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Encadrement juridique du paiement mobile

en République démocratique du Congo :


moyen et preuve de paiement
par Christian Byaombe Malumalu
Assistant à la faculté de droit de l’Université officielle de Bukavu
et avocat au barreau du Sud-Kivu
Chercheur au Centre d’Expertise en Gestion Minière de l’Université
Catholique de Bukavu (CEGEMI-UCB)

et Pierrot Chambu Ntizimire


Docteur en sciences juridiques de l’UCLouvain
et professeur associé à l’Université officielle de Bukavu

Résumé

L’encadrement juridique du paiement de biens et services à l’aide du téléphone ne


peut s’imaginer en RDC qu’à travers la réglementation de la monnaie électronique
et celle de la preuve électronique. Ces deux réglementations influencent réciproque-
ment leurs régimes. La modalité de paiement du droit IMEI (International Mobile
Equipment Identity Number), la taxe dite RAM, à partir des crédits de communi-
cation, démontrent que tout paiement mobile n’utilise pas la monnaie électronique.
Cette étude s’intéresse alors, d’une part, à comprendre si, en RDC, les crédits de
communication constituent désormais des moyens de paiement mobile à côté de
la monnaie électronique, et, d’autre part, à cerner leur emprise sur les modes de
preuve. De la lecture des lois applicables et des contrats d’utilisation de la monnaie
électronique il apparaît que les crédits de communication ne remplissent pas, au
contraire de la monnaie électronique, les conditions d’un moyen de paiement. Les
SMS confirmatifs de paiement et les relevés de transaction y afférents sont quant
à eux des modes de preuve pour autant qu’ils satisfassent aux conditions légales
d’origine et d’intégrité de la preuve électronique.

Abstract

The legal framework for the payment of goods and services by telephone can only
be imagined in the DRC through the regulation of electronic money and electronic
evidence. These two regulations influence each other’s regimes. The modality of
payment of the IMEI (International Mobile Equipment Identity Number) right, the
so-called RAM tax, from communication credits, demonstrates that not all mobile

Annales de Droit de Louvain, vol. 83, 2021, no 2


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payments use electronic money. This study is therefore interested in understanding


whether, in the DRC, communication credits now constitute a means of mobile
payment alongside electronic money, and in identifying their influence on methods
of proof. From a reading of the applicable laws and contracts for the use of elec-
tronic money, it appears that communication credits do not meet the conditions
of a means of payment, unlike electronic money. SMS confirmations of payment
and the related transaction records are, however, forms of evidence provided that
they meet the legal requirements of origin and integrity of electronic evidence.

Introduction

Faire usage de son téléphone pour initier, autoriser et confirmer l’échange d’une
valeur financière en retour de biens et services 1 est une pratique qui s’accroît
rapidement en République démocratique du Congo (RDC 2). Si ce paiement à
l’aide du téléphone mobile est ainsi plébiscité par les consommateurs en raison
de sa simplicité, sa rapidité et son moindre coût, le moyen et la preuve dudit
paiement restent des sujets sensibles.
En dépit de l’adoption en 2018 de la loi relative aux systèmes de paiement et de
règlement-titres, le paiement mobile n’a pas de régime juridique propre en RDC.
Cette loi de 2018 préfère plutôt confier à la Banque centrale du Congo (BCC) le
pouvoir d’édicter une instruction qui définit des normes relatives à l’émission, la
gestion et la distribution de la monnaie électronique.
À ce jour, trois opérateurs de téléphonie mobile possèdent l’agrément pour
proposer des services de monnaie électronique en RDC : Airtel Money, M-Pesa et
Orange Money. Ces opérateurs émettent sous forme virtuelle des sommes d’argent
qui sont gardées dans un compte électronique sur la carte SIM du téléphone
mobile. La carte SIM sert donc à transmettre des ordres de transfert et de paiement,
alors que la contrepartie en espèces est conservée dans une banque classique. À
chaque opération de paiement, ces opérateurs envoient des textos ou SMS (Short
Message Service) de confirmation de la transaction. À défaut de ce SMS, le client
a la possibilité d’accéder au relevé de transactions dans le livre des opérations
conservé électroniquement, s’il veut par exemple vérifier l’effectivité du paiement.

1
L. Chaix, Le paiement mobile : perspectives économiques, modèles d’affaires et enjeux concur-
rentiels, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2013, p. 13, disponible sur : https://tel.
archives-ouvertes.fr/tel-00983937, consulté le 12 septembre 2021 ; T. Dissaux, Socioéconomie de la
monnaie mobile et des monnaies locales au Kenya : quelles innovations monétaires pour quel développe-
ment ?, thèse de doctorat, Université de Lyon, 2018, p. 80, disponible sur : https://tel.archives-ouvertes.
fr/tel-02052356, consulté le 12 septembre 2021.
2
Loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et de règlement-titres,
J.O.R.D.C., 23 juillet 2018, Exposé des motifs.

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La BCC recommande par ailleurs à tout établissement de monnaie électronique


d’assurer la traçabilité pendant dix ans des chargements et des encaissements
de la monnaie électronique 3. En ce sens, le relevé des transactions pourrait être
conservé pendant dix ans et mis à la disposition du consommateur pour prouver
son paiement. De cette pratique, les opérateurs de téléphonie mobile attendent
réglementer les modes de preuve du paiement mobile. La facilité de production de
ces preuves va de pair avec la difficulté d’apporter la preuve contraire. Autrement
dit, il est requis des moyens techniques sophistiqués pour démontrer l’inexactitude
de ces modes de preuve. Ainsi, en marge de la liberté contractuelle, les moyens
de paiement utilisés par le téléphone mobile conditionnent les modes de preuve.
Parfois, les paiements via le téléphone mobile n’utilisent pas la monnaie électro-
nique 4. Le droit d’enregistrement IMEI 5 (communément taxe RAM 6) au registre
des appareils mobiles (RAM), payable en échéances, est automatiquement prélevé
sur des crédits de communication à la recharge 7 dans les comptes téléphoniques
des clients. Le RAM est le « registre central des appareils mobiles établi en
RDC et qui contient la base de données de tous les IMEI connectés aux réseaux
congolais » 8. Une fois le prélèvement exécuté, le RAM envoie aussi les SMS de
confirmation de paiement pouvant servir de preuve de paiement.
À cet effet, (I) la RDC attend-elle de constituer les crédits de communication,
à côté de la monnaie électronique, en moyen de paiement mobile ? (II) Quelle
est la validité de ces modes de preuve ?

3
Art. 26 de l’instruction de la Banque centrale du Congo n° 24 du 11 novembre 2011 relative à
l’émission de monnaie électronique et aux établissements de monnaie électronique.
4
L. Chaix, Le paiement mobile : perspectives économiques, modèles d’affaires et enjeux concur-
rentiels, op. cit., p. 86.
5
Le numéro IMEI (International Mobile Equipment Identity Number) est le numéro d’identité
internationale de l’appareil mobile, selon les spécifications de la GSMA, qui est l’association inter-
nationale d’opérateurs de la téléphonie mobile et d’autres industriels du secteur (art. 1, point 11, de
l’arrêté ministériel n° CAB/MIN/PT&NTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020 portant mise en place
d’un système CEIR en République démocratique du Congo).
6
Le taux de la taxe RAM est de 1,17 dollar (appareil 3G-4G) ou 0,17 dollar (appareil 2G), voy.
www.ram.cd/, consulté le 13 décembre 2021. Nous n’avons trouvé aucun texte juridique qui fixe ce
taux. D’ailleurs, la Commission économique, financière et contrôle budgétaire (ECOFIN) de l’Assem-
blée nationale de la RDC vient d’alerter que la taxe RAM n’est ni dans le budget général, ni dans les
comptes spéciaux, ni dans les budgets annexes (www.radiookapi.net/2021/12/13/actualite/politique/
assemblee-nationale-la-commission-ecofin-demande-la-suppression-du, consulté le 13 décembre 2021).
Auditionné le 29 septembre 2021 sur la question de la légalité de la taxe RAM à l’Assemblée natio-
nale, le ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’information et de la
communication (PTNTIC) a sollicité de revenir dans quarante-huit heures à la plénière afin de tenter
d’y répondre (https://actualite.cd/2021/09/29/dossier-ram-lassemblee-nationale-kibasa-se-dit-choque-
apres-avoir-ete-engueule-par-les, consulté le 13 décembre 2021). Il n’y est jamais revenu jusqu’à ce jour.
7
Art. 8 de l’arrêté ministériel n° CAB/MIN/PT&NTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020 por-
tant mise en place d’un système CEIR en république démocratique du Congo. Un site internet a été
monté pour faciliter l’accès à l’information sur le RAM : www.ram.cd/, consulté le 13 décembre 2021.
8
Art. 2 de l’arrêté ministériel n° CAB/MIN/PT&NTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020, préc.

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La présente contribution vise à fournir des réponses à ces questions à l’aune


des dispositions légales et des clauses contractuelles encadrant les moyens de
paiement mobile et leurs modes de preuve.

I. — Moyens de paiement mobile :


monnaie électronique et crédits de communication

Le législateur congolais a encadré, sous l’autorité de la BCC, la monnaie élec-


tronique, utilisée très substantiellement dans le paiement des biens et services par
le biais du téléphone mobile. Le régime de l’émission de ce moyen de paiement
et son contrôle influent décidément sur le paiement mobile.
Si la RDC précise ainsi, dans un cadre juridique, les caractéristiques et les
conditions d’émission de la monnaie électronique (1), il n’en demeure pas moins
que la nature juridique de crédits de communication téléphonique à travers lesquels
le paiement de la taxe RAM est accompli demeure imprécise (2).

1. Monnaie électronique : caractéristiques et émetteur

Le paiement mobile prend la forme d’une monnaie électronique bien spéci-


fique. Celle-ci remplit quelques caractéristiques décrites par la loi pour servir
de moyen de paiement (A). L’établissement émetteur ou distributeur de ladite
monnaie obtient au préalable, sous certaines conditions, l’agrément de la BCC
pour que le paiement mobile effectué par son entremise soit parfait (B).

A. Monnaie électronique, ses caractéristiques


La définition de la monnaie électronique, donnée par le législateur congolais, a
le mérite d’indiquer ses principales caractéristiques. En effet, « [l]a monnaie [est
une] valeur monétaire qui est chargée sous une forme électronique et représentant
une créance sur l’émetteur ; émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations
de paiement ; acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur
de monnaie électronique » 9.
Il ressort de cette définition que la monnaie électronique est un bien incorporel,
une créance que détient le porteur sur l’émetteur 10. Et en cette qualité, elle ne
bénéficie pas d’un cours légal et forcé, mais plutôt d’un cours libre. C’est-à-dire
qu’elle tient son pouvoir libératoire de la confiance accordée à l’établissement
émetteur. Ainsi, l’acceptabilité de la monnaie électronique par des tiers devient un

9
Art. 3, point. 23, de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
10
Voy. S. Lanskoy, « La nature juridique de la monnaie électronique », p. 12, disponible sur :
www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_bm/etudes_
bdf_bm/bdf_bm_70_etu_1.pdf, octobre 1999, consulté le 11 décembre 2021.

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critère prépondérant. Est-ce que cette acceptabilité induit le pouvoir du créancier


de refuser la monnaie électronique dans les opérations de paiement ? Les parties
décident librement de l’utilisation de la monnaie électronique dans leurs transac-
tions. C’est le principe de liberté contractuelle qui s’applique.
Pour garantir la confiance en cette monnaie, le législateur oblige l’identité entre
la valeur financière de la monnaie électronique et celle de la monnaie fiduciaire
ou scripturale. Il est prescrit que « [l]a monnaie électronique est émise pour un
montant dont la valeur ne peut être supérieure à celle des fonds reçus en contre-
partie » 11. De même, ces fonds sont soumis au régime de la fiducie et exemptés
de séquestre, de saisie ou de toute autre voie d’exécution 12.
Le commerçant ou toute autre personne payée en monnaie électronique est
garanti d’obtenir l’équivalent sous forme fiduciaire ou scripturale. Dans ce sens, la
monnaie électronique est libellée en unité monétaire fixée en RDC, qui est le franc
congolais (FC). Même si le recours aux devises étrangères, notamment le dollar
américain, reste possible dans certaines transactions 13, la monnaie électronique
ne peut être exprimée en unité monétaire d’origine conventionnelle.
Cela étant, toute valeur financière stockée sur un instrument électronique n’ac-
quiert pas forcément la qualité de monnaie électronique. En ce sens, l’instruction
de la BCC souligne que la nature de monnaie électronique n’est pas reconnue :
— à la valeur monétaire stockée sur des instruments prépayés spécifiques,
conçus pour satisfaire des besoins précis et dont l’utilisation est limitée, soit
parce que le titulaire de monnaie électronique ne peut acheter des biens ou
des services que dans les locaux de l’émetteur ou à l’intérieur d’un réseau
de prestataires des services liés par un contrat à un émetteur professionnel,
soit parce qu’ils ne peuvent être utilisés que pour acquérir un éventail limité
de biens ou des services. L’exemption de cette disposition devait cesser si
un tel instrument de portée restreinte devient un instrument de portée géné-
rale ;
— à la valeur monétaire utilisée pour l’achat de biens ou de services numériques
lorsque, en raison de la nature du bien ou du service, l’opérateur y apporte
une valeur ajoutée, à condition que le bien ou le service en question puisse
être uniquement utilisé à l’aide d’un appareil numérique et à condition que
l’opérateur du système de télécommunication numérique ou informatique
11
Art. 73, al. 1er, de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
12
Ibid., art. 73, al. 4.
13
En principe, doivent être libellées en francs congolais les transactions relatives aux loyers des
baux d’immeubles à usage d’habitation, frais scolaires et académiques et frais ayant trait aux soins
de santé, à la consommation d’eau et d’électricité à usage domestique (art. 6, al. 2, du décret-loi
n° 004 du 31 janvier 2001 relatif au régime des opérations en monnaies nationales et étrangères
en république démocratique du Congo, art. 3 et circulaire de la BCC portant réglementation du
change en RDC).

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n’agisse pas uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de ser-


vices de paiement et le fournisseur des biens et services 14.
Il n’existe aucun autre texte qui régit ces valeurs susmentionnées, sauf les
instruments prépayés, notamment la carte de paiement. L’émission de ces valeurs
échappe au contrôle de la BCC, elle est une affaire des particuliers. À cet effet,
l’établissement émetteur de monnaie électronique peut librement émettre ces
valeurs financières. Mais, quant à l’émission de la monnaie électronique, l’éta-
blissement de monnaie électronique reste soumis à un régime juridique susceptible
de protéger notamment les opérations de paiement mobile.

B. Établissement de la monnaie électronique, intermédiaire du paiement mobile


Le paiement mobile implique trois parties : l’établissement d’émission et/ou de
distribution de la monnaie électronique ou l’émetteur, le porteur et l’accepteur.
En amont du paiement mobile, les émetteurs sont tenus d’obtenir un agrément de
la BCC les autorisant à émettre des moyens de paiement sous forme de monnaie
électronique et à être débiteurs de la créance incorporée dans l’instrument de
paiement électronique. Outre ce droit de l’émission, ces opérateurs sont autorisés
à mettre à la disposition du public et à gérer la monnaie électronique 15. Quant aux
établissements distributeurs de monnaie électronique, ils peuvent offrir le service
de chargement, de rechargement ou d’encaissement de monnaie électronique,
en exécution d’un contrat conclu avec un établissement émetteur de monnaie
électronique 16.
L’établissement de monnaie électronique conclut un contrat avec l’accepteur, en
vue de recevoir des règlements par la monnaie électronique. L’accepteur est pour
la plupart des cas un commerçant ou un prestataire de services. C’est seulement
en vertu de ce contrat qu’il est possible pour le porteur d’effectuer le paiement
mobile. Ce dernier aura déjà conclu un contrat avec l’émetteur lui permettant
d’ouvrir un compte, sans être lié à un compte bancaire, afin de détenir de la mon-
naie électronique. Les conditions d’ouverture du compte sont librement définies
par l’émetteur sous réserve de garantir l’identification certaine du porteur 17. En
pratique, les opérateurs 18 exigent, à l’ouverture du compte, la présentation de
pièces d’identité actuelles 19. Ces opérateurs ne sont pas autorisés à restreindre
le droit à l’ouverture de compte. Ce dernier est la première garantie accordée au
14
Art. 4 de l’instruction de la Banque centrale du Congo n° 24 du 11 novembre 2011 relative à
l’émission de monnaie électronique et aux établissements de monnaie électronique.
15
Ibid., art. 1er, point 5.
16
Ibid., art. 12.
17
Ibid., art. 25.
18
Les contrats des trois opérateurs de téléphonie mobile, détenteurs de l’agrément de l’émission
de la monnaie électronique, contiennent tous des clauses relatives à l’identification du porteur.
19
En RDC, il n’existe pas à ce jour de carte d’identité, la carte d’électeur et le passeport sont
utilisés comme carte d’identité.

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porteur, inspiré du souhait des législations africaines de promouvoir la monnaie


électronique 20.
À bien des égards, les trois contrats précités sont indépendants les uns des
autres. Toutefois, l’émetteur conserve une marge d’autonomie de détermination
du contenu de ces contrats, conçus au même moment pour pouvoir s’assembler les
uns aux autres, afin de garantir l’efficacité du paiement mobile. L’indépendance
de ces contrats n’exclut pas les liens évidents entre eux.
Le paiement mobile génère trois opérations. Préalablement, le porteur doit
acheter la monnaie électronique en contrepartie du dépôt d’une somme d’argent
auprès d’un agent de l’émetteur 21, il effectue par la suite le paiement traduit par
un transfert de cette monnaie vers le compte du commerçant et cela entraîne
une opération de débit/crédit du solde de chacun de ces deux porte-monnaie
électroniques. Cette modification des comptes est instantanée, sans intervention
de l’émetteur.
L’émetteur s’engage à convertir ce solde en monnaie scripturale ou fiduciaire
à la demande du commerçant 22. À l’égard du porteur, l’accepteur est définiti-
vement payé. Son règlement dépend donc de la solvabilité de l’émetteur. De
même, au moment du paiement, en faveur de l’émetteur, il ne s’opère pas un
transfert d’argent entre le porteur et l’accepteur. L’émetteur détient toujours dans
son compte global unique la totalité de sommes d’argent reçues en échange de
la monnaie électronique. Ce compte global joue la fonction de réserve de valeur.
L’accepteur possède ainsi une créance de conversion de la monnaie électronique
sur l’émetteur 23.
Le paiement mobile est limité à des microtransactions. La valeur de monnaie
électronique disposée dans le compte du porteur ne peut excéder l’équivalent
de 3 000 USD, sauf autorisation expresse de la Banque centrale. Le plafond des
paiements journaliers ne peut dépasser 500 USD et le plafond des paiements
mensuels ne peut dépasser 2 500 USD 24.
La question de la qualification juridique de ces contrats et/ou opérations se
pose, lorsqu’il s’agit d’évaluer leurs effets. Le paiement mobile revêt le caractère
20
A. Alleme, La protection du consommateur à l’épreuve des technologies de l’information et
de la communication : étude du droit ivoirien à la lumière du droit français, Université de Perpignan,
2019, p. 252, disponible sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02329621, 23 octobre 2019, consulté
le 11 décembre 2021.
21
Au sens des activités de monnaie électronique, « les agents [sont] des personnes recrutées par un
émetteur ou distributeur de monnaie électronique en vue de constituer un réseau de distribution et qui,
dans les limites du contrat les liant, effectuent les opérations de distribution de monnaie électronique »
(art. 1er, point 2, de l’Instruction précitée de la Banque centrale du Congo).
22
S. Lanskoy, « La nature juridique de la monnaie électronique », op. cit., p. 10.
23
Ibid., pp. 10‑14.
24
Art. 17 de l’Instruction précitée de la Banque centrale du Congo.

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d’un paiement à autrui. L’émetteur de la monnaie électronique, qui reçoit le paie-


ment, n’est pas en soi le créancier, mais plutôt un intermédiaire entre le porteur
et l’accepteur. Il a donc un mandat de l’accepteur pour recevoir ledit paiement.
En l’absence d’un régime particulier a quo, et comme le paiement mobile a un
caractère commercial à l’égard de l’émetteur, il reste à savoir si à ces contrats
peut s’appliquer le régime de commission. L’acte uniforme OHADA portant sur
le droit commercial général définit le commissionnaire en tant qu’un profession-
nel qui, moyennant le versement d’une commission, se charge de conclure tout
acte juridique en son propre nom, mais pour le compte du commettant qui lui en
donne mandat 25. En effet, l’émetteur, à savoir l’opérateur de téléphonie mobile,
assure une entremise entre l’accepteur et le porteur. Il reçoit le paiement à l’aide
de la monnaie électronique en contrepartie de la vente de biens ou de la presta-
tion de services, et s’engage à la convertir en monnaie scripturale à la demande
de l’accepteur. Il est alors délicat d’identifier dans cette opération si l’émetteur
agit en son nom propre ou non. Bien que la commission puisse porter sur toute
activité où la représentation est admise 26, le paiement mobile semble y échapper
même s’il prenait une forme autre que la monnaie électronique, en l’occurrence
les crédits de communication.

2. Crédits de communication téléphonique : un moyen de paiement


mobile de la taxe RAM

Le mode de prélèvement du droit d’enregistrement IMEI entraîne la contro-


verse sur la nature juridique des crédits de communication téléphonique et une
confusion sur la responsabilité des opérateurs de communication. Jusqu’à ce jour,
les contrats passés entre l’État congolais et les opérateurs de téléphonie mobile
relatifs au prélèvement de cette taxe n’ont pas encore été rendus publics 27.
Tout appareil mobile est assujetti au droit d’enregistrement IMEI payable
annuellement auprès de l’opérateur de télécommunications concerné. Ce droit
d’enregistrement IMEI est prélevé pour rémunération des prestations de l’Autorité
de régulation de la poste et des télécommunications en RDC (ARPTC) dans le
cadre de la mise en place et de la maintenance du RAM. Désormais, pour avoir
accès à un réseau de téléphonie mobile ouvert au public opérant en RDC, chaque
appareil mobile doit être certifié authentique via son enregistrement auprès du
système CEIR (Central Electronic Identity Register) 28. Ce système a pour mission

25
Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général,
J.O.OHADA, 15 février 2011, art. 192.
26
P. Pougoue et al., « Intermédiaires de commerce », Encyclopédie du droit OHADA, Paris,
Lamy, 2011, p. 1055.
27
Le site de RAM n’offre aucune information sur les contrats passés entre l’État congolais et les
opérateurs de téléphonie mobile sur le paiement de la taxe RAM.
28
Art. 4 de l’arrêté ministériel n° CAB/MIN/PT&NTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020, préc.

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« de restreindre le marché des appareils mobiles contrefaits, de prévenir les vols


d’appareils mobiles et les violences et voies de fait faites aux personnes victimes
et de contribuer à l’amélioration de la qualité du réseau de téléphonie mobile
dans son ensemble » 29.
La modalité de paiement de droit d’enregistrement IMEI consistant à décré-
menter des crédits de communication à la recharge à concurrence du montant
dû 30 est susceptible de modifier la nature de ces derniers. Avec cette option, le
gouvernement congolais utilise sans conteste les crédits de communication comme
moyens de paiement mobile.
Le Cameroun avait aussi prévu, à travers sa loi de finances 2019, que « le
paiement des droits de douane consisterait donc à décrémenter les unités de crédit
de communication figurant sur les comptes téléphoniques des clients » 31. Mais la
Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) avait considéré que cette législation
était contraire à la nature des crédits de communication au point que le Cameroun
a abrogé ladite loi. Plus précisément, la BEAC a conclu que les crédits de com-
munication ne sont ni de la monnaie fiduciaire, ni de la monnaie électronique, ni
un instrument ou moyen de paiement 32.
En complément, il sied de relever que les crédits de communication servent
d’unités de vérification et/ou d’évaluation du temps de communication et d’autres
services de télécommunication (SMS…) offerts par l’opérateur de téléphonie
mobile en contrepartie d’un paiement en monnaie liquide ou électronique.
Également, en l’état actuel du droit congolais, malgré leur utilisation comme
moyens de paiement du droit d’enregistrement IMEI, les crédits de communica-
tion ne rencontrent aucunement les caractéristiques des moyens ou instruments de
paiement. Ils ne peuvent pas permettre à toute personne de transférer des fonds
à l’instar de chèques, lettres de change, billets à ordre, ordres de virement, avis
de prélèvement et cartes de paiement, au contraire de la monnaie électronique.
Leur création échappe au contrôle de la BCC et ne requiert pas au préalable son
agrément.
En sus du problème lié à sa légalité, cette modalité de paiement mobile influe
sur les règles de preuve, à l’exemple de la monnaie électronique.

29
Ibid., art. 2.
30
Ibid., art. 8.
31
Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), avis du 29 octobre 2020 sur la mise en œuvre de
l’article 7 de la loi de finances 2019 du Cameroun.
32
Ibid. : « [l]es crédits de communication sont une marchandise, un produit ou un service, qui
ne servent que pour des services de téléphonie et qui, même s’ils ont une valeur marchande, ne sont
pas des moyens de paiement ou de la monnaie. En effet, ils sont créés par des entreprises qui ne sont
pas des prestataires de services de paiement habilités à émettre et gérer des moyens de paiement ».

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II. — Modes de preuve du paiement mobile :


SMS et relevé de transactions

La charge de la preuve du paiement mobile incombe à chacune des parties


selon que l’on réclame le paiement ou que l’on s’en prétend libéré 33. La preuve
de confirmation du paiement par SMS s’impose a priori à la fois au porteur et
à l’émetteur. Celui-ci conserve par ailleurs les traces de la transaction dans un
système accessible à l’utilisateur capable de générer un relevé.
Si le SMS (1) et le relevé des transactions (2) constituent des justificatifs de
paiement, leur validité ou admission en modes de preuve n’est pas acquise d’office,
surtout en ce qui concerne les garanties de l’origine et de l’intégrité.

1. SMS de confirmation du paiement mobile

Le procédé de SMS de confirmation du paiement requiert une information


préalable de l’utilisateur. L’émission du SMS est supposée prouver le paiement
et présume le consentement du porteur à ce dernier.
Le législateur congolais laisse aux parties la liberté de fixer la preuve de l’ex-
pression du consentement 34. Ainsi, la plupart des contrats des émetteurs intègrent
cette occurrence. En pratique, l’utilisation du « mot de passe » pour autoriser
l’ordre de paiement est considérée comme preuve formelle et irrévocable de la
volonté de l’utilisateur concerné 35. Toutefois, cette présomption n’est pas absolue
et met à l’épreuve l’opposabilité du SMS de confirmation de paiement à l’égard
du porteur dans certaines hypothèses au nombre desquelles la perte ou le vol du
téléphone mobile et au cas où le « mot de passe secret » (PIN) n’est plus sécurisé,
et ce lorsque ces situations sont notifiées à l’émetteur 36 dans un bref délai, en
l’occurrence trois jours 37. Jusqu’à la mainlevée, les SMS de confirmation émis
en cette période de défense de payer ne sont pas valables et recevables comme
preuves de paiement.
Il est peu probable que le procédé du SMS puisse garantir l’intégrité 38. Mais
il ne reste pas moins vrai que les SMS confirmatifs de paiement seront aussi
33
Art. 197 du décret du 30 juillet 1888 portant des contrats ou des obligations conventionnelles,
B.O., 1888 (ce texte, adopté par l’autorité coloniale du Congo belge, est en vigueur de nos jours en
RDC).
34
Art. 42 de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
35
Les différents contrats des émetteurs reprennent la clause sur cette présomption pour se protéger
et renforcent la responsabilité des porteurs dans la conservation de leur téléphone mobile et de leur
mot de passe.
36
Art. 44 de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
37
Ibid., art. 44, al. 2.
38
C. Castets-Renard, « Gare aux SMS ! », 2007, p. 3, disponible sur : https://actu.dalloz-etudiant.
fr/fileadmin/actualites/pdfs/FEVRIER_2013/D2007‑2284.pdf, consulté le 11 décembre 2021.

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valables et recevables à titre de preuve lorsqu’ils garantissent au-delà de tout


doute leur origine. Des mesures de sécurité sont requises de l’émetteur pour
que les SMS notifiés aient toutes les garanties d’émaner de lui et permettent
d’identifier suffisamment le porteur et l’accepteur. L’authenticité de ce SMS
en dépend à telle enseigne que le législateur reprend cette condition. En ce
sens, la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et
de règlement-titres souligne que « les actes établis sous forme électronique ou
d’image optique sont admis comme preuve des engagements qu’ils énoncent au
même titre que les écrits sur support papier lorsqu’ils sont établis et maintenus
selon le procédé technique fiable, qui garantit, à tout moment, leur origine et
leur intégrité » 39.
L’intégrité du SMS confirmatif du paiement mobile repose sur la qualité de
l’information et du support 40. Cela requiert encore de la part de l’émetteur la mise
en œuvre de mesures de sécurité pour protéger le SMS contre toute altération et
le maintien de son intégralité. Également, le support sur lequel l’information se
trouve doit lui apporter une stabilité et une pérennité 41.
L’intégralité des SMS confirmatifs de paiement implique leur clarté. Sans le
confondre avec une facture, mais comme justificatif de paiement, le SMS doit
contenir des mentions substantielles de la facture pour assurer sa clarté sans
violer la protection des données privées du porteur. À cet effet, le SMS devrait
renseigner l’identité du commerçant ou du prestataire de services, le numéro de
compte du porteur et la date de la transaction. Il donne aussi des spécifications de
la marchandise vendue ou de la prestation fournie ainsi que le prix y afférent 42.
La clarté du SMS confirmatif nécessite son accessibilité ou sa compréhension
par le porteur. Le choix de la langue se pose. Les émetteurs en RDC prévoient
heureusement l’option et la conception de SMS en langues nationales.
En pratique, les SMS bénéficient de la présomption de l’intégrité. Une fois
vérifiés et confirmés, les enregistrements de toutes les transactions sur les SMS
effectués sont considérés comme exacts, à moins que l’utilisateur en apporte la
preuve contraire.
L’intégrité du SMS exige néanmoins sa conservation en l’état. À en croire le
législateur, « le message de données doit être conservé en la forme sous laquelle
il a été créé, envoyé ou reçu, ou sous une forme dont on peut démontrer qu’elle
n’est susceptible ni de modification ni d’altération dans son contenu et que le

39
Art. 94, al. 3, de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
40
I. Dinu, « Droit de la preuve appliqué au commerce électronique au Canada, droit civil/com-
mon law », Lex Electronica, 2006, vol. 11, n° 1, p. 12, disponible sur : www.lex-electronica.org/files/
sites/103/11‑1_dinu.pdf, consulté le 11 décembre 2021.
41
Ibid., p. 12.
42
Art. 15 de la loi n° 18‑020 du 9 juillet 2018, préc.

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document transmis et celui conservé sont strictement identiques » 43. Le porteur


ne peut sauvegarder sans risque les SMS qui sont facilement effaçables, ne lais-
sant aucune preuve de paiement. Mais, ce dernier peut toujours, moyennement
paiement, obtenir le relevé de ces transactions par SMS. Par contre, l’émetteur est
censé avoir des moyens techniques conséquents pour conserver toutes les transac-
tions réalisées par le porteur et lui réserver l’accès au relevé de ses transactions.

2. Relevé de transactions

Les émetteurs sont tenus d’assurer, sans exiger des frais supplémentaires aux
porteurs, la traçabilité pendant dix ans des chargements et des encaissements de la
monnaie électronique 44. De même, à l’instar des accepteurs, ils doivent conserver
sous forme électronique durant la même période des documents, notamment le
relevé des transactions d’un porteur. Les enregistrements du système de l’émetteur
sont considérés comme corrects et opposables à toutes les parties sauf preuve
contraire.
Le législateur congolais admet à la même valeur la preuve des engagements
par les écrits sur le support papier et les actes établis sous forme électronique 45.
Mais, les actes électroniques doivent être établis et maintenus selon un procédé
technique fiable, avec une garantie permanente de leur origine et de leur intégrité.
À ce propos, le relevé de transactions tiré du livre électronique des émetteurs de
paiement et des accepteurs peut être accepté comme moyen de preuve.
Le législateur pose néanmoins certaines conditions préalables pour la conser-
vation des documents sous forme électronique, notamment la qualité, l’accessi-
bilité et l’origine de l’information 46, que le relevé des transactions doit remplir.
En effet, l’information que contient le relevé doit demeurer accessible pour être
consultée ultérieurement. Les principaux émetteurs en RDC prévoient dans leur
contrat l’accès libre à leur système pour vérification des opérations. Mais ils
n’en délivrent pas un relevé de compte imprimé. Dans l’hypothèse d’un relevé
de compte imprimé, il sera question de préciser s’il s’agira d’une copie ou d’un
original. Comme copie, il devra être certifié conforme à l’original, qui est élec-
tronique, laquelle copie serait une meilleure preuve qu’une copie imprimée 47.
En sus, l’information doit être conservée en la forme sous laquelle elle a
été émise, à l’abri de toute possibilité de modification et d’altération dans son

43
Ibid., art. 94 et 106, point 2.
44
Art. 26 de l’instruction précitée de la Banque centrale du Congo.
45
Art. 94 de la loi n° 18‑019 du 9 juillet 2018, préc.
46
Ibid., art. 94 et 107.
47
I. Dinu, « Droit de la preuve appliqué au commerce électronique au Canada, droit civil/common
law », op. cit., p. 16.

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contenu 48. En ce qui concerne le relevé des transactions, il doit contenir les
renseignements strictement identiques à ceux envoyés par SMS confirmatifs de
paiement mobile. Enfin, l’information conservée doit permettre de déterminer
l’origine et la destination du paiement ainsi que les indications de la date et de
l’heure de l’opération 49.
Un dispositif pénal tend à garantir l’intégrité des informations ou données
afférentes à une opération de paiement électronique, en l’occurrence le paiement
mobile. Le législateur punit de cinq à dix ans de servitude pénale et d’une amende
de 50 à 500 millions de francs congolais ou de l’une de ces peines seulement toute
personne qui, en connaissance de cause, s’évertue à fabriquer, manier, détenir
ou utiliser sans autorisation ou homologation un équipement spécifique destiné
à modifier ou altérer toute information ou donnée afférente à une opération de
paiement électronique. La portée et la sévérité de cette infraction témoignent de
l’importance de l’intégrité de l’information en matière de paiement électronique
ou mobile.

Conclusion

L’absence d’un régime juridique propre n’empêche pas l’encadrement juridique


du paiement mobile en RDC par le truchement de la réglementation de la monnaie
électronique et celle de la preuve électronique. Le paiement mobile ne doit se
réaliser qu’en monnaie électronique. Cette dernière est une créance du porteur ou
de l’accepteur, selon le cas, sur l’émetteur. L’intermédiation jouée par l’émetteur
dans ce paiement à l’aide du téléphone peut revêtir la qualification juridique de
la commission même si cette réflexion mérite un approfondissement.
À travers la modalité du paiement de la taxe RAM, la RDC utilise les crédits
de communication comme moyens de paiement restreints à ladite taxe. Cela n’est
pas suffisant pour conclure que les crédits de communication sont désormais
des moyens de paiement, d’autant plus qu’ils ne remplissent pas les conditions
légales d’un instrument de paiement. Toutefois, comme la monnaie électronique,
ils influent sur les modes de preuve. Ainsi, les SMS confirmatifs de paiement et
le relevé de transactions deviennent des moyens de preuve incontournables, mais,
pour demeurer valables, ils doivent satisfaire, sans interruption, aux garanties de
l’origine et de l’intégrité.

48
Ibid.
49
Ibid.

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