structure protéique
est représentée dans la figure 5.7.
78
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs
Liaison ADN
Dimérisation
Transactivation
Liaison ligand
Les ligands du AhR sont nombreux ; il s’agit de dioxines, de furanes, de PCBs (Poly-
ChlorinatedBiphenyls), d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (comme le benzo(a)
pyrène). Ces différents ligands ont en général une structure plane et sont très hydro-
phobes ; certains d’entre eux sont des POPs ce qui signifie que bien que ligands du AhR
et donc activateurs des EMX régulées par ce récepteur, ils sont résistants au métabolisme
inhérent; c’est le cas de la dioxine de Seveso ou TCDD.
La liaison des ligands a pour conséquence une activation du AhR. Celui-ci à l’état
inactif appartient à un complexe protéique composé de deux protéines de choc thermique
Hsp90, de co-chaperonnes et d’une kinase Src (voir plus loin). Les ligands provoquent
la dissociation du complexe permettant l’entrée du AhR dans le noyau (la séquence des
événements « dissociation - translocation nucléaire » n’est toutefois pas complètement
élucidée) (Fig. 5.8). Dans le noyau, le AhR s’associe à un partenaire de la famille PAS,
ARNT (pour AhR Nuclear Translocator, nom mal choisi puisque celui-ci ne permet
aucunement la translocation du AhR) qui est aussi impliquée dans de nombreuses
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autres voies de signalisation comme celle de l’hypoxie, d’où son autre nom (HIF-1β ou
Hypoxia Inducible Factor-1 beta). Cette fonction partagée peut poser des problèmes de
compétition. Le dimère AhR-ARNT fixe les XRE et régule ainsi par recrutement de
co-activateurs et du complexe basal de transcription, l’expression de ces gènes cibles.
De nombreux gènes cibles du AhR ont été identifiés depuis le début des années 1990
parmi lesquels :
̭ les EMX avec notamment les cytochromes P450 de la famille 1 (CYP1A1, 1A2, 1B1)
et des enzymes de phase II et III ;
̭ des cytokines pro-inflammatoires ;
̭ des gènes impliqués dans la migration, la prolifération et la différenciation cellulaire.
79
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
Il faut noter que depuis le début des années 2000, de nouveaux ligands d’origine
diverse (pas forcément des polluants xénobiotiques) ont été identifiés : certains sont
d’origine alimentaire comme certains flavonoïdes, d’autres d’origine endogène comme les
dérivés du tryptophane (FICZ, cynurénine…) et d’autres enfin provenant du microbiote
intestinal comme les indoles (Quintana, 2013). Ces recherches ainsi que celles effectuées
sur les souris AhR KO ont permis d’identifier de nouvelles fonctions, notamment des
fonctions physiologiques concernant le développement, le système imunitaire, métabo-
lique, cardiovasculaire et le système nerveux.
Ligand
(BaP, dioxines)
D’autres récepteurs transcriptionnels ont depuis été identifiés, régulant d’autres EMX
comme les cytochromes P450 de la famille 2 et 3.
PXR et CAR
Les récepteurs PXR (Pregnan X Receptor) et CAR (Constitutive Androstane Receptor)
ont été identifiés vers la fin des années 1990 (Xu et al., 2005). Ce sont des protéines de
la famille des récepteurs nucléaires (comme ceux des œstrogènes ou des androgènes) ;
ils possèdent une structure protéique en six domaines A - F (Fig. 5.9).
A/B C D E/F
Liaison ADN
Dimérisation
Transactivation
Liaison ligand
80
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs
Ligand
RXR PXR
CYP2-3
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
81
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
82
3 Voies de signalisation modulées par la liaison à des récepteurs
Ainsi ce mode nouveau de signalisation par les toxiques a conduit à une révision des
concepts de la toxicologie et de certains de ses fondements : la relation dose-effet, la
programmation et les effets différés, la vulnérabilité de certaines cibles biologiques, la
notion des mélanges.
Ex : xénoestrogènes et expression de
Synthèse l’aromatase
(enzyme de synthèse des œstrogènes)
suite de la liaison d’un ligand sur le AhR. Cette dissociation conduit également à
son activation et à la phosphorylation (sur des tyrosines) d’un certain nombre de
protéines cibles ; parmi celles-ci, la kinase FAK (Focal Adhesion Kinase) qui régule
la structure des points d’adhérence focaux permettant l’ancrage de la cellule sur son
substrat (Tomkiewicz et al.). Ces phénomènes sont suspectés de réguler les propriétés
migratoires de la cellule et se mettent en place plus rapidement que ceux dépendant
de la voie génomique (du fait des modifications post-traductionnelles rapides comme
les phosphorylations).
83
$IBQJUSFt Mécanismes d’action et voies de signalisation activées par les toxiques
4 Conclusion
Il existe de très nombreux mécanismes d’action et voies de signalisation activés
par les toxiques. Cette variété s’explique par la diversité des cibles cellulaires et
moléculaires qui sont pour la plupart d’entre elles des cibles de molécules endo-
gènes expliquant leur réactivité ou leur propension à lier des agents (par exemple :
récepteurs aux œstrogènes activés par les œstrogènes et donc également par des
analogues structuraux ou plus généralement des perturbateurs endocriniens comme
certains pesticides pro- ou anti-œstrogéniques). La nature de ces cibles est, elle aussi,
très variée (acides nucléiques, lipides membranaires, glucides complexes) mais la
place jouée par les protéines est très importante à considérer compte tenu des modes
d’action qu’elles peuvent mettre en jeu de par leurs fonctions : enzymes, facteurs de
transcription régulant l’expression de gènes cibles, acteurs de voies de signalisation.
Sur le plan même de la nature des toxiques, certains paramètres vont jouer un rôle
sur le type de voies activées ; ainsi, dans le cas des dérivés réactifs de l’oxygène
(DRO ou ROS) abordés dans ce chapitre dont la production peut être activée par de
nombreux toxiques, leur concentration est importante à considérer pour définir ou
non si ceux-ci déclenchent un stress oxydant (notion de seuil) et les voies de signalisa-
tion stimulées (à basse concentration, les MAPK par exemple ; à forte concentration,
la voie Nrf2). Ces aspects fondamentaux nous renvoient à la notion d’adaptation des
systèmes biologiques (voir les catégories définies en introduction) avec la possibilité
pour la troisième catégorie (excluant les phénomènes adaptatifs) de considérer le rôle
de certains de ces acteurs longtemps décrits comme récepteurs de xénobiotiques
(comme le AhR), également comme régulateurs physiologiques. Ainsi, l’invalidation
du AhR chez la souris suggère qu’il régule le développement de nombreux organes
suggérant que des xénobiotiques décrits historiquement comme des agonistes du
84
4 Conclusion
85
L’essentiel
Mécanismes d’action et voies de
signalisation activées par les toxiques
--- -- - - -
-
-- - - - -
86
Chapitre 6
Approches
méthodologiques
Introduction
L’évaluation de la toxicité des substances repose sur des méthodes expérimentales chez
l’animal (in vivo) et des cellules en culture (in vitro) et sur des méthodes de modélisation
(in silico). Elle vise à identifier la nature et l’origine des effets indésirables induits par l’ex-
position à un toxique et à établir une relation entre la dose d’exposition et la réponse
induite.
Objectifs Plan
Comprendre les objectifs de l’évaluation 1 Modèles in vivo : utilisation
de la toxicité des animaux de laboratoire
Apprendre les différentes méthodes 2 Modèles in vitro : utilisation
d’évaluation de la toxicité pour de cultures de cellules
l’établissement de profils toxicologiques 3 Modèles in silico : approche
non expérimentale
Connaître les avantages et limites des
4 La toxicologie prédictive
approches in vivo, in vitro et in silico
5 Conclusion
Connaître les enjeux de la toxicologie pour
les applications réglementaires
sées à des produits chimiques via leur environnement, leur activité professionnelle ou
volontairement par l’utilisation de cosmétiques, de produits de consommation ou de
médicaments. Il a pour objectif de caractériser les effets potentiellement délétères de ces
substances pour l’Homme, qu’elles soient sous forme solide, liquide ou gazeuse. Cette
caractérisation passe par l’identification du danger c’est-à-dire la nature de(s) l’effet(s)
indésirable(s) induit(s) par l’exposition à la substance et l’établissement d’une relation
entre la dose à laquelle l’organisme est exposé et la réponse induite. Le risque qu’une
substance chimique provoque un effet indésirable sur la santé est directement fonction
de l’ampleur, de la fréquence, de la voie et de la durée de l’exposition à cette dernière.
L’évaluation des dangers, combinée à la caractérisation de l’exposition, permet de réaliser
une évaluation des risques (voir chapitre 9).
87
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
88
1 Modèles in vivo : utilisation des animaux de laboratoire
qui sont alors plus sensibles à une maladie ou qui sont déficientes en une molécule
d’intérêt biologique particulière (enzymes, récepteurs…). Ce type de modèle permet
d’étudier l’impact de l’exposition à un toxique sur un processus pathogénique donné ou
d’évaluer l’implication de telle ou telle molécule dans la réponse biologique obtenue
après exposition au toxique étudié (voir exemple au chapitre 5).
89
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
d’autres voies pour les médicaments selon la voie d’administration envisagée. Si la voie
orale est systématiquement étudiée, l’étude des autres voies est dépendante des propriétés
et des usages de la substance à évaluer. L’administration peut se faire par gavage ou
par ajout de la substance dans l’eau de boisson ou encore dans la nourriture. Dans ces
conditions, il faut déterminer les quantités bues/ingérées afin de déterminer la dose
administrée et s’assurer qu’il n’y a pas de modification de la biodisponibilité de la sub-
stance par interaction avec des composés nutritifs. Pour la voie dermique, la substance
est appliquée sur la peau rasée saine et scarifiée, avec application d’un pansement plus
ou moins occlusif pour favoriser sa pénétration. L’exposition par la voie respiratoire est
étudiée pour les toxiques gazeux aux conditions normales de température et de pression,
les vapeurs (état gazeux d’un liquide comme les solvants) et les particules liquides ou
solides présentes dans l’air. Elle se fait généralement par inhalation mimant ainsi au
mieux l’exposition pulmonaire qui se produit en conditions naturelles. L’animal est alors
placé dans une chambre d’inhalation dans laquelle est introduite la substance à tester.
À cette exposition encore appelée corps entier, est quelquefois préférée l’exposition dite
« nez seulement » où l’animal est placé dans une chambre de contention afin de n’avoir
que le nez au contact de la substance diffusée dans une enceinte ouverte au niveau du
nez de l’animal. Cette approche permet de mieux contrôler l’exposition évitant une expo-
sition secondaire par voie orale liée au léchage du pelage mais peut générer un stress
chez l’animal et ne peut donc être utilisée que pour des expositions de courte durée. La
réalisation d’études de toxicité respiratoire nécessite des installations dédiées permettant
la génération des atmosphères à tester et le contrôle des concentrations tout au long de
l’étude. Une alternative à l’inhalation est l’utilisation de l’instillation intratrachéale qui
est une méthode plus simple à mettre en œuvre car elle consiste à déposer une quantité
connue de substance, directement dans les voies respiratoires via une canule insérée dans
la trachée. Elle présente l’inconvénient d’être moins physiologique et de ne pas autoriser
une répétition des expositions.
L’apparition d’effets indésirables étant dépendante de la durée et de la fréquence de
l’exposition, quatre protocoles d’exposition sont mis en œuvre : (i) l’exposition aiguë fait
référence à une exposition courte, généralement moins de 24 h, et unique ; (ii) l’exposition
subaiguë correspond à une exposition répétée/prolongée pour une période inférieure à
un mois ; (iii) l’exposition sub-chronique correspond à une exposition répétée comprise
entre 1 et 3 mois ; et enfin (iv) l’exposition chronique correspond à une exposition répétée
sur plus de 3 mois allant jusqu’au 2/3 de la vie de l’animal.
90
1 Modèles in vivo : utilisation des animaux de laboratoire
91
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
Voies d’exposition
Voie respiratoire Voie orale Voie cutanée
chronique Mutagénicité
Mais les études chez l’animal présentent également un certain nombre de limites.
Bien qu’elles soient conçues pour prédire la toxicité chez l’Homme, les réponses peuvent
varier entre espèces animales à cause de différences anatomiques, physiologiques, biochi-
miques, ce qui limite leur extrapolation à l’Homme. Avec le recul sur l’évaluation des
médicaments, il apparaît que les évaluations précliniques chez l’animal ne sont pas
toujours suffisamment prédictives des effets cliniques. Des différences toxicocinétiques,
métaboliques, de régime alimentaire font partie des raisons qui rendent difficiles l’extra-
polation interespèce. Des modèles animaux humanisés se développent pour pallier à
ces limites (voir chapitre 4). Par ailleurs, les études chez l’animal représentent un coût
important. Leur réalisation est longue, ce qui limite le nombre de composés pouvant
être évalués et ne permet pas de faire face au nombre toujours croissant de nouveaux
composés à tester mais laisse aussi sur le marché des substances qui n’ont pas fait l’objet
d’une évaluation sérieuse. Enfin, un autre aspect et non des moindres, l’aspect éthique
joue un rôle important dans l’évolution de l’approche expérimentale de la toxicologie. Le
souci de la protection animale plaide pour une diminution importante des animaux de
laboratoire dans l’évaluation de la toxicité des produits chimiques. Dès 1959, Russell et
Burch ont élaboré le concept des 3 R (pour Reduction, Refinement and Remplacement)
qui a pour objectif : (i) de réduire le nombre d’animaux utilisés dans les tests toxico-
logiques en optimisant les protocoles; (ii) de raffiner les tests c’est-à-dire de mettre en
œuvre des pratiques qui permettent de réduire la souffrance animale ; (iii) enfin, de
92
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules
93
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
doit se faire en respectant un cadre légal en obtenant les autorisations nécessaires. Des
compagnies de biotechnologies se sont spécialisées dans la commercialisation de cultures
primaires. La qualité et la sensibilité de la culture établie à partir de ces cellules sont
dépendantes du donneur dont on ne connaît pas le style de vie, l’activité professionnelle
et les habitudes alimentaires. Il convient de renouveler les expériences avec des cellules
issues de plusieurs donneurs afin de tester la variabilité interindividuelle liée aux poly-
morphismes génétiques.
Les lignées cellulaires ont une durée de vie illimitée car elles dérivent de cellules
cancéreuses ou ont acquis leur immortalité par transfection d’un oncogène viral réalisée
au laboratoire à partir de cellules primaires. Dans ces lignées, les populations cellulaires
sont homogènes et normalement stables au cours des ensemencements successifs. De
nombreuses lignées cellulaires animales et humaines issues de différents types d’organes
sont disponibles commercialement dans des banques de tissus. Elles représentent une
alternative aux cultures primaires pour certains types cellulaires pour lesquels les biop-
sies ne sont pas fréquemment ou facilement accessibles. Leur principale limitation est
qu’elles ont généralement perdu en grande partie le phénotype d’origine ou qu’elles
expriment un phénotype incomplet. Ainsi la plupart des lignées de cellules hépatiques
humaines n’expriment pas l’intégralité du panel des enzymes du métabolisme des xéno-
biotiques, ne permettant pas d’établir à partir de celles-ci un profil métabolique complet
pour une substance. Une exception concerne la lignée HepaRG™ issue d’une tumeur
hépatique qui prolifère et exprime des propriétés de cellules progénitrices hépatiques
mais qui, lorsqu’elle est placée dans des conditions de culture appropriées, se différencie
en hépatocytes matures exprimant les enzymes du métabolisme des xénobiotiques de
phase 1 et 2 et les transporteurs. Les lignées cellulaires présentent l’avantage d’être
faciles à manipuler. Elles se multiplient facilement, permettant de disposer de grandes
quantités de cellules utiles pour réaliser des études de criblage à haut débit par exemple.
De plus, elles peuvent être génétiquement modifiées pour établir des lignées reportrices
stables afin d’étudier les effets de composés sur l’activité d’un promoteur d’intérêt lié à un
gène rapporteur comme celui codant la luciférase. On peut citer le test KeratinoSens™
qui appartient à la batterie de tests développés pour évaluer la sensibilisation cutanée.
Il s’agit d’une lignée de kératinocytes humains qui expriment le gène rapporteur de
la luciférase sous le contrôle d’un élément de réponse aux antioxydants (ARE). Cette
lignée est utilisée pour évaluer l’induction de réponses cytoprotectrices induites par les
gènes contrôlés par l’ARE. Il existe maintenant toute une série de lignées reportrices
commerciales permettant d’identifier facilement des voies de signalisation liées à la
toxicité induite par des xénobiotiques (voir chapitre 5).
Les cellules souches humaines apparaissent comme une alternative prometteuse aux
cultures primaires et lignées cellulaires. La mise au point de la technique qui permet de
créer des cellules souches pluripotentes (dites « iPS », pour inducible Pluripotent Stem
cells ») à partir d’une cellule humaine somatique normale ouvre la perspective d’utiliser
ces cellules pour obtenir les différents types cellulaires nécessaires à une investigation
94
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules
toxicologique avec un même fond génétique. Elle permet même d’envisager une toxi-
cologie personnalisée !
lium humain des voies respiratoires établi à partir de cellules bronchiques humaines
maintenues à l’interface air-liquide pour favoriser la différenciation de cellules ciliées
et sécrétrices de mucus (Fig. 6.2). Ces cultures peuvent de plus être établies à partir de
cellules de patients souffrant de pathologies respiratoires telles que l’asthme ou encore
de fumeurs dans le but d’étudier les effets sur des populations sensibles. Ces cultures
ont l’avantage de se maintenir assez longtemps, permettant d’envisager de réaliser des
études à long terme.
Ces modèles de culture en 3D peuvent être réalisés en associant plusieurs types
cellulaires qui cohabitent normalement dans un organe (par exemple : neurones, glies,
endothélium…). Les interactions et la communication intercellulaire favorisent la
95
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
différenciation des cellules. Dans les tests de toxicité, cela permet d’apprécier la sensi-
bilité relative des différents types cellulaires.
Inspiré par les découvertes les plus récentes en ingénierie tissulaire et les progrès des
technologies de microfluidique, des organes sur puces se développent dans l’objectif
de mimer les interactions systémiques entre les organes chez l’Homme. Ces dispositifs
complètent l’objectif des cultures 3D en intégrant des caractéristiques qui sont critiques
pour les fonctions des organes comme la perfusion vasculaire, les forces mécaniques, la
circulation de cellules du système immunitaire. On peut citer un modèle de poumon sur
puce où la barrière alvéolo-capillaire est reconstruite et soumise à des contraintes méca-
niques cycliques pour mimer le cycle respiratoire (Fig. 6.2). Des puces se développent,
associant des cellules de différents organes, chacune dans un compartiment dédié mais
reliées entre elles par des canaux où circule un fluide mimant le sang et permettant à la
substance de circuler comme elle le ferait dans le corps humain en respectant les débits
irrigant chaque organe.
Cellules Cellules
endothéliales épithéliales
96
2 Modèles in vitro : utilisation de cultures de cellules
sont très contrôlées en termes de température, humidité, pH, apport d’oxygène, statut
hormonal et nutritif garantissant que les effets observés soient directement reliés à l’expo-
sition à la(les) substance(s) testée(s). Elles offrent la possibilité de tester une large gamme
de doses et de temps d’exposition pour une caractérisation complète de la toxicité d’un
composé au travers de l’analyse d’un nombre important de paramètres. La miniaturi-
sation des dispositifs expérimentaux permet de n’avoir besoin que d’une faible quantité
de substances. Les possibilités d’automatisation et de robotisation permettent d’obtenir
des données à haut débit et donc de trier rapidement de nombreux composés sur la
base d’une série de critères de toxicité ciblant des fonctions cellulaires clés (mort cellu-
laire, prolifération, dommages à l’ADN, stress oxydant, homéostasie calcique, atteinte
97
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
mitochondriale). Elles sont de ce fait beaucoup utilisées aux stades très précoces du
développement préclinique de médicaments pour identifier et prioriser les substances à
exclure ou à conserver.
Les cultures cellulaires présentent néanmoins un certain nombre de limites. Les
conditions de culture ne sont pas physiologiques en termes de matrice extracellulaire, de
densité cellulaire, en particulier pour les cultures 2D. Un seul type cellulaire étant utilisé,
on ne tient pas compte des interactions cellulaires. De plus, les cellules sont générale-
ment d’origine monoclonale et peuvent dégénérer au cours de leur maintien en culture.
Les conditions de culture ne sont pas homéostasiques : on procède à des changements
brusques de milieu de culture, il y a une déplétion continue des éléments nutritifs et
une accumulation de déchets du métabolisme. L’utilisation de cellules cancéreuses peut
poser des problèmes d’interprétation des résultats car elles présentent de nombreuses
mutations et pertes de parties de chromosomes conduisant à une hétérogénéité de la
population cellulaire cultivée. Enfin, les substances testées peuvent se lier différemment
et de façon non spécifique aux milieux et plastiques de culture, s’évaporer, se dégrader
au cours de l’exposition conduisant à une dose biologiquement effective inférieure à la
dose nominale appliquée et produisant des relations dose-réponse erronées par sous-
estimation de la toxicité.
La mise au point d’un test toxicologique in vitro et sa validation est extrêmement
longue, ce qui fait qu’à ce jour les tests validés d’un point de vue réglementaire sont
limités à la toxicité aiguë. Un segment entier de l’évaluation de la toxicité n’est pas couvert
par ces essais telles la toxicité systémique et les expositions répétées. Les lignes direc-
trices pour les tests réglementaires validées pour remplacer l’expérimentation animale
sont disponibles pour évaluer des paramètres de toxicité spécifiques comme l’absorption
dermique, la phototoxicité, la corrosion et l’irritation cutanée et oculaire, la sensibili-
sation cutanée et la génotoxicité. En détectant des mécanismes d’action de base, elles
permettent d’exclure des dangers sanitaires sans avoir des tests supplémentaires chez
l’animal. Elles permettent aussi la classification des composés selon le système global de
classification et étiquetage des produits chimiques en identifiant les dangers sanitaires. En
revanche, les interactions complexes de facteurs qui conduisent à la toxicité systémique
ou d’organes in vivo ne sont pas efficacement reproduites in vitro.
98
3 Modèles in silico : approche non expérimentale
Le développement de ces outils in silico dépend des données d’entrée issues des études
in vivo et in vitro et reflètent donc également leurs lacunes. La diffusion publique limitée
de ces données, le manque d’homogénéité des jeux de données et un éventuel biais de
sélection de celles-ci lié à leur disponibilité sont des limites qui peuvent affecter la qualité
de la modélisation et sa validation.
En complément des approches exposées ci-dessus permettant d’identifier les effets béné-
fiques ou indésirables relatifs à l’exposition à une substance, il est essentiel de caractériser
leur pharmacocinétique, ces effets n’étant pas uniquement liés à la dose externe reçue
mais dépendant de la quantité de produit actif (parent ou métabolite) atteignant les
organes et les cellules cibles.
Deux approches de modélisation pharmaco/toxicocinétique sont principalement utili-
sées : les modèles compartimentaux de type classique (Gibaldi et Perrier, 1982) et les
modèles physiologiques (Gerlowski et Jain, 2003). Ces modèles décrivant le devenir des
substances toxiques dans un organisme vivant au cours du temps, se basent sur la subdivi-
sion de l’organisme en compartiments, dans lequel la substance est supposée se distribuer
99
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
de façon homogène. Seuls quelques compartiments liés par des échanges de substance
définissent un modèle toxicocinétique classique. Typiquement, un compartiment central
est défini, et des compartiments périphériques sont ajoutés jusqu’à l’obtention d’un ajuste-
ment correct du modèle aux données (un ou deux sont généralement nécessaires). Les
compartiments ne sont donc pas nécessairement biologiquement interprétables, ni les
paramètres du modèle. Ces modèles permettent de décrire de façon satisfaisante certaines
cinétiques avec un minimum de paramètres. Les modèles toxicocinétiques physiologiques
(ou PBPK) peuvent décrire de façon plus détaillée les mécanismes connus de l’absorption,
de distribution, du métabolisme et de l’excrétion. Contrairement aux modèles classiques,
les compartiments et les paramètres de ces modèles ont pour la plupart une signification
physiologique. Les échanges de matière sont régis par les flux sanguins, lymphatiques,
ou autres transports et diffusions identifiables physiologiquement.
Ces modèles peuvent avoir différents niveaux de complexité, selon les buts suivis par
la modélisation et les caractéristiques de la substance étudiée.
Les avantages des modèles toxicocinétiques classiques sont la simplicité de leur struc-
ture et leur rapidité d’ajustement. De par leur description paramétrique de l’organisme,
les modèles PBPK sont plus satisfaisants pour comprendre les variabilités inter- ou intra-
individu, ou extrapoler et transposer les résultats à d’autres conditions expérimentales
(inter-dose, inter-voie d’administration, inter-espèce ou encore inter-individu).
( PC + CL ) ⋅
Q p
Q p ⋅ [Cair ] − C]
[
d [C ]
=
dt V
100
3 Modèles in silico : approche non expérimentale
d [C ] ka ⋅ Dorale(t) ⋅ F − CL ⋅ [C ]
ou =
dt V
Ces modèles peuvent être rendus plus complexes par simple ajout de compartiments
et par conséquent de paramètres (Fig. 6.3B) en ne dépassant que très rarement trois
compartiments. Les compartiments sont alors liés entre eux à l’aide de constante de
transfert exprimant là encore des réactions d’ordre 1.
[Cair] [Cair]
A) B)
Qp Qp/PC Qp Qp/PC
k12
ka, F Central ka, F Central Périphérique
Dorale Dorale
[C] [C] [Cp]
k21
V V
CL CL
101
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
Q poumon = Q total
Qcerveau
Qcœur
Qfoie
Site d’entrée
Sang artériel
Sang veineux
Qintestin
Air exhalé Site d’excrétion
Qpeau
Qgraisse
Qrein
Figure 6.4 – Description d’un modèle PBPK générique avec différents sites
d’administration, d’excrétion et de métabolisme (d’après Brochot et al., 2014).
102
3 Modèles in silico : approche non expérimentale
De manière générale, chaque organe, bien que pouvant être subdivisé en trois sous-
compartiments homogènes, l’espace vasculaire par lequel l’organe est perfusé, l’espace
extracellulaire et l’espace intracellulaire, est généralement agrégé. Ainsi, la concentration
globale dans un organe est représentée comme suit, par la loi fondamentale (loi de Fick)
régissant les modèles physiologiques :
dCi Q Q ⎛ C ⎞
= i ⋅ (Cin − Cout ) = i ⋅ ⎜ Cin − i ⎟
dt Vi Vi ⎝ k pi ⎠
dCrein Q ⎛ C ⎞
= rein ⋅ ⎜ Cin − rein ⎟ − CL ⋅ frein ⋅ Crein − = ×
dt Vrein ⎝ k prein ⎠
dCB 1 ⎛ n C ⎞
= ⋅ ⎜⎜∑Qi ⋅ i − QB ⋅ CB + g(t)⎟⎟⎟
dt VB ⎜⎝ k pi ⎠
i
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103
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
4 La toxicologie prédictive
L’approche consistant à se baser principalement sur la toxicologie sur l’animal pour
l’évaluation des risques des produits chimiques est de plus en plus remise en cause.
Compte tenu du nombre toujours plus important de substances à évaluer, des pressions
pour réduire l’expérimentation animale, des contraintes réglementaires, de nouvelles
stratégies d’évaluation doivent être mises en œuvre intégrant les méthodes alternatives
à l’expérimentation animale.
Les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire associés aux progrès technolo-
giques ont permis d’améliorer les systèmes de culture, de les rendre automatisables pour
des études à haut débit, d’obtenir des données à haut contenu par imagerie, de disposer
grâce aux approches « omiques » d’une vision élargie des modifications à l’échelle du
transcriptome, protéome, métabolome… Les puissances de calcul aujourd’hui dispo-
nibles permettent de compiler les nombreuses données générées et l’élaboration de
modèles. Par rapport à l’approche traditionnelle d’évaluation de la toxicité par l’étude des
effets apicaux chez l’animal (dommages aux organes cibles, mutagenèse, cancérogenèse,
effets sur la reproduction et le développement), on dispose grâce aux méthodes alterna-
tives d’une multitude de données pour une compréhension approfondie des processus
toxicologiques aux différents niveaux d’organisation biologique.
104
5 Conclusion
Figure 6.5 – Principe d’une AOP (Adverse Outcome Pathway : voie impliquée
dans des effets indésirables).
Le concept d’AOP consiste à caractériser, organiser et définir les relations prédictives
entre des événements clés qui reflètent la progression des perturbations induites
par une substance et des effets indésirables considérés comme pertinents pour
l’évaluation du risque.
5 Conclusion
La façon d’évaluer la toxicité a pu évoluer au fil des années grâce au développement
conjoint des connaissances en sciences de la vie et des progrès technologiques. Elle a
permis de passer d’une toxicologie descriptive réalisée uniquement chez l’animal à une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
toxicologie mécanistique. Cette toxicologie, basée sur la connaissance des voies de toxi-
cité sous-tendant les effets indésirables, est vouée à un fort développement pour répondre
aux enjeux sanitaires. Son intégration dans les processus réglementaires reste à ce jour
très limitée. Ces nouvelles approches doivent prouver qu’elles sont un remplacement
valable voire supérieur aux tests traditionnels et capables de générer une information
fiable pour être utilisée dans la prise de décision réglementaire. Cette nouvelle toxicologie
doit permettre de répondre aux enjeux actuels qui sont le nombre important de subs-
tances déjà sur la marché qui à ce jour n’ont pas été évaluées, mais aussi des composés
émergents comme des composés biologiques (protéines utilisées comme médicaments,
la thérapie cellulaire, les aliments génétiquement modifiés, les nanoparticules) qui sont
105
$IBQJUSFt Approches méthodologiques
autant d’exemple de produits pour lesquels les approches traditionnelles posent problèmes
et vont nécessiter une réflexion sur l’évaluation de leur toxicité. Elle doit aussi répondre
à des préoccupations sanitaires apparues plus récemment qui n’ont pas été considérées
dans les approches traditionnelles chez l’animal comme le problème des perturbateurs
endocriniens, la toxicité neuro-développementale, l’immunogénicité (formation d’anti-
corps contre des médicaments biologiques), les problèmes respiratoires (probablement
liés à l’asthme chez l’enfant), des composés ayant un impact sur le développement neuro-
logique (pouvant contribuer à l’autisme ou des déficits d’attention…).
106
L’essentiel
Évaluation de la toxicité
Approches Modélisation
expérimentales
In vivo In silico
1 2 3 4
QSAR
=
A
B In vitro
poumons
C
PBPK muscles
viscères
graisses
reins
foie intestin
107
Chapitre 7
Pathologies toxiques
tumorales
Introduction
En France, les cancers représentent en 2015 environ 385 000 cas incidents, avec une part
attribuable aux expositions environnementales et professionnelles non négligeable (envi-
ron 19 % selon l’Organisation mondiale de la santé). En premier lieu, ce chapitre rappelle
les principes de classification des agents cancérogènes pour l’Homme et les principaux
xénobiotiques actuellement connus ou fortement suspectés d’être cancérogènes pour
l’Homme, et leurs principaux sites de cancer (en excluant les causes médicamenteuses et
infectieuses). Dans un second temps, les mécanismes biologiques et génétiques de carci-
nogenèse et les principaux modes d’action des xénobiotiques cancérogènes sont déve-
loppés en prenant exemple sur l’amiante.
Objectifs Plan
Comprendre les principes de classification des agents 1 Introduction
cancérogènes pour l’Homme de l’Union Européenne 2 Cancers liés aux
et du Centre International de Recherche sur le xénobiotiques
Cancer. 3 Processus
Connaître les principaux agents carcinogènes d’origine impliqués dans
professionnelle, environnementale ou liés à des le mécanisme de
carcinogenèse
comportements de l’Homme, et leurs principaux sites
de cancer. 4 Conclusions
générales et
Apprendre les principaux mécanismes biologiques perspectives
et génétiques impliqués dans les processus de
carcinogenèse et les différents modes d’action des
agents cancérogènes, en prenant exemple sur
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l’amiante.
1 Introduction
D’après l’Institut national du cancer (InCa), les cancers représentent, en France,
385 000 cas incidents (nombre de nouveaux cas par an) pour 2015, dont 211 000 cas
chez l’homme et 174 000 chez la femme (InCa). Parmi les nombreux toxiques,
seulement certains sont susceptibles de générer des cancers chez l’Homme. Il existe
de multiples facteurs de risque des cancers, qu’il s’agisse de facteurs de risque
109
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
110
1 Introduction
Indications de Indications de
carcinogénicité chez carcinogénicité chez Autres données
l’Homme l’animal
suffisantes - -
Groupe 1 :
carcinogène avéré
pour l’Homme
(limitées) (suffisantes) (mécanisme connu)
limitées suffisantes -
Groupe 2A :
mécanisme analogue
probablement
insuffisantes suffisantes chez l’Homme et
carcinogène pour
l’animal
l’Homme
(limitées) - -
limitées limitées -
existence de données
insuffisantes limitées mécanistiques
pertinentes
insuffisantes insuffisantes -
Groupe 3 : inclassable
par rapport au insuffisantes limitées -
pouvoir carcinogène
pour l’Homme
mécanisme chez
insuffisantes suffisantes l’animal non pertinent
chez l’Homme
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111
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Boissons alcoolisées
Chique de bétel avec ou sans
Cavité buccale ajout de tabac
Tabac non fumé
Tabagisme actif
Glandes salivaires Rayons X, rayons gamma Iode radioactif, dont Iode 131
Boissons alcoolisées
Chique de bétel avec ajout Amiante (toutes formes)
Pharynx
de tabac Tabagisme passif
Tabagisme
Formaldéhyde
Nasopharynx Poussières de bois
Tabagisme
Acétaldéhyde associé à la
Tube digestif haut consommation de boissons
alcoolisées
Acétaldéhyde associé à la
consommation de boissons
alcoolisées
Boissons alcoolisées
Œsophage Chique de bétel avec ajout
de tabac
Rayons X, rayons gamma
Tabac non fumé
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Rayons X, rayons gamma
Estomac Composés inorganiques du plomb
Tabagisme
Nitrates ou nitrites
Boissons alcoolisées
Côlon et rectum Rayons X, rayons gamma Amiante (toutes formes)
Tabagisme
Aflatoxines
Boissons alcoolisées
Arsenic et ses composés inorganiques
Chlorure de vinyle
Chique de bétel sans ajout de tabac
1,2-Dichloropropane
Foie et voies DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane)
Plutonium
biliaires Dichlorométhane
Tabagisme (chez les fumeurs
Rayons X, rayons gamma
et leurs enfants)
Trichloroéthylène
Thorium-232 et produits de
désintégration
112
1 Introduction
Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Thorium-232 et produits de
Vésicule biliaire
désintégration
Boissons alcoolisées
Tabac non fumé Rayons X, rayons gamma
Pancréas
Tabagisme Thorium-232 et produits de
désintégration
Tube digestif (non
Iode radioactif (dont Iode 131)
spécifique)
Certains composés du nickel
Poussières de bois
Fosses nasales et Poussières de cuir Certains composés du chrome (VI)
sinus de la face Radium-226 et -226 et leurs Formaldéhyde
produits de désintégration
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Boissons alcoolisées
Gaz moutarde
Larynx Brouillards d’acides forts
Tabagisme passif
inorganiques
Tabagisme
Amiante (toutes formes)
Arsenic et ses composés
inorganiques
Béryllium et composés du
béryllium
Bis(chlorométhyl)éther et
chlorométhyl méthyl éther Brouillards d’acides forts inorganiques
Hydrocarbures aromatiques Carbure de silicium fibreux
polycycliques issus de goudron Cobalt métallique avec carbure de
de houille tungstène
Cadmium et composés du Créosotes
cadmium Émissions émanant de la combustion
Composés du chrome (VI) de biocombustibles
Composés du nickel Émissions dues à la friture à haute
Émissions de sources intérieures température
Poumon
émanant de la combustion Association de toluènes α-chlorés et
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113
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Plutonium
Radium-224, -226 et -228 et leurs
Os Iode radioactif, dont Iode 131
produits de désintégration
Rayons X, rayons gamma
Rayonnements UV
Peau (mélanome)
Polychlorobiphényles
Arsenic et ses composés
inorganiques
Hydrocarbures aromatiques
polycycliques issus de goudron
Peau (autres
de houille
tumeurs malignes
Huiles minérales, peu ou non Créosotes
cutanées en
raffinées Moutarde azotée
dehors du
Huiles de schistes
mélanome)
Rayons UV A associés ou non au
méthoxsalène
Rayons X, rayons gamma
Suie
Mésothéliome Amiante (toutes formes)
(plèvre et Érionite
péritoine) Fluoro-édénite
Polychlorophénols ou leurs sels
de sodium
Tissus mous Iode radioactif dont Iode 131
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-
para-dioxine
Oxyde d’éthylène
Boissons alcoolisées
Seins Polychlorobiphényles
Rayons X, rayons gamma
Tabagisme
114
1 Introduction
Agents carcinogènes
Agents carcinogènes d’origine
d’origine professionnelle,
professionnelle, environnementale
Localisation environnementale ou liés à des
ou liés à des comportements pour
cancéreuse comportements pour l’Homme
l’Homme avec indications limitées
avec indications suffisantes
d’effet cancérogène
d’effet cancérogène
Plantes contenant de l’acide
Bassinet du rein
aristolochique Acide aristolochique
et uretère
Tabagisme
2-Naphthylamine
2-Mercaptobenzothiazole (MBT)
4-Aminobiphényle
4-Chloro-ortho-toluidine
Arsenic et composés inorganiques
Brais de goudron de houille
de l’arsenic
Vessie Gaz d’échappement des moteurs
Benzidine
Diesel
Orthotoluidine
Suie
Rayons X ou rayons gamma
Perchloroéthylène
Tabagisme
115
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Bien que l’on ne puisse connaître avec précision la part des cancers attribuables
aux différents facteurs de risque, des estimations peuvent être produites. Selon
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 19 % des cancers seraient liés aux
expositions environnementales et professionnelles. Selon le rapport sur les causes des
cancers en France et les données de mortalité par cancer au cours de l’année 2000,
le tabagisme restait la principale cause de cancer, responsable de 29 000 décès, soit
33,5 % des décès par cancer chez l’homme, 5 500 décès, soit 10 % des décès par
cancer chez la femme (IARCb). La consommation d’alcool était à l’origine d’environ
9 % des décès par cancer chez l’homme et 3 % chez la femme. Le tabagisme et la
consommation d’alcool étaient à l’origine de 28 % des décès par cancer. L’obésité
et le manque d’activité physique causaient environ 2 % des cancers chez l’homme
et 5,5 % chez la femme.
Certains sites de cancers sont fortement liés à une exposition à un carci-
nogène. À titre d’exemple, la fraction de risque attribuable à l’amiante est pour le
mésothéliome pleural d’environ 87 % chez l’homme et 65 % chez la femme (Lacourt
et al., 2014).
Selon la voie d’exposition et la biodistribution des xénobiotiques dans l’organisme
(voir chapitres 2 et 3), leur métabolisation ou activation éventuelle en métabolites actifs
(voir chapitre 4), les toxiques ou leurs produits dérivés, telles des molécules dérivées
du stress oxydant, interagissent avec les cellules, aboutissant, à terme, à une cancérisa-
tion des cellules normales et à une tumeur. Il faut noter qu’un xénobiotique induit une
transformation néoplasique préférentiellement de certains types cellulaires à diverses
localisations anatomiques.
L’identification de carcinogènes est fondée sur :
̭ des analyses épidémiologiques comparant les populations exposées et non exposées
à un facteur donné (études de cohortes), ou les expositions de patients atteints d’un
type de cancer par rapport à des sujets exempts de ce cancer (études cas-témoins).
Les études épidémiologiques peuvent conduire à définir des facteurs de risque ayant
une probabilité d’être associés à un cancer ;
̭ des études expérimentales, chez l’animal, apportant par ailleurs des données sur les
relations entre une exposition à un xénobiotique donné et la survenue d’un cancer ;
̭ enfin, des études mécanistiques, le plus souvent sur cellules confortent les données
recueillies in vivo, en particulier les études de génotoxicité.
Dans ce chapitre, sont mentionnées les données actuelles sur les causes avérées ou
possibles de survenue des cancers en liaison avec l’exposition à des xénobiotiques. Les
mécanismes de carcinogenèse sont abordés, et un exemple de mécanisme d’action d’un
carcinogène avéré, l’amiante, est donné.
116
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
nogenèse). Dans ce chapitre, nous nous intéresserons en particulier aux étapes terminales
qui concernent les interactions entre les xénobiotiques et les cellules, dans leur micro-
environnement, sauf pour le cas des particules solides inhalées pour lesquelles on résume
les différentes étapes dans le paragraphe suivant, depuis l’inhalation jusqu’aux interactions
avec les cellules épithéliales bronchiques ou les cellules mésothéliales.
Dans le cas de particules solides, les particules inhalées sont déposées en premier
lieu dans les voies aériennes supérieures et leur distribution dans le poumon dépend de
leurs caractéristiques. Les mécanismes qui régulent le dépôt des particules sont complexes,
ils incluent l’interception, l’impaction et la sédimentation (Andujar et al., 2009). Les
particules dont le diamètre est supérieur à 10 μm (PM10) se déposent dans les voies
aériennes supérieures (nasopharynx) où elles peuvent être déposées ou dégluties. Les
117
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
particules plus fines (2,5 à 10 μm) atteignent les bronches où elles peuvent être éliminées
par le tapis muco-ciliaire. La partie la plus fine, schématiquement de diamètre inférieur
à 5 μm, atteint le poumon profond. Dans les alvéoles pulmonaires, le dépôt se fait par
diffusion brownienne. Différents mécanismes permettent l’élimination de ces particules :
phagocytose par les macrophages, cellules spécialisées dans l’épuration des substances
exogènes et prise en charge par le système lymphatique (Fig. 7.1). Cependant, une fraction
des particules déposées reste en rétention dans le poumon et migre vers d’autres sites, y
compris vers la plèvre. Les mécanismes de dépôt et de rétention des particules inhalées
permettent de comprendre pourquoi des particules peuvent persister dans les tissus (on
parle alors de biopersistance). Par rapport à d’autres particules, les fibres présentent une
forme allongée, et des fibres longues atteignent le poumon en raison de leur petit diamètre.
Cette spécificité est importante pour rendre compte des effets des fibres d’amiante.
Inhalation de particules
Persistance
transmission
Fibroblastes
Réparation
Transformation
néoplasique
118
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
119
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
qui a pour effet de s’opposer à la prolifération, mais aussi un stress lors de la réplica-
tion (stress oncogénique) (Aird et al., 2014). En revanche, les gènes suppresseurs de
tumeur sont des gènes cellulaires qui sont inactivés par mutation ou délétion. Ils
concernent essentiellement des gènes régulateurs négatifs de la prolifération cellulaire,
intervenant par exemple pour bloquer la prolifération cellulaire, activer l’apoptose ou
contrôler l’intégrité de l’ADN (tels que les gènes TP53 [Tumor Protein P53], CDKN2A
[cyclin-dependent kinase inhibitor 2A], PTEN [Phosphatase and tensin homolog] ou
RB1 [retinoblastoma 1]).
La notion d’oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeur est définie par leur fonc-
tion. Une surexpression des premiers dans des cellules normales a pour conséquence
d’induire des changements cellulaires compatibles avec un phénotype transformé ; à
l’inverse, l’introduction de gènes suppresseurs de tumeur normaux dans des cellules
cancéreuses inactivées pour ces gènes inhibe le caractère transformé. Pour mettre en
évidence ces changements, on dispose d’un certain nombre de critères qui caractérisent
les cellules tumorales (Tab. 7.3).
En plus de ces gènes dont les fonctions dans l’oncogenèse sont remarquables, il y a
d’autres catégories de gènes impliqués dans la tumorigenèse. Par exemple, d’une
manière générale, les endommagements de l’ADN provoquent un arrêt de la réplication
et l’activation de mécanismes de réparation susceptibles d’induire des mutations et des
délétions. Ainsi, les gènes activés dans cette réponse au stress réplicatif sont également
impliqués dans la tumorigenèse, comme les gènes ATR Sérine/Thréonine Kinase (ataxia
telangiectasia and Rad3-related protein Sérine/Thréonine Kinase), ATM Sérine/Thréo-
nine Kinase (ataxia telangiectasia mutated Sérine/Thréonine Kinase), BRCA1 et BRCA2
DNA repair (Breast Cancer de type 1 et 2) ou CHK2 (Checkpoint Kinase 2). D’autres
gènes jouent un rôle important, tels les gènes qui codent pour la télomérase ou pour des
enzymes de réparation de l’ADN. La télomérase maintient la longueur des télomères et
inhibe la sénescence. L’ADN télomérique est progressivement perdu au cours des divisions
cellulaires, ce qui limite le nombre de divisions cellulaires et induit la sénescence. Des
mutations des enzymes de réparation de l’ADN, par défaut de réparation de l’ADN, ampli-
fient le taux de mutations dans l’ensemble du génome, ce qui peut aboutir au phénotype
mutateur qui constitue l’un des mécanismes de carcinogenèse (voir ci-après).
Les fonctions de ces gènes jouant un rôle dans la carcinogenèse peuvent être direc-
tement altérées par les xénobiotiques génotoxiques.
Stress cellulaires
Les cellules, dans leur environnement, sont exposées à divers agents qui peuvent engendrer
des stress cellulaires (réplication, stress oxydatif, choc thermique ou mécanique, oncogènes).
Pour résister, les cellules s’adaptent en consommant des « antidotes » (tels que le GSH [Gluta-
thion-SH] pour le stress oxydant), en activant des mécanismes de protection (sénescence
induite par un oncogène), en synthétisant des protéines de stress (Heat Shock Proteins).
L’activation d’oncogènes peut induire une sénescence des cellules, qui a pour effet de s’opposer
à la prolifération, mais aussi un stress lors de la réplication (Hills et Diffley, 2014).
120
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
Le stress oxydatif est une cause d’endommagement de l’ADN ; il peut être impliqué
dans la carcinogenèse. Les oxydants (espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote,
respectivement ERO et ERN) ont une durée de vie très courte et leur action a lieu,
soit directement au niveau de l’ADN, soit par la génération de molécules plus stables
(dérivées secondaires, facteurs clastogènes) qui interagissent avec l’ADN. Ces molé-
cules incluent le radical superoxyde O2 .–, lequel peut être métabolisé en eau oxygénée
(H 2O2) par la superoxyde dismutase ; H 2O2 qui est susceptible d’être transformé, par
réaction de Fenton en présence de métaux, en radical hydroxyle OH̝ et OH–, ou être
métabolisé par des enzymes de détoxication, catalase ou glutathion peroxydase. Ces
espèces réactives provoquent des cassures de brins d’ADN (simple brin, ou double brin)
et des oxydations de bases azotées. Il existe de nombreux systèmes de réparation de
l’ADN ; on peut citer ici l’excision de bases (Base Excision Repair, BER), l’excision
de nucléotides (Nucleotide Excision Repair, NER), la réparation de mésappariements
(Mismatch Repair, MMR), les recombinaisons homologues (Homologous Recombi-
nation, HR), et non homologues (Non Homologous End Joining, NHEJ) qui réparent
respectivement les cassures simple et double brin. Une absence de réparation ou une
réparation défaillante des lésions de l’ADN provoque des mutations et des altérations
génétiques qui atteignent différents gènes, incluant les oncogènes et les gènes suppres-
seurs de tumeur.
Le stress mécanique a fait l’objet de travaux moins nombreux jusqu’ici, et les méca-
nismes moléculaires de mécano-transduction associés commencent à être élucidés. La
forme des cellules, leur interaction avec la matrice extracellulaire (MEC) et les contacts
cellule-cellule sont modulés par des forces mécaniques. Les interactions avec la MEC
induisent l’activation de voies de signalisation et l’activation de facteurs de transcription
qui vont moduler l’organisation des fibres du cytosquelette et des filaments intermédiaires
nucléaires. De même, les différentes phases de la mitose sont associées à des change-
ments de la forme des cellules et de la force d’interaction avec la MEC. L’activation de
certaines voies de signal a été associée à une réponse au stress mécanique, telle Hippo,
avec l’activation du cofacteur de transcription YAP (Dupont et al., 2011).
Globalement, les xénobiotiques peuvent conduire à ces différentes conditions de stress
qui engendrent des réponses cellulaires susceptibles d’avoir des effets sur l’initiation ou
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Homéostasie cellullaire
L’homéostasie cellulaire nécessite le maintien du volume cellulaire, donc d’un équilibre
entre la croissance et la mort cellulaire. Celle-ci se produit par différents processus :
apoptose, nécrose…. Il existe de nombreux mécanismes cellulaires qui régulent le volume
et la viabilité des cellules : apoptose, anoïkis, nécrose, nécroptose, nécrose programmée,
ferroptose… (Galluzzi et al., 2015). D’autres mécanismes, autophagie et sénescence,
permettent de contrôler la prolifération. La formation d’une tumeur correspond à un
accroissement du volume cellulaire qui résulte d’un déséquilibre entre le nombre de
cellules qui naissent et du nombre de cellules qui disparaissent.
121
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
La sénescence a été évoquée en réponse au stress oncogénique, c’est une propriété des
cellules normales. Les travaux de Hayflick et al. ont rapproché l’échappement à la sénes-
cence à une étape de la transformation (Hayflick et Moorhead, 1961). Dans leur étude, le
repiquage successif de fibroblastes embryonnaires induisait une sénescence des cellules,
mais quelques clones échappaient et continuaient de proliférer montrant des phénotypes
anormaux (immortalisation). Outre la sénescence, les cellules normales sont capables de
s’autodégrader par des mécanismes d’autophagie. Dans ce cas, les cellules catabolisent
les constituants cellulaires permettant leur recyclage. Les mécanismes d’autophagie sont
également dérégulés lors de la transformation néoplasique.
En cas de dommages cellulaires trop importants, les mécanismes de mort cellulaire
sont mis en œuvre ; ils constituent une protection contre la cancérisation des cellules.
L’apoptose est le mécanisme le mieux étudié, particulièrement en réponse à l’exposition
à des xénobiotiques ; il aboutit à une destruction des cellules dont les débris sont pris
en charge par les cellules résidentes. Il existe deux voies apoptotiques aboutissant à
l’activation de caspases effectrices ; une voie extrinsèque médiée par des récepteurs
membranaires ; une voie intrinsèque qui passe par les mitochondries (perméabilisation
de la membrane externe). Dans ce dernier mécanisme, les mitochondries produisent
des ERO associées au stress oxydatif et modifient l’équilibre redox (équilibre entre le
stress oxydant et les mécanismes de défense anti-oxydante), entre le stress oxydant et
les mécanismes de défense anti-oxydante de la cellule.
Dérégulation physiopathologique
Le métabolisme des cellules tumorales est modifié comparativement aux cellules normales.
Cela résulte d’une adaptation aux nouvelles conditions métaboliques occasionnées par les
altérations des gènes et des voies de signalisation. Les cellules doivent maintenir un équi-
libre biochimique pour maintenir le métabolisme énergétique et le statut redox cellulaire.
Le métabolisme énergétique est le mieux caractérisé. Il a été particulièrement étudié en
raison d’observations anciennes montrant une augmentation de la consommation de glucose
et de production d’acide lactique dans les cellules tumorales, même en présence d’oxygène,
et suggérant que les tumeurs produisaient leur énergie à partir de la glycolyse plutôt que de
la phosphorylation oxydative. Ce phénomène est connu sous le terme « d’effet Warburg »
(Ferreira, 2010). En dépit de controverses sur la généralisation de ces observations, plusieurs
hypothèses sont formulées pour expliquer cette déviation, avec au niveau des mitochon-
dries : altérations fonctionnelles, accumulation de mutations des gènes mitochondriaux ;
altération de la phosphorylation oxydative, augmentation du transport du glucose et de
l’expression des enzymes de la glycolyse et, selon des hypothèses plus récentes, commu-
tation vers la glycolyse. Dans cette dernière hypothèse, un rôle du complexe pyruvate
déshydrogénase est suggéré. En effet, en présence d’oxygène, l’activité de ce complexe est
stimulée et une diminution de son activité renvoie vers la glycolyse (Devic, 2016). On peut
remarquer que ces hypothèses ne sont pas nécessairement exclusives. En outre, d’autres
voies métaboliques sont susceptibles d’être altérées, telles que le métabolisme lipidique
avec des modifications de l’expression des enzymes impliquées dans la synthèse de novo
122
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
x
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
x x x x x Sous-clone C
x
* * * * * Sous-clone B
* * * * * * Clone A
123
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Rôle du micro-environnement
Dans une tumeur solide, le micro-environnement des cellules cancéreuses, ou stroma,
joue un rôle dans l’évolution néoplasique des cellules. Le stroma est constitué de popu-
lations cellulaires diverses, incluant des fibroblastes (Cancer-Associated Fibroblasts,
CAF), des cellules endothéliales des vaisseaux, des cellules inflammatoires et immuni-
taires (macrophages, neutrophiles, lymphocytes). Sont également présents les composants
de la matrice extra-cellulaire (MEC) : collagènes, laminines, fibronectines et protéo-
glycanes. Les cellules du stroma sont susceptibles d’interagir avec les cellules cancéreuses,
par exemple par la production de facteurs de croissance et de facteurs inflammatoires et
par la modulation de l’environnement immun. La composition de la matrice extracel-
lulaire régule aussi l’attachement, la mobilité et l’invasion cellulaire. Il faut également
souligner l’importance de la vascularisation tumorale apportant l’O2 et de nutriments
aux cellules tumorales, et qui est mise en place par un processus de néo-vascularisation
appelée angiogenèse (Buache et Rio, 2014).
Des recherches sont actuellement développées pour abolir la résistance des cellules
tumorales envers le système immunitaire. Il existe des points de contrôle immunitaires
(immune checkpoints) consistant en des interactions ligand-récepteur. Ce système est
verrouillé dans les cellules tumorales, ce qui empêche leur reconnaissance et leur élimi-
nation par le système immunitaire. Des anticorps spécifiques de ces points de contrôle
immunitaire peuvent permettre la levée de ce contrôle négatif. Actuellement, des études
cliniques sont en cours dans plusieurs cancers pour évaluer l’effet du blocage de la signali-
sation CTLA4 (Cytotoxic T-Lymphocyte-Associated antigen 4) et PD1-PDL1 (programmed
cell death protein 1-PDL ligand), à l’aide d’anticorps spécifiques (Pardoll, 2012).
124
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
avec un HAP comme initiateur et des fibres d’amiante comme promoteur ou inversement.
Les fibres d’amiante agissent plutôt comme initiateurs que comme des promoteurs, mais
certains considèrent qu’il s’agit d’un carcinogène complet.
Dans ces essais, les mutations n’ont pas été identifiées, ni les anomalies moléculaires
des cellules tumorales, mais les découvertes ultérieures s’inscrivent dans ce schéma
général de progression tumorale multi-étape au cours de laquelle les cellules somatiques
subissent des changements génétiques, mais aussi des modifications de leur micro-
environnement. Plus récemment, l’effet promoteur de nanotubes de carbone multi-paroi
(NTC) a été étudié, in vivo, chez la souris exposée au méthylcholanthrène (par voie
intrapéritonéale) en tant qu’initiateur et au NTC (par inhalation) en tant que promoteur.
Les NTC n’augmentaient pas la fréquence des tumeurs pulmonaires, par rapport aux
contrôles, mais l’exposition au méthylcholanthrène induisait des cancers du poumon et
l’incidence était fortement accrue par l’exposition aux NTC comparativement au méthyl-
cholanthrène seul (Sargent et al., 2014).
Hanahan (2014) a défini dix caractères que les cellules acquièrent au cours du
processus tumoral. Les différentes acquisitions concernent : une instabilité génétique
et des mutations géniques, une prolifération autosuffisante, l’échappement au contrôle
des gènes suppresseurs de tumeur, une dérégulation du métabolisme énergétique, une
résistance à la mort cellulaire, une capacité à se diviser sans limitation, l’induction
d’angiogenèse, l’activation des mécanismes de métastase et d’invasion, l’inflammation
locale à effet promoteur potentiel et l’échappement au contrôle immunologique. Les
cellules cancéreuses sont susceptibles de produire elles-mêmes leurs facteurs de crois-
sance (facteurs autocrines) et d’avoir, en raison de mutations, une activation constitutive
des récepteurs aux facteurs de croissance, une activation des voies de prolifération ou à
l’inverse une inactivation de contrôle négatif de ces voies. Dans les cellules tumorales,
il y a soustraction à l’effet de suppresseurs de croissance, par inactivation des gènes
suppresseurs de tumeur. Les étapes ultérieures consistent en l’invasion tissulaire et le
processus métastatique. Elles impliquent une perte de l’inhibition de contact entre les
cellules qui maintient la structure tissulaire. Ce processus est aussi associé à la transition
épithélio-mésenchymateuse (TEM) (voir ci-après). Ces caractères résultent à la fois des
modifications intrinsèques des cellules telles que les mutations, les divergences méta-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
125
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
126
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
Il faut souligner ici que le génome est aussi soumis à des modifications épigénétiques
qui, outre les mutations génétiques et chromosomiques, sont capables de jouer un rôle
dans ces mécanismes en levant ou en inhibant l’expression de gènes appropriés.
épithéliaux est réprimée tels que celui codant pour la E-cadhérine, suite à l’activation du
répresseur transcriptionnel SNAIL, la desmoplakine et certaines cytokératines alors que
celle des gènes mésenchymateux, codant pour N-cadhérine ou vimentine par exemple
est activée. Cette différenciation est liée à la perte de propriétés des jonctions intercellu-
laires des cellules épithéliales, desmosomes, jonctions adherens et jonctions serrées. De
nombreux facteurs de croissance induisent la TEM, FGF, PDGF ou IGF par exemple et
plusieurs voies de signalisation la régulent, telles TGFβ, WNT, NOTCH, MAPK (Thiery
et al., 2009). Les données récentes indiquent que la TEM est régulée via une reprogram-
mation épigénétique et par des modifications post-traductionnelles (Wu et al., 2012).
127
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
128
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
avec son milieu, car les altérations s’accumulent au cours de divisions cellulaires, mais
aussi parce que les fonctions des gènes et les activations des voies de signalisation doivent
se produire dans un ordre correct et au bon moment (stress réplicatif ; cohérence entre
réplication de l’ADN et transcription par exemple) (Fig. 7. 3).
Mécanismes
altérés
des gènes jouant un rôle dans la prolifération cellulaire ou son contrôle et provoquer
une instabilité génomique. Celle-ci, associée à de nouvelles altérations génomiques,
donne un avantage sélectif aux cellules néoplasiques.
129
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Signature mutationnelle
Les agents génotoxiques, par l’intermédiaire d’altérations génétiques, conduisent à
des changements dans l’information génétique des cellules somatiques. Ces altérations
aboutissent, à terme, à la transformation maligne de ces cellules. Le type d’altération
induit par chaque agent génotoxique dépend de son mode d’action : induction de
lésions de l’ADN (substitution de bases ou modifications structurales telles que la
formation d’adduits ou de cassures dans l’ADN) de façon directe ou indirecte, inter-
férence avec le fuseau mitotique empêchant une bonne ségrégation des chromosomes
durant la mitose… Il est également dépendant des mécanismes de réparation de l’ADN
mis en œuvre dans les cellules pour réparer les lésions. Ces altérations, qui peuvent
correspondre à des réarrangements chromosomiques ou des mutations ponctuelles,
constituent des signatures moléculaires ou empreintes spécifiques présentes dans le
génome des cellules tumorales.
Au niveau chromosomique, l’association entre l’exposition à un carcinogène et
la présence d’altérations a été, dans un premier temps, analysée par cytogénétique.
Ces approches, consistant à comparer les caryotypes de cellules tumorales issues
de patients exposés ou non au carcinogène ou après exposition de cellules normales
à des carcinogènes, ont pu identifier les modifications du nombre de chromosomes
(aneuploïdie) et de la structure des chromosomes (présence de translocation). Le déve-
loppement des techniques de puce à ADN à haut débit telles que les CGH (Comparative
Genomic Hybridization) ou SNP (Single Nucleotide Polymorphism) micro-arrays ont
permis d’étudier plus finement les régions chromosomiques qui pouvaient être perdues
ou amplifiées suite à une exposition à un carcinogène. Ces pertes et gains de régions
chromosomiques peuvent conduire à une modification du nombre de copies des gènes
et donc à une modification de leur expression.
Historiquement, les lésions de l’ADN ont tout d’abord été déterminées en séquen-
çant, principalement par la méthode de Sanger, des régions spécifiques du génome,
en particulier les loci des gènes impliqués dans la carcinogenèse (gènes suppres-
seurs de tumeur ou oncogènes) fréquemment mutés dans les cellules tumorales. Ces
données ont permis de commencer à associer certains types de substitution de bases
à l’exposition à un carcinogène. Les mutations les plus fréquentes de TP53 dans les
cancers de la peau associés aux rayons UV résultent de transitions C > T, y compris
en tandem CC > TT, conséquence de la formation de dimères de pyrimidine. Pour
le cancer du poumon, on observe des transversions C > A majoritaires, ainsi que des
transitions G > A. Les transversions G > T sont en relation avec la fumée de tabac
car elles sont trouvées chez les fumeurs et pas chez les sujets non-fumeurs, et ce type
de mutations est retrouvé dans des cellules bronchiques exposées à des goudrons de
fumée de cigarette (Hainaut et Pfeifer, 2016). L’exposition à l’aflatoxine B1 provoque
des transversions C > T qui sont retrouvées dans le cancer du foie (Poon et al., 2014).
130
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
Avec les progrès dans les technologies de séquençage et l’avènement des NGS (Next-
Generation Sequencing), il est maintenant possible de séquencer le génome entier
des cellules tumorales et d’identifier les mutations avec une grande sensibilité.
L’impact des méthodes NGS dans la compréhension des signatures mutationnelles
a été décisif en permettant de définir précisément des spectres de mutations. Ainsi,
en 2010, les séquençages du génome entier de mélanomes et de cancers du poumon à
petites cellules ont permis de révéler les spectres de mutations induites par l’exposition
aux rayonnements UV et au tabac, respectivement. La signature mutationnelle liée aux
carcinogènes du tabac d’après la base de données COSMIC qui répertorie les mutations
somatiques dans le cancer (http://cancer.sanger.ac.uk/cosmic/signatures) est présentée
dans la Figure 7.4. Depuis, d’autres signatures mutationnelles ont été extraites à
partir de nombreux génomes de différents cancers, et associées ou non à une exposi-
tion à des agents carcinogènes connus. En revanche, les signatures mutationnelles de
nombreux agents, tels que l’amiante, restent à préciser. Les antécédents d’exposition
et de traitement des patients permettent de guider l’interprétation des spectres muta-
tionnels. Cependant, dans de nombreux cas, cette interprétation est rendue difficile
par plusieurs raisons : (i) l’exposition préalable à un agent cancérigène peut être mal
définie ; (ii) les expositions peuvent être multiples ; (iii) les modes d’action de l’agent
génotoxique et les mécanismes cellulaires de réparation de l’ADN mis en œuvre ne
sont pas suffisamment précisés ; (iv) les différents processus indépendants conduisant
à la transformation néoplasique d’un type de cellules sont méconnus. Par ailleurs,
alors que les signatures mutationnelles reposent actuellement sur les substitutions de
bases, l’intégration des autres altérations génétiques (petites délétions ou insertions),
chromosomiques (variation du nombre de copie du gène par perte ou gain de régions
chromosomiques, translocation…) et potentiellement épigénétiques permettraient de
mieux définir les signatures.
Signature 4
Probability
5%
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GCG
GCG
GCG
ACG
GCA
ACG
GCA
ACG
GCA
ACA
CCG
GCC
ACA
CCG
GCC
ACA
CCG
GCC
ACC
CCA
GTG
GTG
GTG
ACC
CCA
ACC
CCA
CCC
ATG
GTA
ATG
GTA
ATG
GTA
CCC
GCT
TCG
CCC
GCT
TCG
GCT
TCG
ATA
CTG
GTC
ATA
CTG
GTC
ATA
CTG
GTC
ACT
TCA
ACT
TCA
ACT
TCA
ATC
CTA
ATC
CTA
ATC
CTA
CCT
TCC
CCT
TCC
CCT
TCC
CTC
CTC
CTC
GTT
TTG
GTT
TTG
GTT
TTG
ATT
TTA
ATT
TTA
ATT
TTA
TCT
TCT
TCT
CTT
TTC
CTT
TTC
CTT
TTC
TTT
TTT
TTT
131
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
Plèvre Plèvre
pariétale viscérale
Fibres
Cancer du Poumon
cellule
inflammatoire Mésothéliome
Pleural Malin
4 Interaction avec les
2 Dépôt dans les tissus
cellules mésothéliales
pulmonaires
Mésothéliome
3 Translocation à travers la Péritonéal Malin
plèvre viscérale
Cancer de l’ovaire
132
3 Processus impliqués dans le mécanisme de carcinogenèse
133
$IBQJUSFt Pathologies toxiques tumorales
surfaces biologiques telles que la surface des cellules mésothéliales. Enfin, la biopersis-
tance des fibres va dicter leur durée de rétention dans l’espace pleural et notamment leur
propension à induire une irritation des tissus prolongée et une inflammation chronique.
Un rôle de l’inflammasome NLRP3, complexe macromoléculaire protéique activé sous
différents stimuli externes incluant l’interaction avec des particules (comme la silice
cristalline ou l’amiante), participe à l’inflammation en provoquant la maturation de cyto-
kines pro-inflammatoires (He et al., 2016 ; Sayan et al., 2014). Il est important de noter
que d’autres types de fibres partagent des propriétés similaires aux fibres d’amiante. C’est
le cas de fibres minérales naturelles telles que l’érionite ou la fluoro-édénite, dont des
études épidémiologiques dans les régions où l’on retrouve ces fibres, en Cappadoce (située
au centre de la péninsule anatolienne en Turquie) et en Sicile (Italie) respectivement,
ont pu montrer qu’elles étaient également des facteurs de risque pour le mésothéliome.
C’est également le cas de certaines fibres artificielles produites par l’Homme telles que
les fibres céramiques réfractaires ou certains types de nanotubes de carbone dont des
études expérimentales chez les rongeurs ont montré qu’elles pouvaient induire des méso-
théliomes après injection intra-péritonéale ou après inhalation (Kuempel et al., 2016).
Le mésothéliome pleural malin est une tumeur caractérisée par de nombreuses alté-
rations moléculaires au niveau génomique (nombreuses anomalies chromosomiques),
au niveau génétique (mutations principalement de gènes suppresseurs de tumeur) et au
niveau épigénétique (profil de méthylation de l’ADN génomique propre à ces tumeurs).
Une dérégulation de l’expression de nombreux gènes codant pour des ARNs messagers
(mRNA) et donc des protéines, des micro-ARNs (miRNA) et des ARN longs non codants
(long non-coding RNA) a été mise en évidence dans les cellules cancéreuses. Certaines
de ces altérations peuvent être reliées directement au mode d’action des fibres d’amiante
(anomalies chromosomiques), d’autres sont la conséquence de l’évolution du processus
tumoral que les fibres d’amiante ont initié (mutation de gènes spécifiques).
134
4 Conclusions générales et perspectives
135
L’essentiel
Pathologies toxiques tumorales
Apoptose
–
Activation de la prolifération
cellulaire
Inactivation de l’apoptose
Induction de l’angiogenèse
(micro-environnement)
Xénobiotique Cancer
cancérogène
Activation des capacités
d’invasion et de métastases
Activation de l’immortalisation
(télomérases)
136
Chapitre 8
Pathologies toxiques
non tumorales
Introduction
Si la toxicité d’un agent chimique s’exprime à l’échelle d’un individu, il est en effet
important de bien comprendre les mécanismes toxiques à l’échelle de l’organe et les
conséquences cliniques d’une exposition à un agent chimique toxique. Ce chapitre pré-
sente les différents aspects de la toxicologie médicale, en procédant par organe cible.
Après un bref rappel anatomique, histologique et physiologique, on présentera les
méthodes d’investigation propres à chaque organe, et on donnera des exemples concrets
d’action toxique d’agents chimiques d’origine professionnelle et environnementale (en
excluant les médicaments).
Objectifs Plan
Apprendre les notions anatomiques, 1 Neurotoxicité
histologiques et physiologiques 2 Pneumotoxicité
chez l’Homme essentielles pour la 3 Dermatotoxicité
compréhension des effets toxiques d’une 4 Hématotoxicité
substance chimique sur un organe cible.
5 Néphrotoxicité
Comprendre les mécanismes de toxicité
6 Hépatotoxicité
d’un organe causée par une exposition à
7 Reprotoxicité et toxicité
un agent chimique toxique et les modes
du développement
temporels d’exposition et de toxicité
d’organe (aigu, subaigu, chronique).
Connaître les méthodes d’investigation
clinique de la toxicité d’organe : notamment
paracliniques, fonctionnelles, histologiques
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et analytiques.
Prendre en compte les terrains particuliers
(nouveau-né, pathologies pré-existantes,
sujets âgés…) en toxicologie médicale.
137
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
physiologiques importants pour la compréhension de l’effet toxique sur cet organe et leur
cible en s’appuyant sur quelques exemples, puis les différents exemples emblématiques
de toxiques connus, et enfin des méthodes d’étude mises en œuvre pour l’évaluation de
la toxicité.
Les exemples de toxiques présentés correspondent à des toxiques de l’environnement
professionnel ou de l’environnement général ; les toxiques médicamenteux ne sont pas
abordés dans ce chapitre, ni les pathologies tumorales liées à des toxiques professionnels
ou environnementaux, ces dernières étant présentées chapitre 7.
1 Neurotoxicité
Mondialement, des millions de personnes sont actuellement exposées à des substances
dont la neurotoxicité est documentée. Par ailleurs, les éléments de preuve en faveur d’un
lien causal entre l’exposition professionnelle et/ou environnementale à diverses nuisances
chimiques et certaines maladies neurologiques chroniques (en particulier, des maladies
neurodégénératives) sont de plus en plus nombreux. Des interférences entre les toxines
ou les substances chimiques de l’environnement d’une part et le système nerveux d’autre
part sont connues depuis plus de deux cents ans. Depuis le XIXe siècle, l’exploration de
l’organisation et du fonctionnement du système nerveux a, d’ailleurs, souvent utilisé les
effets des agents neurotoxiques.
a) Organisation cellulaire
Il y a deux grandes classes de cellules constitutives du système nerveux. La première est
constituée de cellules excitables, les neurones, qui reçoivent, conduisent et transmettent
des informations. Les cellules gliales constituent la deuxième catégorie de cellules ; elles
ne sont pas excitables mais jouent néanmoins un rôle important au niveau du système
nerveux central où elles sont bien plus nombreuses que les neurones.
Neurones
Les neurones ont un aspect et une taille qui peuvent beaucoup varier d’une partie à une
autre du système nerveux, mais ils ont certaines caractéristiques communes qui sont
déterminantes dans le fonctionnement du système nerveux et pour la compréhension de
certains effets neurotoxiques.
138
1 Neurotoxicité
Corps cellulaire
Noyau
Réticulum endoplasmique
Rugueux
Élément transitionnel
Appareil de golgi
Vacuole autophagique
Réticulum endoplasmique lisse
Polysome libre
Microfilament
Neurofilament
Microtubule
Axolemme
Axone
Mitochondrie
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Citerne Terminaison
nerveuse
Vésicule recouverte
Vésicule synaptique
139
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Cellules gliales
Les principales cellules gliales sont les astrocytes, la microglie et les oligodendrocytes
dans le système nerveux central, les cellules de Schwann dans le système nerveux
périphérique.
• Astrocytes. Il y a deux types d’astrocytes, protoplasmiques et fibreux. Les premiers
sont ceux qui sont les plus abondants dans la substance blanche du système nerveux
central (SNC) et les seconds prédominent dans la substance grise. Comme leur
nom l’indique, ce sont des cellules en forme d’étoile qui se caractérisent par
l’abondance de filaments gliaux dans leur cytoplasme. Les astrocytes, en particulier
ceux de la substance grise, participent à la barrière hémato-encéphalique par leurs
prolongements périvasculaires qui bloquent le passage du sang vers le système
nerveux central. En cas de lésion du système nerveux central, les astrocytes proli-
fèrent, pour former des cicatrices gliales.
• Microglie. La microglie constitue 5 à 20 % des cellules gliales cérébrales. Ce sont
les macrophages du SNC. En cas de lésion cérébrale, elles prolifèrent et phagocytent
les corps étrangers et les débris cellulaires.
• Oligodendrocytes. Les oligodendrocytes sont les cellules gliales responsables de
la myélinisation des neurones du SNC. Ce sont des cellules très riches en réticulum
endoplasmique rugueux. Contrairement aux cellules de Schwann dans le système
nerveux périphérique, chaque oligodendrocyte a la capacité de myéliniser plusieurs
segments d’un même axone ou d’axones différents.
• Cellules de Schwann. Les cellules de Schwann assurent la myélinisation des axones
du système nerveux périphérique. Contrairement aux oligodendrocytes, les cellules
de Schwann ne myélinisent chacune qu’un segment de neurone. Leurs prolongements
myélinisés s’enroulent en spirale autour d’un segment d’axone en constituant des
couches concentriques de lipides en sandwich entre des couches protéiques orientées
140
1 Neurotoxicité
b) Barrière hémato-encéphalique
Le concept de barrière hémato-encéphalique est né à la fin du XIXe siècle, lorsque des
expérimentateurs ont observé que certaines substances ne pénétraient pas ou diffusaient
moins bien dans le SNC que dans d’autres tissus.
La base anatomo-physiologique de cette barrière est double.
• Au niveau cérébral, les cellules de l’endothélium capillaire sont étroitement jointes
et constituent une barrière limitant le passage des substances hydrosolubles dans le
SNC (pour diffuser, elles doivent traverser les cellules endothéliales alors que dans
les autres tissus elles passent principalement entre ces cellules) ; dans certaines
régions du cerveau (plexus choroïdes, noyaux latéraux de l’hypothalamus, area
postrema, épiphyse, hypophyse), les cellules endothéliales sont moins jointives,
le passage du sang vers les structures cérébrales y est donc facilité ; de même, le
bulbe olfactif est un affleurement du SNC au contact avec l’air extérieur et, à ce
niveau, une pénétration directe des substances de l’environnement dans le SNC
est possible.
• Il y a également un pôle glial de la barrière hémato-encéphalique ; il est constitué
par les astrocytes qui enveloppent les capillaires cérébraux et s’opposent au passage
des substances lipophiles. Globalement, la barrière hémato-encéphalique est
moins efficace vis-à-vis des substances lipophiles que vis-à-vis de celles qui sont
hydrophiles.
La neurotoxicité centrale du mercure élémentaire est une bonne illustration du rôle
déterminant de la barrière hémato-encéphalique. En l’occurrence, elle est perméable
au mercure élémentaire (et au mercure organique), pas au mercure ionisé (mercureux
ou mercurique). L’exposition répétée au mercure élémentaire – mais pas ou guère
l’intoxication aiguë, même massive – est responsable d’une encéphalopathie : parce
que, dès son absorption, le mercure élémentaire est rapidement oxydé en mercure
mercurique, de sorte qu’une faible fraction de la dose absorbée seulement peut diffuser
dans le SNC où elle est oxydée et va s’accumuler progressivement, si l’exposition est
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
répétée.
De même, le pralidoxime, antidote de certains composés organophosphorés, ne peut
traverser la barrière hémato-encéphalique : en conséquence, quand il est administré
pour le traitement des intoxications par ces insecticides, il est en capacité d’en corriger
les effets neurotoxiques périphériques, mais pas les effets centraux.
Des observations expérimentales anciennes, dont la pertinence est aujourd’hui
discutée, ont fondé l’assertion partout répétée, mais bien mal étayée, d’une moindre
efficacité de la barrière hémato-encéphalique des prématurés, des nouveau-nés et des
141
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
jeunes enfants, qui les rendrait plus sensibles aux effets neurotoxiques de certains agents,
tels que le plomb, le camphre ou le mercure.
Axone
Réticulum
endoplasmique
Vésicule
Synthèse et trafic des
vésicules et des protéines
Transport antérograde
Synapse
Corps cellulaire
142
1 Neurotoxicité
Conduction nerveuse
Les neurones sont des cellules excitables. L’excitation résulte de la modification de la
perméabilité membranaire à divers cations, essentiellement le sodium, le potassium et
le calcium.
La dépolarisation de la membrane ouvre les canaux sodiques et le sodium pénètre dans
la cellule (c’est la phase ascendante du potentiel d’action), puis les canaux potassiques
s’ouvrent à leur tour et le potassium sort de la cellule, cependant que la perméabilité
au sodium diminue rapidement (c’est la phase décroissante du potentiel d’action). Les
flux ioniques impliqués sont faibles, relativement aux pools sodique et potassique intra-
cellulaires (environ 1/1 000). Cependant, il est nécessaire qu’un mécanisme assure le
retour à l’état quo ante : c’est le rôle de la pompe Na+/K+ - ATPase dépendante qui est
déclenchée par l’augmentation de la natricytie.
Dans les axones myélinisés, la conduction de l’influx nerveux est saltatoire, d’un nœud
de Ranvier à l’autre, parce que seules ces portions des axones ne sont pas myélinisées
et sont porteuses de canaux ioniques.
De nombreuses substances naturelles et de synthèse sont capables de modifier les flux
ioniques transmembranaires et, en conséquence, l’excitation neuronale et la conduction de
l’influx nerveux. Plusieurs exemples en sont donnés, dans le paragraphe ci-après « Alté-
ration de l’excitabilité des neurones et de la conduction axonale ».
Transmission synaptique
Dans le système nerveux, c’est une formation spécialisée, la synapse, qui assure la
communication intercellulaire (entre les neurones ou entre les neurones et la cellule
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effectrice). Les neurotransmetteurs sont libérés dans la fente synaptique par le neurone
présynaptique. Ils peuvent :
• la traverser pour se fixer sur un récepteur post-synaptique et moduler l’activité d’un
canal ionique ou activer un système à second messager ; ce récepteur post-synaptique
est porté par un autre neurone ou par une cellule effectrice (par exemple, dans le cas de
la jonction neuromusculaire, l’acétylcholine est le neuromédiateur qui est libéré et va
se fixer sur les récepteurs cholinergiques des myocytes, produisant leur contraction) ;
• se fixer sur un récepteur de la terminaison synaptique du protoneurone pour moduler
la libération du neuromédiateur.
143
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
144
1 Neurotoxicité
Tests psychométriques
Diverses batteries permettent de tester un grand nombre de fonctions : en particulier,
les performances psychomotrices, les capacités verbales et visuo-spatiales, la mémoire,
l’attention et les fonctions exécutives. Classiquement, elles sont administrées et interpré-
tées par un neuropsychologue expérimenté. Dans le cadre d’études épidémiologiques,
des versions abrégées, standardisées et éventuellement auto-administrables de ces tests
sont parfois utilisées. Dans le même cadre, des questionnaires psychiatriques et plus
généralement de collecte de symptômes neurologiques subjectifs sont disponibles.
Tests neurosensoriels
L’audition, l’odorat et la vue peuvent faire l’objet d’explorations ciblées et approfondies.
Par ailleurs, d’assez nombreuses études ont montré que des troubles de la vision des
couleurs et une altération de la vision des contrastes étaient des signes précoces, assez
constants, d’une encéphalopathie toxique, en particulier quand des solvants organiques
sont en cause. Ces deux fonctions sont assez souvent testées, dans le cadre du dépistage
précoce des effets neurotoxiques centraux des solvants. Dans la même indication, l’éva-
luation de la sensibilité aux vibrations et celle du balancement postural sont également
des épreuves intéressantes.
b) Examens électrophysiologiques
• Électromyogramme : l’électromyographie, associée à la mesure des vitesses de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
145
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
évoqués auditifs du tronc cérébral et les potentiels évoqués cognitifs (ces derniers
évaluent les voies de conduction impliquées dans les associations cognitives).
Imagerie
Au cours des dernières décennies, l’imagerie cérébrale a connu d’importants déve-
loppements et a mis à disposition des équipes médicales de nombreuses techniques
d’intérêt : tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique, tomographie par
émission de positons, tomographie par émission monophotonique… Elles peuvent être
utiles à l’évaluation d’effets neurotoxiques centraux sévères, mais à de rares exceptions
près (par exemple, le diagnostic des encéphalopathies des intoxications oxycarbonées
aiguës sévères), leur sensibilité et leur spécificité sont insuffisantes pour qu’elles soient
utiles au dépistage, au diagnostic précoce ou à l’enquête étiologique en cas d’exposition
à des agents neurotoxiques ou d’encéphalopathie d’origine inconnue.
Études publiées
Les publications rapportant des effets neurotoxiques chez l’Homme sont, en première
intention, celles qui sont les plus pertinentes pour l’évaluation de la neurotoxicité d’un
agent ou d’un groupe d’agents pour l’espèce humaine.
En pratique, cependant, les données humaines accessibles sont, généralement, surtout
constituées de rapports de cas ou de séries de cas. Quand il s’agit d’effets aigus ou
subaigus, le lien causal entre l’exposition et les effets observés peut assez souvent être
évalué comme plausible ou probable ; c’est rarement le cas quand les effets observés sont
chroniques ou retardés. Un des intérêts majeurs des cas individuels et des séries de cas
est de susciter des hypothèses, secondairement validées par des travaux expérimentaux
et/ou épidémiologiques.
La fonction des études épidémiologiques en neurotoxicologie est de rechercher des
associations entre des effets neurotoxiques et l’exposition à certains agents naturels ou
de synthèse et, idéalement, d’évaluer la causalité des associations observées. Elles sont
généralement observationnelles.
Les études expérimentales humaines de la neurotoxicité sont beaucoup plus rares.
C’est pourtant une source potentielle d’informations irremplaçables et éthiquement
acceptables : ainsi, pour l’évaluation des effets neurotoxiques aigus ou subaigus et sub-
cliniques, aux faibles doses (altérations cognitives associées à l’exposition à de faibles
concentrations de solvants organiques ou d’anesthésiques, par exemple).
c) Chez l’animal
De très nombreux tests ont été développés pour l’étude expérimentale des effets neuro-
toxiques chez l’animal :
• des batteries de tests neurocomportementaux très nombreux et divers, en capacité
de prendre en compte de tous les types d’effets neurotoxiques (sensitifs, moteurs,
sensoriels, sur les fonctions supérieures) ;
146
1 Neurotoxicité
d) In vitro
Les études in vitro sont utilisées pour tester des hypothèses spécifiques relatives aux
mécanismes des effets neurotoxiques : espèces chimiques en cause, cible cellulaire,
séquence événementielle aboutissant à l’effet… Elles peuvent utiliser de nombreuses tech-
niques (électrophysiologiques, biochimiques, de toxicologie analytique, histologiques…).
ils sont maintenant présents en Méditerranée et sur les côtes atlantiques de l’Espagne,
du Portugal et du sud de la France. La TTX est également présente dans la peau et les
viscères de certains batraciens (crapauds, tritons) et dans le venin de certaines pieuvres.
La TTX est un inhibiteur de l’ouverture des canaux sodiques rapides. En conséquence,
elle abaisse le seuil d’excitabilité des cellules excitables et bloque la conduction axonale.
Les premiers signes de l’intoxication par la TTX sont des paresthésies péribuccales et des
extrémités qui traduisent des décharges répétitives des récepteurs sensitifs dans ces zones
richement innervées. Ils surviennent quelques minutes à trois heures après l’ingestion et
s’accompagnent fréquemment de troubles digestifs, puis d’une bradycardie et d’une hypo-
tension (traduisant une hyperstimulation du glomus carotidien) et finalement des parésies
147
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
et des paralysies, ainsi que des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire. Tous les
troubles régressent spontanément en quelques heures sans séquelle, si une réanimation
adaptée a pu être mise en œuvre précocement. Cependant, en raison de la précocité de
la survenue de la paralysie respiratoire, la mortalité de ces intoxications est élevée.
D’autres toxines naturelles et des produits de synthèse ont des effets semblables
à ceux de la TTX, comme :
• la saxitoxine et les brévétoxines, toxines sécrétées par des dinoflagellés et concentrées
par des coquillages, bloquent respectivement l’ouverture et la fermeture des canaux
sodiques rapides ;
• les ciguatoxines dans certains poissons, à l’origine de la ciguatera, bloquent la ferme-
ture des canaux sodiques rapides ;
• les toxines scorpioniques et les insecticides de la famille des pyréthrinoïdes sont
des inhibiteurs de la fermeture des canaux sodiques rapides.
148
1 Neurotoxicité
149
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
c) Neuronopathies
On regroupe sous cette dénomination toutes les pathologies neurotoxiques qui sont
susceptibles d’aboutir à la mort du neurone. Les conséquences en sont nécessairement
sévères, puisqu’il n’y a pas de régénération possible. On classe dans la catégorie des
substances susceptibles d’induire des neuronopathies deux types d’agents :
a) ceux qui ont des effets neurotoxiques lésionnels parce qu’ils peuvent être à l’origine
d’une crise énergétique cérébrale par :
• effet hypoglycémiant : insuline et autres médicaments hypoglycémiants ; hypo-
glycine contenue dans les baies de Blighia sapida quand elles ne sont pas arrivées
à maturité (cet arbre des régions subtropicales est périodiquement à l’origine
d’épidémies de graves intoxications infantiles) ; toxines de Trogia venenata, un
champignon qui a été responsable d’épidémies d’intoxications mortelles en Chine ;
• hypoxie tissulaire :
– en empêchant l’utilisation tissulaire de l’O2 : acide cyanhydrique et cya-
nures alcalins ou hydrogène sulfuré qui bloquent la cytochrome oxydase ;
– en bloquant son transport des poumons vers les tissus : CO et agents mé-
thémoglobinisants ; substances susceptibles d’induire des troubles hémo-
dynamiques sévères (voir « Hématotoxicité » p. 186) ;
– en empêchant l’hématose : agents asphyxiants (tous les gaz qui sont ca-
pables de faire fortement diminuer la concentration de l’O2 dans l’air) ou
substances capables de produire des troubles respiratoires sévères.
b) les substances qui ont des effets délétères sur tous les neurones, ou sur certains
d’entre eux. Elles sont nombreuses, mais leur mode d’action est généralement
inconnu ou incomplètement compris. Dans cette catégorie, les exemples le plus
souvent cités sont :
• le méthylmercure dont les effets neurotoxiques associent une détérioration intel-
lectuelle, des troubles de l’humeur et de la personnalité, des déficits moteurs,
sensitifs et sensoriels, associés à des lésions dégénératives extensives du système
nerveux, en particulier, corticales, des voies optiques et auditives, du cervelet et
de la moelle épinière ; les mécanismes de cette toxicité neuronale extensive sont
encore largement incompris ;
• les sels organiques d’étain qui induisent des lésions neuronales affectant plus
particulièrement certaines régions spécifiques du système nerveux central
(hippocampe, surtout corne d’Ammon et gyrus denté) ; leur mécanisme d’action
est toujours discuté et ces lésions neuronales sont associées à une atteinte des
oligodendrocytes (voir myélinopathies p. 153).
Pour de rares substances, le mécanisme des lésions neuronales est mieux compris.
C’est le cas de la méthylphényltétrahydropyridine (MPTP) et du manganèse, qui
lèsent spécifiquement les neurones dopaminergiques du système nerveux central :
150
1 Neurotoxicité
̭ La MPTP est une impureté qui a été produite lors de la synthèse illégale de la péthi-
dine (un opiacé utilisé en substitution de l’héroïne), en Californie, à la fin des années
1970. Les utilisateurs de la péthidine contaminée ont rapidement (en quelques jours)
développé un syndrome parkinsonien invalidant et définitif. Chez les personnes décé-
dées et chez les animaux auxquels la MPTP a été secondairement administrée, elle
a produit une dégénérescence des neurones dopaminergiques. Les travaux ultérieurs
ont clarifié le mécanisme de cet effet. La MPTP passe la barrière hémato-encépha-
lique. Dans les astrocytes, elle est oxydée par la monoamine oxydase-B (MAO-B)
en un ion dihydropyridinium (MPDP+), puis en un ion pyridinium (MPP+) et c’est ce
dernier métabolite qui est en capacité de pénétrer dans les neurones dopaminergiques,
en utilisant le mécanisme de transport actif de la dopamine. Dans les neurones dopa-
minergiques, le MPP+ agit comme un poison mitochondrial et bloque la respiration
cellulaire ; il augmente également la production d’espèces réactives de l’O2 (Fig. 8.3).
Tissus
MPTP Métabolisme (monoamine oxydase [MAO] périphériques
et autres enzymes)
Barrière
hémato-
Inhibiteurs de
MPTP encéphalique
la MAO-B (IMAO-B)
MPDP+
Radicaux libres
Inhibiteurs Dopamine
+
de la pénétration MPP
Dommage
membranaire
MPP+ MPP+
Vésicule Cerveau
Pertubation de
l’homéostasie calcique
MPP+ Terminaison
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neuronale
NADH + H+ + CoQ NAD+ + CoQH2
dopaminergique
ADP ATP
inhibition du complexe I
Mitochondrie
151
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
transitoirement dans les noyaux gris centraux et les neurones dopaminergiques ; 2) qu’il
y induisait un dysfonctionnement mitochondrial et un stress oxydatif et finalement la
mort neuronale. Les mécanismes impliqués ne sont pas encore parfaitement élucidés.
d) Axonopathies
Les axonopathies sont caractérisées par une atteinte spécifique de l’axone qui dégénère
et avec lui la gaine de myéline, quand le neurone est myélinisé. Le corps cellulaire
est préservé et l’axone peut être régénéré, si l’exposition responsable de l’atteinte est
interrompue.
Gamma-dicétones
La mieux étudiée des axonopathies est celle induite par la 2,5-hexanedione, qui est une
gamma-dicétone. Il s’agit du principal métabolite du n-hexane (et de la n-butylcétone).
L’exposition répétée au n-hexane est responsable d’une neuropathie sensitivomotrice
centrale et périphérique d’évolution ascendante. Elle est caractérisée par l’apparition,
après plusieurs semaines ou mois d’exposition, d’un syndrome déficitaire sensitivo-
moteur, qui touche d’abord les extrémités des membres inférieurs et a une évolution
progressivement ascendante ; après quelques semaines, les membres supérieurs sont, à
leur tour, atteints et le syndrome déficitaire y a la même évolution ascendante. En fait,
d’autres neurones longs et de gros calibres sont simultanément touchés dans le SNC
(en particulier, au niveau des faisceaux pyramidaux), mais ces lésions centrales sont
initialement masquées par les déficits périphériques.
Le mécanisme de l’atteinte est compris : le n-hexane est métabolisé par des mono-
oxygénases à cytochrome P450, en particulier par le CYP2E1 ; son principal métabolite
est la 2,5-hexanedione. Dans les neurones, ce métabolisme est axonal. La 2,5-hexa-
nedione est électrophile ; elle se lie avec des groupements aminés libres de protéines
axonales (des neurofilaments) pour former des adduits pyrrole. L’oxydation secondaire de
ces adduits leur permet de se lier à nouveau avec d’autres neurofilaments, ce qui forme
des amalgames de neurofilaments dont la taille s’accroît progressivement à mesure qu’ils
progressent au long de l’axone, du corps cellulaire vers la périphérie. In fine, l’amas de
neurofilaments obstrue l’axone au niveau d’un nœud de Ranvier. Les flux axonaux étant
interrompus, la partie distale de l’axone se trouve en crise énergétique et dégénère.
Insecticides organophosphorés
Dans les jours ou les semaines suivant une intoxication aiguë ou subaiguë par certains
insecticides organophosphorés peut survenir une axonopathie distale ascendante sensi-
tivomotrice, à prédominance motrice, qui progresse pendant environ 3 mois avant de se
stabiliser et de régresser. Comme pour l’axonopathie des gamma-dicétones, l’atteinte
est, en fait, centrale et périphérique et elle touche d’abord les axones les plus longs à leur
périphérie ; elle a aussi une évolution ascendante et comme avec les gamma-dicétones
des amas neurofilamenteux sont observés au niveau de nœuds de Ranvier périphériques ;
152
1 Neurotoxicité
ils sont associés à une dégénérescence de la portion de l’axone située en aval. Le méca-
nisme de la formation des amas neurofilamenteux n’est pas parfaitement élucidé. La
formation d’adduits, puis de ponts organophosphates, à l’imitation des adduits et des
ponts pyrroles des neuropathies des gamma-dicétones, est supputée par certains auteurs.
Disulfure de carbone
Le disulfure de carbone est à l’origine de neuropathies périphériques, cliniquement et
histologiquement proches de celles induites par les gamma-dicétones. Le mécanisme de
leur production est également proche de celui impliqué avec les gamma-dicétones. C’est
le disulfure de carbone lui-même qui réagit avec les groupements aminés des protéines
pour former des adduits dithiocarbamates. Ceux-ci sont secondairement transformés en
adduits isothiocyanates électrophiles qui réagissent avec d’autres groupements nucléo-
philes protéiques pour produire des ponts thiourée entre protéines et finalement des amas
neurofilamenteux qui finissent par obstruer l’axone.
e) Myélinopathies
Les myélinopathies toxiques peuvent résulter d’un œdème intramyélinique ou de dégéné-
rescence des cellules productrices de myéline (cellules de Schwann au niveau du système
nerveux périphérique et oligodendrocytes au niveau du SNC).
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Triéthylétain
Au début des années 1950, en France, la présence dans une préparation antiseptique
(Stalinon®) à base de diododiéthylétain d’impuretés de triéthylétain (TET) a été à l’ori-
gine d’une épidémie d’encéphalopathie : plus de 200 cas en ont été recensés, dont une
centaine ont été mortels. Les premières manifestations cliniques apparaissaient quelques
jours après le début de l’exposition ; il s’agissait de signes d’hypertension intracrânienne
(céphalées, nausées, vomissements, puis rapidement troubles de la vision, confusion,
coma et convulsions). À l’autopsie, les malades décédés avaient un œdème de la substance
blanche avec de sévères altérations des oligodendrocytes.
153
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Ces atteintes cérébrales ont été confirmées et précisées par l’expérimentation animale.
Dans plusieurs espèces, l’administration unique ou répétée de TET a reproduit l’encé-
phalopathie spongiforme observée chez l’Homme : œdème du cerveau et de la moelle
épinière, spongiose de la substance blanche résultant de nombreuses vacuoles. Histologi-
quement, le corps cellulaire et les axones des neurones étaient préservés ; la vacuolisation
apparaissait au sein de la myéline dans les oligodendrocytes. Biochimiquement,
la composition de la myéline était inchangée. C’est sa production qui était inhibée.
La cible cellulaire du TET semble être mitochondriale et la panne énergétique corollaire
(blocage de la phosphorylation oxydative et du cycle de Krebs) explique probablement les
effets observés. L’oligodendrocyte lui-même est longtemps préservé et, en conséquence,
les lésions régressent assez rapidement, à l’arrêt de l’exposition.
Hexachlorophène
Dans les années 1970, l’application cutanée de talc contenant de l’hexachlorophène a été
à l’origine d’assez nombreux cas d’encéphalopathie démyélinisante, chez des nourris-
sons. Ce composé lipophile passe facilement la barrière hémato-encéphalique. Comme
le triéthylétain, il est responsable d’une encéphalopathie spongiforme. Le mécanisme
des effets neurotoxiques de l’hexachlorophène n’est pas parfaitement élucidé. Il semble
que, comme avec le TET, la cible principale soit les mitochondries des oligodendrocytes.
Tellure
Il n’y a pas de cas humain publié de neuropathie au tellure. Expérimentalement, dans
plusieurs espèces animales, cet élément a produit de sévères atteintes démyélinisantes,
centrales et périphériques. Le tellure perturbe la synthèse de la myéline : il inhibe
la synthèse du cholestérol et des cérébrosides (lipides richement représentés dans la
myéline), dans les oligodendrocytes et les cellules de Schwann. Le squalène, précurseur
du cholestérol, s’y accumule : selon certains auteurs, la squalène-époxydase serait la prin-
cipale cible du tellure. Les cellules de Schwann et les oligodendrocytes qui sont les plus
vulnérables aux effets du tellure sont ceux qui assurent la myélinisation des plus grandes
portions d’axones (parce que ce sont les cellules qui doivent assurer la maintenance de
la plus grande quantité de myéline). À l’arrêt de l’exposition, les lésions démyélinisantes
sont rapidement corrigées.
Toxine diphtérique
La toxine produite par Corynebacterium diphteriae est un polypeptide d’une masse
molaire de 63 000 daltons. Elle est responsable d’une neuropathie motrice touchant
presque exclusivement les nerfs crâniens. Le déficit résulte d’une démyélinisation. C’est la
toxine entière qui pénètre dans les cellules de Schwann. Dans le cytosol de ces dernières,
elle est clivée en deux fragments, A et B. C’est le fragment A (PM 24 000 daltons) qui est
à l’origine des effets neurotoxiques en bloquant la synthèse protéique. L’atteinte sélective
des nerfs crâniens a une explication trivialement topographique : le bacille prolifère dans
la gorge et ce sont les nerfs voisins qui sont touchés.
154
2 Pneumotoxicité
1.4 Conclusion
Cette rapide revue des effets neurotoxiques des substances naturelles ou de synthèse n’a,
par essence, pas de prétention d’exhaustivité. Elle vise seulement à décrire les princi-
pales cibles des agents neurotoxiques, les modalités d’exploration de ces derniers et les
mécanismes impliqués. Tous les effets neurotoxiques possibles ne sont pas évoqués : par
exemple, ne sont traités ni les effets toxiques pour les astrocytes ou l’implication de la
microglie dans les effets neurotoxiques, ni les effets dépresseurs du SNC, ou les troubles
cognitifs induits par l’exposition répétée à certains agents (solvants organiques, métaux).
Les choix faits ne sont pas complètement arbitraires : ils ont été principalement guidés
par la connaissance des mécanismes impliqués. C’est selon le même principe qu’ont été
sélectionnés les exemples retenus pour illustrer ces mécanismes.
2 Pneumotoxicité
Les atteintes respiratoires d’origine toxique couvrent un spectre très large de types
d’atteintes en fonction de la nature du toxique en cause. Elles sont susceptibles
d’affecter différents étages de l’appareil respiratoire : zone de conduction (trachée, bronches,
bronchioles), zone d’échange (alvéoles) et enveloppe (plèvre). Les atteintes respiratoires
toxiques peuvent survenir à court terme (de façon aiguë) ou à long terme après des
expositions répétées. Nous n’aborderons pas ici les pathologies respiratoires d’origine
médicamenteuse (pour en savoir plus, un site leur est dédié, http://www.pneumotox.com/),
infectieuse ou immunologique. De même, les pathologies pulmonaires post-tabagiques ou
consécutives à la pollution atmosphérique provenant de sources anthropogéniques (trafic
automobile, activités industrielles et domestiques…) et naturelles (éruptions volcaniques,
feux de forêt…) ne sont pas développées ici.
Les atteintes respiratoires d’origine toxique peuvent survenir à court terme (aiguës)
ou à long terme après le plus souvent des expositions répétées dans le temps.
155
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
alvéoles (300 millions) représentant une surface d’échange totale d’environ 180 m2. La
zone de conduction part de la cavité nasale jusqu’aux bronches. La zone intermédiaire
correspond aux bronchioles et la zone d’échange correspond à la région alvéolaire.
La paroi des bronches est composée d’une muqueuse, d’une sous-muqueuse et d’une
musculeuse composée de myocytes lisses et une partie cartilagineuse. La muqueuse
bronchique est composée de plusieurs types cellulaires, notamment des cellules ciliées,
des cellules caliciformes (ou à mucus), des cellules neuro-endocrines et des cellules
basales permettant le renouvellement cellulaire. Les bronchioles sont en outre composées
de cellules de Clara contenant du cytochrome P450. Les bronchioles respiratoires sont
dépourvues de muscle lisse.
Les alvéoles sont composées de pneumocytes de type I et de type II. Le pneumocyte
de type I fait partie de la membrane alvéolo-capillaire avec la cellule endothéliale du
capillaire permettant les échanges gazeux d’O2 et de CO2. Les pneumocytes de type II
produisent le surfactant qui est un liquide macromoléculaire composé de phospholipides
et de protéines permettant la béance alvéolaire lors de l’expiration et peuvent se différen-
cier en pneumocytes de type I lors de leur prolifération en cas d’agressions chimiques
par exemple. Les macrophages alvéolaires sont présents à la surface des alvéoles dans le
surfactant. Ceux-ci sont doués de phagocytose permettant de phagocyter des particules
notamment.
La clairance pulmonaire comprend plusieurs mécanismes : la clairance muco-ciliaire
(épuration rapide vers le carrefour aérodigestif), la clairance immunologique (macro-
phages alvéolaires et polynucléaires neutrophiles notamment) et l’épuration lymphatique.
156
2 Pneumotoxicité
157
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
b) Seuil d’olfaction
Certaines substances chimiques ont des seuils de détection olfactive auxquels sont
associées des notions de danger et de toxicité, avec parfois pour une même substance
chimique, une grande variabilité selon les auteurs.
Il est important de souligner que :
• la sensation d’irritation de la muqueuse nasale et l’olfaction empruntent des voies
neurophysiologiques très différentes ;
• la non-perception d’une odeur n’est pas forcément associée à une innocuité de l’agent
chimique ;
• des facteurs physiologiques (accoutumance à une odeur, température et degré d’hygro-
métrie) et des facteurs pathologiques (rhinite, altération quantitative et/ou qualitative
de l’odorat notamment) peuvent expliquer une partie de la variabilité de la perception
olfactive interindividuelle et intra-individuelle.
La dose inhalée dépend de la concentration atmosphérique de la substance chimique
inhalée, de la durée d’exposition, du mode ventilatoire du sujet exposé (dépendant notam-
ment du mode d’inspiration [buccale ou nasale] ou de l’intensité de l’activité physique
[débits ventilatoires augmentés lors de l’effort physique]), mais également des moyens de
protection respiratoire portés par la victime lors de l’exposition. Le terrain de la victime
est également un élément important à prendre en compte en cas d’intoxication : des
maladies préexistantes, comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO),
altèrent l’épithélium bronchique et affectent ainsi la clairance muco-ciliaire bronchique.
a) Fièvres d’inhalation
Elles regroupent trois syndromes pseudo-grippaux : la fièvre des métaux, la fièvre des
polymères et le syndrome toxique des poussières organiques.
La physiopathologie des fièvres d’inhalation reste encore mal connue. La fièvre des
métaux semble être due à une activation non spécifique, c’est-à-dire d’origine non aller-
gique, des macrophages alvéolaires et des cellules épithéliales pulmonaires par une
cascade de libération de médiateurs de l’inflammation, tels que les interleukines IL-6
et IL-8, et le TNFα. Dans le syndrome toxique des poussières organiques, une réaction
inflammatoire à des composants toxiques de matériels végétaux ou à des contaminants
bactériens et fongiques semble être d’origine non allergique, médiée par des cytokines.
158
2 Pneumotoxicité
chauffage portant des métaux en fusion, de pulvérisations de métaux sur des surfaces
ou de galvanisation peuvent engendrer une fièvre des métaux. Selon certains auteurs,
d’autres oxydes métalliques que les oxydes de zinc pourraient également causer une
fièvre des métaux (cuivre, magnésium, aluminium, antimoine, fer, manganèse, nickel,
sélénium, argent, étain et cadmium), mais de façon moins documentée, sauf pour le
cuivre. La fièvre des métaux ne doit pas être confondue avec une pneumopathie chimique
induite par certains métaux ou une pneumopathie d’hypersensibilité, éventualité rare
mais démontrée pour les oxydes de zinc.
de malaise général (de façon inconstante, frissons, céphalées, myalgies, nausées voire
vomissements). Dans le cas de la fièvre des métaux, une sensation de goût métallique
dans la bouche peut être ressentie. Les symptômes respiratoires sont habituellement
modérés, comprenant principalement des signes d’irritation des voies aériennes supé-
rieures avec parfois des symptômes plus sévères avec une dyspnée. L’examen physique
est habituellement normal. Cependant, l’auscultation pulmonaire peut attirer l’attention,
car parfois des râles crépitants sont perçus dans les cas les plus graves.
Au niveau des examens complémentaires, il existe habituellement une polynucléose
sanguine à polynucléaires neutrophiles précoce et transitoire comme la fièvre. Le liquide
de lavage broncho-alvéolaire montre, le plus souvent dans les 24 premières heures après
l’exposition, une augmentation importante des polynucléaires neutrophiles, représentant
159
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
160
2 Pneumotoxicité
sont les seules à être atteintes, mais des signes radiologiques d’épaississements péri-
bronchiques peuvent être visualisés. Dans les cas de pénétration d’agents chimiques
dans le poumon profond, la radiographie thoracique est normale durant la période
de latence. Puis, progressivement, apparaissent un syndrome interstitiel, un œdème
alvéolaire, des infiltrats pulmonaires, des atélectasies, voire même des poumons
blancs. À ces signes radiologiques, peuvent se surajouter des images radiologiques
d’infection bronchopulmonaire.
Selon le type d’agent chimique impliqué et les circonstances de l’accident chimique,
d’autres complications peuvent survenir et d’autres organes peuvent être atteints.
161
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
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2 Pneumotoxicité
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$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
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2 Pneumotoxicité
poisons mitochondriaux (chlorure de cyanogène [CK]) et les gaz vésicants (la Lewisite
[2-chlorovinyldichlorarsine] et l’ypérite appelée gaz moutarde [sulfure de 2,2'-dichlo-
rodiéthyle]). Les gaz vésicants sont très irritants, pouvant occasionner un œdème aigu
du poumon lésionnel retardé, mais dans des délais plus brefs dans le cas de la Lewisite.
L’ypérite a été notamment employée lors du conflit Iran-Irak causant chez les sujets
exposés de sévères lésions broncho-pulmonaires et des neutropénies retardées et des
séquelles respiratoires, avec notamment des trachéomalacies, des hyperréactivités
bronchiques et des bronchiolites oblitérantes.
Substances organiques
• Solvants organiques : rarement la cause de pathologies pulmonaires aiguës. Néan-
moins, des expositions aiguës, à de très fortes concentrations, à des vapeurs solvantées
dans des espaces confinés peuvent être à l’origine de pneumopathies chimiques et
d’œdèmes pulmonaires souvent chez des victimes ayant perdu connaissance lors de
l’accident.
• Produits phytosanitaires : les substances organiques utilisées en milieu agricole
peuvent causer des pathologies pulmonaires toxiques sans inhalation, mais uniquement
après ingestion de certains produits phytosanitaires, par exemple le paraquat qui est
le plus connu ou la famille des organophosphorés.
– Le paraquat (1,1 diméthyl 4,4′ bipyridylium) est un herbicide utilisé sur toutes
les cultures (viticoles, maraîchères, céréalières…). Après ingestion orale, il est
rapidement absorbé par voie intestinale avec un pic maximal à 2 heures et
accède à l’appareil respiratoire et à d’autres organes (reins, foie) par la circulation
sanguine. En revanche, il est faiblement absorbé (moins de 10 %) par voie cuta-
née ou respiratoire. La dose létale minimale est estimée entre 35 et 40 mg/kg.
Il exerce une toxicité spécifique sur l’épithélium pulmonaire en induisant une
peroxydation lipidique, après transformation de l’oxygène en anion superoxyde
par sa forme réduite et une déplétion en NADPH. L’intoxication se déroule en
trois phases. Dans la phase initiale, des lésions caustiques très douloureuses se
traduisent par des douleurs pharyngées et abdominales, et des vomissements.
Des formes suraiguës peuvent entraîner le décès du sujet exposé par une insuf-
fisance respiratoire suite à un œdème pulmonaire non cardiogénique et à une
hémorragie alvéolaire dans un tableau de SDRA ou dans le cadre d’une dé-
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2 Pneumotoxicité
matériaux employés dans un processus industriel ou brûlés lors d’un incendie. Pour le cas
des matières plastiques, les principaux gaz formés lors de leur dégradation thermique ou
de leur pyrolyse sont le CO, le CO2 et la vapeur d’eau, le méthane et des hydrocarbures
aliphatiques et aromatiques (polyéthylène, polypropylène…), mais aussi du chlorure
d’hydrogène et des hydrocarbures chlorés (polymères chlorés : PVC), des composés
fluorés et de fluorure d’hydrogène (polymères fluorés : PTFE…), de l’ammoniac, des
nitriles, de cyanogène, de cyanure d’hydrogène ou plus rarement des oxydes d’azote
(polymères azotés : polyamides, polyuréthannes, polyacrylonitrile, aminoplastes…),
des aldéhydes (polyméthacrylate de méthyle, polyamides, polyalcool vinylique…) et du
SO2 ou du SH2 (polysulfones et polysulfure de phénylène).
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2 Pneumotoxicité
est un asthme non allergique qui peut survenir chez des sujets ayant subi une agression
chimique des voies respiratoires sévère. Le RADS répond, après avoir éliminé d’autres
diagnostics, aux critères diagnostiques suivants : absence de manifestations respira-
toires antérieures, début des symptômes d’asthme (toux, dyspnée, râles sibilants) dans
les 24 heures après une exposition unique à un agent causal irritant (vapeur, fumée…)
à forte concentration, persistance des symptômes pendant au moins trois mois et test
à la méthacholine positif associé ou non à un TVO.
L’incidence et les mécanismes à l’origine de l’asthme post-inhalation et de l’asthme
induit par des irritants restent à élucider. Des observations récentes chez des pompiers
et d’autres personnels impliqués dans des opérations de secours pendant et après la
catastrophe du World Trade Center suggèrent que le RADS peut survenir chez une
proportion significative de sujets exposés sans survenue de signes cliniques de lésions
pulmonaires graves.
a) Pneumoconioses
Les pneumoconioses sont des maladies pulmonaires non tumorales résultant de
l’inhalation de particules minérales ou organiques en excluant l’asthme, la bronchite
et l’emphysème.
Deux paramètres importants caractérisant un aérosol particulaire sont à prendre en
compte : le profil granulométrique (distribution de la taille des particules) et la nature
physico-chimique de la particule. Une particule peut être assimilée, quelle que soit sa
forme, à une sphère théorique selon sa densité et ses dimensions réelles, permettant
ainsi de calculer un diamètre aérodynamique moyen permettant de définir des classes
granulométriques. Les particules sont arrêtées selon leur taille dans l’appareil respira-
toire comme suit :
– > 100 μm : au niveau des fosses nasales ;
– 20 à 100 μm : au niveau de la partie supérieure de l’arbre respiratoire ;
– 5 à 20 μm : au niveau de la zone de conduction (trachées et bronches) ;
– < 5 μm (et une faible fraction entre 5 à 10 μm) : au niveau de la zone d’échange
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$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Pneumoconioses fibrogènes
Silicose
Il existe trois types de silice cristalline (quartz, cristobalite et tridymite). Lors du chauf-
fage au-delà de 1 000 °C, le quartz peut être transformé en cristobalite, puis en tridymite
avec un pouvoir fibrogène croissant. Il est important de noter que la silice amorphe n’est
pas fibrogène, mais que son chauffage peut conduire à la formation de cristobalite. Les
principaux secteurs et professions exposés à la silice cristalline sont les suivants : extrac-
tion de roches contenant de la silice cristalline (carrières, forage, perçage de tunnels,
concassage, mines de fer, de charbon…), industrie du verre, de la céramique, fonderies
ou travaux de sablage, ponçage ou de meulage.
La silicose peut être aiguë en cas d’inhalation aiguë et massive de silice cristal-
line réalisant un tableau d’insuffisance respiratoire aiguë avec un aspect d’œdème
pulmonaire. Le plus souvent, il s’agit d’une forme chronique, asymptomatique ou se
révélant par une toux chronique ou une dyspnée d’effort. Les lésions radiologiques
sont constituées par des micronodules de 1 à 3 mm de diamètre, à distribution
lymphatique, prédominant dans les lobes supérieurs. Des adénopathies médiastinales
calcifiées ou non sont fréquemment associées. L’évolution se fait vers la confluence
des nodules en masse fibreuse rétractant les structures adjacentes conduisant à
des distorsions bronchiques et des lésions d’emphysème paracicatriciel. Il existe
un risque accru de développer un cancer bronchique primitif (voir chapitre 7).
Certaines associations ont été rapportées : association à une sclérodermie (syndrome
d’Erasmus), à une polyarthrite rhumatoïde (syndrome de Caplan-Colinet) ou au
cancer bronchique primitif.
Amiante
Ce terme désigne un groupe de fibres minérales naturelles comprenant deux familles,
les serpentines (chrysolite) et les amphiboles (crocidolite, amosite notamment).
Du fait de grandes propriétés physico-chimiques (résistance à la chaleur et à la traction
et à la friction, bonne résistance aux attaques acides), l’amiante a été très largement utilisé
sous des formes diverses (flocage, cordelette, amiante tissé, ou de fibrociment) jusqu’à
son interdiction en France au 1er janvier 1997. Les flocages en amiante ont été interdits
en France en 1978. Les principales professions pouvant être associées encore aujourd’hui
à une exposition à l’amiante sont les professions du bâtiment lors d’intervention sur des
matériaux contenant de l’amiante.
Après inhalation, les fibres d’amiante atteignant la région alvéolaire sont phago-
cytées par des macrophages. Les corps asbestosiques (CA) sont les résidus de fibres
d’amiante engainés d’une couche ferro-protidique visibles en microscopie optique
plusieurs dizaines d’années du fait de leur biopersistance. De même, les fibres
d’amiante nues peuvent être visualisées et caractérisées en microscopie électronique.
170
2 Pneumotoxicité
Autres pneumoconioses
Autres pneumoconioses de surcharge
Par exemple, la fibrose pulmonaire du mineur de charbon ou les pneumopathies consé-
cutives à des expositions à divers métaux.
Bérylliose
Il s’agit d’une granulomatose, consécutive à un processus immunoallergique surve-
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nant chez certains sujets exposés. Il existe une prédisposition génétique pour les sujets
porteurs du HLA DP β 1 avec un glutamate en position 69. Les secteurs d’activité les
plus concernés sont la fabrication d’alliages, l’industrie nucléaire, électronique ou aéro-
nautique, la fabrication de céramiques, les prothésistes dentaires.
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$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
facteurs génétiques sont aussi connus mais rares, comme le déficit en α1-antitrypsine
souvent lié à un emphysème précoce et sévère. La responsabilité de facteurs profession-
nels dans la genèse ou l’aggravation de certaines BPCO est désormais établie. Toutefois,
aucun phénotype clinique ou fonctionnel ne permet de distinguer une BPCO profession-
nelle d’une BPCO post-tabagique.
Les études épidémiologiques montrent un rôle important des expositions profession-
nelles, notamment aux gaz, poussières, vapeurs et fumées, dans la survenue de BPCO.
D’après une revue de la littérature récente, la fraction de risque attribuable aux facteurs
professionnels est estimée à environ 15 % pour le TVO et la bronchite chronique. Il
existerait un effet synergique entre les expositions professionnelles et le tabagisme dans
la BPCO. Plusieurs secteurs ou activités professionnelles ont été identifiés comme étant
à haut risque de BPCO. Les secteurs professionnels le mieux étudiés et pour lesquels
en dispose des données les plus solides (tableau 8.2). Certaines nuisances sont présu-
mées être responsables d’un excès de risque de BPCO. Les données de la littérature sont
convaincantes pour la silice cristalline, les poussières de charbon, de coton et de céréales,
les endotoxines bactériennes et les fumées de gaz d’échappement de moteurs Diesel.
c) Asthme professionnel
L’asthme professionnel représente 10 à 15 % des asthmes de l’adulte. Il s’agit soit d’un
asthme de novo causé par l’exposition à un allergène sur le lieu du travail, soit d’un
asthme préexistant aggravé par le travail.
Il existe deux types d’asthme professionnel :
• l’asthme immunologique (avec période de latence). La période de latence entre le
début de l’exposition et la survenue de l’asthme correspond au temps nécessaire à
l’acquisition d’une sensibilisation à l’agent causal ;
• l’asthme non immunologique (sans période de latence) (encore appelé RADS pour
Reactive Airways Dysfunction Syndrome ou syndrome de Brooks). Il survient après
172
2 Pneumotoxicité
une exposition accidentelle unique massive à une substance irritante sur le lieu de
travail (voir « Pathologies respiratoires chroniques d’origine toxique », p. 169).
Six professions représentent la moitié des cas d’asthme professionnel :
̭ boulangers-pâtissiers : les allergènes responsables sont les farines de céréales (blé,
seigle, son…), les enzymes (α-amylase), les acariens de stockage ou les blattes ;
• métiers de la santé : sont en cause le latex des gants, le formaldéhyde utilisé comme
fixateur de tissus, les ammoniums quaternaires et les amines aliphatiques utilisés dans
les produits de désinfection ;
• coiffeurs : les allergènes sont les suivants, les persulfates alcalins utilisés comme
produit de décoloration capillaire et le latex des gants ;
• peintres au pistolet dans l’industrie automobile : les molécules responsables sont les
isocyanates entrant dans la composition des peintures polyuréthanes ;
• travailleurs du bois (menuisiers, ébénistes, luthiers…) : les molécules en cause sont
les poussières de bois, certaines colles (colophane, formaldéhyde) ou certains vernis
(isocyanates, chrome) ;
• métiers de nettoyage : les principaux allergènes sont les acariens, le latex des gants,
les ammoniums quaternaires et les amines aliphatiques. L’utilisation de produits sous
forme de sprays facilite la pénétration des allergènes dans les voies respiratoires.
Une éventuelle origine professionnelle doit être évoquée systématiquement devant tout
asthme chez l’adulte. En premier lieu, un interrogatoire minutieux et exhaustif est indis-
pensable. Les principales questions sont :
• histoire détaillée de l’asthme : de novo ou préexistant aggravé par le travail ;
• existence de manifestations associées (rhino-conjonctivite allergique, urticaire…) ;
• existence d’un terrain atopique ;
• exposition accidentelle antérieure à une substance chimique dans l’hypothèse d’un
syndrome de Brooks ;
• notion d’une profession à risque ;
• mise en évidence d’une relation temporelle (rythme professionnel) entre la survenue
des symptômes et le travail (déclenchement des symptômes en période de travail et
amélioration des symptômes les jours de repos, disparition lors des congés).
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L’examen clinique est souvent normal en dehors des crises. Les EFR recherchent un
trouble ventilatoire obstructif (TVO) réversible après un test aux bronchodilatateurs ou
une hyperréactivité bronchique non spécifique (HRBNS).
Certains examens complémentaires orientés par un interrogatoire minutieux préalable
apportent une aide au diagnostic :
• rythme professionnel objectif par la mise en évidence de variations du débit expira-
toire de pointe ou du VEMS (volume expiratoire maximal en 1 seconde). Des mesures
répétées de l’HRBNS peuvent être utiles pour conforter le diagnostic d’asthme profes-
sionnel, en mettant en évidence de manière objective une aggravation pendant les
périodes de travail ou d’amélioration pendant les périodes de congés ;
173
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
d) Pneumopathie d’hypersensibilité
Les pneumopathies d’hypersensibilité sont dues à l’inhalation d’antigènes organiques
(micro-organismes, protéines animales ou végétales notamment) en réalisant un tableau
d’insuffisance respiratoire aiguë ou subaiguë récidivant à chaque exposition. Il s’agit
d’une sensibilité de type III de la classification de Gell & Coombs.
Les cinq critères diagnostiques principaux sont :
• la mise en évidence d’une exposition à un antigène à l’interrogatoire et des précipitines
sériques dirigés contre l’antigène suspecté, témoins de la sensibilisation ou sur des
prélèvements aérobiologiques ;
• la présence de râles crépitants ;
• l’existence de plages de verre dépoli sur la tomodensitométrie thoracique réalisant un
aspect de mosaïque ;
• la mise en évidence d’une alvéolite lymphocytaire dans le liquide de lavage
broncho-alvéolaire ;
• la diminution du coefficient du transfert du CO aux EFR.
Les facteurs responsables sont très nombreux :
• en milieu agricole : les maladies du poumon fermier, des éleveurs d’oiseaux, des
champignonnistes, des travailleurs du bois, des fromagers…
• hors milieu agricole : les maladies des climatiseurs/humidificateurs, des fabricants
de saucisson, des animaliers de laboratoire, des fourreurs, des détergents (Bacillus
subtilis), notamment. Par ailleurs, il a été décrit des alvéolites à divers métaux, à la
pénicilline et aux isocyanates.
174
3 Dermatoxicité
3 Dermatoxicité
Régulièrement exposée à de nombreux produits chimiques, qu’ils soient cosmétiques,
professionnels, ménagers, ou bien lors des activités de bricolage et de loisirs, la peau
assure la protection de notre organisme des agressions extérieures comme une véritable
barrière. Elle est soumise également à des agressions physiques, des micro-organismes,
des rayonnements ultraviolets, notamment. Elle est par ailleurs impliquée dans la thermo-
régulation, l’immunité, le métabolisme de la vitamine D et la perception sensorielle.
Poil
Épiderme
Nerf Derme
Glande sudoripare
Veine Hypoderme
Artére
Adipocytes
Glande Follicule
sébacée pileux
a) Épiderme
Dépourvu de vaisseaux sanguins, l’épiderme est en constant renouvellement, représenté
à plus de 90 % par les kératinocytes qui forment la barrière cutanée.
Les kératinocytes migrent à travers l’épiderme de la couche basale vers la couche
cornée en 3 à 4 semaines. Au fur et à mesure, les kératinocytes perdent leur fonction de
prolifération et leurs noyaux. Ils s’aplatissent et se transforment en cornéocytes soudés
par des jonctions serrées avec une organisation en strates pour constituer la barrière
cutanée. Le processus de maturation dit de kératinisation aboutit à la libération régulière
de cornéocytes isolés invisibles à l’œil nu. Lorsque la desquamation devient visible, elle
175
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
b) Derme
Le derme assure à la peau sa résistance, son élasticité et sa souplesse grâce aux fibro-
blastes qui produisent les fibres élastiques et collagènes. L’ensemble baigne dans la
substance fondamentale faite de mucopolysaccharides. Le derme a plusieurs fonctions :
réserve d’eau, soutien, résistance physique de la peau et ancrage du réseau vasculaire et
des glandes sudoripares et sébacées.
En superficie, le derme papillaire, siège d’un vaste réseau sanguin et lymphatique,
assure la nutrition des épithéliums sus-jacents ainsi que les échanges hormonaux. Il
héberge l’essentiel des terminaisons nerveuses responsables de la fonction sensorielle
de la peau. Il contrôle en partie l’absorption percutanée grâce aux débits sanguin et
lymphatique. Il contribue à la fonction immunitaire de la peau en permettant le transit
des cellules immunitaires.
En profondeur, le derme réticulaire, composé d’un tissu conjonctif dense, dépourvu
de cellules, héberge les annexes cutanées.
Les glandes sudoripares sont réparties sur l’ensemble du tégument. Les glandes séba-
cées sont annexées à des follicules pileux et sont concentrées dans les régions supérieures
(visage, scalp, torse supérieur) et absentes dans les régions terminales (mains, pieds).
c) Hypoderme
Il est la couche la plus profonde, constituée de tissu adipeux. Les adipocytes sont contenus
dans des lobules séparés par des fibres. Il intervient dans la thermorégulation et l’amor-
tissement des chocs.
176
3 Dermatoxicité
a) Absorption percutanée
Une substance chimique peut traverser la peau par plusieurs voies : intracellulaire,
transcellulaire ou pilo-sébacée (transannexielle).
La pénétration transcutanée se fait successivement à travers l’épiderme, le derme et
l’hypoderme. La pénétration dans les capillaires dermiques peut se faire après passage
de l’épiderme de la substance toxique. La pénétration dépendra à la fois de la nature
physico-chimique et de l’affinité des substances chimiques. La barrière cutanée n’est pas
imperméable à toutes les molécules, certaines pénètrent très aisément jusqu’aux couches
les plus profondes et peuvent se retrouver dans la circulation générale. La couche cornée
malgré sa faible épaisseur assure cette fonction de barrière grâce aux lipides qu’elle
comporte et à son architecture. Si la peau est normale, la pénétration des molécules de
poids moléculaire élevé (> à 1 000 daltons) est très difficile en raison de la cohésion du
stratum corneum. La voie transcellulaire est surtout empruntée par les molécules de
petite taille, amphiphiles ou lipophiles essentiellement par diffusion passive. La diffu-
sion passive intercellulaire est très lente et linéaire au cours du temps, en fonction de la
concentration, de la surface d’application, du véhicule et des caractéristiques physico-
chimiques du produit (loi de diffusion passive de Fick).
La voie annexielle correspond au passage transfolliculaire ou transsudoral (ce dernier
étant rarement démontré). Dans la voie transfolliculaire, les molécules peuvent aller
jusqu’au derme réticulaire. Les appareils pilosébacés n’ont pas une couche cornée très
développée d’où une pénétration facilitée, notamment pour de grosses molécules, péné-
trant mal, hautement insolubles.
b) Biotransformation
Dans les cosmétiques, certains ingrédients agissent comme véhicule. Ils ont pour rôle
de transporter le principe actif de la formulation galénique jusqu’à la couche cornée de
la peau, tout en facilitant sa pénétration. Le principe actif doit diffuser hors du véhicule
puis traverser la barrière cutanée pour parvenir à son site d’action.
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177
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
178
3 Dermatoxicité
a) Dermites de contact
Brûlures chimiques
Les brûlures chimiques peuvent être provoquées par un grand nombre de produits caus-
tiques. Les acides entraînent une coagulation des protéines formant une barrière qui
limite l’extension des lésions. Les produits alcalins entraînent une saponification des
lipides et une liquéfaction des tissus qui favorisent la pénétration. Le réflexe doit être
de rincer abondamment à l’eau et de façon prolongée au moins quinze minutes le plus
rapidement possible après le contact accidentel. Certains composés doivent être ensuite
neutralisés par un antidote spécifique (Tab. 8.3).
179
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Substances Particularités
Complications Antidote/Traitement
chimiques cliniques
Acide inorganique
Brûlure en général
(chlorhydrique,
sévère
nitrique,
sulfurique…)
Brûlure, paresthésies, Sulfate de magnésium
Nécrose sur les
Acide oxalique cyanose, décoloration à 5 % sur compresse
extrémités
jaune pâle des ongles humide
Nécrose
Action caustique Hypocalcémie sévère,
forte avec symptômes déminéralisation
décalés parfois de osseuse aux doigts Gel de gluconate de
Acide fluorhydrique
plusieurs heures pour Hypokaliémie avec calcium à 2,5 %
des concentrations troubles ECG
< 70 % Hyperglycémie
Acidose métabolique
Pigeonneau :
ulcération (3 à 4 mm)
Amplifiée au contact
torpide, douloureuse,
des surfaces humides
Acide chromique ou ronde ou ovale à
(muqueuse nasale,
ses sels et autres fond sale entouré
conjonctive, plaie)
métaux d’un bourrelet
Lésions parfois
périphérique dur,
multiples
kératosique (5 à
10 mm)
Brûlure caustique
sévère
Vinaigre (acide
Composé basique Délai entre le contact
Cicatrisation lente acétique) dilué à 2 %,
Ciment et l’apparition des
jus de citron
douleurs et de la
brûlure
Les particules
solides doivent être
Chaux
enlevées avant toute
humidification
Compresses chaudes
imbibées de sulfate
de cuivre 1 %, permet
Phosphore l’élimination de
particules brunes à la
pince ou à la curette
(phosphure de cuivre)
Solution
Aldéhydes
d’ammoniaque à 5 %
180
3 Dermatoxicité
Substances Particularités
Complications Antidote/Traitement
chimiques cliniques
Hyposulfite de soude
Chlore ou brome
à 10 % pour la peau, à
liquides
3 % pour les yeux
Nécrose locale
proportionnelle à Polyéthylène glycol/
Phénol
la concentration du éthanol
produit
Dichlorométhane Brûlure du 2e et Si inhalation : risque
(chlorure méthylène) 3e degré de coma et choc
Bulles de grande
Oxyde d’éthylène taille, décollement en
lambeaux
Douleur apparaît de
Diméthylacétylène
façon retardée par
dicarboxylate
rapport au contact
Dermites irritatives
C’est une réaction locale inflammatoire, secondaire à l’application unique ou répétée
d’une substance chimique irritante ou d’un agent physique, sur un site cutané identique
(Tab. 8.4). Elle survient sans sensibilisation préalable.
Tableau 8.4 Principales substances chimiques irritantes
Irritants et sensibilisants
Acrylates
Matières plastiques Durcisseur des résines époxy (amines, anhydrides d’acide)
Épichlorhydrine
Peroxyde de benzoyle
Oxalate de calcium sous forme de cristaux (philodendron,
jonquille, jacinthe, ananas…)
Broméline de l’ananas
Plantes et bois Ester diterpénique des euphorbes
Isothiocyanates des brassicacées (moutarde…)
Proto-anémonine des renoncules
Facteurs mécaniques (épines…)
Chloropicrine, dazomet, métam-sodium, dichloropropène,
Produits phytosanitaires fluorure de sulfuryle, bromure de méthyle, chlorothalonile,
propargite, paraquat…
Produits techniques de coiffure Thioglycolates, persulfates
181
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
L’agent chimique au contact de la peau est pro-inflammatoire par toxicité directe sur
les cellules cutanées, entraînant la production d’IL-1β et de TNF-α par les kératinocytes à
l’origine du recrutement de leucocytes sur le site cutané altéré et cliniquement d’un eczéma.
Cliniquement, les lésions érythémato-squameuses restent localisées à la zone de contact.
L’irritation cutanée, en fragilisant la barrière cutanée, permet aux allergènes de péné-
trer plus facilement. Elle fait le lit de l’allergie.
b) Allergies de contact
Eczéma de contact (ou dermite allergique)
Il s’agit d’une réaction allergique cutanée de type retardée apparaissant 24-48 heures
après le contact avec l’allergène (type IV de la classification de Gell et Coombs). Les
allergènes le plus souvent en cause sont des haptènes, substances de bas poids molé-
culaire qui vont se fixer sur des protéines épidermiques et déclencher la stimulation
des lymphocytes T qui ont été induits lors des précédents contacts. Les lymphocytes T
activés produisent INF-Υ, IL-2, TNF-α et sont cytotoxiques. Ils activent et détruisent
par apoptose les cellules cutanées, ce qui induit une inflammation responsable de la
lésion d’eczéma. La sensibilisation simultanée ou successive à plusieurs allergènes est
possible. On parle alors de polysensibilisation. Les allergènes de contact sont extrême-
ment nombreux. Les plus communs sont rassemblés dans la batterie standard européenne,
testés par la technique des patch-tests (voir ci-dessus).
L’eczéma de contact se développe aux endroits où pénètrent les haptènes respon-
sables de la réaction. Il déborde souvent en dehors de la zone de contact et peut parfois
secondairement se généraliser. Cliniquement, l’eczéma est représenté par une éruption
polymorphe formée d’érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation. Ces lésions
peuvent se succéder ou coexister. Il est parfois difficile de distinguer cliniquement une
dermite irritative d’une dermite allergique (Tab. 8.5).
Urticaire de contact
Elle provient de l’activation du mastocyte à l’origine de la libération immédiate d’hista-
mine, de la synthèse secondaire de leucotriènes et de prostaglandines et plus tardivement
de chimiokines et de cytokines. Rapidement apparaissent un érythème et un œdème le
plus souvent prurigineux. Les urticaires de contact sont schématiquement séparées en
immunologiques (allergiques) et non immunologiques.
182
3 Dermatoxicité
Dermite irritative
Dermite allergique
Aiguë Chronique
Fréquence Collective Individuelle
Expositions répétées Sensibilisation préalable
Survenue Dès la 1re exposition
et prolongées Durée d’apparition variable
Peau sèche Aiguë vésicule
Érythème, œdème,
Clinique desquamative, Chronique peau épaissie
bulle
crevasses lichenifiée
Signes
Brûlure, picotement / Douleur, prurit Prurit
fonctionnels
Dissémination en zones non
Strictement limitée à la zone d’application
Topographie exposées
sans débord
Bords émiettés
Allergie (+, ++, +++) /
Tests épicutanés Irritatifs ou négatifs / non reproductibles
reproductibles
Spongiose, œdème
Nécrose kératinocytaire dermique
Histologie
Infiltrat lympho-histiocytaire dermique Infiltrat lympho-
hystiocytaire périvasculaire
Concentration
Forte Faible
substance
Temps
Court, intense Prolongé, répété Variable suivant l’allergène
d’exposition
Évolution Courte Prolongée Prolongée
Symptômes 24-72 heures
Symptômes rapides
après début de l’exposition
après début
Symptômes dès début après sensibilisation
Rythme exposition
de l’exposition préalable
Guérison initiale en
Guérison initiale lente
quelques jours
> 7 jours
de contact. L’urticaire de contact allergique la plus fréquente est l’allergie au latex. Les
explorations allergologiques reposent sur la pratique de prick-tests et la recherche d’IgE
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183
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
c) Photodermatoses
Le rayonnement solaire ultraviolet (UV) est un rayonnement non ionisant compris dans
des longueurs d’onde allant de 100 à 400 nm. Il est divisé en trois groupes :
• les UVA (320-400 nm) traversent le verre des vitres dont la quantité est constante
au cours de la journée. Ils pénètrent plus profondément l’épiderme et le derme. Ils
sont impliqués dans les photosensibilisations et dans la photocarcinogenèse (effet
mutagène) ;
• les UVB (280-320 nm) sont arrêtés par le verre des vitres. Leur quantité varie selon la
saison, l’heure et l’altitude. Les plus énergétiques sont une activité directe sur l’ADN
(risque de mutation) ;
• les UVC (100-280 nm) sont arrêtés par la couche d’ozone. Ils peuvent être produits
lors des opérations de soudage à l’arc et au voisinage des lampes germicides des
sources lumineuses artificielles. Ils sont très énergétiques et dangereux sur le plan de
la cancérogenèse.
Une photoréaction correspond à l’interaction entre une longueur d’onde et une sub-
stance photosensibilisante activée par l’exposition solaire. La substance sensibilisante
peut provenir d’un trouble métabolique (porphyrie…) ou d’une substance introduite dans
l’organisme par voie systémique ou par contact.
184
3 Dermatoxicité
Phototoxicité Photoallergie
24-48 heures après le début de
Apparition Rapide d’emblée maximale l’exposition
Apparition progressive
Uniquement chez les sujets
Chez tous les sujets exposés à une
photosensibilisés pour de faibles
quantité suffisante de substance
doses de photosensibilisants et
chimique
des doses faibles d’UV
Hypersensibillité retardée à
Mécanisme Non immunologique
médiation cellulaire
Signes
Sensation de brûlures, douleurs Démangeaison
fonctionnels
Lésions eczématiformes
Éruption limitée aux zones photo lichenoïdes ou urticariennes.
exposées et en contact avec la Initialement localisées aux
substance zones photo exposées, peuvent
Signes cliniques
Comme un coup de soleil plus ou s’étendre sur les zones non
moins sévère exposées si l’éviction du
Hyperpigmentation séquellaire photoallergène n’a pas été
réalisée.
Aliments* :
- Céleri, persil, panais, bergamote
citron, figue… Certaines molécules employées
- Boissons contenant de la quinine comme écran solaire
- Additifs alimentaires (métabisulfite Certaines molécules employées
Principaux
de sodium) en parfumerie et cosmétiques
photosensibilisants
- Édulcorant de synthèse à base de Certains pesticides ou
cyclamates. insecticides
Goudrons et dérivés
Certains colorants
Paraquat
* La quantité nécessaire pour que ces aliments déclenchent une photoréaction est souvent
importante et jamais atteinte en pratique. C’est lors de la prise d’un autre photosensibilisant qu’ils
peuvent aggraver la réaction. Les professions exposées par contact sont les maraîchers, jardiniers,
épiciers, fleuristes…
3.5 Acné
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185
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
3.7 Granulome
La survenue dans les tissus de matériel étranger entraîne ou non la formation de granu-
lomes liés à une hyperplasie réactionnelle des macrophages. Ils sont soit à corps étranger,
soit immunogénique :
• à corps étranger : réaction non immunologique liée à la présence de nombreux macro-
phages et cellules géantes autour du corps étranger. Des cellules épithélioïdes et des
lymphocytes T peuvent être présents. Selon la nature du composé, la réaction peut être
riche en polynucléaires neutrophiles (Hg métal) ou fortement sclérogène (paraffine) ;
• immunogénique : réaction à corps étranger complétée d’une réaction d’hypersensibi-
lité retardée induite par une substance sensibilisante, comme le béryllium, les fibres
synthétiques (par exemple le nylon), les piquants d’oursins ou l’encre de tatouage (le
plus souvent de couleur rouge), le zirconium et la silice.
4 Hématotoxicité
4.1 Hématopoïèse
L’hématopoïèse est un processus biologique continu et physiologique qui assure le renou-
vellement des cellules sanguines (ou éléments figurés du sang) dans l’organisme à partir
de cellules souches hématopoïétiques. Les cellules sanguines sont produites dans la
moelle osseuse (Fig. 8.5). Les cellules souches hématopoïétiques s’autorépliquent par
mitose. La plupart des descendants des cellules souches vont s’engager dans un processus
186
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Cellules précurseurs
Présence dans le sang circulant
Présence dans les tissus Cellule souche hématopoïétique pluripotente
Étapes de maturation des cellules progénitrices
engagées dans la différenciation
Cellule CFU-E Cellule CFU-Meg Cellule CFU-GM CFU pré-B CFU pré-T CFU pré-NK
CFU-M CFU-G
Éjection
du noyau
Réticulocyte Mégacaryocyte
187
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
188
4 Hématotoxicité
b) Leucocytes
Polynucléaires
• Polynucléaires neutrophiles (PNN) (valeur normale entre 2 000 et 7 500 / mm3).
Leur présence dans le sang circulant varie de 6 à 24 heures. Ils ont pour fonction la
phagocytose (rôle important dans la lutte contre les infections) et la destruction des
corps étrangers. En cas de déficit du nombre de PNN par mm3, on parle de neutropénie.
• Polynucléaires éosinophiles (valeur normale entre 40 à 800 / mm3). Leur présence
dans le sang circulant est brève. Ils phagocytent les cellules reconnues avec des
complexes antigènes-anticorps et ont un rôle important dans la lutte contre certains
parasites et dans les réactions allergiques. Leurs granules contiennent une histaminase
et une arylsulfatase.
• Polynucléaires basophiles (valeur normale entre 10 à 200 / mm3). Leurs granules
contiennent de l’histamine, de l’héparine et des leucotriènes. Une dégranulation peut
survenir dans certaines réactions d’hypersensibilité retardée. Les mastocytes sont des
cellules proches des polynucléaires basophiles et jouent un rôle important dans les
défenses antiparasitaires.
Monocytes
Leur valeur normale varie de 200 à 1 000 / mm3. Leur temps de présence dans le sang
circulant varie de 2 à 4 jours. Ils migrent ensuite dans les tissus et se transforment alors
en macrophages. La demi-vie des macrophages varie de quelques semaines à plusieurs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
années. Ils ont pour fonction : la phagocytose des cellules sanguines et des antigènes
macromoléculaires et corpusculaires, la production d’interféron, de TNF et de certaines
interleukines. Certains macrophages sont des cellules présentatrices des antigènes.
Lymphocytes
Leur valeur normale varie de 1 000 à 4 000 / mm3. Ils représentent environ 60 à 80 %
des lymphocytes circulants. Ils sont des vecteurs de l’immunité cellulaire, capables de
détruire les cellules reconnues comme étrangères. Les lymphocytes T-helper et T-suppres-
seur participent à la régulation de la production d’anticorps (ou immunoglobulines) par
189
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
les lymphocytes B qui sont alors appelés plasmocytes. En cas de déficit du nombre de
lymphocytes par mm3, on parle de lymphopénie.
c) Plaquettes
Leur valeur normale varie de 150 000 à 500 000 / mm3. Elles jouent un rôle majeur dans
l’hémostase en association avec l’endothélium vasculaire et les facteurs de coagulation.
En cas de déficit du nombre de plaquettes par mm3, on parle de thrombopénie.
4.3 Hématoxicité
a) Effets toxiques sur l’hématopoïèse
Il faut distinguer les effets sur les cellules souches et les précurseurs et ceux sur les
éléments circulants. L’inhibition de l’hématopoïèse peut toucher une ou plusieurs lignées
sanguines. Les causes toxiques possibles sont, en dehors de certains médicaments comme
des cytostatiques (médicaments anticancéreux), les éthers monométhylique (EGME) et
monoéthylique (EGEE) de l’éthylène glycol et leurs acétates, et le plomb.
190
4 Hématotoxicité
b) Hémolyses toxiques
La destruction des hématies est à l’origine d’une baisse de l’hémoglobine, de l’hématocrite
et de l’haptoglobine, et d’une augmentation de la bilirubine libre et de l’hémoglobinémie
(hémoglobine plasmatique). Les mécanismes de l’hémolyse toxique peuvent être divers.
Elles peuvent être d’origine immunologique, liées à des agressions membranaires ou au
stress oxydant. Par exemple, la pénicilline, les céphalosporines, la quinine, la quinidine
peuvent être à l’origine de mécanismes immuno-allergiques. La méthyldopa peut être
responsable d’hémolyses auto-immunes. La saponine, les tensioactifs, toutes les sub-
stances irritantes ou corrosives (en intravasculaire, ou à doses massives), l’arsine, la stibine,
le plomb ou le butylglycol peuvent être responsables d’agressions membranaires directes.
191
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
L’HbCO ne peut pas transporter d’O2. Par conséquent, l’O2 est plus difficilement
délivré aux tissus, ce qui aggrave l’anoxie tissulaire. Le CO se fixe dans une moindre
mesure sur d’autres hémoprotéines : la myoglobine, le cytochrome P450 et la cytochrome
oxydase. Le CO est principalement responsable d’une anoxie tissulaire. Les tissus les plus
sensibles aux effets du CO sont ceux qui sont les plus sensibles à l’anoxie : le système
nerveux central et le myocarde.
Lors de l’intoxication aiguë, la présentation classique initiale est la triade : céphalées,
nausées, vomissements et sensations vertigineuses. Il peut exister également de façon
inconstante :
• des troubles du comportement, une perte de connaissance, un coma, des convulsions,
un syndrome pyramidal ou extra-pyramidal, un syndrome déficitaire focalisé ;
• des troubles de la repolarisation, de la conduction et/ou de l’excitabilité, un angor, un
infarctus, des troubles hémodynamiques et un œdème aigu du poumon cardiogénique ;
• une insuffisance rénale tubulaire due à une rhabdomyolyse par compression ou par
toxicité directe, ou post-convulsions ;
• des phlyctènes par compression, une coloration cochenille de la peau (le plus souvent
une cyanose) ;
• une pneumopathie d’inhalation dans les suites d’un coma avec vomissements ;
• une pancréatite (rare).
Un syndrome post-intervallaire peut survenir dans 1 à 3 % des cas, 3 jours à
3 semaines après l’intoxication. Il s’agit d’une démyélinisation rapide, visible à l’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM), après quelques semaines correspondant à
une aggravation des troubles neurologiques (détérioration intellectuelle, ± syndrome
extrapyramidal et/ou cérébelleux, ± troubles auditifs, ± cécité corticale, ± myélo-
pathie). La récupération est habituelle en 12-18 mois. Cependant, le CO est la principale
cause de mortalité par intoxication non médicamenteuse. Dans un certain nombre
de cas, il existe des séquelles neurologiques, le syndrome parkinsonien étant le plus
fréquent.
Le diagnostic de l’intoxication aiguë se fait par le dosage sanguin de l’HbCO. Il existe
trois unités : en % d’HbCO, en ml de CO pour 100 ml de sang (1 ml CO/100 ml ≈ 5 %
HbCO) ou en mmol de CO par litre de sang (1 mmol CO/l = 2,24 mL CO/100 ml).
NB : il n’existe pas de corrélation entre le taux d’HbCO ou de CO dans le sang et la
gravité de l’intoxication. L’oxycarbonémie ne sert qu’à confirmer le diagnostic.
Devant toute suspicion d’intoxication aiguë au CO, une oxygénothérapie est initiée
immédiatement sans attendre la confirmation par le dosage. Elle sera normobare au
masque (FiO2 = 100 %) en général, ou hyperbare (2 à 3 atm) devant tout trouble neuro-
logique ou cardiaque et chez les femmes enceintes.
Les symptômes possiblement présentés lors d’une intoxication chronique sont une
asthénie, des céphalées, des sensations vertigineuses rythmées par le travail ou tout
autre lieu d’exposition, des troubles mentaux organiques, un syndrome parkinsonien, un
192
4 Hématotoxicité
Exemple de la méthémoglobinémie
La méthémoglobine est une hémoglobine dont le fer ferreux (Fe2+) a été oxydé en fer
ferrique (Fe3+). Cette modification chimique rend l’hémoglobine incapable de trans-
porter l’O2 et donc une hypoxie tissulaire. Les substances méthémoglobinisantes sont
nombreuses : nitrites, chlorates, nitrobenzènes, amines aromatiques, phénols, amino-
phénols, naphtalène, sulfamides, sulfones, hydroquinone…
Physiologiquement, il y a une réduction de la méthémoglobine par la MetHb-réductase
NADH-dépendante (voie principale : glycolyse aérobie) et par la réductase quiescente
NADPH-dépendante et le bleu de méthylène (voie secondaire : glycolyse anaérobie
ou voie des pentoses (G6PD)). Cette voie secondaire est inefficace en cas de déficit en
G6PD. Les manifestations cliniques de la méthémoglobinémie sont une cyanose, gris
ardoisé, et un sang de couleur brun-chocolat quand la méthémoglobinémie est supérieure
à 1,5 g/dL. Les signes d’hypoxie tissulaire sont neurologiques et cardiaques. Il existe
des corrélations dose-effet (Tab. 8.7).
193
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
5 Néphrotoxicté
Le rein est un organe émonctoire important et un organe cible pour de nombreux xéno-
biotiques, qu’il s’agisse de médicaments, de toxiques professionnels et environnementaux,
voire même de certaines mycotoxines. La fraction attribuable à des étiologies toxiques
dans la survenue d’une insuffisance rénale chronique est estimée à moins de 2 % selon
certains auteurs, les médicaments étant la cause la plus fréquente des insuffisances
rénales toxiques, essentiellement les analgésiques. Cependant, 25 à 50 % des insuffisances
rénales n’ont pas d’étiologie retrouvée. Une origine toxique iatrogène, professionnelle ou
environnementale pourrait représenter une part non négligeable de ces cas. Sur le plan
expérimental, il existe de nombreuses substances dont la néphrotoxicité a été clairement
établie. Cependant, imputer une relation causale entre une insuffisance rénale aiguë et
une origine toxique n’est pas aisé chez l’Homme, et est encore plus difficile dans le cas
de néphropathies chroniques du fait de :
• une action en général très lente et silencieuse des substances néphrotoxiques, avec des
manifestations cliniques qui n’apparaissent qu’une fois que près de 80 % des néphrons
sont détruits ;
• une adaptation rénale permettant pendant longtemps de remédier aux troubles fonc-
tionnels induits ;
• une progression de la maladie rénale après cessation de l’exposition à la substance
néphrotoxique.
Dans la suite de ce chapitre, les atteintes médicamenteuses ne sont pas décrites, mais
elles constituent une cause nettement plus fréquente d’atteinte rénale toxique que les
causes d’origine industrielle ou domestique.
194
5 Néphrotoxicté
Glomérule
195
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Érythropoïétine
L’érythropoïétine (EPO) est produite par des cellules interstitielles péritubulaires en
réponse à l’hypoxie cellulaire et stimule la production des érythrocytes dans la moelle
osseuse.
196
5 Néphrotoxicté
Système rénine-angiotensine-aldostérone
Le rein participe à la régulation de la pression artérielle :
• Régulation rapide : système rénine angiotensine. La rénine est sécrétée au niveau de
l’appareil juxta-glomérulaire, en réponse aux variations de la volémie. Elle active
ensuite l’angiotensinogène circulant d’origine hépatique et l’enzyme de conversion
transforme l’angiotensine I libérée en angiotensine II. Cette dernière exerce des effets
vasoconstricteurs puissants et stimule la sécrétion surrénalienne d’aldostérone favori-
sant la rétention de Na+.
• Régulation lente : régulation de la volémie (voir ci-dessus).
197
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
198
5 Néphrotoxicté
• organique : les insuffisances rénales aiguës d’origine organique comportent les néphro-
pathies glomérulaires, tubulaires, interstitielles et vasculaires. Elles sont dues par exemple
à une atteinte cellulaire aboutissant à la mort cellulaire par apoptose ou par nécrose, une
altération de l’adhésion cellulaire, un épithélium cellulaire lacunaire, une fuite du filtrat
glomérulaire, une diminution de la filtration glomérulaire ou un agrégat de cellules alté-
rées dans la lumière tubulaire. Des processus réactionnels de réparation vont permettre
dans un certain nombre de cas, une réparation cellulaire avec une réépithélialisation,
une hypertrophie compensatrice, une adaptation cellulaire, une prolifération cellulaire.
Il peut exister une induction de certaines protéines comme la métallothionéine ou des
protéines de stress. Ces processus adaptatifs peuvent masquer une fonction rénale devenue
anormale, alors qu’elle n’est pas détectée par des tests usuels (comme la clairance de la
créatinine par exemple) qui demeurent dans les limites de la normale.
L’intoxication aiguë par des métaux lourds, certains solvants organiques ou pesticides
induit une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë.
Les principales étiologies toxiques des néphropathies aiguës figurent dans le
tableau 8.8.
Types d’insuffisance
Mécanismes Agents toxiques
rénale aiguë
Fonctionnelle État de choc Paraquat
Obstruction des voies Précipitation de cristaux Éthylène glycol
excrétrices d’oxalate de calcium Vigne vierge à fortes doses
Organique Nécrose tubulaire aiguë Métaux lourds (cadmium, chrome,
plomb, mercure, platine, uranium…)
Certains solvants organiques
(tétrachlorure de carbone…)
Monoxyde de carbone par
rhabdomyolyse
Hydrogène arsénié (arsine) par
hémolyse intravasculaire
Certains produits phytosanitaires
(paraquat, chlorate de sodium et de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
199
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
rénale chronique (Tab. 8.9). La survenue d’une néphropathie glomérulaire par un toxique
d’origine professionnelle est plus exceptionnelle. Elle a été démontrée pour le mercure,
chez l’Homme et dans des modèles expérimentaux, mais reste rare. D’autres toxiques,
notamment les solvants organiques et certains autres métaux, sont impliqués dans
l’aggravation de certaines néphropathies notamment glomérulaires sans qu’il soit claire-
ment démontré qu’ils ont joué un rôle causal dans l’atteinte glomérulaire initialement. Les
principales étiologies toxiques des néphropathies chroniques figurent dans le tableau 8.9.
5.4 Conclusion
Les atteintes rénales toxiques d’origine professionnelle, environnementale ou domes-
tique, même si elles sont probablement peu fréquentes, doivent systématiquement être
évoquées, car elles sont probablement sous-estimées. Elles nécessitent que, outre la
recherche des consommations médicamenteuses éventuelles, un interrogatoire profes-
sionnel et environnemental soit réalisé lors du bilan étiologique de toute atteinte rénale.
6 Hépatotoxicité
De par son rôle central dans le métabolisme, le foie est exposé à de très nombreuses
substances, d’origines médicamenteuses, environnementales ou professionnelles. Parmi
ces substances, nombreuses sont celles décrites comme pouvant induire une toxicité
hépatique. Néanmoins, la survenue de ces effets est souvent difficile à prévoir car les
mécanismes à l’origine de cette toxicité sont multiples, et de nombreux facteurs inter-
viennent dans leur survenue : co-expositions, susceptibilité individuelle. Par exemple,
et malgré les différents essais préalables à la mise sur le marché des médicaments, les
atteintes hépatiques toxiques sont la première cause de leur retrait du marché. Ces effets
idiosyncrasiques sont également rencontrés pour des toxiques environnementaux ou
industriels, ils représentent la majorité des cas d’atteintes toxiques hépatiques.
200
6 Hépatotoxicité
b) Histologie du foie
La cellule parenchymateuse principale du foie est l’hépatocyte. Les hépatocytes sont à
l’origine de la formation de la bile et des transformations métaboliques de très nombreuses
substances. Ils sont regroupés en lobules hépatiques, l’unité fonctionnelle du foie. Les
lobules sont de forme hexagonale, avec une veine centrolobulaire au centre et des espaces
portes aux sommets. Les espaces portes sont des travées de tissu conjonctif, au sein
desquelles cheminent les vaisseaux issus de la veine porte et de l’artère hépatique ainsi
que les canaux biliaires intrahépatiques. Des petits capillaires sanguins relient les vais-
seaux issus de la veine porte et de l’artère hépatique aux veines centrolobulaires, ce
sont les capillaires sinusoïdes. La circulation sanguine se fait de manière centripète,
depuis l’espace-porte vers la veine centrolobulaire. À l’inverse, la bile progresse de façon
centrifuge pour rejoindre les canaux biliaires dans les espaces portes. Il existe d’autres
cellules au sein du parenchyme hépatique, notamment les cellules de Kupffer. Ce sont
des cellules macrophagiques, situées dans les capillaires sinusoïdes. Elles vont phago-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
cyter certaines particules afin de les empêcher de gagner la circulation générale par les
veines centrolobulaires. Parmi les autres cellules, on retrouve aussi les cholangiocytes,
qui sont des cellules épithéliales formant les canaux biliaires, et les cellules étoilées du
foie, qui ont notamment un rôle dans le stockage de la vitamine A.
c) Physiologie
Le foie assure de nombreuses fonctions au sein de l’organisme. C’est un organe de synthèse,
qui va permettre la formation de la bile. La bile va à la fois éliminer certains produits du cata-
bolisme hépatique mais également jouer un rôle essentiel dans la digestion et l’absorption de
substances au niveau du tube digestif en solubilisant dans la lumière digestive des substances
201
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
liposolubles. C’est également le lieu de synthèse de la majeure partie des protéines plasma-
tiques, que ce soit des transporteurs comme l’albumine, des facteurs de la coagulation, des
protéines de l’inflammation ou des protéines du métabolisme du fer (ferritine, transferrine).
Le foie va également jouer un rôle dans la synthèse lipidique (néosynthèse hépatique de
cholestérol et de triglycérides) et glucidique (formation de glycogène et néoglucogenèse).
Grâce à ces phénomènes, le foie permet un maintien d’une glycémie constante. Le foie est
également l’organe principal du métabolisme. Le métabolisme correspond à l’ensemble
des réactions enzymatiques entrant en jeu dans la transformation d’une molécule en un ou
plusieurs métabolites, souvent plus facilement éliminables par voie biliaire ou urinaire. Les
métabolites peuvent avoir, ou non, une activité pharmacologique. Les substances absorbées
par voie digestive vont ainsi être transformées dans les hépatocytes et leurs métabolites
pourront alors passer dans la circulation sanguine générale. Le foie joue un rôle majeur
dans le métabolisme de nombreuses substances essentielles à l’organisme, dont le fer et le
cuivre. Enfin, le foie est également un organe de détoxification. Il est en effet le siège du
cycle de l’urée et de la conjugaison de la bilirubine non conjuguée. Le cycle de l’urée permet
la transformation de l’ammoniac (neurotoxique) issu du catabolisme des acides aminés en
urée, qui est facilement éliminée dans les urines. La bilirubine non conjuguée est également
neurotoxique et elle est issue de la dégradation de l’hémoglobine. Sa conjugaison au niveau
hépatique permet son élimination par voie biliaire.
a) Cytolyse
Les effets cytotoxiques touchent les hépatocytes et peuvent s’exprimer par une mort
cellulaire par nécrose ou aptoptose, ou bien prendre la forme d’autres lésions dégénéra-
tives (vacuolisation des hépatocytes). Les lésions de nécrose peuvent être focales, leur
localisation diffère alors selon le toxique et le mécanisme impliqué : elles peuvent être
centrolobulaires, intermédiaires ou périportales. Cette localisation spécifique est notam-
ment liée à la répartition des différents systèmes enzymatiques à l’origine de la conversion
des substances en agents hépatotoxiques : la présence des cytochromes CYP450 dans
la zone centrolobulaire explique les lésions nécrotiques induites par le paracétamol
et le tétrachlorure de carbone qui sont métabolisés dans cette zone. Au contraire, les
lésions peuvent également être diffuses au sein des lobules, avec des plages de nécrose
multiples. C’est le cas de très nombreuses atteintes hépatotoxiques médicamenteuses,
fréquemment en lien avec un mécanisme toxique idiosyncrasique. La sévérité de ces
202
6 Hépatotoxicité
Alcool allylique
Fer
Borohydrides
Zone 2 ou zone médiolobaire Béryllium
Phosphore blanc
Trichorométhane
Zone 3 ou zone centrolobulaire
Veine
Centrolobulaire Amanite phalloïde
Bromométhane
Bromobenzéne
Cocaïne
Composés aliphatiques halogénés
Composés aromatiques halogénés
Dioxane
Éthanol
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Halothane
Paracétamol
Tétrachlorure de carbone
b) Cholestase
Les atteintes cholestatiques provoquent la diminution ou l’arrêt de la sécrétion biliaire. La
présentation clinique est celle d’un ictère avec élévation des phosphatases alcalines, dont
l’amélioration à l’arrêt de l’exposition peut prendre plusieurs semaines ou mois. Selon
203
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
le toxique impliqué, les cholestases peuvent être isolées, ou associées avec une cytolyse
hépatique. Elles peuvent résulter d’une toxicité directe sur les canaux biliaires (paraquat),
ou bien de mécanismes indirects comme l’interaction avec les processus de sécrétion
biliaire. Certains toxiques peuvent en effet interagir avec les systèmes de transports de
diverses substances vers la bile (acides biliaires, anions organiques, glutathion, phospho-
lipides, cholestérol), entraînant leur accumulation intracellulaire, ce qui peut entraîner
une apoptose. Des cholestases par réaction idiosyncrasique peuvent exister, c’est le cas
par exemple chez les femmes hétérozygotes porteuses d’une mutation du transporteur
MDR3 qui permet l’excrétion des phospholipides dans la bile, qui présentent un risque
accru de développer une cholestase induite par les œstrogènes.
c) Stéatose
Certaines atteintes toxiques sont à l’origine d’une stéatose, soit l’accumulation de graisses
dans les hépatocytes, avec, à l’instar des lésions de nécrose, une possibilité de location
préférentielle selon le toxique impliqué (en région périportale pour le phosphore blanc, ou
centrolobulaire pour l’éthanol). La stéatose peut être microvésiculaire ou macrovacuolaire,
en fonction du toxique et du mécanisme impliqué. Dans la stéatose microvésiculaire, les
inclusions lipidiques intracellulaires sont petites, elle résulte d’une dysfonction mitochon-
driale qui entraîne l’inhibition de l’oxydation des acides gras et provoque ainsi une crise
énergétique cellulaire aiguë qui se traduit par une acidose lactique et une hyperammoniémie,
à l’origine d’une cytolyse hépatique secondaire.
La stéatose macrovacuolaire est plus commune, par exemple dans le cas d’effets
toxiques de l’éthanol ou du méthotrexate. Les hépatocytes contiennent alors une inclusion
lipidique de grande taille qui déplace le noyau en périphérie. Elle peut être due à une
inhibition modérée de la bêta-oxydation, à une diminution de la sécrétion des VLDL, ou
à une activation de la lipogenèse. Le plus souvent cette stéatose reste asymptomatique,
mais dans certains cas, elle peut se compliquer d’une cytolyse, avec la possibilité de
survenue d’une réaction inflammatoire et des lésions nécrotiques.
204
6 Hépatotoxicité
a) Éthanol
Si la toxicité de l’éthanol sur le foie est bien établie, les mécanismes exacts à l’origine
des différentes lésions observées sont encore incertains. Les lésions observées en cas
d’abus chronique sont une stéatose le plus souvent macrovacuolaire, liée à une inhibition
de la bêta-oxydation des acides gras et de la sécrétion de VLDL, qui peut parfois se
compliquer d’une stéatohépatite. Les raisons de la transformation de la stéatose bénigne
en réaction inflammatoire et nécrosante pouvant évoluer vers la cirrhose sont incertaines.
Les facteurs qui ont été évoqués pour expliquer cette transformation sont multiples : d’une
part, la dénutrition fréquemment associée dans ce contexte ; d’autre part, l’induction par
la consommation chronique d’éthanol de l’activité du cytochrome P450 qui, par augmen-
tation des réactions métaboliques de phase I, expose le foie aux effets cytotoxiques des
métabolites produits par de nombreux autres toxiques hépatiques.
b) Halothane
L’halothane est un gaz anesthésique qui a entraîné des nécroses hépatiques fatales chez
certains patients. Plus rarement, il a pu être à l’origine d’effets toxiques chez les profes-
sionnels exposés lors de l’anesthésie. L’halothane entraîne une nécrose hépatique par
réaction idiosyncrasique de type immunoallergique. Ces effets résultent de la forma-
tion d’haptènes, par liaison des métabolites réactifs de l’halothane avec des fragments
peptidiques sur des cellules présentant des antigènes. Une réaction immunitaire est alors
initiée avec formation d’anticorps qui reconnaissent ces fragments peptidiques modi-
fiés, qui aboutit à la lyse des hépatocytes. La probabilité de survenue de ces atteintes
hépatiques est faible lors de la première exposition, mais augmente en cas d’expositions
répétées. La symptomatologie de ces hépatites immunoallergiques est un ictère avec
cytolyse hépatique, souvent accompagné de signes d’hypersensibilité avec fièvre, éosino-
philie et exanthème.
c) Arsenic
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
205
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
d) Hydrazine
L’hydrazine et ses dérivés organiques sont utilisés comme carburant de fusée et comme
réactifs de laboratoire. L’hydrazine est à l’origine de lésions hépatiques à la fois nécro-
tiques et stéatosiques. L’atteinte cytolytique est explicable par une toxicité directe liée à
la production d’espèces réactives et de radicaux libres à plusieurs étapes du métabolisme
des hydrazines. L’hydrazine interfère également avec le fonctionnement mitochondrial,
à l’origine de lésions stéatosiques, mais également d’une crise énergétique cellulaire par
déplétion en ATP et d’une inhibition du cycle de l’urée.
e) Germandrée petit-chêne
La germandrée est une plante utilisée en phytothérapie, qui a été utilisée notamment dans
les années 1980 en France comme amaigrissant. Des cas d’hépatite cytolytique ont été
alors observés, dont certains cas d’évolution fatale. L’hépatite survenait après plusieurs
semaines de consommation, mais récidivait plus rapidement en cas de réexposition. Les
mécanismes à l’origine de cette toxicité sont doubles, d’une part via la formation d’es-
pèces réactives après métabolisation des diterpénoïdes contenus dans la plante, d’autre
part par un mécanisme d’hypersensibilité auto-immune avec formation d’auto-anticorps.
Agent chimique
Type d’atteinte hépatique Mécanisme(s)
hépatotoxique
Interférence métabolique
Éthanol Stéatose, cytolyse mitochondriale, induction
enzymatique
Formation d’espèces réactives,
Halothane Cytolyse, stéatose
réaction immunoallergique
Arsenic Cytolyse Formation d’espèces réactives
Formation d’espèces réactives,
Hydrazine Cytolyse, stéatose interférence métabolique
mitochondriale
Formation d’espèces réactives,
Germandrée Cytolyse, stéatose
réaction immunoallergique
Paraquat Cytolyse, cholestase Formation d’espèces réactives
Stéroïdes anabolisants ou
Cholestase Inhibition de la sécrétion biliaire
contraceptifs
Arylation des protéines, formation
Paracétamol Cytolyse
d’espèces réactives
Alcaloïdes
Atteinte veino-occlusive Liaison covalente du métabolite
pyrrolizidiniques
Phalloïdine (champignons Liaison aux récepteurs
Nécrose, péliose
hépatotoxiques) membranaires
206
7 Reprotoxicité et toxicité du développement
6.4 Conclusion
Les atteintes hépatotoxiques sont des phénomènes complexes qui nécessitent de prendre
en considération la toxicité intrinsèque de la substance, la susceptibilité individuelle et
les interactions entre différentes substances. Les mécanismes sont nombreux et souvent
imparfaitement élucidés et les réactions idiosyncrasiques fréquentes.
a) Cycle de la reproduction
Les gonades ont une double fonction avec, d’une part, la gamétogenèse, dénommée
spermatogenèse chez l’homme et ovogenèse chez la femme, et d’autre part, la sécrétion
d’hormones sexuelles, dénommée folliculogenèse chez la femme.
Le cycle de la reproduction est constitué de processus biologiques comportant des
phases critiques successives sous dépendance hormonale avec des interactions cellulaires
et tissulaires complexes :
• Gamétogenèse : elle comporte une phase critique de division cellulaire, la méiose :
207
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
208
7 Reprotoxicité et toxicité du développement
• la prolactine sécrétée par l’antehypophyse et modulée par les hormones PIF (Prolactin
Inhibitor Factor) et PRF (Prolactin Releasing Factor) secrétées par l’hypothalamus ;
• l’ocytocine sécrétée par l’hypothalamus et l’hypophyse postérieure.
D’autres systèmes hormonaux interviennent également notamment au cours de la
grossesse.
Le maintien du corps jaune à la surface ovarienne et donc de la sécrétion de progesté-
rone durant la grossesse est assuré grâce à la sécrétion de β-HCG (hormone chorionique
gonadotrope) par le trophoblaste du placenta.
Catégorie Définition
209
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
Il est important de noter que la classification européenne CMR n’est pas exhaustive et
est modifiée en fonction des connaissances scientifiques. La dernière liste des substances
CMR figure dans le règlement de l’Union européenne n° 2016/1179 du 19 juillet 2016.
Dans cette liste, figurent par exemple le plomb et le brome ainsi que certains de leurs
dérivés, ou le monoxyde de carbone.
210
7 Reprotoxicité et toxicité du développement
Les effets induits peuvent être divers, comme un avortement, un retard de croissance
intra-utérin, une hypotrophie, une prématurité, des malformations (effets tératogènes),
une perturbation de développement du système nerveux ou des troubles du comporte-
ment. L’exposition à des agents chimiques durant la grossesse peut induire également
des cancers ou des maladies génétiques à terme chez la descendance par le biais de
mutations de l’ADN par exemple.
Il existe une interrelation étroite entre des facteurs individuels maternels, comme : le
métabolisme, la physiologie ou certains facteurs de susceptibilité, les altérations fonc-
tionnelles du transfert placentaire et la toxicité de la reproduction et du développement
(Fig. 8.8).
Placenta
Toxicité placentaire :
Passage placentaire t Réduction de la taille et/ou du flux sanguin
t "ltération du transport
t "ltération du métabolisme
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211
$IBQJUSFt Pathologies toxiques non tumorales
212
L’essentiel
Pathologies toxiques non tumorales
?
ORGANE t Pathologie d’organe
DE Distribution
pré-existante
STOCKAGE ORGANE
Métabolisme CIBLE Effets : cliniques ou infracliniques
Apparition : aiguë, subaiguë
ou différée
Élimination
Méthodes d’investigations
Métabolites ?
Milieux de recueil ? Urine, fèces, sueur, lait maternel, cheveux… ?
213
Chapitre 9
Évaluation du risque
et réglementations
Introduction
La démarche d’évaluation des risques sanitaires née aux États-Unis dans les années 1980
est une démarche de synthèse des connaissances scientifiques disponibles (environnemen-
tales, cliniques, épidémiologiques, toxicologiques), permettant de définir les effets sur la
santé humaine d’une exposition sur des individus ou des populations à des substances, des
agents ou des situations dangereuses.
Cette démarche est actuellement utilisée dans les agences d’expertise sanitaire où elle sert
de base à la fixation de seuils réglementaires ou de valeurs sanitaires (tels que la valeur
toxicologique de référence (VTR), la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP), la
valeur guide de qualité d’air intérieur (VGAI), la dose journalière admissible (DJA)…).
Objectifs Plan
Comprendre la démarche d’une évaluation 1 Valeurs de référence hors
de risque. cadre réglementaire
Comprendre l’intérêt de la toxicologie dans 2 Définition des relations
le domaine réglementaire. dose-réponse
3 Réglementations REACH et
Compendre les relations dose-réponses.
des produits phytosanitaires
Connaître la méthode de construction et biocides
des valeurs sanitaires, reconnaitre les 4 Conclusion et perspectives
différences entre valeurs réglementaires
et non réglementaire.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
215
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
Les deux premières étapes qui visent à caractériser le danger ont pour objectif, lorsque
les données disponibles sur les substances considérées le permettent, la proposition de
valeurs toxicologiques de référence ou VTR.
Une VTR (Valeur Toxicologique de Référence) est une appellation générique regrou-
pant tous les types d’indice toxicologique qui permettent d’établir une relation entre
une dose et un effet (toxique à seuil d’effet) ou entre une dose et une probabilité d’effet
(toxique sans seuil d’effet). Les VTR sont établies par des instances internationales
(Organisation mondiale de la santé…) ou des structures nationales (US Environmental
Protection Agency ou US EPA, Agency for Toxic Substances and Disease Registry ou
ATSDR, Institut national de la santé publique et de l’environnement aux Pays-Bas ou
RIVM, Santé Canada…). Elles permettent d’évaluer des effets sanitaires éventuels d’une
exposition à des substances chimiques. Par définition, une VTR est construite pour
l’effet le plus sensible considéré comme indésirable. Cependant, elle ne tient pas compte
de la gravité de l’effet, ni de la réversibilité ou non des effets. Elles sont spécifiques
d’une substance, d’une durée d’exposition et d’une voie d’exposition. Elles ne prennent
pas en compte l’existence d’effets de mélange qui peuvent conduire à des interactions.
Les VTR s’appliquent à l’ensemble de la population. Cependant, elles peuvent parfois
être spécifiques d’un sous-groupe de la population. Le mode de construction des VTR
dépend des données disponibles sur les mécanismes d’action biologique des substances et
d’hypothèses communément admises : on distingue ainsi des « VTR sans seuil de dose »
et des « VTR à seuil de dose ». De manière générale, les « VTR à seuil de dose » sont
utilisées pour les effets non cancérogènes ou cancérogènes non génotoxiques tandis que
les « VTR sans seuil de dose » sont utilisées pour les effets cancérogènes génotoxiques.
Dans le cas des effets à seuil de dose, l’effet néfaste ne survient que si une certaine
dose est atteinte et dépasse les capacités de détoxication de l’organisme. C’est la gravité
de l’effet qui dépend de la dose.
La VTR correspond alors à une dose ne devant pas entraîner la survenue de l’effet
néfaste.
Pour ajuster cette valeur à l’ensemble de la population humaine, et ainsi prendre en
compte les incertitudes (liées à la variabilité entre animal et Homme, entre les Hommes, à
la durée de l’étude, etc.), des facteurs d’incertitudes (UFs) sont appliqués à la dose critique
ou POD (Point of Departure), établie en général chez l’animal (parfois chez l’Homme).
VTR = POD/(UFs)
La VTR est donc égale à la dose critique observée chez l’animal ou chez l’Homme
divisée par les facteurs d’incertitude.
Cette VTR est ensuite comparée aux niveaux d’exposition (D) dans le calcul du
quotient de danger QD.
QD = D/VTR
Les valeurs de QD supérieures à 1 indiquent une possible survenue de l’effet. Plus ces
valeurs sont grandes, plus le risque est important.
216
1 Valeurs de référence hors cadre réglementaire
Dans le cas des effets sans seuil de dose, l’effet apparaît quelle que soit la dose reçue.
C’est la probabilité du risque qui croît avec la dose.
La VTR correspond alors à une probabilité supplémentaire, pour un individu exposé
à une unité de dose, par rapport à un individu non exposé, de manifester un effet néfaste.
C’est ce qu’on appelle l’excès de risque unitaire (ERU), ou encore la pente de la droite
reliant le POD à l’origine. Elle est obtenue en faisant une extrapolation linéaire à l’origine
à partir de la POD. Il s’agit de l’inverse d’une dose ou de concentration.
Les VTR sont applicables pour des durées d’exposition précises. Généralement,
en évaluation des risques sanitaires chez l’Homme, on distingue trois types de durée
d’exposition :
̭ les expositions aiguës, de quelques heures à quelques jours ;
̭ les expositions subchroniques, de quelques jours à quelques mois ;
̭ les expositions chroniques, d’une ou de quelques années à la vie entière.
Ces durées d’exposition sont données à titre indicatif et peuvent varier d’une sub-
stance à l’autre, en fonction des mécanismes en jeu, des propriétés physicochimiques
de la substance ou de ses propriétés toxicocinétiques.
La nature de la VTR (aiguë, subchronique, chronique) est déterminée en partie par
la durée d’exposition des études toxicologiques mais également des besoins en ERS
(Anses, 2007).
La durée des études animales obéit elle-même à des protocoles expérimentaux stan-
dardisés (OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques ;
International Conference on Harmonisation of Technical Requirements for Registration
of Pharmaceuticals for Human Use ou ICH, National Toxicology Program ou NTP…). À
titre d’information, chez le rongeur, la toxicité aiguë est étudiée après une exposition de
quelques heures (lignes directrices OCDE n° 401, 402, 403), la toxicité subaiguë par une
exposition répétée sur quelques jours (jusqu’à 28 jours) (ligne directrice OCDE n° 407,
410, 412), la toxicité subchronique par une exposition répétée pendant 90 jours (lignes
directrices OCDE n° 408, 411, 413) et la toxicité chronique lors d’expositions répétées
supérieures à 90 jours et généralement d’une durée d’au moins un an (lignes directrices
OCDE n° 452 et 453) et les effets cancérogènes par une exposition répétée de 2 ans
(le rat a une durée de vie d’environ 2,5 ans) (lignes directrices OCDE n° 451, 453).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Concernant les effets sur le développement, il est généralement admis qu’une expo-
sition unique peut suffire pour induire la survenue de l’effet si l’exposition survient
lors d’une phase critique du développement embryonnaire ou fœtal. Par conséquent, la
dose d’exposition est directement celle à retenir sans ajustement concernant la durée de
l’exposition. Ainsi, une VTR reprotoxique s’applique pour des durées d’exposition d’une
journée (Anses, 2007).
Les VTR peuvent être fixées par :
̭ des instances internationales (OMS) ;
̭ des agences d’expertise européenne (Autorité européenne de sécurité des aliments ou
EFSA, European Food Safety Authority, est une des principales agences de l’Union) ;
217
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
Identification
dose critique
Extrapolation
Facteurs linéaire à
d’incertitude l’origine
̭ d’identifier les dangers (recenser et analyser les données de toxicité disponibles, iden-
tifier le (ou les) organe(s) cible(s) et l’effet critique) ;
̭ de définir une relation dose-réponse (sélectionner/choisir une étude clé de bonne
qualité (épidémiologique ou toxicologique), définir une dose critique, dose repère ou
point de départ (POD) chez l’Homme ou l’animal à partir de cette étude (voir plus
loin : NOAEL/C, LOAEL/C, BMD/C…) ;
̭ d’identifier l’hypothèse de construction, à seuil ou sans seuil de dose.
Pour une VTR à seuil, appliquer des facteurs d’incertitude à cette dose de manière à
dériver une VTR applicable à l’ensemble de la population visée ; pour une VTR sans
seuil, réaliser une extrapolation linéaire à l’origine afin de déterminer un excès de risque.
218
1 Valeurs de référence hors cadre réglementaire
Les effets toxicologiques résultant d’une exposition aux substances chimiques peuvent
être brefs ou prolongés, réversibles ou irréversibles, immédiats ou différés. La nature,
le nombre, la gravité, l’incidence ou la prévalence d’effets toxicologiques particuliers
sur les populations (qu’il s’agisse des êtres humains ou d’espèces animales) exposées à
des substances chimiques augmentent généralement avec la dose. Pour la plupart des
substances chimiques, les données portant sur les effets toxicologiques observés après
une exposition se limitent aux renseignements obtenus à partir d’études réalisées chez
des animaux de laboratoire. Des renseignements obtenus à partir d’études réalisées chez
les populations humaines (principalement des enquêtes épidémiologiques) peuvent être
intégrés à la base de données utilisée aux fins de la détermination de la toxicité.
Dans le choix des études qui conviennent le mieux à l’évaluation de la toxicité, il faut
prendre en considération plusieurs paramètres : la pureté du composé administré, le
nombre d’animaux exposés (et d’animaux témoins), la conformité de l’étude aux principes
liés aux bonnes pratiques de laboratoire, la pertinence de la voie d’exposition par rapport
à celle des êtres humains, la durée de l’exposition, le nombre de doses administrées (et
leur pertinence), et l’analyse statistique des données. Les types, la localisation, l’incidence
et la gravité des effets ainsi que la nature de la relation exposition-effet ou dose-effet sont
également pris en considération.
Dans l’appréciation du niveau de preuves d’un effet en particulier, il faut tenir compte
de la cohérence des résultats des principales études (par exemple, des effets similaires
ont-ils été observés dans les études portant sur d’autres espèces ou de tels effets étaient-
ils prévisibles en fonction de la structure ou des propriétés de la substance chimique ?).
sous-population la plus sensible (par exemple, l’embryon ou le fœtus d’une mère exposée
au cours d’études relatives au développement).
Les données obtenues à partir d’études d’exposition à court terme réalisées chez des
animaux de laboratoire permettent de déterminer les organes cibles ou les différences de
sensibilité entre les espèces, cependant elles ne suffisent pas pour établir la toxicité en
cas d’exposition subchronique ou chronique.
219
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
220
2 Définition des relations dose-réponse
deux approches conduisent à des résultats identiques) est utilisée. Cette approche repose
sur une modélisation des données expérimentales prenant en compte l’ensemble de la
courbe dose-réponse. L’analyse de la réponse dans les groupes exposés nécessite de
définir plusieurs cas de figure en fonction du type d’effets choisis :
̭ si les observations concernent le nombre d’animaux atteints (par une altération orga-
nique, une pathologie…), la réponse obtenue est dite dichotomique ou quantale : c’est
la proportion d’individus touchés ;
̭ si les observations concernent un paramètre physiologique ou biologique de l’orga-
nisme, la réponse obtenue est dite de nature continue (par exemple le poids d’un
organe, le nombre de globules rouges ou la concentration sanguine d’une enzyme
hépatique).
par des éléments scientifiques pertinents (par exemple : différence d’affinité entre deux
récepteurs ou EMX, voir chapitre 5).
Il n’existe pas d’approche universellement admise pour l’application des UF dans le
cadre d’une construction de VTR et le recours au jugement d’experts est utilisé à chaque
fois que cela est nécessaire pour compléter ou suppléer des données objectives.
Pour la construction de VTR à seuil, les facteurs d’incertitude suivants sont appliqués
à la dose critique retenue (Tab. 9.1) :
̭ un facteur pour la transposition inter-espèces UFA (valeur variable selon les données),
tenant compte de l’incertitude d’une espèce à l’autre dans la réponse biologique ;
221
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
DÉFINITION
L’incertitude fait référence à un manque d’information, une littérature incomplète
ou des données incorrectes. Elle peut en principe être réduite par des études plus
approfondies ou par des mesures supplémentaires.
DÉFINITION
La variabilité se réfère aux réelles différences attribuables à une hétérogénéité
vraie ou une diversité de population. Elle résulte de processus naturels aléatoires
provenant de l’environnement, du style de vie, et des différences génétiques. La
variabilité est une propriété fondamentale de la population exposée, généralement
non réductible par des mesures ou des études supplémentaires. Seule sa caracté-
risation peut être améliorée.
Tableau 9.1 Valeurs des facteurs d’incertitude à appliquer pour la construction de VTR
Valeurs
Acronyme Interprétation des UF
des UF
Si absence de donnée 4
Si une partie de la toxicocinétique
1à3
est identique
Composante Si l’ensemble de la
toxicocinétique toxicocinétique est sensiblement
1à3
UFA-TK la même ou si utilisation d’un
coefficient d’ajustement de doses
Variabilité
UFA
inter-espèces Si modèle PBPK renseigné 1
Si utilisation d’une étude humaine –
Si absence de données 2,5
Composante Si toxicodynamie identique 1
toxicodynamique
UFA-TD Si Homme moins sensible 1
Si utilisation d’une étude humaine –
Variabilité Composante toxicocinétique UFH-TK 3
UFH inter
individuelle Composante toxicodynamique UFH-TD 3
1, 3 ou 10
UFL Utilisation d’un LOAEL au cas par
cas
1, 3 ou 10
UFS Transposition subchronique à chronique au cas par
cas
1, 3 ou 10
UFD Insuffisance des données (en qualité et en quantité) au cas par
cas
222
3 Réglementations REACH et des produits phytosanitaires et biocides
223
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
Dans ce contexte, les valeurs de référence, basées sur les données des dossiers transmis
par les industriels, sont discutées et validées au niveau européen. Ces valeurs sont la dose
dérivée sans effet (DNEL) ou dose dérivée avec effet minimum (DMEL) dans le cadre
de REACH, le niveau acceptable d’exposition (pour l’opérateur) [A(O)EL], la dose aiguë
de référence (DARf) et la DJA dans le cadre des phytosanitaires et biocides.
La construction des VTR est cadrée au niveau européen par des documents guides et
les VTR fixées par expertise collective. Toutefois, des valeurs différentes peuvent être
fixées pour la même substance : les données soumises peuvent être différentes (notifiant
différent), les études et les facteurs de sécurité peuvent être sujets à des interprétations
différentes (groupes d’experts différents).
224
3 Réglementations REACH et des produits phytosanitaires et biocides
de l’ECHA.
Certaines particularités sont propres à la réglementation biocides ou phytosanitaires :
ʮ Concernant les produits biocides, une AEL est déterminée pour chaque durée d’expo-
sition. Par conséquent, chaque substance active possède une AEL court, moyen et long
terme, dérivée pour une exposition aiguë, subchronique ou chronique. Par ailleurs, une
concentration acceptable d’exposition (AEC) peut être calculée. Elle est définie pour
caractériser les effets locaux par voie respiratoire en général. Contrairement à l’AEL,
c’est une valeur externe, c’est-à-dire ne prenant pas en compte la valeur d’absorption et
donc spécifique d’une voie d’exposition. Enfin, une approche différente de l’AEL afin
d’exprimer le risque, est présentée dans les dossiers biocides : une marge d’exposition
225
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
4 Conclusion et perspectives
4.1 Effet néfaste – gravité de l’effet
Par définition, une VTR est construite pour l’effet le plus sensible considéré comme indé-
sirable. Cependant, cela ne tient pas compte de la gravité de l’effet, ni de la réversibilité
ou non des effets (elle-même pouvant dépendre de la durée de l’exposition). Comme ce
qui est déjà réalisé pour les seuils de toxicité aiguë (létaux, réversibles, irréversibles),
il serait possible pour les VTR de pouvoir classer les effets (graves, bénins, afin d’aider
à l’interprétation des résultats des évaluations de risques sanitaires, quotient de danger
ou excès de risque individuel) en fonction de la gravité de l’effet.
226
4 Conclusion et perspectives
227
L’essentiel
$IBQJUSFt Évaluation du risque et réglementations
228
Sujets de synthèse
Sujet 1
Les composés perfluorés (PF) sont des substances synthétisées par l’Homme et sont utilisées
pour de nombreuses applications du fait de leur très haute stabilité : protection de matériaux,
cosmétiques, peintures… Ils sont également utilisés pour le revêtement de certains usten-
siles culinaires comme les poêles ou les casseroles. Le polytétrafluoroéthylène, ou PTFE est
notamment utilisé pour fabriquer du téflon.
La structure du PTFE est représentée dans la figure 1.1 :
F F F F F F F F F F
C C C C C C C C C C
F F F F F F F F F F
Figure 1.1 − Structure du PTFE
La stabilité des PF pose néanmoins de sérieux problèmes environnementaux. Ils sont ainsi
classés pour certains comme des POPs depuis 2009 et comme neurotoxiques. Par ailleurs, ils
peuvent entraîner une immaturité de développement pulmonaire.
Ces POPs fluorés ont toutefois des propriétés sensiblement différentes des autres POPs
classiques (dioxines, pesticides organochlorés…) en termes de bio-distribution dans les orga-
nismes. Leur affinité est ainsi très forte vis-à-vis de l’albumine, une protéine plasmatique.
Le PFOA et le PFOS (perfluorooctanoic acid et perfluorooctane sulfonate) ont des demi-
vies de quelques heures (rat) à près d’un mois (singe). Chez l’Homme, les demi-vies sont
toutefois estimées à 3,8 (PFOA) et 4,8 ans (PFOS). Ces composés présentant de nombreuses
toxicités, la connaissance de leur bio-distribution tissulaire dans le sang et les autres organes
en fonction du temps est essentielle.
L’objectif de la première partie de l’étude ci-dessous est de tester un modèle PBPK en termes
de bio-distribution des 2 PF présentés (PFOA et PFOS).
Un premier modèle PBPK de Loccisano et al. (2011) est présenté en figure 1.2.
229
Sujets de synthèse
Liver
QLiv
Fat
QFat
Plasma
IV Skin
Free QSkn
fraction
Rest of body
QR
Kidney
QKid
Tm,Ki
QFil Filtrate
Storage
Kurine
Urine
L’utilisation du modèle de Loccisano a produit des valeurs simulées (simulated) qui ont été
comparées à des données expérimentales obtenues (experimental) à partir de tissus prélevés
après autopsie de personnes vivant dans la région de Tarragona (Italie). Ces mesures sont
présentées dans le tableau 1.1.
230
Sujet 1
Un modèle alternatif de PBPK est proposé par Fabrega et al. et présenté dans la figure 1.3.
Oral dintake
Oral dose,
Gut Gut
drinking water
QGut
Liver Liver
QLiv
Fat Kidney
QFat
Plasma Filtrate
IV Skin P
QSkn
L
Storage
Rest of body A
QR S
Urine elimination
M
Kidney Fat
QKid A
Tm,Ki
Brain
QFil Filtrate
Lungs
Storage
Kurine Rest of the
Urine body
Figure 1.3 − Modèle PBPK de Loccisano (2011) à gauche pour rappel et modèle
PBPK de Fabrega (2014) à droite
Une différence fondamentale entre les deux modèles, qui n’apparaît pas dans les schémas
présentés, est la prise en compte dans le modèle de Fabrega (2014) du mécanisme de réab-
sorption par les transporteurs rénaux au niveau du compartiment filtré. Les simulations sont
alors réalisées avec ce nouveau modèle et présentées dans le tableau 1.2.
231
Sujets de synthèse
Sur le plan mécanistique, les PF pourraient lier le récepteur nucléaire PPAR alpha. Celui-ci
fonctionne selon la même voie de signalisation que le PXR.
Le but de l’étude suivante de Wolf et al. (2014) est d’étudier les effets d’additivité des PF sur
la voie de signalisation du PPAR alpha.
Pour cela, des cellules COS-1 sont transfectées avec un vecteur comprenant un promoteur
liant le récepteur PPAR alpha en amont du gène luciférase.
Les résultats suivants sont observés avec le PFOA et le PFOS (Fig. 1.4) :
a PFOA b PFOS
1.1 1.05
1.0 0.90
0.9
log10 Fold Induction
log10 Fold Induction
0.8 0.75
0.7 0.60
0.6
0.5 0.45
0.4 0.30
0.3
0.2 0.15
0.1
0.00
0.0
-0.1 -0.15
-0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
[log µm] [log µm]
1 -256 µM 4 -512 µM
232
Solutions
1.1 POP signifie « polluant organique persistant ».
Les propriétés essentielles qui définissent un POP sont :
– stabilité à la dégradation ;
– répartition large sur Terre (même là où ce n’est pas utilisé) ;
– bioaccumulation dans la chaîne alimentaire ou hydrophobicité ;
– composé organique.
1.3 On constate une très grosse différence entre expérimental et simulé. Le modèle
surestime la réalité pour le PFOA en particulier. Pour le PFOS, le modèle fonctionne
mieux (foie, rein) mais la variabilité expérimentale est très grande.
1.4 La différence fondamentale entre les deux modèles est qu’on a ajouté les poumons et
le cerveau et éliminé la peau dans le second modèle.
1.5 Les raisons justifiant la présence des compartiments suivants dans le(s) modèle(s)
sont :
– cerveau : neurotoxicité des composés et le cerveau est affin pour les composés hydrophobes ;
– foie : Passage obligé de ce qui arrive par le sang et organe principal de métabolisation des
xénobiotiques ;
– intestin : voie d’entrée des xénobiotiques par la nourriture ;
– poumons : immaturité pulmonaire.
1.6 Pour expliquer les différences de demi-vies entre l’Homme et les autres espèces, on
peut faire les hypothèses suivantes :
– métabolisme différent entre différentes espèces ;
– plus ou moins de gras (adipose tissue) selon l’espèce ;
– les humains ont un plus gros cerveau (gras).
233
Solutions
1.7
Ligand
1.9 La luciférase est une protéine extérieure aux cellules de mammifères qui génère de la
lumière. Donc, les valeurs viennent forcément du gène rapporteur (luciférase) et pas
d’une protéine endogène. La luciférase est aussi facile à doser.
1.10 Ces résultats montrent que PFOA et PFOS activent la voie de signalisation du PPAR
alpha avec des profils d’activation sensiblement équivalents (affinité plus importante
pour le PFOA).
234
Sujet 2
Sujet 2
1re partie
2e partie
Le récepteur Ah (ou AhR) est une protéine qui lie des molécules de structure chimique variée.
2.6 Quels sont les gènes classiquement décrits comme étant régulés par
le AhR ?
Plusieurs laboratoires ont montré qu’en fonction du type de ligand utilisé, le AhR ne
régulait pas nécessairement les mêmes gènes. Narayanan et al. ont étudié l’influence
du 3ʹ,4ʹ-dimethoxy-α-naphthoflavone (DiMNF), un ligand du AhR, sur la réponse
inflammatoire.
Des cellules Huh7 (lignées d’hépatocarcinome humain) sont ainsi traitées avec du DiMNF
pendant une heure puis par de l’interleukine 1B (IL1B) pendant vingt-quatre heures. L’IL1B
est une cytokine favorisant la mise en place des processus inflammatoires. Les ARNm sont
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ensuite extraits puis analysés (Fig. 2.1 présentée volontairement sans légende). Un gène (CD55)
fait l’objet d’une attention toute particulière en raison de sa caractéristique de marqueur de la
réponse inflammatoire (système du complément).
235
Sujets de synthèse
2.7 Quelle technique rapide peut être utilisée pour mesurer les niveaux
de l’ARNm de CD55 ?
2.5 ***
1.5
1.0
***
0.5
0.0 cle
IB
NF
B
LI
IL
M
hi
+i
DI
Ve
NF
M
DI
Figure 2.1
Une expérience similaire est réalisée mais les expérimentateurs réalisent en préambule une
transfection de deux types de siRNA avant les traitements et analyses indiqués plus haut
(Fig. 2.2).
Control siRNA AHR siRNA
1.2
1.1 ***
Relative CD55/LI3 mRNA
1.0
0.9 *
0.8
0.7
0.6 *
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0.0
cle
IB
NF
cle
IB
NF
B
LI
LI
IL
IL
M
M
hi
hi
+i
+i
Di
Di
Ve
Ve
NF
NF
M
M
DI
DI
Figure 2.2
236
Sujet 2
CD 55 est une protéine de surface qui inhibe la constitution du complexe d’attaque membranaire
du complément, qui est permet de détruire les cellules au cours de la réaction immunitaire.
La TCDD, xénobiotique toxique et ligand du AhR, n’a aucun effet sur l’expression de CD55.
237
Solutions
2.1 Une souris humanisée est une souris qui a été modifiée génétiquement pour exprimer
un ou plusieurs récepteurs ou enzymes du métabolisme des xénobiotiques humain.
2.3 Les trois grandes approches pour produire les modèles murins sont :
– fusion d’un ADNc humain avec un promoteur « tissu-spécifique » (Serum Alb. et
foie) ;
– utilisation d’un clone génomique humain (contient tous les élements du gène) :
phage Lambda, BAC, PAC (attention, la régulation peut être différente) ;
– knock-in : remplacement du gène souris par le gène humain.
2.5
Ligand
(BaP, dioxines)
2.6 Les gènes classiquement décrits comme étant régulés par le AhR sont les enzymes et
transporteurs du métabolisme des xénobiotiques.
2.7 La technique rapide pouvant être utilisée pour mesurer les niveaux de l’ARNm de
CD55 est la RT-PCR quantitative en temps réel.
2.8 Le terme « vehicle » fait référence au contrôle : classiquement c’est le solvant utilisé
pour dissoudre les autres éléments (exemple : IL1β).
238
Solutions
2.11 Les résultats à gauche sont les mêmes que ceux de la figure 1. La figure 2 montre
que l’invalidation d’expression du AhR bloque les effets du DiMNF. Conclusion :
le DiMNF exerce son effet sur l’induction par l’IL1B de CD55 via le AhR (effet
inhibiteur).
2.13 Le DiMNF n’exerce pas les mêmes effets que la TCDD. Pourtant les deux ligands lient
le AhR. L’activation de la voie par le DiMNF peut permettre d’exercer des effets anti-
inflammatoires ou anti-tumoraux.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
239
Bibliographie
Chapitre 1
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Index
3 R (règles des) 92 Agence européenne des produits antigènes-anticorps 189
4-aminobiphényle 115 chimiques (European Che- antihypertenseur 62, 64
micals Agency ou ECHA)
β-caténine 128 anti-inflammatoires 198
224
β-HCG (hormone chorionique anti-oxydants 57
Agence nationale de sécurité
gonadotrope) 209 sanitaire de l’alimentation, antiseptiques 181
de l’environnement et du AOEL 225
A travail (ANSES) 110 AOP (Adverse Outcome
Agency for Toxic Substances Pathways) 5, 104, 105
ABC (ATP Binding Cassette) and Disease Registry ou apoptose 97, 121, 144, 199, 203
44, 54 ATSDR 216
appareil de Golgi 139
absorption (A) 12, 100, 213 agent physique 181 approches intégrées en matière
acariens 173 agents lacrymaux 164 d’essai et d’évaluation
accouchement 208 agriculture biologique 2 (IATA) 5
accumulation 50 AhR (Aryl hydrocarbon argent 186
acétaldéhyde 112 Receptor) 56, 60, 62, 69, 70, armes chimiques 164
acétaminophène 51, 59, 60 78, 79, 83, 84 ARN longs non codants (long
acétylcholine 76, 143, 148 air 56 non-coding RNA) 134
acétylcholinestérase 71, 76, 77 albumine 42, 43, 202 ARN non codants 134
acétyl-coA 53 alcool 50, 67, 110, 116, 198, 203 ARNT 78, 79
acide(s) 180, 181 aldéhydes 180 arsenic 112-115, 186, 193, 205,
acétique 162 allergènes 24, 174, 182 206
aminés 195, 196 allergies 4 aryl 78
chromique 180 alliages 171 asbestose 171
cyanhydrique [HCN] 167 alvéoles 25, 118, 155, 156, 169 asthme 169, 172
fluorhydrique 180 amiante 9, 12, 23, 112-114, astrocytes 140, 141, 155
gamma-aminobutyrique 116 -118, 132, 133, 170 ATM 120
(GABA) 148 amines 173 ATP-binding cassette (ABC) 19
glutamique 148 aromatiques 193 ATP 18, 21, 54, 188, 206
gras 29, 205 hétérocycliques 64, 65 ATPases 77, 142, 143
lactique 122 amitraze 148 ATR 120
nucléiques 191 ammoniac 162, 167 atropine 149
oxalique 180 ammoniums quaternaires 173 ATSDR 218
urique 194, 196 AMPc 84 audition 145
acné 185 amphiphiles 177 auto-anticorps 206
acroléine 162 anatomie 201 autophagie 122
acrylamide 153, 210 androgènes 82 Autorité européenne de sécurité
additif(s) 7 anémones 184 des aliments 217
avortement 211
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alimentaires 12 anesthésie 77
adductome 75 aneuploïdie 125, 126 axone 139, 142, 144, 152
adduits 57, 69, 75 angiogenèse 207 axonopathies 152
ADE 102 angiotensine 195, 196, 197
adhésion 199 angor 192 B
adipocytes 28, 175, 176 anion superoxyde 73
BAC 63
ADN 58, 75, 97 anse de Henlé 196
bacille 154
ADN complémentaire (ADNc) 63 ANSES 218
barrière 16, 35, 44
Adverse Outcome Pathway 104 antagoniste 7
cutanée 177, 178
AOEL (Acceptable Operator anticoagulants 61
fœto-placentaire 44
Exposure Level) 225 anticorps 189, 205
hémato-encéphalique
aérosols 24, 33, 160 antidote 179 (BHE) 17, 22, 44, 138, 140,
aflatoxines 112 antigène 176 141, 151
251
Index
252
Index
253
Index
254
Index
255
Index
modèles in silico 98 N-cadhérine 127 œdèmes 157, 161, 163, 164, 182
moelle épinière 154 nécrose 97, 121, 183, 199, 202, œil 115
moelle osseuse 188, 196 204, 206 œsophage 112
MOEref 226 néphron 195 œstrogènes 82, 84
mono-compartimental 100 néphrotoxicité 137 olfaction 158
monocytes 187, 188, 189 neurofilaments 140, 152 oligodendrocytes 140, 150, 154
monoéthylique 190 neurogenèse 144 omiques 5, 88, 104
monoxyde de carbone (CO) 12, neurones 138 oncogènes 119
160, 167, 191 neurotoxicité 137, 138 organes sur puces 96
mort cellulaire 70, 97, 122 neurotransmetteurs 77, 143 Organisation mondiale de la santé
moutarde 115 neurotubules 139 (OMS) 116, 210, 216
azotée 114 NGS (Next-Generation Sequen- organophosphorés 71, 141, 149,
MPTP 151 cing) 131, 133 160, 162,
MRP 22 n-hexane 152 165, 212
MRPs (Multidrug Resistance- N-hydroxy-IQ 65 ortie 184
associated Protein) 21 nickel 166 os 114
MT (méthyltransférases) 53 nicotine 149 osmium 167
MucilAir™ 95 nitrates 112 ovaire 114, 208
mucopolysaccharides 176 nitrique, sulfurique 180 ovocyte 208
MUSST (Myeloid U937 Skin nitrites 193 ovogenèse 208
Sensitization Test) 178 NOAEL (No Adverse Effect) 5, oxydant 69
mutagenèse 75, 88, 104, 218 88 oxydations 51, 58, 71
mutations 75, 125, 130 nœud de Ranvier 141, 143 oxyde d’éthylène 181
myalgies 159 nomenclature HUGO 20 ozone (O3) 162, 164, 184
mycotoxines 194 non-fumeurs 130
myéline 152, 154 Non Homologous End Joining P
myélinisation 140, 141, 144 (NHEJ) 121
myélinopathies 153 No Observable Adverse Effect PAC 63
myocarde 188, 192 (NOAE) 220 pancréas 113
myocytes 156 noradrénaline 149, 196 paracelse 3
myoglobine 192 NOTCH 127 paracétamol 203, 206
nourriture 56 paraquat 72, 73, 160, 162, 165,
N nouveau-né 91 204, 206
noyau 53, 97, 139 parathormone (PTH) 196
N-acétylglucosaminidase (NAG) Nrf2 70, 74, 84 particules 25, 26, 27, 117, 118,
198 169
NTC 125
N-acétyltransférases 54
nucléaire 171 PAS 79
NADPH 165
nucléophilie 71, 72 PBPK (Physiologically-Based
NADPH,H+ 52, 57 Pharmaco Kinetics) 26, 67,
Nucleotide Excision Repair
Na+/K+ - ATPase 143 (NER) 121 99-103, 223
nanoparticules 12, 157 nylon 186 PCBs 79, 82
nanotubes de carbone 125, 134 PDGF 127
NAPQI (N-acétyl-p-benzoquino- O peau 27, 29, 114, 117, 147, 175,
neimine) 59, 60 176
nasopharynx 155 O2 188 humaine 178
National Institute of Environmen- obésité 4, 116 peintures 173
tal Health Sciences (NIEHS) Occupational Safety and Health pénicilline 191
110 Administration (OSHA)
pente de la droite 217
National Toxicology Program 110
(NTP) 217 perchloroéthylène 162
OCDE (Organisation de coopé-
NAT (N-acétyltransférases) 53, ration et de développement perfusion 40
54, 65 economiques) 88, 217 période 50
natural killer 187 ocytocine 209 perméabilité 33, 40
nausées 192 odorat 145 membranaire 41
256
Index
257
Index
258
Index
tube digestif 112, 113, 149 valeur limite d’exposition profes- paracellulaire 22
tumeurs 116, 121, 123, 126 sionnelle (VLEP) 215 pulmonaire 12, 24, 33
tumorigenèse 120 valeur de référence 224 respiratoire 23, 89, 90
TVO 169 valeur toxicologique de référence transcutanée 117
(VTR) 215
TVR 161 volume de distribution 37, 100,
vanadium 167 101
tyrosine kinase 77
vapeurs 26, 33 VTR (valeur toxicologique de
variabilité 222 référence) 5, 216, 217, 221,
U 223, 224
variants 62
ubiquitination 74 vasodilatation 196 à seuil 218
UDP-glucuronosyltransférases vernis 173 à seuil de dose 216
54, 68 vésicules 18 sans seuil de dose 216
UGT (UDP-glucuronosyltransfé- vessie 29, 115, 117 vue 145
rases) 53, 54, 68 vimentine 127
ultraviolets 129-131, 175, 184 vin 205 W
Union européenne 224 vitamine 74, 194
WNT 127
uranium 199 A 201
urée 194, 206 D 175, 196 X
uretère 115 vitesse maximale (Vmax) 18
urines 15, 36, 53, 194, 196, 198 VLDL 204, 205 xénobiotiques 11, 49
urticaire de contact 182 VLEP 224 xénogreffe 123
US Environmental Protection voie(s) XRE 79
Agency (EPA) 216, 218 aériennes 117
utérus 208 cutanée 12, 27, 89 Y
d’absorption 11
V de signalisation 69
ypérite 165
259