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Avril 2010
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INTRODUCTION
symbiose dans notre tube digestif, puisque ces dernières composent la majorité de nos
endosymbiotes.
constate la colonisation par des bactéries anaérobie strictes comme Clostridium, et ce fait
est corrélé avec la durée de l’hospitalisation. La manipulation de la flore offre une voie
thérapeutique, comme par exemple l’administration des probiotiques Bifidobacterium
infantis et Lactobacillus acidophilus, qui a diminué significativement l’incidence et le
taux de mortalité de l’ECUN. (4)
Dans le développement jusqu’à l’âge adulte, la flore intestinale s’est avérée être
utile dans plusieurs tâches. Premièrement, les bactéries aident au développement du tube
digestif. Leur présence est corrélée avec un épaississement de la muqueuse intestinale,
une augmentation de la densité du réseau sanguin et de la vitesse de renouvellement de
l’épithélium du colon (1).
En second lieu, elles augmentent l’efficacité du système immunitaire. En effet, la
stimulation permanente de ce dernier par le microbiome semble être indispensable pour
son bon développement et sa maturation. Il est aussi nécessaire à l’équilibre des réactions
pro et anti-inlammatoires, ainsi qu’à la fonction de barrière de l’épithelium contre les
agents infectieux. (1).
Enfin, les bactéries dégradent certains composés issus de l’alimentation. Par
exemple, les fibres végétales sont fermentées et ce processus libère des acides gras
(nutriments pour notre corps ou stockées dans les graisses) (1, 2, 7, 13).
Dans un autre ordre d’idées, de nombreuses découvertes ont été effectuées ces
dernières années au sujet du rôle de certaines bactéries dans la protection contre certaines
pathologies. À l’inverse, d’autres semblent jouer un rôle dans le développement de celles-
ci.
Le Consortium du microbiome humain a comme objectif d’explorer le patrimoine
génétique des milliards de de micro-organismes qui vivent sur et en l’Homme. Il est
chargé de coordonner les projets d’exploration à ce sujet. Deux grands projets
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internationaux sont nés en 2008 visant à mieux connaître le microbiome intestinal humain
à l’aide des techniques de la génomique (1, 5) Les Etats-Unis ont lancé le Human
Microbiome Project (HMP) qui a pour but de séquencer le génome de toutes les bactéries
du corps humain, tandis que l’Europe a lancé le projet MetaHIT, qui s’intéresse à la
fonction du microbiote intestinal. Ce dernier veut davantage comparer le microbiote des
personnes saines avec celui des personnes obèses ou atteintes d’une maladie chronique
inflammatoire intestinale. Le Canada, a l’instar de plusieurs autres pays, a également
emboîté le pas en lancant plusieurs projets de recherches sur le sujet(7). Plusieurs
n’hésitent pas à parler d’une véritable révolution médicale.
Étant donné la quantité de données en jeu et les liens synergétiques complexes qui
sont à établir entre les différentes espèces et leur interaction avec les différentes parties
du corps humain, il est nécessaire d’opter pour une approche multidisciplinaire et de
combiner plusieurs techniques. Ainsi, comme mentionné ci-haut, les différentes
approches de séquençage génétique sont d’une grande utilité, premièrement parce que la
majorité des espèces bactériennes sont anaérobiques et donc incultivables, et
deuxièmement parce qu’ils permettent d’obtenir et de traiter un grand nombre de données
rapidement.
Une des méthodes les plus répandues est celle du séquençage de l’ARN ribosomal
16S (environ 1.5 kb), dont les différences permettent a la fois d’établir les différences et
les ressemblances d’une espèce de bactérie a l’autre (1,5, 6) A titre d’exemple, le HMP
(USA) a effectué une analyse à grande échelle des phyla bactériens composant la
microflore intestinale de 3 personnes adultes. L’analyse de 13 335 séquences d’ARNr
16S a identifié 395 phyla bactériens avec un seuil de 99% d’identité de séquences, et un
seul phylum d’archae. La plupart appartenait aux genres Bacteroides, Eubacterium,
Clostridium et Ruminococcus. L’analyse a démontré plusieurs variations inter-
individuelles dans la composition des espèces de bactéries. Une autre analyse à grande
échelle des ARNr 16S effectuée sur 14 adultes a permis d’identifier 4074 phyla. (5).
Cette dernière étude, jointe aux résultats d’une expérience faite sur des souris dans
lesquelles on a manipulé la microflore intestinale (2, 12), a permis de mettre en lumière
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une corrélation entre la composition du microbiome intestinal et l’obésité (Figure 2). Les
résultats actuels semblent indiquer que, chez les personnes obèses, le rapport entre
bactéries du genre Firmicutes et celles du genre Bacteroides est inversé comparé aux
personnes non-obèses. Les obèses possèdent davantage de Firmicutes et moins de
Bacteroides. Il est intéressant de noter que, dans l’expérience chez les souris, le transfert
des bactéries intestinales d’une souris obèse dans l’intestin d’une souris mince rendait
cette dernière obèse, alors que le transfert du microbiome intestinal d’une souris mince
vers une souris obèse faisait maigrir celle-ci (12). Chez les être humains, on a observé
qu’une personne obèse qui subissait un régime alimentaire finissait par présenter une
flore bactérienne proche de celle des personnes minces (3). Pour ce qui est du pourquoi et
du comment, ils faut se référer davantage a l’approche complémentaire du projet
MetaHIT exposé plus loin, qui a pour hypothèse le rendement métabolique trop efficace
des bactéries présentes chez les obèses, qui retire en quelque sorte trop d’énergie lors de
la digestion des aliments et les stockent dans les tissus adipeux. (5, 6,13). A la lumière de
ces résultats, certains entrevoient des thérapies qui seraient basées sur le rétablissement
du rapport normal entre Firmicutes et Bacteroides (2,10, 12, 13).
but à l’aide de la métagénomique (1,6). Cette approche a été utilisée avec succès pour
identifier le rôle que peuvent jouer certaines bactéries non cultivables puisées dans
l’environnement (6). Essentiellement, il s’agit de comparer globalement toutes les
séquences puisées dans un échantillon avec les séquences codant pour des gènes connus.
L’approche par séquencage shotgun est préconisée (6). La métagénomique s’avère
efficace pour identifier des unitées fonctionnelles parce que chez les bactéries, la
proportion de l’ADN analysée qui code pour des protéines peut atteindre 80%. (5)
Afin d’en connaître davantage sur ces fonctions, on utilise également des techniques de
métagénomique fonctionnelle : on transfert par exemple un fragment d’ADN inconnu
issu du microbiote dans une bactérie connue, comme Escherichia Coli , et on observe
ensuite si les fonctions de cette dernières sont modifiées (1). Par exemple, le MetaHIT a
permis d’expliquer comment le microbiote des personnes obèses pourrait contribuer a
l’augmentation de leur poids. Chez les souris, les chercheurs ont découvert que les
bactéries provoquent l’augmentation de l’activité d’une hormone favorisant le stockage
des graisses, la lipoprotéine lipase (LPL), dont le rôle est d’hydrolyser les acides gras
pour être stockés dans les tissus adipeux. Les bactéries auraient la capacité d’inactiver le
facteur FIAF (fasting-Induced Adipose Factor), un inhibiteur de la LPL(1, 5, 13) (Figure
3)
En ce qui concernent les possibilités de thérapies, que ce soit pour l’obésité, les
maladies inflammatoires ou auto-immunes de l’intestin, il est à noter que plusieurs études
indiquent l’utilité de l’ingestion de probiotiques et de prébiotiques. Celles-ci
permettraient à la fois de modifier et de stabiliser le microbiome intestinal.(4,10).
AUTO-CRITIQUE
Parmi les autres sujets qui auraient pu être abordés, notons également
l’importance de la génomique afin de cartographier le microbiome humain selon les types
d’individus, les âges, stades du développement, régions géographiques, l’interaction entre
le génome et le microbiome, etc. Le génotypage dans un but de filiation évolutive aurait
également pu enrichir notre compréhension du sujet, sans parler du fait que la découverte
de séquences appartenant à des protistes, des eucaryotes et des virus a été également
écarté (7).
trouver des articles validant hors de tout doute la méthode d’échantillonage la plus
répandue dans les recherches sur le microbiome intestinal, c'est-à-dire l’analyse de
l’ADN bactérien contenu dans les fèces. En effet l’idée semble acceptée d’emblée selon
laquelle les proportions retrouvées dans ces échantillons sont représentatives de celles
que l’on retrouve dans l’intestin, alors qu’il serait possible que celles dont se débarrasse
le plus l’organisme soient celles qui sont en réalité le moins représentées dans la flore
intestinale.
Néanmoins l’angle choisi permet de mettre en lumière qu’il existe des différences
considérables dans la composition des microbiomes des personnes saines et des
personnes obèses, et que le microbiome joue un rôle essentiel dans l’homéostasie et le
métabolisme humain. Les articles les plus convaincants ont été tous ceux qui
démontraient des différences quantitatives tirées des analyses génomiques pour
démontrer un effet qualitatif de ‘’type blanc ou noir’’ sur la santé. Par contre, l’espoir de
manipuler un système aussi complexe a des fins thérapeutiques semble assez mince,
sinon assez lointain. Le doute de type ‘’œuf ou poule’’, ou la cause et l’effet
s’entremêlent, oblige aussi a se demander s’il ne vaut pas mieux se concentrer sur un
mode de vie et l’alimentation saine et davantage naturelle (adaptée au rythme de notre
évolution) pour rétablir le bon équilibre microbiotique, qui nous le rendra bien.
En somme, cette analyse a permis de montrer a quel point les outils de séquençage
de l’ADN sont indispensable a l’avancement de la recherche sur le microbiote humain.
Dans plusieurs cas, les différentes approches génomiques sont un complément non
négligeable aux méthodes traditionnelles de culture bactérienne, alors que dans d’autres,
elles sont les seules méthodes permettant de connaitre quelles sont les espèces qui
habitent notre microflore, puisque la plupart sont anaérobiques strictes. Alliées avec les
puissants logiciels de traitement de l’information et les bases de données déjà
10
accumulées, elles permettront d’accélérer notre connaissance sur notre deuxième réserve
de gènes et le rôle qu’elle joue dans la santé humaine. Mais il va sans dire que pour
comprendre ce qui s’avère être un écosystème complexe, voire un univers entéro-spatial
entier, l’interdisciplinarité scientifique devra encore augmenter d’un cran, et avec elle
l’innovation qui permettra l’émergence de méthodes encore plus efficaces. Même si le
microbiome n’est pas complètement essentiel à la survie (voir le cas de David Vetter,
l’enfant-bulle, qui a vécu jusqu'à 12 ans) (7), il s’avère d’une importance indiscutable
pour nos vies. Puisque que nous ne sommes plus seuls et que notre corps se révèle
maintenant être une planète riche de milliards d’habitants, notre devoir de symbiose
mutualiste nous invite à être davantage responsables de l’harmonie dont dépend la santé
de ce supra-organisme mettant à l’œuvre des centaines de milliers de gènes.
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FIGURES
Références
1. Klingler, C. et Coisne, S. (2009). Notre seconde réserve de gènes. La Recherche 430, 31-34.
2. Klingler, C. et Coisne, S. (2009). Des alliées contre l’obésité. La Recherche 430, 36-38.
3. Klingler, C. et Coisne, S. (2009). Soigner par les bactéries. La Recherche 430, 39.
4. Klingler, C. et Coisne, S. (2009). Des probiotiques au secours des prématurés. La Recherche 430, 40-44.
5. Hattori, M. et Taylor, T.D. (2009). The human intestinal microbiome: a new frontier of human biology.
DNA Research 16, 1-12.
6. The NIH HMP Working Group (2010). The NIH MIcrobiome Project. Genome Research 19, 2317-
2323.
9. Swidsinski, A., Loening-Baucke et V., Herber, A. (2009). Mucosal microbiota in Crohn’s disease and
ulcerative colitis-an overview. J Physiol. Pharmacol. 60 suppl 6, 61-71.
10. Kani, P.D. et Delzenne, N.M. (2009). Interplay between obesity and associated metabolic disorders: new
insights into the gut microbiota. Curr Opin Pharmaco 9(6), 737-43.
11. Forsythe, P., Sudo, N., Dinan, T., Taylor, V.H et Bienenstock, J. (2010). Mood and gut feelings. Brain
Behav Immun 24 (1), 9-16.