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Analyse comparative des leviers de la croissance économique du Sénégal : le


rôle des facteurs structurels Boubacar SANE

Article · February 2017

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2 authors:

Mouhamadou BAMBA Diop Boubacar Sane


Ministry of Economy and Planning Cheikh Anta Diop University, Dakar
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Analyse comparative des leviers de la croissance économique
du Sénégal : le rôle des facteurs structurels
Mouhamadou Bamba DIOP1

Boubacar SANE
Résumé : L’économie sénégalaise est caractérisée depuis 2000 par des performances
économiques insuffisantes pour réduire la pauvreté (46,7% en 2011). Le niveau de croissance
est faible et a du mal à atteindre une croissance plus forte et plus durable (4,05% en
moyenne). L’objectif de cet article est de fournir une analyse systématique des performances
de l’économie sénégalaise entre 2000-2013. Spécifiquement, il s’agit de faire une analyse
comparative des leviers de la croissance économique. Pour y arriver, nous avons eu recours au
modèle de croissance néoclassique en appliquant la Méthode des Moments Généralisés en
système sur panel dynamique développée par Brueckner (2013). Cette approche facilite une
classification rigoureuse des leviers de la croissance économique dans trois grandes
catégories : les facteurs structurels, les conditions externes et les politiques de stabilisation.
Les résultats des estimations montrent que la croissance économique entre 2000-2013 est plus
attribuable à l’amélioration des facteurs structurels. En d’autres termes, le niveau de
croissance obtenu s’explique principalement par les variables structurelles telles que les
dépenses publiques, le rôle du secteur privé par la mise en place des conditions favorables à
son essor, les infrastructures, les acquis démocratiques, l’ouverture extérieure et l’éducation.
L’insuffisance de ces facteurs empêche d’atteindre durablement des taux de croissance plus
soutenus. Ainsi, une croissance forte et durable est conditionnée par la poursuite des réformes
structurelles à un rythme soutenu afin de lever les obstacles à la croissance.

Mots clés : croissance économique, déterminants de la croissance, politique économique


Code JEL: 047, 055

Les opinions exprimées dans ce document de travail sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement
celles de la Direction de la Planification. Les documents de travail décrivent les recherches et analyses en cours
par les auteurs et sont publiés pour susciter des commentaires et le débat.

1
Direction de la Planification, 64 Rue Carnot x Dr. Thèze, BP : 4010 Dakar, Tel : (221) 33 889 72 78, Email :
mbdiop@minfinances.sn, boubacarsane@gmail.com.
Abstract: The Senegalese economy is characterized since 2000 by insufficient economic
performances to reduce the poverty (46.7 % in 2011). The level of growth is low and has
difficulty in to reach a stronger and more sustainable growth (4.05 % over the period). The
objective of this paper is to supply a systematic analysis of the performances of the
Senegalese economy between 2000-2013. Specifically, it is a question of making a
comparative analysis of the drivers of the economic growth. To arrive there, we resorted to
the neoclassical growth model by applying the System Generalized Method of Moments
regression model on dynamic panel developed by Brueckner (2013). This approach facilitates
a systematic classification of growth drivers into three broad categories: structural factors,
stabilization policies and external conditions. The results of the estimations show that the
economic growth between 2000-2013 was driven primarily by structural improvements. In
other words, the level of growth is mainly understandable by the structural variables such as
the government expenditure, the role of the private sector by the implementation of the
conditions favorable to his development, infrastructures, democratic experiences, integration
in the world economy and education. The insufficiency of these factors prevents from
reaching durably more steady growth rates. So, a strong and sustainable growth is conditioned
by the pursuit of the structural reforms at a sustained pace to raise the obstacles to the growth.

Keys words: 047, 055


JEL classification: Economic growth, determinants of growth, economic policy
1. Introduction
Depuis l’indépendance, le Sénégal met en œuvre, à travers ses différents documents
stratégiques, des politiques et programmes intégrés, dans une démarche inclusive. L’objectif
consiste à assurer les conditions d’une croissance soutenue et durable à même de réduire
significativement la pauvreté. Cependant, la période 2000-2013 est caractérisée par des
performances économiques insuffisantes pour réduire la pauvreté. .

Le Sénégal a stagné dans un niveau de croissance faible et a du mal à atteindre une croissance
plus forte, plus durable et plus inclusive (Banque mondiale, 2014). Le taux de croissance
moyen du PIB a été de 3,85% par an au cours des années 2000-2013, un niveau légèrement
supérieur à celui de la croissance démographique et inférieur à la moyenne de 5% constatée
durant la période 1995-2005. Ainsi, l’économie sénégalaise est peu performante par rapport
aux autres pays africains qui ne possèdent pas d’abondantes ressources naturelles et
enregistrent un taux de croissance moyen compris entre 5,8 % et 8,9%. Cette performance
mitigée découle en partie de la Grande Récession (2007-2012). . Par conséquent, la pauvreté
n’a diminué que légèrement ces dernières années et avoisine 47%.

Malgré ces faibles performances, le Sénégal a franchi un pas important lorsqu’en juillet 2010,
il a été officiellement promu par la Banque mondiale au rang de pays à revenu moyen
inférieur. En 2014, la croissance est repartie à la hausse, le PIB a augmenté de 4,7% selon les
estimations. Les services constituent toujours le secteur le plus dynamique (5,6%), tandis que
le secteur secondaire tiré par le sous- secteur des bâtiments et des travaux publics (BTP) a
entamé une reprise de 4,9% après la baisse notée en 2013. Cette situation est attribuable au
renforcement de la demande intérieure tirée essentiellement par l’investissement public dans
l’énergie et les infrastructures.

Ce manque de dynamisme explique l’absence de convergence de la richesse du pays par


rapport au reste du monde et, en particulier, ceux d’Afrique subsaharienne. Par conséquent, le
revenu par tête d’habitant reste légèrement plus faible que la moyenne des revenus par
habitant de tous les pays d’Afrique subsaharienne, de l’UEMOA et du groupe de pays
africains ne possédant pas de ressources naturelles et réalisant des performances
économiques : SSA6 (Burkina Faso, Tanzanie, Ethiopie, Ouganda, Rwanda et Mozambique).
Selon le FMI (2013a), ces pays qui ont la particularité de ne posséder aucune ressource
naturelle ont réalisé pendant une décennie des taux de croissance très élevés. La performance
enregistrée dans ces pays est en lien avec une volonté systématique de réformer leur cadre

1
macroéconomique, tout en s’appuyant sur des stratégies de développement bien structurées.
Ces pays ont mis en place des politiques macroéconomiques pour relancer l’économie dans le
moyen terme parallèlement à des réformes structurelles. Ces politiques ont permis à ces pays
de bénéficier d’importants flux d’aide financier et/ou d’allègement de dette, leur fournissant
une marge financière pour la mise en place de projets/programmes définis dans leur plan
stratégique de développement : que ce soit dans le social, dans les infrastructures ou les
investissements en capital humain.

Un examen plus attentif de l’expérience sénégalaise révèle des résultats macroéconomiques


solides depuis 2015 et une croissance qui s’est établie à 6,5%. Cependant, selon le FMI
(2016) la mise en œuvre des réformes structurelles a été lente et plusieurs repères structurels,
notamment ceux qui concernent l’amélioration de la gouvernance économique, n’ont pas
encore été mise en œuvre de façon satisfaisante.

L’objectif de cette étude est de fournir une analyse systématique des performances de
l’économie sénégalaise depuis 2000. Spécifiquement, il s’agit de faire une analyse
comparative des leviers de la croissance économique. Notre étude contribue à la littérature sur
la croissance économique du Sénégal en essayant de répondre à deux principales questions :
qu’est ce qui explique les performances économiques insuffisantes depuis 2000 ? Quelle
politique de croissance offre au Sénégal la meilleure opportunité de réaliser une croissance
soutenue et durable afin d’atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire ? Pour y arriver, la
Méthode des Moments Généralisés en système sur panel dynamique développée par
Brueckner (2013)2 a été adoptée. Cette approche facilite une classification rigoureuse des
leviers de la croissance économique dans trois grandes catégories : les facteurs structurels, les
conditions externes et les politiques de stabilisation.

Le reste de l’article s’articule comme suit. La première partie aborde les faits stylisés. La
deuxième et la troisième partie évoquent la méthodologie adoptée suivie des résultats. En
quatrième et cinquième partie, nous avons respectivement une analyse comparative des
déterminants de la croissance et les résultats des différents scénarios.

2. Essoufflement du modèle de croissance : quelques faits stylisés


Le Sénégal dispose de nombreux atouts notamment une forte stabilité sur le plan
démocratique de nature à attirer les investissements, une localisation géographique permettant

2
Méthode développée par Holtz-Eakin, Newey, Rosen (1988) et Arellano et Bond (1991) et utilisée pour des
études sur la croissance économique durant les 15 dernières années. Voir Bazzi et Clemens (2013) pour des
applications et critiques.

2
un accès privilégié aux marchés européens et américains, et une diversification importante de
son tissu économique. Cependant, les performances économiques du pays se sont pourtant
inscrites en retrait par rapport à la tendance globale des pays d’Afrique subsaharienne
(Chetboun, 2015).

Le Sénégal a connu une croissance économique erratique au cours des vingt dernières années.
Elle a atteint moins de 4% par an en moyenne durant cette période. Cependant, l’ajustement
du taux de change en 1994, accompagné de réformes économiques et l’alternance
démocratique en 2000 ont renforcé la confiance des investisseurs et se sont traduits par un
redressement de l’économie sénégalaise entre 1995-2005 avec un taux de croissance moyen
de 5%. Ce rehaussement s’explique par un gain de compétitivité des industries exportatrices.
Toutefois, depuis 2006, le rythme de la croissance a ralenti avec un taux de croissance annuel
moyen de 3,5% entre 2010-2013, suivi d’une reprise à partir de 2015.

Figure 1 : croissance du PIB (Sénégal), 1995-2015


8,0
6,7 6,5 6,6
7,0 6,4
5,9 5,9
6,0 5,6
5,4
4,9
5,0 4,6 4,4
4,2 4,3
PIB (%)

3,7 3,5
4,0
3,1 3,2
3,0 2,5 2,4
2,0
1,8
2,0

1,0 0,7

0,0
2006
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005

2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016

Source : auteurs, WDI

Malgré les résultats satisfaisant de ces dernières années, la croissance économique reste
toutefois inférieure à celle enregistrée par le groupe de pays d’Afrique subsaharienne ne
possédant pas de ressources naturelles et réalisant des performances économiques : SSA6
(Burkina Faso, Tanzanie, Ethiopie, Ouganda, Rwanda et Mozambique) et les pays à faible
revenu.

Figure 2 : croissance du PIB, 1995-2015

3
14

12

10

8
PIB (%)
6

0
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Sénégal SSA6 LIC SSA

Source : auteurs, WDI

Avec une forte croissance démographique (2,5%), on note une absence de convergence des
revenus du pays par rapport à l’Afrique subsaharienne. Le PIB connait une progression lente
et en deçà de celle notée dans les SSA6, en Afrique subsaharienne et dans les pays à faible
revenu.

Figure 3 : PIB par habitant ($ US constants de 2010), 1995-2016

2,5

1,5

0,5

0
1995

2008
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007

2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016

Sénégal SSA6 ASS LIC UEMOA

Source : auteurs, WDI

Les performances enregistrées ces dernières années avec notamment une reprise de la
croissance économique (4,7% en 2014 et 6,5% en 2015) sont attribuables au renforcement de
la demande intérieure tirée par l’investissement public dans l’énergie et les infrastructures.

Figure 4 : contribution de la demande à l’évolution du PIB, 2000-2015

4
10

4
(%)
2

-2

-4

-6
Cons publ Cons priv Inv Export net PIB

Source : auteurs, ANSD

Une décomposition sectorielle de la valeur ajoutée montre que les services constituent
toujours le secteur le plus dynamique avec une contribution de 5,6%, tandis que le secteur
secondaire, tiré par les BTP, a amorcé une reprise de 4,9% après la baisse constatée en 2013.

Figure 5 : contributions des secteurs à la croissance du PIB, 2000-2015

8
contribution des secteurs (en points)

-2

-4

-6

Sec prim Sec sec Sec tert Ad publ PIB

Source : auteurs, ANSD

Durant les deux dernières décennies, la faiblesse de la productivité totale des facteurs a
grandement défavorisé la croissance économique du Sénégal. Une décomposition de la
croissance par facteurs de production fait apparaitre un déficit de la PTF sur la période 2006-
2013 avant une reprise entre 2014-2017. Sa faiblesse constitue un obstacle majeur à la
performance économique du Sénégal.

5
Tableau 1 : Décomposition de la croissance par facteur de production, 1995-2017

périodes PIB Capital Travail PTF


1995-2005 4,4% 1,3% 1,9% 1,1%
2006-20013 3,4% 1,7% 2,3% -0,6%
2014-2017 5,8% 2,0% 2,5% 1,3%
Source : Banque mondiale (SES, 2014)

La contribution moindre de la PTF à la croissance tiendrait notamment aux performances


des secteurs traditionnels de l’économie que sont l’agriculture, l’industrie
manufacturière, le commerce de gros et de détail (FMI, 2015). Pour expliquer ce
phénomène, plusieurs éléments peuvent être mis en avant, parmi lesquels l’insuffisance
et l’inefficacité de l’investissement, en particulier dans le secteur public, la faiblesse du
capital humain notamment l’éducation (SANE, 2017), des institutions toujours
extractives (faiblesse du capital social). Egalement, le poids du secteur formel explique la
faiblesse de la productivité.

Une décomposition sectorielle de la productivité du travail indique que la période 1995-


2005 a été plus productive.

Tableau 2 : contribution sectorielle à la productivité

primaire secondaire tertiaire total


1995-2005 -2,1% 4,1% 13,6% 15,6%
2006-2013 3,2% 1,4% 2,1% 6,7%
2014-2017 0,2% 1,4% 2,9% 4,5%
Source : calcul des auteurs, ANSD

L’indice de transformation structurelle permettant d’expliquer l’évolution de la


productivité du travail dans une économie révèle une transformation structurelle lente sur la
période 2000-2017 en atteste l’évolution moyenne de l’indice (1%). Compte de tenu de cette
lente transformation structurelle, le travail se déplace dans la « mauvaise direction »
notamment vers le milieu informel (principalement le commerce) alors que les secteurs
les plus productifs au Sénégal comme les services financiers et les activités immobilières
ne sont pas intensifs en main d’œuvre (DIOP, 2012).

La contribution sectorielle à la transformation structurelle a été portée par le secteur


tertiaire.

6
Tableau 3 : contribution sectorielle à la transformation structurelle

secteur secteur secteur


primaire secondaire tertiaire total
1995-2005 -0,2% -0,1% 1,2% 0,9%
2006-2013 -0,2% -0,1% 1,4% 1,1%
2014-2017 -0,3% -0,2% 1,4% 0,9%
Source : calcul des auteurs, ANSD

3. Méthodologie
Notre analyse est basée sur des études examinant les déterminants de la croissance
économique dans les pays en développement. Le modèle économétrique utilisé a été
développé par Loayza et al. (2005). Un modèle amélioré et mis à jour par Brueckner (2013).
Ces modèles de régression sur données de panel ont été conçus pour analyser les déterminants
de la croissance économique en Amérique Latine et dans les Caraïbes (Araujo et al, 2014)

3.1. Spécification du modèle


Le modèle de base exprime le revenu intérieur comme une fonction des déterminants clés de
la croissance économique. Notre objectif est d’estimer l’impact de certaines variables 𝑋𝑐𝑡 sur
le revenu intérieur mesuré par le logarithme du PIB réel par tête en parité de pouvoir d’achat
(𝑙𝑛𝑦𝑐𝑡 pour le pays c à la période t). Plus formellement, l’équation estimée peut être écrite
comme un processus dynamique.

𝑙𝑛𝑦𝑐𝑡 = 𝛾𝑙𝑛𝑦𝑐𝑡−1 + 𝛽ln⁡(𝑋)𝑐𝑡 + 𝑎𝑐 + 𝑏𝑡 + 𝑒𝑐𝑡⁡ ⁡⁡⁡⁡⁡⁡(1)


Où 𝑋𝑐𝑡⁡ ⁡est un vecteur des déterminants de la croissance ; 𝑎𝑐⁡ et 𝑏𝑡⁡ représentent respectivement
les effets fixes par pays et les effets fixes d’années ; 𝑒𝑐𝑡 est le terme d’erreur inexpliqué par le
modèle (différence entre la croissance prédite et la croissance observée).

Pour aplatir les effets cycliques de court terme qui ne sont pas durables, le modèle est estimé
en utilisant des moyennes de 5 ans (sans chevauchement) sur données de panel pour un
échantillon de 126 pays dont le Sénégal sur la période 1970-2010.

Les leviers de la croissance sont regroupés par catégories : les facteurs structurels, la
stabilisation et les effets externes. Chaque variable du vecteur 𝑋𝑐𝑡 est associée à une catégorie
de déterminant. Cette classification facilite une interprétation en permettant de savoir si la
croissance est conduite par de « bonnes politiques » (facteurs structurels, stabilisation) ou la
« chance » (facteurs externes).

7
3.2. Variables structurelles
Les variables structurelles captent les caractéristiques propres à un pays. En d’autres termes,
ce sont des outils d’observation de l’évolution des structures de l’économie. Pour cette étude,
elles renferment le taux de scolarisation secondaire considéré comme un proxy du capital
humain, l’ouverture commerciale, la variable institutionnelle, le crédit octroyé au secteur
privé qui permet de mesurer le développement financier. Elles prennent en compte aussi
l’infrastructure représentée par les lignes téléphoniques fixe pour 100 personnes. Par ailleurs,
pour mieux appréhender l’impact de la variable infrastructure, nous considérons les
abonnements à la téléphonie mobile et la densité routière. En outre, notre modèle inclut la
taille du gouvernement associée à la consommation publique. Bien qu’une augmentation des
dépenses publiques agisse positivement sur le revenu (à travers la santé, l’éducation et
infrastructure publique), nous cherchons à analyser l’impact négatif de cette variable ainsi que
des impôts sur le secteur privé. Cela ne devrait pas être confondu avec l’impact positif qu’une
augmentation des dépenses publiques pourrait avoir durant une période de ralentissement de
l’économie parce que notre modèle décrit une croissance à long terme. Il est à noter que notre
modèle dépend de la condition suivante : l’effet positif des dépenses publiques est capté à
travers l’éducation et l’infrastructure3. Finalement, des dépenses publiques très élevées
limitent l’espace fiscale pour contrer les chocs cycliques. Généralement, des mesures contra
cycliques peuvent être financées par des impôts ayant un effet de distorsion ou une
augmentation de la dette (Afonso et Furceri, 2010).

3.3. Stabilisation
Les variables de stabilisation renferment l’inflation, le taux de change et les crises bancaires
(Reinhart et Rogoff, 2011). En partant de l’hypothèse que les fluctuations macroéconomiques
peuvent influencer la croissance au cours d’une période prolongée, nous contrôlons le nombre
de crises bancaires, le taux d’inflation et le taux de change (une diminution de cette variable
suppose une dépréciation).

3.4. Facteurs externes


Les facteurs externes concernent les termes de l’échange et les prix des matières premières.
L’indice des termes de l’échange de marchandises net et l’indice des prix d’exportation de
marchandises spécifique au pays sont utilisés pour capter l’impact de l’environnement
international sur la croissance (Arezki et Brueckner, 2012).

3
Voir aussi Loayza et al. (2005 :40-41).

8
𝐶𝑜𝑚𝑃𝐼𝑐,𝑡 = ∏ 𝐶𝑜𝑚𝑃𝑟𝑖𝑐𝑒⁡ 𝑖𝑡 𝜃𝑖𝑐
𝑖=1

Il est probable que le niveau de croissance économique observé à la date t dépende du niveau
observé dans un passé récent (t-1). Par conséquent, le taux de croissance réel du PIB par tête
retardé figure parmi les variables explicatives. Ainsi, il apparaitrait un risque
d’autocorrélation des erreurs qu’il est possible de tester en utilisant la méthode des moments
généralisés (MMG).

3.5. Méthode d’estimation

La méthode des moments généralisés en système (MMG) avec un ensemble limité


d’instruments internes a été utilisée. Inclure le PIB réel par habitant retardé avec les effets
fixes crée un problème de corrélation entre la variable et les erreurs, ce qui amène un biais
négatif dans le coefficient associé au PIB réel par habitant retardé (Nickel, 1981).
L’estimateur Arellano-Bond permet d’éliminer ce biais.

La Méthode des Moments Généralisés sur panel dynamique permet de traiter le problème
d’endogénéité potentielle de l’ensemble des variables explicatives du modèle estimé. Cette
méthode présente l’avantage de générer des instruments internes à partir des variables
explicatives endogènes du modèle. L’estimateur utilisé est celui de la Méthode des Moments
Généralisés en système proposé par Blundell et Bond (1998).

Cet estimateur combine, dans un seul système, le modèle en niveau avec celui en différence
première. Les instruments pour la régression en différence sont ceux préconisés par Arellano
et Bond (1991). Ces derniers proposent d’instrumenter les différences premières des variables
explicatives endogènes du modèle en différence par leurs valeurs retardées (d’au moins deux
périodes) en niveau. Les variables explicatives endogènes du modèle en niveau sont quant à
elles instrumentées par leur différence première la plus récente et ce, sous l’hypothèse de
«quasi stationnarité» de ces variables (selon cette hypothèse, la corrélation entre l’effet
individuel et les variables explicatives endogènes du modèle en niveau est constante dans le
temps).

A partir d’une étude de simulation, Blundell et Bond (1998) ont montré que l’inclusion de la
régression en niveau améliore sensiblement la qualité de l’estimation et réduit les biais
potentiels associés à l’estimateur en différence. Le système d’équations ainsi obtenu est
estimé à l’aide de la Méthode des Moments Généralisés.

9
3.6. Calcul des contributions à la croissance
Les contributions à la croissance du PIB réel par tête sur chaque période peuvent être
calculées par la première différence de l’équation (1) :
∆𝑙𝑛𝑦𝑐𝑡 = 𝛾(∆𝑙𝑛𝑦𝑐𝑡−1 ) + 𝛽∆ln⁡(𝑋)𝑐𝑡 + ∆𝑏𝑡 + ∆𝑒𝑐𝑡⁡ ⁡⁡⁡⁡⁡⁡(2)

La croissance peut être expliquée par le PIB de l’année précédente, la variation des variables
explicatives (𝑋) et un choc mondial sur une période (∆𝑏𝑡 ). Notons que les effets fixes par
pays sont neutralisés après différenciation.

Pour calculer la contribution de chaque indicateur, sa variation sur une période est multipliée
par le coefficient moyen qui lui est associé. Ce dernier est issu des travaux de Brueckner
(2013). Dans le but de faciliter l’analyse des déterminants de la croissance économique du
Sénégal depuis 2000, il est utile de définir des sous périodes. Ainsi, quatre sous périodes sont
retenues : 2000-2004, 2005-2009, 2010-2013. Sur chacune des périodes, les valeurs moyennes
sont considérées.

10
4. Résultats
Le modèle est bien spécifié et compatible avec la théorie économique. Les résultats sont
présentés dans le tableau 4 avec en colonne 1 les coefficients associés aux indicateurs. Les
colonnes 2-3-4 résument la robustesse du modèle.

Tableau 4: Résultats de la régression


Variables (1) (2) (3) (4)
Log du PIB par tête PPP

Persistence 0.781*** 0.784*** 0.726*** 0.746***


(0.0569) (0.0563) (0.0491) (0.0392)
ln(taux de change réel) -0.0640 -0.0622 -0.0553* -0.0172
(0.0404) (0.0392) (0.0332) (0.0355)
ln(scolarisation) 0.0178 0.0445 0.0104 -0.0266
(0.0503) (0.0502) (0.0463) (0.0452)
ln(credit/PIB) 0.0743** 0.0542* 0.0432* 0.0238
(0.0311) (0.0304) (0.0221) (0.0245)
ln(ouverture/PIB) 0.0824 0.0609 0.0916*** 0.0968
(0.0502) (0.0490) (0.0350) (0.0584)
ln(consommation publique) -0.262*** -0.259*** -0.215*** -0.127
(0.0442) (0.0423) (0.0359) (0.0810)
ln(lignes téléphoniques) 0.141*** 0.129*** 0.0769*** 0.0816***
(0.0309) (0.0297) (0.0216) (0.0261)
ln(inflation) -0.0113 -0.0145 -0.00523 -0.0128
(0.0118) (0.0110) (0.00886) (0.0112)
Δln(terme de l’échange) 0.118*** 0.123*** 0.116*** 0.110***
(0.0286) (0.0277) (0.0264) (0.0339)
ln(crise bancaire) -0.0399 -0.0430 -0.0414 -0.0461*
(0.0317) (0.0314) (0.0259) (0.0236)
Δln(prix des matières 1ère) 10.48*** 11.11*** 7.507*** 6.963
(2.686) (2.546) (2.391) (4.943)
ln(institutions) -0.00265 0.00190 -0.00549
(0.0330) (0.0247) (0.0255)
Constant 2.502*** 2.829*** 3.203*** 2.469***
(0.708) (0.465) (0.600) (0.453)

Observations 464 502 464 464


Number of countries 126 141 126 126
Estimation SysGMM SysGMM SysGMM FE
Note: Baseline w/o Polity2 lags 1-3 as baseline
instruments as FE
No of instruments 153 166 171
AB(1) 0.023 0.024 0.033
AB(2) 0.102 0.045 0.062
Sargan test 0.131 0.017 0.001

Note : Résultats de Brueckner (2013). ***, ** et * indiquent une signification statistique à 1, 5 et 10 pourcent
respectivement. AB(1) et AB(2) sont, respectivement, le p-value des tests d’autocorrélation de premier et
second ordre d’Arellano et Bond. Le test de Sargan rapporte les p-values

11
Le tableau 5 renseigne sur les résultats obtenus à partir des données portant sur le Sénégal
pour les périodes : 2000-2013, 2000-2004, 2005-2009, 2010-2013. Dans l’ensemble, il n’y a
aucune indication montrant que le modèle est mal spécifié et les coefficients associés aux
variables présentent les signes attendus sauf pour la variable institution (Polity2) qui n’est pas
statistiquement significatifs.

Tableau 5 : contribution des déterminants de la croissance


2000-2013 2000-2004 2005-2009 2010-2013

effet effet effet effet


coefficients ∆(𝑋) prévu ∆(𝑋) prévu ∆(𝑋) prévu ∆(𝑋) prévu
Persistence 0,781 0,003 0,270 0,004 0,323 0,005 0,388 -0,001 -0,071

structurels: 1,074 2,188 0,208 0,765


∆ln(scolarisation) 0,018 0,023 0,041 0,021 0,039 0,016 0,028 0,033 0,059
∆ln(credit/PIB) 0,074 0,018 0,133 0,020 0,146 0,013 0,097 0,022 0,164
∆ln(Ouv/PIB) 0,082 0,002 0,018 0,003 0,023 0,000 -0,002 0,004 0,036
ln(G/PIB) -0,262 -0,002 0,058 -0,006 0,155 0,001 -0,018 -0,001 0,033
∆ln(téléphones) 0,141 0,045 0,628 0,091 1,285 0,007 0,095 0,034 0,473
∆ln(institutions) -0,003 -0,652 0,196 -1,800 0,540 -0,025 0,008 0,000 0,000

Stabilisation: -0,038 -0,057 -0,043 -0,007


∆ln(inflation) -0,011 0,000 0,000 0,000 0,000 -0,001 0,001 0,002 -0,002
∆ln(TCR) -0,064 0,006 -0,038 0,009 -0,057 0,007 -0,044 0,001 -0,005
∆ln(crise bancaire) -0,040 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000

Externes: -0,009 -0,080 -0,003 0,073


∆ln(T change) 0,118 -0,001 -0,009 -0,007 -0,080 0,000 -0,003 0,006 0,073
∆ln(prix mat 1ère) 10,482 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000

Taux de croissance annuel


moyen prévu du PIB par tête 1,297 2,373 0,549 0,761
Source : calculs des auteurs à partir des coefficients de la régression (Tableau2) et des données sur le Sénégal

12
La figure 6 donne le classement des leviers de la croissance économique du Sénégal depuis
2000.
Figure 6 : contribution des leviers de la croissance

3,000
contribution à la croissance du PIB par

2,500

2,000

1,500
tête (%)

1,000

0,500

0,000
2000-2013 2000-2004 2005-2009 2010-2013
-0,500

Persistence structurels Stabilisation externes

Source : calculs des auteurs

Les résultats des estimations indiquent que la croissance économique entre 2000-2013 est
imputables à l’amélioration des facteurs structurels. En effet, la contribution de ces facteurs à
la croissance du PIB par tête s’élève à 1,074% sur un total de 1,297%. Sur cette période, la
stabilisation ainsi que les facteurs externes ont une contribution négative (-0,038 et -0,009%
respectivement). La croissance du PIB par tête est également expliquée par le PIB par tête
retardé avec une contribution de 0,27%.

Les investissements publics dans les infrastructures, une augmentation du crédit octroyé au
secteur privé, la qualité des institutions ainsi qu’une réduction de la consommation publique
sont les leviers structurels de la croissance observée sur la période 2000-2013 même si le
niveau de croissance est faible. En d’autres termes, l’explication des performances
économiques se trouve principalement dans un certain nombre de variables structurelles telles
que l’inefficacité des dépenses publiques, le rôle du secteur privé par la mise en place des
conditions favorables à son essor (environnement des affaires transparent), les infrastructures,
les acquis démocratiques, l’ouverture extérieure et l’éducation. Un niveau insuffisant de ces
facteurs empêche d’atteindre durablement des taux de croissance plus soutenus.

Entre 2000-2013, la stratégie de développement du Sénégal a reposé sur une politique


ambitieuse d’investissement. La part des investissements publics en pourcentage du PIB a
connu une légère hausse passant de 5,1% en 2000 à 6,1% en 2013. Ces dépenses

13
d’investissement sont principalement axées sur le développement et la modernisation des
infrastructures (énergie, transport, télécommunication…). En outre, le rôle du secteur privé a
été déterminant dans la mesure où les exportations et l’investissement privé se sont
véritablement relancés (Figure 7).

Par ailleurs, le Sénégal a bénéficié durant la décennie 2000 d’une réduction de la dette
transformée en dépenses sociales. En effet, les ressources issues de l’annulation de la dette ont
été affectées prioritairement aux secteurs de l’éducation, de la santé, des infrastructures etc.
Ainsi, l’initiative d’allégement de la dette a permis au Sénégal d’avancer dans la mise en
place de son programme de croissance et de réduction de la pauvreté.

A côté de ces facteurs structurels, plusieurs chocs internes et externes tels que la crise du
secteur productif en 2006 (SAR, ICS, Senelec), la hausse des prix alimentaires et des cours
mondiaux du pétrole en 2008, la crise mondiale en 2008, et les difficultés du secteur
électrique en 2010 ont pénalisé les performances de l’économie sénégalaise (Madariaga,
2012a).

S’agissant de la stabilisation, le Sénégal a une longue expérience de stabilité macro-


économique et des niveaux particulièrement faibles d’inflation (Figure 7). Cependant,
l’accroissement des dépenses d’infrastructure, combiné à la progression moins rapide des
recettes fiscales a conduit à des déficits budgétaires de plus en plus marqués depuis 2007.
Selon le FMI (2010), le taux de change réel effectif est proche de son niveau d’équilibre et le
taux annuel d’inflation est resté relativement faible (moyenne de 2,1%).

14
Figure 7 : tendance des leviers de la croissance

1. Infrastructure 2. Investissements (%PIB)


120 3 25
100 2,5
20
80 2
60 1,5 15

40 1 10
20 0,5
5
0 0
0

1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Abonnés à la téléphonie mobile (pour 100
personnes) Investissement privé (%PIB)
Lignes téléphoniques (pour 100 personnes) Investissement public (%PIB)

3. Crédit fourni au secteur 4. Exportations


privé (% du PIB) 400
70 300
60
200
50
40 100
30 0
20

2010
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009

2011
2012
2013
2014
10
0 Indice de la valeur des exportations
(2000=100)
Indice du volume des exportations (2000=100)
SEN LIC SSA

5. Inflation, prix à la 6. Taux de change réel


consommation (% annuel) 80
40 70
60
30
50
20 40
10 30
20
0
10
2014
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012

-10 0
1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
SEN LIC SSA

15
7. Densité du réseau routier (km de route pour 100 personnes)
7,8
7,6
7,4
7,2
7,0
6,8
6,6
6,4
2000 2001 2002 2003 2006 2007 2009 2010 2011

Source : Auteurs, WDI(1,2,3,4,5) , PWT (6), knoema Atlas (7)

5. Benchmarking : quelles politiques permettraient au Sénégal de réaliser des


performances économiques ?
Le modèle peut être utilisé comme un outil permettant de retrouver le chemin de la croissance
économique. Pour répondre à la question posée, nous allons étudier pour chaque variable du
modèle, la position du Sénégal par rapport à l’Afrique subsaharienne et aux pays à revenu
intermédiaire inférieur. Nous considérons le 90ème centile des pays d’Afrique subsaharienne
les plus performants et le 75ème centile des pays à revenu intermédiaire plus performants. Le
tableau 6 présente les valeurs de référence choisis pour mieux mettre en évidence les effets
d’analyse comparative.

Tableau 6 : Benchmarking
Sénégal Lower Middle Income Countries SSA
Variables 25% Median Average 75% 90%
PIB réel par habitant (ppp), US$ 1443,8 1443,3 2257,4 2247,3 3575,6 7389,2
Taux de change réel 40 47,7 49,2 60,2 40,7
Taux de scolarisation sec (brut, %) 27,9 42,2 55 54,9 82,1 86
Crédit au secteur privé (% PIB) 24,0 14,1 25,9 23,6 36,7 44,5
Ouverture -0,2 0,1 0,1 0,3 0,4
Consommation publique (% PIB) 12,6 7,9 11 12,3 19,5 6,4
IPC, Inflation (annuel, %) 2,5 6 8,8 8,7 12 4,3
Lignes téléphoniques (100 pers) 2,3 1,3 4 3,4 8,8 7
Téléphone mobile (abonnés) 43,9 30 44,5 40 57,1 78
Crise bancaire (non=0; oui=1) 0,0 0 0 0 0 0
Polity2 7,2 8 14,5 11,1 19 19
Source : calcul des auteurs
Note : la performance d’un pays dépend de la variable en question. Pour les LMIC (pays à faible revenu ou
intermédiaire), le 75ème centile est généralement la meilleure performance pour les variables ayant un impact
positif sur la croissance (scolarisation, crédit octroyé au secteur privé, ouverture, lignes téléphoniques,

16
institutions). Cependant, pour les variables ayant un impact négatif sur la croissance, le 25ème centile est la
meilleure performance (taux de change, consommation publique, crise bancaire et inflation).

D’après le benchmarking, il n y’a que l’inflation et le secteur financier où le Sénégal réalise


des performances.

6. Scénarios
Dans cette partie, nous utilisons le modèle pour effectuer des projections. Il s’agit d’appliquer
plusieurs politiques à la fois. Spécifiquement, nous considérons trois scénarios de politique
économique et leurs implications. Comparée au benchmarking, cette approche a l’avantage de
modifier simultanément plusieurs variables. Cet exercice présente des limites
méthodologiques qui nécessitent une interprétation minutieuse des résultats. Cependant, les
simulations donnent un aperçu significatif du chemin de la croissance ainsi que des sources de
la croissance.

Trois scenarios sont retenus :


Scénario A : statu quo ou continuer à agir comme si de rien n’était ;
Scénario B : réforme du secteur privé ;
Scénario C : investissement accru du secteur public.

Nous ne pouvons manipuler que les variables structurelles. En effet, l’inflation est maitrisée et
le Sénégal n’a pas de main mise sur l’environnement extérieur.

Scénario A : statu quo


Ce scénario est caractérisé par :
• une continuité de l’investissement dans les infrastructures publiques et l’éducation
conformément à l’évolution observée durant la dernière décennie ;
• une augmentation de la consommation publique dans le but de capter la croissance
issue de la hausse de la dette publique afin de financer les investissements dans les
infrastructures (Loayza et al. 2005).

17
Tableau 7: résultats du scénario A
2010-2013 scénario A: statu quo
Valeur de base
Effet
∆% niveau ∆% niveau coefficients prévu
structurels:
∆ln(scolarisation) 3,304 38,995 7,706 42,000 0,018 0,139
∆ln(credit/GDP) 2,211 29,317 0,000 29,317 0,074 0,000
∆ln(ouv) 0,444 70,700 0,000 70,700 0,082 0,000
∆ln(G/PIB) -0,125 12,452 12,431 14,000 -0,262 -3,257
∆ln(téléphones) 3,351 2,537 37,966 3,500 0,141 5,353
∆ln(institutions) 0,000 7,000 42,857 10,000 -0,003 -0,129

structurels 2,106
persistence 2010-2013 -0,071
stabilisation -0,007
externes 0,073
Taux de croissance annuel moyen du
PIB par tête prévu 2,102
Source : calculs des auteurs

Scénario B : Réforme du secteur privé


Le scénario B simule une réforme qui a pour but de promouvoir l’accélération de
l'investissement dans le secteur privé et la réduction des déséquilibres macro-économiques. Il
est caractérisé par :
• un ralentissement de l’investissement dans les infrastructures publiques substitué en
partie par la participation du secteur privé : augmentation modeste des infrastructures
et une consommation publique constante ;
• une hausse de l’espace fiscal est utilisée pour financer l’éducation ;
• un développement du secteur privé facilité par une hausse du crédit octroyé au secteur
(%PIB) ;
• plus d’ouverture commerciale qui reflète la compétitivité.

18
Tableau 8 : résultats du scenario B

2010-2013
Valeur de base scénario B: réforme du secteur privé
effet
∆% niveau ∆% niveau coefficients prévu
structurels:
∆ln(scolarisation) 3,304 38,995 15,399 45 0,018 0,277
∆ln(credit/PIB) 2,211 29,317 22,797 36 0,074 1,687
∆ln(ouverture) 0,444 70,700 6,082 75 0,082 0,499
∆ln(G/PIB) -0,125 12,452 0,000 12,452 -0,262 0,000
∆ln(téléphones) 3,351 2,537 18,257 3 0,141 2,574
∆ln(institutions) 0,000 7,000 42,857 10 -0,003 -0,129

structurels 4,909
persistence 2010-2013 -0,071
stabilisation -0,007
externes 0,073
Taux de croissance annuel moyen
du PIB par tête prévu 4,904
Source : calculs des auteurs

Scenario C : accélération de l’investissement public


Ce scenario consiste à accélérer l’investissement public. Il est caractérisé par :
• une augmentation de l’investissement public dans les infrastructures ;
• une éviction du secteur privé ;
• une consommation publique très élevée.

19
Tableau 9 : résultats du scénario C

2010-2013
Valeur de base scenario C: accélération de l’investissement public
éffet
∆% niveau ∆% niveau coefficient prévu
structurels:
∆ln(scolarisation) 3,304 38,995 7,706 42 0,018 0,139
∆ln(credit/PIB) 2,211 29,317 -11,313 26,000 0,074 -0,837
∆ln(ouv) 0,444 70,700 0,000 70,700 0,082 0,000
∆ln(G/PIB) -0,125 12,452 12,431 14,000 -0,262 -3,257
∆ln(téléphones) 3,351 2,537 57,676 4 0,141 8,132
∆ln(institutions) 0,000 7,000 42,857 10 -0,003 -0,129

structurels 4,048
persistence 2010-2013 -0,071
stabilisation -0,007
externes 0,073
Taux de croissance annuel moyen
du PIB par tête prévu 4,044
Source : calculs des auteurs

Avec une croissance démographique de 2,5%, on peut s’attendre pour les scenarios A, B et C
à un taux de croissance annuel respectif de 4,6%, 7,4% et 6,5%.

Tableau 10 : PIB par tête prévu

Scenario A Scenario B Scenario C


Taux de croissance annuel moyen prévu du PIB par
tête 2,102 4,904 4,044
Croissance démographique 2,500 2,500 2,500
Taux de croissance annuel moyen prévu du PIB 4,602 7,404 6,544
Source : calcul des auteurs

Le scenario B portant sur une réforme du secteur privé procure le meilleur résultat.

7. Conclusion
Cette étude dont l’objectif est de faire une analyse systématique et rigoureuse des
performances de l’économie sénégalaises, a permis d’établir une analyse comparative des
leviers de la croissance économique. Il ressort des analyses, des performances économiques
insuffisantes caractérisées par une progression lente du PIB et en deçà de celle notée dans le
groupe de pays africains ne possédant pas de ressources naturelles et réalisant des
performances économiques : SSA6 (Burkina Faso, Tanzanie, Ethiopie, Ouganda, Rwanda et
Mozambique) et en Afrique Subsaharienne, d’où une absence de convergence par rapport aux

20
pays comparateurs. Ces performances résultent en partie de la faible productivité des facteurs
de production, des chocs exogènes et de la lenteur notée dans les réformes relatives au climat
des affaires. D’après les résultats des estimations, les performances enregistrées depuis 2000
sont attribuables aux facteurs structurels tels que le capital humain, l’ouverture commerciale,
les institutions, le crédit accordé au secteur privé, les infrastructures et la consommation
publique. Ces facteurs contribuent grandement à l’évolution du PIB. Afin de réaliser une
croissance forte et durable, et atteindre un objectif de croissance de 7%, une réforme du
secteur privé, considéré comme un moteur de croissance, est nécessaire comme le montre les
résultats des scénarios. Ainsi, une croissance forte et durable est conditionnée par la poursuite
des réformes structurelles à un rythme soutenu afin de lever les obstacles à la croissance. Ces
réformes viseront particulièrement :

• une amélioration de l’efficacité de l’investissement public ;


• le secteur financier par un financement bancaire accru pour soutenir le secteur privé ;
• une amélioration du climat des affaires qui pourraient attirer l’investissement privé,
en particulier les investissements directs étrangers ;
• une intégration à l’économie mondiale ;
• un relèvement du niveau d’éducation.

21
Annexes

Description des variables et sources

PIB par habitant (%) : variation du PIB par habitant entre deux périodes (PWT 7.1).

Education: taux de scolarisation secondaire brut (WDI).

Ouverture commerciale : somme des exportations et des importations rapportées au PIB


(PWT 7.1).

Polity 2 : cet indice vise à évaluer la qualité des régimes politiques des pays ou bien à
apprécier le degré de démocratie d’un pays. Les pays appartenant à l’intervalle [-10 ;-6] sont
considérés comme des « autocraties », ceux se situant dans l’intervalle [-5 ; +5] sont assimilés
à des « régimes mixtes » possédant à la fois les caractéristiques d’un régime autocratique et
celles d’un régime démocratique, enfin les pays appartenant à l’intervalle [+6 ; +10] sont
considérés comme des « démocraties » (Polity IV (2012)).

Crédit au secteur privé (% PIB) : Le crédit intérieur du secteur privé fait référence aux
ressources financières fournies au secteur privé, notamment par le biais de prêts, d'achat de
titres autres que des actions, de crédits commerciaux et d'autres comptes débiteurs, qui
constituent des créances à rembourser. Dans certains pays, ces créances comprennent les
crédits accordés aux entreprises publiques (WDI).

Lignes téléphoniques : il s’agit des lignes téléphoniques fixes qui relient l'équipement de
terminal d'un utilisateur au réseau téléphonique commuté public et qui ont un port sur le
central téléphonique. Les canaux du réseau numérique à intégration de services et les abonnés
à l'accès fixe sans fil sont inclus.

Téléphonie mobile : les abonnements à la téléphonie mobile sont les abonnements à un


service de téléphonie mobile public au moyen de la technologie de la téléphonie qui offrent
accès au réseau téléphonique commuté public. Les abonnements prépayés et payés
ultérieurement sont inclus.

Consommation publique : les dépenses publiques (% PIB) (ANSD).

Inflation : l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC+100) reflète les
variations du coût d’un panier de biens et services acheté par le consommateur moyen (WDI).

22
Taux de change réel : taux de change nominal entre deux monnaies déflatés des prix (PWT
7.1).

Crises bancaires : 1 si le pays a connu une crise bancaire, 0 sinon (Reinhart et Rogoff 2012).

Termes de l’échange : L’indice des termes de l'échange de marchandises nets est calculé
comme le rapport de l'indice de la valeur unitaire des exportations sur l'indice de la valeur
unitaire des importations, mesuré sur l'année de référence 2000.

Prix des matières premières : l’indice des prix d’exportation de marchandises Arezki and
Brueckner (2012)
𝐶𝑜𝑚𝑃𝐼𝑐,𝑡 = ∏ 𝐶𝑜𝑚𝑃𝑟𝑖𝑐𝑒⁡ 𝑖𝑡 𝜃𝑖𝑐
𝑖=1

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