Vous êtes sur la page 1sur 358

Les problèmes théoriques

de la Science administrative
Les problèmes théoriques
de la Science administrative

Edité par
Janusz Niczyporuk

Bruxelles – Paris 2012


Critique : Prof. zw. dr hab. Zygmunt Niewiadomski

Rédacteurs de langue française : M


 ichalina Langrod Ageros, Anna Radziszewska,
Marzena Furtak

Copyright © International Institute of Administrative Sciences in Brussels, 2012


Copyright © Académie Polonaise des Sciences – Centre Scientifique à Paris, 2012

Le livre d’or a été rédigé avec le soutien des unités mentionnées ci-dessous: Institut
International des Sciences Administratives de Bruxelles, Académie Polonaise des Scien-
ces – Centre Scientifique à Paris, Académie Polonaise des Sciences – Département de
Lublin, Association pour l’Éducationà l’Administration Publique de Białystok, Univer-
sité Jagelonienne de Cracovie, Université Catholique de Lublin, Université Marie Cu-
rie Skłodowska de Lublin, Académie de Médecine de Lublin, Université de Białystok,
Université de Rzeszów, École Supérieure d’Entreprise et de Gestion de Łódź, École
Supérieure d’Administration Publique de Białystok, École Supérieure d’Entreprise et
d’Administration Publique de Lublin, Fondation Institut pour les Affaires d’Administra-
tion Publique de Lublin

ISBN 978-83-61236-25-2
Tirage : 400 exemplaires
Impression et reliure : Académie Polonaise Des Sciences (PAN) Imprimerie
Scientifique de Varsovie (WDN)
Livre d’Or en hommage au
Professeur Jerzy Stefan Langrod
Table des matieres

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

I. L’actualité de l’œuvre du Professeur Jerzy Stefan


Langrod

Dimitri Argyriades – Georges Langrod : savant international et avocat


de la réforme – un témoignage personnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Louis Boulet – De la Science administrative à la Gestiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Tomasz Jędrzejewski, Piotr Rączka – L’actualité des principales règles
du contrôle judiciaire de l’administration présentées par J. S. Langrod
dans le cadre de la législation polonaise contemporaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Witold Mikułowski – Le séminaire de science administrative du professeur
Langrod à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Gérard Timsit – Georges Langrod et l’invention de la science administrative . . . . . . 47

II. Les problèmes théoriques de la science


de l’administration

Jan Jeżewski – L’administration réelle en tant qu’objet de la Science administrative . . 53


Witold Mikułowski – De la nécessite et des conditions du renouveau de la Science
administrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas – Du choix des critères de contrôle
de l’administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Marek Stefaniuk – Le caractère des recherches scientifiques sur l’administration . . 97
Jerzy Supernat – De la théorie de l’administration publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
8 Table des matieres

III. Les problèmes théoriques de la science du droit


administratif

Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska – Des conceptions de l’influence


du droit civil sur l’élaboration du droit administratif – l’exemple des normes
de protection de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Dorota Dąbek – Le droit des juges en droit administratif contemporain –
à propos de la convergence des systèmes juridiques envisagée du point
de vue polonais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
Piotr Dobosz – Le concept de silence, d’inaction et de durée excessive dans
le fonctionnement de l’administration publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
Marzena Furtak – Le rôle de l’administration publique dans la transformation
du système de protection de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Barbara Jaworska-Dębska – L’inaction de l’administration publique.
Des problèmes choisis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski – Les limites de la surveillance
administrative dans le droit administratif matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Józef Krukowski – Les bases de l’organisation administrative dans l’Église
Catholique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Janusz Niczyporuk – La personnalité de la personne physique dans le droit
administratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Iwona Niżnik-Dobosz – L’esthétique technique dans le droit administratif . . . . . . . . 201
Ewa Olejniczak-Szałowska – La consultation publique comme forme
de participation de citoyens dans les décisions des autorités des collectivités
locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Piotr Przybysz – Le principe de l’État démocratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Marcin Szewczak – Le rôle des institutions d’appui au développement des
régions en Pologne – une tentative d’analyse au niveau du droit
administratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Ewa Szewczyk, Marek Szewczyk – La révocabilité des actes administratifs
dans le contexte du principe de res iudicata . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253

IV. L
 es problèmes théoriques de la procédure
administrative

Artur Gill – Le problème de la vérité dans la procédure administrative . . . . . . . . . . 265


Alina Miruć – Les requêtes et les plaintes selon les procédures du code
administratif à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence des
tribunaux administratifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275
Bartosz Rakoczy – Le droit procédural de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291
Table des matieres 9

Mirosław Sitarz – Les principes de la procédure administrative générale dans


le Code de droit canonique de 1983 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
Jerzy Stelmasiak – L’intérêt individuel et l’intérêt social dans le domaine
de la protection de l’environnement à la lumière de l’article 7 du Code
de procédure administrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315

V. Les problèmes théoriques de la Science de la politique


administrative

Jarosław Dobkowski – Des conditions juridiques de la politique administrative


en Pologne contemporaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323
Beata Jeżyńska – La politique agricole commune. Perspectives de changements
après 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331
Jan Szreniawski – La politique administrative à la faculté de droit
et d’administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz – La politique administrative
envers les personnes menacées d’exclusion sociale – une contribution
aux réflexions sur ce thème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
Introduction

Bien que la Science administrative exige une approche très large, elle n’est menée en
général que dans le cadre d’une seule discipline. En outre on ne distingue le plus sou-
vent pas la nécessité d’intégrer l’acquis des disciplines différentes qui ont pour objet la
connaissance de l’administration publique. Les recherches qui lui sont consacrées sont
malheureusement menées dans la plupart des cas de manière autonome, sans référen-
ces à des phénomènes analogues analysés par des disciplines avoisinantes. La nécessité
s’impose donc d’entreprendre toutes les initiatives qui tendent à une vision intégrée de
l’administration publique. Il devrait évidemment s’agir surtout des problèmes réels qui
se posent sans cesse dans cette administration, car ce sont eux qui suscitent surtout les
controverses.
En réalité l’objectif visé est la collaboration entre les Sciences administratives qui
ont pour objet la connaissance de l’administration publique. Ces Sciences examinent
traditionnellement des aspects choisis de l’administration publique, en appliquant seules
leurs propres méthodes de recherche.
Il est donc difficile de réduire les résultats de telles recherches à un dénominateur
commun. Un outillage conceptuel différent, issu d’une autre tradition terminologique, y
fait obstacle. Il est cependant certain que la pleine intégration de leur acquis scientifique
ne saurait être exclue de ce fait. En effet c’est seulement ainsi qu’une théorie de l’admi-
nistration publique commune à toutes les Sciences administratives pourra être élaborée.
Ainsi ces Sciences réaliseraient un net progrès dans leur évolution, ce qui devrait contri-
buer également à une bien meilleure connaissance de l’administration publique.
C’est ce but que doit servir le présent ouvrage. Il est en réalité le produit de la pour-
suite commune de recherches consacrées aux problèmes actuels de l’administration pu-
blique et menées par des représentants de disciplines choisies.
Concrètement il s’agit de représentants de la Science administrative, de celle du droit
administratif, de celle de la procédure administrative ainsi que de celle de la politique
administrative. Les thèmes abordés sont divers et sélectifs. On peut donc naturellement
y trouver une discussion de problèmes très généraux, mais aussi de questions très dé-
taillées.
La rédaction de cet ouvrage a été inspirée par les réalisations scientifiques du pro-
fesseur Jerzy Stefan Langrod (1903-1990). Il s’agit en particulier de celles qui relèvent
des Sciences administratives conçues au sens large. Le professeur Jerzy Stefan Langrod
nous a certainement prouvé que – tout en étant issu du milieu scientifique des spécialistes
du droit administratif – il est possible de surmonter les barrières pour entreprendre des
études dans les domaines des Sciences administratives et de la politique administrative.
Il importe de souligner à ce propos que l’œuvre scientifique du professeur Jerzy Stefan
Langrod couvre quelques 500 publications en de nombreuses langues dont celles qui ont
paru hors de la Pologne sont signées Georges Langrod.
Ses réalisations scientifiques ont valu à Jerzy Stefan Langrod la position incontestée
d’un des savants polonais les plus éminents. Elles lui permettent de compter également
parmi les membres d’une élite scientifique européenne mondialement reconnue. Son
œuvre demeure actuelle et sert de base à de nombreuses recherches en cours. C’est à ce
thème qu’est consacré le premier chapitre par certains de ses plus proches disciples, col-
lègues et amis. De multiples références à son acquis scientifique ont aussi été faites par
les auteurs d’autres contributions au présent volume. Tous ont été inspirés par la même
pensée – rendre hommage à la mémoire du professeur Jerzy Stefan Langrod.

Janusz Niczyporuk
I
L’actualité de l’œuvre
du Professeur Jerzy Stefan Langrod
D imit ri A rg yriades

Georges Langrod : savant international et avocat


de la reformè – un témoignage personnel de Dimitri Argyriades
Professeur d’Administration Publique
à la City University de New York

Introduction

C’est une marque de la valeur et de la haute réputation dont continuent à jouir le


professeur Langrod et son riche héritage que tant de spécialistes du monde entier soient
venus à Paris rendre hommage à sa mémoire1.
Il importe de remercier les organisateurs de cette conférence à laquelle nous partici-
pons et qui a lieu à une date si proche de 1’anniversaire de sa naissance.
S’il était encore en vie, le professeur Georges Langrod aurait eu 108 ans. Notre maître,
comme nous continuons à l’appeler, était né le 20 septembre 1903, dans une ville d’une
beauté et d’une élégance rares, siège depuis le XIVe siècle de l’Université Jagellonienne.
Comme Copernic, c’est à Cracovie que Georges Langrod a étudié et enseigné. Il a vécu
en Pologne pendant près de 5 décennies, pendant la première moitié du XXe siècle. Son
odyssée à travers le monde et son influence globale datent de l’autre moitié de ce siècle.
Les participants à cette conférence sont, comme moi-même, le produit du XXe siècle.
En Europe surtout, mais aussi dans le reste du monde, ce fut une période de convulsions
intenses, de métamorphoses subies par les pays et les sociétés, de grandes promesses,
de nobles espoirs, mais aussi de cruelles déceptions, d’écrasantes défaites, de trahisons.
Peu de pays ont éprouvé ces extrêmes autant que la Pologne, subi autant de luttes et de
tragédies – certainement bien plus que sa part. Le professeur Georges Langrod vécut tout
cela, non seulement en observateur, mais comme participant actif. Encore dans 1’ado-
lescence il se porta volontaire pour prendre part à la lutte pour l’indépendance nationale.
Durant l’interlude des années d’entre les deux guerres mondiales, il établit rapidement,
dans une Pologne indépendante, une réputation solide de juriste, d’enseignant et d’écri-
vain prolifique. Puis il dut reprendre les armes pour combattre l’invasion par les troupes
nazies, d’abord en Pologne, puis France. Il fut blessé et fait prisonnier en Lorraine.
Pour les gens de ma génération qui ont beaucoup souffert pendant la guerre, mais ont
connu ensuite les multiples bienfaits de la paix et qui ont pu faire carrière dans le calme
relatif et la stabilité des régimes démocratiques, la remarquable trajectoire de Georges
1
Conférence en hommage au prof. Langrod tenue à Paris le 21 Septembre 2011.
16 Dimitri Argyriades

Langrod, en lutte contre la fortune, est tout à fait impressionnante. Le fait qu’il n’ait
jamais perdu l’espoir, et -ce qui est encore plus remarquable- jamais cédé au cynisme et
à l’aliénation, est au cœur de l’héritage qu’il nous a légué. C’est surtout son dévouement
désinteressé à des causes dépassant l’ego qui l’ont rendu exemplaire. Ces causes qu’il
a embrassées sont résumées par le titre du volume qu’un groupe de ses anciens élèves
avait composé à l’occasion de son 65ème anniversaire, en 1968 :
POUR UN DROIT JUSTE ET UNE GESTION MODERNE
C’est le titre de cet ouvrage dont une inversion eût également pu exprimer la pensée
de Langrod dans son ensemble. Devant la crise qui afflige le monde de notre époque,
lui-même ou plutôt ses élèves auraient pu opter pour un titre différent :
Pour un Droit Moderne et une Administration Humaine.
S’il avait connu les excès du Nouveau Management Public ou le déni de justice qui a,
dans tant de cas, suivi de près le recul de l’État Administratif, Georges Langrod n’aurait
certainement pas tardé à mettre en doute l’approche qui subordonne l’éthique, l’État
de droit et les droits et les libertés individuelles, aux fameux 3 Es (soit 1’économie,
l’efficience et 1’efficacité) ainsi que la priorité dont jouit le succès obtenu à n’importe
quel prix. Il aurait sans aucun doute dénoncé l’évidage du gouvernement, ainsi que la
privatisation de l’espace public, poursuivi au nom du progrès et de la modernisation.
Convaincu que le gouvernement pouvait être une force positive, il entendait l’Adminis-
tration comme l’étude systématique des voies et moyens, des structures et des modalités
réalisant les buts de la société de manière durable, grâce à des procédures démocratiques
et stables.
Depuis 1e début des années 1990 le mot anglais sustainability, c’est à dire durabilité
(bien que l’anglicisme « sustainabilité » soit aussi employé) est de plus en plus popu-
laire. On peut le considérer maintenant comme le plus commun dans la documentation
pertinente des Nations Unies et de la communauté de donateurs. Je me hasarderai à dire
que même si ce terme n’est pas en évidence dans les multiples rapports élaborés par
Georges Langrod, ce concept a toujours été présenté comme but. Il sous-tend toutes ses
idées et ses recommandations visant la réforme du service public.
Si la réforme du service public est au premier plan dans les œuvres de Georges Lan-
grod et occupe la place d’honneur dans ses écrits, c’est sans doute en raison de son
importance durant la reconstruction de la période d’après-guerre, où la démocratie et
le développement étaient les objectifs majeurs en Europe et dans le reste du monde.
Pour Georges Langrod, cet effort, exigeait une réévaluation des sciences administratives
« l’administration publique » comme domaine autonome, étroitement lié aux sciences
sociales apparentées, et en particulier au droit, à l’économie politique, à la psychologie,
à la sociologie et à la science politique.
En Europe continentale, la génération de spécialistes à laquelle Langrod appartenait
était appelée à défendre cette mesure d’autonomie contre « 1’emprise » du droit admi-
nistratif. Comme nous le verrons, ce fut le principal obstacle initial que Langrod dut
affronter lorsqu’il plaida pour la réforme de la fonction publique hellénique et pour une
formation systématique, au cours des années comprises entre 1963 et 1967. Ses rapports
et ses recommandations témoignent de sa ferme conviction qu’une profession fondée sur
le mérite devait jouer le rôle essentiel de gardien de l’État.
Georges Langrod : savant international ... 17

Comme d’autres membres de sa génération qui avaient vécu pendant la Dépression


économique et pendant les sombres années de la Seconde Guerre Mondiale, il était par-
venu à apprécier l’importance critique des contributions professionnelles au gouverne-
ment; en d’autres termes, la nécessité d’aider les leaders politiques à promouvoir et à
sauvegarder l’intérêt général à long terme à chaque niveau de la gouvernance.
Évidemment une profession fondée sur le mérite ne pouvait pas être établie ou
assurée,dans le domaine public, sans le cadre institutionnel solide nécessaire à cette fin.
Seul ce cadre pouvait garantir le degré nécessaire de constance, de cohérence, de conti-
nuité et de compétence dans la conduite des affaires publiques. Ce message est claire-
ment transmis dans tous les rapports de Langrod. Il faisait appel aux dirigeants politiques
et à la société en général pour qu’ils intériorisent la valeur d’un système administratif
solide et ainsi pour qu’ils respectent une part d’autonomie de la profession du service
public et du cadre institutionnel dans lequel elle devait fonctionner.

Un savant et un gentleman : « Un honnête homme »

Dans ses écrits, quel qu’en fut le thème, et dans toute l’œuvre monumentale qui fut
le produit de 5 décades de savoir, Langrod transmettait la clarté d’une riche expérience
acquise au cours de diverses missions dans plusieurs pays différents. Ses nombreux rap-
ports démontrent sa maitrise non seulement d’un domaine, mais des disciplines appa-
rentées, en particulier de branches du droit, de l’économie politique, de la sociologie,
de la science politique, du management et de l’administration publique. Mais à la base
était une doctrine cohérente et des valeurs dominantes qui guidaient toujours son action,
assurant l’unité et la direction de sa carrière et de son œuvre, d’une activité variée qui
couvre six décennies entières de changement rapide. On aurait pu le décrire comme un
savant et un gentleman (a gentleman and a scholar) disent les Anglais, un « honnête
homme » disait-on jadis en français. Pendant les années 50, 60 et 70 du siècle dernier,
lorsqu’il se distingua comme expert et comme consultant de l’ONU et de l’OECD, ces
qualités étaient fort appréciées. Les connaissances approfondies, l’expertise, l’adaptabi-
lité, le mérite et la sagesse étaient tenues en haute estime; la sophistrie, se targuant de
pragmatisme ne l’était pas.
Il n’est donc pas surprenant que que Georges Langrod, bien qu’exilé de facto de sa
Pologne natale, ait rapidement trouvé un milieu accueillant et des auditeurs qui l’appré-
ciaient au CNRS français, dans plusieurs universités européennes et, plus encore, dans
le monde des organisations internationales. On pourrait dire que Langrod, ayant étudié
ces organisations, s’est senti chez lui dans ce milieu, dont il appréciait les objectifs et
auxquels il faisait pleinement confiance.
Il est en particulier l’auteur d’un des premiers manuels sur l’ONU : La Fonction publi-
que internationale. Sa genèse, son essence, son évolution, Leyde, A. W. Sythoff 1963.

Traduit en anglais, il est toujours encore une lecture obligatoire non seulement pour
ceux qui étudient la gouvernance mondiale, domaine en pleine évolution actuellement,
mais aussi pour ceux qui s’intéressent au Secrétariat International ainsi qu’à la fonction
18 Dimitri Argyriades

publique internationale, dont Langrod pensait, à juste titre, comme à l’une des principa-
les innovations institutionnelles du XXe siècle.
C’est comme consultant de l’OCDE que j’ai fait la connaissance de Georges Langrod
en 1963. Cette rencontre eut lieu à Paris, lors d’un déjeuner chez lui, au 88 Boulevard
Péreire. Ce qui est assez remarquable, c’est qu’elle avait été initiée par ma lecture de
deux publications : l’une, consacrée à l’assistance technique, parue dans Le Monde di-
plomatique en 1961, l’autre intituleé :
« Quelques problèmes contemporains de 1’Administration f­ rançaise ».
Ce dernier ouvrage avait été publié à Porto Rico et était un cours qu’il avait professé
à l’École d’Administration Publique à San Juan. Ayant étudié auparavant en France,
j’avais été très impressionné par la teneur de ses écrits C’est pourquoi j’avais pris contact
avec Georges Langrod et avais, avec son assentiment, soumis son nom au Gouvernement
hellénique, et, par son intermédiaire, à l’OCDE. Il arriva en Décembre 1963 à Athènes
pour la première de quatre missions répétées d’année en année. Il fallut moins d’une
semaine pour établir un niveau de confiance qui servit de base solide à un partenariat
créateur entre l’OCDE, le Gouvernent Hellénique et une constellation d’experts. Ce par-
tenariat qu’il dirigeait fut malheureusement interrompu par le coup d’état militaire qui
imposa sept années de dictature à la Grèce.
Lors d’une réunion de TECO/OCDE le 6 juillet 1967, le délégué de la Grèce a pu dire
pour résumer sa contribution : « Nous devons au Professeur Langrod plus que des remer-
ciements. Je ne peux qu’exprimer la conviction largement partagée par mes concitoyens,
qu’il est le père de la réforme administrative de la Grèce »2.

Suite et Succession

Comme nous ne la savons que trop bien, la réforme fut mort-née. La junte militaire
au pouvoir en Grèce de 1967 à juillet 1974 ne fut pas encline à réformer la fonction
publique, ce qui eût renforcé son statut, son autonomie professionnelle et sa base méri-
tocratique. Les gouvernements qui lui succédèrent furent plongés dans le tourbillon de
sa chute. En outre, fait plus important, la doctrine et l’idéologie nées depuis les années
1980, se démarquaient du passé, des théories administratives prédominantes pendant
les décennies 1950 et 1960. En particulier,1’identité, l’autonomie et la neutralité de la
fonction publique comme profession n’eurent plus le même attrait et furent carrément
mises en doute.
De nouvelles valeurs prirent leur place. Avec 1’externalisation et la privatisation à
l’ordre du jour, la réforme du service public ne pouvait désormais signifier que la com-
pression des effectifs, la dérégulation et, selon l’expression américaine, la « marketisa-
tion » de l’administration publique.
Néanmoins le nom de Georges Langrod reste inscrit dans les annales du service pu-
blic hellénique et ses écrits ne sont pas oubliés en Grèce. C’est surtout vrai de son pre-

2
Cf. Pour un Droit Juste et une Gestion Meilleure : Mélanges Georges Langrod, Paris, Serpic France,
p.20
Georges Langrod : savant international ... 19

mier rapport officiel, publié en 1964 par l’OCDE3. Il a été largement diffusé en version
originale française ainsi qu’en traductions anglaise et grecque4.
Étant donné sa portée et le manque de sources originales, c’est à tout le moins sur-
prenant qu’il ait été rédigé en un peu plus d’un mois. Comme homologue du consultant,
j’en garde un vif souvenir. Ce rapport fut rédigé à Athènes, à l’hôtel Amalias, dans les
intervalles entre les réunions avec les principaux fonctionnaires grecs et l’examen des
documents de l’ONU ou de l’OCDE. Georges Langrod absorbait tout ce matériel, ne
notant que l’essentiel. Puis la phase rédactionnelle commença pour de bon.
Pour le novice relatif que j’étais à l’époque, sa rapidité à comprendre et à rédiger
tenait du miracle, car il s’agissait vraiment d’une tâche herculéenne. Dès le début j’avais
noté son ouverture, sa modestie, son écoute, son comportement sans prétention, la bonne
volonté dont il faisait toujours preuve, et j’admirais ces traits. Mais je n’étais pas le seul.
Des collègues grecs et leurs homologues à Paris, à l’OCDE, et plus tard à l’ONU, ra-
contaient des anecdotes semblables sur Langrod. Ils esquissaient le profil d’un conseiller
véritablement sage et bien informé, d’un professionnel de la gouvernance et d’un men-
tor désintéressé au service des gouvernements et rie tous ceux qui sollicitaient son
aide.
Malheureusement dans le cas de la Grèce les troubles avant, durant et après la dicta-
ture n’ont pas permis la mise en œuvre globale et logique d’un plan de réforme à long
terme, celle des mesures nécessaires pour s’engager dans la voie que proposaient le
rapport et les recommandations de Georges Langrod. Cependant deux domaines par-
ticuliers, caractéristiques de son approche et de l’orientation préconisée à long terme
virent (pourrait-on dire) la réalisation d’un certain progrès. Il s’agissait, d’une part, de
la tentative de forger des instruments autochtones, de former une équipe nationale pour
réaliser des réformes durables. D’autre part, au cours d’une réunion tenue seulement
quelques mois avant le déclenchement de la crise, se dégagea l’objectif de créer un corps
interministériel d’administrateurs et de conseillers politiques de haut niveau pour le ser-
vice public grec. Le titre du rapport issu de ce colloque à l’École Panteios d’Athènes
était : Création d’un corps interministériel des administrateurs d’État en Grèce, OCDE,
Paris 1965.
Inutile de dire que ce rapport ne fut pas mis en application en 1966-67. Il n’en té-
moigne pas moins encore de la nécessité d’un corps professionnel aux niveaux les plus
élevés du gouvernement.
La stratégie holistique à long terme du professeur Georges Langrod a eu beau n’avoir
pas réussi en Grèce, où les conditions politiques se détériorèrent soudain après 1965. Elle
fut considérée favorablement par l’OCDE et l’ONU, à une époque où la décolonisation
faisait de la réforme et du développement, deux priorités essentielles pour les principales
agences donatrices et pour la communauté internationale en général. À cette époque les

3
Cf. Maddison A., Stavrianopoulos A., Higgins B., Assistance technique et développement de la Grèce,
Paris 1966, OCDE, p.96 : « L’exposé le plus récent, le plus complet et assurément le meilleur que l’on ait
consacré à ce sujet (réforme ad­ministrative) est le rapport du professeur Langrod ».
4
La traduction en grec a été incorporée à un volume consacré à la réforme administrative. Il contient
les principaux rapports d’experts sur ce thème, élaborés de 1950 à 1998. Élaboré sous la direction de
A. Makrydemetres et N. Michalopoulos, et publié à Athènes, Papazisi, 2000.
20 Dimitri Argyriades

instituts et les écoles de formation, de perfectionnement et de recherche en administra-


tion publique proliférèrent à travers le monde. Répandu dans les pays africains, ce mou-
vement bénéficia de l’appui donné par de nombreux disciples de Langrod qui laissèrent
une empreinte dans le monde au cours des années 1980 et plus tard encore.
La contribution de notre Professeur prit forme inter alia dans le cadre du Centre Afri-
cain de Formation et de Recherche (CAFRAD). Au début des années 1970 le Professeur
et Madame Langrod furent souvent invités au Centre de Tanger, établi conjointement
par l’ONU et le Gouvernement du Maroc. L’attention y était consacrée nettement sur un
thème qui était au centre de ses préoccupations et de ses convictions, à savoir la nécessité
de politiques cohérentes en matière de personnel et de l’organisation de carrières. Un
autre thème était le danger d’un « mimétisme » administratif en Afrique et ailleurs. Les
rapports de Langrod sur ces sujets furent publiés respectivement en 1973 et 1974. Ce
dernier fut publié par l’IISA.

Les Études Inter-disciplinaires et les Perspectives Comparatives

Georges Langrod était convaincu de l’importance d’une analyse comparative de ce


que lui-même ainsi que d’autres appelaient le « phénomène » ou le « fait administratif5».
Il s’opposa donc fermement à ce qu’il considérait comme une acceptation paresseuse et
sans esprit critique, de modèles souvent empruntés à des sources lointaines et dépour-
vues de pertinence. Il aurait été consterné par la dangereuse tendance que la Nouvelle
Gestion Publique (New Public Management) a poussé à l’extrême dans les années 1980
et 1990, selon laquelle « un modèle convient à tous » (one size fits all). Comme remède
nécessaire, il préconisait une approche « inter-disciplinaire », c’est à dire qu’il plaçait
l’étude de l’administration dans le contexte des sciences auxquelles elle appartient6. Il
transmettait cette conviction dans tous les pays où il se rendait et toutes les organisations
internationales où on le sollicitait de servir. Après le changement de gouvernement qui
mit fin à sa relation avec la réforme de la fonction publique en Grèce, il fut chargé par
l’OCDE de prêter son appui à des efforts analogues au Portugal et en Espagne. À Alcalà
de Henares, il explora le modèle espagnol d’éducation et de formation des élites admi-
nistratives, en se centrant sur le rôle de l’administration publique et des autres sciences
sociales. En 1973 son article intitulé : « Rédaction de «Tratado de Ciencia Adminis-
trativa’’ » fut publié par l’École de Alcalà de Henares. Langrod avait déjà contribué à
une étude analytique de la Loi du Service Public en Espagne dans La Scuola in Azione
(Milan, 1967).
Au Portugal ses services furent surtout rendus à deux institutions : le Ministère de
l’Éducation et le Secrétariat Gouvernemental pour la Réforme Administrative. Un cer-
tain nombre de tendances nouvelles et de publications se rattachent à ses missions dans
la péninsule ibérique. Il s’agit, d’une part, d’études comparatives sur les débuts de ré-
5
G. Langrod Traité de Science Administrative, Paris, Mouton &. Co, 1966, p.92-123. Cf. aussi Lucien
Mehl, « Pour une Théorie Cybernétique de l’Action Administrative » [in :] Traité de Science Administrative,
op.cit., chap. 23.
6
G. Langrod, ibid. : G.Timsit, « Théorie de l’Administration, Ecodomica », Paris1986, p.17.
Georges Langrod : savant international ... 21

forme au Portugal et en Espagne7 ; et d’autre part, de ses efforts concertés pour façonner
les instruments et les procédures requis pour préparer l’avenir de l’administration. À son
séjour à Lisbonne est due : L’Administration et la Prospective. C’était un enchaînement
d’idées que notre Professeur avait déjà mis à l’épreuve en 1965 dans le contexte d’un
programme destiné aux anciens élèves et étudiants de l’École Nationale des Postes et
Télécommunications (PTT) : « Pour une Administration Prospective ».
Le Professeur Georges Langrod considérait les tâches de prévision et de planification
comme des aspects essentiels de l’administration publique ; en fait, comme des corollai-
res des revendications d’un statut scientifique pour cette discipline. La mise en avant et
la sauvegarde de celles-ci a été une constante tout au long de sa carrière, durable et dis-
tinguée, comme enseignant universitaire et comme expert supérieur des Nations Unies
et de l’OCDE. « La science administrative » est un titre fréquent dans la longue liste des
publications qu’il a léguées à la postérité. L’une des convictions qu’il a défendues toute
sa vie était que la méthode scientifique pouvait aider la fonction publique à prévoir avec
une certaine précision ses besoins en personnel, en compétences de haut niveau et en
structures.
Ses liens avec l’ONU remontent aux années 1950. Leur point de départ avait été une
mission auprès du Gouvernement du Brésil comme enseignant d’Administration Com-
parée auprès de la future École d’Administration à Rio de Janeiro. Il revint en Amérique
latine en 1957 en tant que directeur scientifique chargé par l’UNESCO de promouvoir
l’étude des Sciences Sociales dans la région.
La création de la Faculté Latino-Américaine des Sciences Sociales (FLASCO) à San-
tiago de Chili et celle du Centre de Recherche Sociale à Rio devaient s’en suivre.
Le Professeur Georges Langrod retourna à New York en 1969-70, en mission au siège
de l’ONU. Je me souviens de l’accueil qui lui fut réservé pendant ce séjour d’un mois.
Anciens collègues et membres du Département des Affaires Économiques et Sociales
rivalisaient pour lui rendre hommage. Le titre de son rapport et d’un article paru dans le
bulletin de l’ONU Public Administration Review souligne les aspects essentiels de son
approche :
« Pour une approche globale des problèmes du personnel dans l’Administration pu-
blique: modalités et calendrier précédant 1’action » (Bulletin N°40, 1971, p. 5-14).
L’importance qu’il attachait à la planification et à la prévision a résonné dans le Dé-
partement pendant le début des années 1970. Une conséquence fut le séjour des Lan-
grods à Tanger et au CAFRAD dont il a déjà été question. Une autre fut la venue à Paris
du Chef responsable de ce domaine à la Division d’Administration Publique. Elle aboutit
à la formation d’une équipe et la mise au point d’un projet de recherche en collaboration
avec l’Institut International de l’Adminitration Publique (IIAP), dirigé alors par le Pro-
fesseur G. Timsit. Ce projet aboutit à une étude volumineuse sur la prévision, intitulée
L’Administration prospective.

« Amorce de la Reforme administrative dans les pays ibériques : Portugal », La Revue Administrative,
7

n 12 p. 366-369 ; « Amorce de la Reforme administrative dans les pays ibériques : Espagne», ibid p. 363-
o

366.
22 Dimitri Argyriades

La Prévision … puis le Recul

Il semblerait malheureusement que la valeur de cette étude méthodologique impo-


sante ait été en partie perdue à la suite des crises de l’énergie et de la dette qui ont
frappé les pays en développement au milieu et à la fin des années 1970. Non seulement
l’administration et la planification ont-elles perdu leur prestige antérieur. En outre, le
monde devait entrer peu après l’ère néo-libérale au cours de laquelle les valeurs du
service public ont rapidement décliné. Dans les principaux pays occidentaux la rhétori-
que anti-gouvernementale a laissé peu de place aux politiques qui avaient prévalu dans
les décennies précédentes et dont Langrod était l’apôtre. De même, dans les pays en
développement les Institutions de Bretton Woods ont été peu favorables aux principes
contraires aux objectifs des programmes d’ajustement structurel, devenus les remèdes
populaires pendant les dernières décennies du 20ème siècle.
Toutefois, même si les enseignements associés à la mémoire de Langrod ont subi une
éclipse momentanée, son héritage demeure toujours important et significatif. Il est centré
sur le besoin et le rôle du professionnalisme dans la fonction publique, sur l’Etat de droit,
sur les valeurs morales qui devraient animer le service public et sur la nécessité d’abor-
der systématiquement et dans leur ensemble les problèmes et les défis de la gouvernance
démocratique. Son héritage est celui d’un guide éclairé. Comme savant, comme ensei-
gnant et aussi comme consultant, il restera longtemps un modèle et une source d’inspira-
tion. Quand je l’évoque et que je me souviens de son exemple, des leçons et des conseils
qui l’ont fait aimer et l’ont rendu célèbre, les mots qui me viennent à l’esprit sont ceux
de Platon dans la conclusion du dialogue consacré à la mort de Socrate :
« Telle fut la fin, Echécrate, de notre ami que je peux appeler
le plus sage, le plus juste et le meilleur des hommes que j’ai connus »
(Platon, Phédon, 15).
L OU IS B OULET

De la Science administrative à la Gestiologie1

par Louis Boulet2, ancien élève et partenaire


du professeur Georges LANGROD

La Science administrative a gagné ses lettres de noblesse. Pour autant, son titre
nobiliaire ne lui est pas encore totalement reconnu. Les premières manifestations da-
tent du milieu du XIXe siècle, sans doute concomitantes avec l’éclosion de la juris-
prudence administrative. Puis, après un siècle de léthargie, elle a connu comme une
résurrection sous les actions de recherche et d’enseignement, tout particulièrement dé-
veloppées par Georges Langrod. La deuxième moitié du XXe siècle a été le temps de
l’exploration plus approfondie de son domaine. Les études et publications sont nom-
breuses qui contribuent à affiner la pensée administrative. Son blason prend forme, dé-
sormais, mais il n’est pas encore accroché au fronton des sciences établies. La ques-
tion reste posée des forces qui conspirent contre sa reconnaissance en tant que corpus
autonome.

1 – Entre le législateur et le juge

Dans nos sociétés évoluées, les normes juridiques encadrent la vie en société, prenant
le relais de la coutume et de la morale. Ce substrat normatif constitue un ensemble de
contraintes limitant l’action des individus et des groupes. En aval, les décisions du juge
apprécient la nature de l’action accomplie et ses dérives éventuelles ; elles interprètent
le droit pour déterminer -après examen et qualification des faits- si l’action est légale ou

1
La démarche, dont il est ici traité, ne concerne que les grandes institutions. Dans la famille, dans la
tribu, dans les PME-PMI, l’autorité décisionnelle peut embrasser d’un seul mouvement les éléments consti-
tutifs des problèmes à résoudre et des éléments contributifs à leur solution. Toutes les fonctions, clairement
et nécessairement spécifiées dans les grands ensembles à gouverner, sont directement intégrées par le déci-
deur, au pire donnent lieu à une organisation interne toute simple, qui se contrôle et se dirige sans structures
intermédiaires lourdes. Tout autres sont les organisations et les processus de décision, de gestion et de ma-
nagement dans les grandes organisations. C’est ce domaine, essentiellement, qui est ici abordé.
2
Au sein du ministère des PTT d’alors, responsable, à trois reprises, de la formation des cadres su-
périeurs et cadres dirigeants ; directeur de grands services territoriaux ; directeur du cabinet du ministre ;
responsable d’entités de droit privé ; initiateur et acteur de réformes internes dans la perspective d’un chan-
gement de statut juridique des services des PTT, effectivement intervenu en 1990.
24 Louis Boulet

non, de manière totale ou partielle. Entre la norme juridique et l’arrêt du juge s’intercale
donc l’action dont le contenu est déterminant pour juger de sa légalité.
Longtemps, les analyses ont porté quasi exclusivement sur les deux bornes, sépa-
rément ou conjointement appréhendées. Le droit et sa jurisprudence ont ainsi fini par
constituer un corpus unique à caractère globalement contraignant, objet d’analyse, de re-
cherche et d’enseignement. Au point que le droit est, depuis des décennies, indissociable
de la jurisprudence. Les deux domaines spécifiques sont d’ailleurs enseignés de manière
conjointe, souvent intégrée. Dans cette configuration, l’action, en tant que telle, n’était
que circonstancielle, quasiment accessoire – au delà de son contenu possiblement illégal.
L’action en soi n’avait guère d’intérêt et ne méritait pas qu’on s’y attarde spécifiquement.
Certes, les conséquences personnelles ou sociales de l’action, prise dans le cadre de la
loi – ou hors du cadre – ne pouvaient échapper à l’examen et à l’interprétation du juge.
Mais le processus d’élaboration de l’action et les méthodes mises en œuvre demeuraient
hors du champ, considérés comme inutiles dans la formation de l’intime conviction du
juge. Seul le cadre légal avait de la vertu.

Pourtant, s’interroger sur la nature de l’action, sur la collecte plus ou moins exhausti-
ve de l’information nécessaire, apprécier la pertinence des méthodes utilisées, compren-
dre la motivation du décideur, etc., cet ensemble d’éléments est de nature à influer sur le
raisonnement du juge, donc sur sa propre décision. Entre le droit et la jurisprudence, un
domaine spécifique s’intercale qui a sa spécificité essentiellement d’ordre méthodologi-
que, organisationnel, fonctionnel et comportemental. Ce domaine est celui, spécifique,
de la Science administrative. Elle constitue bien, en soi, un corpus clairement identifié,
l’ « objet » de la Science administrative : le « fait administratif ».
Cette évolution, plus que centenaire, s’est manifestée dans le cadre préétabli du droit,
plus particulièrement du Droit public. Rien d’étonnant, dès lors, que ce soit les spécia-
listes publicistes du Droit qui se soient saisis les premiers du sujet en élargissant leur
domaine de recherche et d’enseignement. Depuis le XIXe siècle et aujourd’hui encore.
Plus la réflexion prenait corps, plus elle apportait d’éléments nouveaux dans la compré-
hension de l’application de la norme juridique, et plus la spécificité de la démarche, et
donc du domaine, prenait de la distance par rapport au droit, voyait grandir sa légitimité
et s’acheminait ainsi vers une place spécifique entre le droit et l’appréciation, par le juge,
des décisions prises dans le cadre de la loi.
Aujourd’hui, alors que la Science administrative ainsi appréhendée conquiert pro-
gressivement sa juste place dans le concert des sciences sociales, l’élargissement et l’ap-
profondissement des « méthodes préparatoires à la décision » pour l’action constitue
un « domaine » bien « identifié », désormais apte à être isolé entre le droit et la juris-
prudence. Y contribue également, la « mise en œuvre » de l’action et le « contrôle »
des résultats. Cette évolution est d’autant plus signification d’un cheminement vers
l’autonomie que le domaine en cause ne concerne pas que l’action publique, son droit
et sa jurisprudence, mais se retrouve à l’identique dans toute grande organisation, quel
que soit son statut juridique. Parallèlement, les « méthodes » utilisées ont un caractère
« universel ». La collecte, le stockage, le traitement de l’information nécessaire impli-
quent des connaissances mathématiques et informatiques, des approches économiques
De la Science administrative à la gestiologie 25

et financières, la connaissance des comportements, etc. Le processus de décision exige


l’analyse préalable du problème posé, en soi et dans son environnement sociétal. Il en
appelle à la compétence organisationnelle, à sa traduction en termes opératoires à la fois
fonctionnels et psychophysiologiques, aux techniques objectives de mesure des résul-
tats. Dès lors, rien d’étonnant que les formateurs des écoles de gestion fassent leur miel
de cette panoplie pédagogique. Ainsi, sans quitter le droit, la Science administrative se
nourrit aussi de bon nombre d’autres sciences, en même temps qu’elle les nourrit pour
leur propre approfondissement.
Certains chercheurs3 ont pu pressentir, voici quelques décennies déjà, que la Scien-
ce administrative était au carrefour de la plupart des autres sciences. L’expérience ac-
quise dans le même temps montre à l’évidence qu’il en est bien ainsi. Pour autant, ce
constat est-il suffisant pour asseoir définitivement l’autonomie de la Science administra-
tive.

2 – Une place identifiée et vivante

On peut le penser. Il suffit de constater que, au-delà du secteur complémentaire qu’il


constitue entre la norme juridique et l’appréciation du résultat – entre le droit et sa ju-
risprudence – le domaine propre de la Science administrative s’est affranchi de ses deux
pôles premiers pour accéder à une spécificité scientifique parfaitement identifiée. Elle est
faite, d’une part des « valeurs » et principes de référence prévalents à un instant donné,
d’autre part des « méthodes » auxquelles émarge le « processus décisionnel », préalable
obligé à la décision conclusive – et donc préalable à l’action administrative. On a déjà
fait référence aux multiples méthodes qui interviennent dan le champ de la décision, de
son élaboration, de sa conclusion et de sa mise en œuvre. S’agissant des valeurs et prin-
cipes qui encadrent le processus décisionnel, et délimitent l’acte même de décision – la
prise en considération de l’état de droit du moment, mâtiné des éléments idéologiques
qui peuvent interférer en la circonstance à travers le législateur, l’option étatique ou libé-
rale en vigueur, la volonté d’interdire, ou au contraire de laisser faire, celle encore de ré-
guler plutôt que de contraindre, la recherche prioritaire de la rationalité de la démarche,
de l’objectivité et de la pertinence de la conclusion – tout cela est dans le droit fil du sens
privilégié par le décideur. Le domaine spécifique de la démarche est donc bien établi,
largement circonscrit dans son contenu et dans ses frontières – premier et indispensable
élément soutenant la spécificité du domaine.
Si l’on ajoute – sans qu’il soit nécessaire d’en dérouler à nouveau la diversité –
que la Science administrative dispose d’un arsenal de méthodes qui, chacune et tou-
tes ensemble, sont passibles d’approfondissement selon les bases de la « recherche »
scientifique, et d’ « enseignement », par référence aux fondamentaux pédagogiques,
alors sont réunies les bases, nécessaires et suffisantes, pour fonder une discipline auto-
nome.

3
Cf. Georges Langrod, « La Science administrative et sa place parmi les sciences voisines », [in :]
Traité de Science administrative, Mouton, Paris 1966.
26 Louis Boulet

Ces bases ne sont évidemment pas intangibles, inamovibles, établies jusqu’à la fin
des temps. La Science administrative vit, évolue, voire change, à l’instar des autres
sciences – au gré des méthodologies et des instruments de la recherche. Son application
pénètre mieux, ou moins bien, selon la pertinence des outils pédagogiques.
Ainsi, l’administration des choses et des hommes, à l’instar de notre univers en mou-
vement et en expansion, devient, au fil des ans et des décennies, de plus en plus « com-
plexe ». Cette évolution est directement, sans doute même exclusivement liée à l’accé-
lération de la « vitesse » de circulation de l’ « information » et des « échanges ». Quand
il fallait des jours, des semaines et des mois, pour transmettre et pour échanger, les péri-
phéries de l’État vivaient largement en autarcie. Chaque centre de décision était le plus
souvent individuel, tout au plus une entité de toute petite configuration. La centralisation
des décisions, publiques comme privées, est directement liée à la rapidité des échanges
d’informations. La mondialisation n’en est, aujourd’hui, que l’aboutissement momen-
tané en recherche de contrôle et de maîtrise, faute d’en avoir su ou pu encadrer ou réguler
les manifestations. Quoi qu’en ait dit Mc Luhan, le village n’est devenu planétaire qu’au
regard de la facilité de communication ; en revanche, il a tout perdu de sa simplicité pri-
mordiale en couvrant désormais un espace où la diversité, globalement appréhendée, ne
saurait s’accommoder de simplicité pour son administration. Pour son administration, le
village du monde rural n’a rien en commun avec le village mondial.
Ce mouvement – cette tentation irrépressible – de centralisation de l’information,
des problèmes et de leur résolution, a pour conséquence l’effacement de la simplicité
et, en remplacement, l’avènement de la « complexité ». En soi, la complexité n’est pas
à proscrire puisque, représentation authentique de la « diversité », elle est porteuse de
« liberté ». En revanche, elle crée problème dans la recherche des solutions pertinen-
tes car les organes de décision, enflés par le mouvement de centralisation, transmutent
la complexité en « complication ». Chaque problème local ayant une expression et un
contenu propres, la solution unique répond mal à la diversité originelle de nos sociétés.
Vouloir tout prendre en compte à la fois, d’un seul mouvement, est rationnellement im-
possible. Aujourd’hui, la diversité des territoires et des problèmes posés pour les sociétés
humaines qui y vivent, est abusivement prise en charge par les pouvoirs centraux. D’où
la difficulté, voire l’impossibilité de répondre de manière pertinente à la diversité par la
globalisation. Des problèmes, simples dans leur dimension locale, deviennent compli-
qués à régler dès lors que leur résolution est centralisée. La décision commune, unique,
ne peut pas répondre de manière pertinente et conjointe à la diversité et aux spécificités
locales des problèmes posés.
Une différence de degré existe, dans ce domaine de la maîtrise de la complexité,
entre les secteurs public et privé. L’entreprise privée connaît moins ce passage de la
complexité à la complication : la diversité y est beaucoup moins grande ; la présence de
l’entreprise est moins simultanément diffuse sur le territoire ; une plus grande autonomie
de gestion existe au profit des organes opératoires, succursales et autres établissements
franchisés. En revanche, les très grandes entreprises, à structures internationales notam-
ment, connaissent des difficultés de coordination et d’assemblage pour la production
d’ensembles dont les éléments sont fabriqués en des lieux différents. Pour autant, il n’y
a pas de différence de nature dans les processus publics et privés.
De la Science administrative à la gestiologie 27

Les fonctions, les structures et les processus de décision des grandes institutions,
publiques et privées, présentent de telles ressemblances qu’elles relèvent de l’identité,
de l’unité pure et simple.
Dans le secteur public – celui qui concerne l’État, les collectivités territoriales et
autres établissements publics – la « stratégie » est définie par l’entité politique – conjoin-
tement l’exécutif et le législatif. Le gouvernement, par ses ministres spécialisés dans
les différents objets constitutifs de la chose publique, est le responsable qui assure la
« liaison » entre la stratégie et sa mise en œuvre concrète par les services compétents,
globalement identifiés sous le vocable d’Administration publique. Les organes politi-
ques chargés de définir la stratégie sont identifiables au « maître d’ouvrage ». Les servi-
ces publics opératoires, dans leur globalité, constituent autant de « maîtres d’œuvre ». En
termes cybernétiques, le politique est le Gouverneur, les ministres les « Transducteurs »,
les services d’exécution les « Effecteurs »4.

Le secteur privé, appréhendé à travers ses grandes entreprises, présente rigoureuse-


ment les mêmes caractéristiques, les mêmes donnés. Le conseil d’administration débat
essentiellement de la stratégie de l’entité, appréhendant les buts à atteindre pour péren-
niser et développer les activités, et accroître les dividendes : il est le « gouverneur ».
Le PDG, et les directeurs des fonctions spécialisées (production, commerce, finance,
personnel, R&D, etc.), représentent les « transducteurs ». Leurs services, et les éventuels
établissements périphériques, ne sont rien d’autre que des « effecteurs ». Une relation,
de même nature que pour la chose publique, est établie entre le maître d’ouvrage et les
maîtres d’œuvre.

Ainsi, réduire la Science administrative à une démarche exclusivement dédiée au sec-


teur public est, pour moi, une amputation illégitime. Mon expérience de la gestion et du
management d’un grand secteur public et, en parallèle, de diverses entités de droit privé,
ne m’a jamais convaincu de l’existence d’une discontinuité, d’une différence de nature.
Même les contraintes, internes et externes, auxquelles les deux types d’entité doivent
satisfaire, sont largement communes. Elles le sont en tant que concept méthodologique,
celui de « contrainte ». Également en termes d’organisation, le nécessaire recours à des
fonctions spécialisées et à des structures internes, à la fois parallèles et intégrées, étant
de règle…
Il n’est pas jusqu’aux buts finaux poursuivis par la gouvernance de l’un et l’autre
secteurs qui relèvent des mêmes préoccupations et obligations : l’ « efficacité » des ac-
tions entreprises, l’ « efficience » des moyens mis en œuvre et, au total, la pertinence de
l’action de gouvernance globale de l’entité.
Les bases juridiques sont les mêmes pour le centre comme pour les périphéries. Les
méthodes mises en œuvre sont largement communes ; en revanche, l’entité locale sait
gérer la diversité alors que le centre ne sait pas gérer la complication. Preuve que la
Science administrative a sa spécificité dans l’analyse, la compréhension et la résolution
des problèmes. Le « droit » constitue un corpus de « normes » qui encadrent la décision

4
Analyse chère à Lucien Mehl. Cf. Traité de science administrative, Mouton, Paris 1966.
28 Louis Boulet

des responsables ; la « science administrative » est un corpus de « principes et de modali-


tés » d’organisation et de fonctionnement parmi lesquels les responsables choisissent les
instruments de management et de gestion les mieux appropriés aux missions et objectifs
assignés. Le Droit est « normatif » et structurant ; la Science administrative est « opéra-
toire ». Pour elle, le Droit compte parmi les contraintes multiples auxquelles l’action doit
se plier. En termes philosophiques et critiques, le Droit traite des « faits » – c’est-à- dire
des facteurs établis, avérés et élevés au rang de concepts – tandis que la Science admi-
nistrative traite de « phénomènes » – c’est-à-dire de facteurs conjoncturels, spécifiques
en un lieu et en un temps donnés, variables en soi, incertains, mobiles.
La démarche juridique fait du respect de la « norme » une fin en soi ; la démarche de
Science administrative ne se satisfait que de la « réalité » objectivement constatée.
En somme, la Science administrative se nourrit de la vie et apporte la matière vivante
à la conceptualisation juridique.

3 – Subsidiarité

L’exemple des Postes et Télécommunications en témoigne. Le passage d’un statut


d’ « administration publique », fut-elle sous budget-annexe, à celui d’ « entreprise », à ca-
pitaux publics ou mixtes, implique une plus grande autonomie dans la gestion opératoire
des établissements périphériques par rapport au siège, et donc une plus grande capacité du
siège à déléguer – sous réserve de définir plus finement les « objectifs » et les « moyens »
alloués. La relation hiérarchique le cède largement devant la « relation contractuelle ».
Laisser faire à l’échelon le plus bas de la hiérarchie ceux qui sont en position idoine pour
bien réaliser. L’application du « principe de subsidiarité » devient systématique. Nombre
de services d’appoint, jusque-là gérés en interne, sont le plus souvent « externalisés »
pour centrer la responsabilité sur le cœur du ou des métiers. De surcroît, la valorisation
des personnels, et la motivation au travail qui en résulte, sont gages de meilleurs résultats.
Pour autant, cela ne change pas fondamentalement la donne car le Droit public, aussi,
a recours aux concepts de centralisation, décentralisation, déconcentration.
Le pouvoir, dans l’administration publique, est d’essence « hiérarchique ». Il contient
le droit de « contrôle », qui est dit précisément hiérarchique et qui s’exerce autoritaire-
ment ; il dispose, conjointement, du pouvoir d’«appel »et de « réformation ». Sur les
hommes, le pouvoir hiérarchique, certes encadré par la loi et le règlement, peut aller
jusqu’à la révocation.
Ces liens directs se justifient par le fait que le responsable de l’administration publi-
que en cause est « membre du gouvernement ». Le pouvoir politique est « un » ; il ne
souffre aucune altération. En revanche, en devenant entreprise, l’institution acquiert une
autonomie de management et de gestion. La relation hiérarchique, jusque-là interne, le
cède devant la « relation » de type « contractuel ». Le responsable dispose, dans le cadre
de la loi, d’une autonomie totale pour « manager » et « gérer » l’institution dès lors qu’il
respecte les engagements qui le lient à l’État par le « contrat d’entreprise » – générale-
ment pluriannuel mais périodiquement évalué dans ses résultats, éventuellement corrigé
dans ses perspectives
De la Science administrative à la gestiologie 29

Pour que le changement de statut de la poste et des télécommunications (loi du 2


juillet 1990) soit possible et s’effectue sans dommage pour les publics/clients, l’entre-
prise elle-même et ses personnels, vingt années de préparation furent nécessaires. Dans
cet enjeu, la rigoureuse observance du droit demeurait intacte cependant que changeait
la « nature » du droit de référence : la comptabilité n’était plus publique, l’élaboration
du budget ne relevait plus d’une stricte obéissance au ministère des Finances ; mais
prenait des accents « contractuels » dans une synthèse cohérente des « objectifs » et des
« moyens » ; le statut des nouveaux agents relevait du droit du travail, etc. Le lien hié-
rarchique s’est mué en « tutelle ».

Il n’est pas incongru de rappeler le rôle précurseur de l’Église chrétienne dans le re-
cours au principe de subsidiarité en tant que mode privilégié de gouvernance.
Très tôt, l’Église a recouru à ce mode d’organisation. Sans doute parce que le pas-
sage, autour des Ve et VIe siècles, d’un mode de méditation isolée (les anachorètes et
ermites) à celui de la communauté monacale (cénobite) a gardé l’empreinte su singulier
sur le collectif. Les monastères ne relevaient de l’autorité supérieure que d’une ma-
nière très lâche et savaient gérer la vie communautaire du plus près des problèmes et
des événements. La tutelle s’exerçait, essentiellement sur le plan de la remontée d’une
partie de bénéfices, par l’appel lointain de la « maison-mère » de l’ordre, l’abbaye de
rattachement. L’Église maintient ce type d’organisation, même pour le clergé séculier,
en tant qu’elle se veut plus attentive à l’homme au travail. Il y a peu, le pape Jean XXIII,
dans son encyclique Mater et Magister, souligne la primauté des facteurs humains sur le
seul souci de l’efficacité économique. Avec Centesimus annus, Jean-Paul II appelle ex-
plicitement au respect de l’ouvrier, en tant qu’individu mais aussi comme membre d’une
communauté – « finalité » autant et plus que « moyen de production ».
Depuis deux ou trois décennies, les progrès des techniques numérisées, la concur-
rence internationale pesant sur la productivité et, sans doute plus encore, le poids gran-
dissant, dans le management et la gestion, d’un « facteur financier volatil » favorisent un
retour en force des « critères rationnels » de la gouvernance au détriment des « condi-
tions humaines » de travail. L’approche « ressources humaines » est, elle aussi, fortement
dépendante des méthodes rationnelles. Certes, l’évolution des modèles organisationnels
est comme implémentée par le facteur humain mais, pour autant, le modèle n’a pas
débouché sur cette fameuse entreprise du « troisième type » qu’appellent de tous leurs
vœux les adeptes d’une véritable transformation conceptuelle dans les finalités, l’organi-
sation, les processus et le fonctionnement des grandes institutions.
Dans ce contexte, la doctrine sociale de l’Église, fidèle aux premiers temps, revendi-
que comme déterminante la référence au « principe de subsidiarité » – en prenant appui
sur l’encyclique Quadragesimo anno que Pie XI signait dès 1931 : « Se serait commettre
une injustice, en même temps troubler de manière dommageable l’ordre social, que de
retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et
d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes » 5.
On ne peut être plus clair.

5
Cf. P. Pradines, Management : la subsidiarité, organisation de l’entreprise et enseignement de l’Égli-
se, 2004.
30 Louis Boulet

4 – La gestiologie

La Science administrative n’a pas pour objet exclusif l’ « administration publique ». Par
nature, la Science administrative est essentiellement un corpus de principes et modalités
traitant de l’organisation et des procédures pour la gestion et le management des grandes
institutions, quel que soit leur statut juridique. Certes, les règles du jeu et autres contraintes
sont spécifiques à chacun de ces deux domaines mais, pour autant, cela n’altère en rien
l’application de « méthodologies » pertinentes, par essence communes. La Science admi-
nistrative déborde largement le Droit en intégrant toutes les méthodologies spécifiques de
l’organisation, de la finance, du personnel, de la relation à l’usager ou au client, etc. Et, plus
encore, en s’appuyant sur le réel pour en maîtriser les avatars dans le respect du droit.
Selon cette analyse, la Science administrative s’efforce de maîtriser, concrètement,
chacune de ces spécificités en termes de « gestion » organisationnelle, financière et
comptable, commerciale, de personnel, etc. Mais, dans un deuxième mouvement, elle
a pour objet final de les intégrer toutes, en toute rigueur et cohérence, pour assurer le
« management » pertinent de l’ensemble. Dès lors, la Science administrative pourrait
répondre à la définition suivante :
« Dans le cadre et le respect des contraintes de tous ordres, existant à un moment et
sur un espace donnés, la Science administrative traite de l’action d’administrer, donc de
la décision, acte majeur préalable à l’action ».

Entrent logiquement dans le schéma la prise en compte des différents principes et mé-
thodologies qu’exigent la « gestion » de chacun des différents secteurs d’activité de toute
institution ainsi que ceux qui concourent au « management » pertinent de l’ensemble,
dans le but conjoint d’efficacité, d’efficience et de pertinence.
L’ « acte décisionnel », noyau primordial, peut être conceptuellement résumé dans la
formule suivante :

D = I * P

dans laquelle
» D : représente la décision, en tant « qu’acte signifiant », c’est-à-dire l’ « ensemble
des choix intermédiaires », de toute nature, propres à atteindre le « but » défini ;
» I : l’ensemble des « informations », des données pertinentes devant utilement entrer
dans le processus décisionnel ;
» P : intègre toutes les « finalités », « contraintes », « méthodes » et « procédures » si-
gnificatives, d’une part de l’ « environnement » porteur du problème à résoudre, d’autre
part de l’ensemble des « questions » à traiter pour atteindre le but choisi ;
» * : « signe opératoire » incluant la combinaison des aspects « fonctionnels » et
« organisationnels » impliqués dans le processus de décision.
À noter que
« P » et « I » réunissent des items qui peuvent être sensiblement différents selon que
le domaine concerné est public ou privé. Pour autant, « P » et « I » sont conceptuellement
« communs » aux deux domaines ;
De la Science administrative à la gestiologie 31

« * » ne contient qu’un ensemble de « méthodes » totalement neutres auxquelles re-


courent indifféremment l’administration publique et l’entreprise.

Cette formulation schématique illustre, concrètement, ce que recouvre le « fait admi-


nistratif » en tant qu’ « objet singulier de science ».
L’évolution est telle, depuis plusieurs décennies déjà, que la Science du management
et de la gestion des grandes entités productrices de biens et de services est parallèlement
enseignée dans des écoles ayant pour cibles numériquement privilégiées, les unes le
secteur public, d’autres le secteur privé. Les Grandes Écoles de l’État ont introduit, de-
puis les années 1980, un enseignement substantiel des méthodes dites alors « méthodes
modernes » de gestion. Y compris les écoles de qualification scientifique. À l’évidence,
et depuis plus longtemps, les écoles de commerce et, au plus haut niveau, les HEC, ES-
SEC, ESC-Paris, etc., font de ces disciplines le cœur de la formation dispensée. L’ENA,
pour sa part, recrute chaque année un nombre significatif d’élèves en provenance de ces
grandes écoles publiques et privées. Elle ajoute, dans le cursus scolaire, une formation
pratique aux méthodes de gestion, par séminaires et stages interposés. Preuve supplé-
mentaire, et très explicite, que la Science administrative échappe désormais à la seule
discipline juridique et au seul secteur public.
L’ambiguïté qui trouble toujours les esprits vient du qualificatif « administrative »
accolé au terme de « Science ». Dans l’inconscient collectif, le qualificatif renvoie impé-
rativement à l’Institution qui est au service de l’État pour l’accomplissement de ses mis-
sions, notamment de ses missions régaliennes, c’est-à-dire à l’ « Administration ». Dans
ce schéma simplifié, la science administrative devient la « Science de l’Administration
publique ». Selon une autre conception des choses, la Science administrative prend des
accents spécifiques selon qu’elle s’intéresse à l’administration publique ou à l’adminis-
tration des entreprises. Mais elle reste « administrative » par le fait qu’elle s’interroge sur
la mise en œuvre des principes et modalités d’organisation et de fonctionnement d’enti-
tés de statut divers, en visant leur meilleure gestion et leur meilleur management – sous
la contrainte permanente de la législation nationale et internationale, de l’état factuel de
la chose à administrer, de la pression financière du moment, etc. Le terme d’ « adminis-
tration », dans cette acception, intègre les notions spécifiques, d’une part de « gestion »
(la maîtrise de chacun des compartiments spécialisés de l’entité), d’autre part de « ma-
nagement » (l’intégration pertinente des gestions spécialisées).
La Science administrative prend ainsi des tonalités simultanément « praxéologiques »
et « axiologiques ». Elle ne se résume ni au management prévisionnel et prospectif des
choses et des hommes, ni à la gestion technique opératoire et quotidienne des compar-
timents spécialisés constitutifs de l’entité à administrer. Elle embrasse et intègre toutes
ces réalités, s’efforce de les rendre cohérentes entre elles pour que le résultat atteint soit
conforme au projet. Dans le droit fil des concepts qui l’encadrent – les valeurs univer-
selles, le souci de l’efficacité, de l’efficience et de la pertinence de l’action, la décision
et les différentes phases de son processus, les méthodes appropriées aux domaines et
circonstances, etc. – la Science administrative ne fige rien ; elle contribue à maîtriser la
réalité mouvante.
32 Louis Boulet

Un vocable vient à l’esprit, pour traduire utilement cette discipline désormais iden-
tifiée : la « gestiologie ». L’axiologie est fortement orientée vers les valeurs et principes
finalisant l’action ; le praxéologie couvre la mise en œuvre concrète et pratique de la
décision. La première se réfère au sens de l’action, la seconde à ses pratiques. La Science
administrative englobant les deux approches et, par ailleurs, commune aux secteurs pu-
blic et privé, un troisième terme est nécessaire : est ici appelé celui de gestiologie qui, à
ma connaissance, a déjà été évoqué au sein de la confrérie des chercheurs6.

* * *

Ces quelques réflexions et commentaires sont installés au cœur de ma conviction.


Ils y trouvent refuge depuis des décennies déjà – et depuis lors « ruminés » à souhait –
éléments majeurs pour moi signifiants de la discipline « Science administrative ». Ils me
sont spontanément (re)venus à l’esprit comme autant de temps forts vécus, et retrouvés
intacts au fond de ma mémoire.
Pour tous ces échanges et partages, pour tout ce chemin parcouru pour mettre en har-
monie les faits et les phénomènes administratifs, et les modèles de leur analyse, merci à
vous, Maître.

Canet-en-Roussillon, le 6 octobre 2011

Hommage au professeur Georges Langrod

Ma première rencontre avec Georges LANGROD date du printemps 1963. Je ve-


nais d’être nommé directeur des Études de l’École nationale supérieure des postes et
télécommunications, à l’époque administration publique dirigée par un ministre mais
sous budget annexe depuis 1924 – pseudo autonomie financière sous l’œil perspicace
de la direction du Budget. Ma lettre de mission m’engageait à préparer une réforme du
concours d’entrée et de la scolarité afin de donner aux futurs cadres dirigeants la com-
pétence pour la gestion et le management de services qui deviendraient, tôt ou tard, des
entreprises autonomes, à capitaux publics ou mixtes.
Au terme d’un échange technique approfondi, nous convînmes de mettre en com-
mun nos connaissances et expériences, à savoir : la science administrative dont Geor-
ges LANGROD était le re-inventeur et le spécialiste, et qu’il enseignait dans différents
pays, outre son séminaire à l’École Pratiques des Hautes Études d’alors ; moi, praticien
de la gestion publique et « chercheur » de voies nouvelles pour mettre management et
gestion dans une perspective pertinente. Ainsi énoncé, le dialogue fut conclu de manière
opératoire : à partir de la rentrée scolaire, il me revenait d’apporter à l’enseignement
du professeur les illustrations éclairantes tirées de la pratique gestionnaire. Une longue
collaboration qui ne pouvait conduire ailleurs qu’à une complicité pédagogique aiguë et
à une relation toute marquée d’affection, pour moi doublée d’un respect attentif

6
Notamment au sein du séminaire EPHE (EPSS) animé par Georges Langrod.
De la Science administrative à la gestiologie 33

C’est dans cette période des années soixante que Georges LANGROD anima un
groupe d’une trentaine de chercheurs et praticiens pour publier (1966) le premier Traité
de Science administrative de langue française. Une somme qui marque sans doute une
époque mais dont la richesse a constitué le camp de base de recherches et d’études ac-
tualisées.
Le temps venu, pour Georges LANGROD, de quitter ses fonctions à l’EPHE, il pour-
suivit son activité en conférences et rédaction d’articles. Ses fidèles – ses disciples –
conjuguèrent leurs connaissances et convictions pour tisser un hommage à leur maître :
ainsi fut édité Science et action administratives : Mélanges Georges Langrod (Éditions
d’Organisation /Direction de l’Enseignement supérieur des PTT, 1980).
Sa distanciation progressive d’avec l’activité ne me priva aucunement de rencontres
régulières, boulevard Pereire, dans cet appartement où débordaient, des bibliothèques et
autres meubles, livres et revues spécialisés. Pour moi, un vrai bonheur, une vraie récréa-
tion dans mes activités professionnelles poursuivies.
Et puis le temps fit son office. Jusqu’en dernière limite d’heures, j’eus le privilège
d’être souvent présent aux côtés de deux êtres familiers – ainsi devenus membres de ma
famille affective. Un honneur. Un privilège.
34 Louis Boulet
To mas z Ję dr z ejewski, Piotr Rączka

L'actualité des principales règles du contrôle judiciaire


de l’administration présentées par J. S. Langrod
dans le cadre de la législation polonaise contemporaine

La comparaison de l’état de la doctrine dans des périodes séparées par un demi-siè-


cle, notamment dans le cas du développement tellement dynamique du régime socio-
économique et de ses transformations que nous avons pu observer pendant ce temps-là
en Pologne, n’est pas une action essentiellement justifiée pour plusieurs raisons. Avant
tout les considérations quant à la doctrine, même les plus générales, ne restent pas in-
différentes aux conditions constitutionnelles et celles-ci changeaient radicalement. De
même, l’état légal constituant la base permettant les élaborations théoriques synthétiques
est très différent, ce qui est particulièrement évident dans le cas du droit administra-
tif dont la dynamique du développement est exceptionnelle1 dernièrement. En plus, la
période d’observation du fonctionnement de certaines institutions provoque également
des réflexions théoriques générales, l’exposition ou renonciation à l’exposition de cer-
tains aspects des institutions générales. Pour le chercheur en droit une longue période du
fonctionnement des institutions élaborées ou établies théoriquement crée des conditions
nettement plus confortables que celles dont disposent les pionniers de certaines pensées
et conceptions. La perspective permet d’évaluer le bien-fondé des affirmations en s’ap-
puyant sur les expériences pratiques.
Au fond nous sommes donc aujourd’hui dans une situation beaucoup meilleure que
le professeur Jerzy Stefan Langrod au moment de la rédaction des « Institutions »2. La
lecture de cette œuvre mène quand même à la conclusion que certains principes alors
élaborés ont un caractère intemporel et universel par rapport au degré de l’ « adminis-
trativisation » de la vie, mais dans une moindre mesure au régime de l’État, ce qui
est d’ailleurs mis en relief par l’Auteur lui-même.3 Une attention particulière doit être

1
Est-elle justifiée ? Dans beaucoup de domaines de la vie la pénétration du droit administratif est
douteuse, à moins que nous ne considérions l’administration comme rationnelle en vertu de la seule action
d’administrer.
2
J. S. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego. Zarys części ogólnej. Reprint, Zakamycze, 2003.
3
« Parce que pour autant que la juridiction administrative ne puisse remplir sa mission qu’à la condition
d’une bonne résolution des questions de ses compétences et du développement d’organisation – dans chaque
régime, elle a une importance particulière dans le régime démocratique où il est possible de déterminer la
symétrie suivante des notions: le citoyen agit ici avec le bulletin de vote (à priori) sur la législation, et avec
l’action judiciaire (à posteriori) sur l’administration » : J. S. Langrod, Instytucje …, p. 316.
36 Tomasz Jędrzejewski, Piotr Rączka

consacrée en cette matière aux considérations sur le contrôle impartial de l’administra-


tion et en particulier sur le contrôle exercé par les tribunaux. C’est avant tout pour cette
raison que nous nous sommes décidés à confronter les principes de base qui condition-
nent la forme du contrôle judiciaire accentués par J. S. Langrod avec le modèle actuel
de la juridiction en Pologne. Non sans importance pour le choix du sujet était dans ce
cas-là le rang qu’il a attribué au contrôle judiciaire, en le situant au sommet du contrôle
administratif en général.
Les considérations de J. S. Langrod sur le contrôle judiciaire de l’administration
constituent pour une grande part l’analyse du développement historique des systèmes
de ce type de contrôle. En s’appuyant à cette analyse l’Auteur formule certains éléments
fondamentaux pour un fonctionnement correct de ce type de système dont l’application
permet une pleine réalisation des missions des tribunaux qui contrôlent l’administration,
d’un côté « comme contrôleurs impartiaux de l’administration directement in specie,
mais en plus comme auteurs indirects du droit in genere »4. Il faut souligner ici déci-
dément qu’il voit le rôle des tribunaux comme organes appliquant le droit, sans être
privés quand même de la possibilité de la création du droit du juge. Toutefois, comme
J. S. Langrod le mentionne « les règles sont créées (…) par cette voie seulement inci-
dentellement, à l’occasion de l’application de la loi, (…) Donc le juge comme le préteur
romain – non seulement » adiuvat«, c’est-à-dire met en vigueur le droit positif par sa réa-
lisation et application, mais en plus »supplet ius civile«, c’est-à-dire il le complète ainsi
d’une façon créative -toujours Procter utilitatem publicam, – mais non plus « corrigit »,
c’est-à-dire il ne corrige pas la loi, au moins en principe »5. L’observation de l’activité
actuelle des tribunaux administratifs donne beaucoup d’exemples de dépassement de
cette limite subtile, mais distincte, ce qui, contre les intentions des auteurs, ne favorise
point le renforcement de la protection de l’intérêt individuel, mais augmente les craintes
quant à la relativité de la régulation légale, fondement de l’État de droit, ou bien comme
le Tribunal Constitutionnel l’a démontré – détruit l’ordre constitutionnel du droit qui se
base sur la division de la juridiction et le pouvoir législatif6.
Pour J. S. Langrod, le fondement du régime d’une bonne juridiction qui contrôle
l’administration semble être ici également sa distinction du système des organes admi-
nistratifs et du système des tribunaux civils. Il souligne dans la conclusion de l’analyse
du développement historique : « autant que le régime publicistique distinct puisse consti-
tuer un cadre légal adéquat pour le gros de l’activité de l’administration, seulement un
organe impartial de contrôle sur l’administration, séparé du tribunal civil peut remplir
cette mission d’importance. Une autre solution –pour autant qu’elle soit exclusive et non
seulement complémentaire– a pu jouer un rôle important dans le développement histo-
rique, mais actuellement est une mesure d’une petite efficacité pratique »7. Ce qui est
intéressant, c’est que l’élément de régime, si évident et naturel aujourd’hui, garantissant

4
Ibid., p. 332.
5
Ibid., p. 331.
6
L’exemple, selon les auteurs, d’une activité inadmissible, dépassant les cadres de la juridiction admi-
nistrative est par ex. la décision de la Cour Suprême d’Administration à Varsovie du 15 juin 2011, I OPS
1/11, ONSAiWSA 2011/5/95, dans laquelle la cour a reconnu que « samedi était le jour équivalent au jour
férié conformément à la loi au sens de l’art. 57 § 4 du Cpa).
7
J. S. Langrod, Op. cit., p. 338.
L’actualité des principales règles ... 37

la régularité du système de la juridiction administrative, n’a pas été perçu clairement et


son élaboration a exigé une longue évolution des solutions légales fonctionnelles. Le
seul établissement théorique du respect de la doctrine de séparation des pouvoirs ne don-
nait pas des arguments clairs pour approuver le principe accepté actuellement comme
fondamental. Pratiquement seulement à partir du 1 septembre 1980 la juridiction géné-
rale d’administration séparée a commencé à fonctionner en Pologne après la guerre, et
ce sur la base de la loi du 31 janvier 1980 sur la Cour Suprême d’Administration et sur
la modification du Code de procédure administrative8. Cette loi a été ensuite remplacée
par la loi du 11 mai 1995 sur la Cour Suprême d’Administration9, en vigueur jusqu’au
31 décembre 2003. Actuellement, conformément à l’art. 175 de la Constitution de la
République de Pologne du 2 avril 199710 la justice en République de Pologne est exercée
par la Cour Suprême, les tribunaux de droit commun, administratifs et militaires. Par
contre au sens des dispositions de la loi du 25 juillet 2002 Droit du régime des tribunaux
administratifs11, les tribunaux administratifs (Cour Suprême d’Administration et les tri-
bunaux administratifs de la voïvodie) rendent la justice à travers le contrôle de l’activité
de l’administration publique et le règlement des conflits de compétences entre les orga-
nes des unités de l’administration locale, des collèges d’appel de l’autogestion et entre
ces organes et les autorités de l’administration gouvernementale. Le principe accepté du
contrôle judiciaire sur l’activité de l’administration publique exercée par les tribunaux
administratifs confirme également les dispositions de procédure. En effet selon l’art.
1 de la loi du 30 août 2002 Droit de procédure devant les tribunaux administratifs12,
il normalise la procédure judiciaire dans les affaires relatives au contrôle de l’activité
de l’administration publique et dans les autres affaires auxquelles ses dispositions sont
applicables en vertu de lois spéciales (qui les désignent affaires judiciaires et administra-
tives).
Les régulations mentionnées sont en vigueur en Pologne à partir du 1 janvier 2004 en
vertu des dispositions de la loi du 30 août qui introduisent la loi Droit du régime des tri-
bunaux administratifs et la loi Droit de la procédure devant les tribunaux administratifs13,
en relation avec l’art. 236 alinéa 2 de la Constitution de la République de Pologne. La
charge des tribunaux administratifs d’exercer les fonctions de contrôle sur l’administra-
tion publique n’a toutefois pas de caractère exclusif, bien que sans aucun doute leur rôle
dans ce domaine soit actuellement dominant. Cependant la conception du système mixte
a été acceptée, selon lequel les fonctions de contrôle sont exercées, à part la juridiction
administrative, par les tribunaux de droit commun. La mission du contrôle judiciaire de
l’administration publique est également confiée aux tribunaux de droit commun, pour-
tant elle a un caractère exceptionnel et se limite aux cas indiqués distinctement dans les
dispositions de la loi, le renvoi de certaines affaires au tribunal pour le règlement défini-
tif sur le fond, et non seulement pour le contrôle de la légalité, suite auquel un acte illégal

8
J.O. N° 4, texte 8 avec les modifications ultérieures.
9
J.O. N° 74, texte 386 avec les modifications ultérieures.
10
J.O. N° 78, texte 483 avec les modifications ultérieures.
11
J.O. N° 153, texte 1269 avec les modifications ultérieures.
12
J.O. N° 153, texte 1270 avec les modifications ultérieures.
13
J.O. N° 153, texte 1271 avec les modifications ultérieures.
38 Tomasz Jędrzejewski, Piotr Rączka

est éliminé par le tribunal du circuit juridique équivalant à un jugement en cassation.


Comme exemple nous pouvons indiquer la mission confiée aux tribunaux des assurances
sociales d’examiner les appels des décisions dans les affaires individuelles rendues sur la
base de la loi du 13 octobre 1998 sur le système des assurances sociales14 par les organes
de l’Institut d’Assurances Sociales. De même, les lois du 10 avril 1997 – Droit de l’éner-
gie15, du 16 juillet 2004 – Droit des télécommunications16, ou bien du 16 février 2007 sur
la protection de la concurrence et des consommateurs17 déterminent la compétence du
tribunal de protection de la concurrence et des consommateurs dans les affaires concer-
nant les appels des décisions et les plaintes contre les décisions des organes centraux de
l’administration gouvernementale – Président de l’Office de la Régulation de l’Énergie,
Président de l’Office de la Communication Électronique et Président de l’Office de la
Protection de la Concurrence et des Consommateurs.
J. S. Langrod en indiquant qu’il n’y pas moyen de transmettre le contrôle de l’ad-
ministration publique aux tribunaux civils, va décidément encore plus loin, en excluant
la capacité de statuer correctement dans les affaires de contrôle de l’administration pu-
blique par les juges civils. « Le juge civil est orienté par la nature des choses vers le
règlement des litiges entre les unités et ce qui en résulte – vers l’évaluation des conflits
entre les intérêts privés équivalents. C’est pourquoi il rencontre des difficultés insur-
montables pour se réadapter à un plan étranger pour lui du conflit d’intérêts de différents
genres appropriés au domaine des litiges administratifs »18. En plus, il accentue aussi la
nécessité d’une préparation essentielle séparée des juges administratifs, ce qui provoque
la croissance constante du droit matériel administratif. En conclusion il constate : « Le
juge administratif doit pouvoir faire face à tant de difficultés et si spécifiques, doit savoir
pénétrer dans les conditions et les traditions de l’administration (…), enfin il a des mis-
sions normatives de préteur, tellement importantes et subtiles que charger le juge civil
de tout cela ne lui permettrait pas de bien accomplir ses tâches »naturelles« et en même
temps cela devrait avoir une influence négative sur la qualité du contrôle impartial de
l’administration »19. Aussi dans ce cadre les considérations de J. S. Langrod peuvent être
traitées comme un avertissement et même une prophétie, laquelle, malheureusement,
s’est réalisée dans la réalité polonaise de formation du système contemporain de la juri-
diction administrative. Les dispositions de la loi en vigueur et en particulier de l’art. 6 §
1 de la loi – Droit du régime des tribunaux administratifs règlent les exigences imposées
aux candidats aux élections des juges des tribunaux administratifs de la voïvodie qui doi-
vent garantir leur niveau de préparation adéquat pour l’accomplissement des fonctions si
importantes. Conformément à la disposition pertinente à la fonction du juge du tribunal
administratif de la voïvodie peut être nommée toute personne qui a la nationalité polo-
naise et bénéficie de tous les droits civils et du citoyen, est de caractère irréprochable,
a terminé les études supérieures en droit en Pologne et a obtenu le titre de master ou bien

14
Voir : J. O. de 2009 N° 205, texte 1585 avec les modifications ultérieures.
15
Voir : J. O. de 2006 N° 89, texte 625 avec les modifications ultérieures.
16
J. O. N° 171, texte 1800 avec les modifications ultérieures.
17
J. O. N° 50, texte 331 avec les modifications ultérieures.
18
J. S. Langrod, Op.cit, p. 336.
19
Ibid.
L’actualité des principales règles ... 39

les études étrangères reconnues en Pologne, est capable, en prenant en considération son
état de santé, d’accomplir la fonction du juge, a au moins 35 ans, se distingue par un haut
niveau de savoir dans le domaine de l’administration publique et du droit administratif et
des autres domaines de droit liés au fonctionnement des organes de l’administration pu-
blique, qui pendant au moins huit ans a exercé la fonction du juge, procureur, conseiller
au Commissariat Général du Trésor Public ou bien au moins huit ans le métier d’avocat,
de conseiller légal ou de notaire ou pendant dix ans a servi dans les institutions publiques
aux postes liés à l’application ou à la création du droit administratif ou a travaillé en tant
qu’assesseur judiciaire au tribunal administratif de la voïvodie pendant au moins deux
ans. À part la nationalité polonaise, il doit avoir une formation adéquate, une expérience
de vie personnelle et professionnelle; le candidat au poste de juge doit se distinguer
par un haut niveau de savoir dans le domaine de l’administration publique et du droit
administratif. Il faut quand même constater que les restrictions légales présentées, n’ont
servi à rien, parce que dans le cas de certains tribunaux administratifs, en particulier ceux
créés ou agrandis après le 1 janvier 2004, leur cadres de juges ont été complétés par des
juges de tribunaux de droit commun.
Un caractère similaire (même prophétique) distingue les considérations de J. S. Lan-
grod sur le fait incorrect de confier la fonction du contrôle impartial aux organes admi-
nistratifs, « bien que spéciaux pour l’activité de ce genre et agissant selon les règles spé-
cifiques de procéder. D’abord, parce que cela cadre mal en principe avec le postulat de
situer cet appareil du contrôle impartial à l’extérieur de l’administration, et ne peut donc
pas –déjà pour des raisons d’organisation– répondre au besoin réel de contrôle, parce que
cela cadre mal avec l’essentiel de cette forme de contrôle. Deuxièmement, parce qu’une
telle présentation de la cause non seulement provoque beaucoup de confusions en ce
qui concerne les compétences et les procédures, en rendant plus difficile l’orientation de
la population et en compliquant d’une manière importante les constructions de régime,
-mais en plus elle enlève à la juridiction administrative ses garanties d’indépendance
(…) de l’administration que sont la raison de son existence » 20. Il est difficile de ne pas
partager les doutes formulés il y a un demi-siècle en analysant le fonctionnement des or-
ganes statuant en deuxième instance dans les affaires de l’administration locale. En effet
conformément à l’art. 17 p. 1 de la loi du 14 juin 1960 Code de procédure administra-
tive21 les organes supérieurs par rapport aux autorités de l’administration locale sont les
cours d’appel de l’autogestion, à moins que des lois spéciales n’en disposent autrement.
Leur statut juridique résulte avant tout de la loi du 12 octobre 1994 relative à ces cours
d’appel22. Leur régime juridique indique clairement qu’il s’agit de leur attribuer une po-
sition spécifique et indépendante dans le cadre de l’appareil administratif de l’État. De
ce fait lorsqu’elles statuent, un abus en résulte, car leurs sentences revêtent le caractère
de cassation avec renvoi à l’organe de première instance pour révision. C’est incontes-
tablement une violation injustifiée de la règle de deux instances dans la procédure admi-
nistrative sous son aspect matériel. En effectuant ce contrôle la cour d’appel se trouve

20
J. S. Langrod, Instytucje …, p. 339.
21
Voir : J.O. de 2000 N° 98, texte 1071 avec les modifications ultérieures.
22
Voir : J.O. de 2001 N° 79, texte 856 avec les modifications ultérieures.
40 Tomasz Jędrzejewski, Piotr Rączka

contrainte à un examen sur le fond23. En pratique l’activité de ces cours d’appel se réduit
au contrôle de la légalité des actes entrepris par les unités de l’administration locale, ce
qui devrait, selon la loi en vigueur, relever des tribunaux administratifs, non des organes
d’administration publique. En observant les changements chaotiques introduits dans la
procédure administrative générale qui règlemente l’aptitude des organes à déroger aux
décisions définitives ou à les modifier sur la base de l’art. 154 e 155 du Code de procé-
dure administrative Il est difficile de ne pas partager les doutes de J. S. Langrod en la ma-
tière. Le diagnostic à porter sur ces problèmes semble toutefois d’une extrême simplicité
après la lecture des Institutions de J. S. Langrod. En érigeant les bases constitutionnelles
du fonctionnement des cours d’appel, il était nécessaire d’exprimer en termes univoques
leur caractère d’organes administratifs, avec pour conséquence la prise en considération
dans leur modèle des propriétés aussi élémentaires de l’action administrative que son
adaptation aux buts pratiques visés, et non pas une tentative institutionnelle de satisfaire
les ambitions environnantes peu rationnelles par la création d’organes indépendants dans
le cadre de l’administration24.
Les constatations ci-dessus sont liées à celles qui concernent l’indépendance du
« contrôleur », dans ce cas des tribunaux administratifs qui contrôlent l’administration.
J. S. Langrod dans ses constatations met clairement en relief la nécessité de garantir une
telle indépendance, tant du sujet contrôlé que de la part de « quiconque (à part le législa-
teur) ». Il est quand même conscient des limitations pratiques difficiles à éliminer, telles
que le contrôle administratif sur le tribunal, le mode de nomination et de promotion des
juges. Cependant l’essentiel de cette indépendance doit être la création de leur garantie
pour le « règlement (« application de la justice ») ». Cet aspect concerne l’indépendance
des règlements des tribunaux qui contrôlent l’administration des « administrateurs ». Ce
qui est important selon l’Auteur pour l’indépendance, c’est également la détermination
des relations convenables entre le contrôlé et le contrôleur. L’indépendance dans cet as-
pect doit mener à une claire distinction du contrôle judiciaire de la fonction qui consiste
en l’administration. « Le tribunal ne doit jamais administrer, mais seulement et unique-
ment contrôler. L’existence d’un contrôle judiciaire impartial sur l’administration ne doit
pas transférer le centre réel des dispositions hors l’appareil des administrateurs. »25. Il
semble que la juridiction administrative contemporaine et en particulier ses bases légales
de fonctionnement réalisent pleinement ces principes. La Constitution de la République
indique à l’art. 173 que les tribunaux de la justice, y compris les tribunaux administra-
tifs, sont couverts par l’autorité séparée et indépendante des autres autorités, tandis que
l’art. 178 alinéa 1 constate que les juges et aussi les juges des tribunaux administratifs

23
Plus sur les phénomènes négatifs dans le fonctionnement des cours d’appel B.Sygit, T. Jędrzejewski,
M. Żmuda, « Ograniczenia w realizacji przez samorządowe kolegia odwoławcze funkcji gwaranta prawa
do dobrej administracji», [in :] Samorządowe kolegia odwoławcze jako gwarant prawa do dobrej adminis-
tracji, sous la réd. de K. Sieniawska, Municipium, 2009, p. 184 et suiv. Et : T. Brzezicki, T. Jędrzejewski,
P. Rączka, « Status prawny członka samorządowego kolegium odwoławczego », [in :] Dziesięć lat reformy
ustrojowej administracji publicznej en Pologne sous la réd. de J. Parchomiuk, B. Ulijasz, K. Kruk, Varsovie
2009, p. 532 et suiv.
24
Plus sur l’indépendance des cours d’appel W. Chróścielewski, Z. Kmieciak, « Niezależny organ kon-
troli w postępowaniu administracyjnym, Raport badawczy », Samorząd Terytorialny, 2005,No 11 .
25
J.S. Langrod, Instytucje …, p. 345.
L’actualité des principales règles ... 41

sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et aux lois. Ce fait est confirmé
également par l’art. 4 de la loi - Droit du régime des tribunaux administratifs, statuant
que les juges de ces tribunaux dans l’exercice de leur fonction sont indépendants. La
supervision de la sphère d’activité des tribunaux en tant que sujets publics n’est toutefois
par exclue. Il ne s’agit pas d’appliquer la justice en contrôlant l’activité de l’administra-
tion publique, mais d’une supervision hiérarchique exercée par le Président de la Cour
Suprême d’Administration sur l’activité des tribunaux administratifs. De même pour la
nomination et la promotion des juges nous avons actuellement affaire à des limitations
de leur indépendance, évidentes et indiquées par J. S. Langrod. En effet, conformément à
l’art. 5 § 1 de la loi Droit du régime des tribunaux administratifs des juges des tribunaux
administratifs, le Président de la République de Pologne convoque une personne pour
exercer la fonction de juge (juge du tribunal administratif de la voïvodie avec la désigna-
tion du lieu de service ou le juge de la Cour Suprême d’Administration), à la demande du
Conseil National de Juridiction, comprenant les candidats présentés pas les assemblées
générales des juges des tribunaux administratifs.
Cependant pour l’Auteur une question discutable est la détermination des limites du
« domaine de l’administration »pure« » qui dans différents systèmes du contrôle judi-
ciaire de l’administration est soit large et comprend toute la sphère d’une libre apprécia-
tion, soit exceptionnellement limitée, ce qui cause certaines réserves de la doctrine (pé-
nétration dans la sphère de l’administration), mais permet d’obtenir certains avantages
additionnels Le système actuel de contrôle des tribunaux administratifs qui comprend
en particulier le fait de statuer sur les plaintes contre des décisions administratives, sur
certaines émises au cours d’une procédure administrative et exécutoire, sur d’autres ac-
tes ou actions de l’administration publique visant les droits ou les obligations issus des
dispositions de la loi ainsi que les interprétations écrites de dispositions du droit fiscal
émises dans des affaires individuelles, s’appuie principalement sur le principe classique
d’application selon le critère de conformité à la loi. L’acceptation de ce critère condi-
tionne manifestement la teneur des décisions du tribunal dans ces cas, décisions qui se
limitent s’il y a acceptation de la plainte à l’élimination de l’acte du domaine légal par
dérogation ou constatation de sa nullité, en laissant aux organes administratifs appro-
priés le règlement des droits et obligations. On a aussi distingué clairement le contrôle
de l’activité de l’administration, d’une part, et la co-administration de l’autre. Cela n’ex-
clut pas l’influence de la jurisprudence des tribunaux administratifs sur la procédure de
l’administration dans les cas où ils sont soumis antérieurement au contrôle du tribunal
administratif, ainsi que sur la pratique administrative en général26. Il faut néanmoins
souligner que le contrôle de la légalité des activités de l’administration publique ainsi
conçue comprend tant la sphère de la reconnaissance par l’administration, que les règle-
ments administratifs fondés sur des normes légales qui l’autorisent. Ceci ne semble pas
constituer un dépassement par les tribunaux administratifs de la limite entre contrôle
indépendant et le fait d’administrer. En effet il s’agit de la reconnaissance que l’adminis-
tration est une institution légale et comme telle peut être soumise au contrôle judiciaire
de son application.

26
E. Ochendowski, Prawo administracyjne. Część ogólna, Toruń 2009, p. 150.
42 Tomasz Jędrzejewski, Piotr Rączka

En résumé, lorsqu’on confronte l’analyse des principales règles du contrôle judiciaire


de l’administration publique indiquées par J. S. Langrod avec la législation polonaise
contemporaine, il faut constater qu’il n’est pas exagéré d’affirmer que les solutions qu’il
a proposées ont une signification intemporelle. Des postulats tels que le fonctionnement
des tribunaux administratifs séparés de la juridiction de droit commun, basés sur l’in-
dépendance dans l’exercice de la justice, sont actuellement les fondements de l’État de
droit démocratique. Il est regrettable cependant que le législateur contemporain, tout en
partageant les opinions principales de J. S. Langrod, n’a pas traité assez sérieusement
ses avertissements sur les risques relatifs à une construction du système de contrôle ju-
diciaire de l’administration, ainsi que de son fonctionnement.
Wito ld Mikuł owski 1

Le séminaire de science administrative du professeur Langrod


à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE)

Mon initiation à la Science administrative a véritablement débuté en 1969, quand


j’ai commencé à assister au séminaire de Science administrative à l’École Pratique des
Hautes Études dirigé par le Professeur Langrod.
J’ai quitté la Pologne en automne 1968, suite aux contestations politiques dans le
milieu universitaire du mois de mars de cette année. Je travaillais à ce moment, comme
maître assistant auprès de la chaire de Droit administratif à la Faculté de Droit de l’Uni-
versité Nicolas Copernic de Toruń et j’étais en train de préparer une thèse de doctorat sur
les décisions administratives des organes collégiaux des collectivités territoriales. Étu-
diant cette question dans la pratique de ces organes, je me suis aperçu, que les règles de
droit constituent uniquement la façade de l’État de droit qui cache derrière les règles for-
melles de la procédure administrative une réalité beaucoup plus complexe. Cette réalité
échappait à l’analyse purement juridique et nécessitait une approche pluridisciplinaire
que j’ai trouvée beaucoup plus intéressante.
Cette constatation coïncidait avec la découverte des nouveaux horizons d’analyse
qu’offraient la praxéologie et des théories d’organisation et de gestion, dont l’impor-
tance commençait à être perçue et prise en compte aussi par certains administrativistes
dans les facultés de droit. Parmi ces derniers se trouvait aussi mon chef de chaire, feu
le professeur Wacław Dawidowicz qui, au début des années 60, en plus de droit admi-
nistratif, a commencé d’enseigner aussi l’organisation de travail dans l’administration
publique2. C’était aussi à cette époque, que le nom du professeur George Langrod et ses
écrits, prohibés pendant des longues années, parce que considérés comme politiquement
1
Dr Witold Mikułowski dirige l’Institut d’Administration de Gestion Publiques à l’Académie Sociale
des Sciences à Łódź (filiale de Varsovie). Il est Vice-Président de l’Institut National des Sciences Adminis-
tratives à Bruxelles et de l’Association d’Education de l’Académie Publique en Pologne.
2
L’introduction de ce nouvel élément dans les programmes d’enseignement des Facultés de Droit était
liée à la création auprès des ces facultés des programmes d’Études Professionnelles Administratives, des
études liées à la formation continue de 3 ans (en cours de weekends), des hauts cadres du Parti, de la police et
de l’administration qui n’avaient pas de diplômes d’études supérieures mais ont été promus à ces fonctions
pour des raisons politiques. À cette époque ces diplômes n’étaient pas considérés comme diplômes d’étu-
des supérieures complètes (le niveau de licence n’existait pas à cette époque en Pologne). Sous la pression
d’intéressés, il a fallu créer le niveau complémentaire pour ces études, donnant droit au diplôme de maî-
trise. Ceci a finalement gêné la transformation des Facultés de Droit en Facultés de Droit et d’Administra-
tion.
44 Witold Mikułowski

incorrects, ont enfin retrouvé le droit de cité dans la littérature scientifique polonaise.
C’était pour moi l’occasion de découvrir la Science administrative pluridisciplinaire et
le rôle que le professeur Langrod jouait dans son développement. J’ai décidé de quitter
la Pologne et d’essayer de faire mon doctorat avec le professeur Langrod en France. J’ai
réussi à partir à Vienne (Autriche), d’où je lui ai écrit en exposant cette intention. Non
seulement m’a-t-il répondu positivement, il m’a aidé à obtenir à cet effet une bourse
d’une fondation privée polonaise des États-Unis.
J’ai pu venir sur cette base en France et m’inscrire comme candidat au doctorat de
recherches dans son séminaire à l’École Pratique des Hautes Études.
Le séminaire avait essentiellement pour but l’initiation à la recherche administrative.
Il était destiné aux candidats au doctorat de recherches et aussi aux étudiants qui prépa-
raient le diplôme de licence ou de maîtrise. Mais d’autres personnes y assistaient, soit
comme conférenciers invités par le Professeur, soit comme auditeurs, uniquement dans
le but de leur enrichissement intellectuel. 11 y avait parmi eux d’anciens disciples du
Professeur, principalement chercheurs et enseignants, mais aussi des praticiens – hauts
fonctionnaires de l’administration publique française qui collaboraient avec lui dans les
travaux visant le renouveau de la Science administrative basé sur l’approche interdisci-
plinaire et systémique.
Les participants au séminaire provenaient des diverses disciplines scientifiques
concernées par les phénomènes d’administration publique au sens large du terme. Il y
avait parmi eux aussi des personnes originaires de divers pays, représentant des cultures,
traditions administratives, catégories d’age et expériences professionnelles très diversi-
fiées.
Parmi les participants français il y avait des chercheurs enseignants, comme Marie
Christine Kessler, à cette époque chargée de recherches, ensuite directeur de recherches
au CNRS et professeur de plusieurs universités et d’ autres institutions d’enseignement
ou comme Bernard Pras du Centre Dauphine, futur professeur de gestion et du marketing
et spécialiste de l’Islam. Mais il y avait aussi un groupe très intéressant de praticiens
intéressés par la recherche administrative composé des hauts fonctionnaires provenant
de l’École Nationale des PTT. Dans ce groupe il faut mentionner surtout ceux qui ont
participé à la rédaction du Traité de Science Administrative, publié sur l’initiative et sous
la rédaction du Professeur Langrod en 1966. C’était Louis Boulet, Directeur des études
de cette école, Réné Malgoire, administrateur des PTT et Directeur du CEPIA et Mme
Roselyne Py, Directrice de la Bibliothèque. Ils ont tous participé fidèlement et active-
ment aux travaux de séminaire pendant des années.
Un groupe assez nombreux des participants était composé de polonais de deux va-
gues successives d’immigration. La première, était composée d’ intellectuels, réfugiés
politiques des années cinquante qui ont trouvé leur place en France comme chargés de
recherche au CNRS. C’était le cas de Georges Mond, ancien journaliste et Secrétaire Gé-
néral de l’Association des Journalistes Polonais, (émigré en France en 1960, chercheur
et membre de la rédaction de Revue de l’Est), de Tadeusz Wyrwa, chercheur très polyva-
lent, spécialiste de sciences politiques et de droit public, mais aussi historien, qui a fait
toute sa carrière au CNRS et vers la fin de sa vie fut honoré par le titre de docteur honoris
causa de l’Université de Łódź en Pologne, et de Maurice Zinovieff, éminent linguiste
Le séminaire de Science administrative ... 45

et spécialiste de l’histoire de l’église orthodoxe. La deuxième vague était composée d’


émigrés et réfugiés politiques, généralement beaucoup plus jeunes, venus en France en
1968 et dans les années suivantes.
Ce dernier groupe comportait des candidats au doctorat de recherches ou aux diplô-
mes de maîtrise ou de licence. Dans ce groupe, outre le soussigné, se trouvaient d’autres
juristes dont : Christophe Grzegorczyk, ancien maître assistant de l’Université Jagello-
nienne de Cracovie, puis assistant à la Faculté de Droit de l’Université Paris II et futur
professeur agrégé de droit public à l’Université de Nanterre, puis de Versailles, Mme
Madeleine Knychalski, aussi de la Faculté de Droit de l’Université de Cracovie, future
cadre de la Société Générale à Paris, et enfin Mme Maria Lamzaki, ancienne avocate du
barreau de Varsovie, en France secrétaire de l’Institut Littéraire « La Culture » situé au
Mesnil le Roi, Maisons-Laffitte, la Mecque des intellectuels de l’émigration polonaise.
Il y avait aussi quelques jeunes polonais d’origine juive qui préparaient leurs diplômes
de licence ou de maîtrise. Ces derniers avaient dû quitter la Pologne victimes des ré-
pressions antisémites du régime polonais déclenchées suite à la révolte des étudiants
et intellectuels du mars 1968. Il faut ajouter à ce groupe ; les professeurs polonais qui
assistaient aux travaux du séminaire occasionnellement (et semi-clandestinement) lors
de leurs séjours officiels à Paris, il y avait parmi eux d’éminents spécialistes de la Théo-
rie d’Organisation et de Gestion – le professeur Zbigniew Martyniak de l’Académie
Économique de Cracovie et le professeur Witold Kieżun, de l’Institut d’Administration
et de Gestion de Varsovie. Ce dernier a quitté la Pologne quelques années plus tard et
travaillait ensuite à l’Université de Pittsburgh aux États Unies et à l’HEC de Montréal au
Canada et enfin, comme expert des Nations Unies en Afrique. Il a travaillé au Burundi
dans l’équipe du Projet de Perfectionnement des Cadres Administratifs que j’ai dirigée
là-bas dans les années 80.
En plus des participants polonais, il y avait aussi des étrangers provenant d’ autres
pays d’Europe de l’Est et du Sud, parmi lesquels il faut citer surtout Dimitri Argyriades,
.le doctorant du Professeur Langrod, haut fonctionnaire des Nations Unies, professeur
de l’Université de New York et membre très actif de l’Institut International des Sciences
Administratives et le professeur Faiz Karaoglu, futur directeur de recherches de l’Institut
d’Administration Publique pour le Moyen Orient à Ankara en Turquie. Parmi ces parti-
cipants, il y avait aussi des ressortissants du Maghreb, du Canada, d’Amérique du Sud et
un groupe important d’étudiants de divers pays d’Afrique francophones.
J’ai participé régulièrement aux travaux de ce séminaire pendant six ans, de 1969
à 1975. En 1970, j’étais recruté par René Malgoire, cité déjà plus haut, comme son
conseiller et animateur de stages dans le Centre d’Études Pratiques en Informatique et
Automatique (CEPIA) dont il était à l’époque Directeur Général. En 1972, grâce au sou-
tien du professeur Langrod, j’ai obtenu un contrat de recherche d’un an au CNRS, dans
le cadre d’un projet d’étude sur l’impact des techniques modernes sur l’administration
publique, pour analyser celui de l’informatique de gestion sur le fonctionnement des
PTT. J’ai eu à collaborer étroitement à cette occasion avec un autre éminent participant
de notre séminaire, Louis Boulet. Ensuite en 1974, après la soutenance de ma thèse,
j’ai commencé à travailler comme chargé de cours au Département des Sciences Eco-
nomiques et Juridiques de l’Université Paris VIII, qui se trouvait à cette époque dans
46 Witold Mikułowski

le bois des Vincennes. J’ai continué à participer aux travaux de notre séminaire, aidant
le professeur Langrod comme son assistant informel dans la direction des mémoires de
diplômes de certains de ses élèves.
En 1975, encore une fois grâce à la recommandation du professeur Langrod, je suis
parti en Afrique sub-saharienne comme expert des Nations Unies en administration
publique. Profitant du savoir et de l’expérience acquis auprès du Professeur Langrod
et dans le cadre de son séminaire, j’ai travaillé ensuite 21 ans comme expert, chef de
projets, et consultant des projets de réformes administratives et de perfectionnement
des fonctionnaires dans 8 pays différents. En fait, notre séminaire qui réunissait les
participants représentant des profils et expériences professionnelles, des traditions et
cultures administratives très diverses, constituait une expérience très enrichissante pour
quelqu’un amené à gérer les changements dans le contexte international. Travaillant
dans ce contexte j’étais confronté souvent, non seulement aux problèmes des conflits
d’intérêts politiques dus aux divergences ethniques, culturelles et sociales des mes parte-
naires et homologues africains, mais aussi j’ai dû gérer des équipes composées d’experts
internationaux d’origines et des mentalités diverses. Par conséquent, l’enseignement du
Professeur Langrod et l’expérience acquise dans le cadre de son séminaire se sont avérés
pour moi inestimables. J’étais très marqué et édifié par exemple par ses cours et les dé-
bats qui s’en suivaient, sur le phénomène du mimétisme administratif et ses conséquen-
ces dysfonctionnelles dans le processus du développement d’administration publique
dans les pays post-coloniaux. J’ai été confronté à ce problème souvent, non seulement
durant ma carrière d’expert en Afrique, mais aussi plus tard dans les pays post-commu-
nistes apparemment bien plus développés au départ.
Pendant toutes ces années de mon aventure africaine j’essayais de garder le contact
avec mon maître et je lui rendais visite chaque fois quand je venais en France jusqu’à
sa mort.
Malheureusement après le départ du Professeur à la retraite il n’y avait personne pour
prendre sa relève et il n’y a plus de séminaire de Science administrative à l’EPHE. Par
conséquent, le combat pour l’autonomie et les lettres de noblesse de cette discipline basée
sur une véritable interdisciplinarité, attend toujours son leader capable de lutter pour son
renouveau. Ceci est devenu encore plus difficile dans la présente confusion des notions
et langues qui fait qu’actuellement aussi bien en France qu’ en Pologne personne n’est en
mesure de définir et de limiter les champs sémantiques respectifs des concepts d’admi-
nistration, de management public, de gestion publique et de gouvernance, ni d’expliquer
leurs relations mutuelles et leurs rapport avec la Science administrative. Déjà dans les
années 1970, mon ancien maître, le professeur Dawidowicz, a publié dans une revue
polonaise l’article intitulé : « Sur le malentendu appelé ‘’Science administrative’’3 ». Je
pense qu’il est grand temps pour que cette supposition désobligeante pour la Science ad-
ministrative et pour la mémoire du professeur Langrod, son principal promoteur, « soit
définitivement contredit », par le renouveau de cette noble discipline.

3
Cf. Organizacja-Metody-Technika, 1972, no 11.
G érard Timsi t

Georges Langrod et l’invention


de la science administrative

par Gérard Timsit


Professeur émérite à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Ce n’est pas le moindre des mérites de l’homme dont ce livre célèbre l’œuvre et
la personnalité que d’avoir contribué, et de manière fondamentale, à l’invention de la
science administrative en France. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que l’ouvrage
auquel est définitivement associé le nom de Georges Langrod ait paru sous une cou-
verture grise parfaitement anonyme, sans aucun nom d’auteur, et ne comportant que la
mention de son seul titre : Traité de Science administrative1. Le rôle que joua Georges
Langrod dans l’élaboration et la publication de cet ouvrage en 1966 y a été pourtant
absolument central et déterminant. Qu’il soit donc permis à l’un de ceux, nombreux, qui
à cette époque lurent et étudièrent, dans la fièvre intellectuelle et l’émerveillement de la
découverte d’une discipline nouvelle, la somme de contributions qui furent là réunies,
de dire combien ils sont redevables à Georges Langrod de la mission et du travail dont
il prit la charge.
C’est en 1962, dans le cadre que lui offrait 1’École pratique des Hautes Études où il
avait sa chaire, que Georges Langrod lança le projet qu’il avait conçu de préparer, pour
fonder la science administrative, un traité collectif qui lui fût consacré. Réunissant sous
son autorité une brillante équipe franco-belge de près de cinquante personnalités – hauts
fonctionnaires et magistrats, universitaires de Paris et de province, chercheurs du CNRS
et d’ailleurs : tous avaient déjà, ou laisseront en tout cas un nom, dans l’histoire de la
science administrative, alors encore balbutiante en Europe-, Georges Langrod assura la
présidence du Groupe de travail ainsi formé. Ce groupe fut chargé, comme le rappelle
Jean Rivero dans son texte d’introduction au Traité, « d’arrêter les bases intellectuelles
et méthodologiques de l’ouvrage, de tracer les grandes lignes du plan, de coordonner
les premières maquettes présentées par les auteurs »2 . C’est ensuite un « comité res-
treint de rédaction » présidé par Jean Rivero lui-même qui eut la charge de « lisser » et
uniformiser les différentes contributions et qui -tout en en faisant une œuvre collective

1
Traité de Science administrative, École Pratique des Hautes Études, Paris-La Haye, Mouton, 1966.
Préface de Georges Vedel.
2
J. Rivero, « Avertissement », [in :] Traité de Science administrative précité, p. 15.
48 Gérard Timsit

et commune- reçut la mission essentielle d’y préserver l’autonomie de chacun dans les
approches et les propositions énoncées et mises en œuvre par les différents auteurs.
L’ouvrage qui fut ainsi produit était impressionnant. Il fut couronné par l’Acadé-
mie des sciences morales et politiques qui lui décerna le Prix Dupin-Ainé. Il offrait,
en neuf cent pages, un admirable panorama d’ensemble, au cœur des années 60, sur
l’état de l’information et de la réflexion concernant l’administration. Délibérément, ses
auteurs, et Georges Langrod au premier chef, avaient décidé de le consacrer à l’étude du
phénomène administratif en France et dans les pays francophones. Non certes que les
analyses, les analystes et les problématiques des administrations des pays anglo-saxons
fussent négligés ou négligeables. Mais il devait s’agir dans cette entreprise – afin d’en
garantir l’homogénéité et la spécificité- d’une œuvre qui, centrée sur la tradition admi-
nistrative française, aurait à se construire à partir de l’étude des régimes administratifs
se rattachant au type français. Ce faisant, apparaissait au travers des études ainsi rassem-
blées une conception de la science administrative qui -se situant à l’écart des courants
classiques de la pensée américaine et continentale-européenne (l’administration comme
fonction auxiliaire selon les uns, ou, selon les autres, réduite aux seules organisations
publiques…) – affirmait la nouveauté et la personnalité de la discipline émergente.
Formellement composé de onze parties divisées en vingt-quatre chapitres, l’ouvrage
présentait en fait -après une introduction générale où étaient, autant qu’il était alors pos-
sible à cette époque, précisés les contours de la matière, son histoire, son objet, ses
méthodes- un double exposé de l’administration dans son environnement d’une part
(son « milieu »3), et de son organisation et son fonctionnement (« missions, structures,
hommes, techniques, moyens, contrôles… » 4),d’autre part., L’ouvrage se fermait sur
trois contributions5 d’un intérêt majeur – d’un intérêt d’autant plus grand à cette époque
que les thèmes sur lesquels elles portaient n’étaient guère encore très répandus : l’une
proposait, de Michel Crozier, une « théorie sociologique de l’action administrative » ;
l’autre, de Lucien Mehl, les éléments nécessaires à une « approche cybernétique de
l’étude de l’administration » ; la dernière, intitulée : Où va l’administration ?, offrait une
réflexion prospective sur les évolutions et les changements de l’administration dont, à la
relire aujourd’hui, on redécouvre l’étonnante prescience…
Étonnante prescience dont, en vérité, témoigne au travers de chacun de ses chapitres
tout le Traité de science administrative. C’est Georges Langrod qui, par le rassemble-
ment de tous ces auteurs dans le Groupe dont il assurait la présidence et à partir de la
connaissance qu’il avait des administrations nationales et internationales et de la ré-
flexion comparative qu’il avait déjà menée en ces domaines6, avait su orienter et axer
l’ensemble des analyses autour de la place de la science administrative parmi les scien-

3
Traité précité, p. 145-224.
4
Eod. loc. p.225-758.
5
Ibid. p. 759-866.
6
On trouvera un aperçu de la diversité des champs de recherche et d’action administratives de Georges
Langrod en consultant les Mélanges Georges Langrod, Pour un droit juste et une gestion moderne, publiés
en 1969 par les Éditions Serpic France-Sélection à l’occasion de son 65ème anniversaire et, en particulier,
la bibliographie de ses écrits établie par Mmes M. Clifford-Vaughan et R. Py, figurant dans cet ouvrage aux
pages 23-55.
Georges Langrod et l’invention de la science administrative 49

ces voisines. C’est d’ailleurs ce titre7 qu’il avait donné à la contribution particulière
-contribution fondatrice- qu’il a apportée au Traité. Procédant en deux étapes, Georges
Langrod y commençait par le recensement des obstacles qui s’opposaient à l’émergence
et la consécration d’une science de l’administration. Il fallait en effet que l’on prît une
claire conscience de la nature des obstacles à abattre ou à franchir pour que des progrès
pussent être réalisés sur la voie d’une connaissance objective et complète de l’adminis-
tration. Obstacles généraux, d’une part – ceux que l’on devait à l’arrogance conserva-
trice des sciences en place et au préjugé scientiste fortement enraciné qui déniait aux
sciences sociales tout statut véritablement scientifique. Obstacles particuliers d’autre
part, du fait de l’identification des administrations -en raison d’un préjugé symétrique
et inverse de celui qui affectait, et depuis longtemps, la conception américaine de la
science administrative comme science des fonctions auxiliaires- à leur seule fonction de
commandement… Il fallait que tous ces préjugés fussent dépassés afin que fut reconnue
l’autonomie du « fait administratif » – l’autonomie d’un phénomène qui pût être à la fois
analysé de manière suffisamment rigoureuse et envisagé de façon suffisamment large
pour que ne fut introduit aucun biais ni ne fut apportée aucune limitation dans l’étude
de l’administration. « Lieu géométrique de toute recherche consacrée à l’administration
publique », le « fait administratif », écrivait Georges Langrod, oriente la vision du cher-
cheur »8 : « Si on veut en effet appréhender l’essence de l’action administrative dans sa
totalité et sous un angle adéquat, c’est-à-dire de façon ni fragmentaire ni comme élé-
ment secondaire d’un point de vue particulier, non spécifiquement administratif, il faut
partir d’une base adéquate, rendant possible la « saisie » -avec le recul nécessaire- des
éléments-clés des phénomènes étudiés, qu’ils soient institutionnalisés (aménagements
organiques, procédures formelles) ou non (comportements spontanés ou situations de
fait) dans la mesure où ils caractérisent globalement, mais de façon spécifique, l’action
de l’administration publique9 ».
Ainsi se trouvait ouverte la double voie de l’autonomisation et de la spécification
de la science administrative10. Autonomisation, d’abord, par rapport aux sciences déjà
établies. Certaines avaient depuis longtemps installé leur empire sur l’étude de l’admi-
nistration : la science du droit administratif, par exemple. Mais Georges Langrod, dans
un geste novateur, faisait remarquer – avec le prestigieux et précieux appui de juristes de
droit public de haute volée : Georges Vedel, Charles Eisenmann, Jean Rivero, par exem-
ple, qui collaboraient aux travaux du Groupe dont il assurait la présidence- que, bien que
l’empire du droit fut immense et un peu étouffant -« on aborde le droit administratif dans
les facultés comme s’il s’agissait de l’enseignement des langues mortes »11, son dévelop-
pement (grâce aux libertés que son affermissement permettait de prendre à l’égard d’une
7
G. Langrod, « La Science administrative et sa place parmi les sciences voisines », [in :] Traité précité,
p. 92-123.
8
Eod. loc. p. 97.
9
G. Langrod, Traité de science administrative, précité, p. 97.
10
Voir, à cet égard, dans les Mélanges Langrod précités (p. 73-94), les contributions précieuses de
H. Bergeron, La conception de la science administrative chez Georges Langrod ; L. Boulet, Pour une concep-
tion française de la science administrative ; et L. Pajot, Le renouveau de la science administrative en France,
L’apport du Professeur Georges Langrod.
11
Eod loc. p.105, note 35.
50 Gérard Timsit

approche trop rigoureusement et strictement normative de l’administration) avait cepen-


dant aussi pu, paradoxalement, libérer la science administrative de l’emprise du droit ad-
ministratif. A beaucoup d’égards, la science normative dénommée « droit administratif »
devenait une science « précurseur et annonciatrice de la science administrative »12.
Et non seulement autonomisation, mais aussi spécification de la science adminis-
trative. Il fallait en effet que cette manière entièrement nouvelle d’aborder l’étude de
l’administration pût marquer effectivement son particularisme au regard de toutes celles
que l’on avait déjà vues définir et délimiter l’administration comme objet de recherche
et champ de connaissance. Renonçant délibérément à parler, au pluriel, des sciences
administratives, -la « fuite dans le pluriel » n’étant que « la manifestation du manque
d’accord préalable entre scientifiques quant à la notion même de la science et quant au
rôle de la méthode scientifique »13, Georges Langrod établissait ainsi avec la plus grande
force à la fois les liens et relations de la science administrative avec « les sciences voi-
sines » (la science politique, la sociologie, la psychologie, les sciences économiques et
financières, naturellement-, mais aussi, plus inattendues à cette époque, et cependant
tout aussi importantes : l’ethnologie, la démographie, l’histoire, la géographie etc…) et
leur indépendance radicale respective. De même Georges Langrod ne manquait-il pas de
souligner- ce qui était une manière de révolution intellectuelle à cette époque- « l’iden-
tité ou la ressemblance de plusieurs traits de l’entreprise privée et de l’administration
publique dans le domaine de la gestion proprement dite 14». Il est vrai que certains, portés
par cet élan, et leur enthousiasme, en vinrent à croire que l’on pourrait construire toute la
science administrative autour de cette notion de gestion – et pensèrent même à rebaptiser
la science administrative du nom de « gestiologie ». Il est vrai aussi que, depuis, en ef-
fet, -sous la poussée d’une critique, ravageuse pendant longtemps, et probablement trop
univoque aujourd’hui, du modèle classique d’administration-, ces domaines ont été trop
assimilés – au point d’en être parfois abusivement confondus.
Georges Langrod, beaucoup plus réaliste, n’allait pas si loin. Certes annonçait-il,
en même temps qu’il fondait la science administrative, l’essor des études managériales
et la « fécondation croisée » des recherches entreprises dans des domaines jusque là
soigneusement distingués – par les juristes en particulier. Mais on doit reconnaître à
l’œuvre et la démarche de l’initiateur et concepteur du Traité de science administrative,
et à l’interdisciplinarité dont le Maître faisait à juste titre l’une des conditions fondamen-
tales du développement de la science nouvelle qu’il entendait fonder, d’avoir permis et
effectivement garanti l’affirmation de la « souveraineté épistémologique »15 de la science
administrative – cette science dont l’invention, et la place qu’elle occupe en France,
doivent tant à Georges Langrod.

12
Ibid. « (…) la Science du droit administratif apparaît partout en Europe continentale comme le pré-
curseur d’une science administrative lato sensu, dans le sens moderne de cette notion, même si, paradoxale-
ment, la fascination par le phénomène juridique ralentissait le mouvement « global » des idées ».
13
Ibid. p. 112.
14
Traité précité, p.119.
15
Ibid. p.108.
II
Les problemès théoriques
de la science de l’administration
Jan Jeżewski

L’administration réelle en tant qu’objet


de la Science administrative

La problématique méthodologique prédomine dans les publications contemporaines


du domaine de la Science administrative. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’apparais-
sent des études concernant la pratique courante de l’activité de l’administration dans un
temps et un lieu donnés, ses conditionnements et ses effets – bref, concernant l’adminis-
tration réelle. Cette situation résulte non seulement des difficultés liées à la distinction
et à la systématisation des manifestations complexes et variables de la participation de
l’administration à la vie sociale. Elle résulte aussi des attitudes des chercheurs envers
leur propre science et son objet, formées par l’histoire, sous l’influence de plusieurs fac-
teurs. L’esquisse présentée ci-dessous constitue une tentative de montrer les limitations
et en même temps la signification des études de la pratique administrative du point de
vue de la conception de la Science administrative.
1. Depuis plus de cent ans une discussion méthodologique particulièrement vive se
déroule dans la littérature scientifique concernant la Science administrative et se concen-
tre avant tout sur les difficultés dans la détermination de son objet et de ses méthodes de
recherche1. Le développement de l’intérêt des chercheurs porté à l’administration a été
l’effet de l’élargissement des tâches de celle-ci dans l’État libéral du XIXe siècle. La
nécessité de servir les larges besoins collectifs de plus en plus complexes, émergeant au
cours du processus d’industrialisation et d’urbanisation, les changements dans la struc-
ture de la société, le rôle croissant de l’État dans la stimulation de l’industrie – tout
cela attirait l’attention sur la complexité et l’importance de l’administration. De plus les
traits (pour ne pas dire les contradictions) structurels de l’administration : sa tendance
à la stabilité, la routine et même l’engourdissement, et en même temps la soumission à
des tendances de changement imposées par la vie, son besoin souvent manifesté d’indé-
pendance et même d’une certaine autonomie, et en même temps sa dépendance envers
l’environnement – tout cela a accentué les difficultés dans son étude : la description,
l’analyse, la formulation de jugements plus ou moins totalitaires et l’établissement de
régularités. Ces difficultés ont avec le temps trouvé leur reflet dans la littérature du sujet,

1
Les principaux problèmes de cette discussion ont été présentés dans un aspect synthétique entre autres
par : F. Longchamps, Założenia nauki administracji, Wrocław 1949 et Wrocław 1991 (reprint) ; G. Lan-
grod, « Science administrative ou sciences administratives ? », Annales Universitatis Saraviensis, 1956/57,
vol. 1.
54 Jan Jeżewski

dans la question de savoir si l’administration publique devrait être étudiée indépendam-


ment par des sciences diverses (surtout les sciences sociales), en accord avec leur sujet
et leurs méthodes, ou bien doit-on – sans abandonner leurs expériences et leur acquis –
distinguer une discipline de recherche autonome et originale – la Science administrative,
visant une représentation aux aspects multiples, cohérente mais non simplifiée, d’un
phénomène complexe et variable2.
Comme on le sait, l’administration publique est l’objet d’études de différentes disci-
plines scientifiques. D’où une autre question importante : en quoi Science administra-
tive est-elle particulière par rapport aux autres sciences et en quoi consiste l’originalité
des résultats de l’étude complexe de l’administration en tant que phénomène complexe.
La réponse n’est pas facilitée par la genèse et l’évolution de la Science administrative,
impliquée dans de nombreuses connections avec d’autres sciences étudiant l’adminis-
tration. Le développement historique de la Science administrative n’a pas mené à une
qualification méthodologique homologue assurant l’exclusivité dans un champ d’étu-
des déterminé avec précision. On peut donc dire que jusqu’à aujourd’hui on entreprend
dans la science de l’administration des tentatives de systématisation de la généalogie
multithématique de cette science, incroyablement diversifiée du point de vue méthodo-
logique. De plus, cette généalogie est parfois construite différemment pour des études
successives, à partir d’éléments formés dans le passé, ce qui élargit infiniment la mesure
dans laquelle sont admises les prémisses concernant l’objet, l’étendue, le but et enfin la
catégorie des résultats de la science de l’administration. La richesse des approches, des
conceptions, des théories formulées jadis sur différents plans autour de l’administration
publique constitue aujourd’hui paradoxalement un ballast qui rend difficile l’identifica-
tion de la Science administrative, ainsi que la détermination de ses résultats en tant que
résultats originaux.
Peu à peu une opinion s’est stabilisée dans la littérature du sujet : que la Science
administrative a un caractère complexe, qu’elle est multidirectionnelle – parce qu’elle
utilise les acquis des autres sciences, dont l’utilité résulte ou bien du fait qu’elles s’oc-
cupent directement de l’administration, ou encore que leurs études, sans aborder direc-
tement l’administration (puisqu’elles s’occupent par ex. : de la formation des attitudes
d’organisation ou des sociotechniques de création de leaders locaux) sont jugées vala-
bles pour la découverte ou la formation rationnelle de l’administration, et sont incluses
dans le cadre de la Science administrative. La production scientifique qui se développe
ne donne pas de réponse décisive à la question en quoi consiste la complexité de la
Science administrative – est-ce l’utilisation d’un système de notions d’une autre disci-
pline d’études, ou le transfert des principes méthodologiques qui déterminent le champ
de la recherche, ou encore l’utilisation de méthodes et de techniques d’accumulation et
d’analyse du matériel empirique. « En effet l’on peut dire que la crise d’identification
est un trait constant, et non pas un malaise passager de la science de l’administration
publique » 3.

2
G. Langrod, « La science administrative et sa place parmi les sciences voisines », [in :] Traité de
science administrative, Paris-La Haye 1966, p. 92-94.
3
M. Kulesza, « Dylematy poznawcze nauki o administracji publicznej », [in :] H. Izdebski, M. Kulesza,
Administracja publiczna. Zagadnienia ogólne, Varsovie 2004, p. 346.
L’administration réelle ... 55

2. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle dans la littérature du sujet des pays de
l’Europe Occidentale la science de l’administration a été successivement détachée des
sciences administratives, par référence au critère de son attitude envers l’objet de ses
études : l’administration publique4. Cela a permis de différencier la Science adminis-
trative (en tant que science descriptive, décrivant l’administration réelle), la science
du droit administratif (attitude normative) et la science de la politique administrative
(attitude prospective) – on n’a cependant pas créé de bases suffisamment développées
d’identification de la Science administrative par rapport aux autres sciences sociales qui
étudient les multiples aspects de l’administration réelle5. La limitation de l’objet de la
science de l’administration à la réalité administrative a ouvert la question : quels aspects
de cette réalité doit-on prendre en considération dans l’étude pour pouvoir construire la
notion de cette science en tant que science détachée et autonome, obtenant des résultats
de recherches originaux. Dans la discussion théorique on a souligné le rôle secondaire
des méthodes de recherche en tant que critère de répartition des sciences sociales – face
à leur manifeste tendance à se rapprocher6.
Le critère de l’objet dans la différenciation de la Science administrative (« adminis-
tration réelle ») est le produit de l’évolution du système politique des États européens.
La doctrine d’un État constitutionnel libéral est devenue la base idéologique d’un nouvel
ordre juridique (État de droit) et de règles de gestion ayant des conséquences doubles.
D’un côté le postulat de limitation maximale de l’influence de l’administration sur les
citoyens découle de l’idée du libéralisme. De l’autre, la règle de protection de l’ordre ju-
ridique, ayant pour but de préserver celui-ci de la violation par l’administration, émerge
pour protéger les libertés civiques. L’analyse des relations entre l’administration (l’État)
et la société dans l’État de droit devient un objet de réflexion scientifique7.
Cette relation constitue un des éléments de la conception du créateur de la science de
l’administration moderne, Lorenz von Stein8. Fidèle à la dialectique de Hegel, comme
l’écrit G. Langrod, il a obstinément étudié les relations entre la structure de l’État et la
condition de la société. L’État garantit juridiquement l’égalité de tous par rapport à la loi,
et c’est par ce fait qu’il est « État de droit », « mais en même temps cet État se présente
à Stein comme un État social, notamment dans la mesure où il favorise le progrès écono-

4
F. Longchamps, op.cit., p. 25-41; G. Langrod, « La science de l’Administration publique (Esquisse
Historique) », [in :] Studi in onore di Silvio Lessona, vol. I, Bologna 1963, p. 497-512.
5
T. Skoczny, Podstawowe dylematy naukowego poznania administracji państwowej, Varsovie 1986,
p. 65 et suiv.
6
G. Langrod cite le rapport du Conseil supérieur de la recherche scientifique et du progrès technique en
France, juin 1957 : « Quel que soit leur âge (ou leur réussite), toutes les sciences humaines sont des carre-
fours ou, si l’on préfère, des points de vue divers sur le même ensemble de réalités sociales et humaines »,
Science administrative ou sciences…, p. 102.
7
E. Forsthoff, Traité de droit administratif allemand, traduit de l’allemand par M. Fromont, Bruxel-
les 1969, p. 97 et suiv. ; G. Langrod, La science de l’Administration…, p. 499 et suiv. La différenciation
entre l’État et la société a trouvé son reflet dans les opinions de R. von Mohl, ce qui a décidé du rejet de la
doctrine ius politiae et des voies du développement du droit administratif dans un État libéral. E. Forsthoff
écrit: « L’idée d’une société indépendante de l’État permet principalement de limiter le champ d’action de
l’administration selon un système logique », op. cit., p. 95.
8
Les principaux ouvrages dans son énorme œuvre : Die Verwaltungslehre, 7 tommes, 1865-1868 et
Handbuch der Verwaltungslehre und des Verwaltungsrechts, 3 tommes, 3 éd., Stuttgard 1877-1888.
56 Jan Jeżewski

mique et social de tous et de chacun »9. Stein conçoit l’administration publique comme
la « mesure de la force et de l’action de l’État », mais aussi comme la « constitution dans
sa réalisation dynamique », ainsi qu’une manifestation de volonté et de vitalité10. Le fu-
tur de la société dépend non pas d’une lutte plus fréquente pour la meilleure constitution,
mais du perfectionnement de l’ « administration de la réforme sociale »11.
Conformément à ces principes le but de la Science administrative est d’exprimer
l’idée de l’administration (Idee der Verwaltung) sur la base de ce qui est commun à tou-
tes les divisions particulières de l’administration, et en plus la description des divisions
particulières de l’administration réelle. L’administration consiste à exécuter les lois, en
même temps L. von Stein lui attribue cependant un rôle important dans la création du
droit administratif : en puisant dans la vie la conception des tâches de l’État, elle pré-
sente des projets de lois. L’ordonnance sur base de la loi permet la réalisation de celle-ci
« dans les mêmes circonstances réelles, dans lesquelles le projet de la loi a émergé » 12.
L’étude de l’administration réelle joue cependant dans la conception de L. von Stein
un rôle secondaire : en présentant le programme de son œuvre il souligne que la science
devrait avant tout puiser de l’analyse « d’une règle supérieure de l’administration so-
ciale », et c’est pourquoi, « selon notre profonde conviction, la Science administrative ne
devrait pas avoir son début dans la pratique de l’administration »13. C’est cependant avec
cette conviction qu’il a mené des études étendues sur l’administration concrète. Selon le
jugement de F. Longchamps « cette œuvre était bien plus réussie que ses prémisses […]
Il y a inclus un énorme matériel du cadre des divisions particulières de l’administration,
des lois, de l’économie – un matériel comparatif allemand, français, anglais ». Et même
s’il n’a pas déterminé de méthode qui pourrait être considérée comme adéquate pour
une science étudiant l’administration réelle14 (et par ce fait il n’a pas présenté de formule
méthodologique entière de la Science administrative postulée pour la première fois avec
autant d’esprit de suite), il a quand même défini un champ de recherches non-juridiques
sur l’administration dans le cadre général du savoir sur l’État accumulé jusque-là ; et
avant tout il a souligné le rôle crucial de l’administration dans la réalisation des fonctions
de l’État qui lui était contemporain. L’œuvre de L.von Stein n’a pas eu de continuateurs
directs ; elle est cependant sans aucun doute devenue plus tard un point de référence pour
les initiateurs de recherches sur l’administration.
3. La doctrine d’un État constitutionnel libéral a aussi déterminé les directions d’un
développement particulièrement rapide de la science du droit administratif ; le phéno-
mène de la soumission du pouvoir exécutif à la loi est devenu son objet. Les conséquen-
ces de ce développement pour la Science administrative étaient doubles. En premier
lieu, il est difficile de s’étonner que la science du droit administratif ait étouffé pour
quelques décennies l’intérêt porté à l’administration à partir de points de vue autres que
juridique. Cette domination de l’approche juridique était visible entre autres dans le fait

9
G. Langrod, La science de l’Administration…., p. 499. E. Forsthoff souligne que « l’État et la société
s’entrepénètrent, ce qui provoque certaines tensions », ibid.
10
L. von Stein, Handbuch…, I, p. 8.
11
Cité par G. Langrod, La science de l’Administration…, p. 500.
12
L. von Stein, Handbuch…,I, p. 29.
13
Ibid., p. 10.
14
F. Lonchamps, op.cit., p. 30.
L’administration réelle ... 57

que les manuels du droit administratif de la fin du XIXe et des débuts du XXe siècles
portaient souvent dans leur titre « et de la Science administrative », et dans leur contenu
on trouvait des notions qu’il serait difficile de chercher dans des textes de lois : la cen-
tralisation, la déconcentration, la décentralisation, la soumission hiérarchique, l’organe
administratif, les tâches de l’administration ; ces notions étaient utiles dans la descrip-
tion et l’analyse de cette partie du droit administratif qui était longtemps inconnue – le
droit du système politique. Les normes du droit du système politique ne s’inscrivaient
pas dans les constructions utilisées pour les normes du droit matériel, réglant les rela-
tions entre citoyens et pouvoir public (par exemple telles que les droits, les devoirs, le
droit subjectif, les plaintes) et pour lesquelles on a cherché des modèles dans la science
du droit civil ; c’est justement cette « présence juridique » de la problématique du sys-
tème politique, détachée du droit matériel, qui était censée témoigner de ce qu’était
Science administrative, d’ailleurs le plus souvent sans aucune conception méthodolo-
gique15.
En deuxième lieu – la limitation du point de vue devait provoquer une réaction. Cel-
le-ci s’est manifestée assez tôt, puisqu’en 1902, et son point de départ était la conviction
que les considérations sur la meilleure administration exigent l’étude de l’administration
réelle. L’opinion que la science du droit administratif ne donne pas toutes les informa-
tions nécessaires pour administrer a été formulée par I. Jastrow16. L’œuvre de I. Jastrow17
contient la première désignation directe d’une science indépendante appelée le savoir ad-
ministratif (Verwaltungswissenschaft): « la première question, à laquelle doit répondre
le savoir administratif, c’est : comment administre-t-on? Ce n’est que la deuxième qui
devrait être : comment doit-on administrer? Le matériel pour la réponse à la deuxième
question ne peut être puisé dans rien d’autre que l’administration pratique. Le savoir ad-
ministratif est un savoir empirique » 18. Le savoir comment administrer, donc la politique
administrative, trouve son fondement dans le savoir sur l’administration réelle, existante
(qu’on n’a commencé que plus tard à désigner plus spécifiquement comme science de
l’administration). I. Jastrow identifie la politique administrative à la politique sociale
(mentionnée dans le titre de l’article) : « la politique sociale est une politique conçue du

15
C’est dans cela qu’on peut voir la raison d’une certaine « rupture » de la construction dogmatique et
juridique de la science du droit administratif. Les méthodes de l’analyse dogmatique et juridique du droit
matériel ne trouvent pas d’usage direct dans le droit du système politique, la présentation de celui-ci a un ca-
ractère descriptif, avec application de notions définies par rapport à la science de l’organisation. G. Langrod,
La science de l’Administration…, p.510 note 130. Voir aussi T. Rabska, « Podstawowe pojęcia organizacji
administracji », [in :] System prawa administracyjnego, t. I, sous la réd. de J. Starościak, éd. Ossolineum,
Wrocław 1977, p. 256 et s. ; E. Forsthoff, op. cit., p. 621 et s., avec une tentative d’analyse de relations juri-
diques entre organes administratifs, p. 649 et suiv.
16
I. Jastrow, Sozialpolitik und Verwaltungswissenschaft, Aufsätze und Abhandlungen, Berlin 1902,
p. 49.
17
« (…) pratiquement le premier qui pose le problème méthodologique en rapport avec la science
administrative, qui accentue le caractère social de cette dernière et son autonomie par rapport au droit ad-
ministratif, son rôle en tant que base de toute politique administrative, sa mission scientifique par rapport
au phénomène social d’administrer et à l’action administrative en général dans la civilisation sociale de
différents milieux sociaux et de différentes époques de l’histoire » G. Langrod, Science administrative….,
p. 106 note 81.
18
I. Jastrow, op. cit., p. 32.
58 Jan Jeżewski

point de vue social. Puisqu’elle est aussi conçue comme politique administrative, il se
montre qu’elle se superpose au savoir administratif » 19.
F. Longchamps souligne la signification méthodologique de la distinction de l’ap-
proche empirique et postulative à l’administration. L’adoption du principe qu’on doit
connaître la pratique de l’action de l’administration a ouvert la voie à la détermination
de la science de l’administration en tant que science séparée. En désignant la politique
administrative, I. Jastrow a déterminé une direction de recherches qui se maintient dans
ses principes généraux depuis cent ans, jusqu’à aujourd’hui20.
La pensée de I. Jastrow a été plus tard soulevée et développée par quelques chercheurs
allemands qui ont par des approches différentes justifié la particularité et l’autonomie de
la science de l’administration par rapport à la science du droit de l’administration21.
La particularité méthodologique de la Science administrative a trouvé son expression
dans la conception de recherches de l’administration la plus conséquente à cette époque,
présentée dans l’étude de F. Stier-Somlo. Celui-ci désigne décidément trois directions
différentes d’études sur l’administration qui forment ensemble le savoir administratif
(Verwaltungswissenschaft) : la Science administrative, la science du droit administratif
et la science de la politique administrative. Il souligne en même temps que leur enrichis-
sement et leur développement se fait « non pas par une séparation méthodologique nette,
mais par une commune utilisation de résultats de recherche » 22. L’objet de la Science
administrative est la description des aménagements administratifs, tout en prenant en
considération leurs conditionnements historiques, mais aussi la critique scientifique,
compte tenu du fait que l’analyse des régulations juridiques devrait être l’objet du droit
administratif. Une Science administrative objective et descriptive constitue le fondement
de la détermination des buts de l’administration et des moyens de les atteindre, son but
n’est cependant pas uniquement de fournir du matériel à la politique. Les remarques de
F. Stier-Somlo sur la finalité de la séparation des sciences administratives sont très ac-
tuelles: « Les champs du droit administratif et de la politique administrative seront traités
par une science distincte, dont le but est une description détaillée de l’administration, de
son organisation et de ses fonctions (…) la possibilité de former une configuration de
plus en plus concentrée et fructueuse de la politique administrative se lie à cela (…) il
regrettable que, du point de vue méthodologique, justement à cause du manque d’une
Science administrative développée, notre droit administratif est obligé d’inclure dans
son système une multitude de descriptions partielles de l’administration, et par cela de
mener une politique administrative » 23.

19
I. Jastrow, op. cit., p. 3.
20
F. Longchamps, op. cit., p. 31-34. I. Jastrow écrivait entre autres : « La connaissance des détails de
l’administration prend de nos temps une importance nouvelle, jamais connue. Les changements de détails
se font maintenant bien plus rapidement qu’avant » op. cit., p. 51. On peut facilement apercevoir l’actualité
d’une telle constatation.
21
Ils sont énumérés par F. Longchamps, op. cit., p.35 ; voir aussi G. Langrod, Science administrative…,
p. 107 et suiv.
22
 F. Stier−Somlo, Die Zukunft der Verwaltungswissenschaft, Verwaltungsarchiv, 1917,Vol. XXV,
p. 142. ; Voir aussi G. Langrod, Science administrative…., p. 107.
23
 F. Stier−Somlo, op. cit., p. 114.
L’administration réelle ... 59

La science du droit administratif a adopté une conception du savoir administratif


englobant trois disciplines de recherche particulières ; dans les manuels de droit ad-
ministratif l’introduction contenait une présentation générale et le plus souvent courte
du savoir administratif (désigné parfois par le terme: sciences administratives), en tant
qu’introduction à la problématique méthodologique de l’étude de l’administration, et
surtout du droit administratif. La science du droit administratif n’était cependant pas
entièrement passive face à cette problématique ; parmi les différentes approches celle
de W. Jellinek (1927) a exercé une influence particulière. En prenant comme point de
départ la distinction des trois disciplines, W. Jellinek accentue les tâches de recherche
de la science de l’administration et de la politique administrative. La première décrit la
réalité administrative, ses conditionnements historiques, mais aussi économiques, so-
ciaux et culturels, fait des comparaisons avec des institutions étatiques et la vie sociale
à l’étranger, en utilisant la statistique elle tente de déterminer des règles sociologiques
générales. Sur cette base, elle peut formuler ensuite des indices pour améliorer l’admi-
nistration – mais cela fait déjà partie de la politique administrative au sens strict (qui
cependant peut être incluse dans la Science administrative largement comprise). La po-
litique administrative ne peut être menée que par celui qui connait le domaine de la vie
qu’il veut perfectionner. Enfin W. Jellinek a décrit la caractérisation des trois disciplines
en une formule concise qui est devenue dans les cercles de la culture juridique allemande
et autrichienne le symbole de cette problématique théorique : «  Le savoir sur le droit ad-
ministratif (…) se caractérise par le mot « devrait », alors que la Science administrative
utilise la phrase « est » et l’expression « cela devrait être ainsi » est caractéristique pour
la politique administrative » 24.
Cette brève revue des conceptions que nous considérons comme classiques nous
mène à des conclusions présentées ci-dessous. La notion de l’administration réelle est le
critère de base de la distinction de la Science administrative en tant que science descrip-
tive et empirique. L’étude de la pratique administrative, c’est-à-dire de l’administration
réelle dans un temps et un lieu donnés constitue le critère de base dans la création de
buts et de modes d’action de l’administration dans le futur, donc de la politique admi-
nistrative. Elle est en même temps une source de savoir indispensable à la création du
droit administratif. La construction des sciences administratives (du « savoir adminis-
tratif » – Verwaltungswissenschaft), figée dans la tradition de recherches de l’Europe
Continentale, a été créée en tant qu’« effet de la spécialisation du savoir scientifique »
dans l’ancienne science de l’État25. Jusqu’à aujourd’hui elle indique les aspects inchan-
geables, fondamentaux, actuels et principaux de l’étude de l’administration publique.
Les trois disciplines scientifiques qui créent ce savoir se différencient par leurs princi-
pes méthodologiques, qui sont aujourd’hui une condition nécessaire de la spécialisation,
mais en même temps qui accentuent les strictes dépendances essentielles entre elles, dé-
cidant entre autres de la valeur pratique des résultats obtenus. Ces disciplines sont donc
différenciées mais elles ne sont pas séparées.

24
W. Jellinek, Verwaltungsrecht, 3e éd., Berlin 1931, p. 98−99. Les reflets des opinions traitées ci-dessus
dans la littérature polonaise de la période entre-deux-guerres sont présentés par T. Skoczny, op. cit., p. 24.
25
T. Skoczny, op. cit., p. 59
60 Jan Jeżewski

4. Comment doit-on comprendre la notion d’administration réelle en tant que critère


objectif du détachement de la Science administrative ? Elle signifie l’action pratique
d’une administration dans un temps et un lieu donné – elle ne juge cependant pas de la
question quels aspects de cette action déterminent le cadre conceptuel. Il est difficile de
présenter ici une large discussion sur l’objet de la Science administrative, menée depuis
plusieurs années. Je me limiterai donc à l’indication d’une proposition méthodologique
générale concernant deux postulats difficiles à accorder : que la Science administrative
soit conçue comme une discipline composée (complexe) et qu’elle soit traitée comme
une discipline autonome. J’admets dans l’introduction qu’il ne faut pas identifier la
Science administrative en tant que science indépendante aux recherches administratives
menées dans diverses disciplines scientifiques, soumises à leurs buts, leurs notions et
leurs exigences scientifiques particulières.
La complexité d’une science est l’effet de la complexité de son objet – l’administra-
tion, historiquement variable, conçue comme objet et sujet, engagée dans de nombreuses
déterminations de systèmes et de politiques, économiques et sociales, mais aussi jugée
selon des systèmes de valeurs différents, historiquement et culturellement variables.
C’est un énorme champ de la réalité, trop vaste pour être englobé dans une recherche
simultanée, pour qu’on puisse en déduire des résultats de recherches universels et gé-
néraux, mais pas encombrés de caractère d’évidence qui leur ôte toute valeur cognitive.
L’administration peut donc être étudiée partiellement, dans différents fragments et as-
pects de ses structures de fonctions, dans des buts de recherche séparés – cependant
en accord avec la règle qu’il faudrait les formuler selon des critères méthodologiques
uniformes et cohérents26.
Dans la science polonaise c’est F. Longchamps qui, en déterminant l’objet des recher-
ches, a entrepris l’essai de résoudre cette difficulté.
F. Longchamps conçoit l’administration publique dans des catégories qu’il construit
et analyse largement : l’action culturelle, englobée dans la division de travail, déterminée
par des facteurs indicatifs (à caractère de nécessité, de devoir et de volonté) qui peuvent
être empiriquement constatés27. Il adopte aussi la construction de limites relatives de
l’objet, permettant de déterminer et de justifier la tâche de recherches, d’éliminer les
conditionnements et les composantes secondaires et de rapporter le résultat aux prémis-
ses28. Par conséquent, en accord avec ces principes, il a élaboré une méthode détaillée
d’études empiriques – la méthode d’études par examen – permettant de connaître un

26
Dans la science française la justification de l’individualité de la Science administrative se lie à la
notion des faits administratifs. « L’objet de la science administrative couvre les faits administratifs (…), à
savoir autant des aménagements institutionnalisés que des phénomènes bruts, d’ordre social, mais en rap-
port direct avec l’existence et le fonctionnement des Administrations publiques : événements historiques,
actes ou idées ou sentiments, situations qui s’établissent spontanément ou qui sont provoquées par l’action
administrative (…) », G. Langrod, Science administrative…., p. 105 ; Voir aussi P. Bandet, L. Mehl, « Le
fait administratif : nature, origine, et développement », [in :] Traité de science administrative, Paris-La Haye
1966, p. 80-91.
27
F. Longchamps, op. cit., p. 87 et suiv. ; voir aussi I. Skrzydło – Niżnik, « Pojęcia i kryteria sprawności
działania administracji publicznej w nauce prawa administracyjnego i w nauce administracji », [in :] Prawo
do dobrej administracji, Varsovie 2003, p. 236 et suiv.
28
F. Longchamps, op. cit., p. 127 et suiv.
L’administration réelle ... 61

fragment choisi de l’administration sous sa forme concrète, dans différentes périodes et


divers environnements, en relation avec l’ensemble total des relations sociales et éco-
nomiques. Les résultats d’études dans les monographies des phénomènes particuliers
forment ensemble une image de l’administration à multiples composantes, créée sur
la base de documents administratifs, de relations de participants des activités (actifs et
passifs), d’observations, sujet à l’analyse inductive. L’auteur ne décrit pas les méthodes
et techniques de recherche utilisées dans l’étude par examen, sa caractéristique ne laisse
cependant pas de doute que ces méthodes peuvent être différenciées, issues de la socio-
logie, de la psychologie sociale, de la sociométrie, des sociotechniques, ainsi que de la
méthode historique et comparative, ayant un usage universel dans les études de phéno-
mènes sociaux, donc aussi, avec des modifications et compléments nécessaires – dans
l’étude de l’administration publique.
De telles études sont menées en Pologne bien trop rarement. Si elles le sont – elles
augmentent énormément le savoir sur les conditionnements réels, les effets de l’activité
de l’administration et de leur influence sur les destins individuels des êtes humains. De
plus elles ouvrent des possibilités de correction des lois et de mœurs, importantes même
si elles sont limitées29.

29
Par exemple, publié récemment : B. Abramowicz, « Zebranie wiejskie jako przykład zgromadze-
niowej formy uczestnictwa obywatelskiego – sprawozdanie z obserwacji », Samorząd Terytorialny, 2011,
no 6, p. 17-31.
Wito ld Mikułowski

De la nécessite et des conditions du renouveau


de la Science administrative

Introduction

La parution en 1966, c’est à dire il y a 46 ans, du Traité de Science Administrative, sur


l’initiative et sous la rédaction du Georges Langrod1, constituait une étape très importante
dans le développement de la Science administrative en Europe et au delà. Ce livre, que nous
appellerons plus loin en abrégé le Traité, présentait l’évolution historique et l’état d’avan-
cement de la réflexion sur l’objet de cette discipline. Il avait pour ambition de lui faire
reconnaitre ses titres de noblesse, en tant que discipline autonome et reconnue comme telle.
Cette autonomie devrait être fondée sur l’intégration des apports d’autres sciences sociales
intéressées par l’administration publique comme leur domaine commun de recherche.
Le Traité n’avait pas pour ambition de présenter une théorie mure et bien structurée –
l’aboutissement d’un travail achevé et définitif. Il s’agissait de faire le point sur l’état du
développement de cette discipline, de formuler ses bases théoriques et de montrer ainsi
la voie pour ceux qui voudront suivre cette approche. L’originalité de cet ouvrage est
due au fait que, pour réaliser ce travail collectif ont été réunis non seulement d’éminents
chercheurs représentant différents milieux scientifiques intéressées par ce domaine, mais
aussi des praticiens, fonctionnaires de l’administration publique française.
Le Traité voulait dépasser le stade d’une simple pluridisciplinarité des « sciences ad-
ministratives » en vue d’atteindre le niveau supérieur de leur intégration, c’est à dire une
interdisciplinarité d’une « Science Administrative » autonome. Cette autonomie devrait
être basée sur la particularité de son objet des recherches, à savoir le « fait administra-
tif », censé constituer le point focal pour toutes les disciplines intégrées2 appelées dans
le Traité « sciences voisines »3. La partie théorique de ce livre fut focalisée non pas sur
1
Cf. Traité de Science Administrative, Éd.Mouton & CO, La Haye 1966 ; En fait, bien que l’initiative,
l’inspiration, sa contribution scientifique personnelle (le chapitre fondamental « La Science Administrative
et sa place parmi les sciences voisines ») et la rédaction effective de ce grand ouvrage était de Georges
Langrod, il y apparaît lui-même modestement sur la page de garde parmi les autres auteurs classés par ordre
alphabétique.
2
Cf. P. Bandet, L. Mehl, « Le fait administratif : nature, origine et développement », [in :] G. Langrod,
Traité…, p. 80-91 et G. Langrod « La Science administrative …», id. p. 92-123 .
3
Cf. G. Langrod, « La Science administrative et sa place parmi les sciences voisines », [in :] G. Lan-
grod, Traité… p. 92-124.
64 Witold Mikułowski

les structures de l’administration publique et leurs attributions, mais plutôt sur l’action
administrative et sa nature. Les deux approches présentées dans cette partie, l’approche
sociologique (Michel Crozier) et l’approche cybernétique (Lucien Mehl), sont considé-
rées comme à la fois fondamentales et complémentaires4.
Les auteurs du Traité ont été plutôt optimistes en se qui concerne le futur développe-
ment de la Science administrative, considérant que son existence et son rôle ne pouvaient
plus être contestés, car déjà communément reconnus. Malheureusement, les choses ont
évolué autrement. Le développement de la Science administrative basée sur l’approche
interdisciplinaire, intégrant les apports des chercheurs de diverses sciences sociales inté-
ressées par différents aspects du phénomène d’administration, s’est heurté aux obstacles
institutionnels qui se sont avérés jusqu’au présent difficiles à surmonter.
En fait, les chercheurs supposés suivre cette approche appartiennent à des institutions
d’enseignement supérieur et de recherches différentes, consacrées chacune principale-
ment à l’une ou l’autre discipline censée contribuer à cette pluridisciplinarité. Parmi ces
institutions, seules les facultés de Droit et/ou d’Administration ont créé des unités de
recherche spécialisées en Science administrative (chaires, instituts), introduit la Science
administrative dans leurs programmes d’études comme matière obligatoire5 et créé des
programmes d’études postuniversitaires spécialisés dans cette discipline (doctorats de
3-ème cycle et /ou doctorat d’États). Cependant, sous l’influence du managérisme anglo-
saxon, certaines autres institutions, notamment les facultés d’Économie et de Gestion,
ont développé les programmes d’enseignement et de recherche dans les domaines de
gestion publique et/ou de management public, ignorant l’existence et le développement
de la Science administrative. Pourtant les spécialistes de ces différents domaines parta-
gent les mêmes origines historiques du développement de leurs disciplines et les mê-
mes pères fondateurs (Fayol, Max Weber, Merton, Gouldner) que les spécialistes de la
Science administrative6.
Par conséquent, au lieu d’une intégration des efforts de chercheurs de différentes dis-
ciplines supposés étudier « le fait administratif » comme l’objet commun d’une Science
administrative, nous avons le développement parallèle des institutions de recherches et
d’enseignement dont les chercheurs s’ignorent mutuellement et collaborent très peu et
rarement, malgré qu’ils étudient tous les mêmes phénomènes sociaux. Par ailleurs, on
constate malheureusement un déclin progressif des recherches se réclamant de la Scien-
ce administrative au profit de la gestion publique et du management public7.

4
Cf. Dixième Partie : « Esquisse d’une théorie générale de l’action administrative », [in :] G.
Langrod,Traité… p. 759-833. Il faut noter à cette occasion, que cette partie du livre ne contient pas d’élé-
ments de l’approche juridique et ceci malgré les éminents juristes, auteurs du Traité.
5
Curieusement, la Science administrative n’est pas enseignée à l’ENA et aux IRA en France.
6
Nous pouvons citer à titre d’exemple deux livres d’auteurs français : Gestion publique (Dalloz 1999)
de Xavier Greffe spécialiste en Économie publique et Le management dans les organisations publiques
d’Annie Bertoli spécialiste en gestion (Dunod ; 1997, 2005). La seule référence bibliographique concernant
la Science administrative chez Xavier Greffe concerne le livre de Jacques Chevalier Science Administrative
(PUF ;1994). Les deux ne font aucune référence au Traité …
7
Cette tendance se reflète dans le nombre de publications consacrées respectivement à chacune de ces
deux filières et aussi dans sa dimension institutionnelle, car aussi bien au CNRS en France que dans l’Aca-
démie Polonaise des Sciences en Pologne il n’y a pas actuellement de centres de recherche spécialisés en
Science Administrative en tant que telle.
De la nécessité et des conditions ... 65

Nous considérons ce parallélisme et ce manque de synergie positive entre le déve-


loppement des disciplines voisines comme dommageables pour le développement du sa-
voir et du savoir-faire concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration
publique. Nous pensons qu’il est grand temps de dépasser ce stade de développement
et la meilleure façon de le faire est de chercher les voies et moyens pour surmonter les
obstacles qui empêchent la coopération et l’intégration de leurs apports. Ces obstacles
sont d’ordre institutionnel, déjà évoqués plus haut, mais il y a aussi un autre problème
important, à savoir : celui des divergences dans la compréhension des concepts utilisés.
Il faut donc établir d’abord un code de communication commun permettant de clarifier
et de s’accorder mutuellement sur le champ sémantique des notions et concepts utilisés
par les chercheurs de ces disciplines voisines. Ceci faciliterait la collaboration, crérait la
synergie positive des apports mutuels et faciliterait le développement des activités com-
munes, contribuant ainsi au renouveau de la Science administrative interdisciplinaire.
Cette Science engloberait ainsi dans son champ d’intérêt les courants de pensée récents,
qui, au fond, ne sont pas aussi innovants qu’ils semblent l’être, de management public,
de gouvernance et de politique publique.
Le but de notre article est justement d’essayer de susciter le débat qui pourrait contri-
buer au renouveau de la Science administrative. Nous considérons qu’il faut donner un
nouvel élan à son développement, fondé sur la conviction qu’elle constitue une véritable
discipline scientifique autonome bien que basée sur l’approche interdisciplinaire. Cette
discipline devrait être considérée comme l’élément focal des programmes d’études spé-
cialisées en administration et gestion publiques et faire l’objet des programmes de re-
cherches interdisciplinaires spécialisés dans ce domaine.
Dans ce qui suit, nous allons tenter de clarifier les concepts d’administration, de ma-
nagement et de gouvernance publics qui semblent constituer les notions-clés sur lesquel-
les sont focalisés actuellement ces trois courants parallèles du développement de recher-
ches sur l’administration publique et de définir sur cette base leurs relations mutuelles.
Nous voulons ressusciter ainsi, le débat théorique sur le phénomène d’administration
publique et sur le concept du « fait administratif » introduit dans le Traité. Il s’agit de
clarifier ainsi et de mettre à jour, en tenant compte de développements récents, l’objet de
recherche de la Science administrative et ses rapports avec les autres disciplines concer-
nées par son interdisciplinarité. Cette clarification devrait permettre aussi d’enrichir et
de moderniser les programmes d’enseignement dans les domaines des sciences sociales
qui s’intéressent à l’administration publique mais qui actuellement évoluent séparément,
bien qu’elles soient en réalité voisines et complémentaires.
Nous considérons que la clarification de l’objet de la Science administrative consti-
tue la condition préalable pour son renouveau, mais nous pensons aussi que ce n’est
pas pour autant une condition suffisante. Il faut en identifier et examiner aussi les autres
conditions et proposer les solutions, notamment d’ordre institutionnel, nécessaires pour
y parvenir.
66 Witold Mikułowski

1. La Science administrative et son évolution en France et en Pologne


depuis la parution du Traité de Science Administrative jusqu’à nos jours

Quarante cinq ans après la parution du Traité, la littérature consacrée aux problèmes
théoriques de l’administration reste relativement modeste aussi bien en France qu’en
Pologne.
En France, dans la littérature consacrée à la théorie et la pratique de l’administration
publique on peut distinguer trois principaux courants de pensée.
Le premier courant se situe dans la continuation de l’approche interdisciplinaire ini-
tiée dans le Traité. On doit citer ici les auteurs du livre commémoratif consacré au Geor-
ges Langrod, publié en 1980 sous le titre Science et action administrative. Mélanges
Georges Langrod ,dont notamment les articles de Louis Boulet et de Jacques Moreau8.
Le second fut initié par le premier livre important qui fut, après le Traité, consacré à
ce sujet, celui de Jacques Chevalier et de Danièle Loschak Science administrative paru
en 19789. On peut classer aussi dans ce courant l’important ouvrage de Gerard Tim-
sit Théorie de l’administration paru en 198610. Tous ces auteurs ont présenté un large
spectre de concepts concernant le phénomène d’administration publique et ont tenté de
formuler une théorie de l’administration inspirée par le marxisme.
Le troisième représente l’approche sociopolitique aux phénomènes de l’administra-
tion publique, dont le livre représentatif, intitulé Science politique de l’administration,
est paru en 2006 sous la rédaction de Françoise Dreyfus et de Jean-Michel Eymeri11.
Indépendamment du développement de recherches et d’enseignement consacrés à
l’administration publique et à la Science administrative, on constate dans les années
90 l’apparition en France des publications consacrées à la gestion et au management
publics12. On doit citer surtout les travaux d’Annie Bartoli, professeur des Sciences de
gestion et son livre Le management dans les organisations publiques, paru en 1997 ; de
Xavier Greffe, professeur d’Économie publique, dont le livre intitulé Gestion publique
fut publié en 199913 ; et l’ouvrage collectif intitulé Pour une nouvelle approche du Ma-
8
L. Boulet « Du management à la science administrative » et Moreau J. « De l’objet de la science ad-
ministrative au fait administratif » [in :] Science et action administrative . Mélanges Georges Langrod, Les
éditions d’organisation et DESA, Paris 1980.
9
J. Chevalier, D. Loschak, Science Administrative, 1er volume, Théorie générale de l’institution admi-
nistrative et le 2nd L’administration comme organisation et système d’action, éd. LGJD, Paris 1978.
10
G. Timsit, Théorie de l’administration, éd. Economica, Paris 1986.
11
 F. Dreyfus, J-M. Eymeri, Science politique de l’administration. Une approche comparative, éd. Eco-
nomica, Paris 2006.
12
Ce dernier terme d’origine anglo-saxonne (Public management) est apparu dans la littérature an-
glophone consacrée à l’organisation et au fonctionnement de l’administration publique déjà il y a bien une
40 d’années. Mais, il est devenu à la mode, étant largement utilisé dans les années 80 du siècle dernier en
relation avec le développement du courant de réformes en Grande Bretagne conduites sous l’appellation du
Nouveau Management Public (New Public Management). Progressivement cette terminologie, ainsi que
l’approche et le centre d’intérêt qui en découlent, ont dominé la littérature sur l’administration publique et
les titres de publications se référant à la Science administrative ou la Théorie d’administration sont devenus
de plus en plus rares.
13
A. Bartoli, Le management dans les organisations publiques, éd. Dunod, 1er éd. Paris 1997, 2e éd.
2005 : On peut noter ici que la spécialiste en gestion utilise le terme « management public », tandis que le
spécialiste en économie publique préfère le terme de « gestion publique » La distinction entre les notions de
De la nécessité et des conditions ... 67

nagement public. Réflexions autour de Michel Crozier, paru en 199814. Ce dernier livre
présente la gestion et le management publics considérés dans la perspective de la socio-
logie des organisations appliquée aux processus de changements dans l’administration
publique.
Le débat autour de la conception de Science administrative en Pologne, comme
c’était le cas en France, s’est déroulé avec une densité variable dans les années 1970 et
1980 15. Malheureusement ce débat s’est pratiquement arrêté lors de la chute du régime
communiste. En fait, les juristes, spécialistes du droit administratif, se sont concentrés à
ce moment surtout sur les problèmes de la construction de l’État de droit et du dévelop-
pement du droit administratif d’un État démocratique. Les politologues et sociologues
de leur côté ont été essentiellement préoccupés par les problèmes de la transformation
du régime politique et social du pays, alors que les spécialistes d’organisation et de ges-
tion se sont concentrés sur la théorie et la pratique de gestion des entreprises privées.
Par conséquent, il n’y avait plus ni de temps, ni de motivation, ni de cadre institutionnel
propices au développement d’études pluridisciplinaires sur l’administration publique et
son fonctionnement16.
Pourtant la Science administrative en Pologne fait partie depuis très longtemps des
standards officiels des programmes d’études administratives (filière Administration) et
juridiques (filière Droit). Elle constitue une matière obligatoire des programmes d’en-
seignement des Facultés de Droit et d’Administration des universités et des nombreuses
écoles supérieures publiques et privées qui offrent des programmes d’enseignement en
Administration publique17.
Dans la dernière décennie, on assiste à certain regain d’intérêt pour ce domaine et
des publications consacrées à l’administration publique et la Science administrative sont
devenues plus nombreuses. En outre, depuis quelque temps on voit apparaitre des publi-
cations consacrées à la gestion publique, au management public et tout récemment à la
gouvernance publique. Les concepts concernant ces derniers domaines sont arrivés en
Pologne avec beaucoup de retard par rapport au monde occidental. En fait, le concept du
management public est parvenu en Pologne au moment où, dans la littérature mondiale

« gestion publique » et du « management public » n’existe pas en Anglais. En fait, ce dernier terme constitue
un néologisme introduit dans la langue française récemment. Je n’ai pas trouvé dans la littérature française
d’explications convaincantes concernant la différence entre le champ sémantique de ces deux notions. Il est
caractéristique que dans l’index des mots-clés contenu dans le livre du Xavier Greffe le terme « management
public » ne figure pas. Dans celui du livre d’Annie Bartoli il figure bien. mais se réfère au chapitre consacré
à la gestion des finances publiques. En fait, Annie Bartoli classe le management public dans la catégorie des
sciences de gestion.
14
M. Finger, B. Ruchat (réd.), Pour une nouvelle approche du management public. Réflexions autour
de Michel Crozier, éd. Seli Arslan, Paris 1997.
15
L’histoire du développement de la pensée administrative en Pologne et dans le monde fut décrite de
manière excellente par Tadeusz Skoczny dans sa thèse d’habilitation intitulée : Les principaux dilemmes de
la cognition scientifique de l’administration publique, publiée en 1986 dans le cadre des publications de
l’Université de Varsovie. Dans le système polonais l’« habilitation » constitue le degré scientifique équiva-
lent à une agrégation française, à cette différence près qu’en Pologne la procédure implique la publication
au préalable d’un livre.
16
Ce phénomène est très bien illustré par l’absence au sein de l’Académie Polonaise des Sciences d’une
unité chargée des recherches sur l’administration publique.
17
En Pologne, l’enseignement de Droit s’effectue uniquement au niveau de maîtrise (5ans d’études).
68 Witold Mikułowski

sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique, il a eu le temps de


perdre déjà son caractère de courant novateur et dominant au profit d’un nouveau para-
digme, actuellement plus en vogue, de «gouvernance publique » (Public governance).
Indépendamment des effets de la mode sur l’utilisation de telle ou telle autre termi-
nologie pour traiter des phénomènes sociaux liés à l’organisation et au fonctionnement
de l’administration publique, nous observons en France, comme en Pologne, un évident
déclin des recherches approfondies sur la théorie de l’administration publique, son rôle
et les perspectives de son développement futur.
En fait, dans tous les deux pays, les parcours des spécialistes de l’administration
publique des facultés de Droit et d’Administration et d’autres tablissements d’ensei-
gnement supérieur qui offrent des programmes d’études en administration publique, et
ceux des économistes, politologues et des spécialistes en gestion, d’autre part, se sont
éloignés18. Même si en Pologne ces derniers ont découvert de nouveau récemment un
intérêt pour les problèmes de gestion, de management et enfin de gouvernance publics.
Ils développent jusqu’à maintenant les recherches et l’enseignement dans ces domaines
en parallèle et pratiquement sans collaboration avec les institutions qui offrent des pro-
grammes d’enseignement en administration publique.
En fait, en Pologne il y a actuellement peu de chercheurs, de centres de recherche et
de revues importantes, consacrées aux problèmes de la Science administrative. Dans la
plupart de cas, la Science administrative est accessoirement enseignée par les spécia-
listes du droit administratif et les publications consacrées à l’administration publique
traitent surtout les problèmes de la pratique, plus rarement de la didactique et très peu de
la théorie de l’administration.
Par ailleurs, les publications récentes, consacrées en Pologne au management public
et à la gouvernance, sont basées principalement sur la littérature étrangère, et non sur les
conceptions originales endogènes et les résultats des recherches conduites dans le pays.
Pour les nouvelles générations de chercheurs, cette littérature est généralement d’origi-
nes anglophones. Très peu des publications en allemand et encore moins en français sont
18
Ceci a eu des liens, entre autres, avec la fermeture en 1989 de l’Institut d’Organisation et de Gestion
et de Perfectionnement des Cadres Dirigeants (IOG). L’IOG était un centre de recherche et de formation en
cours d’emploi très important et dynamique, unique dans son genre dans tout le bloc des pays communistes.
Il fut créé avec l’assistance des organisations internationales (BIT et ONUDI) et collaborait étroitement avec
les meilleures institutions semblables dans le monde occidental. Il jouait un rôle très important pour le déve-
loppement de la recherche administrative basée sur l’approche pluridisciplinaire, grâce notamment au rap-
prochement du milieu des spécialistes du Droit administratif aux spécialistes d’Organisation et de Gestion
par le biais de la pensée praxéologique ayant une longue tradition et une forte position en Pologne. L’IOG fut
remplacé par l’École Nationale d’Administration Publique (KSAP) bâtie sur le modèle de l’ENA française,
qui à cette époque ne menait pas non plus d’activités de recherche et de publication. Mais en France existait
dans ce temps l’Institut International d’Administration Publique (l’IIAP) qui avec le Département des Re-
cherches et Publications publiait la Revue Française d’Administration Publique. Depuis l’IIAP fut fusionné
avec l’ENA qui mène actuellement les activités de recherche, de publication et de conseil en administration
publique. C’est dommage que la KSAP n’ait pas suivi la même évolution. Malheureusement, la direction
de la KSAP dès le début s’est distancée, par principe, non seulement de son prédécesseur, considérant qu’il
constituait le reliquat du régime communiste, mais elle a aussi renoncé (suivant l’exemple son modèle de
référence, de l’époque) à toute activité de recherche et de publication en se consacrant exclusivement à la
formation initiale et au perfectionnement en cours d’emploi des hauts cadres de l’administration gouverne-
mentale.
De la nécessité et des conditions ... 69

citées par ces auteurs. Leur inspiration vient de deux sources. La première, ce sont les
publications en anglais, souvent peu connues « de première main » . La deuxième, plus
importante et presqu’exclusivement anglophone, est celle de la coopération internatio-
nale. Cette dernière assistait le Gouvernement polonais au moment de la transition après
la chute du régime communiste et elle continue d’exercer une forte influence sur l’admi-
nistration publique et son développement depuis la période de préparation à l’accession
de la Pologne a la Communauté Européenne. Elle a aussi généré le développement des
compétences de consultants nationaux. Ceci concerne aussi la conception plus récente
de la « gouvernance », où les publications scientifiques sur ce sujet sont, pour le moment,
encore très rares19.
Dans cette situation, il n’est pas étonnant que, dans les publications récentes, nous
rencontrions souvent des malentendus et/ou l’usage inadéquat des notions et concepts
empruntés à littérature anglophone, utilisés dans les documents de la coopération tech-
nique et des bureaux de conseil qui en sont inspirés20. Ces notions sont utilisées souvent
par nos enseignants et chercheurs sans une réflexion approfondie sur leurs sens et leur
champ sémantique précis. Ils mélangent les concepts formulés dans la littérature scien-
tifique polonaise d’il y quelques dizaines d’années avec les concepts différents de mê-
mes termes, utilisés dans les langues étrangères par les disciplines scientifiques étudiant
des phénomènes sociaux similaires. Par conséquent nous employons parfois les mêmes
termes sans pour autant parler exactement de la même chose, ou bien au contraire nous
utilisons des termes différents pour décrire les mêmes phénomènes sociaux. C’est no-
tamment le cas des notions, pour nous fondamentales, de l’administration publique, du
management public et de la gouvernance. Sans préciser et obtenir un certain consensus
sur leur signification, leurs champs sémantiques et leurs relations mutuelles, il est diffi-
cile de déterminer l’objet de la Science administrative et, par conséquent, de développer
rationnellement les programmes de recherche et d’enseignement de cette discipline et
des disciplines voisines.

2. L’Administration comme l’objet de recherches des sciences sociales.

La Science administrative a pour objet de recherche, comme son nom l’indique, le


phénomène social de l’administration. La constatation de cette évidence ne préjuge ni la
signification exacte de ce terme ni son champ sémantique. En plus, la Science adminis-
trative n’est pas la seule intéressée par ce sujet, car bien d’autres disciplines des sciences
sociales sont aussi concernées par le même domaine.
19
Cf : K. Lisiecka, T. Papaj, E. Czyż-Gwiazda, Public Governance en tant que la conception de gestion
dans l’administration publique, (en polonais) Université Économique de Katowice, Katowice 2011 ; voir
aussi A. Bosiacki , H. Izdebski, A. Nelicki, I. Zachariasz (réd.), Nouvelle gestion publique et public gover-
nance en Pologne et en Europe (en polonais), éd. Liber, 2010 .
20
Le dernier exemple typique de ce genre de confusion terminologique est la traduction en polonais du
terme « gouvernance » par zarzadzanie réservé jusqu’au maintenant pour traduire en polonais « gestion ».
Par ailleurs ce dernier terme est utilisé aussi comme équivalent du terme « management ». En fait en po-
lonais comme en français, la distinction entre les notions « gestion » et « management » n’est clarifiée par
personne.
70 Witold Mikułowski

2.1. La notion de l’administration

Le terme « administration » est polysémique et imprécis. Il a depuis toujours, en


français comme en polonais, ses synonymes et des termes apparentés. Son objet devrait
donc être précisé par celui qui l’emploie ou il devrait pouvoir être déduit du contexte
dans lequel il est employé.
La signification de ce terme varie suivant le contexte et peut se référer, soit aux or-
ganisations – leurs structures et attributions, soit à leur fonction, soit à la combinaison
des deux. En fait, ce terme est employé souvent dans le droit, dans la pratique des orga-
nisations publiques ou privées et dans les écrits des chercheurs de différentes sciences
sociales, sans qu’il soit défini d’une manière précise. Même en droit ce terme n’a pas
toujours une signification très précise, il peut avoir dans les différents textes légaux des
connotations différentes et peut se référer à des champs sémantiques variables.
Employée au sens fonctionnel, l’« administration », en tant que fonction d’adminis-
trer, est souvent considérée comme synonyme de « gestion », de « management » ou,
plus récemment, de « gouvernance ». En plus, dans le langage courant, le verbe « admi-
nistrer » peut avoir parfois une connotation péjorative, indiquant une façon bureaucra-
tique de faire l’opposé des fonctions modernes de gestion, de management ou de bonne
gouvernance.
Dans sa signification organique, même dans le secteur public, l’emploi et la signi-
fication de ce terme varient suivant le contexte institutionnel. Dans l’organisation de
l’État, son champ sémantique est différent dans le contexte du pouvoir exécutif, oů on
distingue le gouvernement et son administration, tandis que dans le contexte des collec-
tivités territoriales, l’ensemble de leurs institutions, les organes délibérants et exécutifs
confondus, sont classés habituellement dans la catégorie de « l’administration de collec-
tivités locales ». Le parlement, les institutions judiciaires et les organes du contrôle de
l’État disposent aussi de leurs administrations qui exercent essentiellement les fonctions
de gestion interne de leurs moyens et constituent le support technique de leur relation
avec leur environnement.
Dans le cadre des établissements publics ou des institutions du secteur privé et asso-
ciatif, il n’est pas possible de distinguer la partie de l’institution qu’on pourrait appeler
son administration sans se référer à la nature de la fonction exercée. D’ailleurs, ces ser-
vices et fonctions sont maintenant appelées le plus souvent gestion ou management. En
plus, le terme « administration » sonnerait ici un peu obsolète et peu moderne.
Les choses se compliquent encore davantage quand les institutions privées ou non-
gouvernementales se voient confier l’exercice de l’administration publique au sens fonc-
tionnel de ce terme (les fonctions déléguées ou exercées sur la base d’une concession
ou d’un partenariat public-privé). Dans la plupart des cas, il s’agit de la fourniture des
services publics, de la gestion de biens et de moyens publics. Mais, dans certains cas, il
peut s’agir aussi de certaines fonctions régaliennes de régulations.
Par ailleurs, on doit se poser aussi la question est-ce que toutes les fonctions principa-
les prévues dans les attributions des institutions ou leurs organes classés dans les textes
de droit comme « administration publique » ont ipso facto le caractère de fonctions
administratives ? Certainement pas. Il faudrait donc bien pouvoir distinguer parmi les
De la nécessité et des conditions ... 71

fonctions exercées par les structures de l’administration publique des fonctions spécifi-
quement administratives.
Il semble donc évident que si on veut utiliser la notion d’administration comme l’ob-
jet principal de recherches scientifiques, il faut d’abord bien préciser la signification et le
champ sémantique qu’on entend lui attribuer.

2.2. L’administration comme l’objet de la Science administrative

a) Administration ou administration publique ?


L’Administration comme phénomène social constitue, à un degré variable, l’objet de
recherches de pratiquement toutes les disciplines des sciences sociales et chacune d’elles
devrait pouvoir définir d’une manière assez précise la spécificité de l’objet de ses recher-
ches. En fait, à une époque d’application de plus en plus large de l’approche pluridisci-
plinaire à l’étude des phénomènes sociaux complexes, il semble très important de définir
d’une manière assez claire et cohérente la signification des notions employées. Sans cela
cette pluridisciplinarité peut devenir un grand malentendu qui n’apporte aucune plus-
value réelle pour les connaissances scientifiques.
S’agissant de la notion d’administration comme objet de recherche de la Science
administrative, la première difficulté concerne le choix entre le concept plus universel
d’administration de toutes les formes des organisations sociales – publiques, privées et
non-gouvernementales, et le concept plus étroit de l’administration de certaines catégo-
ries des organisations publiques. La seconde difficulté concerne le choix entre la concep-
tion organique, qui met l’accent plutôt sur certain type de structures, et la conception
fonctionnelle, qui est centrée sur la nature de fonction exercée.
Dans la pratique, malgré que l’administration constitue depuis longtemps l’objet des
préoccupations des différentes disciplines scientifiques et le sujet des multiples pro-
grammes d’enseignement spécialisés, le sens exact et le champ sémantique des notions
« administration » et « administration publique » restent toujours controversés et l’objet
des polémiques. On constate cette ambigüité même dans le Traité où l’entendement de
ce terme varie chez les différents co-auteurs de cet ouvrage. En fait, la réponse à cette
question varie suivant l’approche choisie.

b) La notion d’ « administration » et de « fait administratif »


Il faut d’abord essayer de préciser davantage et d’actualiser la notion du « fait ad-
ministratif » comme objet de la Science administrative. ce qui permet de clarifier son
approche spécifique et ses relations avec les sciences voisines.
Il faut déterminer d’abord, comme l’écrivait Georges Langrod, quels sont le genus
proximum et la differentia specifica de l’objet de cette discipline, par rapport aux autres
disciplines des sciences sociales intéressées par les mêmes phénomènes sociaux ou par
des phénomènes semblables. C’est la seule façon de distinguer la Science administrative
des autres disciplines de la famille des sciences sociales qui s’occupent des différents
phénomènes liés à l’organisation et au fonctionnement de l’administration, comme le
droit, la sociologie, l’économie publique, la psychologie, la théorie d’organisation, la
praxéologie et la science politique.
72 Witold Mikułowski

En fait, d’une part, ces disciplines ne s’occupent pas uniquement de l’administration,


de l’autre elles entendent ce terme des plusieurs différentes façons et elles étudient les
phénomènes d’administration sous différents angles qui leur sont spécifiques. Dans la
mesure oů elles s’intéressent à l’administration publique, on peut les classer comme
« sciences d’administration » ou « sciences administratives »21.
D’ailleurs, en partant de mêmes prémisses, on constate que les recherches concernant
certains phénomènes sociaux conduites sous un autre sigle, comme par exemple « la ges-
tion publique » ou « le management public », ou bien «la gouvernance publique », très à la
mode ces derniers temps, rentrent bien dans le cadre conceptuel de la Science administrati-
ve, dessiné initialement dans le Traité et développé et précisé par ses auteurs par la suite.

c) La relativité de la notion d’administration publique


La notion d’administration publique constitue depuis longtemps le sujet de polémi-
ques et de tentatives de définition des auteurs qui étudient les phénomènes sociaux liés à
l’organisation et au fonctionnement de l’État.
Un certain ordre conceptuel, concernant l’emploi en langage courant de ce terme,
est contenu dans la législation. Même si le droit ne le fait pas toujours d’une manière
très précise, il oblige les sujets qui l’appliquent d’entendre les termes employés d’une
certaine façon. Ceci se fait soit directement, en introduisant dans le droit les définitions
de termes utilisés, soit indirectement par le contexte dans lequel ces termes sont em-
ployés. Malgré cela, la notion de l’administration publique, basée sur le droit positif et
son interprétation, a quand même une valeur relative, car elle n’est valable que pour son
application et interprétation. Toutefois, si le sens des notions employées et définies dans
les textes de droit est certainement utile pour l’application de ces normes, sa signification
reste quand même limitée dans le processus de leur création. En plus, dans des cas bien
trop fréquents, les différents textes de droit donnent une signification variable aux mê-
mes termes. De ce fait, la notion d’administration publique n’a d’une manière évidente
aucune valeur scientifique et objective en soi. Pour cette raison, même les spécialistes
du droit public essayent de trouver une définition de cette notion ayant un caractère plus
universel et permettant de décrire d’une manière précise l’objet de leur recherche.

d) La tentative de définition d’un cadre conceptuel d’ « administration publi-


que » comme l’objet commun de recherche de différentes disciplines des
sciences sociales
L’administration publique au sens organique est composée d’organisations consti-
tuant l’ensemble d’éléments spécifiques de la gouvernance du système social formelle-
ment organisé d’un État22, d’une collectivité territoriale ou d’une entité supra-étatique
comme l’Union Européenne.

21
Cf. H. Izdebski M. Kulesza, Administracja publiczna. Problèmes généraux 3ème éd., Éd. Liber, Var-
sovie 2004, p.11 et suiv.
22
La question qu’on peut se poser ici est de savoir est-ce que ce conglomérat peut être considéré comme
un système susceptible de faire l’objet spécifique de recherches ? Ou bien s’agit-il ici d’un nombre de sys-
tèmes administratifs distincts, qui possèdent certains traits spécifiques communs sans avoir pour autant des
liens entre eux qui justifieraient de les traiter comme une seule macro-organisation ?
De la nécessité et des conditions ... 73

La notion d’un « système social formellement organisé » peut se référer à la société


vivant sur un territoire donné, consciente de sa particularité et gouvernée, plus ou moins
souverainement, par le droit dont elle s’est dotée (ou elle fut dotée). Mais il peut signifier
également une organisation ayant pour objectif fondamental d’assurer à cette société une
certaine autonomie, la sécurité, la satisfaction de ses besoins fondamentaux ainsi que son
développement durable et équilibré. On peut dire en somme, que la fonction essentielle
d’une telle organisation est la gouvernance considérée comme influence, exercée sous
différentes formes, sur la société gouvernée et sur son environnement interne et externe,
de manière à ce que les objectifs indiqués plus haut puissent être atteints.
Concernant l’État, nous avons l’habitude de nous référer à la conception du Montes-
quieu de partage et d’équilibre des trois pouvoirs : la législature, la justice et l’exécutif.
Dans une société démocratique ces pouvoirs sont en principe formellement autonomes.
Chacun de ces pouvoirs est supposé disposer d’un système indépendant de ses propres
structures, ressources humaines et moyens financiers et matériels. Dans la pratique des
démocraties contemporaines, les systèmes de gouvernement sont plus complexes, car
les États modernes disposent aussi des institutions qui ne rentrent pas dans les cadres
de ces trois pouvoirs traditionnels. C’est le cas d’institutions indépendantes de contrôle
de l’État et de la protection du droit en Pologne, à savoir : la Chambre Suprême de
Contrôle, le Défenseur des droits civiques ou le Conseil National de la Radiophonie et de
la Télévision. Chacune de ces institutions possède des structures complexes, composées
d’éléments disposant d’une plus ou moins grande autonomie de gestion de ses moyens,
qu’on a l’habitude d’appeler une administration.
En plus, les fonctions exercées par les différentes institutions du système de gou-
vernement ne constituent pas leur compétences entièrement exclusives et ne sont pas
complètement séparées et disjointes les unes des autres. C’est le cas par exemple de la
création des règles de droit par les organes du pouvoir exécutif ou l’exercice par le pou-
voir législatif des fonctions de contrôle d’activités des organes du pouvoir exécutif.
Dans le modèle général du système du gouvernement, l’administration publique en
tant qu’organisation, est traditionnellement considérée comme l’élément fondamental du
pouvoir exécutif, chargé dans ce cadre d’exercer les fonctions de régulation et d’organi-
sation dans les domaines de la vie économique et sociale qui sont soumis à l’ingérence
de ce système, de fournir certains biens considérés comme publics, d’assurer certains
services d’intérêt public et de gérer le patrimoine public.
Cependant, dans la pratique, nous appelons aussi « administration publique « les
structures qui exercent les fonctions d’état-major (d’organisation et d’expertise interne)
et les fonctions logistiques, pour le compte des institutions publiques chargées d’autres
fonctions de ce système. Il y a ainsi des administrations du parlement, des juridictions et
des autorités indépendantes. Enfin, nous appelons aussi « administration » des hommes
liés par des liens organisationnels au sein des macro- et microstructures de l’administra-
tion publique et nous étudions leurs relations internes et avec l’environnement externe
de l’administration.
74 Witold Mikułowski

2.3. L’interdisciplinarité de la Science administrative


et ses relations avec les sciences voisines

a) Les Sciences administratives et leur objet de recherche


L’administration publique entendue d’une manière aussi large, constitue l’objet de
recherches des plusieurs disciplines des sciences sociales qu’on nomme parfois « les
sciences administratives » ou, comme c’est devenu la mode depuis quelque temps en
Pologne « les sciences sur l’administration ».
Les différentes « sciences administratives » sont unies par le même champ de recher-
ches et elles sont différenciées par leurs perspectives spécifiques d’investigation et aussi,
dans une plus ou moins grande mesure, par les spécifiques méthodes de leur recherche.
Parmi ces sciences administratives on peut distinguer :

a) Les disciplines théoriques et empiriques avec un but essentiellement cognitif


Elles s’occupent de décrire et d’analyser la nature des phénomènes sociaux spécifi-
ques liés à l’existence, à la création et au fonctionnement des macro- et microstructures
de l’administration publique considérée comme une partie distincte de l’appareil du sys-
tème de gouvernance publique donnée. Elles étudient la nature des fonctions exercées,
les mécanismes de leur fonctionnement et les effets de leur influence exercée sur le
système social gouverné. Elles ont pour but de découvrir les règles et les relations causa-
les sur lesquelles peuvent être formulées des théories explicatives pour les phénomènes
et processus étudiés et les lois qui les déterminent. On peut classer dans cette caté-
gorie :
– la philosophie de l’administration qui s’occupe de la théorie générale de l’adminis-
tration, des objectifs de l’administration, de son rôle dans la société et des principes
qui devraient guider son fonctionnement ;
– la théorie du droit public et notamment du droit administratif, intéressée par la
construction formelle juridique de l’administration (structures, attributions, procé-
dures et contrôles formels d’activité)
– l’histoire de l’administration, étudiant les processus du développement et de l’évo-
lution des institutions et systèmes administratifs ;
– la science politique de l’administration, intéressée par l’administration comme ins-
trument du pouvoir politique et par les relations entre ce pouvoir, l’administration
et leur environnement social ;
– l’anthropologie, la sociologie et la psychologie de l’administration, étudiant le rôle
du facteur humain dans le fonctionnement de l’administration ;

b) Les sciences normatives théoriques et appliquées


Elles étudient le fonctionnement de l’administration publique sous l’angle de son
efficacité et de son efficience par rapport à ces missions et objectifs. Elles considèrent
l’administration publique comme un ensemble d’organisations spécifiques, dont les
structures internes, les ressources et les modes de fonctionnement sont examinés en vue
de la formulation des directives d’action qui peuvent influencer positivement l’exercice
des fonctions qui leurs sont confiées et combattre des pathologies constatées dans leurs
De la nécessité et des conditions ... 75

organisation interne, fonctionnement et relations avec l’environnement. On peut classer


dans cette catégorie :
– la théorie d’organisation et la praxéologie ;
– la psycho-sociologie (sociotechnique) d’administration;
– la politique publique ;
– le droit administratif en tant qu’instrument de régulation et de mise en œuvre des
politiques publiques ;
– le management et la gestion publique ;
– l’économie de l’administration publique, qui étudie les relations entre les coûts
et l’efficacité de son action, d’une part, et ses moyens de fonctionnement, d’autre
part ;
– la bonne gouvernance, qui étudie le fonctionnement et l’impact de l’activité de
l’administration sous l’angle de ses relations et interactions avec le système social
environnant ;
Les sciences appliquées ont naturellement un caractère secondaire par rapport aux
sciences normatives théoriques qui constituent les bases de leur développement. Dans la
pratique, les unes comme les autres existent rarement à l’état pur. Pour des raisons pratiques
bien compréhensibles, les sciences sociales appliquées, dominent quantitativement et leurs
fondements théoriques sont souvent assez faibles, peu clairs et parfois, de point de vue de
leur rigueur scientifique, douteux. En fait très souvent l’art et la science y sont confondus
Les recherches des sciences appliquées apportent beaucoup d’éléments de description et
d’analyse des phénomènes sociaux étudiés. Malheureusement leurs résultats souvent ne
sont pas exploités suffisamment pour avancer le développement des sciences théoriques
fondamentales. Ces dernières ne disposent pas souvent des moyens humains et financiers
nécessaires pour pouvoir exploiter et systématiser les résultats des recherches appliquées
en vue de formuler les nouvelles théories scientifiques au sens propre du terme.
Les frontières entre les différentes disciplines, surtout en ce qui concerne les scien-
ces administratives appliquées, sont généralement floues et difficiles à tracer. Chacune
d’elles exploite à un degré variable les acquis des disciplines voisines. Évidemment il
n’y rien du mal à cela, à condition de respecter la rigueur scientifique. Cependant, la
tendance de certaines de ces disciplines à prétendre jouer le rôle de la discipline princi-
pale de recherches sur l’administration publique et traiter les autres comme disciplines
auxiliaires, a souvent des conséquences négatives pour l’enseignement et, en dernier
ressort, pour le professionnalisme des fonctionnaires. En Pologne, c’est surtout le cas
du droit administratif considéré souvent comme discipline principale, avec la science
administrative comme son auxiliaire.

3. La Science administrative comme discipline interdisciplinaire autonome

La question d’existence et de raison d’être d’une Science administrative autonome,


interdisciplinaire et non subordonnée à d’autres (par ex. au Droit administratif), reparait
périodiquement dans le milieu des chercheurs spécialisés en administration publique et
jusqu’à maintenant elle ne trouve pas de consensus clair sur la réponse.
76 Witold Mikułowski

Pour répondre à cette question il faut se demander d’abord si l’existence d’une telle
discipline est scientifiquement fondée et ensuite, si son développement est utile et de-
vrait être promu. Si la réponse est oui, il faut se demander par qui et comment.
La réponse à la première question dépend de la détermination s’il existe et en quoi
consiste une spécificité du phénomène de l’administration, autrement dit – quel est son
genus proximum et quelle est sa differentia specifica par rapport aux autres phénomè-
nes sociaux. Pour pouvoir résoudre cette question, qui reste encore controversée, il
faut d’abord définir de manière précise la notion d’administration publique considérant
qu’elle constitue l’objet principal des recherches de la Science administrative. Il faut
ensuite décider si la spécificité de l’administration publique se trouve dans sa nature
particulière en tant qu’organisation, ou dans la spécificité de son rôle et de ses fonctions,
ou bien dans la combinaison spécifique de ces deux aspects.
En fait beaucoup des malentendus dans les discussions autour de la raison d’être de
la Science administrative autonome au sein de la famille plus large des sciences admi-
nistratives découlent avant tout du manque de consensus et d’une claire détermination
de l’objet spécifique des recherches de cette discipline.
Je partage l’opinion de ceux qui considèrent que la démarche théorique de la Science
administrative doit être basée d’abord sur l’approche fonctionnelle, c’est à dire la nature
spécifique de la fonction administrative. Je pense qu’elle doit être examinée en s’ap-
puyant sur les bases théoriques de la praxéologie, de la théorie de systèmes et d’organi-
sations et de la cybernétique.
L’approche praxéologique détermine l’orientation générale de la Science administra-
tive en tant que science qui s’occupe de l’efficacité et l’efficience d’activité des hom-
mes et de leurs organisations. Les théories des systèmes et des organisations permettent
de situer cette activité dans le cadre des structures chargées d’organiser et orienter les
fonctionnement des systèmes sociaux administrés. Tandis que la cybernétique place ces
organisations et leurs activités dans l’optique de leur rôle et de leur mission générale qui
est le pilotage et la régulation des systèmes sociaux administrés, en vue d’assurer leur
développement durable et équilibré.
En adoptant l’approche systémique et cybernétique, nous traitons l’administration
publique comme élément du système de la gouvernance d’un système social donné dont
les éléments de base englobent :
– le sous-système politique dont le rôle est la sélection, la détermination et la com-
munication des objectifs et programmes d’action, de l’organisation et des règles de
fonctionnement du système de gouvernance et du comportement de ses acteurs;
– le sous-système des régulateurs dont le rôle consiste à agir sur la société de façon à
ce que les objectifs fixés par le sous-système politique et les programmes adoptés
soient réalisés et que les normes de comportement établies soient respectées ;
– le sous-système de réalisation dont le rôle est la mise en œuvre et l’exécution des
programmes et objectifs adoptés.
Tous ces éléments sont complexes, liés formellement et informellement les uns aux
autres et s’influencent constamment mutuellement.
Le processus de gouvernance du système social s’effectue à différentes échelles : à
l’échelon d’une collectivité locale, au sein d’une collectivité autogérée fonctionnelle, à
De la nécessité et des conditions ... 77

l’échelle d’un État ou d’une entité supra-étatique régionale (l’Union Européenne). Les
systèmes de gouvernance des différents niveaux sont liés entre eux organiquement et
fonctionnellement et forment obligatoirement ou volontairement des macro-systèmes
divers. Au sein de ces systèmes l’administration publique, au sens large et organique de
ce terme, joue le rôle de régulateur, mais aussi, dans une mesure plus ou moins large, les
fonctions d’effecteur (production de certains biens et services, gestion des biens publics,
etc.).
Je pense, que seule la fonction de régulateur, exercée par l’administration publique
dans le cadre des structures formelles du système de gouvernance d’un système social,
peut constituer pour la Science administrative son objet spécifique23. Je pense que seule-
ment cette fonction de l’administration publique possède une nature fondamentalement
différente par rapport aux fonctions des autres éléments des systèmes de gouvernance
ainsi que par rapport aux fonctions similaires des organisations qui ne font pas partie des
structures de ces systèmes. Je considère, par conséquent, que c’est seulement cette fonc-
tion qui mérite d’être prise en considération comme l’objet d’une discipline scientifique
spécifique et autonome.
La fonction administrative consiste en fait à exercer les différentes formes de régula-
tion au sens large du terme, des activités et comportements de la société gouvernée, dans
le but de réaliser son intérêt général et des intérêts particuliers de ses membres, garantis
et protégés par la loi24.

4. Les relations entre les fonctions d’administration publique, de gestion


publique, de management public et de gouvernance

Pour bien déterminer le champ de recherche de la Science administrative il faut cla-


rifier d’abord les relations et liens entre la fonction administrative et les fonctions de
gestion et management public et de gouvernance.

a) La fonction administrative
La fonction administrative, en tant que fonction de régulation dans le processus de
gouvernance d’un système social, constitue une fonction extérieure du système de gou-
vernement et le produit des organisations qui l’exercent. Généralement elle constitue
la principale raison d’être de ces organisations. Elle est exercée par l’organisation qui
en est légalement chargée sur le système social qui constitue son environnement direct.
Elle consiste à agir sur cet environnement en employant les formes d’action de la puis-
sance publique et/ou les formes non contraignantes, mais toujours légitimées par ses
attributions légales et, en principe, de façon désintéressée. Dans tous les cas, cette action
devrait être conduite dans l’intérêt de la communauté gouvernée.

23
La fonction de régulateur dans un système de gouvernance est exercée aussi par les organes de la jus-
tice, qui veille sur le respect de la légalité. Toutefois elle n’entreprend pas de sa propre initiative d’activités
de régulation visant à organiser, piloter ou stimuler les activités de la société gouvernée.
24
La capacité de concilier et de préserver l’équilibre adéquat entre ces deux catégories d’intérêts sou-
vent contradictoires constitue un des problèmes fondamentaux de la gouvernance démocratique efficace.
78 Witold Mikułowski

La fonction de gestion et de management constitue « le processus de planification,


d’organisation et de contrôle du fonctionnement d’une organisation et de ses employés
en utilisant toutes les ressources disponibles pour réaliser les buts de l’organisation »25
La fonction de gestion est donc une fonction interne de l’organisation et bien qu’elle
soit indispensable pour son fonctionnement, sa survie et son développement, elle ne
constitue pas son but principal et sa raison d’être. Elle consiste à agir sur les hommes et
les unités composantes de cette organisation lies avec elle par des liéns organisationnels
ou par la relation d’emploi. Elle a pour but d’organiser la coopération efficace et l’utili-
sation rationnelle des ressources de l’organisation de manière à assurer la réalisation de
ses missions et objectifs.
La gestion publique s’adresse aux ressources propres de l’organisation dont elle peut
disposer. Cette caractéristique importante différencie la fonction de gestion de la fonc-
tion de gouvernance d’un système social.

b) Les fonctions de gestion et de management public


Je considère qu’il est difficile de différencier clairement ces deux fonctions ; elles sont
d’ailleurs souvent confondues en France comme en Pologne. En langue polonaise cette dis-
tinction n’a pas beaucoup de sens, car ces deux termes constituent en fait des synonymes, le
terme « management » est un néologisme introduit récemment et son emploi est plutôt une
question de mode, car il semble avoir une connotation plus moderne. A la limite on pourrait
donner au terme « management » une connotation indiquant l’accent mis d’avantage sur
les fonctions de leadership, de direction, de pilotage et de coordination des activités, tan-
dis que le terme « gestion » pourrait sous-entendre plutôt la fonction de gérer les moyens
à tous les niveaux de l’organisation. En polonais, le terme « ménagement » s’apparente
d’avantage à la fonction de direction (kierownictwo) et le terme « gestion » (zarządzanie)
semble avoir une signification plus large, incluant aussi la direction. Mais cette dernière
fonction s’adresse plutôt à l’intérieur de l’organisation et ses propres moyens.
Personnellement, je considère que la gestion publique (management public) est une
fonction d’organisation et de direction exercée dans les organisations dotées par le pou-
voir public des objectifs, compétences et moyens en vue de réaliser l’intérêt public. Il
s’agit principalement des organisations publiques, mais ce peuvent être aussi les organi-
sations non-gouvernementales ou privées auxquelles on a confié des missions et tâches
publiques à réaliser dans l’intérêt général et avec l’emploi de moyens publics.
Cette activité peut concerner :
– la gestion interne des unités particulières d’une administration publique ou d’un
système de ses unités hiérarchiquement subordonné (gestion des moyens, organi-
sation et direction des systèmes d’information et de communication, planification,
coordination, contrôle et évaluation des activités, gestion des changements institu-
tionnels, etc.) ;
– la gestion des organisations chargées de produire des biens publics et des services
d’utilité publique;
– la gestion des moyens du trésor public, du patrimoine public et des biens publics ;

25
M. Kostera, Podstawy administracji i zarzadzania, Éd. WSPiZ, Varsovie 1998, p. 5.
De la nécessité et des conditions ... 79

Cette définition indique que la notion de gestion publique s’applique non seulement
à toutes les organisations qui exercent les fonctions de la gouvernance publique mais
aussi aux organisations publiques qui n’exercent pas ces fonctions et même à certaines
organisations non-gouvernementales et privées.
La gestion publique réalisée à l’échelle micro-organisationnelle des unités adminis-
tratives particulières et de leurs cellules internes, ressemble le plus à la gestion des or-
ganisations privées et non-gouvernementales. Leur spécificité indéniable, par rapport à
ces dernières, découle de leur appartenance aux macro-systèmes plus complexes dont
elles constituent les sous-systèmes et avec lesquels les lient divers liens de dépendance
formels (légaux, financiers, politiques) et informels. Mais la plus grande spécificité de
gestion publique se situe au niveau des macro-systèmes administratifs des États et supra-
étatiques comme l’Union Européenne.

c) Les fonctions de gestion et de gouvernance publique


Dans le cas de la fonction de gouvernance, l’autorité de puissance publique dont
disposent certaines organisations provient dans les pays démocratiques de l’autorisation
des électeurs, c’est à dire de ceux qui sont gouvernés. Les actes pris dans le processus de
gouvernance constituent des actes externes et ils ont un caractère exécutoire seulement
quand ils sont prévus comme tels dans les dispositions légales adoptées le plus souvent
par un autre organe que celui qui les applique.
La confusion de la fonction de gouvernance avec la fonction de gestion constitue in
phénomène typique d’envoutement de néophytes par le paradigme du Nouveau Mana-
gement Public qui porte en lui la menace d’un managéralisme technocratique dangereux
pour la démocratie. Je considère qu’on ne devrait pas essayer de gérer la société d’un
État, d’une région ou d’une commune, car ce ne sont pas des organisations au sens pro-
pre de ce terme, mais constituent des communautés autonomes, composées de sujets
libres et autonomes eux aussi (citoyens et leurs organisations, sociétés et entreprises
privées), et qui n’ont pas des liens organiques avec les organes qui exercent les fonction
de gouvernance26.

5. La nécessité et les conditions de renouveau


de la Science Administrative en Pologne

1) La nécessité de reconnaitre la Science administrative comme une discipline


autonome au sein de la catégorie des sciences sociales
Les recherches actuellement conduites en Pologne sous le sigle « Science adminis-
trative » sont dominées et limitées par leur subordination formelle et institutionnelle à

26
Les tentatives d’une telle approche technocratique au développement régional promues pendant des
années par la Banque Mondiale et le FMI dans les pays en développement sous la forme des sociétés ré-
gionales susceptibles de gérer le développement ont toutes échouées. Elles étaient toutes très couteuses,
inefficaces et avec des effets catastrophiques pour l’instauration de système de la gouvernance démocratique
au niveau local. En fait, elles ont freiné efficacement le développement des collectivités locales et détruit les
embryons de la démocratie locale basée sur les relations sociales traditionnelles endogènes.
80 Witold Mikułowski

la Science du droit administratif. Actuellement, les Sciences administratives (au pluriel)


sont classées comme une de disciplines des sciences juridiques à coté du Droit et du
Droit canon. C’est un anachronisme évident. À la lumière de son caractère interdisci-
plinaire, reconnu actuellement universellement, la Science administrative devrait être
considérée comme une discipline autonome au sein des sciences sociales. Dans le cadre
de cette discipline, pour des besoins des recherches et/ou de l’enseignement, peuvent
être distinguées les sous-disciplines et programmes d’études plus spécialisés.
D’autre part, de la même façon, les recherches et l’enseignement du management
public sont de facto inclus et marginalisés dans le cadre des sciences économiques et
de gestion. Tandis que la problématique de la gouvernance efficace et démocratique,
ainsi que des politiques publiques, sont prises en considération (marginalement) dans les
cadre de l’enseignement et des recherches de la science politique et de la sociologie des
organisations. De par ces faits, les recherches dans ces domaines ne peuvent pas prendre
la place qu’elles devraient avoir, en raison de leur importance pour le développement du
pays.

2) La nécessité de créer un cadre institutionnel propice au développement de la


Science Administrative et du Management public en Pologne
La formation des cadres administratifs modernes, capables d’un raisonnement créatif
qui tiendrait compte de la spécificité de l’administration publique polonaise, ne sera pas
possible sans une base scientifique solide et sans un système autonome de recherches sur
l’administration et le management public.
Ce système devrait avoir de solides fondements institutionnels sous la forme d’un
centre de recherches interdisciplinaires sur l’administration et le management public
dans le cadre de l’Académie Polonaise des Sciences ou comme une institution indé-
pendante sous la forme par exemple d’un Institut d’Administration et de Management
Public avec le statut d’un établissement public autonome ou d’une fondation publique
ou non-gouvernementale. Cet Institut, en plus de ses propres recherches, pourrait pro-
mouvoir et coordonner les programmes de recherche dans ce domaine. Il pourrait contri-
buer ainsi au développement d’un réseau des centres de recherche régionaux similaires
et/ou les centres existants dans le cadre des institutions d’enseignement supérieur qui
délivrent des programmes d’études générales en administration et management pu-
blic ou spécialisés dans des secteurs spécifiques (Défense Nationale, Gestion de Santé
Publique, Éducation Nationale etc.). Il pourrait conduire et/ou coordonner des pro-
grammes d’études postuniversitaires (maîtrises et doctorats) et agir également comme
think-tank indépendant, spécialisé dans ce domaine pour les besoins du gouvernement
polonais.

3) Le postulat de création d’une revue scientifique spécialisée en administration


et management public
Le renouveau des recherches sur l’administration publique exigerait également la
création d’une sérieuse revue spécialisée, ayant une dimension nationale et un niveau
scientifique international, qui pourrait constituer un forum pour la présentation des ré-
sultats de recherche, des problèmes importants de la pratique et de véritables débats
De la nécessité et des conditions ... 81

scientifiques à caractère interdisciplinaire27 à l’instar de la regrettée Służba Cywilna28.


D’ éminents spécialistes étrangers pourraient être invités à participer à la publication de
leurs articles dans les numéros spéciaux consacrés à des sujets spécifiques particulière-
ment importants.
Une revue de ce genre pourrait être publiée sous les auspices de la Section Polonaise
de l’Institut International des Sciences Administratives dont le rôle est actuellement as-
suré par la SEAP. Mais dans l’avenir ce serait peut-être mieux d’avoir un fondement
institutionnel plus solide sous la forme d’un Institut d’Administration et de Management
Public dont nous avons suggéré la création plus haut.

4) La nécessité de créer des conditions pour la formation de chercheurs et ensei-


gnants spécialisés en Science administrative et management public
Le développement de recherches et d’enseignement de la Science administrative
exige avant tout le développement des études doctorales dans ces domaines. Ces études
pourraient avoir le caractère des programmes interuniversitaires afin de pouvoir leur
assurer un caractère véritablement interdisciplinaire. C’est urgent dans la mesure oů la
vieille garde des spécialistes de cette discipline est en train de subir une réduction natu-
relle et l’absence prolongée d’ études de ce type crée en Pologne une lacune génération-
nelle dans ce domaine. Combler cette lacune à l’aide des spécialistes étrangers pourrait
renforcer la tendance actuelle au mimétisme inspiré par les modèles étrangers sans tenir
compte des spécificités de notre contexte culturel et de notre propre tradition de pensée
et de pratique administratives.

5) La nécessité de modernisation des programmes d’études universitaires en ad-


ministration publique et de leur donner l’autonomie institutionnalisée et le
caractère pluridisciplinaire
La reconnaissance de l’autonomie institutionnelle de la Science administrative et
des programmes d’études en Administration publique par rapport aux facultés de Droit,
constitue une condition sine qua non pour le renouveau et le développement véritable
de la Science administrative en Pologne. De même, les programmes d’études en Gestion
publique ne devraient pas être considérés comme seulement une spécialisation dans le
cadre des programmes d’études des facultés de Gestion. Sans une réelle autonomie des
programmes d’études modernes en administration publique, ni une modernisation ef-
fective de l’administration publique, ni le renouveau et le développement de la Science
administrative ne seront possibles.
Les études en administration publique doivent devenir véritablement pluridiscipli-
naires, ce qui signifie le traitement équivalent des différentes disciplines scientifiques

27
Dans le système polonais « habilitation » constitue le dégré scientifique équivalant à une agrégation
en France.
28
La révue Służba Cywilna était publiée par l’Office de la Fonction Publique polonaise qui fonctionnait
sous l’autorité du Prémier Ministre. Cette excellente revue paraissait comme une revue trimestrielle 3 fois
par an (avec un numéro double) en polonais et une fois par an avec les sélections des meilleurs articles
traduits en anglais. Malheureusement la revue a cessé d’exister quand à l’occasion du changement de la
majorité, suite aux élections parlementaire. l’Office fut supprimé comme entité autonome et remplacé par
un simple département ministériel au sein de la Chancellerie du Premier Ministre.
82 Witold Mikułowski

qui constituent les fondements de la Science administrative autonome. Par conséquent,


comme dans le cadre des études juridiques, oů toutes les thèses de licence, maîtrise ou
de doctorat doivent être consacrées aux sujets juridiques, de même, dans le cadre des
études administratives, elles devraient être consacrées aux différents problèmes de l’or-
ganisation et du fonctionnement de l’administration publique et de ses relations avec
son environnement politique, économique et social. Bien évidemment, elles peuvent
concerner aussi les problèmes liés à la réglementation et l’application du droit (d’ailleurs
non seulement du droit administratif), mais du droit considéré comme instrument d’ac-
tion de l’administration publique, organisant son fonctionnement interne et ses relations
avec son environnement et étudié sous l’angle de son efficacité en tant qu’instrument de
régulation.

6. Conclusions

Nous sommes convaincus que, suivant la démarche intellectuelle tracée dans le Traité
par Georges Langrod et ses collaborateurs, il est possible et nécessaire de faire reconnai-
tre à la Science administrative le statut d’une discipline autonome, basée sur l’interdis-
ciplinarité. Cette approche devrait en principe permettre la créatiom des conditions de
son développement, basées sur la coopération et la synergie positive des activités de re-
cherche sur les mêmes phénomènes sociaux menées sous les sigles des sciences sociales
différentes, qui se développent actuellement d’une manière indépendante et cloisonnée.
Malheureusement, pour diverses raisons, cette démarche jusqu’à maintenant, n’a pas été
suivie d’effets et nécessite d’être actualisée et activement promue.
Selon notre avis, c’est la fonction de régulation, considérée comme l’instrument fon-
damental de la gouvernance des systèmes sociaux complexes29, qui devrait constituer le
principal objet de la Science administrative. Cette fonction est exercée par les structures
d’administration publique et autres organes légalement habilités à agir (réguler, orienter
et influencer) sur le comportement des membres de la société gouvernée. Elle devrait
être réalisée en vue d’assurer l’intérêt général de cette société (notamment la sécurité
extérieure, la paix sociale, la satisfaction des besoins fondamentaux et le développement
équilibré et durable), ainsi que de protéger leurs intérêts individuels et collectifs garantis
par le droit en vigueur.
La réalisation efficace et efficiente de différentes missions et fonctions du système
de gouvernance du système social d’un niveau donné dépend dans une grande mesure
de la qualité du système de gestion et de management des organisations auxquelles ces
missions ont été confiées. Dans les recherches du domaine de la Science administrative
on ne peut pas éviter les questions concernant la gestion et le management de ces orga-
nisations. En fait, ces fonctions et la fonction administrative sont étroitement et indis-
sociablement liées, les frontières entre elles sont pratiquement impossibles à délimiter
et ceci crée leur spécificité par rapport à leur réalisation dans le contexte des organisa-

29
Les systèmes de gouvernance publique sont organisés en plusieurs niveaux : collectivités territoriales,
États, régions supra-étatiques (Union Européenne).
De la nécessité et des conditions ... 83

tions privées . Il est donc pratiquement impossible de s’occuper des missions et objectifs
des organisations publiques faisant abstraction des mécanismes internes qui condition-
nent l’efficacité de leurs réalisation. Pour cette raison ces questions doivent être traitées
conjointement aussi bien dans la recherche que dans les programmes d’enseignement.
Par conséquent, le champ d’investigation des recherches du domaine de la Science ad-
ministrative devrait englober les liens et relations causales au sein du système du gou-
vernement entre les fonctions de gestion et de management internes des organisations et
les fonctions administratives de régulation que ces organisations exercent.
W o jciech Sawcz y n, A ndrzej Skoczylas

Du choix des critères de contrôle


de l’administration

La présente étude s’occupera de l’essentiel


de l’œuvre du professeur Jerzy Langrod, de la question
des critères et de l’efficacité du contrôle de l’administration

Il convient de savoir qu’un des éléments indispensables de l’efficacité de l’adminis-


tration publique est son contrôle. Z. Leoński soulignait que chaque organisation, donc
également l’administration publique, devrait être soumise au contrôle pour mettre en
lumière les irrégularités de son fonctionnement, ce qui permettrait ensuite de les éliminer
et de prévenir les événements défavorables dans le futur1. Dans ce contexte il faudrait
prendre en considération les œuvres complexes du professeur J. Langrod concernant la
juridiction administrative et le contrôle judiciaire de l’administration2. Déjà en 1925 le
Professeur insistait sur le fait que la mission principale de la juridiction administrative
était le contrôle de l’administration, et que la protection des droits et intérêts de l’unité
n’était que sa mission secondaire. Il indiquait qu’à chaque fois « par principe, il s’agit
du contrôle des actions et des négligences de l’administration publique », car il est pos-
sible d’imaginer l’activité des tribunaux administratifs sans tenir compte des droits de
l’individu3.
Le contrôle, dont le contrôle de l’administration publique, est donc un processus
complexe, aux fonctions correctives avant tout4. En simplifiant, le contrôle de l’adminis-
tration (et plus précisément le processus de contrôle de l’administration) consiste à dé-
terminer l’état réel dans le temps et un lieu définis et à évaluer cet état (par ex. l’activité
de l’organe donné de l’administration dans une période donnée) en comparant son image
réelle aux prévisions du départ (par ex. le droit matériel et le droit processuel en vigueur,
les objectifs fixés ou les paramètres définis). Cela permet de constater les éventuelles
irrégularités dans le fonctionnement de l’administration. Dans ce cas, il convient de dé-
1
 Z. Leoński, Zarys prawa administracyjnego, Varsovie 2006, p. 231 ; et Z. Leoński, Nauka adminis-
tracji, Varsovie 2002, p. 133.
2
J. S. Langrod, Kontrola administracji, Varsovie-Cracovie 1929, p. 163.
3
J. S. Langrod J.S., Zarys sądownictwa administracyjnego ze szczególnem uwzględnieniem sądownic-
twa administracyjnego w Polsce, Varsovie 1925, p. 29.
4
Cf. S. Jędrzejewski, H. Nowicki, Kontrola administracji publicznej. Kontrola a nadzór. Struktura sys-
temu. Instytucje, Toruń 1995, p. 6-10.
86 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

terminer leurs causes et de formuler les conclusions et recommandations pour éliminer


les phénomènes désavantageux détectés5.
Grâce au contrôle, il est possible de mesurer le niveau de réalisation des objectifs
fixés de l’administration, ce qui devrait permettre de détecter suffisamment tôt les ir-
régularités (écarts des paramètres définis, solutions fautives) et de mettre en place les
actions de correction. C’est pourquoi il est recommandable que les fonctions de contrôle
soient exercées tant par les entités autres que les entités réalisant l’administration publi-
que (dans le cadre, par ex. du contrôle judiciaire de l’administration) que par les entités
existant à l’intérieur de la structure des organes de l’administration (soit même au sein
de l’organe donné de l’administration, ce qui a lieu, par exemple, en cas d’audit interne).
Dans ce dernier cas, l’objet du contrôle sont non seulement les effets extérieurs de l’ac-
tion des organes de l’administration, mais également les procédures intérieures de la
circulation de l’information, l’efficacité de la planification et le choix des solutions ainsi
que la performance des structures organisationnelles.
En pratique, on applique différentes méthodes de contrôle qui le plus souvent se di-
visent en quatre groupes de base6. Premièrement, le contrôle préalable qui a pour but de
constater, avant d’entreprendre une action concrète de la part de l’administration, si tou-
tes les ressources nécessaires (humaines, matérielles, financières) ont été correctement
planifiées, de façon à ce qu’elles soient au commencement de l’action sur le lieu désigné,
en bonne proportion selon leur nature, en bonne qualité et bonne quantité. Le but d’un tel
contrôle peut être aussi de prévenir la violation de la loi par la vérification de la régularité
des actions préliminaires les entités contrôlées, par exemple, en ce qui concerne le choix
de la meilleure offre du maître d’œuvre d’une mission (par ex. travaux, services) financée
des fonds publics7. Le contrôle effectué peut démontrer la nécessité d’éliminer certaines
transgressions de la loi, de refaire certaines actions préliminaires (par ex. réorganiser
l’appel d’offres), d’embaucher les salariés supplémentaires par l’organe ou engager plus
de moyens financiers, ou bien au contraire, cela peut démontrer le surcroit de l’effec-
tif et d’autres ressources préparées par rapport aux actions planifiées8. Les résultats du
contrôle préalable ne doivent pas toujours avoir la nature formelle de procès-verbal de
contrôle (recommandations après-contrôle ou information sur le résultat du contrôle) –
le législateur peut aussi accepter comme forme d’achèvement du contrôle préalable, par
ex. la non remise des recommandations après-contrôle dans les délais fixés9. Dans ce cas,
5
Pour voir plus de détails à ce sujet : J. Jagielski, « Współczesna funkcja kontroli administracji publi-
cznej. (Kilka refleksji teoretycznych) », Kontrola Państwowa, 2004, No 1, p. 13-30; et : E. Ochendowski,
Prawo administracyjne, Toruń 1994, p. 188.
6
Il est possible de déterminer ces groupes par analogie au contrôle des entités privées – voir : J. Stoner,
C. Wankel, Kierowanie, Varsovie 1994, p. 462-463; comparer aussi : E. Knosala, Zarys nauki administracji,
Cracovie 2005, p. 256-257.
7
Voir, par ex., l’art. 169-171a de la loi du 29 janvier 2004 Droit des marchés publics, texte unifié: J. O.
de 2010, No 113, texte 759 avec les modifications.
8
Cf. J. Stoner, C. Wankel, Kierowanie …, op. cit., p. 462-463 ; et E. Knosala, Zarys…, op. cit., p. 256–
257.
9
Cette institution était prévue jusqu’au 24 octobre 2008 dans l’article 167 alinéa 2 de la loi du 29
janvier 2004 Loi sur les marchés publics (actuellement conformément à l’article 171 alinéa 1 de la prédite
loi la fin du contrôle préalable correspond à la notification au demandeur de l’information sur le résultat du
contrôle).
Du choix des critères de contrôle de l’administration 87

on admet que l’entité de contrôle n’a constaté aucune violation de la loi dans l’activité
de l’entité soumise au contrôle. Le second groupe de méthodes de contrôle constitue ce
qui s’appelle le contrôle de commande qui se déroule lors de la réalisation des tâches
par les entités de l’administration publique. Il permet non seulement de détecter les ir-
régularités avant la fin de différentes actions de l’administration (une des étapes de ces
actions) et de corriger les éventuelles erreurs, mais aussi il donne la possibilité de réagir
aux changements qui ont eu lieu dans l’environnement, donc également à l’apparition
de circonstances non prévues auparavant (par ex. de changements des conditions de
nature ou sociales). En pratique, cette méthode de contrôle peut consister à évaluer pro-
gressivement (étape par étape) la réalisation des objectifs fixés, ou à contrôler de façon
continue10. Dans de nombreux cas il est dans l’intérêt de l’administration elle-même de
faire des contrôles progressifs ou continus de l’évaluation de la réalisation des program-
mes définis (par ex. Le Programme Intégré Opérationnel du Développement Régional),
car en cas de résultats positifs, elle obtient des preuves particulièrement convaincantes
témoignant de l’efficacité de ses actions ce qui lui permet de solliciter plus de moyens
pour réaliser les autres étapes du programme11. Cependant, en cas de transgression de la
loi, soit le manque de progrès et effets de la réalisation du projet, il est possible de mettre
en œuvre un plan de correction ou cesser de financer les actions inefficaces. La forme de
contrôle de ce type permet également de perfectionner de manière continue les méthodes
de contrôle lors de la réalisation des missions par l’unité contrôlée. La troisième méthode
de contrôle est le contrôle subséquent (final) qui ex post démontre les résultats de l’ac-
tion terminée de l’administration publique. Elle permet de déterminer les causes de tous
les écarts par rapport au modèle (soit les paramètres concrets définis dans les projets,
soit dans les actes normatifs en vigueur) et de démontrer les causes des irrégularités. Le
contrôle subséquent permet de définir précisément la responsabilité des actions entamées
et des solutions (par ex. les décisions administratives établies par l’organe donné). Néan-
moins le défaut de ce contrôle est le fait que ses résultats ne sont utilisables que pour les
actions similaires (ou identiques) dans le futur, ou pour éliminer ensuite les irrégularités
déjà existantes12. Le cas échéant, le résultat du contrôle doit toujours avoir la forme de
procès-verbal de contrôle et de recommandations après-contrôle ou d’information sur
le résultat du contrôle. Et enfin, la quatrième méthode de contrôle prend la forme de
contrôle d’acceptation ou de rejet – lors de ce processus de contrôle on accepte (ou on
rejette l’acceptation) les différents aspects de la procédure de fonctionnement de l’entité
de contrôle, ou bien cette entité doit remplir certaines conditions avant d’obtenir l’autori-
sation de continuer13. Cette procédure de contrôle est réalisée avant tout dans le cadre du

10
Voir par ex. § 9 du modèle du contrat de voïvodie – Arrêté du Ministre de l’Économie et du Travail
du 22 février 2005 sur le modèle du contrat de voïvodie et le modèle de la demande de la direction de la
voïvodie d’octroi des moyens pour réaliser les programmes opérationnels régionaux, J. O. de 2005, No 37,
texte 329 avec les modifications.
11
Cf. J. Stoner, C. Wankel, Kierowanie …, op. cit., p. 462-463 ; et E. Knosala, Zarys…, op. cit., p. 256-
257.
12
Cf. E. Knosala, «����������������������������������������������������������������������������������
Problem kontroli w działaniu administracji publicznej (szkic z nauki administra-
cji) », [in :] Administracja publiczna w państwie prawa. Księga jubileuszowa dla profesora Jana Jendrośki,
Wrocław 1999, p. 158-159.
13
Cf. J. Stoner, C. Wankel, Kierowanie …, op. cit., p. 462-463.
88 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

contrôle intérieur de l’administration et peut concerner, par ex. l’acceptation des lettres
et projets de solutions avant de les adresser aux entités extérieures. L’illustration d’un tel
contrôle peut être, par ex. l’institution de l’acceptation, définie dans les instructions du
secrétariat des organes de l’administration. En vertu d’une telle instruction de secrétariat,
l’acceptation consiste à ce que la personne autorisée exprime son accord pour la méthode
du suivi de l’affaire ou approuve la teneur de la lettre14. Dans ce cas, conformément au
règlement d’organisation de l’office, l’acceptation ou le refus d’acceptation relève de la
compétence du chef de l’office ou de ces adjoints. Le référendaire compétent prépare le
projet de la lettre qu’il présente à la personne chargée de l’approbation avec tout le dos-
sier de l’affaire. La personne chargée de l’approbation contrôle la régularité du suivi de
l’affaire en projet et après son approbation rend le projet de la lettre avec tout le dossier
au référendaire. Celui qui accepte peut également, après avoir personnellement effectué
les modifications indispensables, accepter la version de la lettre corrigée par lui-même.
Selon les termes du § 32 alinéa 2 – 6 de l’instruction de secrétariat, l’acceptation peut
se dérouler en une ou plusieurs étapes. L’acceptation en plusieurs étapes consiste à ac-
cepter préalablement la lettre par la personne non autorisée à signer la lettre et à envoyer
ou remettre cette lettre pour acceptation à une autre personne jusqu’à son acceptation
finale par la personne autorisée à la signer. On rencontre les solutions similaires au sein
des dispositions du règlement intérieur de travail du parquet. Ici l’institution en ques-
tion s’appelle traditionnellement l’approbation et bien évidemment consiste à remettre
le projet de la décision donnée15. L’approbation est donnée par le supérieur hiérarchique
dûment habilité à ces fins. L’approbation ou le refus d’approuver se font par l’inscription
de la mention requise, de la date et de la signature et la pose du sceau de service. En cas
de refus d’approuver, on informe par écrit des raisons de cette décision et on donne des
consignes sur le mode du suivi de l’affaire ou l’élimination des manquements consta-
tés16.
Il convient de souligner que les prédites formes de contrôle n’alternent pas. En réa-
lité, pour assurer un contrôle efficace de l’administration il faudrait se servir de la com-
binaison de toutes ces formes, de l’initiative de différentes entités. En outre, dans un
pays contemporain tout le contrôle de l’administration n’est jamais confié à une seule
institution de contrôle17. Il en existe quelques raisons. Premièrement, la structure même
de l’organisation est trop large pour qu’une seule institution puisse la contrôler. Deuxiè-
mement, il s’agit de conserver l’indépendance de certains éléments de la structure des
organes de l’administration (par ex. les collectivités territoriales ou syndicales), ce qui
serait très difficile avec une seule institution de contrôle. Troisièmement, l’activité de
l’administration englobe trop de secteurs de la vie pour qu’une seule institution puisse
14
L’art. 7 point 1 du Règlement du Président du Conseil des Ministres du 18 janvier 2011 sur l’instruc-
tion de secrétariat, les registres unifiés réels des actes, l’instruction concernant l’organisation et l’étendue de
l’activité des archives d’entreprise, J. O. de 2011, No 14, texte 67 avec les modifications.
15
Cf. l’art. 99 alinéa 1a de la loi du 20 juin 1985 sur le parquet, texte unifié : J. O. de 2008, No 7, texte
39 avec les modifications.
16
Voir § 75-76 du règlement du Ministre de la Justice du 24 mars 2010 Règlement intérieur du travail
des unités publiques d’organisation du parquet, J. O. de 2010, No 49, texte 296 avec les modifications.
17
Voir J. Zimmermann, Prawo administracyjne, Cracovie 2006, p. 409 ; et J. Starościak, Prawo admi-
nistracyjne, Varsovie 1978, p. 347 et suiv.
Du choix des critères de contrôle de l’administration 89

protéger l’administration de l’action irrégulière. Le système de contrôle de l’administra-


tion doit être structuré de façon à ne pas contrôler plusieurs fois les mêmes actions de
l’entité de l’administration donnée et ne pas y avoir des lacunes – des zones d’activité de
l’administration, qui ne sont pas du tout soumises au contrôle18.
Vu ce qui précède, dans le cadre d’une activité des organes de l’administration on met
en place un système de contrôle intérieur à part. Par exemple, la mairie, les autorités du
district et les autorités de voïvodie, dans le cadre des missions d’aide sociale peuvent être
soumises au : a) contrôle complexe, b) contrôle en fonction des problèmes rencontrés, c)
contrôle temporaire, d) contrôle de vérification. Le contrôle complexe comprend toutes
les zones d’organisation et de fonctionnement de l’unité soumise au contrôle liées à la
réalisation de la tâche indiquée dans la loi. Les contrôles complexes sont poursuivis au
moins tous les trois ans selon le plan de contrôle. Cependant, le contrôle en fonction des
problèmes rencontrés consiste à vérifier les zones choisies d’organisation et de fonction-
nement de l’unité soumise au contrôle liées à la réalisation de la tâche indiquée dans la
loi. Le contrôle temporaire est effectué pour étudier la régularité de l’organisation et du
fonctionnement de l’unité soumise au contrôle dans un temps précis. Le contrôle tempo-
raire peut être réalisé à tout moment. Le contrôle de vérification est effectué pour étudier
si les consignes après-contrôle sont réalisées et comment elles sont réalisées19.
Quant aux types de contrôle, il faudrait prendre en considération que dans les actes
normatifs le contrôle est défini à l’aide de différents termes qui parfois définissent aussi
ses différentes formes20. Par exemple, le contrôle aléatoire21 réalisé lors du contrôle d’uti-
lisation de l’aide octroyée dans le cadre des fonds structuraux comprend au moins 5 %
des dépenses effectuées dans chacun des programmes opérationnels et 15 % des dépenses
dans le cadre du Fonds de Cohésion durant la période de mise en place du programme22.
Le législateur n’est pas toujours conséquent, ce qui fait qu’on applique les noms de
contrôle, surveillance, inspection, visite, lustration et révision aux institutions remplissant
des fonctions assez similaires23. Dans ce contexte il faut remarquer que la surveillance est
18
Cf. J. Starościak, Prawo …, op. cit., p. 347 et suiv.
19
Voir § 4 – 8 le règlement du Ministre de la Politique Sociale du 23 mars 2005 sur la surveillance et le
contrôle dans l’assistance sociale, J. O. de 2005, No 61, texte 543 avec les modifications.
20
Voir par ex. l’art. 167 et l’art. 170 de la loi du 29 janvier 2004 Loi sur les marchés publics.
21
Voir l’art. 10 du règlement de la Commission (CE) No 438/2001 du 2 mars 2001 instituant les princi-
pes détaillés d’exécution de l’arrêté du Conseil (CE) No 1260/1999 sur la gestion et les systèmes de contrôle
d’aide accordée dans le cadre des fonds structuraux (J.O. de l’UE. L. 63 du 3 mars 2001, L. 351 du 28
décembre 2002 ; J.O. de L’UE Édition polonaise spéciale, chapitres 14, t. 1, p. 132 et p. 187) et dans l’art.
9 du règlement de la Commission (CE) No 1386/2002 du 29 juillet 2002 instituant les principes détaillés
d’exécution du règlement du Conseil (CE) No 1164/94 sur la gestion et les systèmes de contrôle d’aide ac-
cordée dans le cadre du Fonds de Cohésion et la procédure de réalisation des rectifications financières, J.O.
de L’UE. L. 201 du 31 juillet 2002.
22
L’art. 55 alinéa 3 de la loi du 20 avril 2004 sur le Plan National de Développement, J. O. de 2004, No
116, texte 1206 avec les modifications.
23
 On constate parfois qu’on entend par le contrôle également la révision, la lustration et la visite – voir
par ex. § 1 alinéa 4 point 13 du Règlement d’organisation de la Mairie de Twardogóra, Annexe à la Loi du
Conseil de la Ville de Twardogóra du 11 avril 2002 sur l’approbation du Règlement d’organisation de la
Mairie de Twardogóra, J.O. de la Voïvodie Dolnośląskie de 2002, No 114, texte 1639 avec les modifications ;
§ 2 point 13 du Règlement d’organisation de la Mairie de Żmigród, Annexe à la Loi du Conseil de la Ville
de Żmigród du 27 décembre 2001, J.O. de la Voïvodie Dolnośląskie de 2002, No 17, alinéa 429 avec les
modifications.
90 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

définie comme compétence de l’organe consistant non seulement en droit de contrôle de


l’activité de l’unité organisationnelle donnée, mais également en pénétration dans cette
activité avec des moyens pourvus du pouvoir d’éliminer les manquements détectés24. On
souligne que l’élément qui différencie la fonction de surveillance de celle de contrôle est
prévu par la loi. Il s’agit de la possibilité d’entreprendre par l’entité de surveillance les
actions d’ingérence définitive dans l’activité de l’entité soumise à la surveillance pour
corriger les irrégularités détectées (contrairement au contrôle consistant seulement à vé-
rifier et évaluer l’entité donnée)25. Il convient donc de souligner que dans la compétence
de la surveillance (et également de la direction) il y a la réalisation du contrôle, il n’est
donc pas nécessaire, dans ce cas, de statuer clairement dans les règlements les droits aux
contrôles, car ils relèvent de la relation existante de surveillance (soit éventuellement
de la relation de direction)26. Le terme inspection (contrairement au contrôle exercé sur
base des rapports, avis, etc.) signifie le contrôle effectué sous forme de regard direct sur
l’activité de l’entité contrôlé. Il peut s’agir ici, par exemple, d’un contrôle des unités
d’organisation de la mairie mené par le maire sous différents aspects en fonction des
besoins courants en cas de constatation de négligences justifiant l’ingérence immédiate.
Cependant, la visite est un contrôle sur place27. Il devrait consister en regard direct sur
l’ensemble de l’activité de l’entité contrôlée28. La lustration par contre a pour but d’exa-
miner sur place des problèmes définis de fonctionnement de l’entité contrôlée29. Il faut
remarquer que le terme « révision » dans la législation polonaise a deux connotations.
Premièrement, il désigne le contrôle de la comptabilité d’une unité organisationnelle
consistant à comparer directement l’état des moyens financiers et les éléments patrimo-
niaux de l’unité soumise au contrôle à la documentation réunie et évaluer sur cette base
la régularité de la disposition de ces moyens30. Deuxièmement, le terme révision s’appli-

24
R. Czyżak, M. Czyżak, « Kontrola w administracji publicznej – istota, cele i rodzaje », Kwartalnik
Prawa Publicznego de 2003, No 4, p. 67–91.
25
Voir définition formulée [in : ] J. Jagielski, Kontrola administracji publicznej, Varsovie 2007, p. 21
26
P. Koroluk, « Kontrola w administracji » [in :] rédaction scientifique J. Filipek, Jednostka w demokra-
tycznym państwie prawa, Bielsko-Biała 2003, p. 331.
27
Voir § 1 du règlement du Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural du 31 mai 2007 sur
les conditions à remplir par les unités organisationnelles auxquelles on peut confier la réalisation des actions
de contrôle dans le cadre du Programme de Développement des Zones Rurales pour les années 2007-2013,
J. O. de 2007, No 101, texte 685 ; et Z. Leoński, Nauka …, op. cit., p. 134.
28
Voir E. Ochendowski, Prawo…, op. cit., p. 189 ; et P. Jędrzejewski, Kontrola administracji. Ogólne
problemy teoretyczne i struktura systemu, Toruń 1979, p. 12-13; Cf. aussi § 5 alinéa 1 du règlement du Pré-
sident de la République de Pologne du 18 septembre 2003 sur le mode particulier de réaliser la surveillance
de l’activité administrative des tribunaux administratifs de voïvodie, J. O. de 2003, No 169, texte 1645.
29
Voir § 8 alinéa 1 de l’arrêté du Président de la République de Pologne du 18 septembre 2003 sur le
mode particulier de réaliser la surveillance de l’activité administrative des tribunaux administratifs de voï-
vodie et l’art. 38 § 3 de la loi du 27 juillet 2001 Loi sur le régime des tribunaux de droit commun, J. O. de
2001, No 98, texte 1070 avec les modifications (même ici le législateur n’est pas conséquent donnant parfois
le nom de lustration à l’examen de tous les types d’activité de l’entité contrôlée) – voir l’art. 35 alinéa 2 de
la loi du 8 octobre 1982 sur les organisations sociales et professionnelles des agriculteurs, J. O. de 1982, No
32, texte 217 avec les modifications.
30
À titre d’exemple, le statut de la commune peut prévoir que le conseil de la commune en contrôlant
l’activité des unités additionnelles de la commune (par ex. villages) une fois par une période déterminée (par
ex. deux ans) réalise la révision de l’économie financière de ces unités.
Du choix des critères de contrôle de l’administration 91

que à déterminer le contrôle qui consiste à perquisitionner (locaux, moyens de transport,


bagages, vêtements) en vue de détecter l’activité illégale de certaines entités31.
Le plus souvent le contrôle des entités se divise en contrôle intérieur et contrôle exté-
rieur de l’administration publique. E. Knosala souligne bien que ce classement est dans
une grande mesure relatif, car la même entité peut être considérée comme exerçant le
contrôle de l’un ou de l’autre type, en fonction de la relation qu’on juge exister entre
le contrôleur et le contrôlé32. Sans aucun doute, la caractéristique de base du contrôle
intérieur est le fait qu’il est exercé par les entités fonctionnant dans le cadre des schémas
administratifs intérieurs. Il peut s’agir ici tant de contrôle dans le cadre d’une unité orga-
nisationnelle que de contrôle ministériel, contrôle d’instance33, ou contrôle mené dans les
limites de la surveillance d’une unité organisationnelle34. Par exemple, chacun des minis-
tres dirige, surveille et contrôle l’activité des organes, offices et unités qui lui sont soumis,
et notamment il organise le contrôle de la performance d’actions, de l’efficacité de gestion
et du respect de la loi par les unités organisationnelles sous sa responsabilité35.
Cependant, avec une grande simplicité on peut constater que le contrôle extérieur est
exercé par les entités se trouvant hors la structure organisationnelle de l’administration
publique36, car « la protection par voie de contrôle poursuivi par les mêmes autorités
administratives ne peut pas être reconnue suffisante. D’un côté, chez les autorités ad-
ministratives on observe la création implicite d’un modèle à suivre dans le traitement
des affaires, propre tant aux autorités inférieures que supérieures, de l’autre, chez ces
autorités il peut se créer une sorte de solidarité se traduisant par la tendance à défendre la
position des autorités face aux citoyens »37. L’importance fondamentale y est donnée au
contrôle judiciaire de l’administration, il ne faut cependant pas oublier le contrôle parle-
mentaire, le contrôle de procureur et celui exercé par la Chambre Suprême de Contrôle.
En fonction de l’initiative prise, on distingue également le contrôle d’office et sur de-
mande. Le contrôle type exercé uniquement sur demande est le contrôle d’instance, par
contre le contrôle intérieur doit être mis en place d’office pratiquement par chaque chef
de service38.
31
 Z. Leoński, Nauka …, op. cit., p. 134 ; voir cependant : E. Ochendowski, Prawo …, op. cit., p. 189 ;
et P. Jędrzejewski, Kontrola …, op. cit., p. 12-13.
32
E. Knosala, Zarys …, op. cit., p. 256.
33
La question du contrôle ministériel était liée avant à la question du contrôle instanciel, le traitant
comme une sorte spécifique de contrôle ministériel. Actuellement, une telle approche parait ne plus être
d’actualité, car à part la structure ministérielle, le contrôle instanciel est réalisé également par les entités
appartenant aux différentes structures organisationnelles. L’exemple d’une telle situation est le contrôle des
décisions établies par les organes des collectivités territoriales (par ex. maire du village, staroste), mené par
les corps collectifs d’appel – c’est-à-dire, unités budgétaires d’État situées hors système des collectivités
territoriales – voir J. Starościak, Prawo …, op. cit., p. 359-360 ; et T. Bigo, F. Longchamps de Berier, « Kon-
trola administracji », Studia Prawnicze de 1965, No 7, p. 78.
34
 Z. Leoński, Zarys …, op. cit., p. 234.
35
L’art. 34 alinéa 1 et 2 de la loi du 8 août 1996 sur le Conseil des Ministres, texte unifié : J. O. de 2003,
No 24,texte 199 avec les modifications.
36
J. Boć [in :] rédaction J. Boć, Prawo administracyjne, Wrocław 1994, p. 216-217.
37
M. Buszyński, « O reformę sądownictwa administracyjnego », [in :] Przedruki z Gazety Adminis-
tracji z 1946, ST de 1999, No 5, p. 61 et suiv.
38
Par ex. en vertu du § 4 alinéa 1 points 4 et 5 du règlement du Conseil des Ministres du 1 juin 2010
sur l’organisation et le fonctionnement des secrétariats secrets (J. O. de 2010, No 114, texte 765) il relève de
92 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

Il faudrait remarquer que parfois le contrôle en cours est appelé en cascade, car l’en-
tité qui exerce ce contrôle est elle-même contrôlée pour vérifier la régularité (vérification
des résultats) de ses contrôlée. Dans ce cas on contrôle la régularité et le mode de réaliser
les tâches de contrôles, étudiant indirectement l’activité de l’entité contrôlée première-
ment39. En général, dans ce cas nous avons à faire au contrôle extérieur.
L’étalon général de contrôle est la comparaison faite entre ce qui devrait être et l’état
réel obtenu suite aux différentes actions (soit faute d’actions) de l’administration pu-
blique40. On souligne que l’objet et les critères du contrôle peuvent être différents, bien
que dans un État démocratique de droit, en général au premier plan se situe le critère de
conformité à la loi – soit la légalité des actions de l’administration41. À titre d’exemple,
les tribunaux administratifs exercent un contrôle d’activité de l’administration publi-
que seulement au niveau de la conformité au droit (matériel et processuel), et donc la
régularité d’application des dispositions de la loi en vigueur et la justesse de leur inter-
prétation42. Les tribunaux d’administration n’analysent donc pas la question de bien-
fondé des actions de l’organe de l’administration et en principe leur contrôle est exercé
uniquement dans l’aspect formel, sans entrer dans l’évaluation fondamentale de la loi
interprétée43.
Le contrôle peut cependant porter parallèlement sur différents aspects de l’activité de
l’entité contrôlée. Les étalons – à part la légalité – peuvent correspondre à de multiples
critères. Le plus souvent on prévoit l’étude de la solidité, de l’opportunité et de la bonne
gestion44. En cas de solidité, on examine en général la conformité du dossier donné à
l’état réel (vérité objective)45, cependant lors de l’analyse de l’opportunité et de la bonne
gestion on évalue les effets de l’action de l’administration dans le champ social46. Il faut
cependant savoir que le critère de contrôle peut être lié étroitement au type de l’activité
contrôlée – on peut alors examiner, par exemple : l’authenticité et la qualification des
dépenses subies dans les projets ainsi que leur conformité à la loi et aux politiques hori-
zontales de l’Union Européenne47, les conditions de réalisation du processus didactique

la responsabilité du chef du secrétariat secret de contrôler si les documents ont été convenablement décrits
et enregistrés dans le secrétariat et dans l’unité organisationnelle et aussi il est responsable de la tenue du
contrôle courant de traitement des documents.
39
Voir § 5 alinéa 4 point 4 du règlement du Conseil des Ministres du 28 août 2001 sur le contrôle des
bureaux, des institutions publiques et des entrepreneurs portant sur le respect des règlements de géodésie
et cartographie, J. O. de 2001, No 101, texte 1090 ; et l’art. 55 alinéa 2 de la loi du 20 avril 2004 sur le Plan
National de Développement.
40
Voir E. Knosala, Problem …, op. cit., p. 160.
41
 H. Wade, C. Forsyth, Administrative Law, Oxford 2004, p. 680 et 905 et suiv.
42
Voir le jugement de la Cour d’Administration de Voïvodie (ci-après : WSA) de Varsovie du 6 mai
2004, IV SA 4621/02, LEX No 148855.
43
Voir le jugement du WSA de Białystok du 31 août 2005, I SA/Bk 178/05, LEX No 173744.
44
Par ex. la Chambre Suprême de Contrôle (ci-après : NIK) mène un contrôle de légalité, bonne ges-
tion, opportunité et solidité – art. 5 alinéa 1 et 2 de la loi du 23 décembre 1994 sur la Chambre Suprême de
Contrôle, texte unifié: J. O. de 2007, No 231, texte 1701 avec les modifications.
45
Voir le jugement de la Cour Suprême d’Administration (ci-après: NSA) du 22 septembre 1999, I SA/
Ka 2654/97, LEX No 43923 et le jugement de NSA du 27 juin 1996, SA/Rz 708/95, LEX No 28897.
46
E. Knosala, Problem …, op. cit., Wrocław 1999, p. 161.
47
Voir l’art. 51 de la loi du 20 avril 2004 sur le Plan National de Développement.
Du choix des critères de contrôle de l’administration 93

en cas d’une école supérieure48, la prise en compte de l’intérêt public et du juste intérêt
individuel49, ou bien la régularité de décaissement des moyens publics50.
Les critères du contrôle peuvent être également plus ou moins objectifs. À titre
d’exemple, le contrôle de l’activité de l’institution cinématographique nationale par le
Ministre de la Culture et de la Protection du Patrimoine National comprend une étude se
basant sur des critères, peu précis comme la réalisation des principes et objectifs de la
politique culturelle du pays. Le critère d’étude est dans ce cas-là le niveau de l’activité
artistique et le niveau de satisfaction des besoins culturels de la société. À part cela, le
contrôle s’effectue aussi sur base des conditions rendues objectives, donc la légalité et
les résultats économiques51.
En principe, pour assurer une bonne efficacité du contrôle, on impose au contrôlé une
série d’obligations ayant pour but de garantir les conditions techniques de sa réalisation.
Par exemple, on oblige le chef de l’unité contrôlée à assurer les conditions et mesures
nécessaires à la bonne réalisation du contrôle, à présenter sur demande du contrôleur les
documents et le matériel étant l’objet de ce contrôle, à fournir les explications orales ou
par écrit sur les questions faisant partie du contrôle, à présenter des copies ou extraits as-
sermentés des documents, relevés et données nécessaires au contrôle ainsi qu’à garantir
l’inviolabilité des matériaux saisis par le contrôleur et stockés dans l’unité soumise au
contrôle52.
Il ne faut cependant pas oublier que le contrôle efficace et régulier doit se dérouler
selon un plan préalablement préparé – programme de contrôle. À titre d’exemple, lors
de l’élaboration des programmes de contrôles NIK [Chambre Suprême de Contrôle] est
tenu de prendre en compte notamment les résultats des contrôles préliminaires et contrô-
les de reconnaissance, les résultats des études analytiques des problèmes définis ainsi
que des plaintes et demandes, et aussi les informations venant des organes publics et
territoriaux ainsi que les opinions scientifiques et spécialisées53. Bien évidemment, dans
de nombreux cas il s’avère nécessaire de réagir systématiquement aux signes des irrégu-
larités pouvant exister dans l’activité de l’administration par les contrôles temporaires,
menés indépendamment du programme de contrôle existant. En outre, les programmes
de contrôle, si besoin, doivent être modifiés – par ex. par le rajout des questions supplé-
mentaires ou l’élargissement du champ d’étude, dans la mesure où cela reste conforme

48
L’étude concerne également la conformité du fonctionnement des organes de l’école supérieure avec
les dispositions de la loi, les statuts et les autorisations obtenues – l’art. 34 alinéa 1 de la loi du 27 juillet 2005
Loi sur l’éducation supérieure, J. O. de 2005, No 164, texte 1365 avec les modifications.
49
L’art. 7 de la loi du 14 juin 1960 Code de procédure administrative, texte unifié: J. O. de 2000, No 98,
alinéa 1071 avec les modifications ( ci-dessous : kpa).
50
Cet étalon est utilisé, par ex., lors du contrôle d’une école non publique, on examine aussi la confor-
mité du fonctionnement de l’école supérieure avec la teneur de l’autorisation portant sur sa création – l’art.
34 alinéa 1 in fine de la loi du 27 juillet 2005 Loi sur l’éducation supérieure.
51
L’art. 31 alinéa 2 de la loi du 16 juillet 1987 sur les institutions cinématographiques nationales, texte
unifié: J. O. de 2007, No 102, texte 710.
52
§ 11 du règlement du Conseil des Ministres du 28 août 2001 sur le contrôle des bureaux, des ins-
titutions publiques et des entrepreneurs dans le cadre du respect des règlements concernant la géodésie et
cartographie, J. O. de 2001, No 101, texte 1090.
53
§ 13 du règlement du Président de la Chambre Suprême de Contrôle du 1 mars 1995 sur la procédure
de contrôle, M. P. de 1995, No 17, texte 211.
94 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

à la loi en vigueur et est justifié, vu les résultats actuels du contrôle. Le programme de


contrôle est plus ou moins détaillé, mais il est toujours nécessaire de définir l’objectif du
contrôle (c’est-à-dire déterminer l’orientation des études de contrôle et des questions né-
cessitant une évaluation), de déterminer les limites objectives et subjectives du contrôle,
et aussi de déterminer le mode et les techniques de réalisation du contrôle et surtout des
questions qui méritent une attention particulière dans les études de contrôle. Il convient
de souligner que, par ex., en cas de NIK, le programme de contrôle doit être par principe
très détaillé et contenir même la littérature professionnelle sur le sujet analysé54.
Il est évident (mais pas toujours pris en compte) que le contrôle ne doit pas inu-
tilement perturber le travail de l’unité contrôlée. Il est bien dit dans la science que le
contrôle doit être proportionnel, donc ne peut pas alourdir le travail de l’unité contrôlée
de l’administration publique ni entraver son travail courant (et avant tout la réalisation
de ses tâches)55. Il semble que pour atteindre ce but il est nécessaire de limiter le nombre
de contrôles de l’entité donnée dans une période donnée (par la même ou les différentes
entités de contrôle). On met en place les régulations limitant la durée du contrôle – par
ex. le § 89 alinéa 4 du règlement intérieur du travail des unités publiques organisation-
nelles du parquet stipule que la visite des unités organisationnelles du parquet ne doit
pas dépasser 14 jours ouvrables consécutifs. En plus, il vaut la peine d’appliquer les
autres mesures de limitation des conséquences négatives et de la pénibilité du contrôle.
À titre d’exemple, on peut mettre en place les régulations permettant de changer la date
de commencement du contrôle pour éviter au maximum l’effet perturbant sur le travail
de l’entité contrôlée – si une telle demande est déposée, avant le début des actions de
contrôle, par le chef l’entité contrôlée56.
Il est d’une très grande importance de s’assurer du respect des recommandations
après-contrôle. En cas de contrôle poursuivi au sein du système des organes de l’admi-
nistration publique, l’unité contrôlée est souvent autorisée à présenter les éventuelles
objections au procès-verbal ou aux résultats du contrôle, mais une fois ces objections
traitées, les recommandations après-contrôle l’obligent définitivement. Le chef de l’en-
tité soumise au contrôle est normalement tenu d’informer dans les délais fixés, après
l’obtention des recommandations après-contrôle de la part de l’organisateur du contrôle,
de la réalisation des recommandations ou des raisons de leur non réalisation57. Cepen-
dant, en cas de contrôle judiciaire, la possibilité de mettre en cause ses résultats est ga-
rantie par le droit de bénéficier des voies de recours prévues dans la loi (par ex. pourvoi
en cassation) également de l’initiative de l’organe dont l’activité était l’objet du contrôle
du tribunal de première instance. L’opinion juridique et les consignes relatives au suivi
de la procédure exprimées dans la sentence valable du tribunal administratif sont défini-
54
Voir § 14 du règlementent du Président de la Chambre Suprême de Contrôle du 1 mars 1995 sur la
procédure de contrôle.
55
J. Zimmermann, Prawo …, op. cit., p. 412.
56
 On ne peut présenter cette demande concernant le même contrôle qu’une fois – voir § 4 alinéa 2 et
3 du règlement du Ministre des Sciences et de l’Informatisation du 13 octobre 2005 sur la réalisation du
contrôle d’une entité publique, J. O. de 2005, No 210, texte 1748.
57
Voir par ex. § 14 du règlement du Conseil des Ministres du 28 août 2001 sur le contrôle des bureaux,
des institutions publiques et des entreprises portant sur le respect des dispositions de la loi sur la géodésie
et cartographie.
Du choix des critères de contrôle de l’administration 95

tives pour l’organe dont les actions ou l’inactivité étaient l’objet du contrôle judiciaire.
L’institution de la signalisation aide également à rendre le contrôle judiciaire de l’admi-
nistration plus efficace. Or si on constate lors de l’examen de l’affaire les dérogations
considérables à la loi ou les circonstances causant leur apparition, le corps statuant, sous
forme de décision, peut informer les organes compétents ou leurs organes supérieurs de
ces négligences. L’organe qui a obtenu les décisions de signalisation doit les examiner
et présenter son opinion à la cour dans les délais de trente jours. Il faut savoir qu’en cas
de non exécution du jugement valable portant sur la plainte contre l’inaction et en cas
d’inaction de l’organe face au jugement définitif passible de cassation ou constatant la
nullité de l’acte ou des actions de l’organe, s’il ne réagit pas à la sommation écrite de la
partie d’exécuter le jugement ou de régler l’affaire, il peut être condamné par le tribunal
(mais à l’initiative de la partie) à payer une grosse amende58.
Et ce sont bien les tribunaux administratifs et plus précisément leur façon d’exercer le
contrôle d’administration que J. Langrod a jugé comme la forme culminante de contrôle
de l’administration, un contrôle « « d’extérieur », tant objectif qu’impartial, exercé par
un tribunal indépendant au nom de la sauvegarde du droit objectif, à l’initiative de la
partie, faisant valoir son droit (parfois, dans certains régimes, son propre intérêt) »59.
Pour expliquer son point de vue60 le professeur J. Langrod disait que lors de l’exercice
du contrôle de l’activité (ou l’inaction) de l’administration par le tribunal administratif
« la relation entre le citoyen et le pays se situe au plan qui est différent du plan précédent
ce qui dote cette forme de contrôle de l’administration d’une importance particulière »61.
Jusqu’au jour d’aujourd’hui la procédure judiciaire-administrative s’appuie sur le prin-
cipe du contradictoire plein, et « le conflit entre les intérêts privés et publics, évalué
par l’administration dans la procédure administrative, est de nouveau soumis à l’étude
par le juge représentant également – comme l’administration – l’intérêt public, mais un
peu « supérieur », car non seulement – comme avant – conçu objectivement, mais aussi
contrôlé de la manière impartiale »62.
Bien évidemment, le Professeur J. Langrod savait également que le contrôle judi-
ciaire – étant « la forme culminante de contrôle de l’administration » – ne peut pas être
sa forme unique. Il démontrait clairement que la nécessité : « de la souplesse de contrôle
[existe] partout où les moments de l’opportunisme, les raisons de l’opportunité politique
(« raison d’État »), ne permettent pas d’appliquer les formes de contrôle judiciaire et
poussent à appliquer d’autres formes de contrôle »63.
Ce qui précède confirme la thèse que la question des critères et de l’efficacité du
contrôle de l’administration était essentielle dans l’œuvre du professeur Jerzy Langrod,
et LUI-MÊME avait une claire vision de ce contrôle, se référant aux magnifiques thè-

58
Pour plus de détails voir W. Sawczyn, Środki dyscyplinowania administracji publicznej w prawie
o postępowaniu przed sądami administracyjnymi, Varsovie 2010, passim.
59
J. Langrod, « Sprawa reaktywacji sądownictwa administracyjnego » [in :] Przedruki z Gazety Admi-
nistracji z 1946, ST de 1999, No 5, p. 69.
60
Nous en sommes d’accord – bien que peut-être en tant que salariés de la NSA nous ne soyons pas
objectifs.
61
J. Langrod, Sprawa …, op. cit., p. 69.
62
Ibid., p. 69.
63
Ibid., p. 70.
96 Wojciech Sawczyn, Andrzej Skoczylas

ses de Bryce, « si la démocratie est l’essence de l’époque dans laquelle nous vivons, il
convient de souligner que l’essence des régimes démocratiques est le contrôle »64, et
dans le cadre de ce contrôle un rôle important est joué par les tribunaux administratifs
« tant dans le domaine de contrôle de différentes affaires, qu’indirectement dans le do-
maine « pédagogique », ayant un impact sur le personnel chargé d’administrer, fondant
par sa créative jurisprudence un nouveau type de raisonnement dans l’exercice de l’ad-
ministration »65.

64
Eod loc.
65
Eod. loc.
Marek S t efaniuk

Le caractère des recherches scientifiques sur l’administration

L’une des acquisitions scientifiques notoires de J. S. Langrod était sa conception selon


laquelle les processus administratifs devaient être étudiés dans le cadre d’un large éven-
tail de sciences administratives. L’auteur englobait dans cette notion autant la science du
droit public que la sociologie, la psychologie, l’économie, l’histoire, la philosophie et les
sciences de la gestion1. Dans le processus du développement des recherches scientifiques
sur l’administration, deux phénomènes typiques apparaissent, avec les dilemmes et les
problèmes qu’ils engendrent. L’un de ces phénomènes consistait à multiplier les discipli-
nes engagées dans les recherches et aspirant à les organiser, coordonner et diriger. Sur ce
plan, on a observé deux tendances apparemment contradictoires, et en réalité liées entre
elles et dépendant l’une de l’autre. D’une part, la tendance s’accentuait à la spécialisa-
tion, qui consistait à « fragmenter » le champ des recherches, en y découpant des domai-
nes d’administration de plus en plus étroits. De nos jours, ce phénomène revêt souvent
la forme d’individualisation progressive (et, dans une certaine mesure, émancipation)
des domaines particuliers et spécialisés de la pratique administrative et des recherches
qui y sont liées en matière de protection de la concurrence par le droit public. Le dérou-
lement de ce processus peut être illustré par des exemples de développement d’intérêt
scientifique porté à la problématique relevant des champs de recherche de plus en plus
détaillés et de plus en plus délimités. Ainsi, dans tout le domaine de l’administration pu-
blique, on a isolé tout d’abord l’administration économique; puis, dans l’administration
économique on a découpé la protection de la concurrence par le droit public ; ensuite, on
a extrait de cette dernière le droit de subvention et le droit anti-monopole ; enfin, dans le
droit anti-monopole, on a isolé le contrôle juridico-administratif des pratiques limitant la
concurrence ou le contrôle de la concentration des entrepreneurs2. Les domaines délimi-
tés ainsi jouissent d’un statut plus important que celui des champs d’activité scientifique
déterminés ad hoc. Les solutions qui y sont adoptées et les problèmes de recherche qu’ils
soulèvent sont diversifiés au point que les chercheurs doivent présenter un haut niveau
de spécialisation. Celle-ci entraîne des conséquences de deux genres. Les premières,
1
G. Langrod, Les méandres de la lutte pour une science administrative, Paris 1974, citation d’après :
L. Zacharko, « Wpływ nauk o zarządzaniu na współczesną naukę administracji », [in :] S. Wrzosek. M.
Domagała, J. Izdebski, T. Stanisławski (réd), Współzależność dyscyplin badawczych w sferze administracji
publicznej , Varsovie 2010, p. 432.
2
Cf. M. Stefaniuk, Publicznoprawne reguły konkurencji. Wprowadzenie do wykładu oraz teksty wybra-
nych aktów prawnych, Lublin, 2005, p. 14-19.
98 Marek Stefaniuk

qui doivent être considérées comme positives, consistent à augmenter « le rendement »


de la science, soit à élever l’efficacité des recherches. Les deuxièmes consistent en un
processus de désintégration de la science, observée et signalée dans la littérature, et
en une approche incomplète des phénomènes étudiés, qui sont abordés d’un seul point
de vue.
D’autre part, à côté d’une spécialisation de plus en plus étroite, on peut observer une
tendance à unir les efforts des représentants de différents domaines scientifiques et à as-
surer une approche globale des phénomènes étudiés3. Dans la pratique des recherches,
cette tendance peut revêtir différentes formes. La première est relative au degré néces-
saire de contextualité des recherches4. D’après T. Rabska, pour des raisons méthodologi-
ques, afin de caractériser les activités entreprises par l’administration publique moderne,
il importe d’étudier, mis à part leur aspect juridique formel, qui est nettement prépon-
dérant dans la littérature juridico-administrative contemporaine, leur contexte subjectif
et objectif. Il s’ensuit que le caractère spécifique des recherches sur le fonctionnement
de l`administration publique oblige les chercheurs à prendre en considération autant le
contexte subjectif (« quels sont les sujets entre lesquels s’accomplit l’action ») que le
contexte objectif (« sur le fond d’un champ de recherches plus vaste »)5. Ces deux contex-
tes ne peuvent être pris entièrement en considération qu’à condition de renoncer dans les
recherches à une spécialisation trop étroite au profit d’une approche multidisciplinaire.
La tendance à unir les efforts dans les recherches sur le fonctionnement de l’admi-
nistration publique s’explique également par le caractère hétérogène de la méthodolo-
gie employée dans différentes disciplines faisant partie des sciences administratives. Il
convient de remarquer qu’indépendamment de l’élaboration de méthodes et techniques
de recherche originales, la méthodologie des sciences administratives (en particulier
celle des sciences juridiques et des sciences de la gestion) est marquée par un éclectisme
plus ou moins accentué. Un tel caractère de la méthodologie des recherches poursuivies
dans le cadre de ces sciences se trouve confirmé dans la littérature, autant pour les scien-
ces juridiques6 que pour les sciences de la gestion7.
La tendance à unir les efforts des chercheurs représentant différentes disciplines
scientifiques trouve son expression classique et en même temps la plus typique dans
les recherches à caractère multidisciplinaire (pluridisciplinaire, interdisciplinaire)8. De

3
Z. Leoński, « Kooperacja interdyscyplinarna w badaniach nad administracją oraz rola prawników
w tym zakresie », [in :] K. Sobczak (réd.), op. cit., p. 46.
4
L’exigence de contextualité fait penser à la méthode systémique, cf. P. Sienkiewicz, Systemy kierowa-
nia, Varsovie, 1989, p. 15.
5
 T. Rabska, « Kontrakt wojewódzki – forma działania administracji publicznej w strukturach zdecen-
tralizowanych », [in :] Instytucje współczesnego prawa administracyjnego. Księga jubileuszowa Profesora
zw. dr hab. Józefa Filipka, Cracovie 2001, p. 602-603.
6
J. Stelmach, B. Brożek, Metody prawnicze. Logika, analiza, argumentacja, hermeneutyka, Cracovie
2004, p. 36-37.
7
M. Trocki, « Tożsamość nauk o zarządzaniu » , Przegląd organizacji, 2005, No 1, p. 8.
8
On peut supposer que ces appellations (dénominations) se situent toutes à l’opposé des recherches
mono disciplinaires, tout en différant entre elles dans les détails. En effet, chaque appellation accentue une
autre caractéristique particulière des recherches poursuivies dans le cadre de la coopération de plusieurs disci-
plines. Ainsi, « multi- » met l’accent sur la multitude des disciplines ; « pluri- » sur leur diversité, et « inter- »
sur l’interdépendance de différentes disciplines, ainsi que les influences et les interférences réciproques.
Le caractère des recherches scientifiques sur l’administration 99

telles recherches portant sur la problématique de fonctionnement de l’administration


publique sont l’une des conséquences du besoin de collaborer avec d’autres disciplines
scientifiques, qui se manifestait depuis longtemps chez les représentants des sciences
sociales9. Cette tendance s’est nettement manifestée autant chez les représentants de la
doctrine juridique10 que chez les représentants d’autres disciplines des sciences sociales
se consacrant à l’étude de l’administration publique11.
En cas de recherches entreprises par un juriste, le résultat escompté n’est pas, bien
entendu, une amplification notoire des connaissances dans les disciplines non-juridiques
des sciences administratives. Par contre, ce résultat peut consister à expliquer la genèse,
les corrélations et les rapports entre les notions importantes en matière d’administration
publique et qui apparaissent dans le vocabulaire judiciaire et juridique.
Le besoin d’une collaboration interdisciplinaire dans le cadre des recherches à ca-
ractère juridique portant sur le fonctionnement de l’administration publique résulte de
plusieurs facteurs. Premièrement, les relations sociales deviennent de plus en plus com-
pliquées, autant en général que dans différents domaines dans lesquels l’administration
publique exerce son action ; par conséquent, on observe un processus d’intégration pro-
gressive de la science. Notons également que les chercheurs ont un accès de plus en plus
facile aux résultats des recherches poursuivies dans d’autres disciplines, apparentées à
la leur. On a souligné également que la problématique de l’administration publique a un
caractère spécifique et complexe, qu’il est impossible de cerner dans le cadre d’une seule
discipline scientifique12. Un autre argument en faveur des recherches sur le fonctionne-
ment de l’administration publique fondées sur la coopération de plusieurs disciplines des
sciences sociales est une attitude sceptique, quelquefois manifeste, vis-à-vis du carac-
tère exhaustif des recherches ne concernant que les bases normatives du fonctionnement
de l’administration publique 13. Face à une telle attitude, la réaction des chercheurs se
consacrant à l’étude de la problématique de l’administration est double. D’une part, ils
proposent de vérifier et de perfectionner le réseau des notions employées dans la science

9
 ��������������������������������������������������������������������������������������������������
I. Lipowicz, « Pojęcie administracji. Administracja publiczna a państwowa », [in :] Z. Niewiadoms-
ki (réd.), Prawo administracyjne, Varsovie 2005, p. 26 ; aussi H. Izdebski, « Badania nad administracją
publiczną », [in :] J. Hausner (réd.), Administracja publiczna, Varsovie 2005, p. 16-17.
10
Z. Leoński, « Kooperacja dyscyplinarna w badaniach nad administracją oraz rola prawników w tym
zakresie », [in :] K. Sobczak (réd.), op. cit, p. 52.
11
S. Ossowski, « Nauki społeczne w problematyce teorii kultury », [in :] S. Ossowski, O osobliwościach
nauk społecznych, Varsovie 1983, p. 217.
12
Z. Ziembiński, Problemy podstawowe prawoznawstwa, Varsovie 1980, p. 65.
13
Cette attitude se manifeste dans l’idée de F. Longchamps, selon laquelle « contrairement aux idées
standard des représentants de la science du droit administratif, il existe des zones d’administration publique
qui ne sont pas régies par le droit administratif, ce qui n’est pas pour autant en contradiction avec le principe
de légitimité du fonctionnement de l’administration publique, mais reste conforme à l’essence, au contenu
du processus même d’administration des affaires publiques, d’organisation de l’exécution des fonctions
de l’État et des collectivités locales, pour autant qu’on aperçoive dans ce processus d’administration ou
dans l’administration publique (selon qu’on admet une approche statique ou une approche dynamique) des
déterminations adéquates, entièrement autonomes et indépendantes du système juridique ». I. Skrzydło-
Niżnik, « Pojęcia i kryteria sprawności działania administracji publicznej w nauce prawa administracyjnego
i w nauce administracji », [in :] Prawo do dobrej administracji. Matériaux du colloque des chaires de droit
administratif et de procédure administrative Varsovie-Dębe 23-25 septembre 2002, Varsovie 2003, p. 235-
236.
100 Marek Stefaniuk

du droit administratif14 ; de l’autre, d’élargir le champ des recherches en engageant dans


les recherches sur le fonctionnement de l’administration publique l’approche scientifi-
que et le bagage d’autres sciences sociales à caractère empirique15. Par ailleurs, cette
attitude n’est pas nouvelle. En effet, il convient de remarquer que les recherches sur l’ad-
ministration publique poursuivies dans une perspective juridique, sur le fondement de la
science de l’administration et du droit administratif, étaient depuis longtemps associées
à d’autres disciplines des sciences sociales. On observe également une évolution du ca-
ractère multidisciplinaire des recherches sur l’administration publique poursuivies dans
une perspective juridique. Dans l’approche traditionnelle (littérature moins récente), les
recherches multidisciplinaires poursuivies dans une perspective juridique avaient trois
caractéristiques principales. La première consistait dans un cercle limité et assez étroit de
disciplines avec lesquelles ces recherches étaient censées entrer en coopération. Dans la
littérature polonaise de la science administrative et de la science judico-administrative,
on met en valeur l’utilité de ces disciplines pour la coopération, en indiquant différentes
perspectives et approches de l’étude de la problématique de l’administration publique16.
14
Ibid., p. 239-240; aussi I. Lipowicz, « Dylematy zmiany siatki pojęciowej w nauce prawa administra-
cyjnego », [in : ] J. Zimmermann (réd.), Koncepcja systemu prawa administracyjnego. Colloque des chai-
res de droit administratif et de procédure administrative Zakopane 24-27 septembre 2006, Cracovie 2007,
p. 21-42 ; P. Przybysz, « Tradycyjne pojęcia prawa administracyjnego – potrzeba i sposób ich dalszego
używania », [in: ] J. Zimmermann (réd.), op. cit, p. 43-60.
15
Cf. J. Stelmach, B. Brożek, op. cit, p. 9 et suiv.
16
Les perspectives de recherches liées à différents contextes et à différentes approches de l’étude
de l’administration publique ont été énumérées et caractérisées dans la littérature polonaise par J. Boć,
« Pojęcia », [in :] J. Boć (réd.), Administracja publiczna, Wrocław 2003, p. 7-18 ; cf. aussi les remarques à
ce sujet dans les travaux de J. Szreniawski, Wprowadzenie do nauki administracji, Lublin 2004, p. 9 et suiv. ;
E. Knosala, L. Zacharko, A. Matan, Nauka administracji, Cracovie 1999, p. 5 et suiv. Le contexte praxéolo-
gique apparaît depuis longtemps dans les manuels d’administration ; dernièrement, il a été mis en relief dans
les travaux de J. Łukasiewicz, Nauka administracji. Wstęp do teorii administracji, Przemyśl 1999, p. 16 et
suiv. ; M. Jełowiecki, Podstawy organizacji administracji publicznej, Varsovie, 1998, p. 202 et suiv. ; Z.
Leoński, Nauka administracji, Varsovie 1999, p. 22-26. Le contexte politologique est accentué dans les tra-
vaux de B.G. Peters, Administracja publiczna w systemie politycznym, Varsovie 1999 ; A. Pawłowska (réd.),
Administracja publiczna. Zagadnienia wstępne, Lublin, 1999 ; L. Habuda, Administracja i polityka. Proces
decyzyjny w administracji publicznej, Wrocław 2000. Le contexte juridique est mis en valeur par exemple
dans H. Izdebski, M. Kulesza, Administracja publiczna. Zagadnienia ogólne, Varsovie 1998. Le problème
de recherches interdisciplinaires sur l’administration publique est soulevé dans J. Starościak, « O inter-
dyscyplinarnym charakterze badań nad administracją », [in :] Administracja, zagadnienia teorii i praktyki,
Varsovie 1974, p. 284 et suiv. et Z. Leoński, Nauka…, p. 15-19. Dans les recherches sur l’administration
publique, J. Łukasiewicz a distingué les approches suivantes : l’approche traditionnelle (qui trouve sa conti-
nuation dans l’approche sociologique), l’approche praxéologique (avec la théorie de l’organisation), l’ap-
proche complexe (traditionnelle, sociologique, praxéologique et autres) et l’approche coopérative. L’auteur
présente également les idées d’autres chercheurs, tels J. Homplewicz, J. Jeżewski, T. Kuta, R. Malinowski,
sur le problème de différentes approches scientifiques, voir Łukasiewicz, op. cit, p. 42-52. Les mêmes pro-
blèmes sont présents dans la littérature étrangère. Comme l’a remarqué A. Szpor, dans les recherches sur
l’administration publique poursuivies en France, l’approche juridique coexiste par exemple avec l’approche
sociologique. Qui plus est, les analyses sociologiques sont quelquefois mises à profit lors des recherches ju-
ridiques, A. Szpor, Akt reglamentacyjny jako instrument działania administracji we Francji, Varsovie 2003,
p. 11. Il arrive que les recherches sur l’administration publique prennent un cours quelque peu exotique, ce
qui résulte d’un contexte particulier dans lequel fonctionne l’administration de certains pays. Notons à titre
d’exemple le rapport assez spécifique, et qui est rarement évoqué dans la littérature, entre l’administration
coloniale et la science anthropologique, A. Kuper, Między charyzmą a rutyną. Antropologia brytyjska 1922-
1982, Łódź 1987, p. 130-156.
Le caractère des recherches scientifiques sur l’administration 101

La deuxième caractéristique des recherches multidisciplinaires dans l’approche tradi-


tionnelle consiste dans le caractère restreint de ces recherches, qui sont poursuivies d’un
seul point de vue, étant donné qu’elles visent uniquement à rechercher « les applications
juridiques » des notions et constructions puisées dans d’autres disciplines de la science17.
Enfin, la troisième caractéristique de telles recherches dans l’approche traditionnelle
consiste à mettre à profit les résultats de la coopération avec d’autres disciplines avant
tout pour résoudre des questions et problèmes particuliers, pratiques, sans chercher à
formuler des thèses plus générales18.
Dans la littérature administrative récente, la problématique de la coopération des
sciences juridiques avec d’autres disciplines des sciences sociales se présente tout autre-
ment. Avant tout, on y met un accent de plus en plus fort sur la parenté des sciences de
l’administration publique à caractère juridique avec nombre de disciplines des sciences
sociales, voire avec tout le bagage de ces sciences. De plus, le rapport entre les discipli-
nes juridiques et les autres sciences sociales consiste en une interdépendance. En effet,
ces sciences non seulement puisent dans le bagage d’autres disciplines des sciences so-
ciales, mais y apportent également leur contribution19. Les rapports entre la science de
l’administration publique et les autres disciplines des sciences sociales sont accentués
d’une manière particulièrement forte dans les ouvrages adoptant une perspective post-
moderne20.
Dans le cadre de différentes disciplines des sciences administratives, les recherches
interdisciplinaires sur le fonctionnement de l’administration publique peuvent être pour-
suivies de différents points de vue. Dans chacune de ces disciplines, l’étendue de telles
recherches est différente, ainsi que la manière dont elles sont organisées et dont leurs
résultats sont mis à profit. Dans la doctrine administrative à tendance juridique, il était
hors de doute que ces recherches devraient être organisées en premier lieu par le système
juridique et la doctrine judiciaire qui y reste liée, et que ces derniers devraient également
être le bénéficiaire principal de leurs résultats21.
La question d’une coopération interdisciplinaire dans l’étude du fonctionnement de
l’administration publique reste liée à trois problèmes, qui ont été soulevés par la doctrine
administrative à caractère juridique. Le premier est relatif à l’étendue de la coopération;
en d’autres termes, aux disciplines scientifiques qui, mis à part les sciences juridiques,
sont censées faire partie des sciences administratives. En même temps, il convient de
déterminer le caractère de l’appartenance de telle ou telle discipline aux sciences admi-
17
Z. Ziembiński, op. cit., p. 71.
18
Loc. cit.
19
 ����������������������������������������������������������������������������������������������������
Comme l’a remarqué il n’y a pas longtemps à juste titre E. Knosala, la science administrative « par-
ticipe à former la partie générale des sciences sociales, mais avant tout met à profit leur bagage, en adoptant
certaines notions, méthodes et autres acquisitions qu’elle adapte à ses propres besoins lors de ses recherches
spécifiques ». E. Knosala, Zarys nauki administracji, Cracovie, 2005, p. 25. En ce qui concerne « le respect
du caractère adéquat des thèses générales dans des domaines particuliers », cf. les idées d’Aristote, Bacon,
Petrażycki et Le Chatelier citées par T. Kotarbiński dans son Traktat o dobrej robocie, Varsovie 1982,
p. 428-429.
20
Cf. L. Morawski, Co może dać nauce prawa postmodernizm, Toruń 2001, passim ; L. Morawski,
Główne problemy współczesnej filozofii prawa. Prawo w toku przemian, Varsovie 2000, p. 21
21
T. Rabska, « Kooperacja interdyscyplinarna w badaniach nad administracją oraz rola prawników
w tym zakresie », [in :] K. Sobczak (réd.), op. cit, p. 57.
102 Marek Stefaniuk

nistratives. En particulier, la question se pose de savoir si la liste des disciplines consi-


dérées comme sciences administratives a un caractère stable ou si elle est sujette aux
changements. Dans la doctrine, on a plutôt tendance à considérer l’étendue des sciences
administratives comme une variable, et ce autant pour la liste des disciplines qui sont
censées y appartenir que pour le degré d’intensité avec laquelle ces disciplines sont en-
gagées dans l’étude de l’administration publique22.
Le deuxième problème concerne le caractère de la coopération, à savoir la manière
dont les représentants de l’approche juridique dans l’étude de l’administration publique
participent aux recherches interdisciplinaires. Dans la doctrine, on a distingué une coo-
pération active et une coopération passive. Dans le cas d’une coopération active, ce sont
les représentants de l’approche juridique qui entreprennent et organisent les recherches.
Dans le cas d’une coopération passive, les représentants de l’approche juridique partici-
pent aux recherches sur l’administration publique qui sont organisées par les représen-
tants d’une autre discipline des sciences sociales23.
Enfin, le troisième problème lié à la coopération interdisciplinaire entre les sciences
juridiques et d’autres disciplines des sciences sociales, concerne les tentatives d’énu-
mérer les disciplines scientifiques qui participent à la coopération interdisciplinaire en
matière des recherches sur l’administration publique24. Il arrive souvent que les recher-
ches sur l’administration publique ont un caractère pluridisciplinaire. Dans ce cas, cette
dernière intéresse plusieurs sciences qui étudient ses différents contextes25.

22
D’après J. Borkowski « il est impossible de dresser une liste complète et exhaustive des branches de
la science qui font partie des sciences administratives. Bien entendu, il existe des disciplines de la science
qui y appartiennent de façon indubitative, mais aucune d’elles ne sera une science administrative à part en-
tière. (…) Il est possible de puiser dans différents domaines de la connaissance des méthodes de recherches
et des principes d’interprétation de leurs résultats ; il est possible également de se servir de l’arsenal des
notions provenant de différentes branches de la science ». J. Borkowski, « Metody badawcze w nauce prawa
administracyjnego », [in :] K. Sobczak (réd.), op. cit, p. 39.
23
 �������������������������������������������������������������������������������������������������
T. Rabska fait remarquer que les recherches sur l’administration peuvent évidemment être poursui-
vies d’un point de vue différent du point de vue juridique, par exemple d’un point de vue économique, socio-
logique, praxéologique ou autre. Dans ce cas, la position des sciences juridiques change : elles commencent
à « servir » en quelque sorte les recherches dont l’objet est déterminé par une autre discipline, qui sera en
l’occurrence dominante. Les sciences juridiques seront engagées dans ces recherches d’une manière moins
active; elles seront subordonnées à d’autres besoins. En d’autres termes, du point de vue des sciences juridi-
ques, il s’agira de ce que nous pouvons appeler une coopération passive » T. Rabska, op. cit, p. 57.
24
Selon l’opinion de J. Borkowski, on peut citer par exemple la science du droit administratif, la science
du droit financier, l’organisation scientifique du travail, la praxéologie, l’informatique, la sociologie, la psy-
chologie, les sciences politiques. J. Borkowski, « Metody badawcze w nauce prawa administracyjnego »,
[in :] K. Sobczak (réd.), op. cit, p. 39.
25
 �����������������������������������������������������������������������������������������������������
Sans laisser entendre que la place particulière des recherches sur l’administration publique à carac-
tère juridique puisse être mise en doute, J. Boć a indiqué d’autres contextes dans lesquels l’administration
publique peut être conçue et définie. Il s’agit du contexte sociologique, politique, linguistique et juridique,
J. Boć, op. cit, p. 8. Il convient de remarquer que dans les catalogues traditionnels des disciplines considé-
rées comme sciences administratives, l’économie ne faisait son apparition qu’assez rarement. Une tentative
d’élucider ce phénomène a été entreprise par S. Ossowski, Wprowadzenie … , p. 28.
Jer z y S upernat

De la théorie de l’administration publique

La pratique de l’administration publique est vieille comme la civilisation, et en même


temps elle conditionne le développement de celle-ci. Aucune grande époque dans l’his-
toire de l’humanité ne pouvait se passer de solutions d’organisation précises1, dans les-
quelles nous voyons aujourd’hui les caractères de base de l’administration publique2. La
situation se présente bien différemment quand il s’agit de la théorie de l’administration
publique. L’étude scientifique de l’administration publique et l’élaboration de sa théorie
sont relativement neuves3. Par conséquent, la science de l’administration publique, en
tant que discipline académique séparée, consciente de son identité, est toujours jeune.
À partir du moment de la parution de travaux fondamentaux de ses pères-créateurs:
L. von Stein4 en Europe et W. Wilson5 aux États-Unis, la Science administrative ne fait
qu’entrer dans l’âge mûr.
Cependant, il existe des doutes si la théorie de l’administration publique peut être
traitée sérieusement. Par exemple dans sa description de ce que nous savons de l’admi-
nistration publique, J. Q. Wilson6 remarque que la théorie ne l’intéresse que très peu,
vu qu’elle ne permet de comprendre la bureaucratie que dans une mesure très limitée:
« j’ai des doutes sérieux, s’il existera jamais quelque chose digne d’être appelé « théorie
de l’organisation ». Nous aurons des théories d’organisation en général si abstraites ou
sommaires qu’elles n’expliqueront pas grand chose. Nous aurons des explications inté-
ressantes, certaines s’appuyant même sur des faits, mais celles-ci ne seront que partielles
1
M. Weber présente leur catalogue classique dans : Gospodarka i społeczeństwo. Zarys socjologii
rozumiejącej, Traduction : D. Lachowska, Wydawnictwo Naukowe PWN, Varsovie 2002, p. 161 et suiv.
2
Voir F. Longchamps de Berier, « Instytucje rzymskiego prawa administracyjnego »,[in :] Nowe proble-
my badawcze w teorii prawa administracyjnego, sous rédaction de J. Boć et A. Chajbowicz, Kolonia Limi-
ted, Wrocław 2009, p. 103 et s. Selon H. Izdebski on ne peut parler d’administration publique en catégories
institutionnelles qu’à partir du Siècle des Lumières. Voir : Historia administracji, Varsovie 2001, p. 11-12.
3
En expliquant les raisons des constants malentendus terminologiques liés à la conception juridique de
l’administration, J. S. Langrod, indique entre autres le jeune âge de cette notion dans son existence juridique,
ainsi que des erreurs de perspective et le fait de ne pas aborder la question d’assez haut, ce qui « supprime
l’analyse des notions supérieures et dirige tout l’effort de recherche vers des questions plutôt secondaires et de
deuxième plan » voir : Instytucje prawa administracyjnego. Zarys części ogólnej, Zakamycze, 2003, p. 191.
4
L. von Stein, Die Verwaltungslehre, Stuttgart 1865-1868. La conception de L. von Stein est traitée
entre autres par M. Stolleis, Public Law in Germany, 1800-1914, Berghahn Books, 2001, p. 379 et suiv.
5
W. Wilson, The Study of Public Administration, « Political Science Quarterly » 1941, no 56, p. 197 et
suiv. L’étude a été publiée pour la première fois en 1887.
6
J.Q. Wilson, Bureaucracy. What Government Agencies Do and Why They Do It, Basic Books, New
York, 1989.
104 Jerzy Supernat

et valables uniquement « dans un temps et un lieu donné »7. Nous pourrions accepter
l’opinion de J. Q. Wilson, si notre compréhension contemporaine de l’administration
publique était fondée uniquement sur la présentation de faits déterminés dans des étu-
des. Il n’en est pas ainsi. Autrement, contrairement à l’opinion citée, le fondement de la
compréhension de l’administration publique est la théorie (en réalité non pas une, mais
plusieurs). En réalité le travail de J. Q. Wilson constitue un apport important au dévelop-
pement de la théorie de l’administration publique.
Un autre doute nous paraît plus important. Il est possible de le définir par la question :
dans un domaine aussi large, pratique (appliqué), multidimensionnel et interdisciplinaire
qu’est l’administration publique, la théorie est importante ? Il faut répondre positivement
à une question formulée ainsi, et cela de façon univoque et catégorique, parce que le be-
soin d’une plus grande clarté de conceptions et d’une infaillibilité théorique dans l’étude
de l’administration publique est plus qu’évident8. Bien sûr, dans un domaine appliqué – et
l’administration publique en est un – il existe toujours la tentation de croire que pour créer
une politique publique il suffit de garder le bon sens et la sagesse. Il n’y a aucun doute que
le bon sens et la sagesse sont indispensables dans une politique efficace. On ne peut cepen-
dant pas admettre qu’ils soient suffisants, surtout quand ils sont si mal définis, et parfois
indéfinis. Il est possible d’indiquer qu’il y a quelques décennies le bon sens conseillait la
centralisation et une administration publique centralisée, en la traitant comme une résolu-
tion efficace de divers problèmes socio-économiques. Cependant aujourd’hui le bon sens
dicte la décentralisation (la dérégulation, la privatisation, l’outsourcing, le risque, l’inno-
vation, etc.) en tant que bon moyen de gérer les différents problèmes.
À part cela, dans les quelques dernières décennies la Science administrative a déve-
loppé des moyens systématiques d’étudier l’essence du fonctionnement des organisa-
tions publiques, de la gestion publique et de la réalisation des politiques publiques, ce
qui a contribué à augmenter la sûreté (l’infaillibilité) du savoir administratif. Le fonc-
tionnement de l’administration publique est étudié à l’aide d’outils d’analyse concep-
tuels, méthodiques et théoriques améliorés9. Ces outils permettent d’acquérir un savoir
qui est accessible, croissant et, au moins dans une certaine mesure, répétitif. Les études
aspirent à être scientifiques dans le sens d’une rationalité formelle, grâce à laquelle les

Ibid, p. 11-12.
7

Les difficultés dans l’étude de l’administration publique ont trouvé leur reflet dans la question : est-ce
8

que l’administration publique devrait être étudiée indépendamment par des sciences diverses (surtout les
sciences sociales), en accord avec leur sujet et méthodes, ou bien doit-on sans abandonner leurs expériences
et acquis distinguer une discipline de recherche autonome et originale – la Science administrative, visant
l’image multi-aspectuelle, cohérente, mais non simplifiée, d’un phénomène complexe et changeant » J.
Jeżewski, Administracja publiczna jako przedmiot badań, (…) ; A. Błaś, J. Boć, J. Jeżewski, Administracja
publiczna, sous la rédaction de. J. Boć, Kolonia Limited, Wrocław 2003, p. 344. Parmi les nombreuses
opinions à ce propos voir G. Langrod, « Science administrative ou sciences administratives ? », Annales
Universitatis Saraviensis 1956/57, vol. 1, p. 92 et suiv. ; F. Longchamps, Założenia nauki administracji,
Wrocław 1949 ; M. Kulesza, « Dylematy poznawcze nauki o administracji publicznej », [in :] H. Izdebski,
M. Kulesza, Administracja publiczna. Zagadnienia ogólne, Liber, Varsovie 1999, p. 273 et suiv. et T. Sko-
czny, Podstawowe dylematy naukowego poznania administracji państwowej, Wydawnictwa Uniwersytetu
Warszawskiego, Varsovie 1986.
9
Nota bene l’utilisation non pas d’une, mais de plusieurs méthodes de recherche appartient aux traits
spécifiques de la Science administrative. Voir : Z. Leoński, Nauka administracji, C.H. Beck, Varsovie 2010,
p. 22 et suiv.
De la théorie de l’administration publique 105

établissements et les découvertes d’une génération constituent un fondement pour les


études de la génération suivante. Le savoir devient ainsi commun et cumulatif. Cela ne
signifie pas que la réalité sociale, dont l’administration publique fait partie, se prête aux
applications scientifiques formelles, comme cela se fait pour le monde physique. Il n’en
est pas ainsi. On peut cependant prétendre que la Science administrative (et – ajoutons
le – l’art de l’administration)10 devraient être perçus comme une science : apte à être
définie et décrite, répétitive et cumulative.
Penchons-nous maintenant sur les conditions de l’utilité de la théorie de l’adminis-
tration publique. L’utilité de la théorie de l’administration publique, comme dans chaque
théorie, dépend de ses capacités de décrire, d’expliquer et de prévoir, donc de la réalisa-
tion des buts internes et externes de la théorie.
Pour être utile, une théorie devrait décrire exactement les événements ou phénomè-
nes du monde réel, ce qui se fait à un certain niveau d’abstraction (puisque la plupart des
phénomènes importants de l’administration publique sont complexes, leur description
théorique est le plus souvent assez abstraite). Chaque description exige du théoricien
la prise d’une décision : quels éléments souligner et considérer dans un phénomène, et
lesquels doivent être omis. Par conséquent chaque description (modèle) dépend des cir-
constances qui prévalent au cours de la description et est une distorsion de la réalité11.
Tenant compte des limites de la description, une théorie utile devrait expliquer les phé-
nomènes décrits. Une explication peut justifier les distorsions de la réalité que contient
la description. Une explication peut justifier le théoricien qui perçoit certains facteurs
dans un événement ou phénomène comme plus importants que d’autres. La description
répond aux questions sur ce qui s’est passé ou ce qui se passe, mais même la meilleure
description de ce qui se passe peut ne pas répondre à des questions aussi importantes :
pourquoi quelque chose s’est passé ou pourquoi quelque chose a lieu. C’est pourquoi
dans la théorie de l’administration les éléments explicatifs devraient être un supplément
des éléments descriptifs : les éléments descriptifs nous permettent de voir et les éléments
explicatifs de comprendre.
Une théorie utile devrait nous aider non seulement à voir et comprendre les phénomè-
nes, mais aussi à les prévoir. Même si dans ce cadre nous pouvons observer des exigences
exagérées envers la théorie de l’administration publique. Comme on le sait, l’adminis-
tration publique est un domaine pratique et appliqué, et cependant certains attendent une
théorie dont l’application apporterait infailliblement le résultat attendu. La prédiction doit
cependant être comprise comme dévoilant les régularités, la probabilité et les résultats
possibles, et non pas les suites concrètes et inévitables de l’application d’une théorie pré-
cise. Et ce n’est pas peu. Les possibilités de prévoir par rapport à des phénomènes de large
étendue dans une longue période de temps peuvent être vraiment imposantes.
Un mot encore sur la question importante des détails (de l’exactitude), déjà mention-
née, ainsi que de la généralité de la théorie de l’administration publique. Certainement
la richesse en détails dans la description et l’explication d’un phénomène de l’adminis-
10
Du point de vue de J. S. Langrod la Science administrative englobe des éléments d’art : « l’attribution
de valeur aux phénomènes et recherche de solutions non seulement vraies, mais les meilleures » op. cit.,
p. 152.
11
Ceci reste en accord avec l’expression souvent citée attribuée au statisticien anglais G. E. P. Box « En
général tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles ».
106 Jerzy Supernat

tration publique se fait aux dépens de la généralité. Plus la théorie est exacte ou contex-
tuelle, plus ses possibilités d’expliquer le large contexte des événements, et – en consé-
quence – la possibilité de prévoir des phénomènes semblables diminuent. Ainsi, une
grande théorie qui s’étend largement est d’habitude si générale par ses simplifications et
présuppositions qu’elle ne peut rien expliquer à part les phénomènes les plus évidents.
Une théorie de l’administration publique devrait donc être en même temps détaillée et
empiriquement riche, mais aussi générale.
Une théorie utile devrait donner la possibilité de décrire, d’expliquer et de prévoir,
mais que signifie exactement la théorie, quand nous parlons de théorie d’administration
publique ? Sans tenir compte ici des libres significations de ce terme (par exemple de
la théorie dans le sens d’une opinion personnelle) on peut indiquer trois significations
plus formelles du terme « théorie ». En premier lieu, comme dans les sciences natu-
relles et physiques, la théorie signifie une vérification rigoureuse des affirmations ou
hypothèses prédictives sur le fondement de données observables et comparables. Après
avoir été testées et vérifiées, ces hypothèses constituent la base de théories, de lois ou
de conceptions de la réalité. Dans les sciences naturelles ou physiques la théorie aspire
à une représentation de la réalité bien plus exacte, parce que la classification de l’ordre
dans le monde physique est avancée, de même que les possibilités de connaître et de
mesurer les phénomènes naturels. C’est pourquoi une théorie positiviste, propre aux
sciences naturelles et physiques, constitue souvent un indice hautement infaillible dans
l’action. Dans le monde social, dont l’administration publique fait partie, les problèmes
de reconnaissance de régularités, d’élaboration de catégories, de mesurage et de compa-
raison des phénomènes sont bien plus difficiles12. C’est pourquoi les buts de la théorie de
l’administration publique sont différents (il est difficile d’en attendre des axiomes expé-
rimentalement confirmés et universels). Certains auraient dit qu’ils sont plus faciles.
En deuxième lieu, la théorie dans les sciences sociales (et dans l’administration pu-
blique) signifie la mise en ordre d’un matériel vrai pour atteindre la clarté par des défi-
nitions, des notions et des métaphores favorables à la compréhension. Celle-ci est, du
moins en partie, subjective, puisqu’elle a été construite par un théoricien. La théorie
dans cette signification est fondée sur une observation rigoureuse et intuitive du com-
portement social, du comportement d’organisation, du dynamisme institutionnel, des
systèmes et comportements public, des modèles de communication, de la culture d’or-

Cependant ,en justifiant la scientificité de la Science administrative, J.S. Langrod commence par l’ar-
12

gument suivant : « la Science administrative (…) est (…) une science, puisqu’elle recherche par méthode
scientifique l’invariabilité des relations entre phénomènes observés, elle étudie le processus des liaisons
homogènes qui se répètent dans le temps et l’espace, et dans l’intérêt du savoir elle regroupe les événements
du domaine de la réalité concrète dans le cadre d’un schéma scientifique abstrait », op. cit, p.152. J. Boć
formule une remarque très intéressante dans ce contexte dans les mémoires sur le co-créateur de l’École de
la Science de l’Administration et du Droit Administratif de Wrocław, Tadeusz Bigo : « même s’il ne s’oc-
cupait pas d’astronomie ou de mathématiques, il montrait dans ses ouvrages des valeurs durables. Sa thèse
de doctorat d’État sur les liaisons publiques et juridiques dans la législation polonaise est aujourd’hui avec
succès citée et recopiée. Cette circonstance nous donne bien à penser. Il se montre que les établissements de
base dans les cas de relations socio-juridiques peuvent être – malgré la course de la civilisation – aussi dura-
bles que les éléments composants de la matière physique » J. Boć, Tadeusz Bigo (1894-1975), [in :] Pamięci
zmarłych Profesorów i Docentów Wydziału Prawa, Administracji i Ekonomii Uniwersytetu Wrocławskiego
1945-2010, sous réd. de L. Lehmann i M. Maciejewski, Université de Wrocław, Wrocław 2010, p. 23.
De la théorie de l’administration publique 107

ganisation et de la culture nationale, etc. Une théorie qui s’appuie sur une telle obser-
vation est le fondement de toutes les actions de l’administration publique, même si la
plupart de celles-ci n’indiquent pas une théorie concrète comme leur fondement. Il n’y
a cependant aucun doute que les décisions et actions de l’administration publique sont
fondées sur des principes essentiels concernant le comportement social, les régularités
de la collaboration humaine, les motifs d’action, etc. C’est pour cette raison qu’une des
tâches fondamentales de la théorie de l’administration publique est d’expliquer les prin-
cipes qui dirigent l’action et l’élaboration de catégories, de notions, de définitions et de
métaphores qui facilitent la compréhension de ces principes.
En troisième lieu, la théorie de l’administration publique peut être perçue d’un point
de vue normatif, en tant qu’argument normatif indiquant ce qui devrait survenir, ce qui
est bon, meilleur ou juste dans la pratique du fonctionnement de l’administration13. Une
théorie ainsi conçue crée un pont entre la Science administrative et les sciences politi-
ques ainsi que la philosophie. Comme le souligne D. Waldo, chaque théorie de l’admi-
nistration publique est une théorie de la politique14. La pratique de l’administration est un
monde dans lequel les bénéfices et les coûts sont alloués aux citoyens par l’intermédiaire
de l’autorité (pouvoir) de l’État et la théorie de l’administration publique devrait « diri-
ger » une allocation autoritaire des biens publics15. En somme la troisième conception de
la théorie permet de dire que la tâche du théoricien est de formuler une théorie qui décrit
et explique les régularités dans le comportement, mais aussi évalue les implications nor-
matives de ce comportement.
Parmi ces trois conceptions les représentants de la Science administrative adoptent
le plus souvent celles qui se situent à la limite de la deuxième et de la troisième. Quant
à la première, c’est-à-dire la théorie expérimentale, des controverses s’élèvent sur la
question si une théorie de l’administration publique empirique et infaillible est possible.
Dans ce débat on peut distinguer deux points de vue : le traditionnel (classique) et le
behavioriste. Selon l’attitude traditionnelle l’administration publique concerne les buts
et le pouvoir d’une façon éloignée de celle qui est propre aux sciences naturelles et phy-
siques. Dans le monde social les faits peuvent être mesurés, mais ils sont passagers. De
plus, dans les questions des traits et actions collectives de l’humanité la sagesse, l’intui-
tion et les jugements (les évaluations) sont particulièrement importants, mais difficiles
à mesurer et qualifier. Par conséquent plusieurs éléments de l’administration publique
sont subjectifs. Les représentants de l’attitude traditionnelle soutiennent aussi que les
partisans du behaviorisme se privent de certains des plus importants outils accessibles
aujourd’hui et permettant d’étudier l’essence de l’administration publique, dans le cadre,

13
Au sujet de la fonction normative (prescriptive) de la Science administrative voir : E. Knosala,
Rozważania z teorii nauki administracji, Śląskie Wydawnictwa Naukowe Wyższej Szkoły Zarządzania
i Nauk Społecznych, Tychy, 2004, p. 18 et s., ainsi que 23 et suiv.
14
D. Waldo, The Administrative State, Chandler, San Francisco 1946. De même H.A. Simon, Adminis-
trative Behavior. A Study of Decision-Making Processes in Administrative Organization, The Free Press,
New York 1947.
15
Voir : J. Supernat, « Teoria polityki biurokratycznej », [in :] Między tradycją a przyszłością w nauce
prawa administracyjnego. Księga jubileuszowa dedykowana Profesorowi Janowi Bociowi, sous réd. de J.
Supernat, Wydawnictwo Uniwersytetu Wrocławskiego, Wrocław 2009, p. 689 et suiv., et la littérature qui
y est citée.
108 Jerzy Supernat

dans lequel ils se limitent à l’analyse des phénomènes qui peuvent être vérifies à l’aide
de techniques connues permettant de les mesurer. En discutant sur la valeur des supposi-
tions, jugements et sagesses intuitives les théoriciens qui adoptent une perspective uni-
quement behavioriste peuvent s’éloigner de ce qui est important dans l’administration
publique. Cet argument mérite une attention particulière, lorsqu’il s’agit de l’éthique et
de la morale dans l’administration publique. Les traditionalistes prétendent qu’en deve-
nant plus scientifique (dans le sens positiviste du mot) la science de l’administration pu-
blique évite la grande question du bien et du mal. À leur avis les modèles behavioristes
ordonnés ne font que sembler justes.
En échange le point de vue behavioriste adopte l’opinion des positivistes, selon la-
quelle les actions humaines dévoilent suffisamment de régularités et d’ordre pour justi-
fier une étude rigoureuse, le mesurage, la classification et la description de cet ordre. On
peut l’obtenir ou bien en séparant les faits de leur valeur et en construisant les théories
sur les faits (positivisme logique), ou bien en s’occupant des valeurs en tant qu’implica-
tions d’une théorie fondée sur des faits. Selon les behavioristes leurs modèles simplifiés
se basant sur des prémisses claires servent le développement de l’expérimentation et
l’acquisition de conclusions infaillibles. En ce qui concerne la discussion sur les pré-
misses qu’ils ont adoptées, ils croient que celle-ci peut bien servir la théorie sur une
période plus longue. En ce qui concerne les questions d’éthique, de morale, de sagesse
et d’autres notions « peu claires », les behavioristes croient que ces données sont hors de
portée d’une théorie expérimentalement construite.
La discussion entre les approches traditionalistes et behavioristes est aujourd’hui ache-
vée sous plusieurs angles. Les deux points de vue acceptent l’importance de l’observation
et de la catégorisation ainsi que la place centrale de la théorie en tant que moyen convena-
ble d’exprimer la réalité et de « diriger » l’action. La théorie de l’administration publique,
fondée sur l’analyse historique, l’étude institutionnelle et la philosophie, de même que la
théorie de l’administration fondée sur l’analyse statistique et des modèles mathématiques
sont considérées comme aussi valides l’une que l’autre. Et des phénomènes « peu clairs »
comme la direction ou les règles de l’administration publique font aujourd’hui l’objet
d’une analyse expérimentale et d’une théorie construite expérimentalement.
Par rapport à ses acquisitions propres à l’approche traditionnelle ou behavioriste il
y a quelques décennies, la Science administrative est devenue aujourd’hui une disci-
pline incontestablement plus riche en théories. Une théorie dominante, une hégémo-
nie intellectuelle aurait simplement appauvri la Science administrative, c’est pourquoi
aujourd’hui nous avons plusieurs théories fortes et importantes et de nombreux théori-
ciens importants, ce qui peut être considéré comme une condition sine qua non pour un
domaine aussi appliqué et interdisciplinaire qu’est l’administration publique. Le choix
des théories qui auraient le plus contribué au développement de la Science adminis-
trative ou qui peuvent supporter ce développement dans le plus proche futur à cause
de leur potentiel heuristique, est discutable, mais il semble que les théories suivantes
méritent d’être soulignées : la théorie juridique administrative, le contrôle politique de
la bureaucratie, la politique bureaucratique, la théorie institutionnelle, celle de la gestion
publique, du réseau, postmoderniste, décisive, du choix rationnel et de la gouvernance.
Leur description est une tâche séparée, surpassant le cadre de cette étude.
III
Les problemès théoriques
de la science du droit administratif
E wa K atar z y na C z ec h , Edyta Dołęgowska

Des conceptions de l’influence du droit civil


sur l’élaboration du droit administratif –
l’exemple des normes de protection de l’environnement

Introduction

L’influence du droit civil sur le droit administratif est un sujet toujours abordé par les
représentants de la doctrine ou des théoriciens de ces deux branches du droit. Il gagne de
la valeur en face de nouvelles disciplines du droit qui apparaissent et qui se basent sur
ces deux branches classiques. L’exemple de ce type de domaine est le droit de l’envi-
ronnement, discipline récente qui, bien qu’incorporée à fond dans le droit administratif,
puise plusieurs constructions du droit civil, soit directement, soit de ses origines.
Le présent article présente une conception de l’influence du droit civil sur le droit
administratif en se fondant sur les constructions du droit de l’environnement qui sont
un exemple idéal d’une liaison de ces deux univers juridiques divers. Il faudrait ainsi
remarquer que la protection de l’environnement a pour but non seulement la protection
de l’intérêt public, ce qui la laisserait dans la systématique des normes administratives,
mais elle protège également les intérêts individuels ou les relations publiques-privées,
ce qui recourt, d’une façon inévitable, aux instruments appliqués dans le droit civil.
L’opinion-clé sur la question de l’influence des deux disciplines principales du droit est
celle de J. S. Langrod qui, en cherchant une frontière entre le droit administratif et civil,
en examinant leurs relations et emprunts réciproques, a fait référence à la théorie de
l’intérêt présentée déjà par Ulpien, juriste classique romain, en distinguant le droit privé
du droit public.

1. Genèse du droit administratif – construction sur l’acquis en matière


de droit civil. Relation de ces deux branches du droit pendant des siècles.
Virage historique

Afin de traiter du droit administratif, compris comme une branche distincte du droit,
il faut réfléchir tant à la détermination de la genèse de ce domaine qu’à la délimitation de
ses frontières. Cette tâche n’est pas facile, car le droit administratif est une branche du
droit si développée et si polyvalente qu’elle confine avec presque toutes les branches du
112 Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska

droit en ayant avec chacune d’elles un champ en commun. Selon le professeur J. Zim-
mermann cela fait apparaître des problèmes qu’il appelle des dilemmes des limites1. La
question suivante s’impose : si la préoccupation de délimiter les frontières nettes du droit
administratif ne devient pas, dans le monde contemporain des institutions du droit qui
s’interpénétrent, inutile ou même sans but. Il y a déjà 25 ans J. Łętowski a annoncé qu’un
jour la sphère du droit administratif n’existerait pas et il faudrait abandonner la convic-
tion qu’une chose (une relation) devrait être toujours de droit privé ou de droit public, et
ne pourrait pas être de droit privé et de droit public en même temps2. Il semble que cette
annonce se soit réalisée aujourd’hui. La preuve est un nombre illimité de constructions
de droit privé dans le droit public et à l’inverse. Toutefois, indubitablement, le problème
de la délimitation entre le droit administratif et le droit civil et de leur influence récipro-
que est toujours actuel à présent, non seulement dans l’étendue théorique du droit, mais
également dans le cadre de l’application pratique des constructions de droit civil ou de
droit administratif. À l’heure actuelle on consacre beaucoup de place aux interdépendan-
ces entre ces deux branches, y compris à leurs influences conceptuelles.
En ce qui concerne directement le droit administratif, considéré actuellement comme
une partie du droit public, ce qui est nettement perceptible c’est l’influence du droit
civil, restant toutefois un noyau du droit privé. Dans la doctrine se répète très souvent
la conception de l’influence du droit civil sur le droit administratif et ses institutions
particulières. Cela trouve sa justification dans l’histoire de ces deux domaines du droit,
à partir de l’Antiquité. Dans la doctrine on admet généralement que le droit public, y
compris aussi le droit administratif, vient en ligne droite du droit civil, en puisant de ce
dernier les notions et les institutions nécessaires. Le droit administratif comme une bran-
che du droit a, en effet, ses origines dans le droit privé, ce qui signifie son association
indissoluble avec le droit civil3.
En plus, dans l’Antiquité, les commencements du droit administratif furent traités
comme une modification du droit civil, adaptée aux besoins du pouvoir public4. Confor-
mément à la conception classique romaine d’Ulpien conclue dans le Digeste, le droit
privé est un droit des bénéfices des particuliers tandis que le droit public est celui qui se
réfère à l’État romain (Privatum ist quod ad singulorum utilitatem pertiner, publicum
autem ius est qoud ad statumrei Romanae spectat, sunt enim quaedam publice utilia,
quaedam privatim). Cette conception est la base du courant principal de la théorie des
délimitations entre le droit administratif et le droit civil, appelée la théorie de l’intérêt,
selon laquelle la distinction entre le droit privé et le droit public, donc aussi entre le droit
administratif et le droit civil, devrait se baser sur la détermination si l’intérêt assuré par
le droit donné appartient à une communauté ou à un individu.
Il convient de remarquer que, bien que cette théorie puisse être réalisée dans l’Anti-
quité, en référence au droit administratif elle aurait actuellement plusieurs défauts. Ces

J. Zimmermann, Prawo administracyjne, Varsovie 2010, p. 44.


1

J. Łętowski, Administracja, prawo, orzecznictwo sądowe, Wrocław 1985, p. 129.


2

3
M. Stahl (réd.), Prawo administracyjne, pojęcia, instytucje, zasady w teorii i orzecznictwie, Varsovie
2009, p. 35.
4
 Z. Duniewska, « Prawo administracyjne w systemie prawa », [in : ] R. Hauser (réd.), System prawa
administracyjnego, tom I, Instytucje prawa administracyjnego, Varsovie 2010, p. 165.
Des conceptions de l’influence du droit civil ... 113

derniers résulteraient même du fait que les personnes privées utilisent à présent des
normes de droit public pour leurs intérêts privés, et le droit civil, par une réglementa-
tion claire des droits des individus sert indirectement à l’intérêt public5. Certainement
avec le développement du droit administratif se sont formés les institutions et l’appareil
conceptuel caractéristiques uniquement de cette branche du droit ; cependant la relation
entre celui-ci et le droit civil se réfléchissait dans un mélange réciproque. Pour le droit
administratif contemporain cela signifie le dualisme de deux sphères d’influence – en
matière de droit privé et public. Cette question suscite beaucoup de controverses parmi
les théoriciens tant du droit administratif que civil6. En effet, il faut admettre que la
conception de la source du droit administratif dans le droit civil est si enracinée dans la
théorie de ces deux disciplines du droit qu’elle est actuellement un fait vraiment inconte-
stable.
Néanmoins, afin de ne pas rester seulement dans le cadre des suppositions, il importe
de montrer des preuves, relevées dans la doctrine et indiquant une forte influence du
droit civil sur le droit administratif. Actuellement on reconnaît que le droit administratif
est relié au droit civil généralement par une interdépendance d’éléments particuliers de
l’un par rapport aux éléments de l’autre, ce qui crée des structures de références parti-
culières. De plus, les relations entre les deux branches du droit changent en fonction du
temps et d’intensification, ce qui aboutit soit aux processus de publicisation de la sphère
de droit privé, soit à la privatisation dans le cadre du droit public7. En réfléchissant au
caractère de relations du droit administratif avec le droit civil selon J. Zimmermann, il
faut reconnaître que c’est une relation institutionnelle. Elle se manifeste à présent princi-
palement dans la spécificité des normes légales qui, en restant dans le domaine du droit
administratif, ont un caractère civil ; des questions indemnitaires en sont l’exemple8. On
peut retrouver aussi des normes mixtes qui ne peuvent pas être une base claire de la rela-
tion administrative ou de droit civil, même du fait qu’il n’y a pas actuellement d’affaire
« à caractère administratif » ou « à caractère civil ». Dans une situation concrète juri-
dique les différences entre les formes d’action de droit administratif et civil s’effacent.
Il n’est pas rare que d’un acte administratif résultent des conséquences particulières en
termes de droit civil soit un tel acte administratif conditionne une conclusion du contrat
de droit civil9. Selon Z. Leoński, le problème de délimitation du droit administratif est
d’autant plus difficile que le législateur prenait souvent en considération la finalité et non
la pureté des constructions juridiques, en se référant plutôt au type d’intérêt protégé qu’à
la forme de cette protection. Cela fait que la distinction d’un « pur » droit administratif
est souvent impossible10. En plus, il faudrait remarquer qu’actuellement fonctionnent
aussi de nouveaux domaines de droit en quelque sorte à la frontière du droit adminis-
tratif et civil. L’exemple peut être le droit agricole ainsi que le droit de travail dont la
problématique appartenait traditionnellement au droit administratif (par ex. un problème

5
M. Możdżeń-Marcinkowski, Wstęp do prawa administracyjnego ogólnego, Varsovie 2009, p. 43.
6
M. Stahl (réd.), Prawo administracyjne…, p. 36.
7
Ibid., p. 36.
8
J. Zimmerman, Prawo…, p. 45.
9
 Z. Leoński, Zarys prawa administracyjnego, Varsovie 2006, p. 30.
10
Ibid., p. 31.
114 Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska

des relations professionnelles), pendant qu’à présent ils sont placés plus souvent dans le
cadre du droit civil.
En conclusion, dans la thématique de la conception de l’influence du droit civil sur
le droit administratif, les relations entre ces deux domaines se dessinaient sinusoïdale-
ment. Tant dans l’Antiquité le droit administratif puisait incontestablement dans le droit
civil, en raison d’une faible forme du premier, tant, plus tard, on insista plus ou moins
sur une nette distinction de ces deux sphères. C’était justifié notamment par la nécessité
de déterminer une frontière entre le droit privé et public, comme droits protégeant dif-
férents types d’intérêt. Par contre, à présent, à l’heure d’une déstratification de plusieurs
constructions classiques de ces deux domaines ou d’une exploitation des institutions
typiquement de droit privé dans la sphère des relations de droit public, et simultané-
ment, d’une interpénétration de ces deux sphères dans la réalité politique et juridique
actuelle, on peut reconnaître de nouveau une forte influence du droit civil sur le droit
­administratif.

2. Esquisse de la conception du professeur Langrod concernant l’influence


du droit civil sur le droit de l’environnement

Comme on l’a présenté ci-dessus, la conception de l’influence du droit civil sur les
constructions du droit administratif est largement discutée dans la doctrine de ces deux
branches du droit. À l’époque contemporaine, c’est le professeur Jerzy Stefan Langrod
qui est devenu le précurseur de cette pensée. Il a entrepris une vaste analyse de la relation
de ces domaines du droit, tant dans le contexte historique mentionné ci-dessus qu’en se
référant à la théorie du droit et à son application pratique. Il a basé cette séparation en
grande partie sur les critères appliqués dans la distinction entre le droit privé et public,
ce qui est évidemment compréhensible. Cela aboutit à rappeler la conception classique
d’Ulpien (la séparation du droit privé et public au regard de la théorie des intérêts).
Néanmoins, le professeur Langrod, en se rendant compte de la faiblesse des facteurs
qui pourraient décider d’une nette distinction de ces deux régimes, a reconnu que ce
dualisme ne pouvait pas être effectué complètement car partout existerait la sphère de
limites effaçant clairement la frontière entre le droit administratif et civil11.
En se référant aux origines du droit administratif, quand le droit civil fut déjà forte-
ment stabilisé, J. S. Langrod a présenté l’idée qui est effectivement un fondement de la
conception contemporaine des racines du droit administratif, et est rappelée à présent
à l’occasion de chaque discussion concernant le sujet en question. Il reconnaît ainsi
que « le jeune âge du droit administratif et la façon de sa création le mettent toujours
dans une certaine dépendance de la méthode civiliste, son instrumentation technique et
juridique, son vocabulaire, son élégance. L’apparition du droit administratif fut accom-
pagnée naturellement par différents emprunts dans le droit civil, plus ou moins à court
terme – jusqu’à l’acquisition difficile des capitaux propres. Cette référence aux normes
déjà essayées, le fait de se baser sur une construction déjà prête sont redevenus une

11
J. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego, Cracovie 1948, p. 58.
Des conceptions de l’influence du droit civil ... 115

source de malentendus infinis par rapport à la relation entre le droit administratif et droit
civil. »12. Cette pensée a abouti à la distinction de trois sphères de droit régulant l’activité
de l’administration ,différenciées de point de vue de la relation réciproque de ces deux
domaines du droit :
1. Sphère d’application exclusive du droit administratif
2. Sphère d’application exclusive du droit civil
3. Sphère limite de « croisement des deux régimes » comprenant des points communs
de l’ingérence des dispositions de ces deux disciplines du droit13.
Cela signifie que le droit administratif vit « sa double vie » en se soumettant tant aux
normes du droit administratif que du droit civil. Selon J. S. Langrod, l’activité de l’ad-
ministration est réglementée soit par le droit distinct, caractéristique uniquement pour
son activité, soit par le même droit, réglementant néanmoins l’activité privée comprise
comme relations entre les individus. L’intensification de la tendance dans les sphères
particulières d’application des droits doit refléter la spécificité des régimes étatiques.
Plus souvent le droit civil est appliqué dans l’administration, plus grande est la liberté
qui caractérise un régime donné ; comme par exemple le régime français. Pourtant J.
S. Langrod souligne que le droit civil ne gouverne uniquement l’activité administrative
dans aucun régime contemporain, mais partout il existe une certaine symbiose du droit
civil avec le droit administratif dans la sphère de l’administration14. Cela découlerait du
fait qu’entre le droit civil et le droit administratif il y a toujours un déséquilibre technique
se manifestant, d’un côté, dans la pauvreté des constructions caractéristiques exclusi-
vement de ce dernier, et, de l’autre, par l’importance toujours en augmentation du droit
administratif.
J. S. Langrod remarque à juste titre la tendance se dessinant au milieu du XXe siècle,
qui, comme résultat d’une croissance intensive du droit administratif, diminuait la pri-
mauté séculaire du droit civil, mais sans réfuter en aucune façon ses éléments, sans re-
pousser ce dernier des domaines particuliers de sa domination naturelle et sans « révéler
de tendances envahissantes »15. Les déplacements des institutions du droit civil vers le
droit administratif qui se montrent dans le cadre de ces transformations ne se sont passés
que dans la sphère frontalière et concernaient « la publicisation nécessaire de certains
mécanismes civilistes dépassés provenant du Moyen Âge »16. Le droit administratif se
détacha, devint autonome, commença une vie indépendante ne s’occupant que de la
sphère publique, en laissant les relations de droit privé aux régulations du droit civil et
en les utilisant en fonction de ses besoins actuels. Il faudrait néanmoins remarquer que
cette tendance de séparation des deux branches du droit a commencé à s’effacer peu à
peu et à présent on aperçoit de plus en plus souvent des constructions civiles et quasi-
civiles qui apparaissent soit directement dans les actes normatifs, soit dans la sphère de
l’application du droit.

12
J.S. Langrod, Instytucje…, p. 71.
13
Ibid., p. 45.
14
Ibid., p. 50.
15
Ibid., p. 54.
16
Eod loc.
116 Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska

3. Influence de la construction du droit civil sur les solutions adoptées


dans les normes administratives protégeant l’environnement

La pénétration des institutions du droit civil dans les constructions du droit adminis-
tratif, à la base desquelles, selon l’intention du législateur, doivent être protégés des élé-
ments de la nature, est un phénomène d’une étendue de plus en plus vaste. L’exemple qui
illustre clairement cette question concerne les normes de la loi « Droit de la protection de
l’environnement »17, ainsi que les dispositions de la loi relative à la prévention les dom-
mages environnementaux et leur réparation18 (ci-après nommée la loi sur les domma-
ges). Dans le cadre du dernier de ces actes normatifs le rayonnement des constructions
du droit civil était si significatif que dans le milieu des juristes se déroulait la discussion
sur le caractère de la régulation de la loi sur les dommages. Elle concernait la question
si c’est une loi où a été réglementée la responsabilité administrative ou la responsabilité
civile. Malgré un débat persistant on a admis que dans la loi sur les dommages il y a une
majorité de traits de la responsabilité administrative bien qu’il y ait dans son cadre des
constructions propres au droit civil19. Il faut prendre en considération que l’entrée en
vigueur de cet acte normatif a provoqué des changements significatifs dans la percep-
tion des régulations administratives protégeant l’environnement et du droit administratif
comme une branche du droit. Dans la science du droit on a relevé que l’intégration à l’or-
dre juridique polonais de cet acte normatif avait abouti à une séparation intérieure de la
responsabilité administrative dont l’isolement univoque avait déjà éveillé de nombreuses
controverses. Dans les régulations de la protection de l’environnement on peut distin-
guer la responsabilité pour un délit administratif par rapport à laquelle c’est l’acquis des
régulations du droit pénal qui s’applique. À l’autre bout, il y a la responsabilité prévue
dans la loi relative à la prévention des dommages environnementaux et leur réparation.
Son application exige une référence à l’acquis élaboré dans le cadre des relations de droit
civil. Au milieu de cet espace législatif indiqué de cette façon fonctionne la responsabi-
lité administrative où le principe de faute n’est pas la première règle à l’assumer. Il est
justifié de constater que la faute comme raison à l’assumer est plutôt étrange20.
Outre la nécessité indiquée d’une nouvelle perception des régulations administra-
tives protégeant l’environnement, l’application si large par le législateur polonais des
constructions traditionnellement connues du droit civil, dans les normes de la loi sur
dommages, a entraîné l’apparition des catégories de questions suivantes. La première
concerne le déplacement des questions litigieuses présentes en matière de régulations
du droit civil vers le domaine de la responsabilité administrative pour des dommages
environnementaux et des situations de menace imminente d’un tel dommage réglées

La loi du 27 avril 2001, texte intégral : Journal Officiel de la République de Pologne de 2011, n° 178,
17

texte 1060.
18
La loi du 13 avril 2007 relative à la prévention des dommages environnementaux et leurs réparation,
J. O. n° 75, texte 493, modifié.
19
Cette opinion a été formulée à la base du projet de loi sur les dommages ; le contenu de ses normes
qui a été adopté justifie le caractère actuel de cette opinion, cf. E.K. Czech, « Spór wokół odpowiedzialności
za szkodę w środowisku (Directive 2004/35/CE) », Państwo i Prawo 1/2007, p. 66.
20
E. K. Czech, Szkoda w obszarze środowiska i wina jako determinanty odpowiedzialności administra-
cyjnej za tę szkodę, Białystok 2008, p.22.
Des conceptions de l’influence du droit civil ... 117

par la loi sur les dommages. L’exemple illustrant un tel état de choses est l’institution
de faute. En se référant à cette institution juridique il faudrait indiquer l’existence des
controverses liées à leur détermination. L’acquis de la science du droit affirme l’opinion
que ce qui pose problème c’est le déplacement vers le cadre des solutions administrati-
ves et juridiques de la théorie de faute élaborée en matière de régulations du droit civil.
Ainsi se montre la compréhension de l’illégalité dans le sens du droit administratif et du
droit civil traditionnels. Cela aurait lieu en cas d’application objective et subjective de
la théorie de la faute ainsi que le cas d’affirmation que l’illégalité n’est qu’une prémisse
de la faute. Les exploitants responsables exerceront l’activité provoquant un dommage
environnemental à la base d’autorisations appropriées non seulement dans les situations
exceptionnelles. La possibilité d’accepter l’illégalité en termes de la doctrine du droit
civil entraînera de nombreux problèmes au cas où les exploitants exerceraient leur ac-
tivité en conformité avec une autorisation. La question présente ne sera pas résolue par
des poursuites dérivées indemnitaires de la part des organes de l’administration publi-
que, par ex. à titre d’une action ou d’une omission administrative non conforme au droit
pendant l’exercice du pouvoir public. La question causant des problèmes est aussi la
responsabilité des gestionnaires collectifs21.

4. Construction du dommage environnemental dans la loi


« Droit de la protections de l’environnement » et la responsabilité
qui y est liée comme exemple d’institution civile dans le droit administratif

Une autre catégorie des questions litigieuses consiste en la possibilité de référer aux
institutions du droit civil des constructions du droit administratif. À titre d’exemple on
peut mentionner la construction du droit administratif, cela veut dire des dommages
environnementaux ou des dommages environnementaux comme un bien commun à la
lumière de la loi sur les dommages qui doit être référée à l’acquis du droit civil créé
dans le cadre du dommage connu aux relations de droit civil. Ce qui illustre cet état
de choses est l’opinion que les deux types de dommages indiqués dans l’art. 24 de la
loi sur les dommages, un dommage environnemental et un dommage environnemental
comme bien commun peuvent prendre la forme de damnum emergens. Toutefois, il n’est
plus évident s’il est impossible de les exprimer comme lucrum cessans. L’argument
confirmant l’admission de cette possibilité est que, par un dommage environnemental on
entend une modification négative, mesurable, des fonctions des éléments naturels. Au re-
gard de l’art. 6, alinéa 6 de la loi sur dommages ces éléments doivent être traités comme
l’utilité des espèces et des habitats naturels protégés, des eaux et des sols pour les autres
éléments naturels ou les gens. Les régulations de cet acte normatif ne permettent pas de
déterminer d’une façon claire si l’étendum de la réparation du dommage comprendrait
des profits perdus, tant ceux perdus par un exploitant concret que par « tous »22.
La dernière des catégories des questions est la nécessité de chercher dans les solu-
tions de la loi sur les dommages des « calques » des solutions appliquées par le légis-
21
Ibid., p. 280.
22
Ibid., p. 274-275.
118 Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska

lateur dans les dispositions du droit civil et à la base sur cette formulation des opinions
permettant une application correcte, de point de vue de l’ordre juridique en vigueur,
des dispositions de la loi sur les dommages. Comme exemple il faudrait indiquer une
institution de lien de causalité comme condition pour engager la responsabilité décrite
dans la loi sur les dommages. Conformément à l’art. 2 dudit acte normatif, il est possible
de distinguer les catégories suivantes de cas : causer une menace imminente d’un dom-
mage environnemental ou un dommage environnemental par l’activité de l’exploitant
utilisant l’environnement créant un risque de dommage environnemental ; causer une
menace imminente de dommage environnemental ou un dommage environnemental par
l’activité de l’exploitant utilisant l’environnement, autre que celle qui crée un risque de
dommage environnemental, s’ils concernent les espèces et les habitats naturels protégés
et s’ils se sont produits à cause de l’exploitant utilisant l’environnement, ou, enfin, si les
conséquences négatives indiquées ont été causees par une émission d’un caractère diffus
provenant de plusieurs sources ; la responsabilité de l’exploitant sera engagée lorsqu’il
est possible d’établir un lien de causalité entre une menace imminente de dommage
environnemental ou un dommage environnemental et l’activité de l’exploitant. Cette
disposition de l’art. 2 de la loi sur les dommages permet d’admettre que la construction
juridique, dont se sert le législateur polonais, contenue dans les dispositions du droit civil
dans le cadre de la condition de la présence d’un lien de causalité, existe également dans
la régulation de la loi sur les dommages.23 Dans la doctrine du droit civil on souligne que
le sens d’un lien de causalité comme base de la responsabilité est qu’un événement et
un dommage restent en relation entre eux ce qui permet de confirmer que le deuxième
élément de la relation résulte du premier. Cette condition est comprise dans le contenu
des dispositions particulières où l’obligation indemnitaire a été prévue. Le principe est
que ces régulations sont construites de telle sorte que, outre la nécessité de la présence
d’un événement donné (« cause ») et d’un fait d’apparition de dommage, il y est indi-
qué qu’entre ces éléments doit se produire une liaison logique24. Les situations ayant un
caractère exceptionnel sont celles qui sont justifiées par des raisons législatives quand
une créance indemnitaire est créée à la base d’ un seul fait d’apparition d’un dommage,
indépendamment de ce qui en a été une cause. En se référant aux normes d’exemple de
l’art. 438 ou l’art. 846, paragraphe 1 du code civil, il faut indiquer que le législateur n’a
compris dans ces dispositions qu’une définition générale des éléments des états réels ;
par contre, il n’a indiqué aucun fait concret qui pourrait être reconnu comme cause de
ces dommages25.

23
Cf. plus largement E. K. Czech, Związek przyczynowy – przesłanka ponoszenia odpowiedzialności za
szkody w środowisku.
24
S. Garlicki, Odpowiedzialność cywilna, p.87, voir : Koch, Metodologiczne zagadnienia związku…,
édition citée, p. 86.
25
Ibid., p. 86-87.
Des conceptions de l’influence du droit civil ... 119

5. Garantie des créances et indemnité pour dommage subi à cause de la


limitation de la façon d’exploiter un bien immobilier comme constructions
civiles du droit de l’environnement

Une autre dimension d’utilisation de la construction du droit civil dans le cadre de la


législation des institutions traitées comme propres au droit administratif sont les disposi-
tions de la loi « Droit de la protection de l’environnement ». À titre d’exemple il faudrait
mentionner une garantie des créances (l’art. 187 de ladite loi) ou une créance qui s’expri-
me par une demande du propriétaire d’indemnisation pour dommage subi à cause d’une
limitation de la façon d’exploitation d’un bien immobilier (l’art. 129 de ladite loi).
En se limitant uniquement à la disposition de l’art. 129, alinéa 2 de la loi « Droit de la
protection de l’environnement » on peut indiquer la présence d’une certaine régularité.
L’application de cette solution législative provoquera qu’en cas de questions litigieu-
ses par rapport à l’introduction des constructions civilistes, elles seront traitées par la
science du droit et la jurisprudence d’une façon analogique, comme cela aurait lieu si
elles étaient comprises dans le cadre des actes normatifs appartenant au droit civil. Tou-
tefois, sans aucun doute, la vision de leur interprétation ne peut pas être indépendante
de la spécificité du bien juridique en vue de la protection duquel l’institution du droit
administratif a été créée, par exemple des terrains dont l’exploitation est limitée. Il suffit
d’évoquer, à titre d’exemple, l’opinion de la Cour suprême exprimée dans le jugement
du 25 février 200926, à la base de l’art. 129, alinéa 2 de la loi « Droit de la protection de
l’environnement ». La Cour a révélé que le dommage compris d’une façon doctrinale
constitue chaque dégât qui s’est produit dans les biens ou les intérêts protégés par la loi,
qui a touché une victime contre sa volonté. Dans l’art. 129, alinéa 2 de la loi « Droit
de la protection de l’environnement » le législateur a établi que le dommage comprend
également une diminution de la valeur d’un bien immobilier. Une telle définition de cette
question correspond avec la notion de dommage en termes de l’art. 361, paragraphe 2
du Code civil. Conformément à cette disposition, les pertes signifient entre autres une
diminution d’actif. La dégradation d’un bien immobilier aboutit à une diminution d’un
actif qui est ce bien immobilier27. Il ne devrait pas éveiller de doutes que la diminution
de la valeur d’un bien immobilier est une perte mesurable, indépendamment de ce que le
propriétaire l’a écoulé ou n’a l’intention de faire aucune démarche. Cela se justifie par ce
que le bien immobilier est un bien ayant un caractère d’investissement28.
Il faut noter que cette dernière forme d’influence des régulations du droit civil sur le
droit administratif, du point de vue de l’application pratique des dispositions de la loi,
ne devrait généralement pas s’avérer aussi difficile que la dimension préalablement in-
diquée de cette influence. Le principe est que l’interprétation de la construction du droit

26
Le jugement de la Cour suprême du 25 février 2009, II CSK 548/08, System Informacji Prawniczej
LEX 47/2009.
27
Cf. Les motifs de la décision de la Cour suprême du 21 mars 2003, III CZP 6/03, OSNC 2004, n° 1,
poste. 4 et jugement de la Cour suprême du 9 mars 2007, II CSK 457/06, non publié.
28
Cf. La décision de la Cour suprême du 12 octobre 2001, III CZP 57/01, OSNC 2002, n° 5, poste 57 ;
cf. jugement de la Cour suprême du 25 février 2009, II CSK 548/08, System Informacji Prawniczej LEX
47/2009.
120 Ewa Katarzyna Czech, Edyta Dołęgowska

civil à la lumière de l’acquis de la science du droit et de la jurisprudence formé à partir


des relations de droit civil connaît moins de difficultés que s’il faut, à la base de cet ac-
quis, faire une interprétation des institutions qui sont propres au droit administratif.

Conclusion

Le présent article est, d’une part, une sommation de la conception du professeur J.


S. Langrod concernant l’influence du droit civil sur le droit administratif, et, de l’autre,
il donne des exemples des constructions civiles ou quasi-civiles présentes dans la loi
« Droit de la protection de l’environnement » qui sont un soutien pour ladite conception.
En résumant cet article. il faudrait noter que l’interpénétration des sphères de droit civil
au droit de l’environnement qui fait incontestablement partie du droit administratif,est si
profondément enracinée dans le système du droit qu’il est souvent difficile de trouver la
frontière entre ses branches particulières. Et bien que ce problème soit traité depuis l’An-
tiquité (la conception d’Ulpien), il reste encore actuel. De plus, dans la perspective de
la réalité juridique contemporaine l’interpénétration du droit civil au droit administratif
est inévitable et réelle. Il convient ainsi d’affirmer que la conception du professeur J. S.
Langrod reste toujours actuelle, tant dans la question des origines du droit administratif
dans le droit civil, que des « emprunts » du premier en forme de constructions de droit
civil. Le droit administratif subit encore sa « double vie juridique », ce qui signifie qu’il
est soumis en même temps aux règles du droit civil qu’à ses propres constructions et
institutions29.

29
J.S. Langrod, Instytucje…, p. 44.
D o ro ta Dąbek

Le droit des juges en droit administratif contemporain –


à propos de la convergence des systèmes juridiques envisagée
du point de vue polonais

Dans une étude dédiée à la théorie du droit administratif qui fait référence aux ré-
sultats des travaux scientifiques de l’éminent spécialiste en ce droit – Professeur Jerzy
Stefan Langrod, une place essentielle devrait être réservée à l’analyse de l’institution que
le professeur Langrod a fait entrer dans la doctrine polonaise du droit administratif – le
droit des juges. Effectivement, bien que l’institution même de l’activité créative ou nor-
mative des tribunaux soit intimement liée avec la juridiction depuis les origines de cette
dernière, dans la doctrine polonaise le Professeur J.S. Langrod fut le premier à s’intéres-
ser dans ses publications à la notion de droit des juges du point de vue de la théorie du
droit administratif. J. S. Langrod la considérait comme l’une des notions de base du droit
administratif et y voyait l’un des éléments nécessaires pour la définition de ce droit. « Le
noyau et l’essence du droit administratif » sont constitués, d’après lui, de normes « intra-
administratives » (c’est-à-dire administratives quant à leurs rang, genèse et teneur) et de
« normes supra-administratives ». Ces dernières sont administratives quant à leur teneur,
mais « supra-administratives » quant à leur rang et « extra-administratives » s’il s’agit
de leur genèse. Elles émanent du législateur lui-même et des règles du « droit des juges »
créées par le tribunal en tant que « législateur secondaire ». Le Professeur Langrod pré-
tendait donc que le juge, tout comme un préteur romain, non seulement met en pratique
le droit codifié, mais le complète également d’une façon créative1.
Le caractère toujours pertinent de ces constatations devient évident à l’examen de
l’état actuel du droit administratif. Bien que la notion de droit des juges ait été négligée
au cours de ces dernières années dans la doctrine polonaise, aujourd’hui elle semble
gagner en popularité. Également, suite à une discussion de plus en plus animée, les opi-
nions sur l’essence du droit et sur les fonctions normatives dans le système du droit co-
difié sont progressivement vérifiées2. Cette controverse concernant l’étendue admissible

1
Cf. J. S. Langrod, Instytucje prawa publicznego. Zarys części ogólnej, Reprint, Zakamycze, 2003
p. 261-268, 331.
2
Cf. par ex. J. Filipek, Prawo administracyjne. Instytucje ogólne, cz. II, Cracovie 2001, p. 264–266 ;
A. Gomułowicz, Aspekt prawotwórczy sądownictwa administracyjnego, Varsovie 2008 ; R. Hauser, J.
Trzciński, Prawotwórcze znaczenie orzeczeń Trybunału Konstytucyjnego w orzecznictwie Naczelnego Sądu
Administracyjnego, Varsovie 2008 ; Z. Kmieciak, « Prawo sędziowskie w sferze jurysdykcji sądów admi-
nistracyjnych », PiP, 2006, cah. 12 ; J. Łętowski, « Wpływ Konstytucji na prawo administracyjne » [in :] M.
122 Dorota Dąbek

des compétences normatives des organes appliquant la loi et particulièrement la place


des tribunaux dans le système des organes qui exercent l’autorité publique, reste toujours
sans solution. En effet nous sommes continuellement confrontés au dilemme suivant :
qui devrait assumer la réalisation des valeurs protégées par la loi et comment le faire : ce
devoir incomberait-il au législateur qui réalise la volonté commune, détermine les bases
juridiques pour les décisions des juges garantissant ainsi la sûreté juridique au sens for-
mel de ce terme, ou au tribunal qui réalise surtout la légitimité matérielle, garantie par la
souplesse des décisions adaptées à des cas concrets.
En observant la pratique judiciaire actuelle du point de vue polonais, c’est-à-dire des
tribunaux polonais et de ceux de l’Union européenne, je parviens à la conclusion que les
tribunaux commencent à résoudre indépendamment et à notre place ce dilemme théo-
rique irrésolu depuis des siècles, en nous mettant ainsi devant des faits accomplis. Le
changement de plus en plus manifeste dans la perception du rôle des tribunaux est visible
dans la manière dont les tribunaux statuent. En effet, ceux-ci afin de rendre un jugement
juste plutôt que correct du point de vue formel, ont souvent recours aux règles juridi-
ques qui ne sont pas exprimées explicite dans les sources du droit codifié et appliquent
la technique de précédent, utilisant les décisions ultérieures d’autres tribunaux3. Ainsi,
également en Pologne, on parle de plus en plus de l’activisme grandissant des tribunaux
contemporains, dans le contexte de l’ « expansion globale du pouvoir judiciaire » dont il
est question dans les travaux scientifiques américains et européens4. En même temps il
faut souligner que ce changement dans la perception du rôle des tribunaux se manifeste
également dans le changement des attentes de la société envers les tribunaux polonais. Il
convient de remarquer qu’en Pologne l’activisme des juges est parfaitement accepté, les
décisions basées sur les standards formels étant considérées comme injustes. On observe
clairement la disposition à laisser aux juges une grande discrétionnalité dans le proces-
sus de statuer5. La société polonaise qui attend que les juges délaissent « la lettre morte
de la loi », semble donc accepter la création par les tribunaux du droit des juges.

Wyrzykowski (réd.), Konstytucyjne podstawy systemu prawa, Varsovie 2001, p. 153 ; J. Małecki, « Prawo-
twórcza rola orzecznictwa Naczelnego Sądu Administracyjnego w sprawach podatkowych », RPEiS, 1993,
no 4 ; références aux opinions de J. S. Langrod J. Lemańska, « Tak zwane prawo sędziowskie w syste-
mie źródeł prawa administracyjnego » [in :] J. Zimmermann, P. Dobosz (réd), Źródła prawa administra-
cyjnego. Conférence à l’occasion du 100e anniversaire du professeur Jerzy Stefan Langrod. Uniwersytet
Jagielloński – 23 avril 2004, Cracovie 2005, p. 63–86 ; sur le fond de toile du droit constitutionnel P. Tuleja,
« Prawo sędziowskie z perspektywy konstytucyjnej », [in :] P. Czarny i inni, Konstytucja i sądowe gwaran-
cje jej ochrony. Livre d’hommage à la mémoire du Professeur Pawł Sarnecki, Cracovie 2004, p. 209 et suiv.;
D. Dąbek, Prawo sędziowskie w polskim prawie administracyjnym, Varsovie 2010.
3
Cf. les résultats des recherches menées auprès des juges polonais : K. Pałecki, « Stressing Legal De-
cisions. Basic Assumptions » [in :] T. Biernat, K. Pałecki, A. Peczenik, Ch. Wong, M. Zirk-Sadowski (éd.),
Stressing Legal Decisions IVR 21st World Congress, Lund, Sweden, 12–18 August 2003, Cracovie–Lund,
2004, p. 18. Cf. aussi L. Morawski, M. Zirk-Sadowski, « Precedent in Poland » [in :] D.N. MacCormick,
R.S. Summers, (éd.), Interpreting Precedents. A Comparative Study, Dartmouth 1997, p. 219–220. Cf. aus-
si de nombreux exemples de décisions normatives des tribunaux administratifs polonais [in :] D. Dąbek,
Prawo sędziowskie w polskim prawie administracyjnym, Varsovie 2010.
4
Cf. plus amplement entre autres K. M. Holland (éd.), Judicial Activism in Comparative Perspective,
New York 1991.
5
Cf. les résultats des recherches sociales concernant le rôle des tribunaux contemporains, menées par
la Chaire de Sociologie du Droit de l’Université Jagellonne, publiés dans : M. Borucka-Arctowa, K. Pałecki
(réd.), Sądy w opinii społeczeństwa polskiego, Cracovie 2003.
Le droit des juges en droit administratif contemporain ... 123

Je crois que l’une des plus importantes sources de l’activisme accru des juges est la
convergence grandissante de différents systèmes juridiques. On observe de nos jours
de plus en plus clairement l’effacement progressif des différences entre les systèmes
de droit codifié (où le précédent est considéré uniquement comme une source auxiliaire
du droit) et ceux où le précédent est la source essentielle du droit6. Dans les pays de
l’Union européenne nous assistons à un processus de rapprochement progressif de ces
deux cultures juridiques. D’une part, dans les pays au système jurisprudentiel, le droit
codifié gagne en puissance et son champ d’application s’élargit. D’autre part, dans les
pays du droit codifié augmente la tendance à se référer à des décisions antérieures qui
de plus en plus souvent sont prises en considération dans de nouvelles affaires, bien
que formellement le principe de précédent ne soit pas obligatoire. Il ne s’agit pas d’une
révolution, mais d’une évolution progressive qui change d’une façon conséquente et
avec beaucoup d’efficacité les principes fondamentaux et, on eut dit, incontestables, de
la « grande dichotomie ». Il convient néanmoins de souligner nettement que la pression
exercée sur la manière de statuer conformément aux décisions antérieures ne concerne
pas uniquement le droit communautaire, ce qui semblerait évident étant donné l’activité
effective de la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’interprétation de ce droit,
mais se rapporte également au droit national. Dans les pays au système de droit écrit,
la jurisprudence crée dans une mesure de plus en plus large le « droit des juges » qui
n’émane pas d’un législateur institutionnel, mais d’un juge. Dans la doctrine se font
entendre des voix selon lesquelles le Royaume Uni et l’Irlande seraient l’ « Athènes de
l’Europe contemporaine »,car leur régime juridique multidimensionnel et leur capacité à
mener un dialogue pluriculturel suscitent l’admiration chez les juges d’autres pays7.
Je ne suis pas une enthousiaste du système de précédent, dépourvue de sens critique
et partisane de l’exclusivité des tribunaux dans la création du droit. Mais je pense que la
doctrine ne saurait rester indifférente devant les phénomènes décrits ci-dessus et fermer les
yeux sur le changement des attentes sociales envers les tribunaux, ainsi que sur l’évolution
de la pratique judiciaire. Un formalisme excessif et la stricte observation d’un système
fermé des sources du droit peuvent mener à l’injustice et au système défini par Cicéron
comme: summum ius, summa iniuria. Selon moi, des exemples de sentences trop formalis-
tes dans notre pratique judiciaire, invoquant même le principe dura lex, sed lex, prouvent
que le droit ne saurait être confiné dans le langage des textes juridiques et que tout ce qui
décide l’autorité législative n’est pas toujours le droit et ce qu’elle ne décide pas, ne peut
pas l’être. Je considère donc que le principe en vigueur en Angleterre, selon lequel le juge

6
Cf. plus amplement L. M. Friedman, « Is There a Modern Legal Culture ? », Ratio Juris, 1994, no 7,
p. 125–129.
7
 Z. Brodecki (réd.), Europa sędziów, Warszawa 2007, p. 33–36 ; T.H. Bingham qui remarque cette
convergence récapitule que le droit common law ne devrait pas se sentir menacé dans une Europe commu-
nautaire, There is a World Elsewhere – The Changing Perspectives of English Law, International & Com-
parative Law Quarterly 1992, vol. 41, p. 514. Plus amplement à propos de ces phénomènes de convergence
cf. entre autres A.S. Sweet, « Judicial Authority and Market Integration in Europe » [in :] T. Ginsburg, R.A.
Kagan (éds.), Institutions and Public Law: Comparative Approaches, New York 2005, pp. 93 et 99; aussi V.
Lowe, The Politics of Lawmaking, « Are the Method and Charakter of Norm Creation Changing ? » [in :] M.
Byers (éd.), The Role of Law in International Politics : Essays in International Relations and International
Law, 2000, p. 215.
124 Dorota Dąbek

ne peut pas être contraint par la loi, si cela aboutit à des conséquences absurdes (règle lex
falsa lex non est), devrait progressivement modifier le principe obligatoire sur le continent
européen lex falsa lex est8. Les opinions sur l’essence du droit et sur ses fonctions norma-
tives dans le système du droit codifié doivent donc subir un changement.
Évidemment, la question de l’étendue des compétences normatives des tribunaux
a une dimension plus vaste, relevant de la philosophie du droit, de la théorie juridique
et de la dogmatique9. Dans la doctrine du droit administratif, en nous appuyant sur cet
acquis, nous devons tout de même prendre en considération la spécificité de notre bran-
che du droit et essayer d’analyser et d’estimer ce phénomène général de ce point de vue.
D’une part nous sommes en effet obligés de prendre en considération la spécificité du
droit administratif, c’est-à-dire le caractère impératif de ses normes relevant du droit pu-
blic, l’absence de régulation normative de la partie générale, la multiplicité et la diversité
des sources du droit administratif ainsi que sa variété exceptionnelle. D’autre part, nous
devons tenir compte de la spécificité de la juridiction des tribunaux administratifs. La
fonction de statuer des tribunaux administratifs polonais se limite au contrôle de l’admi-
nistration. Les tribunaux administratifs polonais doivent donc contrôler l’administration,
ils ne sont pas par contre censés trancher d’une façon autonome les affaires administrati-
ves. En contrôlant l’administration, les tribunaux administratifs émettent à vrai dire des
jugements sur le droit et leurs décisions constituent une base obligatoire pour les déci-
sions des organes administratifs dans une affaire donnée. Dans le système de la juridic-
tion administrative polonaise, récemment réformé, on a introduit deux instances10, créant
ainsi « la hiérarchie des positions juridiques de différents jurys et le système qui rend
possible son respect »11, ce qui vient renforcer sans aucun doute l’efficacité du contrôle
de la jurisprudence et contribue au renforcement de son homogénéité. Ce qui caractérise
la juridiction administrative c’est que dans son cadre on a laissé l’instrument auquel le
législateur polonais avait renoncé à l’égard des autres tribunaux12, à savoir les jugements
8
Plus amplement L. Morawski, Główne problemy współczesnej filozofii prawa. Prawo w toku prze-
mian, Varsovie, 2005, surtout p. 240 et suiv. ; cf. aussi BVerfGE 96, 375 (394).
9
Cf. surtout les courants les plus récents : postmodernisme (qui remet en question l’identification du
droit avec un recueil de textes juridiques conformément à la conviction que le droit est déterminé égale-
ment par les principes de caractère extra-juridique), herméneutique (qui critique le monopole de la loi et
accentue la nécessité de combler les lacunes et les antinomies de l’ordre positif légal par l’application des
sources informelles du droit), les travaux de : H.L.A. Harta (H.L.A. Hart, Pojęcie prawa, Varsovie 1998)
et de R. Dworkin (surtout R. Dworkin, Biorąc prawa poważnie, Varsovie 1998), qui ont déclenché un dé-
bat sur la question de discrétionnalité des juges, de la création et de l’application de la loi, de la division
en interprétation créative et imitative du droit et du droit des juges – dans la doctrine polonaise cf. surtout
B. Wojciechowski, Dyskrecjonalność sędziowska. Studium teoretycznoprawne, Toruń 2004 ; M. Smolak,
Uzasadnienie sądowe jako argumentacja z moralności politycznej. O legitymizacji władzy sędziowskiej,
Cracovie 2003.
10
Les lois : du 25 juillet 2002 – Loi sur le régime des tribunaux administratifs (J. O. No 153, texte 1269
avec les modifications ultérieures), du 30 août 2002 – Loi sur la procédure devant les tribunaux (J. O. No
153, texte 1270 avec les modifications ultérieures).
11
J. Borkowski, « Ustawy o dwuinstancyjnym sądownictwie administracyjnym », partie II, M. Praw.
2003, no 8, p. 352.
12
Actuellement en Pologne on a renoncé aux décisions juridictionnelles formellement obligatoires qui
existaient avant – directives votées par la Cour Suprême ainsi qu’à l’interprétation du droit obligatoire erga
omnes donnée par la Cour Constitutionnelle. Formellement donc le précédent, quel qu’il soit, n’est pas consi-
déré comme une source du droit.
Le droit des juges en droit administratif contemporain ... 125

formellement contraignants. La Haute Cour administrative a été en effet dotée du droit


d’émettre des arrêts auxquels on a attribué, à côté de la force obligatoire individuelle,
la force obligatoire générale. Cette spécificité du droit administratif et de la juridiction
administrative influe sans aucun doute sur l’étendue acceptable du droit des juges dans
cette branche du droit.
Dans le système juridique polonais, il est légitime de parler du droit des juges unique-
ment dans certains types de cas difficiles, car c’est justement l’étendue des marges déci-
sionnelles de ces cas difficiles qui constitue l’argument essentiel en faveur de la création
du droit par les tribunaux13. Évidemment, dans la présente étude concentrée sur le droit
administratif, cette notion se rapporte surtout aux compétences des tribunaux adminis-
tratifs, il est néanmoins indéniable que les autres tribunaux peuvent influer sur la teneur
du droit administratif. Dans la réalité polonaise, c’est surtout la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle et celle de la Cour de Justice de l’Union européenne qui exercent une
influence significative sur le droit administratif : moindre mais non négligeable est aussi
la jurisprudence des tribunaux de droit commun, dont surtout celle de la Cour Suprême
et des tribunaux internationaux.
Je fais la distinction entre deux types fondamentaux de « droit des juges »: « le droit
des juges sticto sensu » qui comprend les normes dépassant la teneur littérale du droit
positif, prononcées par le juge afin de rendre plus précis le contenu du droit codifié ou de
combler des lacunes14, et le « droit des juges largo sensu », qui, n’étant pas toujours iden-
tique avec le premier, comprend toutes les normes (principes) générales et abstraites sus-
ceptibles d’être généralisées, que le juge exprime à l’égard du droit positif et qui peuvent
servir de base pour la décision dans des jugements futurs15. Cette deuxième définition du
droit des juges se ramène donc à l’activité tendant vers le précédent. Indépendamment
de ces deux significations fondamentales, dans le contexte du droit des juges en droit ad-
ministratif, il convient de mettre en avant l’influence des tribunaux sur la détermination
du contenu de la loi en vigueur. Dans le cas de la juridiction administrative polonaise,
il s’agirait de compétences à exercer le contrôle de la légalité de la loi obligatoire erga
omnes (soit législation négative du droit consistant à éliminer du commerce juridique
des actes du droit local défectueux ou à rétablir leur force obligatoire) ainsi que d’autres
formes d’influence des tribunaux sur le système des sources du droit et sur le processus
de sa création, dont sur la législation (questions juridiques, appréciation des actes juri-
diques, signalisation, influence réelle sur les changements des actes normatifs etc.). Je

13
Cf. N. MacCormick, Legal Reasoning and Legal Theory, Oxford 1978, chapitre VIII. K.N. Llewel-
lyn, Präjudizienrecht und Rechtssprechung in Amerika, Leipzig 1933, p. 77 ; je cite d’après J. Wróblewski,
Sądowe stosowanie prawa, Varsovie 1988, p. 406
14
Cette compréhension de la notion de droit des juges envoie aux acquis de la doctrine allemande qui
l’identifie avec les effets de l’interprétation largo sensu, c’est-à-dire avec le développement du droit par
les juges (Richterrecht/richterliche Rechtsfortbildung), cf. entre autres K. Larenz, C-W. Canaris, Metho-
denlehre der Rechtswissenschaft, 3 neubearb. Aufl., Berlin 1995, Nachdruck 1999, pp. 143 et 187; aussi S.
Vogenauer, Die Auslegung von Gesetzen in England und auf dem Kontinent, Bd. I, Tübingen 2001, p. 141 et
la bibliographie citée là. La Cour Constitutionnelle allemande considère également le droit des juges comme
le droit qui comble les lacunes, BVerfGE 96, 375 (396).
15
Cf. par ex. K. Langenbucher, Die Entwicklung und Auslegung von Richterrecht Eine methodologische
Untersuchung zur Richterlichen Rechtsfortbildung im Deutschen Zivilrecht, München1996, p. 41 et suiv.
126 Dorota Dąbek

désigne cette sphère des compétences des tribunaux comme « fonctions des tribunaux
dans la sphère de législation », afin de la différencier du terme « droit des juges ».
La principale source de la créativité des juges qui mène à la création du droit des juges
stricto sensu est l’existence de ce qu’on nomme la marge décisionnelle, intentionnelle-
ment créée par le législateur en tant qu’élément de la politique de création du droit (notions
floues, clauses renvoyant à des critères extra-juridiques, appréciation) ou existant indé-
pendamment de lui (par ex. particularités du langage juridique, particularités du processus
d’application de la loi, contexte social du droit). La marge décisionnelle oblige les tribu-
naux à combler les lacunes dans le droit codifié, à avoir recours à l’analogie et à l’interpré-
tation fonctionnelle, pro-constitutionnelle ou pro-communautaire, à la « judicial review »
etc. Tout cela a pour conséquence que la participation à la création ou plus précisément – à
la découverte du droit par les tribunaux – devient nécessaire. Le juge est souvent amené à
créer une norme juridique là où la régulation légale fait défaut ou à corriger la régulation
légale existante qu’il trouve impossible à appliquer. Nous n’avons donc qu’à accepter un
important pouvoir discrétionnaire des juges en ce qui concerne la prise des décisions qui
ne peuvent pas être déduites du texte du droit positif. L’activisme est aujourd’hui une né-
cessité. Le juge contemporain, tout comme le juge Hercule de Dworkin, devrait par son in-
terprétation (découverte/développement) du droit, adapter la teneur d’une loi aux besoins
de son cas. En pratique c’est le juge qui crée le droit, en interprétant lex – il forme et influe
sur ius. Le rôle et la responsabilité des tribunaux est immense. Le juge ne peut pas être
uniquement « la bouche qui prononce les paroles de la loi »16. La jurisprudence étant bien
« en quelque façon nulle », devient « en quelque façon tout ». Le droit des juges stricto
sensu, c’est-à-dire l’interprétation créative, parfois même le renoncement à l’interpréta-
tion linguistique, étant donné « une forte motivation axiologique », est une composante
incontournable des États de droit démocratiques de l’époque postmoderne.
S’il s’agit de l’autre aspect du droit des juges largo sensu, que nous venons de citer,
c’est-à-dire son caractère jurisprudentiel – lui aussi apparaît communément dans les pays
démocratiques au système du droit codifié. À mon avis il est aussi impossible d’éviter ce
phénomène qui présente également quelques avantages pour l’exercice convenable de la
juridiction. Les « décisions préjugées » sont la manière la plus accessible de retrouver les
limites précises du droit, leur impact dans la pratique de l’application de la loi est éga-
lement le plus fort. Le caractère obligatoire de la jurisprudence antérieure sert à garantir
la régularité et l’homogénéité dans la pratique de l’application de la loi. Les précédents
aident à maintenir l’uniformité de la ligne jurisprudentielle, ce qui est un élément impor-
tant dans la prononciation de décisions justes, nécessaire pour assurer l’égalité devant
la loi. L’importance des précédents en droit administratif résulte de l’absence de codi-
fication de la partie générale, de l’emploi fréquent par le législateur des termes ouverts,
de l’ampleur et de la diversité de la matière faisant l’objet de la régulation ainsi que du
développement continu de cette branche et de l’apparition de nouvelles disciplines (par
ex. protection de l’environnement, droit informatique etc.), où la législation n’arrive pas
à suivre le développement de la technique, tandis que les tribunaux sont obligés de tran-

16
Cf. le jugementt de la Cour Constitutionnelle allemande du 8 avril 1987 dans l’affaire Kloppenburg,
BVerfGE 75, 223.
Le droit des juges en droit administratif contemporain ... 127

cher d’une certaine façon les litiges qui apparaissent17. Le rôle important des précédents
dans la jurisprudence administrative est aussi l’effet de l’influence de cette dernière sur
l’application du droit administratif par les organes de l’administration. Bien que les dé-
cisions du tribunal aient formellement la force obligatoire directe à l’égard des organes
administratifs uniquement dans une affaire donnée, la zone d’influence de cette interpré-
tation est beaucoup plus vaste, justement à cause de la fonction de contrôle exercé par les
tribunaux administratifs et de l’ainsi dite motivation prognostique qui en découle.
Tout en partageant les réticences de la doctrine à l’égard de l’utilisation excessive
de l’interprétation obligatoire (précédents obligatoires de iure), car sans aucun doute ils
diminuent la souplesse du droit, sa capacité d’adaptation et mènent par conséquence à
la « sclérose du droit »18, je trouve pourtant utile de se référer dans la plus large mesure
à différentes formes de précédents dits de facto (qui ne lient pas formellement). Effec-
tivement, si la liberté d’action des tribunaux était complètement limitée par les directi-
ves obligatoires des tribunaux de l’instance supérieure, la juridiction censée prendre en
considération les circonstances d’un cas concret serait fortement entravée19. Les précé-
dents qui ne lient pas formellement (lient uniquement de facto) non seulement protègent
contre la « sclérose » du droit, mais aussi dans une plus large mesure remplissent le pos-
tulat de la méthodologie moderne de l’application de la loi, en admettant que l’accepta-
tion d’une interprétation devrait dépendre d’une discussion libre et du consensus auquel
elle aboutirait et non d’une autorité formelle. Il paraît donc que les tribunaux, autant que
possible, devraient avoir recours aux précédents liant de facto.
L’analyse du processus d’application de la loi met en évidence beaucoup d’avantages
résultant de l’existence du droit des juges en droit administratif. Parmi les plus impor-
tants je citerais : la détermination plus précise de la teneur des dispositions et l’élimi-
nation des lacunes particulièrement nombreuses en droit administratif, la réparation des
erreurs du codificateur et du législateur local, la réparation des erreurs commises par
l’administration dans l’application de la loi, la souplesse et l’unité de l’application de la
loi, la sûreté et la prévisibilité du jugement, la facilitation de la prise de décision par les
organes administratifs et l’économie processuelle (avantages praxéologiques), la garan-
tie de la régularité ainsi que la facilitation de la création du droit global. Parallèlement
nous devons être conscients que l’admission de l’existence du droit des juges comporte
la menace de renforcement de la position des tribunaux. Si la pratique interprétative des
tribunaux sape librement le principe de priorité de l’interprétation littérale, ayant recours

17
M. Taruffo, « Institutional Factors Influencing Precedents » [in :] D.N. MacCormick, R.S. Summers
(éd.), Interpreting Precedents. A Comparative Study, Dartmouth…, p. 456.
18
Cf. l’avis de L. Morawski que « l’argument fonctionnel de la sclérose du droit motive leur utilisation
limitée », Czy precedens powinien być źródłem prawa ? [in :] J. Malajczyk, A. Pieniążek (réd.), W kręgu
problematyki władzy państwa i prawa. Księga jubileuszowa w 70-lecie Urodzin Profesora Henryka Groszy-
ka, Lublin 1996, p. 197-198.
19
La rigidité du système de common law est remarquée par C. Larroument, Droit civil : Introduction
à l’étude du droit privé, Paris 1984, p. 179 ; et par P. Malaurie [in:] P. Malaurie, P. Morvan, Droit civil :
Introduction générale, 3ème éd. Paris 2009, p. 246, qui souligne qu’au fond le système de common law crée
des règles tellement rigides qu’elles n’assurent pas la souplesse nécessaire pour l’obtention de la solution
la plus juste. Dans la doctrine on propose même des idées plus radicales de ne pas lier par un « mauvais »
précédent, cf. A.T. Denning, The Discipline of Law, London 1979, p. 314.
128 Dorota Dąbek

à des méthodes imprécises d’interprétation fonctionnelle, à des arguments tirés des prin-
cipes généraux et des analogies, il y aura le risque que les tribunaux deviennent trop
arbitraires20. Cela pourrait causer des inquiétudes à propos du manque de stabilisation et
de la sûreté du droit et de l’empêchement du contrôle social sur l’activité des organes de
l’État, en raison du risque de son instabilité (hétérogénéité) et de l’absence de sécurité
juridique en ce qui concerne la garantie de la teneur convenable du droit21. La montée en
puissance des tribunaux et le fait qu’ils interviennent sur le territoire réservé jusqu’alors
aux organes législatifs, crée sans aucun doute une nouvelle réalité où les décisions des
tribunaux ont des conséquences politiques de plus en plus graves. Actuellement les solu-
tions politiques dépendent donc dans une mesure de plus en plus large non seulement du
législateur, mais aussi des tribunaux. À mon avis, il s’agit d’un phénomène auquel nous
devons nous habituer aussi dans le système du droit codifié. Il est seulement nécessaire
de fixer d’une façon claire les limites du droit des juges et de les respecter afin que cette
inévitable montée en puissance du rôle politique des tribunaux ne soit pas excessive.
Malheureusement il s’avère qu’il est très difficile d’indiquer avec précision non seu-
lement la limite initiale du droit des juges, c’est-à-dire le moment où la décision du
juge cesse d’être une simple application de la loi et devient un acte de création, ou – du
moins – de découverte du droit. Il est encore plus difficile de préciser la limite jusqu’à
laquelle les juges peuvent aller dans leur activité créative et que le droit des juges ne peut
pas transgresser.
Relativement plus facile semble la détermination des limites acceptables du droit des
juges largo sensu, c’est-à-dire l’étendue acceptable de l’utilisation des précédents. Le dan-
ger résultant d’un automatisme aveugle dans l’application des précédents est à l’origine
de la thèse selon laquelle il serait nécessaire d’avoir recours à l’instrument de précédent
obligatoire de iure seulement dans des situations exceptionnelles et d’utiliser les précé-
dents de facto d’une façon raisonnable, critique et non mécanique. Il est pourtant beau-
coup moins aisé de déterminer précisément où sont les limites de la liberté de l’interpré-
tation donnée par les tribunaux. Il semble que ces limites du droit des juges soient fixées
par la construction constitutionnelle du système de la protection juridique exercée par les
tribunaux administratifs. La formulation constitutionnelle que les juges sont soumis à la
Constitution et aux lois (art. 178 de la Constitution) ne signifie pas pour autant que le rôle
du juge doive se limiter à l’application de la loi. Bien que les tribunaux administratifs
aient pour vocation non pas la création du droit, mais l’exercice de la protection juridique,
cette fonction de protection des tribunaux étant par principe restreinte par l’exigence ac-
cessoire de l’initiation du litige par la partie, la spécificité de la juridiction des tribunaux
administratifs qui ne doivent pas trancher les affaires administratives concrètes, mais uni-
20
S’il s’agit des tribunaux administratifs polonais, ce phénomène peut apparaître avec la plus grande
force en cas des décisions de la Haute Cour administrative, étant donné la force obligatoire générale et la
difficulté (et même parfois l’impossibilité en cas des décisions liant dans une affaire donnée), de l’annulabi-
lité de l’interprétation des dispositions données dans les arrêts, par quoi c’est la Haute Cour administrative
qui plusieurs fois décide de la signification des dispositions.
21
À propos de la sûreté du droit dans le sens de la possibilité de prévision des résultats juridiques et
de la sécurité juridique en tant que nécessité d’assurer une teneur convenable du droit cf. plus amplement
par ex. E. Hammer-Strnad, Das Bestimmtsheitsgebot als allgemeiner Rechtsgrundsatz des Europäischen
Gemeinschaftsrechts, Hamburg 1999, p. 14 et la bibliographie citée là.
Le droit des juges en droit administratif contemporain ... 129

quement contrôler l’activité de l’administration publique et l’attribution à la Haute Cour


administrative de compétences d’émission des arrêts abstraits, vient élargir sensiblement
les limites du droit des juges des tribunaux administratifs. En contrôlant l’administration,
les tribunaux administratifs peuvent procéder à une appréciation autonome de la légalité
et de la constitutionnalité des actes normatifs de rang infra-légal, soumis à leur contrôle
direct (actes du droit local) ou constituant la base juridique pour les actes individuels
soumis au contrôle des tribunaux administratifs. Exceptionnellement, les tribunaux admi-
nistratifs peuvent également, à mon avis, apprécier d’une façon autonome la constitution-
nalité des actes réglementaires en cas de ce qu’on nomme inconstitutionnalité secondaire
des lois, de la destruction de la présomption de leur conformité avec la Constitution par
la Cour constitutionnelle malgré leur maintien en vigueur dans le système juridique et en
cas de non-conformité évidente avec la Constitution. Dans toutes ces situations, la limite
de l’activité des tribunaux devrait être la conformité avec l’objectif et la teneur de la loi
en vigueur, dans le sens de l’interdiction du dépassement des limites acceptées de l’inter-
prétation et des principes (valeurs) du droit, car les tribunaux ne sont pas autorisés à faire
d’une façon autonome de la politique du droit.
Les opinions de J. S. Langrod reflètent clairement sa foi en la capacité des tribunaux
à créer un droit des juges stable et prévisible22. À mon avis, la jurisprudence actuelle des
tribunaux administratifs polonais prouve que le bon fonctionnement et la stabilité du
droit des juges mérite la confiance et que sa prévisibilité n’est pas moindre que celle qui
se rapporte à l’activité du législateur. Il paraît donc que la pratique polonaise constitue
pour l’instant un compromis raisonnable entre la nécessité d’assurer la souplesse de
l’application de la loi, la garantie de l’indépendance des juges et la sûreté du droit ainsi
que l’exigence de la justice procédurale. Une large discussion qui a lieu dans les pays
du système continental concernant la légitimisation du pouvoir des juges, c’est-à-dire
l’admissibilité de la prise par un organe qui n’est pas politiquement responsable devant
la nation, de décisions aux conséquences de caractère politique de grande portée, mène
inéluctablement à la conclusion que dans la jurisprudence moderne, la vision montes-
quienne du juge ne peut plus dominer. Le juge ne peut plus être la bouche de la loi,
car indépendamment du caractère imparfait et imprécis des sources du droit, la réponse
dans chaque affaire doit être trouvée, dans le cas contraire nous aurions à faire au refus
de juger. Le juge peut donc par ce qui est nommé découverte (développement) du droit
adapter la teneur d’une loi aux exigences de son cas et dans ce sens créer le droit. Par la
suite les tribunaux peuvent s’appuyer sur ces décisions « préjugées » dans des affaires
suivantes, tout en acceptant entièrement ces arguments ou en les modifiant. C’est en cela,
d’après moi, que consiste le rôle « normatif » de la jurisprudence dans le système du
droit continental et ce rôle semble inévitable. Cette « révolution tacite »23 ne mène pas à
la « juristocratie » (juristocracy)24, mais elle est une réponse nécessaire aux besoins de
la juridiction contemporaine.

22
J. S. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego…, p. 331.
23
Cf. la formulation de A. Aarnio, The Rational as Reasonable: A Treatise on Legal Justification, Dor-
drecht 1987.
24
R. Hirschl, Towards Juristocracy. The Origins and Consequences of the New Constitutionalism, Har-
vard University Press, 2004.
P io t r D obosz

Le concept de silence, d'inaction et de durée excessive


dans le fonctionnement de l’administration publique

Dans la science polonaise du droit administratif d’entre-deux-guerres était présen-


te la question de silence de l’administration publique mais à une échelle moindre que
c’était le cas, à l’époque, en France. Y dominait – sous l’influence française1 – le terme
« le silence du pouvoir »2 (qui s’entendait comme le silence3 de l’administration/des
autorités administratives). Un nombre relativement restreint de travaux de la doctrine
polonaise du droit administratif soulevant cette problématique à l’époque se focalisa sur
deux études fondamentales : celle de B. Wasiutyński (un article publié dans un périodi-
que scientifique)4 et celle de J. S. Langrod (une monographie séparée, qui est, en même
temps « une épreuve de Gazeta Administracja (1938/39) »5, considérèrent notamment

1
Encore au XIXe, dans la législation française, le silence du pouvoir fut lié au recours judiciaire admi-
nistratif. L’institution légale de recours contre le silence du pouvoir (le silence de l’administration) fut intro-
duite dans l’ordre juridique français par l’article 7 du décret du 2e Empire du 2 novembre 1864. J. Rivero et
J. Waline, en décrivant la genèse et la période initiale du développement de cette institution, indiquent que
le décret du 2 novembre 1864 et la loi du 24 mai 1872 ont influé sur son évolution. Le principe de recours
contre le silence du ministre, instauré à l’article 7 du décret du 2 novembre 1864, fut ensuite, par la loi du 17
juillet 1900, élargi à tous les organes administratifs et à toutes les affaires susceptibles du recours devant le
Conseil d’État. Voir : M. Russet, Droit administratif. II. Le contentieux administratif, Grenoble 1994, p. 47;
J. Rivero, J. Waline, Droit administratif, Paris 2000, p. 233.
2
Il y a lieu de rechercher l’origine du terme français « silence », comme dans le cas des autres lan-
gues romanes, dans la langue latine. Le latin silentium signifie en polonais milczenie ou cisza et, au sens
figuré spokój (calme), odpoczynek (repos) ou przerwę w działalności (pause dans l’activité). En revanche,
sileo latin, est expliqué en polonais comme : 1. milczeć, zamilknąć, przestać mówić, zachować milczenie,
przemilczeć ou 2. ustać, przestać działać, odpoczywać. J. Pieńkos, Słownik łacińsko-polski. Łacina w nauce
i kulturze. Terminologia od starożytności do czasów nowożytnych. Nauki humanistyczne i społeczne. Prawo
rzymskie i kanoniczne. Teologiczne słownictwo kościelne. Paremie prawnicze, sentencje, maksymy, afo-
ryzmy, Cracovie 2001, p. 398.
3
Dans la science française du droit administratif, le terme « silence » fut aussi lié à la législation (comme
« silence du législateur », depuis 1928) et il se réfère à la problématique du défaut d’action (l’inaction) du
législateur dans le domaine de l’ordre normatif de l’État. Voir : M. Waline, Manuel élémentaire de droit ad-
ministratif, Paris 1945, p. 498 et suiv.
4
B. Wasiutyński, Milczenie władz administracyjnych, RPEiS, Poznań 1926, p. CXCIX-CCXIV. Voir
aussi : Nauka administracji i prawo administracyjne według wykładów prof. Bohdana Wasiutyńskiego na
Uniwersytecie Warszawskim , Varsovie 1926, p. 117 et s., 258 et suiv., p. 298.
5
J. S. Langrod, O tzw. milczeniu władzy, Studium prawno-administracyjne, Cracovie-Varsovie 1939 ;
J.S. Langrod aborde aussi la question de silence du pouvoir public dans ses autres travaux : J.S. Langrod,
Zarys sądownictwa administracyjnego ze szczególnym uwzględnieniem sądownictwa administracyjnego
132 Piotr Dobosz

comme matière à étudier toutes les normes légales régulant le comportement de l’admi-
nistration publique appelé « le silence du pouvoir »6 et firent naître, par leurs thèses, le
besoin de mener une réflexion tendant à vérifier, à apprécier et à établir la signification
doctrinale et normative du silence et de la carence de l’administration publique polo-
naise, lequel, jusqu’à ce jour, demeure d’actualité.
Dans la science du droit administratif, les notions contemporaines de silence et
d’inaction de l’administration publique sont considérées : 1) comme synonymes pleine-
ment substituables l’un à l’autre7; 2) comme régies par une relation de supériorité entre
« l’inaction » et « le silence » (le silence étant un type d.’inaction8); 3) comme englobant

w Polsce, Varsovie 1925, p. 118 et suiv. ; J.S. Langrod, Problemy sądownictwa administracyjnego, Cracovie
1928, p. 45 et suiv. ; J. S. Langrod, Kontrola administracji. Studia, Varsovie-Cracovie 1929, p. 85-88 et
269.
6
Des réflexions en la matière furent aussi menées par W. L. Jaworski, T. Hilarowicz, T. Bigo et Z.
Nowotarski, et, pendant la guerre M.K. Pawlikowski. Voir : W.L. Jaworski, Nauka prawa administracyjne-
go. Zagadnienia ogólne, Varsovie 1924, p. 71 et suiv. ; T. Hilarowicz, Najwyższy Trybunał Administracyjny
i jego kompetencja, Varsovie 1925, p. 108-110 ; T. Bigo, Prawo administracyjne. Część ogólna (stenogram
wykładów uniwersyteckich) wydał adw. Dr Juliusz Rodkowski, Lvov 1932, p. 132-134 ; Z. Nowotarski,
Instytucja « recours pour excès de pouvoir » w francuskim prawie administracyjnym. Z przedmową Dr.
Jerzego Stefana Langroda profesora prawa administracyjnego w Uniwersytecie Jagiellońskim, Cracovie
1947 (cette étude tient compte de l’état de la législation et de la jurisprudence en 1939, l’année où elle fut
écrite, mais elle ne fut publiée qu’en 1946, après la mort de son Auteur), p. 41 et suiv., 4 ; M.K. Pawlikowski,
Z zagadnień kontroli sądowej administracji. Materiały Ministerstwa Odbudowy Administracji Publicznej,
cahier 3, Londres, décembre 1944, p. 155 (L’auteur parle des solutions françaises d’avant-guerre, et, aussi,
de celles yougoslaves, qui s’inspirèrent des solutions françaises et formule des observations de lege lata et
de lege ferenda concernant la problématique de silence du pouvoir dans la législation polonaise).
7
Voir, en ce sens : Z. Janowicz, Kodeks postępowania administracyjnego. Komentarz, Varsovie-Poznań
1987, p. 123 ; G. Łaszczyca, « Milczenie organu w świetle kodeksu postępowania administracyjnego », PiP
1/1999, p. 51 et suiv. ; A. Wiktorowska, [in :] M. Wierzbowski (réd), M. Szubiakowski, A. Wiktorowska,
« Postępowanie administracyjne – ogólne, podatkowe, egzekucyjne i przed sądami administracyjnymi », Varso-
vie 2008, p. 83 ; A. Kubiak, « Fikcja pozytywnego rozstrzygnięcia w prawie administracyjnym », PiP 11/2009,
p. 32, 44 et suiv. ; K. Lewandowska, T. Lewandowski, « Skarga na bezczynność organu administracji do sądu
administracyjnego – przesłanki dopuszczalności », ST 5/2010, p. 62.
Le silence et l’inaction de l’administration publique sont souvent traités comme synonymes dans la ju-
risprudence des juridictions administratives du 1er degré et de celle des juridictions du 2ème degré. Voir, en ce
sens, les arrêts et jugements : de la NSA [Cour Administrative Suprême] de Varsovie (avant la réforme) du
21 avril 1999, n° du rôle II SAB 25/99 ; de WSA [Tribunal Administratif Régional] de Bydgoszcz du 8 mars
2005, n° du rôle I SA/Bd 637/04 ; de WSA d’Olsztyn du 5 septembre 2006, n° du rôle II SAB/Ol 26/06 ;
de WSA de Kielce du 20 décembre 2006, n° du rôle II SA/Ke 525/06 ; de WSA de Varsovie du 17 janvier
2007, n° du rôle I SA/Wa 1966/06 ; de WSA d’Opole du 17 janvier 2008, n° du rôle II SAB/Op 10/07 ; de
WSA de Białystok du 11 septembre 2008, n° du rôle II SAB/Bk 27/08 ; de WSA de Poznań du 6 novembre
2008, n° du rôle IV SAB/Po 18/08 et les ordonnances, par ex. de NSA oz [Cour Administrative Suprême,
Chambre détachée] de Łódź (avant la réforme) du 27 octobre 1998, n° du rôle II SAB/Łd 51/98 ; de WSA de
Łódź du 30 mai 2005, n° du rôle II SAB/Łd 4/05 et du 12 août 2005, n° du rôle II SAB/Łd 23/05, de WSA
de Cracovie du 28 novembre 2008, n° du rôle II SA/Kr 809/08 – toutes ces décisions ont été publiées sur le
site officiel de la Cour Administrative Suprême /Jurisprudence: http://www.nsa.gov.pl/index.php/pol/NSA/
Orzecznictwo, ci-après : CBOSA.
8
Voir : J. Starościak, « Prawne formy i metody działania administracji » [in :] System prawa admi-
nistracyjnego, V. III, T. Rabska, J. Łętowski (co-rédacteur), Wrocław 1978, p. 41 ; J.P. Tarno, « Zażalenie
i skarga do sądu administracyjnego na bezczynność organu (partie I) », Fiskus 17/2006 du 1er semptembre
2006 – version électronique : http://www.e-podatnik.pl/artykul/fiskus/8767/Zazalenie_i_skarga_do_sadu_
administracyjnego_ na _bezczynnosc _organu_ cz_I_.html; W. Jakimowicz, « Prawo administracyjne », [in
:] Prawo francuskie, Tome I, A. Machowska, K. Wojtyczek (co-rédacteurs), Cracovie 2004, p. 117.
Le concept de silence ... 133

des ensembles de désignations distinctes9. Il convient de souligner que, pour le troisième


cas de figure, la question fondamentale de recherche tend à formuler le critère de la dis-
tinction de ces notions entre elles. Le fait de considérer « le silence » et « l’inaction » de
l’administration publique comme deux termes distincts et séparés constitue l’hypothèse
de base pour la réflexion développée dans cet article.
En prenant comme référence les dispositions des normes du droit constitutionnel, cel-
les du droit administratif, l’acquis de la doctrine et la jurisprudence – la notion de silence
et celle d’inaction devraient, à mon avis, servir à décrire le comportement du pouvoir
public dans son partage constitutionnel en pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire10.

9
Voir, en ce sens, entre autres : J. Jendrośka et K. Jandy-Jendrośka (1973), J. Jendrośka (1979, 1993,
2005), J. Borkowski (1983, 2008), J. Grabowski (1983), J. Łętowski (1995), P. Dobosz (1999, 2009, 2010),
W. Bochenek (2003), J. Zimmermann (2005), B. Adamiak (2009). Voir : K. Jandy-Jendrośka, J. Jendrośka,
Instytucje prawa administracyjnego europejskich państw socjalistycznych, Wrocław. Varsovie. Cracovie.
Gdańsk. 1973, p. 369, J. Jendrośka, « Kompetencje proceduralnoprawne a bezczynność organów administra-
cyjnych », PiP 5/1979, p. 15, idem, Milczenie administracji w postępowaniu administracyjnym, « Problemy
prawa publicznego », Lublin 1993, p. 58, idem, Bezczynność administracji publicznej, [in :] A. Wróbel, P.
Kiewlicz (co-rédacteurs), Państwo Prawa. Administracja. Sądownictwo. Prace dedykowane Prof. dr. hab.
Januszowi Łętowskiemu w 60. rocznicę urodzin, Varsovie 1999, p. 230, idem, Ogólne postępowanie admi-
nistracyjne i sądowoadministracyjne, Wrocław 2005, p. 215 ; J. Borkowski, Glosa do postanowienia [Com-
mentaire de l’ordonnance] NSA du 7 octobre 1983, n° du rôle SA/Lu 172/83, OSPiKA 7-8/1985, texte 125,
idem, « Bezczynność w administracji publicznej », KP numéro spécial (2) – 8/2008, p. 42 ; J. Grabowski,
« Milczenie administracji w świetle przepisów kodeksu postępowania administracyjnego», [in :] Rola ko-
deksu postępowania administracyjnego w doskonaleniu administracji państwowej. Materiały konferencji
z okazji 25-lecia kodeksu postępowania administracyjnego, (Varsovie, les 19-20 novembre 1985) Kodeks
postępowania administracyjnego, Varsovie 1986, p. 81-88 le même Auteur dans le commentaire de l’arrêt
de NSA du 14 juin 1983, n° du rôle SAB/WR/6/83 emploie la notion de silence de l’administration par rap-
port à l’article 216 § 1 CPA, Voir : J. Grabowski, Commentaire de l’arrêt du 14 juin 1983, n° du rôle SAB/
WR/6/83, PiP 8/1984, p. 150-153); J. Łętowski, Prawo administracyjne dla każdego, Varsovie 1995, p. 198 ;
P. Dobosz, « Wybrane refleksje nad istotą bezczynności administracji publicznej, jej kategoriami i rodzajami
wywoływanych przez nią skutków prawnych », [in :] Funkcjonowanie administracji publicznej, S. Nitecki
(réd.), cahier 4 WSA w Bielsku-Białej, Bielsko-Biała 1999, p. 105 ; idem, « Milczenie administracji w prawie
samorządowym », [in :] J. Sługocki (réd.), Samorząd terytorialny w Polsce i w Europie. Doświadczenia
i dylematy dalszego rozwoju, Bydgoszcz 2009, p. 203 ; idem, « Bezczynność administracji publicznej
w postępowaniu administracyjnym» , J. Niczyporuk (réd.), Kodyfikacja postępowania administracyjnego na
50-lecie k.p.a., Lublin 2010, p. 148 ; W. Bochenek, « Bezczynność a milczenie organu administracji public-
znej », ST 12/2003, p. 41, 44 et suiv., 50 ; J. Zimmermann, Prawo administracyjne, Cracovie 2005, p. 420 ; B.
Adamiak, « Czynności prawne jednostki a władztwo administracyjne », [in :] M. Wierzbowski, J. Jagielski,
A. Wiktorowska, E. Stefańska (co-rédacteurs), Współczesne zagadnienia prawa i procedury administracy-
jnej. Księga jubileuszowa dedykowana Prof. zw. dr. hab. Jackowi M. Langowi, Varsovie 2009, p. 33.
10
Cette thèse rejoint l’idée de Cz. Martysz : « Le phénomène d’inaction peut toucher tous les domaines
de la vie sociale et, partant – tous les organes de l’État, aussi bien les organes législatifs que ceux exécutifs
et judiciaires. Ainsi le phénomène d’inaction présente-t-il un risque pour le bon fonctionnement de l’État » ;
« Les termes du préambule, qui concernent un fonctionnement régulier et efficace des institutions publiques,
méritent une attention toute particulière. Nul doute que c’est de ces termes que découle le plus clairement
le souci du législateur et les institutions publiques pertinemment organisées et fonctionnant conformément
aux règles légales » – Cz. Martysz, Bezczynność władzy w świetle Konstytucji, « Kontrola Państwowa »,
numéro spécial (2) – 8/2008, p. 7-9. Cependant, pour obtenir une dimension pratique et rationnelle de ces
notions, je restreins, en terme d’objet, l’application du terme « l’inaction » et « le silence » dans le domaine
du droit administratif pour décrire le comportement des organes du pouvoir public, notamment, au sens
d’organes administratifs et d’organes qui administrent.
Au sens ainsi défini de l’inaction des juridictions administratives s’appliquent les dispositions de la loi
du 17 juin 2004 sur le recours en violation du droit de la partie à l’instruction de l’affaire menée ou surveillée
134 Piotr Dobosz

Ainsi peut demeurer inactive et garder le silence l’administration publique dans son
acception générale et celle individuelle, qui reste cependant perçue à travers le compor-
tement d’un sujet défini, soit d’un organe, soit d’une institution de l’administration pu-
blique. Le cas échéant, il y a lieu d’entendre l’administration publique dans sa dimension
humaine comme l’organisation composée de personnes, qualifiée par le droit.
Peuvent aussi demeurer inactives et garder le silence les juridictions administratives
dont l’organisation et les règles de fonctionnement sont, dans la majeure partie, définies
par le droit administratif11. Cela peut aussi être le cas du législateur12 et du pouvoir ré-
glementaire.
La question se pose, ensuite, de savoir si, dans le contexte des normes du droit admi-
nistratif et de sa science, les sujets administrés peuvent être inactifs et garder le silence
et si le droit administratif rattache à leur inaction ou à leur silence des effets juridiques
au sein de ce droit13.

par le procureur et à l’examen de l’affaire par le tribunal sans retard injustifié (J. O. de 2004, n° 179, texte
1843 modifié).
11
À ce sujet, B. Adamiak: « Le fait de ne pas commencer à examiner l’affaire et à statuer sur le conten-
tieux administratif s’assimile à l’inaction du tribunal. En effet, il n’est pas possible d’exclure totalement
l’inaction du tribunal administratif. Il n’existe pas de raisons valables pour distinguer l’institution d’inaction
de la part de l’administration publique et exclure la distinction de celle-ci dans le contentieux administratif.
Évidemment, la question se pose de savoir quels effets juridiques peuvent être rattachés à l’inaction du
tribunal ». Ensuite, l’Auteur distingue l’inaction de la juridiction administrative au sens étroit de ce terme
qui s’entend comme « défaut de règlement du contentieux par le tribunal administratif » et au sens large de
ce terme comme « l’inaction du tribunal non seulement en matière de connaissance de l’affaire mais, aussi,
l’inaction découlant du défaut d’examen des demandes soumises au cours de la procédure du contentieux
administratif et en matière d’exécution des actes imposés par la loi ». Voir B. Adamiak, « Bezczynność
w sądownictwie administracyjnym », [in : ] Kontrola Państwowa, numéro spécial (2) – août 2008,
p. 27-29.
Selon Cz. Martysz, « directement à la problématique de l’inaction », tacitement, du tribunal, se réfère
l’article 45, alinéa 1, de la Constitution de la République de Pologne (J. O. du 16 juillet 1997, n° 78, modi-
fiée), qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement,
sans retard excessif, par un tribunal compétent, indépendant et impartial ». Voir : Cz. Martysz, Bezczynność
władzy…, p. 9.
12
En l’occurrence, l’inaction concerne aussi bien l’obligation d’adopter la loi qui sert à exécuter le
contenu du droit constitutionnel (ce qui concernait un retard relatif du législateur, pris dans l’adoption de la
loi déterminant les procédures en matière d’exécution du droit statué à l’article 74, alinéa 3, de la Consti-
tution de la République de Pologne qui dispose que : « Chacun a droit à l’information sur la qualité et la
protection de l’environnement »), et d’exécution des arrêts de la Cour Constitutionnelle ayant constaté
l’inconstitutionnalité des dispositions légales (par ex., en 2008 restaient en vigueur plus de 100 dispositions
légales inconstitutionnelles bien que la Cour ait statué qu’elles étaient contraires à la loi fondamentale.
Voir : « Le Gouvernement n’élimine pas les dispositions contraires à la Constitution », GPr du 29 février
2008, version électronique : http: //prawo.gazetaprawna.pl/artykuly/7855, rzad_nie_eliminuje_przepisow_
sprzecznych_z_konstytucja.html.
13
Voir, au sujet des effets juridiques entraînés par le défaut d’utilisation par le commerçant de la conces-
sion octroyée : l’article 58, alinéa 1, point 2) de la loi du 2 juillet 2004 sur la liberté d’entreprendre (soit J.
O.. de 2006, n° 171, texte 1225 modifié), en vertu duquel : « L’autorité de concession retire la concession
dans le cas où : (…) le titulaire de la concession n’a pas entrepris, dans le délai prescrit, malgré la mise en
demeure de l’autorité de concession, l’activité relevant de la concession ou a durablement cessé d’exercer
l’activité relevant de la concession ». Voir, aussi, fiction juridique/présomption de consentement du chef de
la mission, du chef du service consulaire ou du chef de l’institution internationale qui sont, sans nul doute,
externes à l’égard des entités de protection incendie et donc dans le rôle d’entités administrées: l’article 24
Le concept de silence ... 135

Le silence et l’inaction de l’administration publique peuvent s’analyser sous diffé-


rents angles, dans différents domaines des régulations du droit administratif. Dans l’ac-
tion de l’administration publique, et, partant, dans le contraire de cette action soit, dans
la carence et le silence, il est possible de distinguer la sphère de l’action interne (le
silence et l’inaction dans la sphère interne) et l’action externe (le silence et l’inaction
dans la sphère externe). Ces deux sphères sont, dans un État de droit, réglées par les
normes du droit commun, et le domaine de l’action interne de l’administration publique
possède une caractéristique moins formalisée, de service, instrumentalisée par rapport
au domaine de l’action externe.
Il est possible de distinguer, selon le critère de la légalité de l’action de administration
publique, l’inaction de l’administration publique : illégale (non justifiée) et l l’inaction
légale (justifiée). Je qualifie d’inaction illégale (non justifiée) l’inexécution par l’organe
compétent du pouvoir public, et, notamment, par l’organe de l’administration, de com-
pétences actualisées, d’actes ou de fonctions ou, éventuellement, de missions publiques
dans le délai prescrit par la loi ou dans l’état de fait défini.
L’inaction légale possède deux contextes, et ainsi deux significations. Le premier
contexte découle de l’interdiction constitutionnelle de toute ingérence de la part des
organes de l’administration publique dans une sphère déterminée de relations sociales
ou, à défaut de toute régulation administrative, afférente à une sphère déterminée de
relations sociales14. Le deuxième contexte intervient au moment où l’action potentielle
de l’administration publique, prévue par les dispositions du droit administratif est « sus-
pendue », où elle n’est pas entreprise parce que, en réalité, ne sont pas réunis les élé-
ments qui conditionnent son déclenchement. L’action de l’administration publique dans
la sphère des relations sociales et les états de fait relevant de l’inaction légale/justifiée de
l’administration publique est, évidemment, une action sanctionnée. La responsabilité de
l’administration publique est engagée pour l’action illégale.
L’inexécution par l’organe de l’administration publique de ses compétences égale le
défaut d’exécution d’une obligation légale actualisée et concrétisée. L’inexécution par
l’organe administratif de l’obligation légale actualisée dans le délai déterminé par le

de la loi du 24 août 1991 sur la protection incendie (soit J. O. de 2002, n° 147, texte 1229 modifié), confor-
mément auquel : « 1. En cas d’incendie dans les locaux d’une mission diplomatique, d’un service consulaire
ou d’une institution internationale jouissant d’une immunité diplomatique ou consulaire, l’action de secours
menée par des entités de protection incendie n’est admise qu’après le consentement préalable du chef de la
mission, du chef du service consulaire ou du chef de l’institution internationale, sous réserve des disposi-
tions de l’article 2, alinéa 2. Toutefois, le consentement visé à l’alinéa 1 peut être présumé en cas d’incendie
ou d’une autre menace locale nécessitant une action de secours immédiate ».
14
Je signale que le droit administratif, y compris celui matériel, a ses limites. Dans le domaine où il
n’y a pas de régulation administrative légale, on ne saurait parler de l’action de l’administration publique.
Ainsi, il s’agit de l’inaction conforme aux exigences de l’État de droit et de la légalité. Comme le constate J.
Zimmermann : « Cependant, j’admets que dans l’État démocratique de droit ces limites existent et doivent
forcément exister, parce que, en effet, les règles de cet État sont exclusives de tout arbitraire de la part du
législateur. La détermination de ces limites (légales « internes » du système de droit) peut lier et consoli-
der l’ensemble du droit administratif. En effet, l’administration publique ne fonctionne pas dans n’importe
quelle étendue mais seulement dans l’étendue prévue par la loi. Les relations administratives légales ne sont
pas conclues dans n’importe quel domaine mais seulement dans les domaines définis par le droit ». J. Zim-
mermann, « Granice regulacji materialnoprawnej w prawie administracyjnym », [in :] J. Boć, A. Chajbowicz
(corédacteurs), Nowe problemy badawcze w teorii prawa administracyjnego, Wrocław 2009, p. 62.
136 Piotr Dobosz

droit, ou bien, respectivement, dans un état de fait défini par le droit15, et, partant, l’inac-
tion de l’organe – se traduit, du point de vue normatif et pratique par : 1)le non règlement,
dans un cadre temporel défini par le droit, d’une affaire individuelle et concrète relevant
de l’administration publique ; soit 2) l’inexécution, dans lesdits cadres temporels, d’une
mission publique définie actualisée, d’une fonction d’intérêt général ou d’un acte défini
ou bien d’un acte autre qu’une décision ou une ordonnance relevant de l’administration
publique et concernant les droits ou les obligations découlant des dispositions légales.
À la notion d’inaction demeurent liées la notion de retard fautif et celle de retard. Le
retard excessif (la lenteur) de l’administration publique consiste en le fait que malgré le
commencement par l’administration publique de l’exercice des compétences procédu-
rales, matérielles et systémiques, l’affaire n’a pas été réglée dans le délai ou la mission
publique ou la fonction d’intérêt général n’ont pas été exécutées dans le délai ou dans
l’état de fait défini par la loi pour des raisons qui lui incombent (c’est-à-dire pour des
raisons dépendant de sa volonté).
La retard de l’administration publique consiste à ne pas régler l’affaire dans le délai
ou ne pas exécuter une mission publique, une fonction d’intérêt général dans le délai
ou dans l’état de fait défini par la loi, pour des raisons indépendantes de la volonté de
l’administration publique (force majeure) ou bien incombant au sujet administré (dont la
faute incombe au sujet administré) qui attend le règlement de l’affaire ou la réalisation
d’une mission publique, d’une fonction d’intérêt général dans le délai ou dans l’état de
fait défini par la loi.

15
De la manière similaire – bien que, sans distinguer une notion plus large d’inaction et, au sein de
celle-ci, celle d’inaction légale et celle d’inaction illégale, et en se focalisant, notamment, sur la procédure
judiciaire – considère la notion de silence W. Bochenek. Voir: W. Bochenek, Bezczynność a milczenie…,
p. 41, 44 et suiv., p. 50.
Le type le plus proche de ma définition de l’inaction de l’administration publique, se focalisant sur la
notion de compétence de l’organe de l’administration publique, fait référence, d’une certaine manière, aux
idées de J. Zimmermann : « En ce qui concerne les organes de l’administration publique, cette inaction revêt
une dimension spéciale et n’est pas assimilable à une simple abstention. Et ceci parce que ces organes sont
dotés de compétences qui – comme nous l’avons retenu – non seulement les habilitent à agir mais, de plus,
les obligent à agir. Ainsi, si l’organe n’agit pas dans la situation où l’état de fait, associé à la norme légale,
exige qu’il agisse, il n’exerce pas la compétence dont il est doté et, partant, n’exécute pas l’obligation qui
lui incombe. S’il ne tient de la loi le pouvoir de ne pas agir, on peut parler de sa carence », J. Zimmermann,
Prawo administracyjne, Cracovie 2006, p. 356.
L’exemplification des effets juridiques de l’inaction de l’administration publique dans mon approche –
qui se réfère à l’inexécution d’une mission d’intérêt général, d’une fonction publique, d’un acte dans le délai
prescrit par la loi ou dans un état de fait déterminé par la loi – est cohérente avec les idées de J. Borkowski :
« Le cas qu’il faut qualifier d’inaction de l’administration est le défaut de tout acte de la part de l’organe
dans la situation où, sur le fondement d’éléments de fait ou de droit et de leur appréciation, il lui incomberait
d’agir conformément au droit en vigueur, sans attendre une initiative extérieure. Cela peut concerner les
obligations d’agir afin d’assurer un fonctionnement ininterrompu de la structure urbaine ou de campagne,
mais, aussi, des états de risques extraordinaires potentiels susceptibles de découler des négligences en ma-
tière de maintenance par ex. des équipements de génie civil aquatique, du réseau de gaz ou d’électricité qui
incombent à leurs propriétaires ou exploitants. Qualifier un tel cas d’inaction de l’administration publique
ou de silence est plus compliqué parce que requiert au préalable un établissement irréfutable de la violation,
par l’organe, de l’obligation qui lui incombe en vertu des dispositions du droit organique ou du droit maté-
riel » – J. Borkowski, « Bezczynność w administracji publicznej », Kontrola Państwowa, numéro spécial
(2) – 8/2008, p. 44.
Le concept de silence ... 137

L’état d’inaction illégale, le retard ou de retard excessif (de lenteur) ne sont pas des
états attendus par le droit administratif. Les notions susmentionnées qualifient, dans la
science du droit administratif et, respectivement, dans la matière normative, des états de
fait et de droit définis, dans lesquels se trouve l’administration publique, pour les lier,
respectivement, aux sanctions administratives légales, aux différentes formes de respon-
sabilité du préjudice causé16 et aux moyens juridiques tendant à prévenir l’inaction, le
retard excessif ou le retard de l’administration publique.
Je conçois et considère le silence de l’administration publique comme :1) une forme
de manifestation de volonté (une forme légale d’action) de l’administration publique,
admise expressément par les dispositions du droit administratif procédural, matériel et
organique, à laquelle la loi assimile des effets juridiques, notamment matériels ou orga-
niques ; ou 2) respectivement, comme un fait juridique consistant en un comportement
de l’organe de l’administration publique, défini par la loi (par ex. : défaut d’opposition,
défaut de présentation de l’avis dans le délai défini par la loi), auquel la loi assimile des
effets juridiques, notamment matériels ou organiques.
Il découle des considérations qui précèdent que l’inaction juridictionnelle de l’organe
administratif (défaut de règlement de l’affaire dans le délai défini) peut prendre diffé-
rentes formes.
Aussi bien l’avis de la Cour Administrative Suprême, généralement approuvé et sou-
ligné par la doctrine, selon lequel : « on ne parle pas de l’inaction uniquement dans le
cas où, dans le délai défini par la loi, l’organe de l’administration publique n’a entrepris
aucun acte auquel il a été tenu, mais aussi dans le cas où il a traité l’affaire sans pour
autant l’avoir terminée, dans le délai prévu, par l’adoption d’une décision requise. De
plus, il est sans importance si, selon l’avis de l’organe, une décision administrative aurait
dû être adoptée ou si l’organe avait été à tort persuadé que l’adoption de la décision
n’était pas indispensable »17, que les avis formulés par la science du droit permettent
d’avancer la thèse que la notion d’inaction juridictionnelle de l’organe de l’administra-
tion publique est largement traitée et vérifiée par le règlement de l’affaire dans le délai
prévu, nonobstant le volume, la fréquence et la qualité des actes de droit et de fait que
l’organe a entrepris mais qui, cependant, n’ont pas directement abouti au règlement de

16
Du point de vue du droit civil, la problématique de la responsabilité du préjudice causé par l’inaction
de l’administration est largement, et sous différents aspects, traitée par E. Łętowska. Dans ses travaux, elle
a démontré que l’illégalité de l’administration peut découler, dans la même mesure, aussi bien de l’action
contraire au droit que de « l’inaction s’il incombe à l’administration l’obligation d’agir ». L’Auteure a sou-
ligné, en 1978, l’importance que revêtait la jurisprudence des années 60 du XXe, qui – fait sans précédent –
a statué que la violation de l’obligation d’agir concrète et définie par les dispositions légales fait naître
l’obligation de dédommagement du fait de l’inaction de l’administration, entre autres, causée par l’absten-
tion de faire exécuter, à la place du sujet tenu à cette obligation, la décision imposant le démantèlement de
l’ouvrage de construction ce qui, en cas de l’effondrement de l’ouvrage, ouvre le droit au dédommagement
(et, aussi, d’autres exemple donnés par E. Łętowska : « une blessure sur l’objet immergé près de la plage
non gardée « , « dommages causés par les animaux sauvages si l’administration d’un centre de loisirs n’a
pas, au préalable, prévenu ses clients de l’existence de ceux-ci », « la responsabilité des organes territoriaux
du dommage causé par l’éboulement d’un rocher »). Voir : E. Łętowska, « Odpowiedzialność odszkodo-
wawcza administracji », [in :] System prawa administracyjnego, T. III, T. Rabska, J. Łętowski (corédaction),
Wrocław. Varsovie. Cracovie. Gdańsk 1978, p. 495.
17
Cette définition est entièrement approuvée par R. Hauser. Il est impossible que la carence aille de pair
avec l’efficacité, http://new-arch.rp.pl/artykul/193874.
138 Piotr Dobosz

l’affaire à l’issue de la procédure administrative dans le délai requis par la loi. En l’oc-
currence, je pense aux types d’inaction des organes de l’administration publique que j’ai
distingués dans le premier chapitre de l’étude sur les relations entre la notion d’inaction
et la notion de durée excessive de la procédure et je rappelle que la science parle de
l’inaction statique, dynamique et mixte.
Une large acception de l’inaction juridictionnelle consomme, absorbe la durée exces-
sive de la procédure administrative. En faisant le recours administratif contre le défaut
de règlement de l’affaire dans le délai, l’intéressé attaque fréquemment, en même temps,
la durée excessive de la procédure, bien que jusqu’à 2011, le CPA n’ait pas considéré
ce terme comme susceptible de constituer un objet autonome et distinct du recours ad-
ministratif. Le problème afférent à ce phénomène consiste dans le fait que, dans le cas
du règlement de l’affaire avec violation du délai requis, après le recours contre le non
respect du délai – l’organe compétent, devant lequel le recours a été porté ne peut pas
admettre le recours contre le défaut de règlement de l’affaire parce que cet état de droit
et de fait n’existe plus. Ainsi, il peut constater, dans les motifs de l’ordonnance du rejet
du recours contre le défaut de règlement de l’affaire dans le délai, une durée excessive
de la procédure ; il n’examine pas directement la durée excessive de la procédure admi-
nistrative mais le défaut de règlement de l’affaire dans le délai.
Cependant, la durée excessive de la procédure administrative, mise en œuvre par l’or-
gane administratif, existe comme un fait objectif et vérifiable et, eu égard au fait qu’elle
peut être constitutive du préjudice subi par l’administré – des voix s’élèvent pour ériger
des fondements légaux autonomes permettant de former un recours administratif contre
celle-ci ou un recours devant le juge.
Le CPA modifié a introduit la notion de durée excessive de la procédure sans en don-
ner, pour autant, la définition ce qui, dès l’entrée en vigueur des dispositions modifiées,
pose une question portant sur la ligne de démarcation entre l’étendue de la notion d’inac-
tion de l’administration publique et de celle de durée excessive de la procédure. Ainsi,
en vertu de l’article 36 § 1 du CPA : « L’organe de l’administration publique est tenu de
notifier aux parties tout cas de non règlement de l’affaire dans le délai défini à l’article
35 ou dans les dispositions spéciales, en précisant les causes retard et en indiquant le
nouveau délai du règlement de l’affaire ».
Ensuite, conformément à l’article 37 § 1 du CPA: « En cas de non règlement de l’af-
faire dans le délai défini à l’article 35, dans les dispositions spéciales, fixé conformément
à l’article 36 ou de durée excessive de la procédure, la partie a droit au recours devant
l’organe d’un niveau supérieur, et, à défaut d’un tel organe – à la mise en demeure pour
éliminer la violation de la loi ».
Indépendamment des nouvelles solutions en matière de recours contre la durée exces-
sive de la procédure administrative, désignées ci-dessus, ont aussi été introduites d’autres
modifications importantes pour la célérité et la simplicité de la procédure administrative.
Cependant, je les laisse en dehors des réflexions qui figurent dans cet article18.

18
L’article 55 § 1 est désormais libellé comme suit : « Dans les affaires urgentes, la mise en demeure
peut se faire aussi par téléphone ou par autres moyens de communication, avec précision des données
énumérées à l’article 54 § 1 et des prénom, nom et fonction de l’agent de l’organe requérant ». 11) après
l’article 61 est ajouté l’article 61a dans la rédaction qui suit : « L’article 61a § 1. Quand la demande, visée à
Le concept de silence ... 139

Des modifications essentielles ont aussi été introduites à la loi relative à la procédure
du contentieux administratif, du 30 août 2002. Désormais, une durée excessive de la pro-
cédure menée par l’organe administratif peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal
administratif (l’article 3, § 2, point 8).
Les motifs du Projet de modification de la loi – Code de procédure administrative
et de la loi relative à la procédure du contentieux administratif19 ont expliqué que les
solutions proposées « visaient à améliorer la procédure administrative en éliminant les
restrictions existantes, en ouvrant la possibilité de faire non seulement un recours en
carence de l’organe de l’administration publique, mais, aussi, contre la durée excessive
de la procédure menée par ces organes (durée excessive injustifiée), tout en motivant
les parties à la procédure à une participation plus active à celle-ci20. Le présent projet
élimine les lacunes juridiques existant dans le Code en les complétant sur la base de la
jurisprudence et de la doctrine y afférente et, aussi, de l’avis des professionnels ».
En se prononçant directement sur les modifications apportées aux articles 35 et 36 du
CPA – les auteurs du projets constatent que « l’essentiel des modifications aux articles
35 et 36 du Code vise à étendre l’application de ces dispositions aux lois spéciales fixant
des délais plus courts (par ex. la loi sur l’accès aux informations publiques) ou plus longs
(par ex. dans la loi de la construction) que ceux prévus à l’article 35, tout en imposant à
l’organe l’obligation d’informer les parties de tout cas de non règlement de l’affaire dans
le délai plus court et des causes », et « La modification proposée à apporter à l’article
37 confère aux administrés, parties à la procédure administrative, le droit de faire non
seulement un recours en cas d’inaction des organes de l’administration publique, mais,
aussi, en cas de retard dans la procédure menée par ces organes ».
Comme le soulignent les auteurs du projet : « Les dispositions du Code actuelle-
ment en vigueur ne permettent pas de faire un recours contre la durée excessive de la
procédure, ce qui fait que, assez fréquemment, les organes de l’administration publique
mènent la procédure d’une manière ineffective, en accomplissant beaucoup d’actes à
des intervalles de temps assez importants ou en exécutant des actes apparents, ce qui
fait que, formellement, ils restent inactifs. La Cour Administrative Suprême a, à plu-
sieurs reprises – et, récemment aussi, la Cour européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg21, attiré l’attention sur l’existence d’une lacune en la matière. L’extension du

l’article 61, a été introduite par la personne qui n’est pas une partie à la procédure ou quand, pour d’autres
raisons justifiées la procédure ne peut pas être déclenchée, l’organe de l’administration publique rend l’or-
donnance de refus de déclencher la procédure. § 2. L’ordonnance, objet du § 1, est susceptible de recours
administratif ».
19
http://www.transparency.pl/ti/monitoring_legislacji/projekty_aktow_prawnych_kpa_.
20
Selon les hypothèses du Projet, la modification de l’article 7 tend à rendre les parties plus actives.
D’une part, il ne faut pas qu’elles transfèrent toute la charge de la procédure sur l’organe chargée de l’affaire
et, d’autre part, elle leur confère aussi le droit d’influer activement sur l’éclaircissement de tous les éléments
de fait afférents à l’affaire.
21
Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg soulève que le droit
de la personne à ce que sa cause soit examinée dans un délai raisonnable est violé non seulement dans le cas
où la procédure connaît un retard injustifié devant l’organe de première instance (l’inaction stricto sensu)
mais, aussi, s’entend comme inaction l’infirmation réitérée des décisions suite aux vices dont elles sont
atteintes du fait d’un établissement irrégulier des éléments de fait ou d’une application erronée du droit ma-
tériel ou procédural. Le fait que les mêmes erreurs se répètent dans la procédure menée en première instance
et, ensuite, le fait qu’elles soient censurées par l’organe de deuxième instance démontre des défaillances du
140 Piotr Dobosz

droit au recours au droit au recours administratif hiérarchique – devant l’organe de degré


supérieur – contre la lenteur de la procédure produira aussi un autre effet selon lequel la
durée excessive de la procédure, analogiquement à l’inaction (non règlement de l’affaire
dans le délai prévu) à l’heure actuelle, » relèvera de la compétence des juridictions ad-
ministratives qui pourront sanctionner d’une astreinte l’organe qui mène une procédure
avec lenteur ».
L’idée même paraît juste, mais, hors les hypothèses de fond du recours contre la
durée excessive de la procédure administrative, attractives et judicieuses du point de
vue de l’État de droit – l’État devrait aussi prendre en considération l’élément financier
(conséquences pour le Trésor public) avant de prendre la décision sur l’instauration de
moyens de droit sanctionnant la durée excessive de la procédure. Personnellement je
perçois cette institution comme, avant tout, le fondement de l’action en dommages-in-
térêts de la partie à la procédure qui a subi un préjudice du fait de la lenteur de la pro-
cédure administrative. Cependant, se pose une question fondamentale : celle de savoir
si, à l’heure actuelle, l’État polonais est à même de faire face aux prétentions des admi-
nistrés.
Je pose aussi une autre question soit celle tendant à savoir si, eu égard à la situa-
tion financière, la nouvelle régulation n’est pas instaurée pour éviter l’engagement de
la responsabilité de l’État pour préjudice causé en la matière, et pour construire une
«apparence », un « ornement » peu pratique des droits de la partie dans la procédure
administrative.
Il est évident qu’il faut opérer une distinction entre la sphère normative et la réalité
à laquelle cette sphère s’applique, mais il y a lieu de considérer si, dans la situation où,
entre autres, les normes légales concernant l’inaction juridictionnelle de l’organe au sens
large de ce terme, n’ont pas été appliquées dans la pratique parce que l’administré voulait
éviter toute confrontation avec l’organe – en renonçant à faire le recours contre le non rè-
glement de l’affaire par l’organe qui décidera de l’affaire quant au fond ; et aussi dans la
situation où, par exemple, le défaut d’octroi d’un permis de construire entraîne des effets
dans la sphère budgétaire (l’organe paie une amende/une astreinte à l’organe) – il serait
judicieux d’instaurer des moyens légaux prévenant la durée excessive de la procédure,
qui, jusqu’à ce jour, relevait, à mon avis, de la notion d’inaction (défaut de règlement de
l’affaire) « active » ou « mixte ».
La polysémie « de la sphère de missions » de l’application des normes proposées fait
naître un soupçon que les nouvelles régulations ne servent qu’à constituer une apparence
de solutions effectives à ce problème.
En même temps, il y a lieu de tenir compte du fait que la modification du CPA « a
bouleversé » l’acquis de la doctrine en matière de notion d’inaction de l’organe adminis-
tratif. Désormais, il y a lieu d’exploiter cet acquis sous l’angle de la ligne de démarcation
entre la notion de carence juridictionnelle de l’organe administratif et celle de durée
excessive de la procédure administrative. Toutefois, malgré les problèmes signalés par
la doctrine et concernant la définition de la notion d’inaction, ce dont il a été question

système. Voir, en ce sens : M. Krzyżanowska-Mierzewska, « Dysfunkcje administracji publicznej w Polsce


w orzeczeniach Europejskiego Trybunału Praw Człowieka » [in :] I. Lipowicz (réd.), Europeizacja adminis-
tracji publicznej, Varsovie 2008, p. 140.
Le concept de silence ... 141

dans la loi sur la procédure du contentieux administratif, le législateur n’a pas tenté de
proposer une définition de la durée excessive de la procédure administrative22.
En analysant des motifs des modifications proposées et apportées, il y a lieu de
constater le fragment selon lequel « les dispositions du Code actuellement en vigueur ne
permettent pas de faire un recours contre la durée excessive de la procédure », ce qui fait
que, assez fréquemment, les organes de l’administration publique mènent la procédure
d’une manière ineffective, en accomplissant beaucoup d’actes à des intervalles de temps
assez importants soit en exécutant des actes apparents, ce qui fait que, formellement, ils
restent inactifs ». Le problème fondamental de la durée excessive de la procédure admi-
nistrative consiste non pas en l’accomplissement d’une série d’actes à des intervalles de
temps assez importants ou en l’exécution d’actes apparents, mais en ordre non justifié,
donné par l’organe, d’accomplir certains actes auxquels sont liés les délais légaux de leur
accomplissement qui ne sont pas comptés dans les délais de base ou dans les délais com-
plémentaires pour régler les affaires. La durée excessive de la procédure comme résultat
de l’exécution d’une série d’actes accomplis à des intervalles de temps importants mais
non justifiés, a été englobée dans l’ancienne notion d’inaction juridictionnelle de l’organe
de l’administration publique. Dans l’état légal précédent, la notion d’inaction n’était pas
à même de contester, de remettre en question le fait d’ordonner, de manière injustifiée,
d’accomplir des actes de procédures complètement inutiles pour l’examen de l’affaire et
dont les délais ne sont pas comptés dans le délai prévu pour le règlement de l’affaire. La
nouvelle rédaction de l’article 36 du CPA ne lie pas directement la durée excessive de
la procédure avec le délai du règlement de l’affaire ce qui fait poser la question relative
au critère légal de la durée excessive de la procédure administrative. Il reste à résoudre,
par voie de la pratique de l’application du droit, la question de recours parallèle – à mon
avis, tout à fait possible – fait par la partie devant l’organe de degré supérieur (recours
hiérarchique) contre le défaut de règlement de l’affaire dans le délai prévu et la durée ex-
cessive de la procédure. À mon avis, une durée excessive de la procédure peut avoir lieu
dans la situation où l’affaire a été réglée dans le délai prescrit et la durée excessive de la
procédure, soulevée par la partie, est due à deux audiences ordonnées de manière injus-
tifiée et une visite sur les lieux au cours de la procédure menée par l’organe de première
22
Les dispositions de la loi sur le recours en violation du droit de la partie à l’instruction de l’affaire
menée ou surveillée par le procureur et à l’examen de l’affaire par le tribunal sans retard injustifié sont un
exemple positif d’une telle définition. Ainsi, conformément à l’article 2, alinéa 1 de cette loi : « La partie est
en droit de demander qu’il soit constaté que dans la procédure, objet de la requête, a été violé le droit à ce que
sa cause soit examinée sans retard injustifié si la procédure dans cette affaire dure plus longtemps que cela
n’est indispensable pour éclaircir tous les éléments de fait et de droit qui sont pertinents pour la solution de
l’affaire, ou plus longtemps que cela n’est nécessaire pour régler l’exécution ou une autre affaire concernant
l’exécution de la décision judiciaire (durée excessive de la procédure) ». « Les dispositions de l’alinéa 1
s’appliquent respectivement à l’instruction » (alinéa 1a). La nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de cet article :
« Pour constater si, dans l’affaire considérée, il y a eu une durée excessive de la procédure, il y a lieu d’ap-
précier, notamment, le délai et la régularité des actes entrepris par la juridiction, tendant à prendre la décision
quant au fond ou des actes entrepris par le procureur menant l’instruction ou surveillant l’instruction pour
terminer l’instruction, ou les actes entrepris par le tribunal ou l’huissier de justice pour régler et terminer
l’exécution ou toute autre affaire concernant l’exécution de la décision judiciaire en tenant compte de la na-
ture de l’affaire, de sa complexité quant aux éléments de fait et de droit, de l’importance qu’elle revêt pour
le requérant, des questions tranchées dans le cadre de celle-ci et du comportement des parties et, notamment
celui de la partie qui a soulevé le moyen tiré de la durée excessive de la procédure ».
142 Piotr Dobosz

instance. Cependant, la question se pose de savoir comment l’organe doit se prononcer


sur cette durée excessive de la procédure, dans quelle sentence et dans quelle rédaction
de celle-ci. En l’occurrence, le problème ne consiste pas à faire droit au recours et à fixer
le délai pour le règlement de l’affaire ou pour terminer la procédure, mais à se prononcer
sur la question de savoir s’il y a eu une durée excessive de la procédure et en quoi celle-
ci a consisté.
Le plus important, à mon avis, est l’approche normative des effets juridiques de cette
durée excessive de la procédure – du point de vue de la formule de la sentence. Dans
le CPA modifié, ceux-ci sont identiques dans le cas de l’inaction et dans le cas de la
durée excessive de la procédure administrative. Le seul fait de reconnaître l’existence
de la durée excessive de la procédure et de fixer le délai ne paraît pas suffisant. Le pro-
blème est posé par la possibilité légale reconnue à l’organe supérieur de se prononcer sur
les décisions de l’organe déféré, lesquelles créent la nécessité d’accomplir des actes de
preuves inutiles selon l’organe connaissant du recours et entraînent une durée excessive
de la procédure. Toutefois, soumettre au contrôle d’une deuxième instance l’étendue
de la procédure définie par l’organe de première instance constituerait une violation du
principe de deux degrés. Le législateur a adopté la version la plus simple. Il a copié la
solution juridique adoptée pour le défaut de règlement de l’affaire dans le délai prescrit,
en remplaçant le défaut de règlement de l’affaire dans le délai prescrit par la notion de
durée excessive de la procédure.
Mar z ena Furtak

Le rôle de l'administration publique dans la transformation


du système de protection de santé

L’administration publique est une des formes d’activité organisée de l’État. Par admi-
nistration publique on comprend l’ensemble des actions, des activités et des initiatives
d’organisation et d’exécution entreprises par différents sujets, organes et institutions, sur
la base de la loi et dans les formes définies par la loi, en vue de mettre en œuvre l’intérêt
public1. Le champ d’application subjectif et objectif expliqué dans cette définition met
l’accent en particulier sur la fonction organisationnelle et exécutive de l’État par rapport
au pouvoir politique et au service de l’intérêt public. Par contre les traits caractéristiques
de l’administration publique comme service public marquent les limites de son activité,
qui doit avoir un caractère nécessaire, inévitable, continu, obligatoire, réglementaire au
cours de la réalisation des tâches dans le cadre de l’utilité sociale et de la préservation
des biens publics2.
Pour interpréter l’objectif de l’activité de l’administration publique, à la réalisation
duquel elle a été appelée, il faut commencer par déterminer le sens du mot « intérêt ». Ce
mot a plusieurs sens qui en général se référent au profit, aux valeurs ou à la satisfaction
des besoins. Les approches des différentes disciplines scientifiques définissent le sens
du mot « intérêt » en le référant à un état ou une expérience psychique, une disposition
de la volonté, un sentiment ou un désir défini (approche psychologique) ;un besoin de
l’individu ou de la société traité de diverses façons ; le profit ou la restriction des pertes
traités de manières différentes ; des valeurs, des biens ou de leur estimation (approche
axiologique) ; un rapport social ; un système de relations sociales ; des états de cho-
ses strictement définis ou des conditions d’existence ; des buts de l’activité humaine ;
d’autres situations et phénomènes.3. Ainsi il est possible de définir que le mot « intérêt »
se caractérise par un besoin ou une volonté individuels qui résultent strictement de la
personnalité psychique de l’homme.

1
 H. Izdebski, M. Kulesza, Administracja publiczna – zagadnienia ogólne, Éd. 3e élargie, LIBER, Var-
sovie 2004, p. 93.
2
Voir. N. Banaszak, « Poglądy J.S. Langroda na państwo i jego administrację – wybrane zagadnienia »,
[in :] J. Niczyporuk (réd.) Teoria instytucji prawa administracyjnego, Livre de l’hommage au Professeur
Jerzy Stefan Langrod, PAN, Paris 2011, p. 46.
3
M. Zdyb, Prawny interes jednostki w sferze materialnego prawa administracyjnego. Étude concer-
nant la théorie et la loi, Éd. UMCS, Lublin 1991, p.10.
144 Marzena Furtak

En interprétant la conception du mot « public » il faut constater qu’il signifie : acces-


sible de manière générale, d’usage commun ; opposé au privé, quelque chose de destiné
à l’usage collectif, universel4. La notion « public » est interprétée autrement car elle peut
se référer à différents buts, taches et prérogatives des organes de l’administration, des
personnalités chargées d’administrer et au genre d’ informations , de prestations, de ser-
vices, à l’ordre, à la sécurité, au droit des biens mobiliers et immobiliers et à des valeurs
appartenant à l’État. Quant à l’unité (individuelle ou collective), la notion de « public »
définit son statut envers les organes de l’administration publique, basé sur le droit pu-
blic, y compris un genre particulier de lois qui lui servent vis-à-vis de l’État et d’autres
sujets du pouvoir public (droits publics subjectifs), mais aussi le domaine des restrictions
admissibles à ces droits5. Compléter le substantif « intérêt » par l’adjectif « public »
a pour but d’indiquer que de telles actions et activités sont entreprises en vue d’attein-
dre l’intérêt supra individuel. Cette conjonction prend une importance particulière au
niveau du groupe humain qui constitue la population de l’État. La définition doctrinale
de l’ « intérêt public » dit qu’il est identique au bien commun et qu’il désigne le champ
d’activité permissible à l’administration publique et, avant cela, le champ d’intervention
accessible au législateur dans les rapports sociaux et économiques, dans la vie privée
de l’individu etc.6. On peut donc indiquer que, selon la définition ci-dessus, l’ « intérêt
public » est la réalisation des valeurs essentielles pour le groupe social, dont la mise en
œuvre et la protection constituent un bien commun. La définition du « bien commun »
est le fondement de l’enseignement social de l’Église, ou l’on souligne que la réalisation
de ce principe consiste à respecter les droits et les devoirs de la personne humaine7. La
République de Pologne8 et en particulier son indépendance, sa souveraineté et sa démo-
cratie, constituent le bien commun de tous ses citoyens. Pourtant il faut distinguer le
bien commun de tout bien partiel, individuel, collectif, local, d’une branche industrielle,
d’un parti, d’un syndicat, etc. ; cela ne signifie pas pourtant qu’il est obligatoirement
opposé au bien partiel, néanmoins dans le cas d’un conflit entre eux le bien commun de-
vrait jouir d’une priorité dans les activités des organes du pouvoir public et des citoyens
par rapport à tous les biens partiels9. Autrement dit, en se référant à l’interprétation du
concept « bien commun », il faut souligner qu’il se rapporte à la totalité de la société qui
constitue la somme des intérêts individuels. Ainsi il faut constater que la réalisation de
l’intérêt public résulte indirectement de l’attitude de l’État envers le citoyen. Néanmoins
l’intérêt public n’est pas identique à celui de l’État, car dans un État de droit il n’y a pas
d’identification absolue du citoyen et de la sphère de ses intérêts individuels avec l’État.

M. Stahl, « Cele publiczne i zadania publiczne », [in :] J. Zimmermann (réd.) Koncepcja systemu
4

prawa administracyjnego, Congrès des Chaires de Droit Administratif et de Procédure Administrative à


Zakopane 24-27 septembre 2006, Wolters Kluwer, 2007, p.97.
5
M. Stahl, Cele publiczne…, p. 98.
6
 H. Izdebski, M. Kulesza, Administracja publiczna…p.97.
7
Voir A. Domańska, Rubrique – bien commun, [in :] Wielka encyklopedia prawa, sous réd. de B. Hołyst,
E. Smoktunowicz, 2e édition, Wydawnictwo Prawo i Praktyka Gospodarcza, Varsovie, 2005, p. 140.
8
L’art.1. de la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997 (J. O. No 78, texte 483, avec
les modifications ultérieures).
9
P. Winczorek, Commentaire sur la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997, éd. 2e
élargie, Liber, Varsovie 2008, p.17.
Le rôle de l’administration publique ... 145

Seule existe la question de consacrer en droit les droits et les obligations du citoyen
envers l’État et de l’État envers les citoyens10. Cependant on peut observer une forte
tendance à l’interpénétration des affaires publiques et privées. En conclusion il convient
de noter que la définition de l’ « intérêt public » n’est pas durable et ne peut être formulée
simplement, sans ambiguïté. Elle exige une large perspective et une interprétation indi-
viduelle dans une situation donnée, compte tenu du contexte juridique, politique, social
et du système de valeurs adopté.
La mise en œuvre de l’intérêt public est aussi le but principal de l’activité de l’admi-
nistration publique, définie par le droit et réalisée dans les limites du droit. Il s’agit aussi
de la base qui permet d’ indiquer la mission de l’administration publique, orientée vers
l’initiation et la création d’activités dans l’intérêt général.
La fonction de l’administration assurant la prestation de services, responsable d’une
grande variété de services publics, est digne d’une attention particulière. L’étendue des
prestations des services publics est large parce qu’elle englobe entre autres les services
du type : social (du domaine de l’éducation, de la protection de la santé), technique
(comme les transports collectif, les aqueducs, l’énergie) des prestations sociales, comme
la sécurité sociale11. Par la fonction discutée l’administration publique organisera d’une
façon directe la prestation des services publics ou bien le fait d’assurer la fourniture
de services par l’intermédiaire d’institutions définies et au moyen de différents instru-
ments pour satisfaire aux besoins sociaux. Cela résulte directement des tâches publiques
confiées à l’administration publique en liaison avec les buts publics résultant de l’intérêt
public. L’administration publique devrait assurer aux citoyens des services qui répon-
dent aussi bien aux normes juridiques qu’aux attentes sociales12. La satisfaction de ces
besoins décide de l’efficience de l’administration publique qui est estimée dans la me-
sure ou elle est efficace dans la prestation des services.
Des considérations particulières vont se concentrer sur l’activité de l’administration
publique dans le domaine social de protection de la santé. La caractérisation de l’admi-
nistration publique de protection de la santé doit prendre en considération la probléma-
tique liée à ses tâches et à l’organisation de son appareil. En ce qui concerne les tâches
d’administration publique de protection de la santé, le catalogue des affaires, qui a été
cité dans le service de l’administration gouvernementale sous la rubrique – santé a ici
une importance fondamentale. Le service « santé » englobe les affaires de protection de
la santé et aussi celles qui sont liées aux principes d’organisation de la prestation des
soins médicaux ; de la surveillance sur les produits curatifs, articles médicaux, produits
médicaux pour le diagnostic in vitro, équipement des articles médicaux et des produits
médicaux pour le diagnostic in vitro, articles médicaux actifs pour l’implantation et pro-
duits biocides ainsi que sur les produits de beauté dans le cadre de la sécurité et de la
santé humaines ; de l’organisation et surveillance du système du Service National d’Ur-
gence Médicale, professions médicales ; des conditions sanitaires et de la surveillance

10
Loc.cit.
11
 H. Izdebski, M. Kulesza, Administracja publiczna…, p. 110-112.
12
 T . Buchacz, S. Wysocki, « Zarządzanie jakością w administracji – europejskie wzorce, polskie do-
świadczenia », [in :] J. Czaputowicz (réd.), Administracja publiczna, Wyzwania w dobie integracji europej-
skiej, PWN, Varsovie 2008, p.190.
146 Marzena Furtak

sanitaire, sauf la surveillance sur la nourriture couverte par le service agriculture, la


coordination de la sécurité alimentaire en particulier la surveillance de la qualité des
aliments dans le processus de production et au cours d’opérations commerciales, des
matériaux et produits destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ; des
organismes génétiquement modifiés dans le cadre des décisions permettant d’introduire
une nouvel aliment sur le marché, dans le cadre de la procédure d’autorisation pour
introduire sur le marché des produits curatifs ; du thermalisme ;de la coordination de
systèmes de sécurité sociale dans le cadre des prestation médicales en nature13. Le cata-
logue des affaires comprises dans le service de santé a un caractère fermé et par cela il
désigne ici le champ d’activité de toute l’administration publique. Évidement les tâches
de l’administration publique subissent une concrétisation postérieure et une attribution
aux autorités de l’administration publique qui sont compétentes en matière de protection
de la santé. Il faut se rendre compte avant tout du fait que les tâches dans le domaine de
santé sont spécifiquement attribuées à des genres particuliers publics. Autrement dit il est
possible de parler des tâches de l’administration publique dans le cadre de la protection
de la santé, vu les genres particuliers de sujets de l’appareil administratif.
Traditionnellement les services publics de l’administration gouvernementale ont été
divisés en niveaux central et territorial. L’appareil central de l’administration de protec-
tion de santé se compose de : la gestion supérieure de l’administration gouvernementale ;
des autorités centrales de l’administration gouvernementale ; des centres organisationnels
et nationaux ayant la personnalité juridique. Le ministre compétent en matière de la santé
est une autorité supérieure de l’administration gouvernementale, ayant les tâches les plus
larges dans le cadre de protection de la santé. En particulier appartiennent aux taches du
ministre comptent pour les affaires de la santé : la gestion et la participation à la gestion
de l’éducation dans le cadre de la prévention et de la solution des problèmes liés à l’in-
fluence négative des facteurs géographiques et sociaux ; l’estimation de l’accessibilité
aux services de soins médicaux, accompagnée d’ une consultation avec des autonomies
de voïvodie ; l’élaboration, le financement et l’estimation des effets des programmes mé-
dicaux, mais aussi la surveillance de leur réalisation ; la classification des prestations des
soins médicaux en tant que prestations garanties ; le financement des prestations garan-
ties ; la coopération avec des organisations non-gouvernementales de caractère régional
ou national agissant en faveur de la protection de la santé ; la surveillance de l’assurance
médicale ; l’adoption du plan de financement du Fonds avec l’accord d’un ministre com-
pétent en matière de finances publiques ; l’appréciation du rapport financier du Fonds ; la
présentation à la Diète Polonaise du rapport annuel de l’activité du Fonds ; la surveillance
sur l’Agence ; l’approbation des rapports financiers de l’Agence14. Par voie de décret le
Président du Conseil des Ministres définit un champ d’application propre du Ministre
de la Santé15, à qui il appartient en particulier de diriger le service de l’administration
13
L’art. 33 alinéa 1 de la loi du 4 septembre 1997 sur les activités de l’administration publique (J. O. No
141, texte 943 avec les modifications ultérieures).
14
Cf. l’art. 11 alinéa 1 de la loi du 27 août 2004 r. sur les prestations des soins médicaux financés des
fonds publics (J. O. de 2008, No 164, texte 1027, avec les modifications ultérieures).
15
La Disposition du Président du Conseil des Ministres du 16 novembre 2007 sur le champ d’applica-
tion propre du Ministre de la Santé (J. O. du 20 novembre 2007 No 216, texte 1607 avec les modifications
ultérieures).
Le rôle de l’administration publique ... 147

gouvernementale – santé et de disposer de la 46e partie du budget de l’État. En plus dans


le système de protection de la santé il exerce des fonctions de régularisation, de coordi-
nation et de surveillance, il est responsable aussi de la création et de l’exécution de la
politique étatiques de la santé. Le ministre chargé de la santé est créateur et coordinateur
du système de protection de la santé où en principe il désigne les directions stratégiques
de la politique, aussi bien que des buts à court terme servant à la réalisation appropriée
des tâches qui lui ont été confiées. Il coordonne la réalisation des programmes sanitaires
concernant les phénomènes épidémiologiques importants pour la protection de la santé
et pour la sécurité des citoyens, par exemple le Programme National de Santé pour les
années 2007-201516. Il lui appartient de délivrer des décrets d’application des lois en
vigueur, mais aussi des arrêtés de caractère interne concernant les unités qui lui sont
soumises. Le Ministre compétent chargé de la santé exerce une surveillance sur les auto-
rités centrales de l’administration gouvernementale dont l’Inspecteur Principal des Phar-
macies, l’Inspecteur Sanitaire National, l’Inspecteur chargé des substances et produits
chimiques ; le Président de la Direction d’Enregistrement des Produits Thérapeutiques,
Médicaux et Produits Biocides ; l’Agence pour la résolution des problèmes d’alcoolisme.
En outre le Ministre chargé de la santé exerce un contrôle et une surveillance sur les or-
ganes et les unités qui lui sont soumis : Centres Nationaux de Sang ; Centres Régionaux
de don de sang et de l’hémothérapie ; Fonds National de la Santé; Institut National des
Médicaments ; Direction d’Enregistrement des Produits Thérapeutiques Médicaux et Pro-
duits Biocides ; Centre des Systèmes d’Information pour la Protection de la Santé ;Cen-
tre du Monitoring de la Qualité dans la Protection de la Santé ; Agence d’Évaluation
des Technologies Médicales ; unités de recherche scientifique; instituts, centres, bureaux
qui s’occupent de l’éducation, de la prestation des services et de la recherche médicale ;
académies de médecine ; hôpitaux cliniques et instituts de médecine pour lesquels il est
un organe fondateur17. L’autre autorité dont se compose l’appareil central en matière de
protection de la santé est le Fonds National de la Santé (NFZ). C’est une unité organisa-
tionnelle étatique pourvue de la personnalité morale. Le NFZ se compose de la centrale et
des filiales de voïvodie. Au champ d’application du NFZ, appartiennent en particulier : la
définition de la qualité et de l’accessibilité, l’analyse des frais des prestations médicales
dans le cadre indispensable pour la conclusion réglementaire des contrats sur les pres-
tations médicales, l’organisation des appels d’offres, les négociations et conclusion des
contrats liées aux prestations médicales ainsi que le monitoring concernant leur réalisa-
tion et leur décompte ;le financement des activités médicales de secours aux bénéficiaires
des prestations ; l’élaboration, la mise en application, la réalisation et le financement des
programmes de santé ; le monitoring des prescriptions médicales ; la promotion de la
santé ; la tenue du Registre Central des Assurés ; la réalisation de l’activité de promotion
et d’ information dans le cadre de protection de la santé18.

16
Adopté par la disposition no 90/2007 du Conseil des Ministres du 15 mai 2007 concernant le Pro-
gramme National de Santé pour les années 2007-2015.
17
Voir le décret du Ministre de la Santé du 2 avril 2010 concernant le registre des unités organisation-
nelles soumises et surveillées par Le Ministre de la Santé (Monitor Polski No 21, texte 205).
18
Cf. l’art. 97 de la loi du 27 août 2004 sur les prestations des soins médicaux financés des fonds publics
(J. O. de 2008, No 164, texte 1027, avec les modifications ultérieures).
148 Marzena Furtak

Quant à l’appareil local d’administration publique de protection de la santé, il se


compose des voïvodes, des organes d’administration gouvernementale conjointe dans
les voïvodies ; des organes d’administration gouvernementale disjointe dans les voïvo-
dies19. Le voïvode est une autorité territoriale de l’administration gouvernementale ayant
des compétences générales. Il est le représentant du Conseil des Ministres et le chef de
l’administration gouvernementale conjointe dans la voïvodie. En plus il est une autorité
de surveillance sur l’activité des unités de l’autorité territoriale et leurs rapports, ainsi
que le représentant du Trésor de l’État. Le voïvode en particulier assure une surveillance
et un contrôle sur les plans de la légalité, de la bonne gestion et de l’intégrité concernant
l’exécution des tâches dans le domaine de l’administration gouvernementale par des
organes des autorités territoriales. Le voïvode est nommé et révoqué par le Président du
Conseil des Ministres à la demande du ministre compétent chargé de l’administration
publique. Le voïvode exerce ses tâches avec l’aide du vice-voïvode, de l’office de voï-
vodie et des organes de l’administration gouvernementale complexe. En particulier il
appartient aux tâches du voïvode en matière de santé d’assurer l’accès légal aux presta-
tions médicales : d’estimer l’accessibilité des prestations médicales sur le territoire de la
voïvodie ; d’estimer la réalisation des tâches du domaine de l’administration gouverne-
mentale réalisées par les unités de l’autorité territoriale ; de transmettre des informations
sur les programmes de santé au ministre compétent chargé de la santé20. En outre il faut
tenir compte de la fonction de voïvode comme organe fondateur des établissements de
protection de la santé. Il tient le Registre des Établissements de Protection de la Santé sur
le territoire de sa juridiction. Il exerce aussi une fonction consultative, de surveillance et
de contrôle par rapport aux unités de l’administration locale quand celles-ci exercent les
fonctions d’organes fondateurs des établissements de protection de la santé.
Parmi les organisations de l’appareil de l’administration publique dans le système
de protection de la santé les organes de l’administration locale sont dignes d’attention.
D’une manière générale l’administration se divise en autorité territoriale et autorité spé-
ciale. En ce qui concerne l’autorité territoriale, sa forme juridique organisationnelle se
compose des unités telles que : la voïvodie, le district, la commune. Par contre l’autorité
spéciale se divise en : économique, professionnelle, agricole et autre. En particulier il
faut souligner l’importance de l’autorité professionnelle dont les chambres constituent
des formes juridico-organisationnelles. Par exemple il s’agit des chambres actives dans
le cadre de protection de la santé comme : les chambres des médecins et chirurgiens-den-
tistes, les chambres des infirmières et des sages-femmes, les chambres des pharmaciens
et diagnostiqueurs de laboratoire. L’administration locale est réduite à l’ensemble des
organes d’autogestion locale convoqués pour réaliser des tâches de l’État sur le ter-
rain. Les autorité de voïvodie, de district ou de commune sont des associations de tous
les habitants de la commune donnée, du district (powiat) ou de la voïvodie, ayant une
personnalité morale et exerçant des fonctions du domaine de l’administration publique,
ces associations étant fondées en vertu de la loi. L’autorité locale exerce des tâches in-

19
La loi du 23 janvier 2009 sur le voïvode et l’administration gouvernementale dans la voïvodie (J. O.
du 26 février 2009 No 31, texte 206).
20
L’art. 10 de la loi du 27 août 2004 sur les prestations des soins médicaux financés des fonds publics
(J. O. de 2008, No 164, texte 1027, avec les modifications ultérieures).
Le rôle de l’administration publique ... 149

dépendamment, sur la base d’autorisations et dans le cadre des moyens qui lui ont été
attribués. L’État ne dispose que de la possibilité de surveiller les activités de ces autori-
tés. L’étendue de sa surveillance et ses formes sont limitées et strictement définies par les
prescriptions de la loi. Le rôle de l’organe fondateur est primordial. L’administration lo-
cale exerce ce rôle par rapport aux établissements autonomes et publics de protection de
la santé sur le territoire administré par elle, conformément à l’ordonnance du Président
du Conseil des Ministres du 22 juin 2001 sur le registre des établissements autonomes et
publics de protection de la santé qui ont été repris par des communes, districts (powiats)
et les autorité de voïvodies21 et conformément aux prescriptions de la loi du 30 août 1991
sur les établissements de protection de la santé22.
Les organisations non-gouvernementales qui ne sont pas des unités du secteur des
finances publiques et qui n’agissent pas pour réaliser un profit constituent le dernier
sujet de l’appareil de l’administration publique. Ce sont des personnes juridiques ou des
unités qui ne possèdent pas de personnalité juridique, y compris des fondations et des
associations23. Il faut noter que ce sont des sujets d’ un caractère autre que commercial.
Leur activité est basée sur l’exécution d’une activité d’utilité publique dans le sphère des
tâches publiques et en coopération avec des organes de l’administration publique. Les
organisations non-gouvernementales peuvent obtenir le statut d’organisations d’utilité
publique. Il faut comprendre cette activité comme socialement utile et menée par ces
organes dans le cadre de tâches publiques. En outre l’exécution de l’activité d’utilité
publique par des organisations non-gouvernementales remplit une fonction de soutien,
car les organes de l’administration publique profitent de cette activité pour exécuter des
tâches publiques. En outre les organes de l’administration publique coopèrent avec les
organisations non-gouvernementales d’utilité publique et ils se supportent réciproque-
ment dans la réalisation des tâches sociales comprises de manière large.
Il faut indiquer que dans la sphère des tâches publiques des organisations non-gou-
vernementales se situent des activités en faveur du secteur de protection de la santé, qui
concernent la protection et la promotion de la santé, mais aussi des activités en faveur
des personnes handicapées, ainsi que le soutien et la promotion de la culture physique.
En concluant la caractérisation de l’appareil administratif de protection de la santé,
il faut constater que les tâches de tous ses organes et ses sujets se concentrent en parti-
culier sur la création de conditions d’accès égal aux prestations médicales et englobent
en particulier : la création de conditions du fonctionnement du système de protection de
la santé ; l’analyse et l’estimation des besoins médicaux et des facteurs qui provoquent
leurs changement ; la promotion de la santé et de la prévention ayant pour but de créer
des conditions favorables à la santé ; le financement conforme aux règles définies par la
loi24. Le rôle particulier de l’appareil de l’administration de protection de santé consiste
en la prestation de services à la société. Par les « prestations médicales » il faut com-

21
J.O. de 2001 No 65, texte 659,avec les modifications ultérieures.
22
J.O. de 2007 No 14, texte 89, avec les modifications ultérieures.
23
L’art. 3, alinéa 2 de la loi du 24 avril 2003 sur l’activité des organisations d’utilité publique et le bé-
névolat (J. O. No 96, texte 873, avec les modifications ultérieures).
24
L’art. 6 de la loi du 27 août 2004 sur les prestations des soins médicaux financées des fonds publics
(J. O. de 2008, No 164, texte 1027, avec les modifications ultérieures).
150 Marzena Furtak

prendre toutes les actions servant à conserver, préserver, rétablir et améliorer la santé et
d’autres actions médicales résultant du processus de traitement ou de dispositions parti-
culières réglementant leur exécution25. L’activité dans le cadre de la diffusion du savoir
concernant la santé constitue un rôle supplémentaire, mais très important de l’appareil
administratif de protection de la santé.
Par « promotion de la santé » nous comprenons les activités permettant aux person-
nes particulières et à la société d’augmenter le contrôle des facteurs qui conditionnent
l’état de santé et par suite son amélioration, la promotion d’un style de vie sain et des
facteurs environnementaux et individuels favorables à la santé26. Tout cela résulte du fait
que la santé est traitée comme un bien très précieux. La constitution de l’Organisation
Mondiale de la Santé a expliqué que la santé est un état complet de bien-être physique,
mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité27.
L’approche multidimensionnelle au phénomène de la santé indique qu’il faut traiter plus
largement les facteurs déterminant son état. Ces facteurs ont été entre autres présentés
dans un rapport canadien élaboré sous la direction de Lalond.28 La conception qu’il pré-
sente des « champs de santé » permet de classifier chaque facteur à qui on peut attribuer
une influence sur l’état de santé, parmi les catégories de facteurs : génétiques, de milieu,
style de vie et soins médicaux. Cette dernière catégorie englobe les ressources et les
procédures de l’activité des institutions appelées à des actions en faveur de la santé. Sur
cette base les tâches de tous les organes de l’administration publique jouent des rôles
définis.
Le rôle de l’administration publique dans le cadre des actions en faveur de la santé
résulte en principe de la Constitution. L’article 68 de la Constitution est formulé d’une
manière spécifique, car d’un côté il garantit à chacun le droit à la protection de la santé,
de l’autre il oblige le pouvoir public à assurer la réalisation de ce droit29. D’où le devoir,
et à la fois la responsabilité de l’État, d’organiser un genre particulier d’activités qui
sécurisent la santé des citoyens. La totalité des actions entreprises par l’État dans ce
domaine doit assurer une augmentation de l’accessibilité et de la qualité des soins mé-
dicaux pour assurer une meilleure protection de la santé de la population. Cela indique
que l’influence sur la santé individuelle et celle de la population constitue la teneur de
ces décisions et de ces actions de l’État. L’étendue des devoirs de l’État en faveur de
protection de la santé a provoque des difficultés dans leur réalisation réglementaire, ce
qui a donné naissance au processus du changement de système.
Le processus de transformation de protection de la santé a commence avec le change-
ment institutionnel des années 90 du siècle dernier : passage de l’économie planifiée au
niveau central vers le développement du marché libre. Dans le cadre des changements
intervenus, les tâches publiques, réalisées dans le domaine des prestations médicales par

L’art. 2, point 10 de la loi du 15 avril 2011 sur l’activité curative (J. O. du 2011 No 112, texte 654).
25

Id. point 7.
26

27
La Constitution de l’Organisation Mondiale de Santé, signée le 22 juillet 1946 (J. O. 1948, no 61,
texte 477 avec les modifications ultérieures).
28
Voir. M. Lalond, A New Perspective on the Heath of Canadians, a working document, Ministry of
Supply and Services of Canada, Ottawa 1978, p.7.
29
L’art. 68 de la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997 (J. O. No. 78, texte 483 avec
les modifications ultérieures).
Le rôle de l’administration publique ... 151

l’appareil de l’administration publique, en faveur de toute la société dont l’État est res-
ponsable, ont été partiellement réduites. En principe dans le cadre de la transformation on
est arrivé à la décentralisation de l’appareil d’administration publique, y compris une dé-
concentration des tâches publiques résultant de la nécessité d’optimiser/rationaliser son
fonctionnement30. Le processus de ces changements se poursuivait par la transmission
de la compétence administrative31 des organes du niveau central aux organes de l’admi-
nistration locale. Le but de la décentralisation des compétences consistait à aboutir à une
utilisation plus efficace des ressources et à une allocation des moyens ainsi qu’à l’intro-
duction des structures régionales et locales. Ces actions avaient aussi un caractère de sti-
mulation dans le cadre d’une amélioration de l’organisation, y compris de la qualité des
prestations médicales. En principe cela résultait de l’accroissement des buts et des tâches
de l’administration publique, lié à des attentes sociales trop élevées bien qu’il n’ait pas
existé de possibilités objectives de leur pleine réalisation32. Malgré la transmission d’une
partie des tâches de l’État à des sujets de niveau plus bas, il faut souligner qu’en ce qui
concerne la règle, elles continuent à faire partie de ses propres tâches, de la réalisation
desquelles il continue à être responsable. L’État est un genre spécifique d’organisation.
Il constitue une systématisation consciente et intentionnelle de ses parties en une totalité
homogène dont le pouvoir de l’État garantit le fonctionnement et par cela la réalisation
des buts33. Le fait d’obtenir des effets avantageux de la décentralisation des pouvoirs
dans le secteur de protection de l’État exigeait une transformation du paradigme de son
activité d’administration en faveur de la gestion active. Le processus de transformation
de la protection de la santé a provoqué une transformation primordiale des règles et des
mécanismes de son fonctionnement et a entrainé ainsi un changement d’échelle, d’acti-
vité et de moyen d’action des sujets dans le secteur de protection de la santé. Cela a pro-
voqué une dérogation à l’administration traditionnelle en la remplaçant par des activités
qui forment la gestion ce qui a causé l’apparition de circonstances favorables à l’exten-
sion de la gestion, à toutes les sphères de la vie publique34. L’ordre social en formation
a transformé l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique, y compris
les changements dans la protection de la santé, en introduisant un nouveau modèle de
gestion publique, de management (New Public Management)35. Le passage de la struc-
ture hiérarchique de l’administration publique de l’État centralisé au développement de
l’autorité locale a provoqué un bouleversement dans le secteur de protection de la santé.
Le processus de transformation a aussi été influencé par les changements dans la façon
30
Voir J. Niczyporuk, Dekoncentracja administracji publicznej, UMCS, Lublin 2006, p.92-94.
31
Voir J.Niczyporuk, « Sytuacja przekazania kompetencji administracyjnej », [in :] E. Ura (réd.) Jed-
nostka, państwo, administracja – nowy wymiar, Conférence Scientifique Internationale à Olszanica, 23-26
mai 2004 , Université de Rzeszów, Rzeszów 2004, p.317-332.
32
J. Niczyporuk, Dekoncentracja…, op. cit. p.77.
33
B. Szmulik, M. Żmigrodzki,« Pojęcie, sposoby definiowania oraz cechy państwa », [in :] B. Szmulik,
M. Żmigrodzki (Réd.) Wprowadzenie do nauki o państwie i polityce, éd. UMCS à Lublin, Lublin 2002,
p.16.
34
B. Kożuch, Zarządzanie publiczne. W teorii i praktyce polskich organizacji, éd. PLACET, Varsovie
2004, p.40.
35
Voir J. Supernat, « Administracja publiczna w świetle koncepcji New Public Management », [in :]
E. Ura (réd.) Jednostka, państwo, administracja, nowy wymiar, Conférence Internationale Scientifique à
Olszanica, 23-26 mai 2004, Rzeszów 2004, p. 469-490.
152 Marzena Furtak

de financer la protection de la santé. Du contrôle total de l’État sur la circulation de l’ar-


gent destiné aux prestations médicales, basé sur la planification et sur le budget comme
payeur on est passé au système d’assurances dans lequel des institutions autonomes et
régionales d’assurance jouent le rôle du payeur de base : ces Caisses de maladie sont
exclues des structures de l’administration gouvernementale. Par conséquent en 2003 on
a instauré le Fonds National de la Santé ce qui était une manifestation du retour à l’idée
du centralisme dans le financement du système de protection de la santé36. L’État dans
le cadre des transformations qu’il menait alors dans la protection de la santé a introduit
un système permettant d’enregistrer des services médicaux autorisés –le Registre des
Services Médicaux a donné une base pour mettre en application une carte électronique
du patient. Le processus des transformations exercées par l’État se fondait sur l’introduc-
tion des reformes administratives, qui, vu leur étendue sont appelées des macro reformes
dans la doctrine37. Les reformes entamées avaient un caractère structural et concernaient
des changements de procédures, de techniques et de personnels, qui ont tracé de nouvel-
les directions d’activités pour le secteur de protection de la santé.
Nous remarquons aujourd’hui un processus de transformation nouvelle de la protec-
tion de la santé où le rôle de l’administration publique se concentre sur l’introduction
de reformes systémiques successives. Le processus de transformation est concentré sur
l’activité législative de l’État, par la formation des normes et des solutions légales. Cette
activité vise à introduire « un paquet de santé » qui a été partiellement introduit. Le reste
se trouve au stade de l’élaboration du projet.
« Le paquet de santé » se compose des activités en vigueur, qui entre autres se concen-
trent sur l’organisation de l’activité curative. Ces activités donnent la possibilité de chan-
ger la structure des prestataires des services. Ces changements visent les transformations
de la forme de propriété des institutions publiques et autonomes de soins médicaux en
sociétés de droit commercial. Les décisions en la matière ne seront pas obligatoires et le
fait de les prendre appartiendra aux autorités qui sont leurs organes fondateurs. Le pro-
cessus des transformations des institutions publiques et autonomes de soins médicaux
en sociétés de droit commercial sera exigible dans le cas où ces unités auront un résultat
financier négatif et les sujets qui les convoquent ne trouveront pas de fonds pour le cou-
vrir. Le but est d’amener à un niveau permettant de fonctionner d’une manière efficace
dans les conditions de la concurrence sur le marché libre et de réduire leur endettement
d’une manière drastique. Les autorités locales ont reçu de nouveaux instruments dans le
cadre de la surveillance et de contrôle des établissements, y compris la transformation
de leur forme juridico-organisationnelle. De nouvelles régulations juridiques touchent
aussi le problème de la formation des spécialistes médicaux, où on renonce à la dernière
année des études de médecine qui fonctionne actuellement comme une année de stage.
Ces activités ont généralement pour but d’accélérer la formation et résultent de la baisse
du nombre des médecins praticiens, déterminée par l’émigration pour des raisons écono-

36
Voir A. Frączkiewicz-Wronka, « Perspektywa terytorialna w kształtowaniu i realizacji celów publi-
cznych w obszarze ochrony zdrowia », [in :] A. Frączkiewicz-Wronka (réd.), Ochrona zdrowia w regionie,
aspekty organizacyjne i prawne, éd. Akademii Ekonomicznej à Katowice, Katowice 2005, p.27.
37
J. Łętowski, « Reformy administracji », [in :] J. Łętowski, S. Strachowski, J. Szreniawski, W. Taras,
A. Wróbel, (réd.) Nauka administracji, wybrane zagadnienia, éd. Iunctim, Lublin 1993, p. 134.
Le rôle de l’administration publique ... 153

miques de jeunes ayant été formés en médecine. Le processus de changement est aussi
orienté vers les patients, en leur permettant d’engager plus facilement des poursuites en
dommages-intérêts au titre des incidents médicaux, sans procédure judiciaire. Des com-
missions de voïvodies ont été créées pour l’examen des cas d’incidents médicaux afin
d’en vérifier l’occurrence. Par « accident médical » il faut comprendre le fait de conta-
miner un patient d’un facteur biologique pathogène, de causer des lésions corporelles ou
des troubles de santé ou bien la mort d’un patient en raison d’un diagnostic qui n’est pas
conforme aux connaissances médicales actuelles, d’un traitement ou de l’utilisation d’un
produit médical38. La base de la création des commissions de voïvodie est d’accélérer
l’obtention par des patients ayant subi un dommage ou par leur descendants de l’indem-
nisation ou des compensations plutôt que de faire un procès juridique de longue durée .
D’ autres changements dans la protection de la santé concernent les règles d’accès aux
médicaments remboursés. Le but des changements introduits consiste à baisser le niveau
général de cofinancement du patient pour des médicaments. Ce niveau en Pologne est
supérieur à celui qui existe dans des pays plus riches tels que les Pays Bas, l’Espagne
ou l’Allemagne. En 2008 le supplément de prix des patients s’élevait à 68 %, tandis que
les recommandations de l’OMS parlent de 40 % pour assurer l’accessibilité des médi-
caments.39 Ces actions ont aussi pour but d’introduire des prix officiels et des marges
de médicaments remboursés, financés par le payeur public qui a la possibilité d’assurer
la surveillance administrative des décisions dans le domaine de la médecine, de vérifi-
cation de la justesse de remboursement des médicaments prescrits sur une ordonnance
médicale à un patient. Les autres postulats proposés pour programmer la nouvelle trans-
formation dans le secteur de protection de la santé, visent l’introduction continuée du
« paquet de santé ». Ces demandes se concentrent sur les initiatives de mise en applica-
tion par l’appareil d’administration publique d’autres assurances maladies supplémen-
taires. Le principe consiste en la possibilité d’achat par un patient d’une police médicale
privée à titre bénévole. En échange le patient recevra le privilège de standards supérieurs
dans l’accessibilité aux prestations médicales et les hôpitaux profiteront d’une nouvelle
source de recettes. Le processus des transformations ultérieures concerne la qualité dans
la protection de la santé. L’idée principale de la transformation proposée consiste à ap-
précier les unités de protection de la santé qui augmentent la qualité des prestations.
D’autres transformations vont concerner les hôpitaux cliniques, dans lesquels on solli-
cite la séparation de la fonction didactique de celle qui est liée aux prestations médicales.
Il est possible de voir les transformations suivantes dans les recherches cliniques. No-
tamment on propose actuellement l’augmentation de la protection des patients qui par-
ticipent aux recherches et dans le cas d’apparition d’accidents inattendus la possibilité
pour eux de réclamer une indemnisation. Les changements sur les recherches cliniques
vont concerner la transparence de leur réalisation, ce qui donnera des bénéfices tangibles
pour des hôpitaux. Parmi les changements proposés il faut remarquer l’accent mis sur la
promotion de la santé publique. Ces actions doivent concerner en principe la réalisation
de programmes préventifs dans les régions. Ces programmes doivent contribuer à aug-

38
Voir l’art. 67a de la loi du 6 novembre 2008 sur les droits du patient et le Porte-parole des droits du
patient (J O. de 2009 No 52, texte 417 avec les modifications ultérieures).
39
M. Koblańska, « Zgniły kompromis », [in :] Menedżer zdrowia, no 10/2011, p.41.
154 Marzena Furtak

menter la conscience sociale concernant le besoin de veiller à la santé et le diagnostic


des maladies qui sont cause de morbidité prématurée et de mortalité dans la société, mais
aussi à la lutte contre les dépendances.
L’État en instituant la loi qui régularise l’activité du secteur de protection de la santé,
y compris aussi en assignant des tâches à l’appareil de l’administration publique, a pour
but de résoudre des problèmes accumulés depuis des années, par exemple quant à la
structure des prestataires des services et l’introduction d’une nouvelle perspective sur
les directions prochaines de la politique de santé. Cette politique de santé est réalisée
dans un système de protection, dont le but principal consiste en la sécurité médicale de
l’État, c’est à dire à assurer un état de santé de la totalité de la population qui réponde aux
attentes de la société. En parlant du système de protection de la santé, il faut expliquer
l’idée du « système ». « Le système constitue une certaine totalité, un ensemble de par-
ties corrélatives (gens, processus, produits, services) liées par un but commun (…), pour
comprendre le système en premier lieu il faut savoir son but, mais aussi il est nécessaire
de distinguer ses parties corrélatives, en prenant en considération la dynamique des cor-
rélations réciproques »40. Le terme système met l'accent sur l'apparition d'actions inten-
tionnelles liées à la réalisation des buts médicaux. En principe le système de protection
de la santé est une conséquence de la politique de santé mise en œuvre, qui est décisive
en ce concerne les buts et le caractère de son activité. La totalité des actions entreprises
par l'État, par l'appareil de l'administration publique résulte des obligations juridiques
sur son territoire, afin d'assurer l'augmentation et la qualité des soins médicaux pour
donner la meilleure protection à la santé de la population. Le rôle de l'administration
se concentre en particulier sur une activité législative et la réalisation des reformes du
système. Conformément à la position de la Banque Mondiale dans chaque pays, quel
que soit le niveau du développement économique, l'administration centrale, c'est à dire
le gouvernement en général, joue un rôle primordial pour assurer la sécurité médicale
des citoyens. Ce rôle résulte avant tout du fait que la totalité des États considèrent la
santé comme un bien public. Chaque citoyen bénéficie de ce bien à titre gratuit, de la
même manière que de l'éducation et de la sécurité etc. Ce rôle résulte aussi des prémis-
ses purement économiques. La majorité des activités en faveur de la santé est en grande
partie un bien public, et non seulement individuel, elle forme des valeurs tangibles et
accessoirement socio-économiques. Les mécanismes du marché ne créent pas de telles
valeurs ou ne les créent que dans une très petite mesure ; des groupes de population
économiquement handicapés, des classes pauvres qui dans des proportions variées, ha-
bituellement pas aussi petites qu'elles-mêmes, existent dans chaque pays sont d'habitude
privés d'accès aux soins médicaux à un degré qui leur permettrait de mener une vie
socialement et économiquement productive ; le financement des besoins médicaux de
ces groupes sociaux contribue à la réduction des dimensions de la misère ou au moins à
limiter les conséquences négatives de ce phénomène ; les interventions de l'État dans les
soins médicaux ont une influence positive sur le sentiment de sécurité dans la société, y
compris la sécurité médicale par l'égalisation des effets négatifs des prestations médica-

40
B. Arrington, R. S. Kurz, « Quality Management and Improvement », [in :] Handbook of Health Care
Management, edited by W.J. Duncan, L.E. Swayne, Blackwell Publishers, Malden, Oxford 1998, p. 291.
Le rôle de l’administration publique ... 155

les, c'est à dire, ce qui est appelé en économie « erreurs sur le marché »41. En conclusion
il faut se souvenir que le système de protection du marché constitue un élément de la
politique sociale de l’État et remplit des tâches dans le domaine de l’utilité publique en
contribuant de manière importante à assurer la justice et l’homogénéité sociale.
Le processus de transformation dans le secteur de protection de la santé fait partie
d’une série d’évènements historiques et reflète l’évolution des opinions et de l’approche
relative à sa bonne organisation et son activité. Le contexte des changements qui s’opè-
rent globalement dans la gestion publique a ainsi créé une nouvelle image des unités
de l’administration publique, qui par leur activité englobent le domaine des affaires de
caractère public. Il en résulte une nouvelle opinion sur le rôle actuel de l’appareil de l’ad-
ministration publique qui constitue la base des règles de fonctionnement du secteur de
protection de la santé. Le rôle particulier de l’administration publique se concentre sur
la formulation de la loi liée à son activité . Par conséquent les normes juridiques permet-
tent d’introduire, par l’appareil de l’administration publique, des activités qui réforment
la protection de la santé. Ainsi le rôle de l’administration publique dans le secteur de
protection de la santé se concentre sur la détermination des conditions de prestation des
services, sur leur contrôle et sur le fonctionnement des unités de protection de la santé.
Le rôle de l’administration publique comme auteur et modérateur de tous les processus
dans la protection de la santé est également important. Il résulte en principe de la respon-
sabilité de l’État pour satisfaire aux besoins médicaux signalés par les citoyens.

41
J. Leowski, « Funkcje zdrowia publicznego », Zdrowie Publiczne, 2001, 111(5-6), 385.
B arbara Jaw o rska- Dębska

L'inaction de l'administration publique. Des problèmes choisis

Il est hors de doute que l’essence, le but principal et la fonction de l’administration


publique résident dans son activité, son dessein étant de satisfaire aux besoins collectifs
et individuels des citoyens, besoins qui résultent de la cohabitation des gens dans des col-
lectivités1. C’est pour assumer cette activité qu’au cours des années on recherche à cette
fin des sujets appropriés autres que le gouvernement, ainsi que les structures optimales
dans lesquelles cette activité serait le mieux réalisée. Pour y parvenir, on assortit à cette
activité les formes juridiques idoines et on choisit des instruments appropriés, à l’aide
desquels l’activité de l’administration publique est réalisée2, étant donné que l’exécution
des devoirs publics exige, en règle générale, qu’on agisse3. Cette constatation semble ne
pas susciter de doute. C’est pour cela que l’intérêt des représentants de la doctrine du
droit administratif est à juste titre centré sur les différents aspects de l’activité de l’admi-
nistration4. En même temps la thèse que dans cette occurrence les chercheurs sont censés
limiter leur analyse uniquement à cette activité de l’administration publique n’est pas
fondée. Car il arrive que l’administration publique -en dépit de l’obligation juridique en
vigueur- ne procède pas à l’exécution de ses activités. D’une manière générale, il s’agit
de cas oů, nonobstant l’obligation juridique, les sujets d’administration (c’est-à-dire ses
organes d’administration et d’autres sujets chargés d’exécution des tâches relatives à
l’administration publique) s’abstiennent d’agir, demeurent passibles de non-action à
différents niveaux de leur activité, c’est-à-dire dans la sphère extérieure se rapportant
directement à l’individu synonyme du sujet administré aussi bien que dans la sphère in-
térieure5. Vu que les effets de non-action dans la sphère intérieure ne se limitent pas à elle
1
A. Błaś [in :] J. Boć (réd.), Prawo administracyjne, Kolonia, Limited 2007, p. 15.
2
J. Supernat, Instrumenty działania administracji publicznej. Studium z nauki administracji, Kolonia,
Limited, 2003.
3
Demeurent marginaux les devoirs de l’administration publique dont la réalisation exige qu’on s’abs-
tienne d’agir. Dans ces cas, nous avons à faire à l’inaction fondée, voire même légitime.
4
Cf par ex. M. Stefaniuk, Działanie administracji publicznej w ujęciu nauk administracyjnych, Lublin
2009.
5
De même P. Dobosz, Milczenie i bezczynność w prawie administracyjnym, Cracovie 2011, p. 33-34. Il
vaut ajouter à ce propos que P. Dobosz outre l’inaction de l’administration en distingue aussi le mutisme en
admettant que « Dans la science de droit administratif, par son « orientation » et essentiellement, exceptions
mises à part, à l’inaction de l’administration publique on lie surtout des phénomènes péjoratifs, sanctionnés
par des normes de la loi administrative, tandis qu’à son mutisme les conséquences matérielles juridiques atten-
dues par les sujets de cette loi », ibid., p. 64 ; J. Jendrośka, « Bezczynność administracji publicznej », [in :] A.
Łopatka,A. Wróbel, S. Kiewlicz (réd.), Państwo prawa. Administracja. Sądownictwo, Varsovie 1999, p. 229.
158 Barbara Jaworska-Dębska

seule, mais peuvent également se manifester dans la sphère extérieure, il serait dépourvu
de fondement de limiter la notion de l’inaction administrative à cette dernière sphère
de l’activité de l’administration publique. Évidemment, le phénomène de non-action,
en dépit de l’obligation formelle en la question, et que l’on considère spécifiquement
pathologique, ne fait pas que se limiter à l’administration publique, mais on le voit se
rapporter à la jurisprudence et au législateur6. Cependant, sur ce point nos considérations
concernant l’inactivité du pouvoir vont se limiter aux seuls comportements de l’admi-
nistration publique.
Le phénomène de l’inaction de l’administration publique est inséparable du problème
des dommages éventuels qui s’en suivent et de la responsabilité au sens plus large de
l’acception qui en résulte pour l’administration. Aussi, chercher sur le plan normatif les
règlements relatifs à l’inaction de l’administration, revient-il, au fait, en grande mesure,
à chercher des normes concernant la responsabilité pour les dommages entraînés par
cette inaction.
Il faut noter que le problème de l’inaction de l’administration publique a dans une
certaine mesure été déjà traité dans la Constitution de la République de Pologne du
17 mars 1921 (Constitution de Mars)7, laquelle à l’article 121 prévoyait que tout ci-
toyen avait le droit d’être indemnisé des dommages que lui ont fait subir les organes
du pouvoir étatique, civil ou militaire, suite à leur activité non conforme à la loi ou
aux devoirs de leur fonction. En admettant l’acception large de l’activité qui comprend
outre le fait d’agir aussi celui de ne pas agir, c’est-à-dire son aspect actif et passif, il
est loisible d’avancer la thèse que les concepteurs de la constitution polonaise avaient
entrevu ce problème dès l’origine même de l’identité nationale récupérée. Cependant,
faute d’unification réglée par la loi des principes de la responsabilité du pouvoir public
pour les dommages que ce pouvoir a fait subir à l’individu, s’appliquant à l’administra-
tion publique sur l’ensemble du territoire du pays, on peut admettre que cette responsa-
bilité n’était pas le résultat de la conformité aux normes de la loi. Exceptionnellement
sur les terrains annexés par la Prusse lors de l’ancien partage s’appliquaient les actes
juridiques datant de la période du démembrement qui prévoyaient la responsabilité du
Reich envers ses fonctionnaires, de même que la responsabilité des fonctionnaires pour
les dommages qu’ils ont fait subir. Par contre, les systèmes juridiques sur les terres
d’autres partages ne prévoyaient pas du tout la responsabilité pour dédommagement de
l’activité des organes du pouvoir étatique. Dans ces circonstances, il est tout à fait com-
préhensible pourquoi dans la période de l’entre-deux-guerres le problème de l’inactivité
de l’administration, dans le contexte de la responsabilité de l’État pour les dommages
causés par l’administration, n’ait suscité en principe qu’un intérêt relativement faible
de la doctrine. Le problème a, par contre, attiré l’attention de B. Wasiutyński8 et de
J. S. Langrod9.

Cf. de plus près Cz. Martysz, « Bezczynność władzy w świetle Konstytucji », Kontrola Państwowa
6

2008/8, p. 7-9 ; B. Adamiak, « Bezczynność w sądownictwie administracyjnym », Kontrola Państwowa


2008/2.
7
J. O. Nº 44, texte 267.
8
B. Wasiutyński Milczenie władz administracyjnych, RPEiS, Poznań 1926.
9
J. S. Langrod, O tzw. milczeniu władzy. Studium prawno-administracyjne, Cracovie-Varsovie1939.
L’inaction de l’administration publique ... 159

À l’issue de la deuxième guerre mondiale, les bases du régime de l’État totalitaire


étaient absolument défavorables à la réglementation légale de la responsabilité de l’État
pour l’activité non conforme à la loi de ses fonctionnaires10, les temps non plus n’étant
pas propices à la constitutionnalisation de cette question11. Ce n’est que suite aux chan-
gements politiques libéralisant le régime stalinien que le 15 novembre 195612 avait été
réglementée par la loi la responsabilité de l’État pour les dommages résultant de l’exer-
cice de ses fonctions. Avec l’entrée en vigueur du Code civil13 cette loi a été abrogée
et le contenu en a été reporté à l’article 417-421 du Code civil. En ce qui concerne la
constitutionnalisation de la responsabilité de l’État pour l’inactivité de l’administration,
elle est devenue acte de loi seulement dans la Constitution de la République de Pologne
du 2 avril 199714, dont l’article 77 à l’alinéa 1 avait prévu le principe pour chacun d’être
indemnisé des dommages subis en raison de l’activité non conforme à la loi des organes
du pouvoir public. Dans la sentence du 4 décembre 200115, le Tribunal Constitutionnel
a redéfini en les précisant les notions faisant objet de doute, contenus dans ladite dis-
position légale, en admettant que dans l’acception constitutionnelle le pouvoir public
comprend aussi bien le pouvoir législatif que le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire,
tandis que la notion non définie de l’activité de l’organe du pouvoir public comprend
autant le comportement actif que le comportement passif de cet organe. En même temps,
le Tribunal Constitutionnel dans ladite sentence a porté un jugement critique sur la ré-
gulation faisant objet du Code civil de la responsabilité des organes du pouvoir public
pour les dommages résultant de l’exercice de leurs fonctions. S’en est suivie une nou-
velle régulation consignée à l’article 417-421 du Code civil16. Dans le cadre de mesures
contre l’inactivité, on y a prévu le droit d’exiger la réparation des dommages encourus
aussi bien du fait de ne pas avoir prononcé un arrêt ou une décision, que pour ne pas
avoir rendu public un acte normatif quand l’obligation en était prévue par la disposition
légale.
La situation juridique en question se rapporte sans doute à l’extension de l’intérêt
que la doctrine porte au phénomène de l’inactivité de l’administration, ce qui veut dire
qu’après la période d’un intérêt relativement faible de la doctrine pour cette problémati-

10
W. Czachórski, Problem unifikacji przepisów o odpowiedzialności państwa i związków publicz-
noprawnych za szkody wyrządzone bezprawnie przez funkcjonariuszów publicznych, „Państwo i Prawo”
1946/4. En vertu de la loi du 18 juillet 1950 – portant sur les règlements mettant en place les règlements
généraux du droit civil (J. O. N° 34, texte 312), on a abrogé les actes de loi réglant la responsabilité des
sujets du droit civil de mise sur les terrains annexés par la Prusse faisant partie de l’ancien démembrement
et sur les Terres Reconquises.
11
Loi constitutionnelle du 19 février 1947 sur l’organisation et les compétences des Organes suprêmes
de la République de Pologne (J. O. N° 18, texte 71 avec les modifications ultérieures) n’a pas maintenu en
vigueur l’art. 121 de la Constitution de Mars. Tandis que la Constitution de la République Populaire de Po-
logne du 22 juillet 1952 r. (J. O. N° 33,texte 232) ne contenait pas de règlements en matière de responsabilité
légale de l’État pour les dommages causés par ses fonctionnaires.
12
J. O. N° 54, texte 243.
13
Loi du 23 avril 1964, J. O. N° 16, texte 93 avec les modifications ultérieures.
14
J. O. N° 78, texte 483 avec les modifications ultérieures.
15
SK 18/00, OTK ZU 2001/8, texte 256.
16
La loi du 17 juin 2004 sur la modification de la loi – Code civil, et sur d’autres lois, J. O. N° 162,
texte 1692.
160 Barbara Jaworska-Dębska

que17, cette orientation de recherche prend de toute évidence de plus en plus d’ampleur.
Or il est hors doute que toutes les activités de l’administration publique visant les devoirs
publics, non seulement par fonctionnement mais aussi par défaut d’agir, méritent l’atten-
tion et l’intérêt tout particuliers de la science.
Dans la doctrine contemporaine, nul ne questionne le principe en vertu duquel l’ad-
ministration publique est astreinte à la loi18. Cela signifie que tous les actes des organes
de l’administration publique doivent se conformer à la loi. En d’autres termes, les actes
doivent être fondés sur la loi, entrepris par des sujets désignés par la loi, en formes dé-
terminées par la loi, en conformité aux procédures déterminées par la loi, enfin -ce qui
en est essentiel- ils doivent être entrepris pour réaliser les devoirs publics. Le fait que
l’administration publique est astreinte à la loi prend une importance particulière dans
la sphère extérieure oů le destinataire de ses actes (un individu ou la société) demeure
hors sa structure. Ce rapport d’affiliation juridique constitue pour l’administration tel un
corset qui restreint l’activité dans le cadre prévu par la loi, tout en constituant pour un
sujet dans ses rapports avec l’administration une certaine garantie de son intégrité face
à la loi.
Il en résulte que les actes entrepris par les organes de l’administration publique,
comme par d’autres sujets d’administration, dans le but de réaliser les devoirs publics,
constituent une catégorie de la loi. Ils constituent les devoirs juridiques de l’adminis-
tration. Ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des droits dans le sens de la
possibilité d’agir ou bien de s’en abstenir19.
Cependant, la pratique du fonctionnement de l’administration publique prouve qu’en
dépit de la loi en vigueur l’obligeant à agir pour réaliser les devoirs publics, les actes qui
en découleraient ne sont par rédigés parfois.
La rédaction des actes normatifs et la décision par la voie des actes administratifs
continuent à être les formes les plus fréquentes de la réalisation des devoirs publics.
Aussi allons-nous envisager le phénomène de l’inaction de l’administration du point de
vue de ces deux formes d’activité fondamentales.
L’inaction de l’administration rédigeant des actes normatifs peut prendre deux for-
mes : l’inactivité au sens propre et l’inactivité relative (quand l’acte n’épuise pas entiè-
rement le droit)
L’inaction au sens propre, c’est autrement dit l’omission législative qui survient lors-
que -en dépit de l’obligation légale- une autorité qui en est responsable n’a pas mis en

17
Dans cette période s’intéressaient à cette problématique, entre autres : E. Łętowska, J. Łętowski,
Odpowiedzialność cywilnoprawna za bezczynność organów administracyjnych, „Nowe Prawo” 1970/10 ; J.
Jendrośka, Kompetencje proceduralno prawne a bezczynność organów administracyjnych, „Państwo i Pra-
wo” 1979/5; E. Łętowska, « Odpowiedzialność odszkodowawcza a tzw. „milczenie administracji », [in :] A.
Rembieliński (réd.), Studia z prawa cywilnego. Księga pamiątkowa dla uczczenia 50-lecia pracy naukowej
prof. dr. hab. Adama Szpunara, Warszawa-Łódź 1983.
18
J. Lang [in :] M. Wierzbowski, Z. Cieślak, J. Jagielski, J. Lang, M. Szubiakowski, A. Wiktorowska,
Prawo administracyjne, Warszawa 2006, p. 18-21 ; A. Błaś [in:] J. Boć (réd.), Prawo … , p. 34-35; M. Stahl
[in ] Z. Duniewska, B. Jaworska-Dębska, R. Michalska-Badziak, E. Olejniczak-Szałowska, M. Stahl, Prawo
administracyjne. Pojęcia, instytucje, zasady w teorii i orzecznictwie, Varsovie 2009, p. 17 ; E. Ura, E. Ura,
Prawo administracyjne, Varsovie 2009, p. 25.
19
Dans la doctrine ce problème est relevé par A. Błaś [in :] A. Błaś, J. Boć, J. Jeżewski, Administracja
publiczna, Kolonia Limited, 2002, p. 38.
L’inaction de l’administration publique ... 161

train la décision relative à un acte déterminé. À ce propos, une question se pose, à savoir
quand est-ce qu’on a à faire à l’obligation légale de prendre une décision visant un acte
normatif déterminé.
À première vue, il semblerait facile de trancher ce problème en se référant à la dis-
tinction bien connue que fait la doctrine des pouvoirs légaux prenant compte de l’exis-
tence des droits obligatoires et des droits facultatifs. Il n’en est pourtant pas ainsi. Il est
vrai que cette distinction permet d’indiquer des situations dans lesquelles il existe en ter-
mes explicites un ordre statutaire de rendre un acte normatif déterminé. Le problème est
pourtant de déterminer le délai dans lequel on peut considérer ce mandat comme étant à
la charge. Car rares sont les pouvoirs légaux qui indiquent le délai dans lequel devraient
être prises les dispositions légales basées là-dessus. À titre d’exemple, les pouvoirs lé-
gaux des collectivités locales imposent aux autorités constitutives de ces collectivités à
tous les niveaux l’obligation de déterminer, en vertu des lois locales, les principes et le
mode de consultation des habitants de l’unité de la collectivité territoriale donnée ( art.
5a alinéa 2 de la loi sur la collectivité territoriale des communes20, art. 3d alinéa 2 de la
loi sur la collectivité territoriale des powiats21, art. 10a alinéa 2 de la loi sur la collectivité
territoriale des voďvodies22). Les pouvoirs légaux ont dans ce cas le caractère obliga-
toire. Cependant, dans la pratique l’étendue du non-accomplissement de cette obligation
est importante. La question se pose néanmoins de savoir si -faute d’avoir indiqué le délai
légal dans lequel cette obligation devrait être réalisée- on peut considérer cet état comme
illégal. On peut avoir de sérieuses difficultés à vouloir légitimer cette thèse.
La séparation de la catégorie des droits facultatifs ne décharge pas non plus du devoir
d’analyser les situations oů ces droits sont appliqués. Car dans la doctrine est à juste titre
évoquée la nécessité existant en fait d’oů découle le droit de formuler un acte législatif
local déterminé (bien que ce soit un droit facultatif), quand cet acte est indispensable
au fonctionnement de l’unité de la collectivité territoriale donnée23. Il semble possible
d’attribuer une sphère plus étendue à la nécessité de fait (au contraire de la nécessité
formelle), quoiqu’ effectuée par rapport à la loi de la collectivité territoriale de lieu. Car
dans notre système juridique existent également les pouvoirs d’autres organes de l’ad-
ministration autorisés à évaluer la nécessité de formuler des actes normatifs relatifs à ces
pouvoirs. À titre d’exemple, sur la base de l’art. 88 alinéa 1 de la loi du 18 juillet 2001
Droit des eaux24 : « En cas d’imposition de l’état de désastre naturel, afin de prévenir
les conséquences de l’inondation ou de la sécheresse, le directeur de l’Office des eaux
20
La loi du 8 mars 1990 sur la collectivité territoriale des communes , J. O. de 2001, N° 142, texte 1591
avec les modifications ultérieures.
21
La loi du 5 juin 1997 sur la collectivité territoriale des powiats, J .O. de 2001, n° 142, texte 1592 avec
les modifications ultérieures.
22
La loi du 5 juin 1997 sur la collectivité territoriale des voïvodies, J. O. de 2001, N° 142, texte 1590
avec les modifications ultérieures.
23
A. Szewc, T. Szewc, Uchwałodawcza działalność organów samorządu terytorialnego, Varsovie
1999, p. 26. La question attire aussi l’attention d’autres auteurs Cf. D. Dąbek, Prawo miejscowe samorządu
terytorialnego, Bydgoszcz–Kraków 2003, p. 112-113 ; M. Stahl, « Zaniechania prawodawcze jednostek
samorządu terytorialnego. Zagadnienia wybrane », Administracja – Teoria – Dydaktyka – Praktyka 2006/1,
p. 5-6 ; R. Lewicka, Kontrola prawotwórstwa administracji o charakterze powszechnie obowiązującym,
Varsovie 2008, p. 77.
24
J. O. de 2005 N° 239, texte 2019 avec les modifications ultérieures.
162 Barbara Jaworska-Dębska

régionales peut imposer, par voie réglementaire, des limites provisoires de la consom-
mation des eaux, en particulier en matière de la consommation d’eau ou de l’évacuation
des eaux d’écoulement dans l’eau ou dans le sol, et apporter des modifications dans le
plan d’exploitation des réservoirs ». Ladite disposition légale autorise facultativement
l’autorité locale, dont le directeur de l’Office des eux régionales, à mettre en place des
restrictions temporaires dans la consommation des eaux et des modifications dans le
plan d’exploitation des réservoirs. Il faut tout de même retenir que le caractère facultatif
de cette disposition ne signifie pas que l’autorité administrative visée par elle est libre
d’introduire les restrictions temporaires de consommation des eaux soit d’y renoncer, de
faire des modifications dans le plan d’exploitation des réservoirs soit de ne pas en faire,
en cas des circonstances particulières dont l’état de désastre naturel, si de telles mesures
seraient à même de prévenir les conséquences de l’inondation ou de la sécheresse. Il
faut reconnaître que le caractère facultatif du pouvoir légal signifie dans ce cas que le
législateur n’autorise l’organe d’administration compétent à rien de plus qu’à estimer
dans quelle situation il sera nécessaire de recourir à des solutions légales indispensables
pour atteindre le but public qui est de prévenir les conséquences de l’inondation ou de
la sécheresse. En ce cas, le caractère facultatif du pouvoir légal s’exprimera aussi dans
le droit de réglementer avec précision, en vue de prévenir les conséquences de l’inon-
dation ou de la sécheresse, les restrictions et les modifications introduites. On peut donc
conclure que la situation qui vient d’être décrite relève de la nécessité de fait.
Nous avons donc à faire à l’inaction de l’administration en matière de rédaction des
actes normatifs quand le pouvoir légal impose à l’autorité de l’administration publique
l’obligation de formuler un tel acte normatif qui reconnaît l’existence de circonstances
légitimant cette décision (lui laissant la liberté de décision seulement en ce qui concerne
les normes détaillées), alors que cette autorité administrative publique s’abstient parce
qu’elle considère par défaut que dans les circonstances indiquées par la loi le législateur
lui a laissé la liberté de choisir entre prendre cette initiative ou ne pas le faire. L’inaction
de l’administration à rédiger des actes normatifs au cas oů elle jouit du pouvoir légal de
cette nature est manifestée aussi dans la situation oů l’autorité administrative n’émet pas
d’acte, estimant que les circonstances nécessaires ne sont pas réunies.
Un autre cas de l’inaction de l’administration par rapport à la formulation des actes
normatifs par des organes de la collectivité territoriale est à relever dans le cas oů l’organe
de cette collectivité locale ne revient pas sur un arrêt ou une disposition lorsque le vöivode,
la chambre des comptes régionale ou le tribunal administratif les ont reconnus nuls.
Comme je viens de l’indiquer, l’inaction de l’administration ne se limite pas à la
sphère de formulation des actes normatifs. On la voit également dans l’exercice de la
loi dans l’administration, l’inaction de celle-ci pouvant s’exprimer par le défaut d’agir
en matière d’actes administratifs émis (décision administrative, disposition tranchant le
cas sur le fond), quand c’est son devoir de l’exécution prévu par la disposition légale ;
ou encore dans le défaut d’agir dans un délai prévu par la loi25. La durée excessive de

25
J. S. Langrod, O tzw. milczeniu władzy … ; R. Hauser, « Terminy załatwiania spraw w k.p.a.
w doktrynie i orzecznictwie sądowym », Ruch Prawniczy, Ekonomiczny i Socjologiczny, 1997/1 ; A. Rot-
kiewicz, D. Całkiewicz, « Milczenie organu w postępowaniu administracyjnym », [in :] Z. Niewiadomski,
Z. Cieślak (réd.), Prawo do dobrej administracji, Varsovie 2003.
L’inaction de l’administration publique ... 163

la procédure peut passer pour une forme d’inaction qui – de même que « l’inaction au
sens propre » – peut être source de préjudice pour un individu26. Car, comme le soulève
avec raison la doctrine, la durée excessive de la procédure dans l’administration retarde
le moment de la réalisation des droits qui sont l’objet du mandat, voire même en rend
impossible la réalisation. Cela arrive dans la situation oů la décision (l’arrêté intérimaire
tranchant l’affaire sur le fond) qui pouvait avoir à un moment une réelle valeur sociale
ou individuelle, n’a plus cours pour ne pas avoir été exécutée à temps. Car, avec l’écou-
lement du temps, la procédure, même essentiellement bien menée, perd de sa valeur27.
L’inaction de l’administration peut être déterminée par différentes circonstances dont
le manque de professionnalisme, les mauvaises habitudes, des raisons d’ordre politi-
que. Dans la littérature concernant ce sujet, l’inaction de l’administration en matière
de décisions administratives est présentée comme une conséquence plausible de la dé-
légation de compétences des autorités respectives dans le cadre de la structure interne
de l’administration, lorsque pour cette raison la demande d’examiner une affaire et par
conséquent la décision rendue seront adressées à une autorité incompétente28. Dans une
telle situation l’administration est obligée de transmettre la demande de la partie à une
autorité compétente. Le non accomplissement de ce devoir donne lieu à l’inaction de
l’administration censée rendre ses décisions.
À ce propos, il faut la peine de souligner qu’il ne vaut pas identifier l’inaction de l’ad-
ministration en matière de prise des décisions avec chaque cas de l’omission de l’autorité
administrative dans la procédure administrative. Car dans le Code de droit administratif
sont prévues dans des cas déterminés la possibilité et l’obligation des omissions dans la
procédure. Un tel cas est visé à l’art. 64 Cpa. qui prévoit deux institutions habilitées à
ne pas prendre la requête en considération. La première situation d’omission a lieu lors-
que dans la requête n’a pas été indiquée l’adresse du demandeur et l’autorité n’a pas de
possibilité d’identifier cette adresse à partir des données dont elle dispose. L’autre cas se
rapporte à la situation oů les défauts formels de la requête en rendent impossible la consi-
dération. À ce moment-là, l’autorité compétente est censée convoquer le demandeur à
fournir les informations faisant défaut dans le délai de sept jours, en l’avertissant qu’au
cas oů les informations manquantes n’auront pas été livrées, son application ne sera pas
considérée. La littérature concernant ce sujet démontre encore d’autres cas d’omission
de l’administration publique en matière de procédure juridictionnelle administrative qui
ne peuvent être qualifiés comme faisant infraction à la loi : que ce soit par renonciation
à des motifs de la décision entièrement favorable à la requête d’une partie, à l’exclusion
des décisions pour résoudre des intérêts contestés et des décisions sur le recours, ou en-
core sur la base de l’art. 107 § 5 du Cpa. conformément auquel « L’Autorité peut renon-
cer à des motifs de la décision aussi dans les cas dont s’ensuivrait, compte tenu des lois
existantes, la possibilité d’omettre ou de réduire les motifs en vue de l’intérêt de sécurité
nationale ou de l’ordre public »29 .
26
P. M. Głąba, « Prawo jednostki do rozpoznania sprawy administracyjnej bez nieuzasadnionej zwłoki »,
Administracja – Teoria – Dydaktyka – Praktyka, 2011/1, p. 49.
27
B. Adamiak [in :] B. Adamiak, J. Borkowski, Kodeks postępowania administracyjnego. Komentarz,
édition 7e, Varsovie 2005, p. 90.
28
A. Rotkiewicz, D. Całkiewicz, Milczenie organu …., p. 524.
29
P. Dobosz, Milczenie i bezczynność …, p 289.
164 Barbara Jaworska-Dębska

En conclusion de ce qui précède, le défaut de rendre une décision peut résulter de deux
états de fait différents : soit il peut être conséquence de l’inaction sensu stricto – pour
ne pas agir, ne point entreprendre de démarches quelconques qui mèneraient à donner
la décision dans la situation de l’obligation légale d’agir, soit il peut être inaction sensu
largo résultant de l’infraction au principe du procédé de vitesse procédurière30 . Cette
dernière situation est évidemment plus difficile à qualifier comme inaction. Peuvent faire
obstacle à décider de l’inaction de l’administration les actes de procédure effectués à de
longs intervalles aucunement motivés, ou bien consistant à faire semblant de prendre
des mesures. Dans la situation oů l’autorité mène tout de même la procédure, mais ne la
termine pas par la décision dans le délai prévu par les dispositions légales, nous avons à
faire à l’inaction qui peut présenter des difficultés à se qualifier ainsi.
Le principe de vitesse procédurale contenu dans la Constitution de la République
de Pologne ramène à l’art. 45 oů est déterminé le droit de chacun à faire entendre sa
cause équitablement et publiquement sans retard excessif (souligné par BJ-D) par un
tribunal compétent, indépendant et impartial. On admet que ce principe se rapporte non
seulement au tribunal administratif, mais aussi à la procédure des organes de l’adminis-
tration publique. Le droit d’un individu à faire examiner sa cause sans retard excessif
dans un délai rapide et raisonnable s’ensuit également de l’art. 6 § 1 de la Convention
Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales31, de
même que de l’art. 17 du Code Européen de Bonne Conduite Administrative32. En plus,
le principe de régler la cause dans les meilleurs délais constituant un principe de procé-
dure d’importance fondamentale -surtout du point de vue de la sauvegarde du droit d’un
particulier de voir sa requête considérée sans retard excessif- est défini aussi dans les
règles de procédure contenues avant tout dans le code de la procédure administrative33 et
dans le code général des impôts34.
À ce propos, il faut souligner que dans notre système juridique depuis longtemps,
car dès la disposition du Président de la République de Pologne du 22 mars 1928 sur la
procédure administrative35, ont été introduites différentes institutions de procédure qui
avaient pour but de faire obstacle à l’inaction de l’administration dans la procédure ad-
ministrative. Parmi ces institutions, il faut mentionner : la dévolution des compétences,
la construction de la fiction de décision négative, la construction de la fiction de déci-
sion positive soit l’institution de signalisation36. Dans sa monographie contemporaine
sur le silence et l’inaction dans le droit administratif, P. Dobosz37 a fait une analyse du
30
L. Klat-Wertelecka, « Bezczynność organu administracji publicznej postępowaniu administracyjnym
w dobie europeizacji prawa », [in :] Z. Janku, Z. Leoński, M. Szewczyk, M. Waligórski, K. Wojtczak (réd.),
Europeizacja polskiego prawa administracyjnego, Kolonia Limited, 2005, p. 489.
31
La convention du 13 novembre 1950, J. O. de 1993, N° 61, texte 284 avec les modifications ultérieu-
res.
32
L’adopté par le Parlement Européen le 6 septembre 2001.
33
L’art. 12 de la loi du 14 juin 1960, J. O. de 2000, N° 98, texte 1071 avec les modifications ultérieu-
res.
34
L’art. 125 de la loi du 29 août 1997, J. O. de 2005. N° 8, texte 60 avec les modifications ultérieures.
35
J. O. de la République de Pologne, N° 36, texte 341 avec les modifications ultérieures.
36
Cf. G. Łaszczyca, « Milczenie organu w świetle kodeksu postępowania administracyjnego », Państwo
i Prawo, 1999/1, p. 52-54.
37
P. Dobosz, Milczenie i bezczynność …, p. 290-293.
L’inaction de l’administration publique ... 165

degré d’utilité de ces institutions. Actuellement la fonction spécifique de garantie pour le


principe du procédé de vitesse ressort aux règlements déterminant les délais maximaux
à respecter par les autorités chargées de la procédure administrative et de la procédure
d’impôt. Il s’ensuit que la décision non rendue dans ces délais autorise la partie à recou-
rir aux mesures telles que le droit de déposer une plainte à l’autorité du degré supérieur
pour le non-accomplissement de l’affaire dans le délai prévu (sinon, à défaut d’une telle
autorité, le droit d’appel pour l’infraction à la loi prévu par l’ art. 37 § 1 du Cpa 38 ou le
droit de rappel dont traite l’art. 141 § 1 du Code général des impôts39). Non limité par les
délais, le droit de recourir à ces mesures doit en plus protéger un individu contre l’inac-
tivité de l’administration.
En revanche, peut être portée plainte au tribunal administratif pour l’inaction ou la
durée excessive de procédure en matière de la décision administrative, des arrêtés inté-
rimaires susceptibles de réclamation, des arrêtés intérimaires à caractère final, des ar-
rêtés intérimaires qui tranchent l’affaire au fond, des arrêtés intérimaires rendus dans
la procédure d’exécution et de protection susceptibles de réclamation, de même que
pour des actes ou mesures autres que ceux-ci en matière de l’administration publique
relatifs aux droits et obligations résultant des dispositions légales40. Ainsi donc la plainte
portant sur l’inaction de l’organe administratif a-t-elle pour but de mettre en marche
la procédure judiciaire administrative en vue de constater l’inaction de l’autorité et de
l’obliger à engager la procédure juridictionnelle. Par contre, dans le cas de la plainte
portant sur la durée excessive de procédure juridictionnelle, la démarche juridictionnelle
administrative a pour fin d’en faire état à l’autorité chargée de procédure juridictionnelle
et de l’obliger à respecter les délais de procédure prévus par la loi de la prise des arrêtés
tranchant l’affaire au fond. Évidemment, il faut tenir présent à l’esprit que le tribunal ad-
ministratif, une fois la plainte considérée, ne peut pas suppléer à l’autorité administrative
chargée de procédure juridictionnelle et rendre l’acte administratif qui n’a pas été rendu
à cause de l’inactivité ou bien de la durée excessive de procédure. Le tribunal adminis-
tratif n’ayant que des compétences de cassation, il est bien clair que la plainte portée
devant lui pour l’inaction ou la durée excessive de procédure administrative ne peut être
efficace que si ont été exploitées toutes les mesures de réclamation dont le plaignant
se serait servi au cours de la procédure engagée auprès une autorité compétente en la
matière.
Les lois de collectivité locale nationales (art. 101a de la l.c.c., art. 88 de la l.c.p., 91
de la l.c.v.) prévoient, quant à elles, la possibilité légale de porter au tribunal une plainte
contre l’inaction des autorités de collectivités locales ne procédant pas aux actes ordon-
nés par la loi. Dans la doctrine prédomine l’opinion que c’est l’inaction législative des

38
Il s’agit du règlement dans les termes lui conférés par la loi du 3 décembre 2010 sur la modification
de la loi – Le Code de procédure administrative, et de la loi – Le droit de procédure devant les tribunaux
administratifs, J. O. de 2011, N° 6, texte 18.
39
Loc. cit.
40
À la base de l’art. 3 § 2 alinéa 8 de la loi du 30 août 2002. La loi sur la procédure devant les tribunaux
administratifs, J. O. N° 153, texte 1270 avec les modifications ultérieures dans les termes lui conférés par la
loi du 3 décembre 2010 sur la modification de la loi – Le Code de procédure administrative et les lois – La
loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs, J. O. de 2011, N° 6, texte 18.
166 Barbara Jaworska-Dębska

autorités de collectivité locale41 en matière de dispositions légales qui est l’objet de la


plainte.
Tout en soulignant le fait que l’attention du législateur réglant le problème d’inaction
se concentre sur le problème d’inaction de l’administration en matière des actes nor-
matifs et des décisions administratives, il convient également de mettre en relief qu’on
peut avoir à faire à l’inaction de l’administration aussi dans d’autres situations, quand
elle n’effectue pas d’actes matériels techniques exigibles, par exemple l’exécution de la
résolution sur le budget ou bien des actes censés être entrepris dans le cadre de l’exercice
administratif. À ce propos, il faut signaler que l’art. 54 de la loi sur la procédure d’exé-
cution dans l’administration42 prévoit la plainte contre la durée excessive de la procédure
d’exécution. Le droit de porter cette plainte ressort avant tout à l’obligé, mais aussi au
créancier, sous réserve, bien entendu, qu’il n’ait pas en même temps de statut d’autorité
d’exécution. La doctrine relève qu’en outre sont légitimés de porter plainte contre la
durée excessive de procédure d’exécution le sujet dont l’intérêt de droit ou de fait a été
transgressé suite au non accomplissement du devoir, et l’autorité intéressée à accomplir
le devoir43. Comme dans les cas de plainte ou de rappel, prévus dans le Cpa et dans le
Code général des impôts, lesdits actes juridiques ne déterminant pas de délais limités
pour recourir à ces mesures, de même n’a pas été indiqué expressis verbis en termes de
loi le délai pour porter cette plainte pour la durée excessive de la procédure d’exécution.
Vu la spécificité dudit objet de plainte, on admet dans la doctrine que la plainte est ad-
missible à tout moment, tant que la procédure est en cours44.
Notre système juridique comprend aussi une base juridique pour loger une plainte
contre la durée excessive de la procédure juridictionnelle administrative, selon la loi du
17 juin 2004 45, mais c’est une problématique dépassant le cadre désigné par le titre de
cet article.
Face aux différents problèmes liés à l’activité de l’administration publique ayant
pour but de satisfaire les besoins publics relatifs à l’activité pratique de l’administra-
tion, soient-ils de nature financière, d’organisation, ou émanant du conflit de différentes
hiérarchies de valeur, le problème d’inaction de l’administration peut sembler relative-
41
 T. Woś, Postępowanie sądowoadministracyjne, Varsovie 1996, p. 71 ; M. Rzążewska, Zaskarżanie
uchwał samorządu terytorialnego do Naczelnego Sądu Administracyjnego, Varsovie-Zielona Góra, 1997,
p. 70 ; A. Kisielewicz, Samodzielność gminy w orzecznictwie Naczelnego Sądu Administracyjnego, Varsovie
2002, p. 134 ; D. Dąbek, Prawo miejscowe …, p. 343.
42
La Loi du 17 juin 1966, texte unique, J. O. 2005, N° 229, texte 1954, avec les modifications ultérieu-
res.
43
M. Romańska, Skarga na czynności organu egzekucyjnego lub egzekutora oraz na przewlekłość ad-
ministracyjnego postępowania egzekucyjnego J. Niczyporuk, S. Fundowicz, J. Radwanowicz (réd.), System
egzekucji administracyjnej, Varsovie 2004, p. 540.
44
W. Chróścielewski [in :] W. Chróścielewski, J. P. Tarno, Postępowanie administracyjne. Zagadnienia
podstawowe, Varsovie 2002, p. 286 ; M. Romańska, Skarga na czynności…, p. 540.
45
La loi du 17 juin 2004 sur la plainte pour violation du droit de la partie à arbitrer la cause dans la
procédure préparatoire dirigée ou supervisée par le procureur et dans la procédure judiciaire sans retard ex-
cessif non justifié, J. O. N° 179, texte 1843 avec les modifications ultérieures. Après modification par la loi
du 20 février 2009 sur la modification de la loi sur la plainte pour violation du droit de la partie à arbitrer la
cause dans la procédure judiciaire sans retard excessif non justifié, J. O. U. N° 61, texte 498, intitulée : la loi
sur la plainte pour violation du droit de la partie à arbitrer la cause dans la procédure préparatoire menée ou
supervisée par le procureur et dans la procédure juridique sans retard excessif ou justifié.
L’inaction de l’administration publique ... 167

ment marginal. Ce n’est pas vrai, pourtant. Il est d’une importance capitale dans l’éva-
luation sociale de l’administration publique. Aussi, non sans raison l’inaction peut-elle
être considérée comme une expression d’arrogance envers les citoyens. La régulation
juridique de ce phénomène démontre que le législateur ne banalise pas l’inaction de
l’administration, mais cherche à résoudre ce problème sur le plan normatif.
Helena K isilo wska , D ominik Sypniewski

Les limites de la surveillance administrative


dans le droit administratif matériel

1. Remarques préliminaires

Dans l’État de droit démocratique, l’individu devient le point de repère des relations
administratives1. Dans cette configuration, le statut de l’individu est déterminé avant tout
par le droit administratif matériel. Si nous convenons que l’administration publique agit
sur la base des lois et dans les limites déterminées par elles2, la question des limites qu’il
faut déterminer à la loi intervenant dans les libertés des individus et des autres sujets du
droit – est posée à juste titre. Il est également envisageable de rapporter cette même ques-
tion à l’étendue de la surveillance existant dans le droit administratif matériel, lui-même
lié à l’utilisation de la fonction de type policier et, comme l’a remarqué à juste titre Z.
Leoński, « orienté habituellement vers le citoyen ou vers d’autres agents indépendants
des organes de l’administration3 ». Dans une telle conception de la surveillance, l’agent
surveillant dispose des compétences de contrôle, ainsi que de la possibilité d’exercer une
influence obligatoire sur les sujets surveillés4.
En élaborant des solutions juridiques, il faut prendre en compte que l’objectif d’une
norme juridique doit consister dans le maintien de l’équilibre entre « l’objectivité et la
subjectivité, entre la contrainte générale et la liberté morale individuelle, entre l’intérêt
1
Plus largement à ce sujet : T. Chauvin, « Prawa stają się prawem : demokratyczne procedury w służbie
wartości », [in :] Prawa stają się prawem. Status jednostki, a tendencje rozwojowe prawa, sous la réd. de M.
Wyrzykowski, Liber, Varsovie 2006, p. 177-205 ; I. Shapiro, Stan teorii demokracji, Editions Scientifiques
PWN, Varsovie 2006, page 4 et suiv., ainsi que Z. Leoński, Materialne prawo administracyjne, C.H. Beck,
Varsovie 2001, p. 2-3.
2
J. Zimmermann, Prawo administracyjne, Wolters Kluwer, Varsovie 2010, p. 31.
3
 Z. Leoński, Zarys prawa administracyjnego, Éditions Juridiques PWN, Varsovie 2006, p. 197 ; nous
pouvons rencontrer une pareille approche dans la littérature allemande, voir R. Gröschner, Das Überwa-
chungsrechtsverhältnis. Wirtschaftsüberwachung in gewerbepolizeilicher Tradition und wirtschaftsverwal-
tungsrechtlichem Wandel, Tübingen 1992, p. 46 et suiv. ; E. Forsthoff, Lehrbuch des Verwaltungsrecht,
Erster Band, Allgemainer Teil, Monachium 1973, p. 190 ; ainsi que M. Szewczyk, Nadzór w materialnym
prawie administracyjnym, Éditions de l’Université Adam Mickiewicz, Poznań 1996, page 28 et la littérature
indiquée à la référence 12.
4
E. Ura, E. Ura, Prawo administracyjne, LexisNexis, Varsovie, 2008, p. 40; M. Wierzbowski (rédac-
teur), Prawo administracyjne, Éditions Juridiques PWN, Varsovie, 2003, p. 99; l’auteur souligne que les dis-
positions légales n’utilisent pas toujours la terminologie correcte, par ex. elles déterminent les compétences
de contrôle comme surveillance.
170 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

public et le droit de l’individu »5. La fonction de la surveillance doit être strictement


déterminée par les limites de la loi en ce qui concerne l’étendue de la relation subjective
de surveillance, de même que par rapport aux éléments objectifs concernant une activité
soumise à la surveillance. Les régulations juridiques adoptées doivent servir à préve-
nir des risques déterminés qui menacent le bien commun6, ce qui peut être défini aussi
comme la protection des justes droits individuels.
Dans l’État de droit démocratique l’administration publique doit, d’un côté, servir
les citoyens en défendant le juste intérêt individuel et garantir la liberté dans les limites
du droit en vigueur. D’autre part en représentant l’intérêt public, elle doit l’identifier et
le réaliser.

2. La surveillance
dans le droit administratif matériel

Dans la doctrine administrative contemporaine, on peut rencontrer différentes concep-


tions de la surveillance dans ce droit. Selon une partie des auteurs, la surveillance est
une catégorie systémique déterminant les relations entre les organes de l’administration,
alors que d’autres auteurs rapportent la surveillance à tout le droit administratif matériel.
Selon W. Dawidowicz, adepte de la première thèse, la surveillance est une catégorie
systémique réservée pour déterminer les relations entre l’organe supérieur dans l’orga-
nisation et celui qui lui est subordonné7. L’adoption d’une telle position signifierait alors
qu’il faut « exclure de se servir de la notion de « surveillance » dans la sphère extérieure
à l’action de l’administration publique, qui est normalisée par le droit administratif »8.
Le défaut de ce point de vue est un dogmatisme poussé à outrance et un détachement
d’avec le droit « vivant » qui se sert de la notion de « surveillance » dans un sens beau-
coup plus large. Z. Leoński analyse autrement la notion de la surveillance. Il différencie
la surveillance entendue comme « un système de dépendances entre les organes exerçant
les fonctions de l’administration publique » et, par exemple, la surveillance exercée par
l’administration gouvernementale sur les collectivités locales ou bien sur l’autogestion
professionnelle, ainsi que la surveillance existante dans le droit administratif matériel
qui est l’objet du présent article.
Selon J. Szreniawski, il faut percevoir la surveillance comme la possibilité d’agir
en intervenant de manière impérative dans l’activité de l’unité surveillée, ce qui signi-
fie également l’acceptation d’un certain degré de partage de responsabilités pour cette

5
J.S. Langrod, Polskie prawo o stowarzyszeniach. Uwagi krytyczne, Dom Książki Polskiej S.A., Cra-
covie 1934, page 2.
6
R. Stankiewicz, « Nadzór administracyjnoprawny jako forma relacji określających oddziaływanie
państwa na procesy koncentracji przedsiębiorców » [in :] Studia Iuridica, XLV/2006.
7
W. Dawidowicz, Polskie prawo administracyjne, Varsovie 1980, p. 263.
8
Ibid., page 263, Voir également p. 348-349, en analysant les compétences des organes d’État de la
surveillance des travaux sur le chantier de construction W. Dawidowicz arrive à la conclusion qu’étant
donné que « la surveillance (des travaux sur le chantier de construction) ne signifie (…) rien d’autre que les
compétences de contrôle et les compétences à délivrer des décisions », alors « il n’y a aucun motif valable
pour exprimer cette signification à l’aide du terme surveillance ».
Les limites de la surveillance administrative ... 171

tâche9. En ce sens, la surveillance n’est pas une catégorie uniforme et peut être subdi-
visée en surveillance hiérarchique, générale et spécialisée. Un exemple de surveillance
hiérarchique est la surveillance de l’État sur l’activité des unités organisationnelles des
associations, prévue par la loi sur le « Droit des associations ». La surveillance générale
est exercée dans le cadre des relations de supériorité et de subordination entre les unités
ayant des compétences propres et elle a pour but de garantir la conformité de l’action des
unités subordonnées à la politique de l’État. La surveillance spécialisée, dont l’exemple
est la surveillance des travaux sur le chantier de construction, détermine les relations
entre les organes administratifs et les unités réalisant une activité donnée, soumise à la
régulation juridique. En ce sens, la surveillance spécialisée est « un outil d’action des
organes exerçant ce qu’on appelle la police administrative, c’est-à-dire des actes impé-
rieux ayant comme but de garantir l’accomplissement des dispositions du droit adminis-
tratif »10.
Une présentation un peu différente de la question de surveillance est proposée par J.
Boć qui, en analysant la notion de surveillance, prend en compte avant tout les possi-
bilités d’influencer pour modifier, et non le système de relations entre le surveillé et le
surveillant. En conséquence, cet auteur divise la notion de surveillance en différentes
catégories :
– surveillance de l’administration gouvernementale qu’il définit comme surveillance
au sens étroit ;
– surveillance de l’activité des unités des collectivités locales ;
– surveillance policière, qui est indépendante des catégories des agents surveillés et
repose sur la base du critère objectif, soit des biens et valeurs protégés11.
Les différentes façons de comprendre la notion de « surveillance » sont liées au fait
que le législateur l’utilise pour désigner différentes dépendances dans les relations ad-
ministratives et juridiques. Les dépendances dans le cadre de la surveillance existent
entre :
– les agents fonctionnant dans le cadre de l’administration centralisée (surveillance
directive),
– les agents fonctionnant dans le cadre de l’administration décentralisée (surveillance
vérificative),
– les agents entre lesquels ces dépendances résultent des dispositions du droit admi-
nistratif matériel12.
M. Szewczyk, partisan de la perception de la surveillance comme catégorie du droit
matériel, définit la surveillance administrative comme un complexe compliqué de re-
lations juridiques que les organes administratifs lient avec les agents qui ne leur sont
pas subordonnés par l’organisation, dont l’objectif consiste à éloigner les menaces pour

9
J. Szreniawski, Wstęp do nauki administracji, Lublin 2003, p. 59.
10
Ibid., p.59-60.
11
Voir J. Boć, « Nadzór w systemie organów administracji », [in :] Prawo administracyjne, sous la réd.
de J. Boć, Wrocław 2005, p. 243 et suiv.
12
M. Szewczyk, op. cit., p. 31 ; A. Filipowicz, Pojęcie i funkcja nadzoru w administracji państwowej,
Wrocław – Varsovie – Cracovie – Gdańsk 1984, p.71 et suiv., p.138.
172 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

les biens protégés par la loi et à éliminer les effets des atteintes à ces biens13. Du point
de vue des objectifs posés, des caractéristiques semblables de la surveillance étaient
présentées également par L. Bar qui, en analysant la surveillance d’État sur des chan-
tiers de construction, l’a désignée comme une intervention -admissible par la loi- de
l’administration dans l’activité des citoyens et d’autres agents14. Dans la littérature polo-
naise ainsi qu’allemande ce système de dépendances est rapporté à la relation individu –
État15.
La catégorie la plus large est bien entendu la surveillance basée sur le droit adminis-
tratif matériel, même si, dans ce cas, la notion est également utilisée pour désigner une
autre signification. À titre d’exemple, nous pouvons indiquer la surveillance exercée par
le président du district sur les associations16, la surveillance exercée par le président du
district sur les sociétés de gestion des eaux17, la surveillance exercée par les organes de
la surveillance minière18 ou la surveillance des assurances exercée par la Commission de
la Surveillance Financière19. Dans chacun de ces cas, la notion de la surveillance a été
utilisée par rapport à une autre situation. Si l’objectif de la surveillance est différent,
l’étendue de ses compétences l’est aussi. Malgré ces diversités, M. Szewczyk a indiqué
les caractéristiques communes de la surveillance existante dans les dispositions maté-
rielles et juridiques20 :
– c’est la relation qui a lieu entre les sujets de l’administration et tous les autres sujets
se trouvant dans une situation juridique donnée,
– son objectif consiste en la protection juridique des biens déterminés, instituée par
le législateur,
– la conséquence des actes de surveillance peut être la création de relations juridiques
en dehors de la procédure administrative.
La surveillance ayant lieu dans le droit administratif matériel peut être déterminée
comme la compétence de l’autorité publique à appliquer des mesures impératives pour
corriger le comportement d’un autre sujet du droit, en vue de réaliser les objectifs et mis-
sions de l’administration publique. La possibilité d’appliquer des mesures impératives
signifie celle de se servir d’une contrainte administrative, classiquement entendue com-
13
M. Szewczyk, Nadzór w materialnym prawie administracyjnym, Editions de l’Université Adam Mic-
kiewicz, Poznań 1996, p. 43-46 ; voir A. Chełmoński, « Nadzór policyjny i reglamentacyjny w administra-
cyjnym prawie gospodarczym » [in :] Administracyjne prawo gospodarcze, Wrocław 2005, p. 537-539.
14
L. Bar, « Państwowy nadzór budowlany », [in :] Studia prawnicze, 5/1964, p. 37.
15
Voir, W. Jellinek, Verwaltungsrecht, Berlin 1929, p. 182 et suiv. ; J. Starościak, « Stosunek adminis-
tracyjnoprawny » [in :] System prawa administracyjnego, tome 3, sous la réd. de T. Rabska et J. Łętowski,
Wrocław – Varsovie – Gdańsk – Cracovie 1978, page 20 et suiv. ; Z. Leoński, Zarys prawa administracy-
jnego, p. 32 et suiv., Varsovie 2006 ; H. Maurer, Allgemeines Verwaltungsrecht, Monachium 2009, p.176
et suiv.
16
Cf. les articles 25-32 de la loi du 7 avril 1989 – Droit des associations (texte unique J. O. de 2001 No
79 texte 855 avec les modifications ultérieures).
17
Cf. les articles 178-180 de la loi du 18 juillet 2001 – Droit des eaux (texte unique J. O. de 2005 No 239
texte 2019 avec les modifications ultérieures).
18
Cf. les articles 106-117 de la loi du 4 février 1994 – Droit de prospection et droit minier (texte unique
J. O. de 2005 No 228 texte 1947 avec les modifications ultérieures).
19
Cf. les articles 202-214a de la loi du 22 mai 2003 sur l’activité d’assurance (J. O. de2003 No 124 texte
1151).
20
Cf. M. Szewczyk, op. cit., p. 43-45.
Les limites de la surveillance administrative ... 173

me contrainte exécutoire servant à garantir directement la réalisation des ordres ou des


interdictions émis par l’organe ou sous la forme d’une peine administrative21. On souli-
gne dans la littérature que la surveillance d’État peut avoir lieu dans trois situations22 :
– envers des agents subordonnés, réalisant les missions de l’administration publi-
que – elle est comprise dans la fonction de direction ;
– envers des agents non subordonnés, réalisant les missions de l’administration publi-
que – elle a un caractère indépendant et exige une procuration légale appropriée ;
– envers des agents de droit autonomes, ne réalisant pas de missions de l’administra-
tion publique – elle a également un caractère indépendant et exige une procuration
légale appropriée23.
La surveillance d’État sur l’économie est adressée avant tout à ce troisième groupe
d’agents. Dans ce cas, il est important de souligner qu’une telle surveillance sert à la
réalisation d’objectifs déterminés, liés au respect des dispositions du droit matériel, à
la protection de l’intérêt public dans des périmètres déterminés ou bien à l’orientation
des agents vers la réalisation de missions déterminées. Pour cette raison, nous pouvons
distinguer la surveillance administrative (signification plus étroite) envers les agents de
l’administration publique et la surveillance économique (signification plus large) envers
les entrepreneurs exerçant une activité économique. Un type spécial de la surveillance
économique sera la surveillance servant à réaliser la fonction policière. Comme nous
l’avons signalé lors de l’analyse de la police administrative, sa distinction est possible
sur la base du critère des biens et valeurs que la surveillance doit protéger. Comme le
souligne M. Szydło, le catalogue des sanctions à caractère impératif, dont l’organe de
surveillance policière peut profiter, est beaucoup plus large et outre la possibilité d’une
contrainte exécutoire et d’une peine administrative, il couvre également des sanctions
pénales, sanctions de perte de certains profits, sanctions de retrait ou d’extinction des
droits accordés24.
La réalisation des compétences de surveillance doit avoir un caractère continu, car
son essence ne consiste pas à vérifier occasionnellement le respect de la loi, mais en
une action complexe, liée à tout le périmètre surveillé. Les devoirs des organes de sur-
veillance doivent alors englober la création de solutions organisationnelles qui permet-
tent la réalisation effective de toutes les actions résultant de la loi, ainsi que le monito-
ring des différents aspects du périmètre surveillé, comme les conséquences économiques
ou sociales ou bien le développement technologique. La distinction entre la surveillance
courante, liée aux comportements des entrepreneurs au cours de l’activité économique
21
M. Zimmermann, « Zapewnienie wykonania aktu administracyjnego », [in :] Polskie prawo admi-
nistracyjne. Partie générale, M. Jaroszyński, M. Zimmermann, W. Brzeziński, Państwowe Wydawnictwo
Naukowe, Varsovie 1956, p. 402 ; M. Wierzbowski (réd.), Prawo administracyjne, op. cit., p.128.
22
Cf. A. Filipowicz, Pojęcie i funkcja nadzoru w administracji państwowej, op. cit., page 71 ; l’auteur
distingue également trois modèles de dépendances entre les agents des relations administratives et juridi-
ques : (1) entre les agents de l’administration centralisée, (2) entre les agents de l’administration décentrali-
sée, (3) entre de différents agents dans le domaine des dispositions du droit administratif matériel.
23
A. Wasilkowski, « Zapewnienie realizacji zadań publicznych i prywatnych poprzez „nadzór
państwowy” z prawnego punktu widzenia », [in :] Ius Publicum Europeum, Varsovie 2003, p. 230-231.
24
M. Szydło, Regulacja sektorów infrastrukturalnych jako rodzaj funkcji prawa wobec gospodarki,
Wydawnictwo Wiedza i Praktyka Gospodarcza, Varsovie 2005, p.179
174 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

entreprise et réalisée, et la surveillance préventive, englobant des démarches entreprises


avant le commencement de l’activité, revêt le même caractère25.
En analysant les fonctions de la surveillance, on peut indiquer ses deux champs d’action.
Le premier est le contrôle ayant comme but la détermination de l’état des faits. Ensuite, une
évaluation du comportement de l’entrepreneur, c’est-à-dire estimer si celui-ci se conforme
aux modèles déterminés dans les normes pertinentes. Le contrôle se termine par l’établis-
sement d’un acte postérieur, qui peut contenir des recommandations post-contrôles. De
telles recommandations n’ont pas de force obligatoire du fait que l’organe dispose du droit
d’appliquer des mesures de contrainte publique, mais dans le cas où elles ne seraient pas
prises en compte, elles conditionnent l’utilisation des instruments à caractère impératif.
Les compétences impératives de la surveillance peuvent être divisées en mesures d’action
sur le fond et mesures de surveillance personnelle. Comme le souligne M. Wierzbowski,
l’organe ne peut appliquer que les mesures de surveillance déterminées dans les disposi-
tions légales – à défaut de telles bases, il ne peut utiliser que les mesures non impératives26.
S’il est impossible d’appliquer les compétences impératives de surveillance, il en résulte
qu’il est difficile de définir la relation comme une surveillance administrative. Cela n’ex-
clut pas cependant la possibilité pour l’organe de surveillance d’avoir des compétences
à caractère non impératif. Ces actions servent le plus souvent à une fonction préventive.
Bien qu’elles ne nécessitent pas d’autorisations concrètes, c’est justement en rapport avec
la fonction exercée qu’elles devaient jouir d’un aval législatif général.
Les décisions de surveillance sont la forme juridique d’action le plus souvent appli-
quée par les organes de surveillance. Ce sont des actes administratifs individuels qui
dictent la situation juridique des agents à l’extérieur de l’administration. Ils sont pris
par l’organe compétent sur la base des pouvoirs contenus dans les dispositions du droit
matériel selon le fond et la forme retenus dans le code de procédure administrative. Les
décisions de surveillance n’ont pas de caractère uniforme. Selon A. Chełmoński, nous
pouvons y distinguer :
– les décisions ordonnant ou interdisant d’entreprendre certaines actions ;
– les décisions constatant la nullité de certaines actions et interdisant de les entrepren-
dre à l’avenir ;
– les décisions abrogeant la possibilité de mener une activité économique ou profes-
sionnelle donnée27.
La surveillance préventive jouit d’un caractère légèrement différent – son but consiste
dans l’évaluation de l’état réel et dans la prise de décision, si l’action envisagée par l’en-
trepreneur est admissible du point de vue légal. Cette décision aura également le carac-
tère d’une décision administrative, mais sa teneur se limitera à l’approbation ou au refus
d’approbation. Il faut également indiquer que les actions dans le cadre de la surveillance
préventive sont prises sur la demande de l’agent intéressé et la décision elle-même doit
avoir un caractère obligatoire. La structure de la surveillance préventive peut être enfin

25
A. Chełmoński, « Nadzór policyjny i reglamentacyjny w administracyjnym prawie gospodarczym »,
[in :] Administracyjne prawo gospodarcze, op. cit., p. 539-540.
26
M. Wierzbowski (réd.), Prawo administracyjne, op. cit., p. 99-100.
27
A. Chełmoński, « Nadzór policyjny i reglamentacyjny w administracyjnym prawie gospodarczym »,
[in:] op. cit., p. 545.
Les limites de la surveillance administrative ... 175

analysée uniquement dans le contexte de la surveillance institutionnelle – elle ne trouve


pas alors de rattachement à l’activité des organes exerçant la surveillance fonctionnelle.
La surveillance policière peut également prendre un caractère répressif. Une telle si-
tuation aura lieu quand l’inobservation des devoirs ou exigences par l’agent menant une
activité économique aboutit à une atteinte aux biens protégés. Dans une telle situation,
l’organe de surveillance est tenu d’entreprendre les démarches écartant la menace d’at-
teinte aux biens et rétablissant l’état initial.
Évidemment, on peut avoir certains doutes – notamment si les compétences accor-
dées dépassent l’étendue indispensable pour réaliser la surveillance d’État. Selon M.
Wierzbowski, cela peut mener à la création d’une situation où les organes de l’adminis-
tration dirigeraient pratiquement eux-mêmes des entreprises, sans être responsables des
conséquences de leurs démarches28.
La réalisation par les organes de l’administration publique de la fonction envers
l’économie doit être contrôlée. Cela concerne toutes les manifestations d’ingérence de
l’administration dans l’économie : régulations, réglementation, police ou surveillance. Il
est important que l’étendue de ce contrôle ne soit pas limitée aux décisions administra-
tives seules, mais couvre tous les instruments de surveillance, également ceux qui n’ont
pas de critères de validité définis. La justification est avant tout dans la protection des
intérêts juridiques des unités administrées, mais également dans le contrôle administratif
de l’observation de la règle constitutive de légalité et les questions de responsabilité lé-
gale des organes administratifs pour les conséquences de leur activité.

3. La surveillance et la police administrative

Le mot « police » provient du mot grec politeja, par lequel Aristote déterminait un
des régimes de l’État, en se basant sur la légalité. Le sens actuel de la notion « police »
a commencé de se former vers la fin du Moyen-âge avec le processus de renforcement du
pouvoir royal29. Pour assurer le fonctionnement correct de l’État, on créait des organes
spécialisés, dont la mission consistait en la surveillance de l’ordre et de la sécurité publi-
que. Pendant la période d’absolutisme, la notion « police » a commencé à se rapporter à
la majorité des sphères de l’activité de l’État.
Dans la littérature polonaise, la notion de police a été présentée de différentes façons.
Dans la période de l’entre-deux-guerres, l’influence de la doctrine allemande était visi-
ble, ce qui s’exprimait par la détermination de la police comme activité de l’administra-
tion liée à « la prévention de tout ce qui contenait une menace pour la sécurité, la paix et
l’ordre public »30. À notre époque, on peut percevoir la police au sens fonctionnel comme
28
M. Wierzbowski, « Niezależne organy regulacyjne », [in :] Prawo gospodarcze. Zagadnienia admi-
nistracyjnoprawne, op. cit., p. 119.
29
Voir W. Kawka, Policja w ujęciu historycznym i współczesnym, Wilno 1939, p. 4.
30
Voir W. Jellinek, op. cit., p. 409, S. Wachholz, « Bezpieczeństwo, spokój i porządek publiczny », [in :]
K. Komaniecki, J. Langrod, S. Wachholz, Zarys ustroju, postępowania i prawa administracyjnego w Polsce,
Varsovie 1939, page 790 ; voir également : J. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego. Zarys części
ogólnej, Cracovie 2003 [reprint], p. 87-89 ; F. Longchamps, Założenia nauki administracji, Wrocław 1991
[reprint], p. 21, E. Schmidt-Aβmann, Grundfragen des Städtebaurechts, Göttingen 1972, p. 16.
176 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

l’activité servant au maintien de l’ordre public, utilisant la contrainte, ayant comme but
de prévenir des dangers déterminés ou de lutter contre des infractions à l’ordre juridi-
que31 , ou au sens matériel comme « organes s’occupant de la protection de l’ordre et de
la paix publics (…), indépendamment de la dénomination donnée par le législateur aux
instruments de protection chargés de protéger ces valeurs »32. Les différences entre la
définition fonctionnelle et matérielle de la police sont cependant plus sémantiques que
substantielles et « sous l’angle du contenu, il n’y a pas de divergences significatives entre
ces conceptions »33.
Dans la conception traditionnelle, la police administrative était perçue comme ce qui
reste après avoir éliminé de la notion au sens large les éléments de police criminelle et de
police de sécurité34. Étant donné qu’une telle définition était peu précise, on commença
à désigner les différents types de police administrative en se basant sur des critères ob-
jectifs, c’est-à-dire par rapport aux missions et compétences liées à la protection contre
des dangers déterminés35. Un positionnement aussi large a eu pour conséquence que les
fonctions de la police administrative étaient exercées dans différentes sphères, ce qui
permet de distinguer par exemple la police du bâtiment, la police sanitaire ou encore la
police industrielle36.
Comme dans le cas de la notion « police », la notion « police administrative » était
également entendue de différentes façons par les représentants de la doctrine polonaise.
Selon T. Bigo, la police administrative était la fonction du pouvoir exécutif, qui « (…)
en utilisant et en menaçant d’utiliser une contrainte, vise à prévenir ou éliminer soit des
dangers, soit des infractions à l’ordre public »37.
Une analyse plus développée de la notion « police administrative » est réalisée par S.
Kasznica qui a indiqué deux types de phénomènes, poussant l’État à exercer ses fonc-
tions de police. Le premier phénomène naît des dangers provenant des forces naturelles
et des personnes, le deuxième est la conséquence des conflits entre les intérêts des indi-
vidus et l’intérêt public. Selon S. Kasznica, il faut indiquer comme traits caractéristiques
importants de la police administrative le but de l’activité – la protection et l’assurance de
la réalisation des valeurs déterminées, la possibilité d’appliquer des mesures impératives
(y compris la contrainte) – ainsi que le caractère négatif de l’action qui consiste à se
limiter au contrôle de la légalité et à la protection des biens policiers38.

A. Matan, « Policja administracyjna jako funkcja administracji publicznej », [in :] Nauka administra-
31

cji wobec wyzwań współczesnego państwa, sous la réd. de J. Łukasiewicz, Rzeszów 2002, p. 354.
32
Voir Z. Loeński, Policja administracyjna…, p. 41.
33
Voir J. Dobkowski, Pozycja prawnoustrojowa służb, inspekcji i straży, Varsovie 2007, p. 46.
34
W. Jellinek, op. cit., p. 410.
35
Ibid., page 50 ; l’auteur renvoie également à M. Zimmermann, Nauka administracji i polskie prawo
administracyjne, Poznań 1949, p. 48 et suiv.
36
 Z. Leoński indique la possibilité de distinguer la police au sens matériel (protection de la sécurité),
formel (démarches des organes ainsi nommés par la loi) et au sens fonctionnel comme fonction de l’admi-
nistration publique consistant en assurance de la sécurité et de l’ordre, voir Z. Leoński, Materialne prawo
administracyjne, op. cit., p. 207.
37
T. Bigo, Prawo administracyjne. Część ogólna, Lwów 1932, p. 172.
38
S. Kasznica, Polskie prawo administracyjne: pojęcia i instytucje zasadnicze, Poznań 1947, p. 138-
139; l’auteur indique que l’opposé de la sphère policière de l’administration est sur ce plan la garde qui a le
caractère positif et consiste à satisfaire les besoins publics.
Les limites de la surveillance administrative ... 177

Dans la littérature contemporaine, nous pouvons rencontrer une série de tentatives de


définition de la notion « police administrative ». Selon J. Szreniawski, la police admi-
nistrative signifie « les actions impératives ayant comme but de garantir l’exécution des
dispositions du droit administratif »39; M. Kulesza la définit comme la fonction de l’ad-
ministration publique servant à assurer la sécurité, l’ordre et la paix publique ainsi qu’à
protéger la vie, la santé et les biens40. Selon M. Szydło, la police administrative est la
fonction de l’État consistant dans la protection de toute la société et de ses membres res-
pectifs contre les différents dangers41. Z. Leoński perçoit la police administrative comme
la fonction liée au maintien de l’ordre et de la sécurité publique, ainsi qu’à la protection
des biens particulièrement précieux42, il remarque aussi qu’elle peut être associée aux
états de menace à la vie, à la santé, ou aux biens ainsi qu’aux dangers tels que les catas-
trophes naturelles, les inondations, les incendies ou les maladies contagieuses43. Selon
L. Klat-Wertelecka, la fonction de la police administrative consiste dans le maintien de
la sécurité publique, de la paix et de l’ordre ; son but est la prévention des dangers ou le
rétablissement de la sécurité ou de l’ordre troublé, le moyen utilisé pour atteindre ce but
étant la contrainte étatique44.
Bien qu’il y ait des différences dans la compréhension de la notion « police adminis-
trative » entre les représentants respectifs de la doctrine, en les analysant nous pouvons
trouver deux éléments qui permettent une généralisation. Premièrement, selon J. Do-
bkowski, la police administrative est une fonction de l’administration publique, réalisée
dans les périmètres où les dispositions légales déterminent les standards de la sécurité et
de l’ordre, par le contrôle « … de l’observation des ordres et des interdictions juridiques
qui forment lesdits standards ainsi que par l’application ou la menace d’appliquer une
contrainte matérielle ou personnelle dans le cas de violation des règles susvisées et par
l’accomplissement effectif d’actions causant un danger direct pour la vie, la santé et les
biens des individus occasionné par d’ autres personnes ou par les forces naturelles »45.
Le deuxième élément est l’objet de la protection, c’est-à-dire les biens particulièrement
précieux du point de vue de l’individu, de même que du point de vue de la collectivité lo-
cale ou de l’État. Le catalogue de ces biens couvre avant tout la sécurité et l’ordre public,
mais également la vie, la santé, les biens matériels, la moralité publique ou l’environne-
ment naturel. Ce sont des notions indéterminées, dont le contenu n’est pas précisément
explicité dans les actes juridiques et de ce fait il est précisé davantage par les organes
administratifs.
Pendant la période de la République Populaire de Pologne, quand l’administration
réalisait des objectifs très larges et l’économie était dominée par les agents subordonnés

39
Voir J. Szreniawski, Wprowadzenie do nauki administracji, Lublin 1996, p. 60.
40
Voir M. Kulesza, « W sprawie funkcji policyjnych samorządu terytorialnego », [in :] Gmina. Zagad-
nienia administracyjnoprawne, sous la réd. de J. Szreniawski, Rzeszów 1992, p. 71.
41
Voir M. Szydło, op. cit., p. 176.
42
Voir Z. Leoński, Policja administracyjna…, p. 39.
43
Voir Z. Leoński, Materialne prawo administracyjne, op. cit., p. 20.
44
Voir L. Klat-Wertelecka, « Nadzór w administracyjnym prawie materialnym (farmaceutyczny, wete-
rynaryjny, budowlany, pedagogiczny) », [in :] Nadzór administracyjny. Od prewencji do weryfikacji, sous la
réd. de C. Kociński, Wrocław 2006, p. 194.
45
J. Dobkowski, op. cit., page 56.
178 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

directement à l’administration, les fonctions de police administrative étaient réduites et


réalisées par les organes de l’administration exerçant les fonctions de surveillance et de
contrôle46. C’est seulement avec la transformation socio-économique que l’exercice de
la police est devenu une des fonctions de base utilisée par les organes de l’administration
dans la sphère économique47. Ceci était lié au changement du rôle de l’État dans l’écono-
mie – phénomène qui a trouvé son reflet dans la règle de liberté de l’activité économique,
inscrite dans la Constitution de la République de Pologne – entendue non pas comme
liberté civique, mais plutôt comme principe constitutionnel de la République. Cette li-
berté peut évidemment, et parfois même doit, être soumise à certaines limitations qui
ne peuvent être introduites que par voie législative. La détermination de l’étendue de la
notion « police administrative » se ramènera avant tout à déterminer en quoi consistera
l’intérêt public, visé à l’art. 22 de la Constitution de la République de Pologne.
La fonction policière de l’État est assurée par de nombreux organes administratifs
spécialisés disposant du pouvoir administratif et du droit d’appliquer la contrainte publi-
que. Ces organes sont présents dans de nombreuses sphères de la vie sociale, y compris
dans l’économie. Les fonctions de la police administrative dans l’économie consistent
dans la protection de la société et des individus contre les dangers qui peuvent résulter de
l’activité économique48. Pour réaliser correctement ces fonctions, les organes policiers
doivent être munis d’une étendue convenable de compétences impératives, englobant la
prise de décisions individuelles (levée d’interdictions ou octroi de droits), la détermina-
tion de modèles généraux de comportements, le contrôle du respect de la loi (y compris
également des déterminations résultant des décisions individuelles) et l’exécution de la
loi.
En réalisant leurs fonctions, les organes policiers se concentrent sur la protection de
biens concrets. Comme le souligne T. Kocowski, la police n’existe pas pour entrepren-
dre des actions servant à satisfaire les besoins publics, mais pour contrôler et évaluer si
les entrepreneurs profitant de la liberté économique n’entreprennent pas d’actions qui
pourraient mener ou qui mènent à une menace de porter atteinte ou à l’atteinte aux biens,
pour la protection desquels l’organe donné est institué49. Cette activité a alors, avant
tout, un caractère préventif et conservatoire. Les organes policiers éliminent les menaces
d’infractions, entreprennent des démarches pour empêcher que dans l’avenir de telles
menaces et infractions ne se produisent. Ainsi beaucoup d’actions intentées par les entre-
preneurs dépendent de la délivrance d’une décision administrative convenable.
En ce qui concerne le côté organisationnel, la fonction policière est le plus souvent
réalisée par les organes centraux de l’administration gouvernementale et les unités ter-
ritoriales qui leurs sont subordonnées (l’administration spéciale) ou les organes d’admi-
nistration territoriale dans le cadre d’une union avec le voïvode ou président du district
(l’administration unie). La structure organisationnelle, l’étendue d’action et les compé-
tences des organes policiers respectifs sont le plus souvent l’objet de régulations spéci-
fiées dans les lois détaillées respectives.

46
A. Filipowicz, Pojęcie i funkcje nadzoru w administracji, op. cit. 1984, p. 57.
47
 T. Kocowski, « Policja gospodarcza », [in :] Administracyjne prawo gospodarcze, op. cit., p. 466.
48
Ibid., p. 468-469.
49
Ibid., p. 474.
Les limites de la surveillance administrative ... 179

La délimitation de la police administrative et de la surveillance administrative peut


provoquer des discussions. Il n’y a pas de doutes concernant la différentiation de la
police administrative et de la surveillance entendue comme relation entre les agents de
l’administration publique dans le système décentralisé et centralisé. Dans le contexte
de cette analyse, en tenant compte du fait que la surveillance peut couvrir également
la sphère de l’influence impérative sur les agents extérieurs à l’administration publique
dans le domaine et à l’aide de formes juridiques déterminés par les dispositions du droit
administratif matériel, cette différenciation n’est pas univoque, surtout si on prend en
compte les critères fonctionnels.
Il peut être utile de se référer ici à la littérature de la période de l’entre-deux-guerres et
d’analyser le contexte historique. T. Bigo apercevait des différences entre la surveillance
entendue comme catégorie juridique et constitutionnelle, d’une part, et, de l’autre, la
surveillance dans la sphère extérieure à l’administration, résultant du droit administra-
tif matériel qu’il définissait comme surveillance policière et qu’il liait à la réalisation
de la fonction de police administrative50. Cela créait une construction terminologique
logique – la police administrative était une fonction du pouvoir exécutif, par contre la
surveillance (policière) une activité servant à la réalisation de cette fonction.
Le problème terminologique qui existe actuellement résulte du fait que dans la pé-
riode du PRL (République Populaire de Pologne), la notion de la police a été éliminée du
système juridique et remplacée par le terme « l’administration de la sécurité et de l’ordre
public » . En conséquence, comme le remarque T. Kocowski, « la police administrative
est intégrée en quelque sorte dans la surveillance administrative, réalisée à cause de l’or-
dre et de la sécurité publique »51. Bien qu’on souhaite limiter l’utilisation de la notion de
surveillance à la relation à l’intérieur de l’administration publique et revenir à l’utilisa-
tion de la notion « police administrative »52, dans la loi polonaise, de même que dans la
littérature juridique, la notion de « surveillance » servant à décrire les relations entre les
agents de l’administration et l’entourage externe s’est établie.
Existe-t-il alors des différences entre la surveillance définie par le droit administratif
matériel et la police administrative ? Il faut être d’accord avec J. Dobkowski, qui estime
que « du point de vue pratique, on ne voit pas de désaccord net quant au contenu entre
ces catégories et les divergences entre notions résultent le plus souvent de l’adoption
d’une convention terminologique déterminée »53. En ce qui concerne la convention ter-
minologique, la définition de la police administrative comme fonction réalisée par
l’administration publique, par contre celle de la surveillance comme instrument
juridique servant à la réalisation de cette fonction est convaincante54.
Dans une telle présentation, les limites de la surveillance doivent être tracées avant
tout par la loi en vigueur qui, a son tour, doit prendre en considération des raisons praxéo-
50
T. Bigo, Stanowisko związków publiczno-prawnych w polskim systemie administracyjnym, Lwów
1928, p. 99.
51
 T. Kocowski, « Policja gospodarcza » [in :] Administracyjne prawo gospodarcze, op. cit., p. 465.
52
Voir D. Gatner, « Policja administracyjna (studium z teorii myśli administracyjnej) », [in :] Organi-
zacja, Metody, Technika, 1988, no 10.
53
Voir J. Dobkowski, op. cit., p. 63.
54
Plus largement à ce sujet : D. Sypniewski, Administracyjnoprawne aspekty nadzoru nad procesem
budowlanym, Université Marie Curie Skłodowska, Lublin 2010.
180 Helena Kisilowska, Dominik Sypniewski

logiques55, de même que l’étendue et les fondements de limitation de la liberté des autres
agents, étant donné la protection des biens jugés spécialement précieux du point de vue
de l’intérêt public.

Conclusion

En formulant des solutions juridiques concernant la surveillance administrative dans


le droit administratif matériel, le législateur doit prendre en compte les exigences de
l’efficacité et de la capacité d’action de l’administration publique, de même que la pro-
tection de la liberté et des droits des agents surveillés. Ces problèmes prennent une im-
portance particulière dans le cas des compétences de la police administrative.
Étant donné que l’administration publique doit entreprendre des actions répondant
aux standards juridiques de même qu’aux attentes sociales, la définition correcte de l’in-
térêt public exigeant une protection devient importante. De cette définition doivent dé-
pendre alors les limites de la surveillance déterminées par la loi. Il faut cependant souli-
gner que la surveillance administrative ne peut pas être limitée seulement à l’application
des mesures impératives, car les compétences de surveillance se lient à la possibilité
d’appliquer également des démarches non impératives dont les limites légales sont plus
difficiles à déterminer.
Pour résumer la mise en place en Pologne du principe de l'État de droit démocratique
doit signifier une activité des organes de l’administration publique basée sur la loi et
contenue dans ses limites. Le droit créé dans le domaine de la surveillance administra-
tive doit tenir compte surtout de la nécessité de protéger l’intérêt public, entendu comme
la protection de l’intérêt collectif, de même que de justes intérêts des individus. En plus,
il doit prendre en considération avant tout :
– le principe de l’assistance,
– la nécessité de réduire l’étendue de la reconnaissance dans les décisions adminis-
tratives,
– la transparence des actions,
– la prise en compte de l’opinion publique/du dialogue social, des débats,
– la capacité et l'efficacité économique de l’action.
De nombreux exemples montrent qu'une surveillance administrative trop large dans
le droit administratif matériel rend plus difficile l’action efficace et limite l’autonomie
des agents surveillés, étant couteuse et n'étant pas réalisée en pratique. En réalité, elle
devient fictive, ce qui nuit fortement à l’image et au fonctionnement correct de l’admi-
nistration publique.

55
J. Łukasiewicz et S. Wrzosek remarquent l’influence de la praxéologie sur l’organisation et la gestion
dans l’administration publique dans l’article : « Od prakseologii do ogólnej teorii administracji – uwagi
o wpływie nauki na funkcjonowanie administracji publicznej », [in :] Wpływ prakseologii na organizację
i zarządzanie w administracji publicznej, sous la réd. de K. Sikora, M. Domagała et E. Jasiuk. WSH Radom
2010, p. 5-17.
Jó z ef K rukowski

Les bases de l’organisation administrative


dans l’Église Catholique

Introduction

Une des acquisitions de la culture juridique contemporaine est l’apparition du droit


administratif, comme une des branches fondamentales des systèmes juridiques moder-
nes. Indubitablement, le domaine du droit administratif comprend d’abord l’étude de
l’organisation administrative1.
Le processus de l’individualisation du droit administratif dans le système du droit de
l’Église Catholique, qui est le système du droit des communautés religieuses à l’échelle
mondiale, porte des caractéristiques particulières. Car l’Église est une communauté de
type différent de la communauté d’État : elle est en même temps une communauté de
fidèles chrétiens et une communauté hiérarchiquement ordonnée. Une difficulté à ca-
ractériser le droit administratif dans l’Église vient du fait que les normes appartenant à
ce domaine du droit sont placées dans différentes parties du Code du Droit Canonique
(promulgué 1983), mais aussi dans d’autres actes normatifs tant du droit universel que
du droit particulier. La science du droit canonique fait le travail d’analyse et de systéma-
tisation de ces actes afin de construire le science du droit administratif2.
Dans l’élaboration du droit administratif dans l’Église Catholique il est nécessaire
d’introduire de nouvelles notions et de nouveaux principes qui ont été élaborés par la
théorie du droit administratif des États modernes, car ils constituent un acquis important

1
Cf. J.S. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego. Zarys części ogólnej, t. I,cahier 2, Kraków
1948 ; A. De Laubadère, Traité de droit administratif, Paris 1973, p. 11-12.
2
 �����������������������������������������������������������������������������������������������������
La problématique du droit administratif de l’Église a été publiée dans de nombreux ouvrages et artic-
les, par exemple : J. Krukowski: Administracja w Kościele. Zarys kościelnego prawa administracyjnego,
Lublin 1985 ; J. Krukowski, Introduzione alla disciplina del diritto amministrativo ecclesiastico, «�������Apol-
linaris» 41 (1988), p. 155-173 ; J. Krukowski, Prawo administracyjne w Kościele, Varsovie 2011 ; E. La-
bandeira, Trattato di diritto amministrativo canonico, Milano 1994 ; F. D’Ostiglio, Il diritto amministrativo
della Chiesa, Città del Vaticano 1995 ; I. Zuanazzi, Il principio di legalità nella funzione amministrativa
canonica, « Ius Ecclesiae » 8 (1996), p. 37-69 ; J.I. Arrieta, Diritto dell’organizzazione ecclesiastica, Milano
1997 ; P.V. Pinto, Diritto amministrativo canonico. La Chiesa mistero e istituzione, Bologna 2006; J. Miras,
J. Canosa, E. Baura, Compendio di diritto amministrativo canonico, Roma 2007; G. Leszczyński, Kościelna
procedura administracyjna w Kodeksie Prawa Kanonicznego Jana Pawła II, Warszawa 2008 ; M. Sitarz,
Kompetencje organów kolegialnych w Kościele partykularnym w sprawowaniu władzy wykonawczej we-
dług Kodeksu Prawa Kanonicznego, Lublin 2008.
182 Józef Krukowski

de la culture juridique contemporaine. Le bien fondé de cette démarche est confirmé


par Jean-Paul II qui a constaté : « L’Église, en tant que société humaine, peut sans nul
doute être examinée et définie aussi selon les critères que les sciences utilisent au sujet
de toute société humaine. Mais ces catégories ne sont pas suffisantes » (Encyclique Re-
demptor hominis 21). Lors du travail d’élaboration des notions et des principes du droit
administratif dans l’Église il faut prendre en considération deux facteurs : quels sont
les principes fondamentaux de l’organisation et du fonctionnement de l’administration
dans les communautés d’État et dans quelle mesure trouvent-ils une application dans
l’Église.

1. Les principes de l’unité et de la séparation des pouvoirs

Dans la réflexion sur l’organisation du pouvoir, une question se pose habituellement


en premier lieu: le régime d’une communauté donnée est-il fondé sur le principe de
l’unité ou sur le principe de la séparation des pouvoirs ? Ces principes sont contradictoi-
res si on les envisage de manière abstraite. Cependant, ils ne s’excluent pas toujours ou
ne sont pas opposés s’ils désignent un état de choses réel. Car dans chaque conception
de l’unité des pouvoirs appliquée à une communauté donnée il y a des éléments de sépa-
ration. Et chaque conception de la séparation des pouvoirs est basée sur une unité déter-
minée. C’est seulement en fonction de l’ordre de priorité attribuée à l’une ou à l’autre et
à l’importance consciemment reconnue à elle dans le régime donné d’une communauté
que nous pouvons constater que le régime de cette communauté est basé sur le principe
de l’unité ou de la séparation des pouvoirs3.

1.1. Les principes de l’unité et de la séparation


des pouvoirs dans l’État

À partir de la Révolution Française (1789) les États désirant respecter la liberté et


les droits civils proclament dans leurs lois le principe de la „séparation des pouvoirs”
comme fondement du régime politique et juridique. Selon cette conception, les trois
pouvoirs existant dans chaque communauté, à savoir : législatif, exécutif et judiciaire –
sont exercés par trois sujets distincts, c’est-à-dire les organes ou les groupes d’organes
ordonnés hiérarchiquement. Chacun de ces trois types de pouvoir est envisagé comme
un système d’organes distincts, ordonné hiérarchiquement, à la tête duquel il y a un or-
gane souverain selon l’ordre qui lui est propre.
La conception de la séparation des pouvoirs s’élabora progressivement dans l’his-
toire de la pensée politique. Elle fut influencée par les idées des penseurs tels qu’Aristote
(384-322 av. J.-C.)4, Marsile de Padoue (1275-env.1343)5 et John Locke (1632-1704)6.
On considère que le véritable auteur de cette conception est Montesquieu (1689-

3
J. Krukowski, Prawo administracyjne w Kościele, p. 69-94.
4
Arystoteles, Polityka, Wrocław 1953, p. 147-158.
5
Cf. A. Wojtowicz, Model władzy państwowej Marsyliusza z Padwy, Katowice 1977, p. 41-49, 63-67.
6
Cf. K. Grzybowski, Historia doktryn politycznych i prawnych, Warszawa 1968, p. 353-355.
Les bases de l’organisation administrative dans l’Église Catholique 183

1755)7. Selon Montesquieu les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire -s’ils ne veulent
pas anéantir la liberté politique des citoyens par la voie de l’abus du pouvoir- devraient
se trouver entre les mains d’organes distincts qui ont le droit de contrôle réciproque.
Cette séparation des pouvoirs ne signifie pourtant pas une séparation totale. Ces orga-
nes doivent être interdépendants afin qu’ils s’équilibrent réciproquement. L’organe du
pouvoir législatif doit établir les lois et contrôler comment les organes exécutifs appli-
quent ces lois et si leur action est légale. La conception de Montesquieu a été appliquée
en grande partie dans le régime des états démocratiques de l’Europe Occidentale et en
Amérique. On admettait, sous l’influence de la philosophie de la loi naturelle, que la sé-
paration des pouvoirs est une garantie nécessaire de la protection de droits inaliénables
qui sont dus à la personne humaine. Non sans importance était aussi la thèse avancée par
Montesquieu que chaque homme est sujet de droits inaliénables qui lui sont dus de par la
dignité humaine naturelle et que le régime politique doit être adapté aux exigences de la
nature humaine. Au XIXe siècle, sous l’influence du positivisme, le principe de la sépa-
ration des pouvoirs a été relativisé ; toutefois il a toujours était posé comme instrument
de protection des droits à la liberté contre toutes sortes de tentatives dictatoriales. Ac-
tuellement ce principe est traité avant tout comme une méthode technico-juridique qui
doit garantir l’ordre juridique dans une communauté d’État souverain. C’est le contrôle
judiciaire des actes des organes administratifs qui est devenu le garant de la protection
des droits de l’homme et du citoyen8.

1.2. La coexistence du principe de l’unité et de la séparation


des pouvoirs dans l’Église

Le problème de la séparation des pouvoirs peut être envisagé sous son aspect subjec-
tif et objectif. Selon l’aspect subjectif, le principe de la séparation des pouvoirs concerne
les organes du pouvoir, c’est-à-dire les sujets à qui a été assignée la possibilité d’accom-
plir les tâches au nom de l’État ; et dans l’Église – au nom de l’Église.
En parlant du principe de la séparation ou de l’unité des pouvoirs dans l’Église, je
pense au pouvoir au sens objectif et subjectif. Cette question peut être formulée de la ma-
nière suivante : est-ce que dans l’Église il existe des organes dotés des trois fonctions du
pouvoir en même temps ? Existe-il ou peut-il exister des systèmes distincts des organes
du pouvoir législatif, administratif et judiciaire, et -à l’intérieur de chacun d’eux- l’or-
gane hiérarchiquement suprême est-il souverain dans son ordre ? La réponse positive à
la première partie de cette question et la réponse négative à la deuxième partie signi-
fieraient que l’on suit, dans l’Église, le principe de l’unité des pouvoirs. Par contre, la
réponse négative à la première partie de la question et la réponse positive à la deuxième
signifieraient que l’on opte pour le principe de la séparation des pouvoirs et ainsi que
l’on a une possibilité de distinction des organes souverains du pouvoir administratif.

7
Ch. Monteskiusz, O duchu praw, Warszawa 1957, p. 233-245 ; A. Burda, « Doktryna konstytucyjna
Monteskiusza », [in :] Monteskiusz i jego dzieła. Sesja naukowa Komitetu Nauk Prawnych PAN w 200
rocznicą śmierci, Warszawa 27–28 X 1977, Wrocław 1956, p. 222-223 ; J. Baszkiewicz, F. Ryszka, Historia
doktryn politycznych i prawnych, Warszawa 1979, p. 241-242.
8
A. de Laubadère, Traité de droit administratif, Paris 1973, p. 12-13.
184 Józef Krukowski

Pour répondre à ces questions il faut constater que dans l’Église c’est le principe de
l’unité des pouvoirs qui est en vigueur en premier lieu, mais en même temps l’applica-
tion du principe de la séparation des pouvoirs en tant que principe secondaire n’est pas
exclue. On ne peut pas appliquer dans l’Église le principe de la séparation des pouvoir
selon la conception de Montesquieu, telle qu’elle a été adoptée dans les États démocrati-
ques, parce que par la disposition du Christ tous les trois types de pouvoir dans l’Église
sont concentrés dans les sujets ordonnés hiérarchiquement que sont le pape et les évê-
ques9. On ne peut pourtant pas affirmer que dans l’Église soit exclue complètement la
possibilité de la séparation des pouvoirs au sens subjectif, car cela signifierait que les
organes administratifs et les organes judiciaires de l’Église, qui sont munis du pouvoir
ordinaire de vicaire à l’échelle de l’Église universelle et particulière, accomplissent seu-
lement des fonctions administratives ou des fonctions judiciaires.
Dans l’Église il y a deux sujets du pouvoir suprême et plénier: le Pontife Romain et
le Collège des Évêques. Comme les successeurs de l’Apôtre Pierre et du Collège des
Apôtres (Can. 330 Code de Droit Canonique).
Sans entrer dans l’analyse de tous les éléments de que nous venons de voir, il faut
souligner que ce sont deux organes du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, à
savoir: l’organe unipersonnel – le Pontife Romain, l’organe collégial – le Collège des
Évêques, qui sont toujours en lien de communion avec le Pontife Romain, dont il est le
chef. Cette plénitude du pouvoir dont jouissent ces organes comprend, de par la nature
des choses, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le sujet du pouvoir plénier,
mais non pas suprême, dans l’Église sont les évêques diocésains dans leurs Églises par-
ticulières.
Les organes du pouvoir plénier dans l’Église que sont le Pontife Romain, le Col-
lège des Évêques et les évêques diocésains peuvent exercer les trois types de pouvoirs.
Cependant en fait ils ne les exercent pas de manière autonome, et même ils ne sont pas
capables d’exercer tous les types de ce pouvoir de manière autonome au degré suffisant
pour répondre aux besoins de tous les membres de la communauté ecclésiale. Pour sa-
tisfaire ces besoins, ont été créés dans l’Église à différents degrés de la hiérarchie des
organes du pouvoir subsidiaire, pour exercer la fonction du pouvoir administratif ou la
fonction du pouvoir judiciaire. Selon ce processus s’opère une séparation originale des
pouvoirs. Ce n’est pas une séparation identique à celle des États démocratiques. mais
analogue. Bien que les organes des pouvoirs de vicaires dans l’Église qui apparaissent
selon ce processus forment un système spécifique d’organes ordonnés hiérarchiquement,
ils ne sont pas pourtant souverains ,mais subordonnés aux organes ordinaires, dotés du
pouvoir plénier. Ce type de phénomène qui lie les organes du pouvoir est désigné, dans
la théorie de l’organisation contemporaine, par le terme de « déconcentration ».
Les organes créés à la suite de ce processus ne sont pas seulement des organes à qui
a été confiée la fonction administrative ou judiciaire, mais ils ont le véritable pouvoir

9
 �����������������������������������������������������������������������������������������������
M. Żurowski, « Criterium distinctionis inter potestatem administrativam, iudicialem et volunta-
riam »,Periodica, 50 (1971), p. 643-651 ; G. Casuscelli, « Premesse per uno studio del contenzioso am-
ministrativo canonico », [in :] La Chiesa dopo il Concilio, vol. II, partie 1, Roma 1972, p. 328-329; A.
Ranaudo, « Le funzioni amministrativa e giudiziarie della Chiesa dopo il Concilio Vaticano II », Monitor
Ecclesiasticus, 94 (1967), p. 307-321.
Les bases de l’organisation administrative dans l’Église Catholique 185

juridictionnel, et ils peuvent l’exercer en lien de dépendance envers l’organe de base.


Le besoin d’appliquer dans l’Église un tel principe de partage du pouvoir aux organes
du pouvoir subsidiaire dans l’Église a été à plusieurs reprises signalé par le Pape Paul
VI dans ses discours prononcés à l’occasion des travaux de réforme du Code du Droit
Canon10. Ce genre d’organes du pouvoir administratif, créés par l’application du principe
de la séparation des pouvoirs au niveau central de l’Église sont les congrégation de la
Curie Romaine, et au niveau de l’Église locale – le vicaire général, le vicaire épiscopal.
Moyennant quoi on peut distinguer dans l’Église les organes subsidiaires spécialisés du
pouvoir administratif et les organes du pouvoir judiciaire, et pas seulement les organes
qui exercent la fonction administrative et judiciaire.

2. Les principes de la concentration


et de la déconcentration du pouvoir

Il importe de distinguer le phénomène de la concentration et de la déconcentration,


d’un côté, et le phénomène de la centralisation et de la décentralisation, de l’autre , bien
qu’ils soient liés entre eux par leur signification. La concentration désigne le cumul des
pouvoirs dans les mains d’un sujet ou d’un petit groupe de sujets. Par contre la décon-
centration des pouvoirs désigne la répartition des compétences en un domaine sur un
plus grand nombre d’organes, qui précédemment avaient été cumulées dans la personne
d’un seul. Le processus de la décentralisation ne signifie pas la privation totale pour l’or-
gane déconcentré de ses compétences exercées jusqu’alors ; cet organe garde toujours
la possibilité d’exercer ses compétences, mais les organes créés par suite de la décon-
centration peuvent prendre des décisions, non pas en leur nom propre, mais au nom de
l’organe déconcentré11.
La méthode de la déconcentration des pouvoirs dans l’Église est appliquée avant tout
dans le processus de création des organes subsidiaires dotés du pouvoir ordinaire vicarial
et les organes dotés seulement du pouvoir délégué. Comme les organes de base des pou-
voirs dans l’Église, à qui revient la plénitude de pouvoir de par la disposition du Christ,
ne peuvent pas exercer leurs tâches de manière pleinement autonome pour le bien de la
communauté de l’Église, pour cette raison, ont été créés les organes subsidiaires qui par-
ticipent au pouvoir des organes de base du pouvoir. La déconcentration peut concerner le
domaine du pouvoir administratif, judiciaire ou seulement des autorisations de contrôle
ou de coordination. D’habitude les organes de base du pouvoir dans l’Église se réservent
des compétences législatives, et partagent leurs compétences administratives et judiciai-
res avec les organes subsidiaires.
Le processus de la déconcentration des pouvoirs dans l’Église s’opère dans deux
directions: horizontale et verticale.
1. Dans la direction horizontale la déconcentration se fait au même degré du pouvoir.
A l’échelle du pouvoir suprême de l’Église, à ce processus est soumis le pouvoir de Pon-
10
Paul VI, Discours 27 I 1969, Acta Apostolicae Sedis 61 (1969), p. 174-180; 28 I 1971; 63 (1971),
p. 135-142; 8 II 1973; 65 (1973), p. 95-103.
11
J. Krukowski, Administracja w Kościele, p. 48-52.
186 Józef Krukowski

tife Romain et au niveau des Églises particulières – le pouvoir des évêques diocésains.
Au cours de ce processus, à l’échelle centrale a été créée la Curie Romaine, à l’échelle
locale – les curies diocésaines.
2. Dans la direction verticale – le Pontife Romain confère la provision de certaines
de ses compétences aux évêques de l’Église, ou l’évêque diocésain confie une partie de
ses compétences aux organes hiérarchiquement inférieurs, c’est-à-dire aux curés, aux
doyens, aux vicaires paroissiaux.
À l’échelle centrale, les organes du pouvoir administratif créés par suite de la décon-
centration sont les dicastères de la Curie Romaine. À l’échelle de l’Église particulière –
le vicaire général et les vicaires épiscopaux.
Dans la science du droit canonique, l’explication de la nature des organes subsidiai-
res créés selon la déconcentration a été largement discutée. La discussion se concen-
trait principalement sur la question de savoir si le pouvoir des organes subsidiaires est
un pouvoir ordinaire ou seulement un pouvoir délégué12. L’explication de ce problème
dépend beaucoup de la théorie adoptée : la théorie organique du sujet du pouvoir ou la
théorie personnaliste. Selon la première, le fondement sur lequel repose un pouvoir,
c’est l’office; selon la deuxième – le fondement c’est la personne physique qui exerce la
fonction d’organe du pouvoir13. La déconcentration concerne l’office en tant qu’organe
de base et non pas les droits confiés à une personne physique titulaire de cet office. C’est
pourquoi il faut constater que les organes subsidiaires apparus suite à la déconcentration
participent au pouvoir de l’organe de base compris comme office, et non pas à la fonc-
tion personnelle du titulaire de l’organe de base. Les organes subsidiaires possèdent le
pouvoir ordinaire vicarial lorsqu’ils sont institués de plein droit avec leurs compétences
de manière durable. Les organes principaux se caractérisent par le trait de supériorité par
rapport aux organes vicariaux, et les organes vicariaux se caractérisent par l’infériorité
par rapport à l’organe principal. Les organes dotés d’un pouvoir vicarial ont un caractère
participatif et dépendant de l’autorité principale14.
L’identité de la nature de l’organe de base et de l’organe subsidiaire n’exclut une
éventuelle différence que dans le domaine du pouvoir de ses deux organes. La sphère du
pouvoir des organes subsidiaires est habituellement limitée à une fonction déterminée,
soit par la loi constituant le type d’office subsidiaire auquel est attaché un pouvoir, soit
par un mandat spécial de l’organe de base. Le titulaire de l’organe de base peut se réser-
ver des compétences données au moment de la nomination du titulaire de l’organe subsi-
diaire ou plus tard, en vertu du principe qu’il peut exclure de la sphère des compétences
de l’organe subsidiaire une affaire pour la traiter personnellement15. Le fait de ne pas
amener un organe subsidiaire à la destruction, c’est-à-dire au rôle d’organe de pouvoir
délégué, par une restriction excessive de ses compétences, est un minimum requis que

Cf. G. Delgado, Desconcentraciòn organica y potestad vicaria, Pamplona 1971, p. 9-20.


12

J. A. Souto, « Los cooperators del Obispo diocesano », [in :] La function pastoral de los obispos,
13

Salamanca 1967, p. 147.


14
G. Delgado, Desconcentraciòn organica y potestad vicaria, p. 54-56; C. Diego-Lora, Poder jurisdic-
cional y funccion de la justicia en la Iglesia, Pamplona 1976, p. 31-33.
15
M. Conte a Coronata, Institutiones iuris canonici, vol. I, Roma 1950, p. 149; J. Chelodi, Ius canoni-
cum de personis, Vincenza 1957, p. 319; M. Petroncelli, Diritto canonico, Roma 1963, p. 186.
Les bases de l’organisation administrative dans l’Église Catholique 187

l’organe de base doit remplir pour se réserver des compétences de l’organe subsidiaire
muni du pouvoir ordinaire vicarial16.
Dans le processus de la déconcentration, sont créés dans l’Église des organes sub-
sidiaires spécialisés dans le domaine du pouvoir administratif ou du pouvoir judiciaire.
Ce phénomène se produit aussi bien à l’échelle centrale qu’à l’échelle des Églises parti-
culières. Le besoin de poursuivre le processus de spécialisation des organes subsidiaires
a été l’objet d’une attention particulière lors des travaux sur la réforme du Code du
Droit Canonique. Le problème qui a soulevé beaucoup de controverses à l’époque est
la création dans l’Eglise d’organes spéciaux du pouvoir ecclésial à caractère de pouvoir
ordinaire vicarial qui auraient la charge de résoudre des litiges administratifs. Les idées
articulées dans la science du droit à propos de ce problème peuvent être regroupées en
deux opinions différentes.
La première opinion est apparue dès avant le Concile Vatican II. Selon les partisans
de cette opinion, les litiges administratifs dans l’Église doivent être réglés uniquement
par des organes administratifs, et les autres litiges doivent être réglés par des tribunaux
ordinaires. Les litiges administratifs devraient être exclus de la compétence des organes
du pouvoir judiciaire17.
La deuxième opinion a été développée après le Concile Vatican II. Les partisans
de cette opinion partagent le point de vue selon lequel on ne peut pas appliquer dans
l’Église le principe de la séparation des pouvoirs comme c’est le cas dans les États démo-
cratiques, mais ils voient une possibilité de déconcentration du pouvoir judiciaire dans le
domaine de la résolution des litiges administratifs. Bien que, dans le Can. 1601 du Code
du Droit Canonique de 1917 la résolution des litiges administratifs ait été confiée unique-
ment aux organes du pouvoir administratif, munis de pouvoir ordinaire vicarial que sont
les congrégations de la Curie Romaine, l’exercice du pouvoir dans ce domaine doit être
cependant confié aussi aux organes du pouvoir judiciaire18. Les tribunaux administratifs
sont plus objectifs que les tribunaux ordinaires, ils sont au service non seulement du bien
des personnes privées,mais aussi au service du bien public de l’Église19. La position des
partisans de cette opinion a reçu l’approbation du Pape Paul VI et a été exprimée dans
16
G. Delgado, Desconcentraciòn organica y potestad vicaria, p. 50.
17
F. Roberti, De processibus, vol. I, Roma 1956, p. 103-119, en particulier p. 112-114 ;J. Johnson, « De
distinctione inter potestatem iudicialem et administrativam in iure canonico », Apollinaris, 9 (1936), p. 259-
263 ; L. Uprimny, « De la distincion entre las funciones judical y administrativa », [in :] Questoni attuali
di diritto canonico, vol. II, Roma 1955, p. 483-496 ; A. Vitale, « Notte sul problema delia distinzione fra
giurisdizione ed administrazione nel diritto canonico », Il Diritto Ecclesiastico, 84 (1973), p. 307-308. R.
Coppola, « Riflessioni sulla istituzione della seconda sezione della Segnatura Apostolica », Apollinaris, 43
(1970), p. 358-372.
18
K. Mörsdorf, « De relationibus inter potestatem administrativam et iudicialem in iure canonico », [in
:] Questioni attuali, p. 401-418 ; C. Oviedo Caveda, Teoria general del resurso judicial, «Estudios. Revista
de los Padres de La Orden de la Merced 11 (1955), p. 105-106 ; Ch. Lefebvre, « Pouvoir judiciaire et pouvoir
executif dans l’Église post-conciliaire », Apollinaris, 43 (1970), p. 345-358; G. Delgado, Desconcentraciòn
organica y potestad vicaria, p. 235-262 ; J. A. Souto, « La funcion del gobierno, Ius Canonicum » 11 (1971),
p. 200-203 ; J. Traserra, La tutela de los derechos subjectivos frente a la Administraciòn ecclesiastica, Bar-
celona 1972, p. 52-53 ; A. Ranaudo, Il contenzioso amministrativo canonico, Monitor Ecclesiasticus » 93
(1968), p. 550-551 ; C. Diego-Lora, Poder jurisdiccional y funccion de la justicia en la Iglesia, p. 95-108.
19
J. Gordon, « De iustitia administrativa ecclesiastica tum transacto tempore tum hodierno », Periodi-
ca, 61 (1971), p. 375.
188 Józef Krukowski

la décision de confier au Tribunal Suprême de la Signature Apostolique les compétences


pour traiter des litiges administratifs à l’échelle centrale de l’Église en vertu de la Consti-
tution apostolique Regimini Ecclesiae Universae (art. 106) du 15 août 196720. La Com-
mission Pontificale pour la Révision du Code du Droit Canonique a préparé un projet de
créer dans l’Église des tribunaux administratifs aux côtés des conférences des évêques21.
Cependant ce projet n’a pas été réalisé dans le Code du Droit Canonique de 1983. Il est
l’objet de postulats soumis au législateur, car un tribunal administratif dans l’Église ne
satisfait pas aux besoins de la communauté religieuse à dimension universelle.

3. Les principes de la centralisation et de la décentralisation du pouvoir

Les notions de centralisation et de décentralisation, qui s’opposent, désignent des


relations établies dans les structures sociales où existe un système d’organes soumis
dans l’ordre vertical – les organes centraux de degré supérieur exerçant le pouvoir sur
toute la communauté, et les organes de degré inférieur, non centraux, dont la domaine de
compétence ne s’étend pas sur toute la communauté, mais sur une part délimitée selon le
territoire ou les personnes, qui peuvent agir par rapport à une partie de la communauté
donnée22.
Dans l’administration de l’Église, il existe un système hiérarchique du pouvoir. Le
phénomène de la centralisation et de la décentralisation dans l’Église peut se réaliser
dans la disposition du domaine du pouvoir entre les organes suprêmes que sont le Pontife
Romain avec la Curie Romaine, et les évêques des Églises particulières qui leur sont su-
bordonnés. Les deux sujets sont par la disposition divine; on ne peut pas les anéantir par
l’introduction de deux modèles extrêmes de régime que seraient le totalisme, c’est-à-dire
une limitation totale de l’autorité des évêques par le Pontife Romain, ou l’autonomie,
c’est-à-dire l’indépendance des évêques dans leurs Églises particulières par rapport au
Pontife Romain23. Le partage des compétences entre les organes du pouvoir suprême
de l’Église Universelle et les organes du pouvoir dans les Églises particulières devrait
être opéré compte tenu de deux besoins qui sont, d’un côté, le maintien de l’unité in-
térieure de l’Église, et de l’autre – la satisfaction maximale des besoins spirituels des
fidèles.
Le partage réel de ces compétences, entre les organes du pouvoir suprême de l’Église
et les organes du pouvoir dans les Églises particulières, a subi une évolution importante
dans l’histoire de l’Église. Les Églises particulières jouissant d’une grande autonomie
aux premiers siècles, l’ont perdue (notamment au Moyen Age) à la suite des tendances
centralistes qui avaient pour but de renforcer l’unité de l’Église et de garder son indépen-
dance par rapport aux autorités civiles. Les papes se sont alors réservés de nombreuses
compétences qui appartenaient avant aux différents organes, tels les évêques diocésains,

Acta Apostolicae Sedis, 59 (1967), p. 885-926.


20

J. Krukowski, Sprawiedliwość administracyjna w Kościele, Lublin 1979, p. 37-40 et p.92-104.


21

22
Cf. J. Krukowski, Administracja w Kościele, p. 52-58.
23
Cette autonomie complète des évêques dans leurs Églises particulières a été adoptée par les Églises
orthodoxes et protestantes.
Les bases de l’organisation administrative dans l’Église Catholique 189

les métropolitains, ou aux synodes des Églises particulières. En raison de tendances à


la décentralisation de l’Église – tendances dictées par des besoins pastoraux – certaines
facultés de caractère administratif – en particulier dans la concession des dispenses des
normes du droit canoniques universel – ont été accordées par les papes aux évêques pour
une période de quelques années, aux pays de mission d’abord (à partir de 1637), puis ils
les ont étendues progressivement aux autres pays.
Les aspirations décentralisatrices dans l’Église se sont ravivées pendant le Concile
Vatican II. En les avançant, on soulignait que le Pontife Romain devrait rendre aux évê-
ques les compétences qu’il s’était réservées aux cours des siècles précédents et que les
réservations durables ne favorisaient pas, pour les évêques, la possibilité de répondre
aux besoins spirituels des fidèles des Églises particulières. Ce postulat de décentrali-
sation a été accepté comme une des indications par la Commission Pontificale pour la
Révision du Code du Droit Canonique24.
L’application de ce principe dans l’Église ne peut pas violer l’ordre hiérarchique. Ce
principe doit concerner la révision des compétences des organes centraux du pouvoir ec-
clésial dans la sphère de l’administration. Les organes du pouvoir central ont à transmet-
tre les compétences administratives aux organes du pouvoir des Églises particulières.

4. Le principe de coordination

La coordination consiste à établir un accord, à harmoniser et à associer les actions


des différentes unités ou équipes, afin d’atteindre le but des biens communs qui sont
dans l’intérêt de ces unités, et conformément aux objectifs généraux de la communauté.
La coordination est un impératif essentiel de chaque structure sociale plus grande. Elle
a deux aspects : négatif et positif. Elle consiste à ce que les unités appartenant à un tout
organisationnel donné ne se dérangent pas mutuellement, mais qu’elles s’entraident25.
Dans l’Église, qui est une communauté hiérarchique composée de nombreuses uni-
tés d’organisation participant la réalisation de la même mission, il y a un besoin de
coordination. Le principe de coordination doit être adapté aux fonctions spécifiques de
l’Église. La faculté de coordonner doit être confiée aux organes appropriés, liés entre
eux, soit au niveau vertical – en raison de leur dépendance hiérarchique (par exemple
la relation les dicastères de la Curie Romaine et les évêques des Églises particulieres),
soit au niveau horizontal – dans la coopération avec les organes munis de compétences
du même genre (par exemple la coordination des charges entre les évêques de la même
province ecclésiastique, entre les vicaires généraux du même diocèse, entre les curés du
même diocèse, entre les vicaires paroissiaux de la même paroisse).
Le législateur suprême ecclésial applique la coordination à différents degrés de la
structure hiérarchique de l’Église et indique les organes qui sont autorisés à entreprendre
le principe de coordination. A l’échelle centrale de l’administration ecclésiale, c’est le
Secrétaire d’État qui est autorisé à entreprendre les actions de coordination des dicas-

24
« Communicationes » 1 (1969), p. 80 et suiv.
25
T. Kotarbiński, Traktat o dobrej robocie, Wrocław 1965, p. 207 ; J. Krukowski, Administracja w Ko-
ściele, p. 56-58.
190 Józef Krukowski

tères de la Curie Romaine. Pour ce faire, il est compétent pour convoquer des séances
de tous les préfets de dicastères de la Curie Romaine (Pastor Bonus, n° 40)26. En outre,
les préfets de chaque dicastère ont des compétences de coordination dans la sphère de la
coordination des actions dans un domaine défini du travail pastoral dans toute l’Église.
À l’échelle des Églises particulières, la coordination doit être menée par l’évêque dio-
césain. Dans le nouveau Code du Droit Canonique, le législateur dispose que l’évêque
doit prendre soin personnellement de ce que les différentes formes d’apostolat dans son
diocèse et dans ses parties, tout en gardant sauf le caractère propre de chacune d’elles,
soient coordonnées (Can. 394 § 2). L’évêque diocésain doit coordonner l’action pasto-
rale de ses vicaires généraux et épiscopaux. Là où ce serait utile, l’évêque diocésain peut
nommer le modérateur de la curie diocésaine qui aura la charge de coordonner toutes les
affaires administratives du diocèse entier, de même que le travail de chaque employé de
la curie diocésaine (Can. 473 § 2).

5. Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité définit les relations entre les sujets de la vie sociale dans
les sociétés d’État. Selon le postulat de Pie XII, il doit être appliqué aussi dans la vie de
l’Église, mais en préservant sa structure hiérarchique27. Ce principe a été pris en consi-
dération par la Commission Pontificale pour la Révision du Code du Droit Canonique
lors des travaux sur la révision des relations entre les organes suprêmes de l’Église uni-
verselle et les évêques des Églises particulières, afin de respecter l’autonomie qui leur
revient dans l’exercice du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire28.
En effet, après le Concile Vatican II, les évêques des Églises particulières ont été mis
en face d’un large domaine de compétences notamment dans la constitution des actes
normatifs qui, auparavant, étaient réservés au Siège Apostolique à partir du motu pro-
prio du pape Paul VI „Pastorale minus”29. Les compétences qui étaient progressivement
conférées par le pape aux évêques des Églises particulières, ont trouvé leur confirmation
dans les dispositions du Code du Droit Canonique de 1983.
Le problème de la réalisation dans l’Église du principe de subsidiarité, dans la rela-
tion entre l’Église universelle et les Églises particulières, dans le contexte de la percep-
tion de l’Église comme communio Ecclesiarium a été l’objet de débats lors du Synode
des Évêques en 1985. Le postulat a été avancé d’accorder à ce principe une plus large
sphère dans l’Église catholique.

26
Jean Paul II, Constitution apostolique Pastor Bonus, 28 juin 1988, Acta Apostolicae Sedis 80 (1988),
p. 841-934.
27
Pius XII, Allocutiones, 20 II 1946, Acta Apostolicae Sedis 38 (1946), p. 144-145; P. Erdö, Teologia
del diritto canonico – un approccio storico instituzionale, Torino 1996, p. 121-122.
28
J. Krukowski, « Zasada pomocniczości w prawie kanonicznym », Zeszyty Naukowe KUL, 14 (1971),
no 4, p. 51-107.
29
J. Krukowski, « Podmiot uprawnień w motu proprio Pastorale munus », Roczniki Teologiczno-Ka-
noniczne, 15 (1968), cahier 5, p. 103-117.
Janus z N ic zyporuk

La personnalité de la personne physique


dans le droit administratif

La question de la personnalité de la personne physique dans le droit administratif n’a


pas été jusqu’à l’heure actuelle un sujet de réflexion scientifique approfondie, qui consti-
tuerait une conception théorétique homogène. Il est vrai que souvent on peut trouver
des considérations intéressantes sur ce sujet, mais d’habitude elles sont dirigées sous un
angle strictement profilé. Bien qu’elles se situent au cœur de la question de la personna-
lité de la personne physique dans le droit administratif, néanmoins elles ne constituent
malheureusement pas un essai de formulation des principes généraux. Étant donné l’uti-
lisation de systèmes conceptuels divers, il n’est pas possible de faire une simple inté-
gration de l’acquis scientifique recueilli. Jusqu’à l’heure actuelle on réfléchissait parti-
culièrement au moins : au statut du citoyen dans le droit administratif, à l’estimation par
l’administration des droits de l’homme, à la situation de l’unité de droit administratif1.
Tandis que le fait de se référer à des notions plus générales, qui permettront de changer
la manière de percevoir la question traitée ici, devient indispensable, compte tenu des
bases philosophiques de la problématique de la personnalité humaine.
Ainsi il faut remarquer à ce propos qu’on s’identifie généralement aux notions suivan-
tes : l’individu, la personne humaine ou l’homme. Néanmoins les différences historiques
et idéologiques se cachent derrière elles. À ce propos il est possible de souligner ici, que
des libéraux parlent le plus souvent de la notion de « l’individu », par contre la notion
de la personne humaine est caractéristique du personnalisme catholique, en revanche
« l’homme » est une notion qui est assez neutre dans ce contexte2. Bien que dans la pen-
sée philosophique on présente à la fois les deux conceptions de base concernant « l’hom-
me », de la perspective des considérations ontologiques dans un large contexte de l’âme
et du corps, à savoir : moniste et dualiste3. Le fait de formuler un discours philosophique
concernant « l’homme » parait être aussi important au sens descriptif qu’axiologique4.

1
Voir E. Smoktunowicz, « Status administracyjnoprawny obywatela », [in :] System prawa adminis-
tracyjnego, t. IV, sous réd. De T. Rabska, Ossolineum 1980, p. 5-109 ; T. Jasudowicz, Administracja wobec
praw człowieka, Toruń 1996 ; T. Bąkowski, Administracyjnoprawna sytuacja jednostki w świetle zasady
pomocniczości, éd. Wolters Kluwer, 2007.
2
Voir. H. Izdebski, Fundamenty współczesnych państw, Varsovie 2007, p. 26-27.
3
Voir A. Breczko, Podmiotowość prawna człowieka w warunkach postępu biotechnomedycznego,
Białystok 2011, p. 86-119.
4
Ibid., p. 81.
192 Janusz Niczyporuk

En tout cas il n’y a pas de définition philosophique unique généralement acceptée de


l’individu, de la personne humaine ou bien de l’homme. Une telle définition constituerait
la base sur laquelle se fonderait une notion appropriée dans la jurisprudence.
Cependant la notion de la personne la plus commune dans la jurisprudence a un ca-
ractère purement technique et n’a pas de rapports avec les contenus concrets de la phi-
losophie5. Tout d’abord cette notion/conception fonctionne dans le cadre de la division
des sujets de droit en : personnes physiques et personnes morales. À partir de ces consi-
dérations la notion de la personne physique prend maintenant évidement une importance
particulière. Elle se rapporte directement aux conceptions philosophiques de la personne
humaine et de l’homme, surtout dans un contexte d’imputation de droits naturels, mais
elle est complètement détachée des classifications faites sur un terrain philosophique.
La conception de la personne physique est comprise dans une notion plus vaste du sujet
de droits. Il est possible de distinguer trois unités dans un catalogue des sujets de droit :
personnes physiques, personnes morales et unités organisationnelles n’ayant pas de per-
sonnalité juridique6. Dans ce sens la personne physique se réfère à la compréhension
philosophique de l’individu.
Dans la culture européenne du droit, l’idée de l’individu muni de la personnalité
morale s’est formée7. Cette concentration explicite sur l’individu résultait de l’anthro-
pocentrisme. L’interprétation du monde exclusivement du point de vue de l’expérience
humaine a élaboré l’idée de l’homme « abstrait », détaché du reste de la société, qui
en théorie a été englobée dans la construction juridique de la personne physique. Il est
certain que cela ne mène pas à l’omission des liens sociaux de l’homme, mais souligne
uniquement l’importance de l’individu pour tout ordre juridique. De cette manière on
a mis en valeur non seulement le statut des personnes physiques, mais aussi par analogie
le statut des personnes qui sont sujets de droit et des unités organisationnelles n’ayant
pas de personnalité juridique. Compte tenu de ce qui précède, l’homme parait être un
support de la personne physique, en revanche l’unité organisationnelle reste un substrat
des personnes juridiques et organisationnelles sans personnalité juridique.
Bien que la notion de la personne physique fonctionne avant tout dans le droit civil,
du point de vue des considérations sur la personnalité juridique elle devient indispen-
sable aussi dans le droit administratif. Naturellement apparaissent ici des particularités
relatives à la compréhension de la notion de la personne physique dans les limites de ces
deux branches du droit. En effet il ne s’agit pas de la construction juridique de la notion
de personne physique, mais plutôt du droit de l’utiliser dans certaines situations. Il faut

5
Voir B. Brożek, « Pojęcie osoby w dyskusjach bioetycznych », [in :] J. Stelmach, B. Brożek, M.
Soniewicka,W. Załuski, Paradoksy bioetyki prawniczej, Varsovie 2010, p. 49 et suiv.
6
Voir l’art. 29 de la loi du 14 juin 1960 – Code d’Instruction Administrative (J.O. de 2000 r. No 98, texte
1071 avec les modifications ultérieures.) ; mais l’art. 2 de la loi 3 du Code Européen de Bonne conduite
administrative adopté par le Parlement Européen le 6 septembre 2001 évoque déjà que la notion de l’unité
n’englobe que des personnes physiques et celles morales, [in :] J. Świątkiewicz, Europejski Kodeks Dobrej
Administracji (texte et commentaire sur l’application du code dans les conditions des procédures adminis-
tratives polonaises), Varsovie 2002, p. 11 ; La notion de l’individu englobe analogiquement les personnes
physiques et morales selon K. Scheuring, Ochrona praw jednostek w postępowaniu przed sądami wspólno-
towymi, Wolters Kluwer, 2007, p. 48-49.
7
Voir I. C. Kamiński, Słuszność i prawo. Szkic porównawczy, Zakamycze 2003, p. 184 et suiv.
La personnalité de la personne physique dans le droit administratif 193

attacher une importance particulière surtout à la notion secondaire du citoyen, c’est à


dire de la personne physique liée à l’État par un lien spécifique dont résultent leurs
droits et obligations réciproques. Nous avons à faire à une situation analogue à la notion
du citoyen de l’Union Européenne, introduite récemment. Les transformations dans les
relations avec un pouvoir public compris de manière générale deviennent même un pré-
texte pour remplacer la notion du citoyen par celle de l’individu. De même que parfois la
notion des droits publics subjectifs est remplacée par la notion des droits de l’homme8.
Une pleine compréhension des transformations en cours dans l’administration pu-
blique revêt également une dimension symbolique, car la séparation traditionnelle de
la sphère des relations entre l’office et le citoyen s’avère insuffisante. Toutefois il est
possible de continuer à dire qu’elle marque une césure entre le domaine où l’ingérence
de l’administration publique s’effectue librement et celui dans lequel elle est exclue ou
-au mieux- limitée par la loi9. Qui plus est, dans les matières régies par la procédure ad-
ministrative au moyen d’actes administratifs, la sphère des relations entre l’ « office et le
citoyen » est actuellement limitée au domaine des relations entre l’ « office et le deman-
deur »10, domaine qui est en général l’objet d’une évaluation négative. Cependant nous
avons à faire de plus en plus souvent à une séparation du domaine des relations entre
l’« office » et le « client », dans lequel le citoyen devient en réalité un bénéficiaire des
services de l’administration publique. C’est pourquoi on peut parler du dualisme de la
relation citoyen – « client », car la notion de citoyen est liée à l’administration publique,
et celle de client à l’économie de marché11.
La personne physique est un concept juridique en droit administratif, mais n’a pas de
définition légale12. C’est d’ailleurs une situation à laquelle nous avons à faire dans tout
le système juridique. Qui plus est, il n’y a pas non plus de définition juridique unique
de la personne physique en droit administratif. En réalité on ne peut pas en trouver une
par référence à l’ensemble du système juridique. Par conséquent la personne physique
semble être un concept juridique à caractère primordial qui constitue une entité généra-
lement simple, et ne se prête donc pas à des tentatives de définition complexes. En outre
il semble plutôt indubitable que la personne physique comporte une structure juridique
complexe, dotée de caractéristiques définies et dans laquelle il s’agit toujours de l’être
humain, car il en est un élément indispensable. Ainsi l’être humain devient une personne
physique, non eu égard à ces attributs naturels, mais en se concentrant surtout sur l’ordre
juridique en vigueur. En autres termes, la personne physique reflète la nature de l’exis-
tence de l’homme juridique.
En tout cas la personne physique est un concept déterminé par les normes du droit
administratif. D’une part l’homme constitue donc l’objet de la réglementation juridique,

8
Voir M. Stahl, « Od obywatela do człowieka. Kilka refleksji w kwestii przemian w relacjach między
jednostką a władzą publiczną », [in :] Między tradycją a przyszłością w nauce prawa administracyjnego. Li-
vre de mémoire consacré au Professeur Jan Boć, sous la réd. de J. Supernat, Wrocław 2009, p. 664 et suiv.
9
Voir J. Łętowski, Administracja, prawo, orzecznictwo sądowe, Ossolineum, 1985, p. 32-33.
10
Ibid., p. 34.
11
Voir B.Guy Peters, J.Pierre, « Zakończenie », [in : ] Nauka administracji, sous la réd de B. Kudrycka,
B. Guy Peters, P. J. Suwaj, Varsovie 2009, p. 567.
12
Voir l’art. 2 point 3 de la loi du 24 avril 2003 r. sur l’activité d’utilité publique et sur le bénévolat (J.
O. de 2010 r. No 234, texte 1536 avec les modifications ultérieures).
194 Janusz Niczyporuk

mais de l’autre il en constitue en même temps le sujet. Il vaut également la peine de


souligner ici que la personnalité de l’homme a été reconnue dès l’origine comme sujet
de droit administratif. La genèse du droit administratif moderne remonte à la période de
la Grande Révolution Française, quand la sujétion a été immédiatement remplacée par
la citoyenneté et que des droits envers l’administration ont été accordés au citoyen13.
Dans d’autres branches du droit, la reconnaissance de l’homme comme sujet de droits
a été par contre le résultat d’une évolution qui a également pris fin sous l’influence de
la Grande Révolution Française. Pour fournir une illustration nécessaire, on peut citer à
titre d’exemple le fait qu’à l’origine l’esclave était en dehors du droit romain et qu’on le
traitait comme un instrument doté de la parole. En général il faut reconnaître que l’hom-
me est un sujet de droit administratif du moment de sa naissance à celui de sa mort.
Le problème de la période de la vie humaine du point de vue de sa reconnaissance
comme sujet de droit administratif ne cause pas de controverses aussi intenses que dans
d’autres autres branches du droit. En effet le droit administratif ne s’occupe pas de la
protection de la vie humaine depuis la conception jusqu’à la mort. En particulier il omet
les questions complexes de la relation envers le fœtus humain et envers l’euthanasie.
Dans ce cas le droit administratif se réfère, si besoin est, aux conclusions déterminantes
établies en droit civil et en droit pénal. Il a néanmoins un réel rôle pratique à jouer, car il
règlemente la tenue des actes d’état civil, c’est à dire il traite de l’acte de naissance et de
l’acte de décès14. Seule la question des déchets médicaux, qui peuvent inclure des parties
vivantes du corps humain suscite certaines controverses en droit administratif.
Le moment où la personne physique atteint sa majorité a une importance analogue
en droit administratif que dans les autres branches de la loi, étant donné entre autres la
possibilité d’obtenir une carte d’identité ou un passeport15. La personne physique atteint
en général la majorité à dix-huit ans. On introduit souvent des exceptions prévues pour
des situations particulières, ce qui est généralement lié à l’attribution de certaines obli-
gations aux mineurs. Par conséquent il est possible d’indiquer ici, que le passeport tem-
poraire est délivré au mineur seulement jusqu’à la date de son cinquième anniversaire16.
D’habitude le statut des mineurs est différencié dans le droit administratif en fonction de
l’âge. Ce statut différent se manifeste à l’occasion des collectes publiques pour lesquel-
les on vérifie si l’âge de seize ans est atteint ou non17.
Comme la personne physique est un sujet de droit administratif, elle doit être soumise
aux dispositions légales. La personne physique en qualité de sujet du droit administratif
constitue une notion issue de l’importance de la norme juridique et d’autres critères ac-
ceptés par elle. Notamment les déclarations de volonté, les décisions administratives et

Voir D. Malec, J. Malec, Historia administracji nowożytnej, Cracovie 1996, p. 57.


13

Voir l’art. 1 de la loi du 29 septembre 1986. – Loi sur les actes de l’état civil (J. O. de 2011 no 212,
14

texte 1264 avec les modifications ultérieures.).


15
Voir l’art. 34 de la loi 1 alinéa 1 de la loi du 10 avril 1974 sur recensement de la population et des
cartes d’identité (J. O. de 2006, No 139 texte 993 avec les modifications ultérieures.) ; art. 7 titre 1 de la loi
du 13juillet 2006 sur les passeports (J.O. No 143, texte 1027 avec les modifications ultérieures).
16
Voir l’art. 21 titre 1 de la loi du 13 juillet 2006 sur les passeports (J. O. No 143, texte 1027 avec les
modifications ultérieures.).
17
Voir l’art. 7 titreeu 1 a de la loi du 15 mars 1933 sur les collectes publiques (J. O. No 22, pos.. 162
avec les modifications ultérieures).
La personnalité de la personne physique dans le droit administratif 195

les normes extrajudiciaires18. Du point de vue de l’importance de la norme juridique, il


paraît nécessaire de différencier entre celle qui crée le sujet de droit (normes de droit de
régime), celles qui désignent la capacité du sujet de droit à transformer des rapports juri-
diques en vigueur (norme de droit matériel) et celles qui définissent le mode de concré-
tisation des droits et des obligations du sujet de droit (norme de droit procédural)19.
Pourtant la distinction entre les normes s’efface trop souvent dans le droit administratif,
c’est pourquoi la personne physique est soumise d’habitude de manière sélective à la
réglementation juridique. Il est certain que la personne physique comme sujet de droit
administratif est déterminée en général par la force obligatoire de la norme de droit ad-
ministratif de manière directe.
Quant aux autres critères pour considérer la personne physique comme sujet du droit
administratif, admis ici par la norme juridique, il faut au moins souligner leur spécificité
liée à la totalité de la situation humaine. Tout d’abord cela concerne la possibilité d’avoir
recours au droit d’utiliser la notion physique dans des situations particulières. À diverses
reprises la référence à la notion de la personne physique est seulement sous-entendue.
Sous certaines conditions un enfant peut reprendre la nationalité polonaise, après avoir
déposé une déclaration spéciale devant un organe compétent et cet organe va délivrer
une décision administrative concernant son acceptation20. De même le fait d’accorder le
statut de réfugié à un étranger se passe selon certaines règles, après la délivrance d’une
décision administrative par un organe compétent21. Finalement le droit d’organiser des
rassemblements appartient entre autres aux personnes ayant pleine capacité juridique22.
Le fait de reconnaitre la personne physique comme sujet de droit administratif se
limite clairement à la problématique de sa personnalité de droit administratif. Bien que
dans le droit administratif la définition légale de la personnalité de droit administratif
n’ait pas été formulée, il faut l’interpréter dans le contexte juridique. Pour montrer de
manière juridique le contenu de cette notion de la personnalité de droit administratif il
est important d’établir qu’elle désigne la possibilité d’agir dans les rapports de droit ad-
ministratif comme un sujet distinct porteur de droits et d’obligations23. La personnalité
de droit administratif comprise de cette manière doit être vue primordialement sur le
plan normatif. Bien sûr la personnalité de droit administratif est un trait caractéristique
normatif. Aussi la personne physique ne l’acquiert pas sans l’application d’une règle
juridique. Le niveau normatif de la personnalité de droit administratif se diversifie tra-

18
Voir J.Frąckowiak, « Jednostka organizacyjna jako substrat osoby prawnej i ustawowej », [in : ]
Rozprawy prawnicze. Księga pamiątkowa Profesora Maksymiliana Pazdana, sous réd de L. Ogiegła,
W. Popiołek et M. Szpunar, Zakamycze, 2005, p. 900.
19
Voir W.Maciejko, « Uwagi o przedmiotach norm prawnych i podmiotowości normatywnej » , Admi-
nistracja. Teoria – dydaktyka – praktyka 2007, No 4, p. 85.
20
Voir l’art. 6 titre 3 de la loi du 15 fevrier 1962 sur la nationalité polonaise (J. O. de 2000 r. No 28, texte
353 avec les modifications ultérieures).
21
Voir art. 13 titre 1 de la loi du 13 juin 2003 sur la surveillance des étrangers sur le territoire de la Ré-
publique de Pologne (J.O. de 2006 No 234, texte 1695 avec les modifications ultérieures).
22
Voir art. 3 titre 1 de la loi du 5 juillet 1990 – Droit sur des rassemblements (J. O. No 51, texte 297 avec
les modifications ultérieures).
23
Voir J. Filipek, « O podmiotowości administracyjno-prawnej », Państwo i Prawo 1961, Cahier 2,
p. 209.
196 Janusz Niczyporuk

ditionnellement en européen, national et régional24. Il est possible de construire alors


un modèle tripartite de la personnalité de droit administratif de la personne physique25.
Dans la perspective des considérations ci-dessus, la conséquence en est que la personne
physique dispose de la possibilité d’apparaitre dans les rapports de droit administratif
comme un sujet distinct porteur de droits et d’obligations. Il faut donc comprendre les
rapports de droit administratif qui se forment en résultat des activités de droit administra-
tif de la personne physique26. En faveur d’une telle définition plaide aussi l’opinion selon
laquelle la formation de la personnalité de droit administratif des personnes physiques
se fait uniquement dans le cas des rapports de droit administratif27. En toute certitude il
s’agit ici uniquement des rapports du droit administratif extérieurs, c’est à dire concer-
nant la sphère extérieure de l’activité de l’administration publique. Cependant par l’acte
de droit administratif de la personne physique on comprend une aspiration consciente
à causer des conséquences juridiques28. La notion des rapports de droit privé n’est pas
jusqu’à présent suffisamment divulguée, mais elle se base directement sur la notion que
l’on vérifie dans le rapport de droit administratif
Le fait de traiter la personne physique comme un sujet complètement distinct de droits
et d’obligations indique que celle-ci possède sa propre identité déterminée juridiquement,
ce qui décide à la fois de l’individualité et de l’individualisation de l’homme29. C’est pour-
quoi l’identité de la personne physique est déterminée juridiquement non seulement dans
un aspect purement formel, mais en englobant aussi un aspect informel, lié avant tout à la
personnalité de l’homme30. Les droits et les obligations de la personne physique s’expri-
ment en des termes à la fois juridiques et légaux, qui isolément soit sont des termes incom-
plets ou dépourvus de sens autonome, soit ne peuvent pas être identifiés à eux seuls, dans
la forme prévue pour une définition classique31. Dans le cas de « droits » il est possible de
parler de manière générale d’un choix défini de comportement, tandis que l’ « obligation »
consiste déjà en un ordre ou une interdiction visant un comportement déterminé. En tout
cas il faut comprendre ici le mot « droit » comme « un droit à quelque chose »32.

24
Voir A.Szadok-Bratuń, « Trójwymiarowość przestrzeni podmiotowości prawnej studenta », [in :]
Nowe prawo o szkolnictwie wyższym a podmiotowość studenta, sous la réd. de A.Szadok-Bratuń, Kolonia
Limited 2007, p. 185 et suiv.
25
Ibid.
26
Voir J.Niczyporuk, « Podmiotowość administracyjnoprawna a zdolność administracyjnoprawna – de-
limitacja pojęć », [in :] Współczesne zagadnienia prawa i procedury administracyjnej. Księga jubileuszowa
dedykowana Prof. zw. dr. hab. Jackowi M. Langowi, sous la réd. de Marek Wierzbowski, J.Jagielski, A.Wik-
torowska, E.Stefańska, Varsovie 2009, p. 180-181.
27
Voir J. Starościak, Prawo administracyjne, Varsovie 1978, p. 19.
28
Cf. W. Chróścielewski, « Akt administracyjny generalny », Łódź, 1994, p. 39-40 ; W.Radwański,
Zagadnienia ogólne czynności prawnych [in :] System prawa prywatnego, T. 2, Prawo cywilne – część
ogólna,Varsovie 2002, p. 33.
29
Voir Z. Duniewska, « Tożsamość człowieka w dobie globalizacji (zarys problematyki) », [in :] Eu-
ropeizacja polskiego prawa administracyjnego, sous la réd. de Z. Janku, Z. Leoński, M. Szeczyk, M. Wali-
górski, K. Wojtczak, Kolonia Limited, 2005, p. 273.
30
Ibid.
31
Voir W. Lang, « Pojęcia prawne i prawnicze », [in :] W. Lang, J. Wróblewski, S. Zawadzki, Teoria
państwa i prawa, Varsovie, 1980, p. 325.
32
Voir A.Wróbel, « Prawo podmiotowe publiczne », [in :] System prawa administracyjnego, T.1, Insty-
tucje prawa administracyjnego, sous la réd. de R. Hauser, Z. Niewiadomski, A. Wróbel, p. 314.
La personnalité de la personne physique dans le droit administratif 197

Pour la totalité des considérations sur la personnalité de droit administratif de la per-


sonne juridique il est enfin nécessaire de se rapporter en droit administratif au droit ob-
jectif et au droit subjectif. Bien que traditionnellement le droit subjectif présuppose celui
qui sera reconnu à la personne physique par l’administration, cela se fait de manière
automatique en ce qui concerne l’être humain33. De plus il vaut la peine de souligner
qu’on est une personne physique indépendamment des traits physiques, naturels ou ac-
quis, en particulier cela concerne le degré de développement intellectuel et l’étape du
développement relativement à l’âge. Ainsi la personnalité de droit administratif est donc
une conséquence résultant pour l’homme du droit subjectif, ce n’est jamais un trait phy-
sique humain34. Cependant le droit subjectif indique les obligations envers la personne
physique à maintes reprises. Ces obligations ont été imposées à l’administration publi-
que. Ce qui va de pair, la personne physique doit profiter des revendications par rapport
à l’administration publique en vertu de ses droits publics subjectifs.
La construction de la personnalité de droit administratif de la personne physique est
certainement complexe. La personne physique devient évidement l’élément principal
de son contenu. Cela oblige à constater que la personnalité de droit administratif de la
personne physique est à la fois liée à l’individualité en droit administratif de la personne
physique. Pourtant la personnalité de droit administratif est associée le plus souvent à
la personne morale en droit administratif, mais il faut l’associer de manière parallèle à
la personne physique. Si nous parlons de l’individualité de la personne physique dans
le droit administratif, cela veut dire que nous parlons de la personnalité en droit ad-
ministratif de la personne physique, vu l’admission de toute l’étendue de ses droits et
obligations35. Il est possible de parler d’une telle identification dans le cas de la personne
morale, pourtant cela n’est pas possible dans le cas des unités organisationnelles n’ayant
pas de personnalité morale, ce qui différencie le droit administratif du droit civil36. D’ha-
bitude la construction de la personnalité de droit administratif de la personne physique
doit aussi prendre en considération des éléments accessoires, notamment : le statut, la
capacité, le domaine d’attributions et d’obligations37.
En ce qui concerne le statut de droit administratif de la personne physique, il semble
que l’objectif selon lequel la relation envers l’administration publique qui qualifie la
personne physique paraisse être ici nécessaire38. Il vaut la peine d’ajouter qu’il devrait
être un état et comme tel il devrait se distinguer du droit39. De même l’ « être » et non
pas l’« avoir » juridique de la personne physique constitue le contenu du statut de droit

33
Voir J. Nowacki, Z. Tabor, Wstęp do prawoznawstwa, Wolters Kluwer, 2007, p. 159.
34
Voir. J. Supeł, « W sprawie podmiotowości administracyjnoprawnej », [in :] Prawo do dobrej admi-
nistracji, sous la réd. de Z. Niewiadomski, Z. Cieślak, Varsovie 2003, p. 590.
35
Voir. J. Kosik, Zdolność państwowych osób prawnych w zakresie prawa cywilnego,Varsovie 1963,
p. 24.
36
Voir M. Grążawski, « Podmiotowość i osobowość prawna w prawie administracyjnym », [in :] Insty-
tucje współczesnego prawa administracyjnego. Księga jubileuszowa Profesora zw. dra hab. Józefa Filipka,
sous la réd. de I. Skrzydło-Niżnik, P. Dobosz, D. Dąbek, M. Smaga, Cracovie 2001, p. 228.
37
Voir B. Mielnik, « Kształtowanie się pozapaństwowej podmiotowości w prawie międzynarodowym »
, Prawo CCCVI, Wrocław 2008, p. 29.
38
Dans un contexte de la théorie de statut selon G. Jellinek cette problématique est traitée de manière
générale par R. Alexy, Teoria praw podstawowych, Varsovie 2010, p. 198.
39
Ibid.
198 Janusz Niczyporuk

administratif40. Traditionnellement il faut aussi se référer à quatre statuts de droit ad-


ministratif de la personne physique : passif, négatif, positif et actif41. En conséquence
l’ordre et l’interdiction concernant la personne physique constituent l’essentiel du statut
passif. Puis l’essentiel du statut négatif présuppose de laisser la liberté à la personne
physique. Ensuite le statut positif trouve l’essentiel dans le droit de la personne physique
à quelque chose, et le statut actif dans la compétence de la personne physique42. Le statut
de droit administratif de la personne physique conçu de cette manière cherche du rapport
normatif en position juridique.
Du point de vue de la capacité de la personne physique en droit administratif, l’es-
sentiel consiste à supposer qu’elle définit une qualification technique de la personne
physique dans ce droit par rapport à la possibilité de mettre en œuvre ses droits et ses
obligations43. En réalité elle répond à la question, de ce que signifie le fait d’être une
personne physique dans les rapports de droit administratif, c’est à dire elle n’indique
pas concrètement son identité. Sans la possibilité technique d’exécuter les droits et les
obligations, leur exécution serait tout au plus déclarative en droit administratif. En raison
de la différenciation des possibilités techniques de leur mise en œuvre en droit adminis-
tratif, on est confronté par la distinction entre la capacité juridique et celle d’exercer des
droits Car la capacité juridique indique seulement que la personne physique peut être le
sujet d’autorisations d’obligations définies en droit administratif. Cependant la capacité
d’exercer des droits consiste pour la personne physique à exprimer la volonté par la per-
sonne physique de s’acquitter de ses droits et de ses obligations de droit administratif.
La dénomination du domaine d’attributions et d’obligations de droit administratif
produit la présupposition qu’il s’agit d’un ensemble de toutes les significations de ces
deux termes en droit administratif. Naturellement cet ensemble admet la possibilité que
les attributions et obligations apparaissent ensemble, mais n’exclut pas la possibilité
qu’elles apparaissent séparément. Il en résulte que toutes les significations des termes
indiqués ci-dessus qualifient la personne physique au niveau des relations normatives
complexes. Parfois le domaine des attributions et des obligations de droit administratif
de la personne physique est considéré comme sa compétence. Sans aucun doute nous
avons à faire alors à la compétence de la personne physique selon le droit subjectif44.
Autrement dit, le fait de mettre en œuvre cette compétence par la personne physique
constitue un acte institutionnel d’un caractère conventionnel nettement marqué45. Il faut
toujours distinguer en droit administratif les compétences de la personne physique et
celles de l’organe de l’administration publique.
La création d’une conception homogène de la personnalité de la personne physique en
droit administratif exige tout d’abord la mise au point d’un système cohérent de notions,
qui doit se référer à maintes reprises aux conceptions philosophiques de la personnalité
humaine. Tout d’abord une référence s’impose à la notion elle-même de la personnalité

40
Ibid.
41
Ibid., p. 197.
42
Ibid., p. 207.
43
Voir J. Niczyporuk, Podmiotowość administracyjnoprawna …, p. 182.
44
Voir A.Wróbel, Prawo podmiotowe …, p. 316.
45
Ibid.
La personnalité de la personne physique dans le droit administratif 199

de la personne physique en droit administratif dans un contexte de notions synonymes.


Le plus grand nombre de problèmes se pose quant aux notions auxiliaires, qui doivent de
manière précise définir la notion principale. Vu les différents sens attribués aux notions
auxiliaires, ce n’est pas facile. La conception de la personnalité de droit administratif de
la personne physique doit encore être mise en corrélation avec la conception de la per-
sonnalité de droit administratif des autres sujets administrés, c’est à dire de la personne
morale et de l’unité organisationnelle n’ayant pas de personnalité morale. Parallèlement
les constatations concernant la conception de la personnalité de droit administratif des
sujets qui administrent ne sont pas sans importance.
Iwo na N iżnik- Dobosz

L’esthétique technique dans le droit administratif

1. L’esthétique technique comme notion qui présente


un caractère d’intérêt général

L’une des méthodes de travail de J. S. Langrod dans le domaine de la science du


droit administratif consistait à rédiger des commentaires des arrêts rendus par la Cour
Suprême Constitutionnelle et, ensuite, à en faire de recueils1. Ainsi, ont été créés des
supports didactiques et, en même temps, une matière à discussion pour les travaux du
séminaire conduit par le Professeur. Les recueils ont été systématisés en fonction de la
thématique et des problèmes traités. Par cette approche, « ils facilitaient l’orientation
dans le labyrinthe de questions relevant de la pratique administrative et, en même temps,
faisaient abandonner à celui qui les étudiait, l’attachement aux détails pour le conduire
vers des hypothèses générales »2. Le Professeur tendait à démontrer l’unité entre tous les
domaines du droit administratif (soit les parties spéciales de celui-ci) et, aussi, entre le
droit administratif et les autres branches du droit.
Dans ce domaine, J. S. Langrod rejoignait l’idée de W. L. Jaworski selon laquelle il
n’y a qu’une seule réflexion juridique.
Dans l’un de ses commentaires J.S. Langrod a abordé la problématique de l’esthéti-
que normative, soit, selon la terminologie de W. Jerusalem, de l’esthétique technique.
Selon J. S. Langrod, il n’existe « nul besoin d’expliquer dans quelle mesure les questions
d’esthétique technique, donc d’attitude, de préparation, de goût technique formé, influent
sur l’état et le développement des arts plastiques en général et, notamment, dans le domaine
de la construction ; dans le domaine du droit, elles ont une incidence presque décisive sur les
mutations dans la codification du droit de la construction et sur la formation de ses normes
qui restent d’actualité même dans les matières qui, apparemment, ne revêtent une impor-
tance qu’en termes d’ordre et qui ne servent – paraîtrait-il – qu’à des fins de sécurité »3.
Sur la base de l’exemple du droit de la construction4, J. S. Langrod a formulé la thèse
selon laquelle « en effet, il n’y a pas dans le droit de la construction moderne de normes
1
J. S. Langrod, Zagadnienia wybrane z praktyki administracyjnej, Księgarnia Powszechna, Cracovie,
1938.
2
Ibid., p. 3.
3
Ibid., p.12.
4
L’arrêt de la Cour Administrative Suprême [Najwyższy Trybunał Administracyjny] du 12 octobre
1933, n° 7366/29.
202 Iwona Niżnik-Dobosz

»esthétiquement neutres« : les exigences en matière d’esthétique technique revêtent un


caractère »d’intérêt général« et cessent de relever du domaine exclusif des goûts particu-
liers et de la volonté de l’individu libre de toute contrainte »5.
Ainsi J. S. Langrod attire-t-il l’attention sur le sens esthétique du public comme va-
leur protégée par les normes du droit administratif. Et, selon sa conviction, il incombe
aux normes du droit administratif de protéger et de développer cette valeur.
Il y a lieu de souligner que J.S. Langrod parle d’une révolution dans les notions
fonctionnant dans le droit de la construction, qui consiste dans le fait que la surveillance
de l’état de la construction6, nonobstant la localisation de celle-ci, est assurée par la sur-
veillance préventive et répressive de son aspect dans le cas où cet aspect est extérieur et
accessible au public.

2. La notion d’esthétique technique


et sa traduction en langage du droit

Les idées de J. S. Langrod sur le sens esthétique du public et la notion d’esthétique


technique ont été formulées dans les années trente du XXe siècle. Ainsi, il serait judi-
cieux de vérifier ses thèses à la lumière de la science contemporaine polonaise du droit
administratif.
Au sens étroit de ce terme, l’esthétique technique concerne les thèses ou les normes
qui sont formulées et généralisées par la philosophie selon les critères de l’art et de la
beauté par rapport à la forme extérieure/à l’aspect extérieur et intérieur des ouvrages
techniques, y compris, entre autres, des ouvrages de construction. La notion de valeur
esthétique d’un ouvrage considéré a deux contextes qui restent inextricablement liés
entre eux. Le premier contexte présente une valeur objective et résulte de sa perception
selon le critère de l’art, qui est mesurable. Le deuxième contexte découle de la percep-
tion de l’objet selon le critère de la beauté, qui est immesurable et subjectivement perçue
comme résultat de l’acte de perception de cet objet7.
En effet, dans les émotions esthétiques, il y a deux jugements d’appréciation; le pre-
mier, en fonction de l’art et le second, en fonction de la beauté. Ainsi, les valeurs artisti-
ques exigeant la possession d’un certain savoir demeurent aristocratiques, et les valeurs
esthétiques, comme celles liées à l’émotion du beau, sont démocratiques8.
L’esthétique technique traduite dans la science du droit administratif par la notion de
« sens esthétique du public » n’est pas une notion juridique qu’emploie directement le
législateur contemporain polonais. Cela ne signifie nullement que les questions relevant
5
Ibid. p. 12-13.
6
Je substitue à la notion de construction, employée par J. S. Langrod, la notion actuelle d’ouvrage de
construction. Conformément à l’article 3 de la loi de la construction du 7 juillet 1994, à chaque fois que la
loi parle de : 1) l’ouvrage de construction – il y a lieu de l’entendre comme : a) bâtiment avec les installa-
tions et équipements techniques, b) construction qui constitue un ensemble technique et utilitaire avec les
installations et équipements techniques, c) ouvrage de mobilier urbain.
7
Voir S. Ossowski, Wybór Pism Estetycznych, Wprowadzenie, wybór, opracowanie B. Dziemidok,
Kraków 2004, p. 36.
8
Ibid.
L’esthétique technique dans le droit administratif 203

de cette notion lui restent indifférentes. Le sens esthétique du public est, à des degrés
d’intensité différents, une composante des notions plus larges qu’emploie le législa-
teur.
Aux notions d’esthétique technique et de sens esthétique du public demeurent liées
les notions employées dans le préambule de la Constitution de la République de Pologne
telles que : « le bien et le beau », « la culture ayant ses racines dans l’héritage chrétien de
la Nation et dans les valeurs humaines universelles », « la transmission aux générations
futures de tout ce qu’il y a de précieux dans un patrimoine plus que millénaire ».
L’article 5 de la loi fondamentale polonaise considère comme l’une des missions pre-
mières incombant à l’État, de sauvegarder l’indépendance et l’inviolabilité du territoire
de la Pologne, de garantir les libertés et les droits de l’homme et du citoyen ainsi que la
sécurité des citoyens, de sauvegarder le patrimoine national et d’assurer la protection de
l’environnement, en s’inspirant du principe du développement durable.
À mon avis, il est nécessaire de mettre en exergue l’ordre d’apparition des biens et
valeurs à l’article 5 de la Constitution de Pologne, parce que cet ordre détermine, d’une
certaine façon, les relations entre ceux-ci.
Du point de vue de la notion d’esthétique technique, ou, autrement, de « sens esthé-
tique du public », englobée dans la notion d’héritage national – il y a lieu de constater
que les valeurs protégées qui les précèdent directement sont les libertés et les droits de
l’homme et du citoyen et la sécurité des citoyens.
Cette observation est essentielle pour préciser les relations juridiques entre le droit
de propriété, notion relevant du droit civil9 et « le sens esthétique du public », qui a sa
genèse philosophique et juridique, par rapport à l’objet du droit de propriété et des in-
tentions esthétiques du sujet du droit de propriété à l’égard de l’objet dudit droit. Selon
l’une des conventions de la réflexion juridique, sont l’objet du droit de propriété les biens
meubles et immeubles, animés et inanimés. En abordant le sens esthétique du public et
l’esthétique technique en terme d’intérêt général, il faut tenir compte du fait que ces
notions – comme institutions spécifiques « de référence » du droit administratif – devien-
nent un élément du fondement légal de l’ingérence de l’administration publique dans le
droit de propriété des biens meubles et des biens immeubles.
Selon, entre autres, le critère du sens esthétique du public (se référant à la beauté et à
l’art), les biens meubles et immeubles font l’objet d’une catégorisation pour les besoins
des régulations administratives (au nom de l’intérêt général), ce qui entraîne, automa-
tiquement, des effets juridiques, découlant des normes du droit administratif, pour le
propriétaire d’un tel bien.
Du point de vue pratique, le bien considéré peut, à la suite d’une telle catégorisation,
se voir attribuer le statut de monument ou le statut d’ouvrage par rapport auquel la dé-
cision a été prise de le rendre conforme à l’esthétique technique (au sens esthétique du
public), et même, faire l’objet d’une décision interdisant son exploitation.

9
En vertu de l’article 64 de la Constitution de Pologne : « 1. Toute personne dispose du droit de pro-
priété et des autres droits patrimoniaux, ainsi que du droit de succession. 2. La propriété et les autres droits
patrimoniaux ainsi que le droit de succession sont juridiquement protégés, dans des conditions d’égalité. 3.
La propriété ne peut faire l’objet de restrictions qu’en vertu de la loi, dans la mesure où celle-ci ne porte pas
atteinte à la nature du droit de propriété ».
204 Iwona Niżnik-Dobosz

La notion d’esthétique technique est aussi englobée dans la notion de bien/biens


culturels dont il est question à l’article 6 de la Constitution polonaise qui dispose que
la République de Pologne assure les conditions de la propagation et de l’accès égal aux
biens culturels, source de l’identité de la nation polonaise, de sa continuité et de son
développement.
Au sein des régulations légales, les notions et les règles constitutionnelles possèdent
le caractère le plus abstrait, mais, en même temps, la signification des notions qui nous
intéressent et reposent, avant tout, sur le fondement de la Constitution. Sur la base des
lois ordinaires, d’une importance essentielle pour la problématique traitée, et concernant
directement l’aménagement du territoire et le droit de la construction – l’esthétique tech-
nique et le « sens esthétique du public » fonctionnent comme élément constitutif de no-
tions plus concrètes, se référant à la spécificité de la matière régulée et fréquemment dé-
finies par le législateur. Dans ce cas, leur conformité à la Constitution est essentielle10.
Dans la loi du 27 mars 2003 sur la planification et l’aménagement du territoire11, à de
telles notions appartiennent : l’ordre spatial, les exigences en matière de composition et
d’esthétique, l’intérêt général, les biens de la culture, le paysage culturel, l’état du patri-
moine culturel, des monuments historiques et des biens de la culture contemporaine, les
zones sauvegardées et les principes de protection du patrimoine culturel, des monuments
historiques et des biens de la culture contemporaine.
La loi de la construction12 du 9 juillet 1994 emploie les notions de : conditions d’ex-
ploitation conformes à la destination de l’ouvrage, notamment en matière de maintien en
bon état technique, de protection d’ouvrages inscrits au registre des monuments histori-
ques et d’ouvrages relevant de la protection du conservateur de monuments, de maintien
de l’ouvrage en bon état technique et esthétique, de forme de l’ouvrage de construction,
de conformité du projet aux dispositions techniques et de construction, d’esthétique de
l’ouvrage de construction et de son environnement, de mise en ordre du terrain et, enfin,
de défiguration de l’environnement provoquée par l’aspect de l’ouvrage de construc-
tion.
Pour se prononcer sur la pertinence de la thèse de J.S. Langrod sur l’apparition à côté
de la surveillance de l’état technique de l’ouvrage de construction, quelle que soit la lo-
calisation de celui-ci, de la surveillance préventive et répressive de l’aspect des ouvrages
de construction (si cet aspect extérieur est accessible au public), exercée par l’adminis-
tration/par l’État – il faut se pencher sur les formes administratives et légales contempo-
raines de « régulation » de l’aspect/forme extérieure des ouvrages de construction.

10
Je tiens à formuler la réserve selon laquelle, eu égard, à l’heure actuelle, à un lien fonctionnel et
matériel très fort existant entre le droit de la construction et le droit de l’aménagement du territoire – je
présenterai les questions relatives à l’esthétique normative des ouvrages de construction sur le fond de deux
lois concernant respectivement ces questions.
11
J. O. de 2003, N° 80, texte 717 modifié.
12
J. O. de 2006, N° 156, texte 1118 modifié.
L’esthétique technique dans le droit administratif 205

3. La loi du 27 mars 2003 sur la planification et l’aménagement


du territoire comme régulation légale de l’aspect
des ouvrages de construction

3.1. Quatre domaines normatifs de la loi sur la planification et l’aménagement


du territoire qui se prononcent sur les notions englobant la notion
d’aspect/d’esthétique technique de l’ouvrage de construction ou influant
sur l’aspect de l’ouvrage de construction.

Eu égard au fait que les ouvrages de construction fonctionnent non seulement dans le
temps, mais aussi dans l’espace, la loi sur la planification et l’aménagement du territoire
(dénommée ci après: la loi p. a. t.) pose les principes qui s’imposent aux organes de
l’administration publique, de détermination de la politique en matière d’aménagement
du territoire, le champ d’application et les procédures applicables aux affaires relatives
à l’affectation de terrains à des fins détérminées (y compris, évidemment, à des fins de
construction) et à la détermination des principes d’aménagement et de construction de
ceux-ci.
Au sein des dispositions de la loi p. a. t., les questions relatives à la régulation par le
législateur polonais de l’aspect extérieur des ouvrages de construction sont englobées
dans quatre domaines normatifs de cette loi :1) les dispositions générales; 2) les disposi-
tions concernant la planification, qui comprennent les régulations concernant les actes de
la politique administrative qui ne relèvent pas du droit général en vigueur ; 3) les disposi-
tions relatives à la planification concernant le plan local de l’aménagement du territoire,
adopté facultativement par le conseil communal et possédant – ce qui revêt une impor-
tance capitale – la valeur d’acte du droit local de portée générale ; 4) les dispositions
concernant la délivrance des décisions relatives à la localisation d’un investissement
d’intérêt général ou, respectivement, d’un certificat d’urbanisme pour un investissement
autre qu’un investissement d’intérêt général (ces décisions sont prises dans le cas où la
commune est dépourvue de plan local de l’aménagement du territoire en vigueur et sont
la conséquence du caractère facultatif du plan local d’aménagement).
Il y a lieu de souligner que ce qui est décidé, ne serait-ce que d’une manière générale
et même indirecte, sur l’aspect des ouvrages de construction et de leur esthétique sur la
base des institutions de la loi p. a. t., s’impose pour l’application des normes de la loi de
la construction.
Le lien entre la loi p. a. t. et la loi de la construction consiste dans le fait que, dans
le cas où la commune est dotée d’un plan local d’aménagement du territoire en vigueur,
l’organe compétent en matière d’octroi du permis de construire et, aussi, appelé à exa-
miner la légalité de la déclaration de construction ou des travaux de bâtiment et à régu-
lariser une construction édifiée sans permis de construire – commence, pour appliquer
les normes de la loi de la construction, par examiner si la construction prévue ou réalisée
(en cas de construction édifiée sans permis) est conforme aux dispositions du plan local
de l’aménagement du territoire.
Dans la situation où, dans le domaine juridique, le plan local d’aménagement du
territoire pour la commune considérée ne fonctionne pas, l’organe compétent en matière
206 Iwona Niżnik-Dobosz

d’architecture et de construction examine la conformité des constructions ou des travaux


de bâtiments prévus par le maître d’ouvrage avec les décisions définitives établissant
la localisation de l’investissement d’intérêt général ou, le cas échéant, avec le certificat
d’urbanisme.

3.2. Les dispositions générales de la loi p. a. t. et leur importance pour l’esthétique


technique/l’aspect des bâtiments (des ouvrages de construction)

Dans les dispositions générales de la loi p. a. t., le législateur formule l’axiologie de


ces mesures en disposant que celles-ci sont fondées sur l’ordre spatial et le développe-
ment durable. Eu égard à la protection du droit de propriété et à sa valeur particulière,
protégées par la Constitution de Pologne – il y a lieu d’ajouter ici le principe de propor-
tionnalité de l’action du pouvoir public, y compris l’ingérence dans le droit de propriété,
contenu dans l’article 31, alinéa 3, de la Constitution de Pologne.
Dans les dispositions générales suivantes de la loi p. a. t., le législateur indique les
valeurs et les biens dont il est tenu compte dans la planification et l’aménagement du
territoire, parmi lesquels il mentionne, entre autres : les exigences de l’ordre spatial, y
compris les exigences de l’urbanisme et de l’architecture ; les valeurs architecturales
et paysagères ;les exigences de la protection du patrimoine culturel, des monuments
historiques et des biens de la culture contemporaine ; les exigences de la protection de
la santé et de la sécurité des hommes et des biens et, aussi, des besoins des personnes
handicapées ; le droit de propriété; les besoins d’intérêt général.
En outre, ce qui est capital pour la thématique de l’article, le législateur a défini la
notion d’ordre spatial, en précisant à l’article 2, point 1 de la loi p. a. t. que ce terme s’en-
tend comme « l’aménagement de l’espace qui forme un ensemble harmonieux et tient
compte, dans des relations ordonnées, de toutes les conditions et exigences fonctionnel-
les, socio-économiques, environnementales, culturelles et de composition esthétique ».
À mon avis, les questions d’esthétique technique (de l’aspect) des ouvrages de
construction sont contenues – à des degrés d’intensité différents, en fonction des besoins
en matière de protection et de la formation de l’espace définis dans le droit – dans les
conditions et exigences culturelles et de composition esthétique, et des exigences fonc-
tionnelles dont parle la définition susmentionnée.
Eu égard au fait que J. S. Langrod comprend les exigences de l’esthétique technique
comme revêtant le caractère »d’intérêt général« et cessant de relever exclusivement des
goûts particuliers et de la volonté de l’individu libre de toute contrainte – il y a lieu de
relever que dans l’article 2, point 4, de la loi p. a. t. le législateur a entrepris une tentative
de définir la notion d’intérêt général pour les besoins de la loi p. a. t. et a établi qu’ « il y
a lieu d’entendre par cette notion l’objectif général des efforts et des actions qui tiennent
compte des besoins objectifs de la société ou des populations locales, liés à l’aména-
gement du territoire ». Cette définition légale de l’intérêt général revêt une importance
pour l’affirmation de J. S. Langrod selon laquelle les exigences de l’esthétique technique
prennent le caractère »d’intérêt général«.
Dans son acception courante, généralement admise, la notion de valeur esthétique
de l’ouvrage de construction est fortement subjective parce que demeurent subjectifs le
L’esthétique technique dans le droit administratif 207

processus même de perception et les émotions esthétiques (sens du beau/beauté). Seule


la notion d’art possède une valeur objective.
Si nous considérons la notion de conditions et exigences culturelles, fonctionnelles
et de composition esthétique comme relevant des notions légales soit celles qu’emploie
le langage de la loi – nous devrions les qualifier de clauses générales dont le contenu est
en dehors du système du droit. L’organe de l’administration publique, appliquant la loi,
doit savoir, en premier lieu, définir en dehors du système du droit (ce qui représente un
premier degré de difficulté) et, ensuite, les transposer avec pertinence et précision par
rapport à une situation concrète (formation et aménagement du territoire) et à un desti-
nataire individuel, soit par rapport à une situation concrète (formation et aménagement
d’un territoire délimité) par rapport aux destinataires de la norme généralement définis
(ce qui présente un second degré de difficulté).
Si nous voulions donner aux exigences esthétiques, c’est-à-dire à l’aspect de l’ouvra-
ge de construction, la dimension de la notion d’intérêt général – la difficulté première
consistera, par rapport à la définition légale de la notion d’intérêt général susmention-
née, à doter cette notion d’une dimension d’objectif général des efforts et des actions
qui tiennent compte des besoins objectifs de la société ou des populations locales, liés
aux respect des exigences esthétiques de l’aspect extérieur des ouvrages de construction
comme ouvrages qui se trouvent dans l’espace soumis à la réglementation.
En conséquence, l’organe qui prépare, respectivement, l’acte de politique adminis-
trative, l’acte juridique ou l’acte d’application du droit (décision administrative) est
confronté au problème majeur, a savoir comment objectiviser la valeur et le bien qui lui
correspond, ces derniers étant, par leur nature, respectivement objectif (l’art) et subjectif
(la beauté).
C’est une question de nature philosophique pour la solution de laquelle les organes de
l’administration publique se réfèrent à l’acquis des disciplines scientifiques étrangères
au droit et, en cas de pluralité de propositions et d’avis divergents, ou se positionnant aux
extrêmes, appliquent le principe du juste milieu.
Il convient de noter l’importance du fait que, conformément à la loi p. a. t., aussi bien
les projets d’actes de la politique administrative, les projets de plan local d’aménage-
ment du territoire, les projets de décisions relatives à la localisation des investissements
d’intérêt général que ceux de certificat d’urbanisme sont préparés par les agents justifiant
d’une formation professionnelle appropriées (urbanistes, architectes) laquelle englobe
aussi des questions relevant de l’esthétique technique et de l’aspect extérieur des ouvra-
ges de construction.
Il faut cependant souligner que le dernier mot concernant leur existence juridique
appartient à l’organe compétent de l’administration publique, qui, en vertu de ses com-
pétences, introduit l’acte considéré dans le commerce juridique.
Ainsi, l’interprétation par les organes qui créent, appliquent et exécutent le droit ad-
ministratif, de la notion de „sens esthétique du public” ou de celle de „conditions et
exigences fonctionnelles ou de composition esthétique” comme relevant de la catégorie
de l’intérêt général demeurent d’une importance capitale – l’administration publique
devant s’ingérer dans le droit de propriété des ouvrages de construction à titre préventif
ou répressif.
208 Iwona Niżnik-Dobosz

3.3. Les actes de politique administrative en matière de planification

Évidemment, à côté de l’axiologie de la planification et de l’aménagement du ter-


ritoire, le législateur détermine les formes légales des actes relevant de la politique de
l’aménagement et les organes compétents en la matière, en créant un modèle à trois ni-
veaux de formation de la politique de l’aménagement du territoire en Pologne : le niveau
de base – communal13; le niveau de la voïvodie (régional)14 et le niveau national15.
La valeur des actes de la politique administrative, qui sont des actes de droit interne
et ne s’imposent qu’au sein du système des organes de l’administration publique compé-
tents, présente, pour la thématique qui nous préoccupe, plusieurs aspects.
Le premier aspect consiste dans le fait que les actes de la politique administrative de
la commune appelés „analyse” (en polonais : « studium ») intègrent, par concertation,
les dispositions des actes de la politique de la voïvodie (région) et ceux de la voïvodie
intègrent les dispositions des actes nationaux en matière d’aménagement du territoire, ce
qui garantit la mise en œuvre de la politique de l’État dans le domaine de l’aménagement
et, potentiellement, aussi en matière d’esthétique technique.
Chaque commune est tenue d’adopter une analyse prospective des conditions et des
orientations de l’aménagement du territoire de la commune et, partant, son adoption et
sa mise en œuvre sont obligatoires.
Il découle expressément de la dénomination intégrale de « l’analyse » qu’une partie
de ses dispositions concernent les conditions en place (second aspect), et, ensuite, l’éla-
boration de l’orientation du développement optimal de l’aménagement du territoire de
la commune dans les conditions objectives existantes pour l’espace considéré (troisième
aspect).
En tenant compte du contenu et de la fonction de l’analyse, il y a lieu de considérer
si les questions d’esthétique technique relèvent des conditions dont le conseil communal
devrait tenir compte en adoptant ladite analyse. A mon avis, les actes de la politique de
la commune appelés « analyse » tiennent compte – dans le périmètre des conditions
de l’aménagement du territoire de la commune considérée – des valeurs essentielles
relevant de l’esthétique technique, telles que : la destination, l’aménagement et la via-
bilité du terrain présents ; l’état de l’ordre spatial et les exigences de la protection de
celui-ci ; l’état du patrimoine culturel, des monuments historiques et des biens de la
culture contemporaine ; les conditions et la qualité de vie de ses habitants, y compris la
protection de leur santé ; les risques pour la sécurité de la population et pour ses biens;
les besoins et les possibilités de développement de la commune ; la présence d’ouvrages
et zones protégés en vertu de dispositions distinctes ; la présence de zones à risques
naturels géologiques, la présence de gisements minéraux documentés et de ressources
d’eau souterraines ; la présence de zones minières délimitées en vertu des dispositions
distinctes, l’état d’infrastructures de communication et d’infrastructures techniques, y
compris l’état de réseaux d’eau et d’assainissement, de l’énergie et des déchets ;les mis-
13
Analyse prospective des conditions et des orientations de l’aménagement du territoire de la com-
mune.
14
Plan de l’aménagement du territoire de la voïvodie.
15
Programmes des ministres et des organes centraux de l’administration de l’État.
L’esthétique technique dans le droit administratif 209

sions servant à réaliser les intérêts généraux supra-locaux ; les exigences en matière de
protection contre inondations.
Il en est de même pour les orientations de l’aménagement, dans les cadres desquelles
l’analyse doit définir, notamment : les axes de changement dans la structure de l’amé-
nagement de la commune et la destination des terrains ; les orientations et les indi-
ces concernant l’aménagement et l’exploitation des terrains, y compris des terrains non
constructibles; les zones sauvegardées et les principes de protection de l’environnement
et de ses ressources, de protection de la nature, du paysage culturel et des villégiatures ;
les zones sauvegardées et les principes de protection du patrimoine culturel, des monu-
ments historiques et des biens de la culture contemporaine ; les axes de développement
d’infrastructures de communication et d’infrastructures techniques ; les zones où seront
localisés les investissements d’intérêt public présentant un intérêt local ; les zones où
seront localisés les investissements d’intérêt public présentant un intérêt supra-local,
conformément aux dispositions du plan de l’aménagement du territoire de la voïvodie
et aux dispositions des programmes des ministres et des organes centraux de l’adminis-
tration de l’État, les terrains des lieux d’extermination classés monuments historiques
et de leur périmètre de protection et les restrictions en matière d’exercice de l’activité
économique y afférentes, conformément aux dispositions de la loi du 7 mai 1999 sur
la protection des terrains des anciens camps d’extermination hitlériens16, les zones né-
cessitant restructurations, réhabilitation ou recultivation ; les limites des terrains clos et
leur périmètre de protection ;les autres zones à problèmes en fonction des conditions et
besoins de l’aménagement propres à la commune.
Cependant j’attire l’attention sur un fait essentiel, à savoir que, dans les dispositions
considérées, le législateur n’emploie pas directement la notion d’esthétique technique ni
celle de „sens esthétique du public”. Ces valeurs sont englobées, de manière tacite, dans
la liste des notions que j’ai présentées ci-dessus.
Le lien quant au fond entre le contenu de l’analyse et le contenu du plan local de
l’aménagement du territoire de la commune est assuré par l’article 9 de la loi p. a. t., en
vertu duquel les dispositions de l’analyse s’imposent aux organes communaux lors de
l’établissement des plans locaux de l’aménagement du territoire.

3.4. Le plan local de l’aménagement du territoire

En vertu de l’article 20 de la loi p.a.t., le plan local est adopté par le conseil communal
après la constatation que celui-ci ne viole pas les dispositions de l’analyse, et ledit conseil
décide, en même temps, de la procédure d’examen des réserves concernant le projet de plan
et se prononce sur les modalités de réalisation des investissements, prévus dans le plan, du
domaine des infrastructures techniques qui relèvent des compétences propres de la com-
mune et sur leur financement, conformément aux dispositions sur les finances publics.
Le plan englobe deux parties : le texte du plan qui est repris dans le texte de la déli-
bération du conseil municipal, et les documents graphiques avec les décisions requises
accompagnent la délibération sous la forme d’annexes.

16
J. O. N° 41, texte 412 et, de 2002, N° 113, texte 984 et N° 153, texte 1271.
210 Iwona Niżnik-Dobosz

Le plan local de l’aménagement du territoire est un acte du droit local, de portée


générale, qui peut former le domaine des relations juridiques entre la commune et les
destinataires des dispositions du plan local.
En vertu de l’article 6 de la loi p.a.t., les règles du plan local de l’aménagement du
territoire décident, avec d’autres dispositions, de la modalité d’exercice du droit de pro-
priété des immeubles.
Dans la pratique, ceci signifie que les dispositions du plan local de l’aménagement du
territoire peuvent déterminer l’aspect, la forme extérieure des ouvrages de construction,
et ceci découle du fait que, conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi p.a.t.,
le plan local détermine obligatoirement : les principes de protection et de formation de
l’ordre spatial; les principes de protection du patrimoine culturel, des monuments his-
toriques et des biens de la culture contemporaine ; les exigences découlant des besoins
de formation des espaces publics ; les principes de formation du bâti et les indicatifs de
l’aménagement du territoire, le seuil maximal et minimal de la densité d’une construc-
tion soit le rapport entre la surface totale construite et la surface de la parcelle à bâtir,
la part minimale en pourcentage de la surface biologiquement active par rapport à la
surface du terrain à bâtir, la hauteur maximale de la construction, le nombre minimal de
places de stationnement et modalités de leur réalisation, et les axes de la construction
et les gabarits des ouvrages ; les limites et les modalités d’aménagement des zones ou
des sites sauvegardés, déterminées en vertu de dispositions distinctes, y compris des zo-
nes minières et des zones à risque particulier d’inondation et de glissements de terrain;
les principes et conditions détaillées de remembrement et démembrement de propriété
des immeubles relevant du plan local; les conditions particulières de l’aménagement
des terrains et les restrictions dans l’exploitation de ceux-ci, y compris l’interdiction de
construire ; les principes de modernisation, d’extension et de construction d’infrastruc-
tures de communication et d’infrastructures techniques ; les modalité et délai d’aména-
gement et d’exploitation transitoire de terrains.
En même temps, le plan local définit, si besoin est, donc facultativement : 1) les
limites des zones nécessitant un remembrement ou un démembrement de propriété des
immeubles; 2) les limites des zones de réhabilitation des bâtiments existants et des in-
frastructures techniques ; 3) les limites des zones nécessitant transformations ou recul-
tivation; 3a) les limites des terrains prévus pour la construction d’équipements de pro-
duction d’électricité à partir de sources renouvelables d’une puissance dépassant 100
KW, et les limites des zones sauvegardées entraînant de restrictions dans la construction,
l’aménagement ou l’exploitation du terrain et la présence d’une incidence majeure de ces
équipements sur l’environnement ; 4) les limites des terrains destinés à la construction
de magasins de grande surface ; 4a) les limites des terrains d’emplacement d’investisse-
ments d’intérêt général présentant un intérêt local ; 4b) les limites des terrains d’empla-
cement d’investissements d’intérêt général présentant un intérêt supra-local, prévus dans
le plan de l’aménagement du territoire de la voïvodie ou dans les décisions définitives
sur le tracé d’une route nationale, départemental (de la voïvodie) ou du district, d’une
ligne ferroviaire d’intérêt national, d’un aéroport d’intérêt général, d’un investissement
en matière de terminal ou d’entreprise afférente à Euro 2012 ; 5) les limites des terrains
de loisirs et de terrains prévus pour l’organisation de manifestations de masse ; 6) les
L’esthétique technique dans le droit administratif 211

limites des lieux d’extermination classés monuments historiques et de leur périmètre


de protection, et les restrictions en matière d’exercice de l’activité économique y af-
férentes, conformément aux dispositions de la loi du 7 mai 1999 sur la protection des
terrains des anciens camps d’extermination hitlériens; 7) les limites des terrains clos et
les limites des périmètres de protection des terrains clos ; 8) l’emplacement des ouvrages
de construction par rapport à la voirie et autres terrains d’accès public et aux limites des
immeubles adjacents, le coloris des ouvrages de construction et les toitures ; 9) les prin-
cipes et les conditions de l’emplacement d’ouvrages du mobilier urbain, des panneaux
et équipements publicitaires et des clôtures, leur gabarit, normes de qualités et les types
de matériaux de bâtiment dont ceux-ci peuvent être exécutés ; 10) la superficie minimale
des parcelles à bâtir nouvellement créées.
Dans les notions susvisées, essentielles pour le contenu du plan, sont englobées po-
tentiellement, à différents degrés, les questions afférentes à l’esthétique technique.

3.5. La décision sur la localisation d’un investissement


d’intérêt général et le certificat d’urbanisme

Ces deux types de décisions sont pris dans le cas où la commune ou une partie de
celle-ci n’a pas de plan local d’aménagement du territoire en vigueur. La différence entre
ces décisions consiste en une position spéciale dont le législateur a doté la décision sur
la localisation d’un investissement d’intérêt général, laquelle est matériellement et juri-
diquement privilégiée par rapport au certificat d’urbanisme, qui concerne les investisse-
ments privés ne poursuivant pas d’objectif d’intérêt général. Cette position privilégiée se
traduit par une procédure administrative plus rapide et moins complexe dont fait l’objet
la demande tendant à la prise de ces décisions, une simplification des conditions maté-
rielles et légales de leur délivrance, une limitation du contrôle judiciaire sur le contenu
de celles-ci. En somme, l’ensemble de tous ces « privilèges » suscite de doutes dans
l’appréciation de la légalité du degré de l’ingérence dans le droit de propriété.
Dans l’optique de l’esthétique technique, il est essentiel que la demande tendant à la
détermination de la localisation de l’investissement d’intérêt général précise : 1) les li-
mites du terrain concerné par la demande ; 2) les caractéristiques de l’investissement, qui
précisent : a) les besoins en eau, électricité et déterminent les modalités d’évacuation des
eaux usées ou d’assainissement et, aussi, les autres besoins en matière d’infrastructures
techniques, et, le cas échéant, les modalités de traitement de déchets ; b) l’aménagement
du territoire prévu et la caractéristique du bâti et de l’aménagement du territoire, y com-
pris la destination et le gabarit des ouvrages de construction prévus, présentés sous les
formes descriptive et graphique ; c) les paramètres techniques spécifiques de l’investis-
sement et les données relatives à l’incidence de celui-ci sur l’environnement.
Si nous considérons le contenu de la décision sur la localisation dans l’optique des
notions considérées, nous trouverons aussi des éléments touchant directement ou indi-
rectement à l’aspect esthétique des ouvrages de construction.
En vertu de l’article 54 de la loi p.a.t., la décision sur la localisation de l’investisse-
ment d’intérêt général détermine : 1) le type de l’investissement ; 2) les conditions et
les règles précises de l’aménagement du territoire et de sa construction découlant des
212 Iwona Niżnik-Dobosz

dispositions distinctes et concernant, notamment : a) les conditions et les exigences en


matière de préservation et de formation de l’ordre spatial, b) la protection de la nature
et de la santé des hommes, et du patrimoine culturel, des monuments historiques et
des biens de la culture contemporaine, c) la viabilisation en termes d’infrastructures
techniques et de communication, d) les exigences en matière de protection des intérêts
des tiers, e) la protection des ouvrages de construction dans les zones minières ; 3)
les lignes délimitant le terrain de l’investissement, marquées sur une carte à l’échelle
requise.
Comme il a déjà été mentionné, la décision sur la localisation de l’investissement
d’intérêt général, y compris dans son contenu potentiel concernant directement ou indi-
rectement les questions relevant de l’esthétique technique, s’impose aux organes com-
pétents en matière d’octroi du permis de construire.
L’article 56 de la loi p.a.t. met le point sur les « i » quant à l’incidence de l’axiologie
contenue dans ses dispositions générales en statuant que la décision sur la localisation
de l’investissement d’intérêt général ne peut être refusée si l’investissement prévu est
conforme aux dispositions distinctes. En même temps, le législateur dispose que l’article
1, alinéa 2, de la loi p.a.t.17 ne peut constituer le fondement exclusif du refus de la déci-
sion sur la localisation de l’investissement d’intérêt général.
De cette manière se produit un affaiblissement considérable de la protection légale
des valeurs véhiculées par la notion d’ordre spatial et de celle de développement durable,
et, partant, indirectement, aussi de la notion d’esthétique urbanistique, environnementale
et architecturale dans la situation où les autres textes (autres que la loi p.a.t.) ne se pro-
noncent pas sur ces valeurs pour les besoins de l’affaire considérée.
Ensuite, la décision favorable en matière de délivrance d’un certificat d’urbanisme est
subordonnée à la satisfaction aux conditions matérielles et légales de « bon voisinage ».
Ces conditions sont déterminées à l’article 61 de la loi p.a.t., conformément auquel la
délivrance du certificat d’urbanisme ne peut intervenir que dans le cas où il est satisfait
conjointement aux conditions suivantes :1) l’une des parcelles voisines au moins, acces-
sible de la même voie publique, est construite d’une manière qui permet de déterminer
les exigences, applicables à la nouvelle construction, en matière de continuité, de para-
17
L’article 1, alinéa 2 de la loi p.a.t. dispose: Dans la planification et l’aménagement du territoire il est
tenu compte, notamment, de :
1) exigences en matière d’ordre spatial, y compris en matière d’urbanisme et d’architecture ;
2) valeurs architecturales et paysagères;
3) exigences en matière de protection de l’environnement, y compris de gestion des eaux et de protection
des terres agricoles et forestières ;
4) exigences en matière de protection du patrimoine culturel, des monuments et des biens de la culture
contemporaine;
5) exigences en matière de protection de la santé et de la sécurité des hommes et des biens, et, aussi de
besoins des personnes handicapées ;
6) valeurs économique du territoire ;
7) droit de propriété ;
8) besoins de la défense et de la sécurité de l’État ;
9) besoins d’intérêt général ;
10) besoins en matière de développement d’infrastructures techniques et, notamment, de réseaux à haut
débit ;
L’esthétique technique dans le droit administratif 213

mètres, de caractéristiques et d’indicateurs de formation du bâti et de l’aménagement du


territoire, y compris les gabarits et la forme architecturale des ouvrages de construction,
de l’orientation de la construction et de l’intensité de l’exploitation du terrain ; 2) le
terrain a l’accès à la voie publique ; 3) la viabilisation existante ou prévue du terrain,
compte tenu des dispositions de l’alinéa 5, est suffisante pour le projet de construction
prévu; 4) le terrain ne requiert pas l’autorisation de l’affectation des terres agricoles et
forestières à de fins non agricoles et non forestières ou relève de l’autorisation obtenue
à l’occasion de l’adoption des plans locaux dont la validité s’est éteinte en vertu de
l’article 67 de la loi, objet de l’article 88, alinéa 1 ; 5) la décision est conforme aux dis-
positions distinctes.
Il convient de souligner l’importance de la disposition de l’article 61, alinéas 6 et 7
de la loi p.a.t. par laquelle le législateur a donné un pouvoir spécial au Ministre com-
pétent en matière de bâtiment, d’aménagement du territoire et de logement à prendre
un arrêté dans lequel celui-ci déterminera les modalités de détermination des exigences
concernant la nouvelle construction et l’aménagement du territoire à défaut de plan lo-
cal. Ledit arrêté définira les exigences concernant la détermination : 1) de l’orientation
de la construction ; 2) du rapport entre la superficie bâtie et la superficie de la parcelle
ou du terrain ; 3) de la largeur de la façade avant ; 4) de la hauteur du bord supérieur
de la façade avant, de sa corniche ou de l’attique ; 5) de la géométrie du toit (l’angle de
l’inclinaison, la hauteur de faîtage et la dispositions des versants du toit).
Pour résumer les dispositions de la loi p.a.t., je tiens à souligner que dans la loi p.a.t.,
le législateur n’emploie pas directement la notion de valeur esthétique de l’aspect exté-
rieur de l’ouvrage de construction ni celle de « sens esthétique du public ». Il emploie –
et, à mon avis, il le fait exprès – des notions plus larges, grâce à quoi la régulation est
plus abstraite, moins énumérative et, partant, susceptible de générer moins de conflits
(de gustibus non est disputandum).
On peut donc conclure par la thèse que les dispositions de la loi p.a.t. constituent des
orientations et principes généraux en matière d’éléments essentiels qui ont une incidence
sur l’aspect de l’ouvrage de construction avant tout en termes d’aspect esthétique de
l’ouvrage de construction dans l’espace, selon le critère légal d’un ensemble harmonieux
et de la prise en considération, dans des relations ordonnées, de toutes les conditions et
exigences fonctionnelles, socio-économiques, environnementales, culturelles et de com-
position esthétique.
Il faut en même temps souligner que pour la délivrance de la décision sur la locali-
sation d’un investissement d’intérêt général et d’un certificat d’urbanisme, les questions
esthétiques, contenues dans le catalogue des valeurs que réalise la loi p.a.t., ne peuvent
constituer une condition autonome fondant une décision défavorable (refus d’octroi)
pour le maître d’ouvrage.
214 Iwona Niżnik-Dobosz

4. La loi de la construction du 7 juillet 1994 comme régulation


réglementant l’aspect esthétique des ouvrages de construction

Aux questions d’esthétique technique et de sens esthétique du public se réfèrent les


dispositions de la loi de la construction qui traitent de l’axiologie et des principes d’ex-
ploitation, de conception et d’édification de l’ouvrage de construction.
En vertu de l’article 5, alinéa 1, la loi de la construction :
1. L’ouvrage de construction doit être, en tenant compte de sa durée d’exploitation
prévue, conçu et édifié de la manière définie dans les dispositions, y compris les
dispositions techniques et de bâtiment et conformément aux principes du savoir
technique, en assurant :
1) la satisfaction aux exigences fondamentales en matière de :
a) sécurité de la construction,
b) sécurité en cas d’incendie,
c) sécurité d’exploitation,
d) conditions d’hygiène et de santé, et de protection de l’environnement,
e) protection contre les nuisances sonores et les vibrations,
f) caractéristiques énergétiques du bâtiment et de rationalisation de la consommation
d’énergie ;
2) les conditions d’exploitation conformes à la destination de l’ouvrage, et, notamment,
en matière d’ :
a) approvisionnement en eau et électricité et, le cas échéant, en chaleur et combusti-
bles dans l’hypothèse de consommation effective de ces agents caloporteurs,
b) évacuation des eaux usées, des eaux de pluie et des déchets ;
2) a) l’accès aux services des télécommunications et, notamment, au réseau Internet à
haut débit ;
3) la possibilité de maintien en bon état technique ;
4) les conditions nécessaires d’accès aux bâtiments et ouvrages publics et bâtiments
d’habitation plurifamiliales pour les personnes handicapées et, notamment, celles en
fauteuils roulants ;
5) les conditions d’hygiène et de sécurité du travail ;
6) la protection de la population conformément aux exigences de la défense civile ;
7) la préservation des ouvrages inscrits au registre des monuments historiques et des
ouvrages relevant de la protection du conservateur de monuments ;
8) un emplacement appropriée sur la parcelle;
9) le respect des intérêts légitimes des tiers, y compris de l’accès à la voie publique,
existant dans le périmètre d’impact de l’ouvrage ;
10) les conditions de sécurité et de protection de la santé des personnes se trouvant sur
le chantier de construction.
À l’article 5, alinéa 2, de la loi de la construction le législateur se prononce sur les
principes d’exploitation de l’ouvrage de construction en disposant que l’ouvrage doit
être exploité conformément à sa destination et aux exigences de la protection de l’en-
vironnement et maintenu en bon état technique et esthétique, sans permettre une dété-
rioration excessive de ses caractéristiques utilitaires et de ses performances techniques,
L’esthétique technique dans le droit administratif 215

notamment en matière d’exigences visées à l’article 5, alinéa 1, points 1 à 7, de la loi de


la construction.
Il découle clairement de la disposition susvisée que, dans les exigences et les princi-
pes de conception et d’édification, le législateur ne se prononce pas directement sur les
questions relevant de l’esthétique ou du sens esthétique du public. Ces questions revêtent
une importance légale si elles sont contenues dans la protection des ouvrages inscrits au
registre des monuments historiques et des ouvrages relevant de la protection du conser-
vateur de monuments.
Seulement – et ceci est essentiel – dans les régulations concernant l’exploitation de
l’ouvrage de construction, le législateur se prononce sur le devoir de maintenir l’ouvrage
de construction en bon état technique et esthétique.
Cela signifie que l’esthétique de l’aspect de l’ouvrage de construction n’est pas une
valeur autonome qui, du point de vue de la loi de la construction, serait indiquée dans
l’axiologie de la conception et de la construction des ouvrages de construction.
Pour poursuivre notre réflexion, il serait judicieux d’analyser les dispositions sui-
vantes de la loi de la construction concernant les éléments composants du projet de
construction parce que, à mon avis, dans ce texte le législateur a contenu des éléments
importants pour l’esthétique des ouvrages de construction. L’article 34, alinéa 3, la loi de
la construction dispose que le projet de construction doit contenir :
1) un projet d’aménagement de la parcelle ou du terrain, établi sur la carte actuelle et
englobant : la détermination des limites de la parcelle ou du terrain, l’emplacement,
l’emprise au sol et les dispositions des ouvrages de construction existants et prévus,
des réseaux viabilisant le terrain, des modalités d’évacuation ou d’assainissement des
eaux usées, du réseau de communication et des terrains verts avec l’indication des
éléments caractéristiques, des dimensions, des ordonnées et des distances entre les
ouvrages en référence à la construction existante et prévue des terrains voisins ;
2) un projet architectural déterminant la fonction, la forme et la structure de l’ouvrage de
construction, ses caractéristiques énergétiques et environnementales et les solutions
techniques indispensables proposées et, aussi, en termes de matériaux, démontant les
principes de référence à l’environnement, et, en ce qui concerne les bâtiments publics
et les bâtiments d’habitation plurifamiliale – description de l’accessibilité de ceux-ci
aux personnes handicapées.
Ledit projet de construction est soumis à l’approbation dans le permis de construire.
En même temps, il y a lieu de signaler qu’en vertu de l’article 34, alinéa 6, de la loi
de la construction, le ministre compétent en matière de bâtiment, d’aménagement du ter-
ritoire et du logement détermine, par arrêté : 1) l’étendue détaillée et la forme du projet
de construction ; 2) les principes détaillés de détermination des conditions géotechniques
pour fondation d’ouvrages de construction.
Il convient aussi de prêter attention aux éléments examinés par l’organe compétent
avant l’octroi du permis de construire. En vertu de l’article 35 de la loi de la construction,
avant l’octroi du permis de construire, l’organe compétent vérifie :
1) la conformité du projet de construction aux règles du plan local d’aménagement du
territoire ou du certificat d’urbanisme à défaut de plan local, et, aussi, aux exigences
en matière de protection de l’environnement ;
216 Iwona Niżnik-Dobosz

2) la conformité du projet d’aménagement de la parcelle ou du terrain avec les disposi-


tions légales, y compris celles techniques et de bâtiment ;
3) le caractère complet du projet de construction et les avis, concertations, autorisations
et vérifications requises et les informations concernant la sécurité et la protection de
la santé ;
4) l’exécution et la vérification du projet par une personne justifiant des compétences
requises en la matière et titulaire, à la date de l’élaboration du projet, d’un certificat
attestant de son inscription au tableau de l’Ordre des urbanistes ou des architectes.
En cas de violations constatées dans le domaine défini à alinéa 1, l’organe compétent
impose l’obligation d’éliminer les irrégularités dans le délai qu’il impartit et, à défaut,
délivre la décision constatant le refus d’approbation du plan et refuse l’octroi du permis
de construire.
S’il est satisfait aux exigences légales, l’organe compétent ne peut pas refuser l’octroi
du permis de construire.
Les travaux de bâtiment relatifs à un ouvrage de construction inscrit au registre des
monuments historiques ou dans la zone sauvegardée a une dimension qualifiée. En
l’occurrence, les travaux de bâtiment requièrent, avant l’octroi du permis de construi-
re, l’obtention préalable d’une autorisation de travaux délivrée par le conservateur de
monuments compétent au niveau de la voïvodie (l’article 39, alinéa 1, de la loi de la
construction).
L’autorisation de démantèlement d’un ouvrage de construction inscrit au registre des
monuments historiques ne peut être délivrée qu’après la décision du Conservateur des
Monuments Historiques en Chef agissant au nom du ministre compétent en matière de
culture et de protection du patrimoine national sur la radiation de cet ouvrage du registre
des monuments historiques (l’article 39, alinéa 2, de la loi de la construction).
En ce qui concerne les ouvrages de construction et les zones non inscrits au registre
des monuments historiques, mais figurant à l’inventaire communal des monuments histo-
riques, le permis de construire ou l’autorisation de démolition de l’ouvrage de construc-
tion sont délivrés par l’organe compétent après concertation avec le conservateur de
monuments compétent pour la voïvodie (l’article 39, alinéa 3, la loi de la construction).
Par analogie tout chantier de construction dans la zone d’un monument d’extermina-
tion ou de son périmètre de protection a un caractère distinct. En l’occurrence, l’édifica-
tion d’un ouvrage de construction requiert, avant la délivrance du permis de construire,
l’obtention de l’autorisation du voïvode compétent (l’article 39a de la loi de la construc-
tion).
Le noyau de la thématique qui nous intéresse est contenu dans l’article 61 combiné
avec l’article 66 de la loi de la construction. L’article 61 de ladite loi impose au proprié-
taire ou au syndic de l’ouvrage de construction l’obligation de maintenir et d’exploi-
ter l’ouvrage conformément aux principes définis à l’article 5, alinéa 2, de la loi de la
construction, qui englobe le maintien de l’ouvrage dans un bon état technique et esthé-
tique, sans permettre une détérioration excessive de ses caractéristiques utilitaires et de
ses performances techniques.
Le texte de l’article 66 de la loi de la construction consacre directement cette obliga-
tion par le libellé selon lequel, en cas de constatation que l’ouvrage de construction est en
L’esthétique technique dans le droit administratif 217

mauvais état technique ou cause, par son aspect, une défiguration de l’environnement –
l’organe compétent ordonne par décision l’élimination des irrégularités constatées en
impartissant le délai pour l’exécution de cette obligation. Dans cette décision, l’organe
compétent peut interdire l’exploitation de cet ouvrage ou d’une partie de celui-ci jusqu’à
l’élimination des irrégularités constatées.
En résumant, d’une manière générale, les dispositions de la loi de la construction
concernant l’esthétique de l’ouvrage de construction, je constate que c’est « l’esthétique
de l’esthétique » de l’aspect de l’ouvrage et, en même temps, son incidence sur l’environ-
nement qui est la valeur directement protégée dans le droit polonais de la construction.
Dans ce cas, est essentielle la valeur de l’aspect de l’ouvrage de construction, selon le
critère du soin du bon état technique de l’esthétique/de l’aspect de l’ouvrage de construc-
tion – de manière à ce que celui-ci ne cause pas une défiguration (enlaidissement) de
l’environnement.
L’esthétique de l’ouvrage de construction comme valeur autonome dans le contexte
de la formation de l’aspect esthétique (incidence sur l’aspect esthétique) est régie par le
droit dans la mesure où cela découle des dispositions employant des notions plus larges
dans lesquelles est englobée, d’une certaine façon, la notion d’aspect de l’ouvrage de
construction perçue à la lumière de l’art, de l’esthétique ou du sens esthétique du pu-
blic.
L’aspect/l’esthétique technique de l’ouvrage de construction sont déterminés par
le droit notamment dans les situations qualifiées où le bien immeuble considéré ou la
formation de l’espace en corrélation avec l’immeuble le requiert, eu égard à la beauté
ou, respectivement, à l’art comme valeurs particulières, protégées par la loi (par ex. la
beauté et l’art des monuments et objets historiques).
Une telle approche de la part du législateur polonais doit recueillir une entière appro-
bation parce qu’elle garantit un développement de l’esthétique en matière d’urbanisme,
de l’environnement et d’architecture et demeure cohérente avec la liberté de l’art, aussi
bien de l’Art avec une majuscule que de l’art utilitaire, ce qui est englobé par la notion
de l’État démocratique de droit.
E wa Olejnicz ak - Szał owska

La consultation publique comme forme de participation


de citoyens dans les décisions des autorités
des collectivités locales

1. Considérations générales

Le Professeur Jerzy Stefan Langrod consacre une partie principale de son travail
scientifique, très riche et divers, aux études de l’organisation de l’administration publi-
que et de ses problèmes, ainsi qu’à la démocratisation de l’administration et au rôle de
consultation dans l’activité de l’administration publique1.
Le régime des États démocratiques contemporains est basé sur un modèle représen-
tatif lié à l’emploi des certaines formes de démocratie directe (référendum, consultation
publique, initiative populaire, réunions des citoyens). Ce renforcement accroît le pou-
voir de participation des citoyens dans l’exercice du pouvoir public et essentiellement
dans l’exécution de l’administration publique. Ces institutions sont complémentaires
par rapport à l’institution de représentation2. Dans la science française, une telle combi-
naison du régime représentatif avec des procédures de démocratie directe est nommée
la démocratie semi-directe3. L’étendue et les proportions de l’application des formes de
démocratie indirecte (représentative) et directe dépendent entre autres de l’échelon de
gestion – tant l’échelon est plus bas, tant la possibilité et l’étendue d’application des
institution de démocratie directe est plus grande4.
La consultation publique est une forme de consultation qui dans le sens général consiste
à prendre un avis des consultants. Les consultants sont soit des conseillers professionnels,
des experts ou des sujets sociaux et des représentants des intérêts privés. Le présent article
aura pour objet d’examiner la consultation avec des sujets sociaux, c’est-à-dire consulta-
tion avec des habitants et d’autres sujets intéressées des unités d’autonomie locale (com-
munes, powiats [dont la taille en fait l’équivalent des cantons français] et voïvodies).
1
J. S. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego. Zarys części ogólnej, Zakamycze, 2003 (reprint),
p. 357 ; G. Langrod, « L’administration consultative », [in :] La consultation dans l’administration contem-
poraine, sous réd. de G. Langrod, Paris 1972.
2
E. Olejniczak-Szałowska, Prawo do udziału w referendum lokalnym. Rozważania na tle ustawodaw-
stwa polskiego, Łódź 2002, chapitre Ier.
3
A. Barilari, M.-J. Gueydon, Institutions politiques, Paris 1994, p. 67.
4
 Z. Niewiadomski, « Demokracja bezpośrednia w warunkach współczesnego samorządu terytorialne-
go », [in : ] Samorząd terytorialny drogą do demokracji, Poznań 1994.
220 Ewa Olejniczak-Szałowska

Comme le professeur Jerzy Langrod l’a pertinemment remarqué, du point de vue de


son organisation, la consultation est une forme de participation d’un élément extérieur
dans le processus de prise de décision5. Par conséquent, il est possible de constater que la
notion de consultation comprend toujours deux actions : d’abord une action principale,
c’est-à-dire un ensemble d’actions, qui doit mener à la prise d’une décision précise, en-
suite, une action consultative, qui est subordonnée à l’action principale. L’effet de l’action
consultative est de formuler des opinions et des évaluations qui permettent au sujet qui
prend une décision d’établir des préférences sociales essentielles dans le cadre d’objectifs
ou de valeurs6. Le décisionnaire est une autorité consultante, tandis que celui qui rend un
avis est une autorité consultative. Dans le présent article, j’assume que l’autorité consul-
tante est un organe du pouvoir public qui dispose des compétences de décider des affaires
d’une grande importance pour une collectivité locale donnée (par ex. conseil municipal,
maire). Selon la volonté de l’autorité consultante, il est possible de distinguer deux situa-
tions : 1/ lorsqu’une disposition juridique l’oblige à organiser une consultation, on parle
de consultation obligatoire; 2/ lorsqu’elle organise une consultation de sa propre initiative,
en la considérant comme utile et indispensable, on parle de consultation facultative7.
Du point de vue de l’autorité consultative, la participation dans l’action consulta-
tive constitue un droit et non pas une obligation pour un membre d’une collectivité et
elle a un caractère volontaire. Cette position reflète des intérêts subjectifs individuels
ou collectifs, tandis que le résultat final apparaît comme la volonté de la plupart des
participants des consultations (habitants, membres des collectivités locales). En prin-
cipe l’action consultative est initiée par un décisionnaire qui agit de sa propre initiative
ou en exerçant une obligation imposée par une norme juridique. Les habitants peuvent
aussi prendre l’initiative d’organiser des consultations. Le Professeur Jerzy Langrod, en
classifiant les consultations sur la base d’un critère du rapport entre la consultation et la
décision prise par un organe du pouvoir public, a distingué deux situations: 1/ l’auto-
rité consultative exprime son opinion sur un projet de décision qui lui est présenté; 2/
l’autorité consultative initie le processus décisionnaire et suggère à un organe du pouvoir
public de prendre une décision bien précise8. La dernière option peut être complétée par
une possibilité offerte aux habitants de déposer une demande d’organisations de consul-
tation dans une affaire donnée sans indiquer la décision préférée.

2. Les bases juridiques et l’objet de la consultation publique


dans les collectivités locales en Pologne

Les bases juridiques de la consultation publique dans les collectivités locales sont tout
particulièrement spécifiées dans la Constitution de la République de Pologne9, la Charte
5
G. Langrod, op. cit., p.65
6
A. Wasilewski, Zjawisko konsultacji we współczesnej administracji polskiej, Varsovie 1982, p. 26-
28.
G. Langrod, op. cit., p. 75.
7

G. Langrod, op. cit., p. 79-80.


8

9
La Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997 ( J. O. nº 78, texte 483 avec les modifi-
cations ultérieures).
La consultation publique ... 221

Européenne de l’Autonomie Locale ratifiée par la Pologne10, ainsi que dans des lois sur
l’autonomie locale11 et dans des lois spéciales. Il faut également prendre en compte le
droit international et le droit de l’Union Européenne concernant notamment la participa-
tion de la société dans la prise des décisions en matière de l’environnement12.
La Constitution de la République de Pologne n’articule pas le droit de consultation.
Cependant, le droit général des citoyens de participation à la gestion des affaires pu-
bliques peut être déduit du contenu du préambule de la Constitution et du contenu de
l’article 1. Le préambule se réfère au principe de subsidiarité qui renforce les droits des
citoyens et de leurs collectivités, tandis que l’article 1 stipule que le pouvoir hiérarchique
de la République de Pologne appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou
d’une manière directe. En outre la Constitution garantit le droit de participer au référen-
dum national (art. 62, art. 125) et local (art. 170), la liberté de réunion, le droit d’accès
au service public et aux services d’information publique, le droit de pétition, de faire une
demande, de porter plainte.
Le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques a été expressé-
ment formulé dans la Charte Européenne de l’Autonomie Locale et considéré comme
l’un des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l’Eu-
rope. Dans le préambule de la Charte on constate que l’existence des collectivités locales
investies de responsabilités effectives permet une administration à la fois efficace et pro-
che du citoyen. La conception de la collectivité locale définie dans l’article 3 de la Charte
stipule que le droit pour les collectivités locales de régler et de gérer une part importante
des affaires publiques devrait être exercé par des organes éligibles et représentatifs. Cette
disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum
ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la
loi. Notamment pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités
locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de
référendum là où la loi le permet (art. 5 de la Charte).
Selon les lois sur l’autonomie locale, dans les cas prévus par la loi et dans les autres
affaires importantes pour la commune, district ou voïvodie, il est possible d’organiser
sur leur territoire une consultation avec les habitants. Le devoir légal d’organisation de la
consultation avec les habitants, déterminé par les lois sur l’autonomie locale comprend
des cas de modifications des limites territoriales des communes, districts et voïvodies et
de création des unités subsidiaires. En outre l’obligation d’organisation de la consulta-
tion avec les habitants et leurs organisations résulte de lois spéciales13 .

10
La loi du 1994, nº 124, texte 607 avec modifications ultérieures.
11
La loi du 8 mars 1990, sur l’autonomie locale des communes ; (J. O. de 2001, nº 142, texte 1591 avec
les modifications ultérieures) ; loi du 5 juin 1998 sur l’autonomie locale des districts (J. O. de 2001, nº 142,
texte 1592 avec les modifications ultérieures) ; loi du 5 juin 1998 sur l’autonomie locale des voïvodies (J.O.
de 2001, nº 142, texte 1590 avec les modifications ultérieures).
12
Entre autres la Convention sur l’accès à l’information, à la participation de la société dans la prise des
décisions et l’accès à la justice dans le cas des affaires concernant environnement établie à Aarhus le 25 juin
1998 ; la Directive 2003/35/ CE du Parlement Européen et du Conseil du 25 mai 2003 qui prévoit la par-
ticipation de la société dans l’établissement de certains projets et programmes concernant l’environnement.
13
Par exemple la loi sur l’environnement ; loi sur l’accès à l’information sur l’environnement ; loi sur la
planification de l’aménagement du territoire ; loi sur l’activité d’utilité publique et sur le volontariat.
222 Ewa Olejniczak-Szałowska

Ladite obligation prend naissance entre autres dans le processus de planification. En


vertu de la loi sur la planification de l’aménagement du territoire14 la collectivité locale
a le droit de déposer des pétitions et commentaires au cours de la procédure de planifica-
tion dans le domaine de la planification de l’aménagement du territoire. Les demandes et
commentaires aux actes de planification de la commune peuvent être déposés auprès du
maire. Les demandes peuvent porter sur la réalisation de projets ou leurs modifications.
Elles peuvent être déposées également à l’étape de la publication des projets de l’étude
du conditionnement et des directions de l’aménagement du territoire de la commune et
du projet local de l’aménagement du territoire, ainsi que pendant une discussion publi-
que organisée obligatoirement par le maire.
La loi sur la mise à disposition des informations sur l’environnement et sa protec-
tion impose une obligation d’assurer la participation de la société dans la protection de
l’environnement (…)15. La loi accorde a chaque personne le droit de déposer des com-
mentaires et demandes dans une procédure qui exige la participation des citoyens. Les
régulations de ladite loi, ainsi que celles des autres sont applicables si la participation
de la société est requise. Avant de prendre ou de changer la décision qui exige la parti-
cipation de la société, un organe compétent pour prendre la décision devrait annoncer
les informations sur l’objet de la décision, la possibilité de prendre connaissance du
dossier de l’affaire, de porter plainte et de déposer des demandes, le délai et le lieu
en indiquant également le délai de 21 jours pour les déposer. Les commentaires et les
demandes peuvent être déposés 1/ par écrit, 2/ par commentaire oral au protocole, 3/
via les moyens électroniques de communication. L’organe décisionnaire compétent peut
engager une procédure administrative également ouverte aux citoyens. L’organe devrait
informer dans quelle mesure les commentaires et les demandes déposés à l’occasion de
la participation des citoyens ont été pris en considération. En sus, l’organe doit porter à
la connaissance des citoyens l’information sur la décision rendue et les possibilités d’en
prendre connaissance. De telles régulations régissent la participation des citoyens dans
l’élaboration des documents. La loi détermine les droits des organisation écologiques de
participer à une procédure exigeant la participation des citoyens.
La loi sur l’activité d’utilité publique et le bénévolat16 impose aux organes d’adminis-
tration publique (y compris des unités d’autonomie locale) une obligation de coopération
avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations cultuelles. Cette
coopération comprend entre autres : 1/ la consultation des organisations non gouvernemen-
tales sur des projets d’actes normatifs dans les domaines concernant l’activité statutaire de
ces organisations ; 2/ l’établissement et la gestion par un organe d’administration publi-
que – après consultation avec des organisations non gouvernementales – des unités organi-
sationnelles dont le but est une activité au bénéfice des organisations non gouvernementa-
les ; 3/ l’établissement des groupements communs à caractère consultatif et initiateur.

14
La loi du 27 mars 2003 loi sur la planification de l’aménagement du territoire (J.O nº 80, texte 717
avec les modifications ultérieures).
15
La loi du 3 octobre 2008 sur la mise à disposition des informations sur l’environnement et sa protec-
tion, la participation de la société dans la protection de l’environnement et sur l’appréciation d’influence sur
l’environnement (J.O. nº 199, texte1227 avec les modifications ultérieures).
16
La loi du 24 avril 2003 (J. O. de 2010, nº 234, texte 1536).
La consultation publique ... 223

Un organe constituant des unités d’autonomie locale détermine, par voie de réso-
lution, un mode détaillé de consultation sur des projets d’actes de droit local avec des
organisations non gouvernementales.
Comme cela a déjà été indiqué, en vertu des régulations des lois sur l’autonomie
locale, la consultation publique devrait être organisée en cas de modifications de la di-
vision territoriale et de l’établissement des unités auxiliaires dans les communes. En ce
qui concerne d’autres matières, les lois sur l’autonomie locale n’imposent pas de res-
trictions – elles imposent uniquement la condition que seulement une question d’intérêt
communal peut être l’objet de la consultation. Ses règles et modalités peuvent également
être réglées d’une manière indépendante par des organes qui passent des résolutions au
sein de ces unités.
Les compétences du Conseil des ministres (gouvernement) sont les suivantes : créa-
tion, fusion, division, suppression, fixation des limites territoriales, octroi du statut de
ville à une commune, fixation et modification du nom des communes et du siège de
leurs autorités. Dans ce but le Conseil des ministres, de sa propre initiative ou sur la
demande du conseil municipal intéressé, prend un arrêté. Dans la situation où le Conseil
des ministres agit de sa propre initiative, le ministre compétent pour les affaires de l’ad-
ministration publique doit demander l’avis des conseils municipaux intéressés. L’avis ne
peut être communiqué qu’après avoir consulté les citoyens. Si le Conseil des ministres
agit sur demande du conseil municipal, la demande ne peut être déposée qu’après une
consultation avec les habitants. L’effet des consultations est traité comme un avis qui ne
lie pas l’autorité décisionnaire.
Par la suite des amendements qui ont été faits aux dispositions de la loi sur l’auto-
nomie locale de la commune17 en 2011, les habitants ont obtenu une influence plus im-
portante sur les décisions de l’autorité publique concernant la création, fusion, divi-
sion, suppression et fixation des limites territoriales d’une commune. Le fait d’organiser
un référendum sur ces questions sur la demande des citoyens est devenu admissible.
L’initiative du référendum appartient à une population d’au moins 15 citoyens ayant
le droit de vote dans une commune donnée. Le voïvode est tenu d’informer le ministre
responsable de l’administration publique des résultats du référendum. Le référendum
remplace la consultation, à la différence que si le résultat du référendum s’avère décisif,
le conseil municipal est lié par le référendum et doit déposer une demande auprès d’un
ministre responsable de l’administration publique par l’intermédiaire du voïvode pour
que le Conseil des ministres prenne un arrêté. Cet amendement de la loi sur l’autonomie
locale de la commune est une conséquence de la décision du Conseil Constitutionnel,
qui reconnaît le droit des membres des collectivités locales d’exprimer leur position par
voie de référendum sur des questions importantes sociales, économiques ou culturelles
au sein de la collectivité, y compris les questions de l’existence, de l’inexistence ou des
modifications des unités des collectivités locales18. La décision du Conseil Constitu-
tionnel a changé une opinion précédemment établie conformément à la loi de 2000 sur
le référendum local19 que l’objet d’un référendum local ne peut être qu’une question

17
La loi du 26 mai 2011, (J. O. nº 134, texte 777).
18
Le jugement du Tribunal Constitutionnel du 26 février 2003, K 30/02, OTK-A 2003/2/16
19
La loi du 15 septembre 2000 (J.O. nº 88, texte 985).
224 Ewa Olejniczak-Szałowska

relevant des compétences des organes d’une unité donnée d’une collectivité locale, ainsi
qu’une révocation d’organes de cette unité (il convient de souligner que les questions de
création, suppression, fixation des limites territoriales de communes ne relèvent pas des
compétences du conseil municipal, mais de celles du gouvernement).
La loi de 1990 sur l’autonomie locale de la commune impose aussi une obligation
d’organiser des consultations (consultation obligatoire) dans le cas de création d’unités
auxiliaires. Ce sont des unités situées dans la commune, ayant des autorités éligibles,
mais qui ne constituent pas d’institutions séparées de droit public (par exemple, sołectwa
[petites unités administratives auxiliaires en milieu rural], districts ou osiedla [les cités
d’habitation dans les villes]). C’est le conseil municipal qui décide, par voie de résolu-
tion, de créer une telle unité et de lui octroyer le statut, la doter de compétences et lui ac-
corder des ressources financières pour agir. La création d’une unité auxiliaire est soumi-
se à une consultation préalable avec les habitants. L’unité auxiliaire peut également être
créée par le conseil municipal à l’initiative des habitants. Les modalités de la création,
de la fusion, de la division, et de l’élimination des unités auxiliaires sont définies dans
le statut de la commune adopté par le conseil municipal. Dans ce cas, la consultation
avec les habitants n’est que consultative et son résultat ne lie pas le conseil municipal.
L’objet essentiel de la consultation est en fait d’exprimer un avis et de formuler des pro-
positions des citoyens quant à la manière de résoudre la question soumise à la consul-
tation.
La loi sur le gouvernement local habilite le conseil municipal à accepter de créer un
conseil municipal de jeunes qui est un organe consultatif (selon la terminologie adoptée
dans cet article – l’autorité consultative) et elle est créée sur demande, donc à l’initiative
des collectivités concernées.

3. Les procédures, le mode et les formes de la consultation publique

Les procédures, le mode et les formes de la consultation publique dans les collectivi-
tés locales n’ont été réglementés de manière générale par aucun acte juridique national.
Ils font cependant l’objet de la législation locale – actes de droit local – et résultent des
pratiques locales (il convient de rappeler que la loi sur les activités d’utilité publique
autorise l’organe constitutif d’une unité de collectivité locale de déterminer, par voie de
résolution, une modalité de consultation détaillée avec les ONG des projets des lois de
droit local dans les domaines des activités statutaires de ces organisations).
À mon avis, c’est une solution controversée. Les conseils municipaux (et plus rare-
ment les conseils de powiats, exceptionnellement les diétines de voïvodies) adoptent des
résolutions qui déterminent les procédures et le mode de la consultation, étant entendu
que les solutions adoptées dans ces actes ont un caractère totalement arbitraire. Le degré
jusqu’auquel ces régulations sont précises est très différent et, malheureusement, la plu-
part d’entre elles sont très vagues et laconiques. Cependant parfois il y a des tentatives
minutieuses pour déterminer une procédure de consultation approfondie sur le modèle
de solutions adoptées en se fondant sur la loi sur le référendum local. L’organe déci-
sif prévoit une forme de scrutin aux bureaux de scrutin, et les exigences mises devant
La consultation publique ... 225

l’autorité consultative sont – inutilement – très strictes, par ex. l’initiative des habitants
pour organiser une consultation est valide si au moins 10 % de la population d’une
commune dépose une demande, la validité des consultations dépend de la participation
électorale élevée.
Typiquement, une résolution est prise seulement comme une tentative générale et
globale pour régler la question de la consultation sur un territoire donné (ce qu’on ap-
pelle un règlement de la consultation publique). Il existe, toutefois, des cas où les réso-
lutions sont prises ad hoc, c’est-à-dire à l’occasion de chaque situation spécifique qui
exige l’organisation de consultations.
Il n’y a pas de solutions uniformes pour déterminer quelles questions font l’objet de la
consultation. Certaines résolutions ignorent cette question, dans les autres il est possible
de trouver des dispositions pertinentes, bien que le degré de précision soit très diversifié.
Parfois, une obligation d’organiser de la consultation publique est imposée. En vertu
d’une telle législation, nommée règlement de la consultation publique, les consultations
obligatoires concernent des propositions de résolutions portant sur :
– le budget d’une unité de la collectivité locale ;
– les programmes de développement local, y compris les plans de l’aménagement du
territoire ;
– les plans d’investissement, en particulier ceux qui sont contraignants pour les habi-
tants et l’environnement ;- les programmes sociaux, en particulier sur l’éducation,
par exemple, la planification du réseau des écoles et la sécurité publique ;
– les règlements sur le maintien de l’ordre et de la propreté dans les communes ;
– les programmes de coopération municipale avec les ONG ;
– la régénération de certaines zones urbaines, l’emplacement des monuments, etc.
Il convient de remarquer que les consultations portent sur les procédures de l’établis-
sement et de l’application de la loi.
À bien des égards sont aussi réglées les questions de compétence pour décider de
l’organisation de la consultation publique et d’engager le processus de consultation. Le
plus souvent, cependant, la compétence pour décider de l’organisation de la consultation
est attribuée aux organes exécutifs des collectivités locales (essentiellement aux mai-
res de villages et de villes), rarement aux organes décisionnaires. Les sujets habilités
à prendre l’initiative de lancer le processus de consultation sont généralement : 1/ un
organe décisionnaire, 2/ un organe exécutif, 3/ des habitants. Dans certains règlements
des consultations, il est prévu qu’à part des organes cités dessus, une demande peut
être déposée par d’autres sujets, par exemple, le président ou les comités de l’organe
décisionnaire, un groupe de conseillers, les organes des unités auxiliaires. Malheureuse-
ment, certaines résolutions des conseils municipaux n’accordent pas le droit d’initiative
d’organiser des consultations aux habitants. Les règlements minutieux de la consultation
publique précisent les exigences à respecter par une demande de consultations déposée
par les habitants, ainsi que les règles de traitement de la demande.
Il y a quelques similitudes quant à la forme attendue et aux modalités de consulta-
tion. Les formes des consultations le plus souvent mentionnées dans les règlements sont
les suivantes :
– des consultations écrites,
226 Ewa Olejniczak-Szałowska

– des réunions ouvertes et enregistrées d’habitants avec les autorités (réunions d’ha-
bitants),- un forum de discussion sur le site web municipal ;
– des enquêtes, y compris des enquêtes sur Internet- une audition publique
– la création d’une équipe consultative,
– la publication des projets de décisions et d’autres documents avec possibilité de
déposer des commentaires et des demandes par écrit,
– des recherches sur l’opinion publique faites par des établissements spécialisés ou
des experts.
On accepte également d’autres formes de participation aux consultations, notamment
celles qui utilisent les moyens de communication électroniques, tels que l’e-mail. Le
choix de la forme de consultations appartient généralement au maire (de village, de
ville). On admet une combinaison des plusieurs formes de la consultation publique.
Quant au coût des consultations – habituellement c’est le budget de l’unité de la col-
lectivité locale qui doit les couvrir.
La consultation doit être précédée d’une campagne d’information, qui est habituel-
lement effectuée à l’aide d’annonces sur le tableau d’affichage et des sites sur le Web (
sur la Toile) des offices communales (villes), à travers les médias locaux et des annonces
dans des endroits largement disponibles, etc.
Les offices de certaines communes (généralement des grandes villes) maintiennent
des sites web sur la consultation publique. Ces sites comprennent entre autres : des pu-
blications de toutes les demandes de consultation déposées, des décisions d’organiser
de la consultation publique, un catalogue des cas (par ex. des investissements urbains)
sélectionnés pour la consultation publique et les rapports des consultations déjà organi-
sées ;les informations sur les résultats des consultations.
Seulement certains règlements de la consultation publique comprennent les disposi-
tions concernant la manière de traiter les résultats obtenus. En général, les résultats de
la consultation comprennent un résumé des opinions et des conclusions déposées. Un
organe exécutif d’une collectivité locale donnée doit y répondre, donc les résultats de la
consultation doivent comprendre un avis justifié de l’organe exécutif (par ex. le maire de
village ou de ville). De tels résultats doivent être rendues publics dans un délai maximum
de 30 jours à partir de la fin de la consultation, notamment dans le Bulletin d’informa-
tion publique, à travers les sites web de l’office de l’organe donné, et aussi d’une autre
manière.
La consultation menée en conformité avec le règlement est généralement considérée
comme valable, quel que soit le nombre des participants à la consultation, bien que –
comme cela a déjà été mentionné – on puisse trouver des régulations diverses. L e s
résultats de la consultation ne lient pas l’autorité publique dans la prise de décision sur
une question donnée. L’autorité consultante doit, cependant, les examiner soigneuse-
ment et les prendre en compte dans le processus décisionnel. Le rejet des opinions et
demandes déposées par les habitants ne devrait avoir lieu que lorsque cela est justifié.
La consultation publique ... 227

Conclusions

La consultation publique au sein des collectivités locales constitue une source impor-
tante de connaissances sur les besoins, les intérêts, les attentes et les opinions des mem-
bres de ces communautés, sur le niveau d’acceptabilité des projets de décisions proposés
par les pouvoirs publics. Elle est également une forme importante de participation des
habitants dans la vie publique et de la construction de la société civile et surtout elle
assure aux habitants la participation au processus décisionnaire – elle assure l’influence
sur les décisions qui les concernent.
Compte tenu des lacunes et de la diversification des régulations juridiques concernant
la consultation publique dans les collectivités locales, on peut constater qu’un tel état
de choses influence négativement le champ d’utilisation du droit de consultation par les
membres des collectivités locales. À mon avis, l’initiative législative de 2011 est donc
justifiée, parce qu’elle vise à promulguer une loi qui cherche à renforcer la participation
des citoyens dans la collectivité locale et à réglementer la procédure d’organisation de
la consultation publique (y compris les questions concernant l’audition publique, l’in-
terpellation du citoyen, l’initiative populaire) de manière uniforme dans le pays tout
entier.
P io t r Prz ybysz

Le principe de l'État démocratique

La présente étude s’inspire directement des considérations de J.S. Langrod dans son
ouvrage sur les grandes lignes de la justice administrative en Allemagne (Prusse) com-
me modèle de la justice administrative (1925). En décrivant ce modèle, J. S. Langrod
a souligné que l’une de ses caractéristiques est le facteur de la participation de juges
non-professionnels dans les tribunaux civils administratifs, ce qui a donné une nature
démocratique aux tribunaux. Aujourd’hui, seuls des juges professionnels siègent dans
les juridictions administratives, mais il est utile d’examiner la teneur du principe de
démocratie.

1. La communauté internationale face


à l’idée de la démocratie et la primauté du droit

Après la Seconde Guerre mondiale, les principes démocratiques sont devenus un


idéal volontiers invoqué à travers le monde, mais cet idéal est compris de différentes
manières. À travers l’histoire l’interprétation de la démocratie a changé. Mais les dif-
férentes conceptions de la démocratie partagent la conviction qu’un État démocratique
doit réaliser l’idée de confier le pouvoir à la communauté ou au moins à une partie
significative de celle-ci1. Toutefois la démocratie ne saurait être réduite à la façon dont
le pouvoir politique est exercé. Il importe de signaler que pour beaucoup il n’a pas
de teneur constante ; on va même jusqu’à critiquer son formalisme, le manque d’une
orientation de son contenu, voire l’exclusion de cette possibilité2. Sans entrer dans des
considérations théoriques sur la notion de la démocratie, il faut reconnaître qu’un idéal
général de la démocratie existe, ainsi que des solutions concrètes et une pratique dans
de nombreux États qui se considèrent comme démocratiques. Ces solutions comportent
des imperfections, elles ne sont pas toujours adéquates devant des changements rapides
des conditions sociales. C’est la raison pour laquelle elles font l’objet de controverses et
subissent une évolution. C’est pourquoi on peut considérer la démocratie comme étant,
d’une part un idéal présenté dans des exposés théoriques et dans des documents de la
1
Cf. A. Burda, Demokracja i praworządność, Wrocław–Warszawa–Kraków 1965, p. 19.
2
Voir P. Kaczorowski, « Ethos demokracji », [in :] Bronisław Czech (réd.), Filozofia prawa a tworzenie
i stosowanie prawa. Documentation de la Conférence Nationale Scientifique qui a eu lieu du 11 au 12 juin
1991 à Katowice, Katowice 1992, p. 411.
230 Piotr Przybysz

communauté internationale, et d’autre part, comme une réalité existante dans des États
considérés comme démocratiques.

2. Le Conseil de l’Europe et des institutions –


de la démocratie et de la primauté du droit

Propager l’idée de la démocratie et la primauté du droit est l’un des objectifs du


Conseil de l’Europe – organisation créée par dix pays lors d’une conférence à Londres
en 1949. Dans le Préambule du Statut du Conseil de l’Europe figure entre autres une
déclaration dans laquelle ses fondateurs ont réaffirmé leur attachement aux valeurs spiri-
tuelles et morales qui constituent le patrimoine commun de leurs peuples et la véritable
source des libertés individuelles, des libertés politiques et de la primauté du droit – prin-
cipes qui forment la base de toute démocratie authentique. Parvenir à une plus grande
unité entre ses membres afin de maintenir et de mettre en œuvre ces idéaux, ces principes
qui constituent un patrimoine commun a été le but du Conseil de l’Europe visé à l’article
1 du Statut. Chaque État membre s’est engagé à accepter la règle du droit et à assurer
la protection des droits humains et de libertés fondamentales de toutes les personnes
relevant de leur compétence. Chaque État s’est également engagé à coopérer pour la
mise en œuvre des objectifs du Conseil de l’Europe visés à l’article 1 du Statut. Une vue
d’ensemble des différents organes du Conseil de l’Europe permet de circonscrire l’im-
portance attribuée en pratique à la notion de démocratie.
Les chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe ont
constaté dans la Déclaration du 9 Octobre 1993, adoptée lors du Sommet de Vienne :
« L’adhésion [au Conseil de l’Europe – P.P.] permet de conclure que le pays candidat
à adapté ses institutions, et son système juridique aux principes fondamentaux de la
démocratie, de la primauté du droit et du respect des droits humains. Les représentants
du peuple doivent être élus dans des élections libres et honnêtes, au suffrage universel.
La liberté d’expression et la liberté des médias, la protection des minorités nationales et
le respect du droit international doivent selon nous demeurer les critères de base pour
évaluer toute demande d’adhésion. L’engagement de signer la Convention européenne
des droits de l’homme et d’accepter dans son entiereté le mécanisme de contrôle de cette
Convention dans un bref délai est essentiel. Nous sommes résolus à assurer le plein res-
pect des engagements pris par tous les États membres du Conseil de l’Europe ».
L’attachement des États membres aux principes fondamentaux du Conseil de l’Eu-
rope -démocratie pluraliste, droits humains et primauté du droit- a été confirmée dans
la Déclaration du Deuxième Sommet du Conseil tenu à Strasbourg les 10 et 11 Octobre
1997 jointe à la déclaration du Plan d’Action, formulé pour renforcer la stabilité dé-
mocratique dans les États membres. Quatre principaux domaines dans lesquels il est
possible de prendre des mesures concrètes y sont soulignés, à savoir : i) la démocratie
et les droits de l’homme, ii) la cohésion sociale, iii) la sécurité publique, iv) les valeurs
démocratiques et la diversité culturelle. Ceci démontre qu’une conception large de la
notion de démocratie, qui ne se limite pas à la façon d’exercer le pouvoir politique, a été
acceptée.
Le principe de l’État démocratique 231

Parmi les questions identifiées dans le Plan d’Action figure en premier lieu une ques-
tion de respect des engagements pris par les États membres quant aux principes fonda-
mentaux du Conseil de l’Europe, Ces engagements avaient été pris par les « démocraties
dites jeunes» – les pays d’Europe centrale et orientale, qui dans les années 90 du XXe
siècle étaient devenus membres du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe a adopté en juin 1993,la décision n ° 488, également connue sous le
nom de « Halonen », en vertu de laquelle la commission des affaires politiques et la com-
mission des affaires juridiques et des droits de l’homme ont été chargées de surveiller
la conformité avec les engagements précédents des nouveaux membres du Conseil et de
soumettre tous les 6 mois un rapport au Bureau de l’Assemblée. Dans la résolution 1031
(1994) sur le respect des engagements pris par les États membres dans la préadhésion au
Conseil de l’Europe figure une déclaration sur l’obligation pour tous les États membres
de respecter leurs engagements en vertu du Statut du Conseil de l’Europe, de la Conven-
tion européenne des droits de l’homme et des Conventions auxquels ils ont adhéré. Un
mécanisme de suivi a été prévu dans cette résolution pour stimuler la consolidation de la
démocratie. La procédure de contrôle a été modifiée par la décision n ° 508 (1995) qui
a entre autres aboli la distinction entre les membres anciens et nouveaux du Conseil de
l’Europe. Sur la base de cette décision, la commission des affaires juridiques et des droits
de l’homme a engagé une procédure visant un grand nombre de pays. Un autre change-
ment du système a eu lieu en 1997 ; la résolution 1115 (1997) a annulé la décision n° 508
et établi un nouveau comité permanent relatif au respect des obligations et engagements
des États membres du Conseil de l’Europe. La tâche du comité est de superviser les deux
types d’obligations : d’abord les obligations générales des États membres en vertu de la
législation du Conseil de l’Europe, de la Convention européenne des droits de l’homme
et des conventions auxquelles ils sont parties, et, en second lieu, des engagements pris
par les pays au cours du processus d’adhésion.
En outre, le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe a mis au point un méca-
nisme spécial pour surveiller la conformité avec les engagements des États membres.
La Déclaration sur le respect des engagements pris par les États membres du Conseil
de l’Europe, adoptée le 10 Novembre 1994 à sa 95ème session, a présenté la décision du
Conseil des Ministres d’examiner les questions de la mise en œuvre des engagements
relatifs à la démocratie, aux droits de l’homme et à la primauté du droit dans chaque État
membre. Cette investigation devait être fondée sur la demande d’un État membre, du
Secrétaire général ou d’une recommandation de l’Assemblée parlementaire. Le Comité
des Ministres envisageait un examen mené de manière constructive par le dialogue et la
négociation avec le pays concerné, ce qui explique que cette procédure -contrairement à
celle qui relève de l’Assemblée parlementaire- soit confidentielle. Le Comité des Minis-
tres a complété cette procédure par un document adopté le 20 avril 1995 au cours de sa
535ème session, qui définit les modalités d’application de la Déclaration du 10 Novembre
1994. Le Secrétaire général est chargé de lui présenter tous les deux ans un rapport sur
le respect des engagements pris par les États membres. Il convient de souligner que cette
procédure est indépendante des autres procédures de contrôle et complémentaire par
rapport à elles.
232 Piotr Przybysz

Des opinions intéressantes sur la nature de la démocratie figurent dans le rapport final
du 6 Mars 1997 [EG (97) 1] du Groupe de spécialistes sur l’égalité et la démocratie, agis-
sant au sein du Conseil de l’Europe. Ce groupe a constaté que la démocratie politique au
sens étroit, comme primauté du droit, séparation des pouvoirs, représentation et respect
des individus, est un concept statique. La véritable démocratie exige une démocratie
sociale – un système dynamique dans lequel la justice sociale serait réalisée par la pro-
motion des droits civils, politiques, sociaux et culturels3.
En outre la conceptualisation de la démocratie politique a changé au cours des der-
nières décennies, comme en témoigne la transparence des autorités publiques. Celle-ci
suppose qu’un large accès à des informations importantes – économiques, politiques,
scientifiques, technologiques, et autres soit donné au public par les autorités. Les ci-
toyens disposant de ces connaissances peuvent évaluer correctement les activités des
autorités publiques et participer à la prise de décisions politiques. Garantir le droit des
citoyens à accéder aux informations détenues par les pouvoirs publics témoigne donc de
la démocratisation de l’État4.
L’invocation de la démocratie et de la primauté du droit figure dans le préambule
de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La
démocratie a été identifiée comme le système politique, qui – avec le respect des droits
humains et l’octroi des libertés fondamentales – constitue le fondement de la justice et
la paix dans le monde. Dans sa jurisprudence, la Cour des droits de l’homme a demandé
à maintes reprises que le libellé du Préambule soit pris en compte. Elle a jugé évident
que la démocratie est une caractéristique fondamentale de l’ordre public européen5. En
outre, la démocratie est le seul système politique envisagé dans la Convention et qui y
soit conforme 6. La Convention a été créée afin de promouvoir les idéaux et les valeurs
de la société démocratique7. Ceci ressort du préambule de la Convention qui constate la
relation étroite avec la démocratie, en déclarant que la promotion, la préservation et le
développement des droits humains et des libertés fondamentales constituent la meilleu-
re garantie, d’une part , d’un régime politique véritablement démocratique, de l’autre,
d’une interprétation uniforme et le respect commun de ses droits8. Le préambule se ré-
fère également à l’existence d’un patrimoine commun d’idéal et de traditions de liberté
politique, ainsi que de primauté du droit – patrimoine commun de valeurs affirmées dans
la Convention9. Le pluralisme, la tolérance et l’ouverture d’esprit (broadmindedness)10,
3
§§ 33-35.
 H. Leszczyna, Hermeneutyka prawnicza, Varsovie 1996, p. 147.
4

5
L’arrêt du 26 septembre 1995 sur Loizidou, (no de plainte 40/1993/435/514, § 75) ; l’arrêt du 30 janvier
1998 sur United Communist Party of Turkey et al. c. Turquie (no 133/1996/752/951, § 45).
6
L’arrêt du 30 janvier 1998 sur United Communist Party of Turkey et al. c. Turquie, (no 133/1996/752/951,
§ 45).
7
L’arrêt du 7 décembre 1976 sur Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Le Danemark, (Séries A no 23,
§ 53) et l’arrêt du 7 juillet 1989 sur Soering c. Le Royaume-Uni (Séries A no 161, § 87)
8
L’arrêt du 6 septembre 1978 sur Klass et al. c. L’Allemagne, (Séries A no 28, § 59).
9
L’arrêt du 7 juillet 1989 sur Soering c. Le Royaume-Uni (Series A no 161, § 88).
10
Voir l’arrêt du 26 novembre 1991 sur the Observer et Guardian c. Le Royaume-Uni (Séries A no 216,
p. 30, § 59), l’arrêt du 23 avril 1992 sur Castells c. L’Espagne (Series A no 236, § 42), arrêt du 19 décembre
1994 sur Vereinigung Demokratischer Soldaten Österreichs et Gubi c. L’Autriche (Séries A no 302, § 36),
l’arrêt du 22 octobre 1981 sur Dudgeon c. Le Royaume-Uni (Séries A no 45, § 53).
Le principe de l’État démocratique 233

ainsi que la primauté du droit11, sont les pierres angulaires d’une société démocratique.
La primauté du droit – l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique – est
une source d’inspiration pour la Convention12.
Dans certaines dispositions de la Convention figurent des clauses qui permettent de
restreindre les droits garantis par la Convention13. Cette limitation des droits est soumise
à la condition d’avoir été introduite dans un but acceptable et d’être nécessaire dans une
société démocratique. Dans la jurisprudence la Cour a tranché que la condition de « né-
cessité »est satisfaite dans le cas où premièrement une restriction est apportée en réponse
à un besoin social impérieux et, deuxièmement, si elle est proportionnée au but visé14, à
condition que les autorités étatiques aient une marge de discrétion15. Une référence à une
société démocratique a permis à la Cour de formuler des considérations plus spécifiques
sur l’essence de la démocratie par rapport aux droits individuels protégés par la Conven-
tion. Dans son jugement du 26 Septembre 1995 dans l’affaire Vogt c. Allemagne16 par
exemple la Cour a jugé que la liberté d’expression est l’une des conditions essentielles
pour qu’une société démocratique existe et pour le développement de la société toute
entière comme et des individus. Un État Partie à la Convention est tenu d’organiser des
élections à des intervalles raisonnables et dans des conditions qui assurent la libre ex-
pression des opinions des électeurs17. Le débat politique constitue donc une composante
centrale du concept de société démocratique18. Dans sa décision du 2 Septembre 1998
dans l’affaire Ahmed et autres c. Royaume-Uni. Grande-Bretagne19 la Cour a souligné,
compte tenu de l’ampleur des pouvoirs conférés aux autorités locales et de l’importance
de leur politique pour les électeurs locaux que la façon de comprendre la démocratie
retenue dans la Charte doit s’appliquer aussi aux autorités locales. Comme argument
supplémentaire la Cour s’est fondée sur les dispositions du préambule de la Charte euro-
péenne de l’autonomie locale20, la proclamation indiquant que les autorités locales sont
une des pierres angulaires de la démocratie.
11
Voir l’arrêt du 21 février 1975 sur Golder, (Séries A no 18, § 34), l’arrêt du 16 février 2000 sur Amann
c. La Suisse (no 27798/95, § 56), arrêt du 22 mars 2001 sur Streletz, Kessler i Krenz c. L’Allemagne (nos
34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 83).
12
L’arrêt du 8 juillet 1976 Engel et al. c. Les Pays-Bas, (Séries A no 22, § 69).
13
Pour lire plus dans la littérature polonaise concernant ce sujet des clauses qui permettent de restrein-
dre les droits garantis par la Convention consultez : M. A. Nowicki, Wokół konwencji europejskiej, Varsovie
1992, p.74-76.
14
Voir l’arrêt du 7 décembre 1976 sur Handyside c. Le Royaume-Uni (Séries A no 24, §§ 46, 48 et 49),
l’arrêt du 22 octobre 1981 sur Dudgeon c. Le Royaume-Uni (Séries A no 45, §§. 48 et suiv.), l’arrêt du 24
mars 1988 sur Olsson c. La Suède, (Séries A no 130, § 59), l’arrêt du 24 mai 1988 sur Müller et al. c. La
Suisse (Séries A no 133, §§ 31-37 i §§ 40-44), l’arrêt du 24 avril 1990 sur Kruslin c. La France (Séries A no
176-A, § 26), arrêt du 26 mars 1992 sur Beldjoudi c. La France, (Series A no 234-A, § 74) et l’arrêt du 13
juillet 1995 sur Nasri c. La France, (Series A no 320-B, § 41).
15
Voir par ex. l’arrêt du 21 juin 1988 sur Berrehab c. Pays-Bas, (no de plainte 3/1987/126/177, § 28).
16
No de plainte 7/1994/454/535, § 52.
17
La disposition de l’article 3 du protocole additionnel présente un principe caractéristique de la démo-
cratie et il en résulte son importance fondamentale dans le système de la Convention (l’arrêt du 2 Mars 1987
sur Mathieu-Mohin et Clerfayt c. La Belgique, no de plainte 9/1985/95/143).
18
Voir l’arrêt du 8 juillet 1986 sur Lingens c. L’Autriche, (Séries A no 103, § 42) et l’arrêt du 23 avril
1992 sur Castells c. L’Espagne, (Séries A no 236, § 43).
19
No de plainte 65/1997/849/1056, § 52.
20
J. O. de 1994 no 124, pos. 607.
234 Piotr Przybysz

La juridiction de renvoi à la procédure a déclaré que la poursuite visée à l’article


6 de la Convention devrait être effectuée en présence des parties et rendue publique21.
Comme vous le savez, l’ouverture d’une procédure judiciaire est un élément essentiel
de la démocratie.

3. Les Nations Unies et la démocratie

Dans la Charte de l’Atlantique, document qui constitue une déclaration de principes


qui seraient mis en œuvre par États-Unis et Royaume-Uni après la Seconde Guerre mon-
diale, il a été constaté que l’ordre international d’après-guerre doit se fonder sur les prin-
cipes de la démocratie, de la liberté, du désarmement et de la coopération internationale.
La Charte des Nations Unies ne mentionne pas expressément le concept de démocratie.
Celui-ci est apparu dans des documents d’un rang différent adoptés ultérieurement par
l’Organisation des Nations Unies. Par exemple, le Secrétaire général Boutros Boutros-
Ghali dans un message à la Conférence mondiale sur les droits de l’homme réunie à
Vienne, a indiqué trois impératifs : l’universalité, les garanties, la démocratisation. Sur
l’impératif de la démocratie, il a constaté que seule la démocratie dans les pays et en-
tre eux peut garantir effectivement les droits de l’homme. Grâce à la démocratie il est
également possible de concilier les droits individuels et droits collectifs, les droits des
peuples et les droits des individus et des droits des États et les droits d’une communauté
d’États. Dans un mémoire ultérieur est soulignée sa pertinence pour les objectifs des Na-
tions Unies, notamment la promotion du développement durable, les droits de l’homme
et la paix. Cette conception de la démocratie a été acceptée par la Conférence dans la
Déclaration de Vienne et dans le Programme d’action. Il y a été reconnu que la démocra-
tie, le développement et le respect des droits de l’homme sont interdépendants et que la
Communauté internationale doit œuvrer à leur renforcement. De manière identique, la
Commission des droits de l’homme reconnaît le lien entre la démocratie, le développe-
ment et le respect des droits de l’homme.
Vers la fin des années 80 du XXe siècle s’est développé de plus en plus le désir
d’universaliser la démocratie comme système de gouvernement, les processus sociaux
et les valeurs politiques relatives aux droits de humains. La Résolution n° 1999/57 du 27
avril 1999, adoptée par la Commission des droits de l’homme a été le premier document
émanant des Nations Unies qui stipule l’existence du droit à la démocratie. De ce fait la
démocratie est reconnue comme une valeur, objet de protection internationale et en lien
étroit avec les droits de l’homme. La législation sur ce thème doit couvrir, entre autres,
la primauté du droit, y compris la protection des droits, des intérêts et de la sécurité des
personnes, ainsi que l’impartialité du pouvoir judiciaire et son indépendance.
La résolution 2000/47 de la Commission a invité les États membres de l’Organisation
des Nations Unies à renforcer la démocratie par la protection du pluralisme, des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, en augmentant la participation des individus
dans les processus décisionnels et le développement des institutions publiques, y com-

21
L’arrêt du 14 novembre 1960 sur Lawless c. L’Irlande, (Séries A no 1, p. 13).
Le principe de l’État démocratique 235

pris un système judiciaire indépendant, un organe législatif efficace et responsable, ainsi


qu’un système administratif et électoral garantissant des élections périodiques, libres
et équitables. En poursuivant la promotion de la démocratie et son développement, de
nouvelles mesures ont été identifiées dans la résolution n° 2002/46 de la Commission du
23 avril 2002 (E/2002/23 E/CN.4/2002/200).
Un lien étroit existe donc entre la démocratie et les droits de l’homme. Les principes
démocratiques, tels que la primauté du droit, l’interdiction de la discrimination, et des
élections générales, ainsi que les institutions démocratiques, telles que l’indépendance
du système judiciaire, la responsabilité de la presse et la garantie des droits de l’homme
sont interdépendants. Il a été reconnu que ces droits humains ne peuvent être pleinement
réalisés que dans une société démocratique. D’autre part, les droits de l’homme consti-
tuent la seule base sur laquelle peut naître et se développer dans une société démocrati-
que.
Le processus d’approfondissement et de renforcement de la démocratisation s’est
réalisé dans quatre domaines et implique : d’abord, la formation des attitudes démocrati-
ques parmi tous les membres de la société et les agents de l’administration publique et ;
d’autre part, l’appui aux processus électoraux en vue de créer un gouvernement légitimé
ainsi ;troisièmement, des supports institutionnels, en particulier un système juridique,
une justice pénale et des institutions d’application du droit en vue de créer ou de ren-
forcer sa primauté ; quatrièmement, en complément à ces phénomènes, des institutions
sociales faisant partie d’une société démocratique, telles que les syndicats indépendants,
la participation des femmes à la vie sociale et politique.

4. L’Organisation pour la sécurité et la coopération


en Europe et la démocratie

Les questions de droits humains ont été placées dans la troisième corbeille de l’Acte
final d’Helsinki. Le septième principe du Décalogue d’Helsinki – un ensemble de règles
qui régissent les relations entre les États participants à la conférence – couvre les droits
de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté de penser, de conscience,
de religion et de conviction. Ces droits sont devenus l’objet d’un dialogue dans le cadre
de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, transformé à partir du 1er
Janvier 1996, en l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).
Aujourd’hui, l’OSCE estime que sa mission consiste à prévenir les conflits en Euro-
pe. Ses priorités sont d’empêcher les conflits locaux, de rétablir la paix et la stabilité dans
les régions menacées par la guerre, de surmonter les déficits de la sécurité et d’éviter de
nouvelles tensions politiques, économiques et sociales, tout en consolidant les valeurs
communes aux États membres et en contribuant à bâtir une société pleinement démo-
cratique fondée sur la primauté du droit22. La teneur de ce qui est appelé la dimension
humaine (human dimension) se compose d’obligations des États membres visant l’octroi
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la primauté du droit,

22
OSCE Handbook, Vienne 1999, p. 17-18.
236 Piotr Przybysz

la promotion et le renforcement, de la démocratie, ainsi que la promotion et le renforce-


ment des institutions démocratiques, et la promotion de la tolérance.
Le Document de Copenhague de 1990 (Document of the Copenhagen Meeting of
the Conference on the Human Dimension of the CSCE) est la source la plus importante
de l’engagement dans la sphère de la dimension humaine23. Ce document précise que la
promotion des droits humains est un objectif fondamental de l’action gouvernementale.
Divers mécanismes et institutions assurent la mise en œuvre des engagements dans le
domaine de la dimension humaine. Le Mécanisme dit de Vienne, adopté pendant la Réu-
nion de Suivi (Follow-up) à Vienne en 1989, a créé un système d’échanges d’informations
sur les questions relatives à la dimension humaine. Ce mécanisme a imposé aux États
membres de fournir des réponses aux demandes de renseignements provenant d’autres
pays, dans le cadre des réunions bilatérales. Il autorise à prêter attention à des pays tiers
dans les cas où des questions relatives à la dimension humaine se posent. Le Mécanisme
de Moscou prévoit la possibilité d’envoyer des experts pour aider les États membres dans
leurs efforts afin de résoudre le problème spécifique de la dimension humaine.
L’une des institutions de l’OSCE désignée pour agir dans le domaine de la dimension
humaine est le Bureau des Institutions Démocratiques Civiles et des Droits de l’Homme
(Office for Democratic Institutions and Human Rights – ODIHR), dont le siège est à Var-
sovie et qui a été créé en 1992 sur la base établie en 1990 par l’Office pour les élections
libres (Office for Free Elections). Les tâches de l’ODIHR sont les suivantes :
– promouvoir des élections démocratiques, en particulier par leur surveillance,
– fournir une assistance concrète pour soutenir les institutions démocratiques et les
droits humains, le renforcement de la société civile et de État de droit,
– apporter une aide en matière d'alerte précoce et de prévention des conflits, en par-
ticulier grâce à la surveillance de la mise en œuvre des engagements sur les droits
de l'homme24.
L’ODIHR exécute ses tâches par des programmes pratiques pour la promotion de
la société civile et des institutions démocratiques, l’organisation de conférences sur la
mise en œuvre de la dimension humaine SOSCE– Séminaire annuel sur la Dimension
humaine (Human Dimension Seminar) ; tous les deux ans conférences sur la mise en
œuvre de la dimension humaine (OSCE Human Dimension Implementation Meetings) et
conférences sur des questions particulières.
Le Séminaire sur la Dimension Humaine, qui s’est tenu à Varsovie du 28 Novembre
a 1 Décembre 1995 a été consacré aux problèmes théoriques et pratiques de l’État de
er

droit. Au cours de la discussion il s’est avéré que l’approche historique et philosophique


à cette problématique a une valeur pratique restreinte. Les divers éléments de la primauté
du droit ont été indiqués dans des documents de l’OSCE et par conséquent la discussion
sur ce thème devrait avoir un caractère concret et pratique et prendre en compte les nor-
mes relatives aux droits humains appliquées par les organes judiciaires internationaux,
et en particulier ceux de Strasbourg25. Les conclusions ont constaté que la primauté du

OSCE Handbook, Vienne 1999, p. 103.


23

OSCE Handbook, Vienne 1999, p. 34.


24

25
 OSCE/ODIHR Human Dimension Seminar on the Rule of Law. Consolidated Summary, Warsaw, 28
November – 1 December 1995, p. 7.
Le principe de l’État démocratique 237

droit peut être conçue au sens large – comme principe général régissant les sociétés
démocratiques et constituant une valeur en tant que telle, et au sens étroit – comme ob-
jet d’engagements des États membres de l’OSCE soumis à l’examen dans le cadre des
procédures spéciales de contrôle. Ces deux approches sont également justifiées. La dis-
cussion a également porté sur le contrôle judiciaire de l’administration. La possibilité de
questionner les actes de l’autorité exécutive a été reconnue comme un élément important
de la démocratie et de la primauté du droit, cependant. Mais l’opportunité de soumettre
tous ses actes a ce contrôle judiciaire est mise en doute26.

5. L’Union Européenne et la démocratie

Les Institutions de la Communauté Européenne n’ont pas été programmées comme


des organisations démocratiques et dans le Traité de Rome le terme « démocratie » n’est
pas employé. Les Fondateurs de la Communauté Européenne n’ont pas jugé indispensa-
ble de réserver l’appartenance à la Communauté aux États démocratiques – l’article 237
du Traité de Rome a admis chaque État européen à cette appartenance. Au moins quatre
motifs ont contribué à une telle approche au problème de la démocratie27. Premièrement,
la Communauté a vu le jour en tant qu’organisation internationale fondée sur un accord
entre les États, et ce type d’organisation ne prévoit en général pas beaucoup de méca-
nismes démocratiques dans le processus de prise de décision démocratique. En outre la
démocratie est indirectement présente dans ces organisations – les gouvernements étant
contrôlés au niveau national par le parlement. Deuxièmement, les États membres ne
voulaient pas transmettre rapidement à la Communauté une grande partie de leur souve-
raineté. La création d’un parlement communautaire doté de vastes compétences législa-
tives aurait rendu difficile le contrôle de ce processus et l’aurait certainement accéléré,
contrairement à l’intention des fondateurs de la Communauté. Troisièmement, le modèle
européen de la démocratie, fondée sur le principe de la création d’un gouvernement par
la majorité parlementaire et de la responsabilité de l’exécutif devant le parlement, était
impossible à récréer au niveau de la Communauté. Quatrièmement, on a considéré que
le Parlement ne pouvait avoir que des compétences négatives pour rejeter les règlements
et les directives, mais ne pouvait pas avoir des compétences positives, ce qui aurait sapé
les compromis conclus au sein de la Commission Européenne. La situation a changé
diamétralement depuis 1957 et graduellement des références à la démocratie28 ont été
introduites dans les actes fondamentaux. Les exigences vis à vis des États candidats à
l’Union ont été précisées au sommet de l’Union tenue à Copenhague en Juin 1993. Les
exigences suivantes ont été retenues :

26
 OSCE/ODIHR Human Dimension Seminar on the Rule of Law. Consolidated Summary, Warsaw, 28
November – 1 December 1995, p. 9.
27
G. Federico Mancini, D. T. Keeling, « Democracy and the European Court of Justice », Modern Law
Review, vol. 57, March 1994, No 2, p. 175.
28
Pour lire plus dans la littérature polonaise concernant ce sujet voir Z. Maciąg, « Idee Państwa de-
mokratycznego, prawnego i socjalego w prawie międzynarodowym » [in :] Dziedzictwo prawne XX wieku.
Le livre de mémoire à l’occasion de la 150e anniversaire de l’association TBSP UJ, Zakamycze, Cracowie
2001, p.238 et suiv.
238 Piotr Przybysz

a) critères politiques, à savoir : des institutions stables garantissant la démocratie, la


primauté du droit, les droits humains et la protection des minorités. Ces exigences repré-
sentant les principes constitutionnels du Traité de l’Union Européenne, ont également
été reprises dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne adoptée en
Décembre 2000 lors du Sommet de Nice.
b) critères économiques – un État candidat devrait avoir une économie de marché
fonctionnant bien et capable de faire face à la concurrence au sein de l’Union.
c) critère de l’acquis – la capacité de s’acquitter des obligations découlant de l’appar-
tenance, y compris la réalisation des buts de l’Union politique, économique et monétaire.
La Commission Européenne a ensuite souligné à maintes reprises que ce critère signifie
non seulement la possibilité de transférer l’acquis dans l’ordre juridique national, mais
aussi celle d’assurer une application effective de l’acquis par les institutions administra-
tives appropriées et le système judiciaire.
Le degré de mise en œuvre des critères de Copenhague par les États candidats a fait
l’objet d’évaluations annuelles par la Commission Européenne, qui ont eu lieu à partir
de 1997. L’objet de l’appréciation relative aux critères politiques n’était pas seulement
les questions d’organisation de diverses institutions publiques dans les États candidats,
mais aussi la pratique de mise en œuvre des droits et libertés individuels, y compris la
façon de respecter et d’appliquer la Convention Européenne sur la Protection des Droits
Humains et des Libertés Fondamentales.
Il convient de noter l’importance accrue de la problématique de la démocratie dans le
cadre de l’Union. Conformément à l’article 2 du Traité sur l’Union Européenne, l’Union
se fonde sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie,
de l’égalité, de l’État de droit ainsi que du respect des droits humains. Ces valeurs ont
été reconnues comme communes aux États membres de l’Union.
En dépit des transformations mentionnées ci-dessus sous une forme nécessairement
abrégée, l’Union européenne est toujours encore perçue comme une organisation pro-
fondément non-démocratique29.

6. Certains dilemmes de la conception de l’État de droit démocratique


et la science du droit contemporaine polonaise

Le législateur a employé la définition « État démocratique de droit » dans la descrip-


tion du régime de la Pologne, d’abord dans l’article 1er de la Constitution du 22 Juillet
195230 et ensuite dans l’article 2 de la Constitution du 2 avril 199731. Le concept de l’État
de droit démocratique n’a pas été antérieurement l’objet de réflexions plus profondes32,
Dans la littérature polonaise concernant ce sujet voir nottament K. Pawłowicz « Organizacja
29

międzynarodowa i « prawo» przez nią stanowione w świetle zasad Konstytucji RP », Kwartalnik Prawa
Publicznego, no 3/2002.
30
Aux termes de la loi du 31 décembre 1989 sur la modification de la Constitution de la Republique
Populaire de Pologne (J. O. no 85, pos. 444, J. O. modifié en 1995 No 150, pos. 730).
31
J.O. No 78, pos. 483, rectifié J. O. de 2001 No 28, pos. 319.
32
Les œuvres de M. Pietrzak sur les institutions de l’État de droit et la possibilité de les implanter dans
un État socialiste (voir les publication [in :] M. Pietrzak, Demokratyczne, świeckie państwo prawne, Wars-
zawa 1999) particulièrement importantes.)
Le principe de l’État démocratique 239

à l’exception des publications consacrées à la doctrine allemande. Il est compréhensible


que le Tribunal Constitutionnel, en se référant dans ses jugements au principe de l’État
de droit démocratique, ait exercé une réelle influence sur le cours du débat33 et sur la
manière de comprendre ce concept34.
Comme l’a constaté A. Kubiak35, une discussion sur le concept de l’État de droit démo-
cratique est liée à la controverse autour de la conceptualisation formelle et matérielle de la
primauté du droit. On considère parfois que cette primauté est un équivalent restreint de
l’État de droit et a essentiellement un caractère formel36. La primauté du droit peut être défi-
nie comme « un état de fait dans la vie d’un État dont la caractéristique est que la méthode
de réalisation de l’autorité étatique au sens le plus large de ce mot consiste en ceci : toute
la soumission du citoyen à cette autorité est régie par le droit, tandis que les réglementa-
tions pertinentes sont strictement observées et sauvegardées par les garanties approfondies
et fixées par la loi »37. Ainsi un État qui rejette l’idée de démocratie peut être un État de
droit au sens formel, à condition que ses organes agissent sur la base et dans les limites du
droit »38. Parfois on restreint l’idée de l’État de droit à l’idée de la primauté de la légalité en
rapprochant l’idée de l’État de droit de cette primauté dans son sens formel39.
La différence fondamentale entre l’Etat de droit au sens matériel, et la primauté du
droit au sens matériel consiste en la teneur des valeurs réalisées par le système juridi-
que40. Les valeurs mises en œuvre par un État où prévaut la primauté du droit au sens

33
Il existe un certain nombre de publications consacrées aux institutions de l’État démocratique de
droit, voir parmi les plus récentes entre outres : W. Staśkiewicz, « Demokratyczne państwo prawne w Polsce
lat dziewięćdziesiątych : funkcjonalność teorii i dysfunkcjonalność praktyki » [in :] Prawo i ład społeczny.
Le livre d’hommage au Professeur Anna Turska, Varsovie 2000 ; M. Zdyb, « Państwo prawa w perspektywie
zaszłości historycznych oraz dokonujących się zmian », [in :] S. Fundowicz (réd.), Współczesne problemy
prawa publicznego, Lublin 1999, p. 17 et suiv.
34
L’ancien président de la Cour Constitutionnelle de la Pologne M. Safjan, a fait un cours à Stras-
bourg le 25 janvier 2001, lors de l’inauguration de la session annuelle de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme, et il a déclaré que non seulement en Pologne mais en Europe centrale la justice constitutionnelle
joue un rôle crucial dans l’élaboration de l’État de droit démocratique et de sa culture juridique (M. Safjan,
« Tworzenie wspólnej przestrzeni prawnej », Rzeczpospolita No 25 du 21 janvier 2001).
35
[in :] « Państwo prawne – idea, postulaty, dylematy », PIP 1991, cahier no 7, p. 18 sur la la concep-
tualisation formelle et matérielle de la primauté du droit voir par ex. J. Nowacki, Praworządność. Wybrane
problemy teoretyczne, Varsovie 1977, p. 65 et suiv.
36
A. Kubiak, Państwo prawne…, p. 16 ; voir aussi l’opinion de J. Wróblewski, selon laquelle la défi-
nition de l’État juridique est celle de l’État de droit. L’idée de la primauté du droit dans sa compréhension
formelle est considérée comme le plus bas niveau de l’idée de l’État de droit (J. Wróblewski, « Z zagadnień
pojęcia i ideologii demokratycznego państwa prawnego (analyse théorique) » , PiP 1990, cahier 6, p. 3 i 9)
37
A. Burda, Demokracja i praworządność, Wrocław–Warszawa–Kraków 1965, p. 40.
38
K. Opałek et W. Zakrzewski considérent comme évident le fait que la primauté du droit est présente
dans chaque État, aussi dans les États esclavagistes et féodaux (K. Opałek, W. Zakrzewski, Z zagadnień
praworządności socjalistycznej, Varsovie 1958, p. 43). Cette opinion est principalement partagé par A. Bur-
da [in :] Demokracja i praworządność, p. 42-43).
39 A. Kubiak, « Państwo prawne… », p. 16 ; sur les relations entre la primauté du droit et un État de
droit voir. A. Pułło, « Państwo prawne » (ses remarques par rapport à l’article 1 de la Constitution de la
République de Pologne), Studia Iuridica, Varsovie 1995, t. 28, p. 127 et suiv.
40
Cf. l’opinion de W. Sokolewicz (in : Rzeczpospolita Polska – demokratyczne państwo prawne (consi-
dérations dans le cadre de la loi du 29 juillet 1989 sur le changement de la Constitution), PiP 1990, cahier.
4, p. 24), un État de droit c’est plus qu’un État dans lequel prévaut la primauté du droit, c’est aussi une
philosophie de l’ État et de la gouvernance.
240 Piotr Przybysz

matériel sont délivrées de l’idéologie sociopolitique qui prévaut et qui n’a pas nécessai-
rement un caractère démocratique. La structuration d’un État de droit au sens matériel
se rattache par contre à des valeurs démocratiques relatives au système juridique – l’ap-
proche, les obligations et les applications, ce qui se concrétise dans plusieurs domai-
nes : légitimation de l’autorité, légalisme, structure hiérarchique des sources du droit et
garanties procédurales institutionnelles41. Dans ce contexte, la conception de l’État de
droit coïncide avec celle de l’État démocratique. Il convient de mentionner ici également
le sens attribué aux droits et libertés essentielles, et surtout à la liberté individuelle42 à
la lumière de ces deux conceptions Comme l’a écrit A. Burda, la primauté du droit est
indissociablement liée à l’idée de démocratie dans un État où le législateur est tenu de
respecter l’état de actuel de la conscience juridique, changeante au cours de l’histoire
(points de vue sur les obligations légales, morales ou coutumières) de la société ou du
groupe social fondamental43.
Comme l’a écrit A. Pułło44, on ne peut pas détacher l’État de droit de l’axiologie de
l’État démocratique, mais on ne peut pas non plus remplacer un concept par l’autre ou les
identifier l’un à l’autre, en donnant ainsi à l’idée de l’État de droit le caractère d’un bilan.
L’opinion selon laquelle un État de droit constitue une étape dans le perfectionnement et
l’accomplissement de l’idée d’État démocratique a également été exprimée45. Cette thèse
n’est vraie que dans l’hypothèse que seules des conceptions matérielles de l’État de droit
peuvent être formulées et que par leur nature elles contiennent des éléments démocra-
tiques. Même une analyse superficielle de la genèse de la conception de l’État de droit
témoigne du fait que ce concept n’a pas toujours été lié à l’idée de démocratie et que son
développement n’a pas consisté en un renforcement des éléments démocratiques.
Un accord sur la façon de comprendre le concept de « démocratie » fait défaut,
d’autant plus que celui-ci a été l’objet d’une évolution. Ainsi, les discussions sur ce thè-
me mènent à des divergences de vues particulièrement prononcées46. Il est donc difficile
de définir de manière univoque en quoi consiste la démocratie contemporaine. Dans la
littérature, la caractéristique essentielle de la démocratie contemporaine à la lumière des
théories de la démocratie formulées actuellement est le pluralisme des conceptions du
monde47.
La controverse porte également sur le sens juridique de l’utilisation par le législateur
de la définition « État de droit démocratique ». Certains théoriciens reconnaissent qu’il
ne convient pas de parler d’un principe, mais d’une conception, d’une structuration ou

A. Pułło, « Państwo prawne… », p. 128 ; voir aussi A. Kubiak, « Państwo … », p. 26 et 18.


41

 Z. A. Maciąg, Zasada …, p. 442.


42

43
A. Burda, Demokracja i praworządność, Wrocław-Warszawa-Kraków 1965, p. 211.
44
A. Pułło, « Państwo prawne… » (Ses remarques par rapport à l’article 1 de la Constitution), Studia
Iuridica, t. 28/1995, p. 128.
45
 Zakrzewska partage cette opinion, formulé par L. Favoreu dans son œvre : De la démocratie et
l’État de droit, Le débat, 64, 1991 (voir : J. Zakrzewska, Trybunał Konstytucyjny – konstytucja – państwo
prawa, PIP 1992, no 1 et eadem, « Państwo prawa a nowa konstytucja », [in :] Prawo w zmieniającym się
społeczeństwie, Cracovie 1992, p. 325).
46
 T. Sasińska-Klas, « Modele demokracji. Klasyczne założenia i ich współczesne odmiany », [in :]
Prawo w zmieniającycm się społeczeństwie, Cracovie 1992, p. 364.
47
E. Łętowska, Po co ludziom konstytucja, Varsovie 1994, p. 57 ; M. Szyszkowska, « Kształtowanie
światopoglądu a problem biurokracji », [in :] Prawo. Administracja. Obywatele, Białystok 1997, p. 362.
Le principe de l’État démocratique 241

d’un phénomène d’État de droit48. Comme l’indique A. Pułło, l’idée d’un État de droit
devrait être reconnue comme l’un des principes du régime constitutionnel de l’État, une
norme spécifique d’où découle un programme de buts à long terme ou une vision abs-
traite du régime politique, social et juridique, en cours de réalisation ou qui doit être réa-
lisé à l’avenir49. La définition de la République de Pologne comme État de droit devrait
donc être considérée que comme une déclaration d’intentions politiques du législateur de
prendre pour modèle les solutions adoptées par certains États occidentaux50. On a éga-
lement exprimé le point de vue selon lequel la définition de la République de Pologne
comme État de droit n’exprime pas seulement la volonté politique du parlement, mais
aussi des valeurs normatives, en formulant surtout le principe de l’État de droit51.
En réalité il ne doit pas y avoir de contradiction entre la thèse de l’État de droit com-
me norme programmatique et celle selon laquelle il s’agit d’un principe constitutionnel
décrivant la réalité de la norme constitutionnelle. Comme l’a constaté F. Schnapp52, la
transformation d’une déclaration générale sur l’État de droit en une réalité exige cer-
taines démarches : la reconnaissance de la primauté de la constitution sur les autres
actes juridiques, la possibilité d’une application immédiate de la constitution, la création
d’institutions et de procédures définies grâce auxquelles il est possible d’affirmer im-
pérativement si les dispositions constitutionnelles ont été respectées et le resteront. E.
Łętowska et J. Łętowski vont plus loin et indiquent que dans la version appliquée dans
les pays où la démocratie a atteint sa maturité, l’État de droit est aussi une idée qui fait
partie de la culture en tant que telle53.
Une autre caractéristique de l’édification d’un État de droit qui mérite l’attention,
c’est son ouverture et son caractère « local »54. Par conséquent la conception de l’État de
droit n’est pas formée de façon définitive : les valeurs qui sont à la base constituent le
squelette d’une construction évolutive, la structure elle-même recevant sa forme défini-
tive et sa réalisation hic et nunc55.
Cette imprécision du concept juridique de l’État de droit ainsi que ses relations com-
plexes avec d’outre concepts aussi imprécis, comme la démocratie ou la primauté du
droit, aboutit à une multiplicité de conceptions de cet État. En outre ces conceptions se
48
Voir M. Wyrzykowski, « Legislacja – demokratyczne państwo prawa – radykalne reformy polityczne
i gospodarcze », Państwo i Prawo, 1991, no 5 ; A. Pułło, « Państwo prawne» (Ses remarques en liaison avec
l’article 1 de la Constitution de RP), Studia Iuridica 1995, t. 28, p. 122.
49 A. Pułło, « Idee ogólne a zasady prawa konstytucyjnego », Państwo i Prawo, 1995, no 8, p. 23, 25-
26.
50
A. Kubiak, op.cit., PIP 1991 , cahier 7, p. 17.
51
Voir. A. Pułło, op. cit. p. 123.
52
 F. Schnapp, « Rozważania nad konstytucyjną zasadą państwa prawa », [in :] Administracja publiczna
w państwie prawa. Księga jubileuszowa dla Profesora Jana Jendrośki, AUWr No 2154, Prawo CCLXVI,
Wrocław 1999, p. 336.
53
E. Łętowska, J. Łętowski, « Prawo w systemie funkcjonowania współczesnego państwa », [in :]
Księga pamiątkowa profesora Eugeniusza Ochendowskiego, p. 195.
54
W. Taras, A. Wróbel, Zarys koncepcji państwa prawnego w praktyce Rzecznika Praw Obywatelskich,
Biuletyn RPO – Mat., No 7, Varsovie 1991; p. 73.
55
 Z. Cywiński, « Zaniechana rewolucja. Rzecz o polskim prawie ostatniej dekady XX wieku », [in :]
Prawo i ład społeczny. Le livre d’hommage au Professeur Anna Turska, Varsovie 2000, p. 97-98 ; J. Stel-
mach, « Filozoficzne aspekty dyskusji o państwie prawnym », [in :] Prawo w zmieniającym się społeczeń-
stwie, Cracovie 1992, p. 227.
242 Piotr Przybysz

situent à des niveaux de généralisation théorique différents56. Ainsi s’ouvre la discussion


sur les solutions institutionnelles inhérentes à l’idée d’un État de droit.
Une caractéristique commune à toutes les conceptions de l’État de droit est la ten-
dance à limiter les fonctions étatiques et à formater l’autorité étatique à l’aide de moyens
juridiques57. On constate que le partage du pouvoir est l’un des fondements de l’État de
droit s’ajoutant au légalisme dans l’activité de l’administration et à la protection par les
tribunaux des droits individuels avant l’intervention des autorités publiques58. Mais le
partage du pouvoir comme l’un des éléments de la conception de l’État de droit59 a éga-
lement été mis en doute. Quant au droit au jugement, il paraît être un élément incontes-
table de la construction de l’État de droit60.
Du point de vue du droit constitutionnel il faudrait donc se référer à plusieurs prin-
cipes de l’État de droit61, et non à un seul. Le Tribunal Constitutionnel l’a exprimé ainsi
dans un de ses arrêts : «L’article 1 de la Constitution (maintenant l’art. 2 de la Constitu-
tion de 1997 – P.P.) et la clause relative à l’État de droit démocratique qui y figure sont
une expression commune sui generis d’une série de règles et de principes qui, bien qu’ils
ne soient pas inscrits expressis verbise dans le texte écrit de la Constitution, résultent de
façon imminente de l’axiologie et de l’essence de l’État de droit démocratique » 62.
Comme l’indique M. Smolak63, deux de ces nombreux principes ont une signification
fondamentale pour la conception de l’État de droit, à savoir le principe de légalité relatif
à l’exigence d’une légitimation juridique de toute activité des organes de l’État, ainsi que
celui du partage du pouvoir qui concerne les relations entre organes de l’autorité publi-
que. En outre, selon certains, le principe de l’État de droit est en liaison immanente avec
un ensemble de valeurs caractéristiques de l’État libéral et démocratique, par exemple
de l’individu et la société civile.
Il convient de souligner également ce que dit K. Orzechowski de la base institution-
nelle du concept de l’État de droit. Il indique « l’unité (l’uniformité) de l’ordre juridique
qui fonctionne dans une structure politique donnée, ainsi que celle de l’autorité publique
fonctionnant en son sein. Enfin un but essentiel auquel doit servir l’État de droit, ainsi
que l’idée sous-jacente, à savoir la réalisation de la justice sociale, qu’il est difficile de
concevoir autrement que comme la conciliation d’intérêts naturellement contradictoires

56
 �������������������������������������������������������������������������������������������������
A. Gryniuk, « Pozytywistyczna koncepcja państwa prawnego i jej późniejsze teoretyczne i praktycz-
ne modyfikacje », [in :] Teoria prawa. Filozofia prawa. Współczesne prawo i prawoznawstwo, Toruń 1998,
p. 87.
57
F. Schnapp, « Rozważania nad konstytucyjną zasadą państwa prawa », [in :] Administracja publiczna
w państwie prawa. Księga jubileuszowa dla Profesora Jana Jendrośki, AUWr No 2154, Prawo CCLXVI,
Wrocław 1999, p. 336.
58
Idem. p. 340.
59
Voir A. Pułło, op. cit. p.123 et suiv. et la littérature citté là-bas.
60
J. Zakrzewska, « Konstytucyjna zasada państwa prawnego w praktyce Trybunału Konstytucyjnego »,
PiP, 1992, cahier 7, p. 13 ; S. Wronkowska, « Zarys koncepcji państwa prawnego w polskiej literaturze po-
litycznej i prawnej », [in :] Polskie dyskusje o państwie prawa, éd. Sejmowe, Varsovie1995, p. 65.
61
De même par rapport à la science allemande du droit administratif constitutionnel F. Schnapp,
« Rozważania …», op. cit., p. 339.
62
L’arrêt du Tribunal Constitutionnel du 16 Juin 1999 – P 4/98 OTK 1999/5/9.
63
M. Smolak, « Wykładnia prawa a zmiana społeczno-polityczna », [in :] J. Stelmach (réd.) Studia
z filozofii prawa, Wydawnictwo Uniwersytetu Jagiellońskiego,Cracovie 2001, p. 160.
Le principe de l’État démocratique 243

autant entre l’État et le citoyen qu’entre les citoyens eux-mêmes – et tout cela en respec-
tant pleinement le droit et en l’appliquant strictement »64.
D’autres conséquences découlent également de la désignation de la République de
Pologne comme État de droit démocratique. Le principe de la prise de décisions fonda-
mentales par les tribunaux dans des audiences publiques65 est d’une importance capitale
pour la démocratie. La doctrine attire aussi l’attention sur l’importance du principe de
proportionnalité qui permet dans un État de droit de mesurer la conformité des lois et
autres actes des organes étatiques avec les objectifs de cet État déterminés par la Consti-
tution66. Dans ce contexte, on ne saurait affirmer la primauté de l’intérêt de la société
(général) sur l’intérêt individuel – cette affirmation devrait être remplacée par l’ordre de
peser ces intérêts conformément au principe de proportionnalité stricto sensu67.
Dans son ouvrage cité ci-dessus, D. Kijowski68, après avoir analysé les arrêts publiés
de la Cour Administrative Suprême (NSA), a constaté que le principe de proportionna-
lité est en général laissé en dehors des critères sur la base desquels ce tribunal évalue la
légalité des décisions qui lui sont soumises. L’interprétation des règles juridiques adop-
tée dans les considérants de ces arrêts correspond parfois aux exigences de ladite règle,
mais elle n’est pas indiquée comme fondement. Plusieurs années plus tard B. Kudrycka
a constaté que la jurisprudence n’a établi un lien entre le principe d’État de droit et celui
de la proportionnalité (caractère adéquat) dans le droit administratif69 que depuis 1995.
Le principe de proportionnalité a été reconnu par le Tribunal Constitutionnel comme une
des valeurs constitutionnelles indissolublement liées à la construction d’un État de droit
démocratique70 administratif. Néanmoins -comme l’a constaté Z. Kmieciak- ce n’est
pas devenue une norme plus largement invoquée dans la jurisprudence. Une telle norme
aurait permis de vérifier dans quelle mesure les organes de l’administration publique
bénéficient de la latitude décisionnelle, bien qu’il soit possible d’interpréter l’article 31,
paragraphe 3 de la Constitution comme l’interdiction d’un acte non motivé, dépassant le
domaine des valeurs protégées dans un État démocratique et dépourvu de base législa-
tive, comme une infraction à la sphère des droits et des libertés constitutionnels71.

64
K. Orzechowski, « Między monarchą a stanami », [in :] Administracja publiczna w państwie prawa.
Księga jubileuszowa dla Profesora Jana Jendrośki, AUWr No 2154, Prawo CCLXVI, Wrocław 1999,
p. 287.
65
M. Dębicki, « Niezawisłość sędziów », Przegląd Sądowy, nos 11-12/1998, p. 33.
66
D. Kijowski, « Państwo a prawa i wolności obywateli – zasada proporcjonalności »,Biuletyn RPO.
Dossier, cahier 6, Varsovie 1990, p. 64 ; J. Oniszczuk, Państwo prawne w orzecznictwie Trybunału Konsty-
tucyjnego (zasady państwa prawnego), Helsińska Fundacja Praw Człowieka, Varsovie 1996, p. 46-50 ; Z.
Kmieciak, Ogólne zasady prawa i postępowania administracyjnego, Varsovie 2000, p. 111 et suiv. ; voir
aussi : A. Wiktorowska, « Zasada subsydiarności », [in :] Instytucje współczesnego prawa administracyjne-
go. Księga jubileuszowa Profesora zw. dra hab. Józefa Filipka, Éd. Univérsité Jagiellonne, Cracovie 2001,
p. 759-764.
67
D. Kijowski, Państwo a prawa i wolności obywateli… op. cit. p. 87.
68
Ibid. p. 66-67.
69
B. Kudrycka, « W sprawie projektu ustawy o przepisach ogólnych prawa administracyjnego », [in :]
Prawo. Administracja. Obywatele, Białystok 1997, p. 199.
70
Voir les arrêts du 31 janvier 1996 K. 9/95 OTK 1996, t. I, pos. 2; du 26 avril 1995 K. 11/94 – OTK
1995, cpartie I, pos. 12 ; et du 16 mai 1995 K. 12/93 – OTK 1995, partie. I, pos. 14.
71
 Z. Kmieciak, Ogólne zasady prawa i postępowania administracyjnego, Varsovie 2000, p. 116.
244 Piotr Przybysz

Le principe de proportionnalité implique la problématique de l’abus de droit. Dans


un État de droit il est indispensable non seulement de vérifier la conformité formelle
des activités de l’administration avec le droit, mais la manière dont l’administration72
bénéficie du droit.
L’idée d’un État démocratique de droit devrait également être reflétée dans la maniè-
re d’interpréter les règles légales. Il convient d’attacher plus d’importance que jusqu’à
maintenant aux interprétations du système et de son fonctionnement73. Ce point de vue
se réfère à celui qui a été formulé dans la théorie du droit occidentale, selon laquelle dans
les périodes de changements institutionnels profonds l’interprétation de la constitution
devrait être engagée politiquement dans le but de construire un État de droit. Ses parti-
sans rejettent la thèse selon laquelle l’interprétation du droit a un caractère autonome et
acceptent au contraire la conception néo-positiviste de l’ordre juridique selon laquelle un
lien immanent rattache les principes de l’État de droit avec certains principes définis de
l’ordre démocratique et libéral qui ne figurent dans aucun texte juridique74. Une consé-
quence de cette position est la thèse de la primauté d’une interprétation fonctionnelle
sur une interprétation linguistique, si cela aboutit à l’obtention des normes d’un État
de droit ou si le résultat d’une interprétation constitutionnelle permet de rejeter ou de
questionner la légitimation d’un État totalitaire75. Dans la pratique polonaise les organes
administratifs emploient l’interprétation linguistique tandis que la Cour Suprême et la
Cour Suprême Administrative se réfèrent volontiers à l’interprétation fonctionnelle, et le
Tribunal Constitutionnel à l’interprétation systémique76.
En conclusion il faut noter le renforcement du caractère judiciaire de la législation,
ce qui selon J. Łętowski est une conséquence logique et objective du principe de la
primauté de droit. Il convient de citer ici l’opinion de M. Safjan77 sur le rôle des tribu-
naux dans l’État de droit : «La primauté du droit détermine l’essence des démocraties
contemporaines. Cette primauté, c’est surtout l’autorité des juges dont la compétence et
la possibilité d’influencer le cours de l’histoire, celui des changements, des règlements,
de la solution des conflits sociaux ont subi une immense augmentation au cours des
plusieurs dizaines d’années. Et c’est justement pour cela que s’accroit de plus en plus
aujourd’hui l’importance de la sobriété judiciaire (judicial self-restraint), de la capacité
de se limiter, de maintenir un équilibre délicat entre l’arbitraire judiciaire et la créativité,
entre la recherche d’un droit juste et l’imposition à la société de sa propre vision sociale,
de sa conception du monde, de son idéologie. Aucun tribunal, quels que soient son rang

72
Voir E. Łętowska, Glose au jugement de NSA du 1er juillet 1999, SA/Bk 208/99 – OSP 2000, no 1,
pos. 17 ; P. Przybysz, « Nadużycie prawa w prawie administracyjnym », [in :] H. Izdebski, A. Stępkowski,
Nadużycie prawa. Conférence de la Faculté de Droit et d’Administration de l’Université de Varsovie, 1 mars
2002, Éd. Liber, Varsovie 2003.
73
B. Kudrycka, op. cit. p. 199 ; E. Łętowska, « Działalność Rzecznika Praw Obywatelskich: kontakty
z Sądem Najwyższym i Trybunałem Konstytucyjnym », Biuletyn RPO – Mat., No 11, p. 15.
74
M. Smolak, « Wykładnia prawa …», p. 168.
75
Idem. p. 168.
76
M. Jaśkowska, Związanie decyzji administracyjnej ustawą, Toruń 1998, p. 147.
77
J. Łętowski, « Sąd Najwyższy w strukturach współczesnego państwa », [in :] Administracja publicz-
na w państwie prawa. Księga jubileuszowa dla Profesora Jana Jendrośki, AUWr No 2154, Prawo CCLXVI,
Wrocław 1999, p. 231.
Le principe de l’État démocratique 245

et sa position- ne doit enfreindre cette maxime. Mais plus grande est la compétence du
tribunal, plus grande est sa responsabilité de respecter ce principe de sobriété – la démo-
cratie et la primauté du droit consistent également en la capacité de contrebalancer les
arguments, d’éviter les extrêmes et de s’imposer des limites »78.
La démocratie est un terme utilisé dans les documents de droit international contrai-
gnants la République de Pologne. C’est aussi est un concept invoqué dans la Consti-
tution de 1997, où figure le terme « État de droit démocratique ». Un examen de ces
actes législatifs et des points de vue présentés dans la littérature polonaise conduit aux
conclusions suivantes : le concept d’État démocratique est étroitement liée à la notion de
la primauté du droit, la teneur du principe d’un État démocratique est le résultat d’une
réflexion historique et philosophique, et est déterminée par les procédures de contrôle
des pouvoirs publics, l’ambiguïté de la notion de droit démocratique étant lié à sa nature
ouverte, et au « localisme ».

78
M. Safjan, « Création d’un espace juridique commun », conférence prononcée à Strasbourg le 25
janvier 2001, lors de l’inauguration de la session annuelle de la Cour européenne des droits de l’homme,
Rzeczpospolita No 25 du 21 Janvier 2001.
Marcin S z ewc zak

Le rôle des institutions d’appui au développement


des régions en Pologne – une tentative
d’analyse au niveau du droit administratif

Introduction

Le fonctionnement du système de développement des régions doit inextricablement


être lié au bon fonctionnement du système institutionnel. Un système défectueux va
entraîner une réalisation inefficace des missions de l’administration publique dans le
domaine du développement des régions. En principe, les missions concernant le déve-
loppement des régions se trouvent dans la sphère de l’État, et pourtant cet État décide
quelle mission il va confier à d’autres agents de l’administration et même à d’autres
agents privés. Dans l’article ci-dessous sera présenté le système de réalisation de la po-
litique régionale en Pologne en prenant en compte le rôle des institutions qui assurent
l’appui à ce développement. Le rôle de l’auteur sera d’essayer de trouver une réponse à
la question suivante: le système des institutions appuyant le développement régional en
Pologne est-il un système efficace ou nécessite-t-il des changements ?

1. Les missions et les objectifs de la politique des régions

Conformément à la définition approuvée par la Charte européenne des collectivités


régionales on distingue trois critères essentiels à l’existence de la définition d’une ré-
gion. Premièrement ce doit être une unité territoriale du plus haut échelon dans un État
donné, c’est à dire se trouvant sur le plus haut niveau de la division administrative de cet
État. Deuxièmement, l’autorité détenant le pouvoir sur la région est élue au suffrage uni-
versel. Troisièmement, contrairement à la collectivité locale, la collectivité territoriale
s’occupe de l’intérêt général, et pas seulement de l’intérêt local1.
La politique régionale ainsi que ses instruments financiers appartiennent aux plus im-
portantes initiatives dirigées vers le développement social et économique dans l’Union
européenne2. Aux côtés de la politique de cohésion et de la politique structurelle, c’est
1
A. Sauer, E. Kawecka-Wyrzykowska, M. Kulesza, Polityka regionalna Unii Europejskiej a instrumen-
ty wspierania rozwoju regionalnego w Polsce, Varsovie 2000, p. 113-114.
2
M. Sapała-Gazda, Fundusze pomocowe Unii Europejskiej. Doświadczenia i perspektywy, Varsovie
2007, p 9.
248 Marcin Szewczak

l’une des politiques orientées vers les régions. Il est possible de remarquer l’utilisation
interchangeable de ces trois éléments, ce qui est provoqué par la nature de leurs buts tels
que l’égalisation des différences économiques et sociales entre les régions de l’Union
européenne3. Le sens de ces concepts dans la période actuelle de programmation pour
les années 2007-2013, se distingue considérablement du sens originel, ce qui provient du
fait que dans les précédentes décennies, ces politiques étaient dirigées indépendamment
et concernaient différentes actions. La politique régionale concernait des questions liées
aux régions et au développement local, la politique structurelle était liée aux changements
des infrastructures, alors que la politique de cohésion était liée à l’intégration des nou-
veaux états membres au reste de la communauté. Dans la période actuelle, les concepts
de politique régionale, structurelle et de cohésion, se recoupent dans beaucoup d’aspects4.
La politique européenne des régions est le plus souvent définie comme l’ensemble des
actions menées par l’État ayant un impact sur le développement social et économique du
pays5. En accord avec la définition proposée par M. Rudnicki: « la politique régionale de
l’Union européenne constitue une action, organisée de manière thématique, émanant de
l’autorité de décision, ayant pour objectifs, à l’aide des outils financiers et juridiques, la
suppression des disproportions dans le développement économique et social des régions
de l’UE et l’assurance de l’élargissement équilibré de tous ses terrains tout en conservant
sa cohésion intérieure économique et sociale6 ». De l’analyse de la politique régionale
de l’Union européenne ressort la tendance à un développement harmonieux de l’Union
européenne, c’est à dire au nivellement des différences entre les régions économique-
ment et socialement. La politique régionale est aussi définie comme une politique de
cohésion économique et sociale, ou aussi comme une politique structurelle. Dans la cas
de la première définition, le but des autorités publiques est de diminuer les différences de
développement des territoires pour lesquels l’indice essentiel de développement dans les
pays de l’Union européenne est : le taux de chômage ainsi que le produit national brut
par habitant. La deuxième définition se réfère au but des actions des autorités de pouvoir
public, visant une dynamique du développement économique d’un terrain donné, ainsi
que vers la reconstruction de sa structure économique7. Grzegorz Gorzelak souligne que
la source et le dogme de la politique régionale concernent l’égalisation des différences
interrégionales par l’aide à ces régions défavorisées pour ces raisons ou pour d’autres (par
exemple les régions périphériques, sous-développées, faisant l’objet de transformations
structurelles etc.)8. En tant qu’aspect économique de la politique, la politique des régions

3
L’art. 158 du Traité de Lisbonne modifiant le traité de l’Union européenne et le Traité instituant la
Communauté européenne, établi à Lisbonne le 13 décembre 2007 (J. O. de 2009, n°203, alinéa 1569) :
« Afin de promouvoir le développement harmonieux de toute la communauté, elle développe et poursuit des
actions afin de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, la Communauté vise
à réduire les disparités entre les différentes régions et le retard des régions les moins favorisées (…) ».
4
E. Kornberger-Sokołowska, J. Zdanukiewicz, R. Cieślak, Jednostki samorządu terytorialnego jako
beneficjenci środków europejskich , Varsovie 2010, p. 83-84.
5
B. Winiarski, Polityka gospodarcza, Varsovie 2000, p. 340.
6
M. Rudnicki, Polityka regionalna Unii Europejskiej, Poznań 2000, p. 30.
7
 T. G. Grosse, Polityka regionalna Unii Europejskiej i jej wpływ na rozwój gospodarczy. Przykład
Grecji, Włoch, Irlandii i wnioski dla Polski, Varsovie 2007, p. 7.
8
G. Gorzelak, Transformacja systemowa a restrukturyzacja regionalna, Varsovie 1995, p. 95.
Le rôle des institutions ... 249

admet que son objectif est de stimuler le développement social et économique dans les
régions par les autorités publiques. Il s’agit aussi de l’influence sur l’augmentation des
possibilités concurrentielles et des potentiels des plus faibles économies régionales9. Ce-
pendant la politique structurelle peut sembler être un concept plus large. Elle a pour but
de créer des conditions pour assurer la modernisation et les changements dans la struc-
ture économique en permettant l’acquisition, le maintien et l’augmentation du potentiel
concurrentiel des actions économiques de ces éléments10.
Conformément à l’article 158 du Traité de Lisbonne, l’objectif du traité de l’Union
européenne est : « le renforcement de l’unité économique, sociale et territoriale. Plus
précisément, la Communauté a l’intention de réduire les inégalités de niveaux de dévelop-
pement de diverses régions ainsi que le retard des régions les moins privilégiées (…) »11.
Comme on peut le lire dans les règlements, il en résulte la nécessité de prendre des mesu-
res spécifiques, qui visent à « renforcer la cohésion économique et sociale dans l’Union
européenne élargie, dans le but de soutenir de manière harmonieuse, égale et durable le
développement de la communauté »12. Toute mesure prise dans le cadre de la politique
régionale a pour but d’égaliser les différences économiques, sociales et territoriales, dont
les causes se trouvent dans le processus de vieillissement de la société, dans la restructu-
ration économique et sociale, ainsi que dans le retard de quelques pays et régions.
Dans le courant de la période de programmation 2007-2013, la politique régionale
vise à stimuler les activités de développement durable en renforçant la croissance de
l’emploi, l’intégration sociale et la compétitivité, ainsi que par l’amélioration de la qua-
lité et de la protection de l’environnement13.

2. Les institutions soutenant le développement des régions en Pologne

Les éléments qui conduisent la politique de développement sont constitués par le


conseil des ministres, la collectivité de la voïvodie et la collectivité territoriale du district
et de la commune14. La conduite du développement a un caractère de mission publique
et conformément à l’article 3 de la loi sur des règles de conduite de la politique de dé-
veloppement, elle est confiée à l’administration étatique, à la collectivité territoriale de
la région et de la commune. Cette manière d’uniformiser est liée à la spécificité de la
mission, et plus précisément, l’objectif de sa réalisation, car cette mission a un caractère
général étatique, régional et local ; comme également avec le champ de compétence de
ces organes qui ressortent non seulement de la disposition étudiée, mais aussi d’autres
règlements juridiques15.

9
M. Łapuć, « Regiony i regionalizm w Unii Europejskiej », Administracja Publiczna, 2003, nO 2,
p. 103-119 .
10
B. Woś, Rozwój regionów i polityka regionalna w Unii Europejskiej oraz w Polsce, Wrocław 2005,
p.103-119.
11
L’art. 158 du Traité de Lisbonne.
12
Le Règlement du Conseil n° 1083/2006.
13
K. Kokocińska, Polityka regionalna w Polsce i Unii Europejskiej, Poznań 2009, p. 35.
14
L’art 3 de la loi des règles de conduite de la politique de développement.
15
K. Kokocińska, Polityka regionalna…, p.79.
250 Marcin Szewczak

Il peut exister une situation dans laquelle, en vertu de certaines dispositions, plusieurs
organes de différents degrés sont obligés d’exécuter les missions d’ordre public. Dans
ce cas s’impose la précision dans la description des règles de réalisation de cette mis-
sion, en ajoutant la nature des sources, outils juridiques, mécanismes de coopération et
la compétence de ces organes16. Il convient d’attirer l’attention sur le sens réel garanti
constitutionnellement de la règle d’indépendance des organes. Comme le dit l’article
16, paragraphe 2 de la Constitution de la République de Pologne, la collectivité locale
effectue la plupart des missions publiques qui lui sont attribuées dans le cadre des dispo-
sitions en son propre nom et sur sa propre responsabilité17. Les autres réglementations ne
peuvent en aucune façon modifier cette règle.
Le système institutionnel comprend les institutions étatiques et régionales. Celles-ci
ont été engagées pour la gouvernance, la certification des dépenses, les audits, la sur-
veillance et la coordination des programmes d’opérations. Les fonctions de ces institu-
tions ressortent des documents de l’Union, des nombreux documents de l’État, comme
les dispositions et indications du ministre du développement régional et indications des
institutions gouvernantes. Il convient aussi de remarquer que le système institutionnel,
marqué par des règles propres à l’Union, est élargi par les règles de l’État par l’ajout
d’institutions de contrôle, comme par exemple la Chambre suprême du contrôle [NIK],
la Chambre régionale des comptes [RIO], ou le ministre des finances18.
Les pouvoirs du premier ministre consistent à coordonner le processus de préparation
et trouver un accord sur le projet de stratégie de développement à long terme du pays. Un
représentant désigné par lui peut aussi assumer ce rôle. Le Conseil des ministres adopte
par la voie de la résolution, le projet de stratégie à long terme du développement national
du pays pour la période suivante, au moins pour 12 mois avant l’expiration de la période
couverte par la précédente. Il prend en charge ensuite une stratégie de développement à
long terme du pays sous la forme d’une adoption par le conseil des ministres, en infor-
mant de cela le Sénat et l’Assemblée Nationale19.
Afin d’étudier la structure institutionnelle de la politique de développement, il faut
remarquer que la fonction du ministre des affaires du développement régional à coté
du Conseil des ministres a une importance clé. Ce ministre, en tant qu’institution par-
ticipant au système de relation des programmes d’opérations a des devoirs que l’on
peut diviser en deux groupes. Dans le premier groupe, on compte les devoirs relatifs à
la responsabilité du ministre pour la gestion des aides venant entre autre du budget de
l’Union européenne,ainsi que la préparation et l’initiation de la stratégie du dévelop-
pement socio-économique de la Pologne. Le deuxième groupe est constitué de devoirs
de ce ministre en tant qu’institution de gestion20. Afin de préciser le premier groupe
de devoirs il est nécessaire d’indiquer la coordination et la surveillance du système de

16
K. Kokocińska, « Instytucjonalno-prawne podstawy współpracy samorządu województwa z rządem
w zakresie polityki regionalnej », [in:] Ruch Prawniczy, Ekonomiczny i Socjologiczny, cahier 3, 2008.
17
L’art. 16, alinéa 2 de la Constitution.
18
E. Kornberger-Sokołowska, J. Zdanukiewicz, R. Cieślak, Jednostki samorządu terytorialnego…,
p. 137.
19
L’art. 11, alinéas 1, 2, 4, 5 de la loi sur des règles de conduite de la politique de développement.
20
E. Kornberger-Sokołowska,J. Zdanukiewicz, R. Cieślak, ibid.,p. 138.
Le rôle des institutions ... 251

gestion avec des ressources de l’Union dans le but de garantir une réalisation convena-
ble et respectant les délais des programmes de financement du fond de l’Union euro-
péenne ; l’action pour maximiser l’utilisation des ressources attribuées pour les années
2004-2006 ; la coordination de l’initiation de la stratégie nationale de cohérence et des
programmes d’opérations pour les années 2007-2013 dans le but d’une utilisation totale
des ressources accordées à la Pologne ; la surveillance de la réalisation de la Stratégie
de développement du pays pour les années 2007-2015, avec une prise en considération
particulière du développement régional ; la création dans le cadre de sa compétence, de
l’environnement juridique qui contribuera à l’amélioration des dépenses des fonds de
l’Union accordés à la Pologne ; la coopération avec la collectivité territoriale dans le
cadre du développement régional ; la coopération avec la Commission européenne pour
assurer la réalisation de la politique de cohésion, en tant qu’exercice du devoir de l’État
membre, qui a une participation active dans la discussion à propos de l’avenir de la poli-
tique de cohésion après 2013, tant au niveau national qu’au niveau européen21.
L’acteur fondamental de la politique régionale est la collectivité territoriale du dépar-
tement. C’est l’un des principaux bénéficiaires de l’un des outils de financement de la
politique régionale, notamment du contrat du département. Conformément à la définition
légale prévue dans la loi sur les principes d’introduction de la politique de développe-
ment de 2006, le contrat de département est un accord sur le financement du programme
opérant les ressources provenant du budget de l’État, des fonds étatiques ou des ressour-
ces étrangères, incluses par le ministre compétent pour les affaires de financement des
régions avec la direction du département, dans le cadre et sous les conditions indiqués
par le conseil des ministres22. Jusqu’à maintenant la réglementation du contrat de dépar-
tement prenait en compte tout un chapitre de la loi, et en plus, la disposition concernant
le ministre de l’économie et du travail définissait le contrat de voïvodie23. Il est possible
de remarquer que cette loi, relative au contrat de voïvodie, est laconique, elle n’indique
pas précisément l’objet du contrat, elle n’énumère que ses principaux éléments, elle
n’indique pas non plus précisément les procédures de sa conclusion. Le financement du
programme régional opérant les ressources provenant du budget de l’État ou de sources
étrangères dépend de la conclusion d’un contrat de voïvodie. La partie au contrat est
l’administration étatique ainsi que la collectivité territoriale du département, alors que
le conseil des ministres précise sur le chemin de l’adoption le champ et les conditions
de financement du programme opérant, sur la demande du ministre compétent pour les
affaires de développement régional24.
Jusqu’à maintenant, l’objet du contrat de département consistait en l’exécution des
devoirs de l’administration publique
– centrale et régionale
21
La Réglementation du Premier ministre du 16 novembre 2007 au sujet de l’étendue détaillée de l’ac-
tion du ministre de développement régional (J. O. no 216, texte 1600).
22
L’art. 5, point 5 de la loi sur des règles de conduite de la politique de développement.
23
La Réglementation du ministre de l’économie et du travail du 22 février 2005 au sujet de modèle du
contrat de voïvodie et de la formule de demande au conseil de la voïvodie d’accorder de fonds sur la réalisa-
tion des programmes régionaux et opérationnels (J. O. de 2005, texte 37, no 329 avec les modifications).
24
K. Kokocińska, Polityka regionalna…, p. 99.
252 Marcin Szewczak

– dans le cadre de la conduite de la politique de développement.


La loi de 2004 disposait que le contrat de voïvodie définit entre autres les actions
du contrat, les droits et obligations des parties, le mode et le calendrier de l’exécution
des actions, comme aussi les règles de maîtrise sur leur exercice25. Aujourd’hui, confor-
mément aux réglementations actuelles, les actions menées pour le développement des
régions sont précisément définies dans les stratégies et programmes. L’objet du contrat
couvre les conditions de financement de l’exécution de ces missions, et plus précisément,
la définition de la grandeur des ressources, leur destination et les règles de contrôle de leur
dépense. Le contenu du contrat comprend : la détermination de la somme de financement
du programme régional opérant les ressources issues du budget de l’État ou de sources
étrangères, en les séparant en fonction de leur degré de priorité ; la définition du cadre et
le mode des rapports de la réalisation de contrat ainsi que le moyen de contrôle et de sur-
veillance sur la réalisation du contrat de département par le ministre évoqué plus haut26.
En considérant le contrat de voïvodie du point de vue des formes juridiques d’actions,
on peut reconnaître que c’est une forme d’action non autoritaire et bilatérale de l’admi-
nistration publique, pour laquelle la conclusion intervient à la suite d’interactions des
parties se trouvant à l’intérieur de l’administration. Aujourd’hui, la structure du contrat
de voïvodie, réglementée par la loi sur des règles de conduite de la politique de dévelop-
pement s’appuie principalement sur les éléments de droit public. Les sujets de la sphère
administrative concluent le contrat de voïvodie dans le but de réaliser les missions pu-
bliques définies, selon le mode de réglementation de droit public. Les traits indiqués ici
rapprochent le contrat d’une convention de droit public. Il convient ici de remarquer que
la liberté de contracter, et donc la liberté d’élaboration du contenu, a été limitée par la
résolution du conseil des ministres. Celle-ci indique les conditions ainsi que le cadre du
financement du programme régional opérationnel, qui détermine les dispositions de base
du contrat, ce qui est typique pour un accord administratif27.

Conclusion

Le champ d’application de la présente étude ne permet pas une discussion détaillée


concernant tous les organismes chargés de la mise en œuvre du développement régio-
nal. Il est tout de même utile de mentionner d’autres institutions telles que les agences
agricoles, les fondations ou les associations. L’élément important de cette analyse est la
constatation que le système actuel de promotion du développement régional n’est pas
tout à fait correct. Un inconvénient majeur est le manque de réglementations légales
concernant le fonctionnement des agences de développement des régions comme acteurs
d’appui au système de développement régional en Pologne.

25
L’art. 34 de la loi du 20 avril 2004 sur le plan national de développement (J.O. de 2004, no 116 texte
1206).
L’art. 20 de la loi sur des règles de conduite de la politique de développement.
26

K. Kokocińska, « Charakter prawny i miejsce kontraktu wojewódzkiego w systemie form działania


27

administracji publicznej », [in: ] Środki prawne publicznego prawa gospodarczego, sous la réd. de L. Kieres,
Wrocław 2007, p. 105-118.
E wa S z ewcz y k, Marek Szewczyk

La révocabilité des actes administratifs


dans le contexte du principe de res iudicata

Introduction

La problématique de la révocabilité des actes administratifs figurait au nombre des


multiples centres d’intérêts du prof. Jerzy Stefan Langrod. Il exposa son point de vue
sur cette problématique dans son ouvrage Res iudicata w prawie administracyjnem [La
chosé jugée dans le Droit Administratif], publié à Cracovie en 1931 par l’éditeur « Dom
Książki Polskiej ».
Dans cette œuvre, le prof. Langrod s’est concentré sur les problèmes relatifs à l’auto-
rité – formelle et matérielle – des actes administratifs, en soulignant (dans son chapitre I)
la nécessité de différencier la force obligatoire des normes qui – selon sa définition – se
montrent contradictoires avec le passage du temps. De ce fait il s’est prononce en faveur
de la nécessité de limiter les cas d’actes administratifs ayant force de loi. Dans son der-
nier chapitre X le prof. Langrod a présenté les solutions contemporaines du problème
juridique de la révocabilité des actes administratifs ayant formellement force de loi,
solutions reconnues alors par le droit polonais et par la jurisprudence du Tribunal Admi-
nistratif1. La lecture de ce chapitre mène à la conclusion que les institutions légales per-
mettant de modifier des décisions administratives définitives ayant force de loi en vertu
de règlement relatif à la procédure administrative de 1928 (J. O. No 36, para 341), appelé
ci-dessous Rpa, sont très similaires à celles qui figurent à présent dans les chapitres 12 et
13 du Cpa (Code de Procédure Administrative) .
Ce problème de la modification des actes administratifs, même s’il a été résolu par
des règles légales qui se sont montrées efficaces, n’a rien perdu de son actualité. On peut
dire cependant que ce problème est maintenant apprécié d’une façon différente qu’il y
a exactement 80 ans quand le prof. Langrod a écrit son ouvrage intitulé Res iudicata

1
Au regard des conclusions de la Cour Suprême Administrative dans son arrêt du 16 novembre 1923
(1 rej. 691/22; Z. W. 188), l’acte administratif déclaré conforme ne peut faire l’objet d’un nouveau recours,
excepté si les faits à la base du jugement sont différents. Dans son arrêt du 24 février 1925 (1. Rej. 1372/23;
Z. W. Nr 567), la Cour Suprême Administrative a également constaté que le contentieux entre les parties,
ayant donné lieu à un jugement du tribunal administratif, ne peut faire l’objet d’une nouvelle décision de
l’autorité administrative sur la base de ces mêmes faits. Ces décisions ont été publiées dans le recueil de
jurisprudence Orzecznictwo Najwyższego Trybunału Administracyjnego za lata 1922–1929, rédigé par Ta-
deusz Sikorski, Księgarnia Prawnicza à Varsovie, p. 19 et 23.
254 Ewa Szewczyk, Marek Szewczyk

w prawie administracyjnem. Pour l’auteur de cet ouvrage remarquable, la possibilité


pour l’administration publique de modifier elle-même un acte ayant force de loi était
essentielle. Il y a plus de 80 ans, le sujet de la force de loi des actes administratifs était
discuté par les spécialistes et, comme l’avait constaté J. S. Langrod, le problème tou-
chait plus à la lex ferenda qu’à la lex lata2. J. S. Langrod a souligné le laconisme de la
législation de cette période sur la question du « (…) moment final de la force obliga-
toire (…)3 et également les conflits entre les différents courants de pensée, au sein des-
quels étaient formulées des opinions contradictoires sur la question de la modification
de la force de droit des actes administratifs: depuis les partisans du normativisme qui
excluaient cette possibilité4 jusqu’à la théorie française du service public, visiblement
chère à l’auteur du livre présenté ici. Selon la théorie française, il est nécessaire de
prendre en considération « (…) l’évolution juridique et sociale, (…) le développement
et le changement des méthodes de travail et d’organisation, les changements des modes
de pensée et de fonctionnement » 5. D’où l’intérêt particulier de J. S. Langrod pour les
institutions juridiques définies aujourd’hui sous le nom de « procédures extraordinai-
res » et qui donnent la possibilité de suspendre, de modifier, de constater la disparition,
mais aussi l’irrégularité de la force de droit des actes administratifs. Dans ce contexte,
en se basant sur l’analyse de la réglementation du chapitre XIV du Rpa ,mais en se
fondant également sur la jurisprudence de la Cour Suprême Administrative, il a énu-
méré 7 groupes de cas où il est possible de modifier un acte administratif ayant force de
droit6.
Le point de départ de J. S. Langrod était la conviction que « L’acte administratif, de
portée individuelle, doit être établi par l’Autorité Administrative en accord avec les ob-
jectifs du service public, contenir déjà les conditions de sa conformité avec les textes de
droit en vigueur, être en accord avec l’intérêt public, avoir pour fondement une nécessité
réelle et être en harmonie avec le programme du département de l’administration publi-
que concernée »7. Cette conception indique clairement que l’auteur rejette la théorie du
normativisme juridique, selon laquelle l’acte administratif a un caractère inchangeable
et sa révocabilité peut être uniquement le fait d’une norme légale supérieure8. Les consi-
dérations ultérieures de J. S. Langrod prouvent qu’il ne partageait pas les conceptions
du normativisme juridique sur le caractère irrévocable de l’acte administratif ayant force
de la chose jugée9.

J.S. Langrod, Res iudicata w prawie administracyjnem, Cracovie 1931, p. 59.


2

Eod. loc.
3

4
J.S. Langrod « L’école normative affirme que le permanence des actes juridiques est leur trait imma-
nent », Op. cit., p. 62.
5
J. S. Langrod, Op. cit., p. 61.
6
J. S. Langrod, Op. cit., p. 72-78.
7
J. S. Langrod, Op. cit., p. 61.
8
J.S. Langrod, Op. cit., p. 62.
9
S.J. Langrod, Op. cit., p. 64.
La révocabilité des actes administratifs ... 255

1. La situation juridique contemporaine selon


une approche rétrospective:

On peut avancer beaucoup d’arguments pour démontrer qu’après 80 ans, depuis la


publication de l’ouvrage de J. S. Langrod, le problème de la révocabilité des actes admi-
nistratifs n’est plus seulement le problème de la lex lata – comme l’a souligné l’Auteur,
mais reste encore le problème de la lex ferenda .
En comparant les dispositions contenues dans le chapitre XIV du rpa, susmentionné,
avec les solutions tirées des chapitres 12 i 13 du Cpa , on peut conclure que dans le Rpa
sont déjà réglées toutes les institutions juridiques qualifiées de « procédures extraordi-
naires », réglées aussi plus tard dans le Cpa. ; exception faite du principe de constat de
l’extinction d’une décision administrative définitive (art. 162 § 1 du Cpa) et également
des dispositions générales de la révocabilité d’un acte administratif émis avec une clause
précisant les conséquences du cas de non-exécution (art. 162 § 2 du Cpa). Les articles
95-98 du Rpa énoncent les cas de renouvellement possible de la procédure. La réglemen-
tation de l’art. 99 du Rpa était l’équivalent de l’actuel art. 154 Kpa, la réglementation de
l’art. 100 du Rpa était l’équivalent de l’actuel art. 155 du Cpa; la réglementation de l’art.
101 du Rpa était l’équivalent de l’actuel art. 156 du Cpa ; la réglementation de l’art. 102
du Rpa était l’équivalent de l’actuel art. 161 du Cpa et enfin la réglementation de l’art.
104 du Rpa était l’équivalent de l’actuel art. 163 du Cpa.
Hormis les similarités décrites ci-dessus, on peut aussi souligner d’évidentes différen-
ces. Le renouvellement de la procédure administrative a notamment été réglé de façon
différente dans le Rpa. Les conditions d’irrégularité des actes administratifs définitifs
étaient aussi réglées différemment. C’est probablement ce qui est le plus significatif du
point de vue de la protection des droits individuels : la réglementation du Cpa ne contient
pas de dispositions équivalentes à l’art. 103 du Rpa.
Ce texte énonçait que : « La non application par l’Autorité administrative des autori-
sations énoncées dans les articles 101 i 102, ne peut être invoquée à l’appui d’un recours
et ne peut servir de fondement à une quelconque requête… ». Cela signifiait que le rejet
d’ une demande de ne pas prendre en considération un acte administratif sur la base de
règles énoncées l’article 101 du Rpa était déclaré sans fondement ; de même, une de-
mande formée contre une décision d’expropriation basée sur des règles énoncées dans
l’article 102 du Rpa était déclarée sans fondement et ne donnait ni accès à une juridiction
administrative , ni droit à aucune prétention. Pour cette raison, J. S. Langrod estimait les
deux institutions, c’est-à-dire : la décision d’un acte administratif comme nul selon l’art.
101 du Rpa et l’institution relative à la procédure d’expropriation selon l’art. 102 du Rpa
comme « (…) une compétence discrétionnaire (…) » et il considérait que : « le rejet(…)
d’office d’une décision contradictoire aux principes de « service public » est l’obligation
formelle de l’autorité de contrôle, mais cette obligation est appliquée seulement pro foro
interno et c’est seulement dans un champ d’application interne qu’ elle peut être réali-
sée »10. Alors même que le requérant pouvait déposer une demande de reconnaissance
d’une décision comme irrégulière ou engager un recours relatif à une expropriation, la

10
J.S. Langrod, Op. cit., p. 77.
256 Ewa Szewczyk, Marek Szewczyk

procédure devant un tribunal administratif ou devant un tribunal de droit commun était


déclarée nulle et non avenue11.
La problématique exposée ci-dessus est maintenant traitée différemment. La légis-
lation actuelle n’interdit plus aux parties, ni d’engager des poursuites légales, c’est-à
dire devant la justice administrative, afin de constater la nullité de l’acte administratif,
ni d’engager un recours relatif à une expropriation sur la base de l’art. 161 du Cpa. De
plus, l’institution du constat de nullité n’a plus un caractère discrétionnaire, mais est
déterminée par la loi12.
Cependant même si, comme sous le régime du Rpa, le concept d’expropriation conti-
nue d’être une institution à caractère discrétionnaire, les recours contre les décisions né-
gatives de l’administration relatives aux demandes des administrés ne sont plus exclues.
On ne peut donc plus à proprement parler considérer cette institution comme un pouvoir
discrétionnaire de l’autorité publique qui n’est pas soumis à un contrôle juridique.

2. La révocabilité d’un Acte Administratif


comme un problème de lex lata :

Sous l’angle de la lex lata, le problème de la révocabilité des actes administratifs


ayant force de loi soulève certains doutes réels. Premièrement, on remarque clairement
une tendance à traiter les « procédures extraordinaires » susmentionnées comme des
textes qui devraient être appliqués uniquement dans des cas exceptionnels. Cette ten-
dance est particulièrement visible quant à l’institution de rejet ou d’amendement de cha-
que décision définitive, où aucune des parties n’a acquis de droit, réglée par l’art. 154
du Cpa, et aussi dans le texte relatif aux dérogations ou amendements à des décisions
créatrices de droits , sur la base de l’art. 155 du Cpa. Presque tous les auteurs de com-
mentaires du Cpa soulignent qu’il reste encore un doute concernant l’interprétation de la
notion d’« attribution de droit », et par conséquent un doute sur le contenu de la décision
créatrice de droit. Habituellement, il est fait référence à l’arrêt de la Cour Suprême Ad-
ministrative du 27 janvier 1932, dans lequel, il est énoncé que « Par droit acquis, selon
l’article 99 du décret du Président de la République de Pologne sur la procédure admi-
nistrative du 22 III 1928 (…) on doit comprendre toute forme de droits, y compris ceux
qui résultent des décisions ayant force de loi des autorités compétentes, décisions selon
lesquelles une personne n’est pas astreinte à une obligation donnée »13. Ce point de vue
a acquis beaucoup de partisans qui soutiennent que l’article 99 du rpa peut s’appliquer
non seulement aux décisions négatives (refusant d’accorder des autorisations sollicitées),
mais aussi aux décisions imposant des obligations. Par une décision qui précise un droit
quelconque, une partie peut tirer un avantage légal pour elle-même, c’est-à-dire qu’elle
aura la certitude qu’elle ne sera pas chargée d’ une obligation plus lourde, par exemple,

Eod. Loc.
11

Z. Janowicz, Kodeks postępowania administracyjnego. Komentarz, PWN, 1992, p. 403.


12

13
L’arrêt du NTA du 27 janvier 1932, l.rej. 7168/29, Recueil de jurisprudence no484/A – d’après :
Z. Janowicz, Op. cit, p. 368.
La révocabilité des actes administratifs ... 257

une contribution plus élevée que celle qui était fixée dans la décision créatrice de cette
contribution14.
On peut partager cette opinion relative à l’octroi d’un droit sur la base d’un acte admi-
nistratif créant aussi une obligation, mais seulement quand cette opinion concerne un acte
administratif créateur d’obligations qui comportent différents degrés. Dans ce contexte,
on doit prendre en considération seulement les cas où la règle de droit en vigueur, base
légale de l’acte administratif dont il s’agit, permet à l’organe administratif de définir une
obligation, en lui donnant en même temps toute latitude pour définir la portée de cette
obligation ; notamment dans la situation où l’organe fixant une sanction administrative
sous forme monétaire peut décider du montant de cette sanction depuis le niveau le plus
bas établi comme minimum légal jusqu’à un niveau plus élevé établi comme maximum
légal. Dans cette situation, on peut affirmer avec certitude que l’acte administratif créa-
teur d’une obligation est un acte dont une partie peut tirer un profit ,sous la condition que
la sanction prononcée soit fixée à un niveau inférieur au maximum.
Cette conception ne peut toutefois être appliquée logiquement aux actes administra-
tifs créateurs d’obligations concrètes qui ne sont pas soumises à différents degrés, et, par
conséquent, qui ont un caractère total. Un exemple de ce type d’acte peut être la déci-
sion ordonnant la démolition de tout ou partie d’un bâtiment construit sans le permis de
construire exigé, sans information préalable requise ou contre l’avis d’un tiers. Ce type
d’obligation n’est pas soumis à différents degrés. L’objet d’une injonction de démolition
d’un bâtiment peut être seulement ce bâtiment ou la partie construite dans des conditions
délictueuses. Les constructions ainsi que leurs parties bâties légalement ne peuvent être
traitées comme délictueuses. Le destinataire d’une injonction de démolition qui porte
sur toute ou partie d’un bâtiment construit dans des conditions délictueuses ne en peut
tirer aucun profit pour lui-même, car, pour le service d’urbanisme, rien de pire que la
démolition ne peut lui être imposé. Toutefois, à la fin des années 90 du vingtième siècle,
quelques cas se sont produits où les tribunaux administratifs ont rejeté les recours contre
des décisions des services d’urbanisme qui refusaient le retrait d’injonctions de démo-
lition concernant les situations qualifiées de « construction formelle sans permis »15 en
application de l’article 154, en argumentant que les obligations de démolition mention-
nées n’appartenaient pas à la catégorie des décisions sur la base desquelles une personne
ne se voyait pas octroyer de droit16.
Toutefois, en ce qui concerne l’application du concept de renonciation au droit prévu
par l’article 155 du Cpa, les décisions des tribunaux administratifs présentent différentes
interprétations relatives à l’étendue de son application. En particulier, le point de vue
a été énoncé qu’on ne peut pas appliquer ce concept aux actes administratifs à caractère
déclaratoire17. On présente aussi le principe selon lequel ce concept ne peut pas non plus

14
Cf. J. Borkowski, [in :] B. Adamiak, J. Borkowiski, Code de Procédure Administrative. Commentaire,
C. H. Beck, Varsovie 2004, p. 688.
15
Au sujet de la classification formelle et matérielle des constructions sans permis Z. Leoński, [in
:] Z. Leoński, M. Szewczyk, Zasady prawa budowlanego i zagospodarowania przestrzennego, Poznań–
Bydgoszcz, 2003, p. 280-282.
16
Cf. l’arrêt de la Cour Suprême Administrative [NSA] du 16 février 1998/II SA 709/96, lex 43308.
17
Cf. l’arrêt de NSA du 5 janvier 2010/II OSK 18/09, lex 597386.
258 Ewa Szewczyk, Marek Szewczyk

être appliqué à toute décision constitutive, mais uniquement aux décisions à caractère
discrétionnaire18. Dans les commentaires du Cpa, on souligne par conséquent la tendance
manifeste à limiter l’interprétation de ce texte, amenant comme résultat des possibilités
très limitées d’appliquer ce concept de renonciation à un droit pour modifier les actes
administratifs définitifs ayant force légale. Le choix de ce type d’interprétation produit
quelquefois des résultats difficilement acceptables dans un État de droit.
Un exemple particulier de l’interprétation restrictive de l’article 155 du Cpa est don-
né par les jugements des tribunaux administratifs relatifs aux possibilités de modifier les
injonctions définitives de démolition ayant force légale sur la base de l’article 155 du
Cpa, et remontant à l’époque où les injonctions ordonnant la démolition devaient être dé-
livrées obligatoirement dans le cas où il était découvert que tout ou partie d’un bâtiment
avait été construit sans le permis de construire exigé, sans l’information préalable re-
quise ou contre l’avis d’un tiers, indépendamment du caractère formel ou matériel de la
construction délictueuse. Pendant cette période, jusqu’à l’année 2004, c’est-à-dire avant
l’entrée en vigueur du nouveau Droit de la construction19, qui introduit la possibilité de
légalisation financière des constructions délictueuses de caractère formel par le paiement
de droits de légalisation, la Cour Suprême Administrative avait rendu plusieurs arrêts
sur la base des articles 154 et 155 du Cpa dans lesquels était soulignée l’impossibilité de
modifier les injonctions délivrées obligatoirement, même si celles-ci n’étaient manifes-
tement pas nécessaires et ne servaient aucun intérêt public ou privé.
Pour conclure cette section, on peut essayer de formuler les conclusions suivantes sur
une approche de lege ferenda : sans aucun doute, les concepts définis dans les articles
154 et 155 du Cpa ont un caractère exceptionnel. Par conséquent, les textes créant ces
institutions juridiques doivent être interprétés à la lettre. Leur interprétation implique
l’acceptation d’une lecture littérale comme base de l’exégèse, et par conséquent le re-
jet d’une interprétation élargie ou restrictive20. Les exemples présentés de jugements
des tribunaux administratifs permettent d’affirmer que ces juridictions ont laissé de côté
l’interprétation littérale des textes pour une interprétation plus restrictive encore. Cette
tendance des décisions rendues par les juridictions administratives est sans aucun doute
une manifestation de manque de respect pour le caractère extraordinaire des réglemen-
tations évoquées.

3. Révocabilité d’un Acte Administratif sous l’angle de la lex ferenda :

Comme cela a déjà été mentionné auparavant, la révocabilité des actes administra-
tifs définitifs ayant force légale n’est actuellement pas seulement un problème lié à une
approche de lege lata, elle continue de poser aussi un problème sous l’angle de lege
ferenda. Dans le domaine de la réglementation en droit administratif, l’influence des
décisions des tribunaux administratifs a créé un état de fait dans lequel un acte adminis-

Cf. l’arrêt de NSA du 25 février 2011/I OSK 607/10, lex 784233.


18

La Loi du 27 mars 2003 sur la modification du texte – Droit de la construction et modification de


19

certains lois, J. O. No 80, texte 718.


20
S. Wronkowska, Z. Ziembiński, Zarys teorii prawa, Poznań 2001, p. 168-169.
La révocabilité des actes administratifs ... 259

tratif sur lequel le tribunal administratif s’est déjà prononcé, ne peut pas être examiné
à nouveau par ces tribunaux si ceux-ci ont rejeté un premier recours contre cet acte21.
L’article 134 § 1 de la loi du 30 août 2002 relative au Droit de la procédure devant les
juridictions administratives (J.O. No 153, texte 1270 avec les modifications ultérieures),
dénommée plus tard « Uppsa », énonce que : « La juridiction (administrative – EiMS)
statue dans les limites du cas sans être contrainte par les plaintes et les arguments sou-
mis ou les arguments juridiques invoqués ». La jurisprudence administrative ainsi que
la science du droit administratif ont déduit le postulat, en ayant recours au modèle de
juridictions administratives existant en Pologne, que « Les limites dans l’acceptation
du recours par le tribunal sont, d’une part, fixées par le critère de légalité des actions
des administrations publiques et d’autre part, par l’ensemble des seuls aspects légaux et
de la relation de droit administratif compris par la teneur de l’acte attaqué. Dans cette
situation, la thèse que, pour le tribunal, le recours a exclusivement une valeur infor-
mative non-contraignante sur l’acte ou les actions irrégulières attaquées, est toujours
d’actualité »22 . Le même auteur constate également que: « Le fait de déposer une plainte
permet seulement d’ouvrir la procédure juridico-administrative. (…) N’étant pas lié aux
limites du recours, le tribunal a pour seule obligation de prendre en considération d’of-
fice (le principe d’officialité) toute violation de la loi ainsi que toute réglementation qui
devraient être appliquées au recours en question indépendamment des demandes et des
prétentions présentées dans ce recours23 ».
En appréhendant de cette façon, aussi bien dans la jurisprudence administrative que
dans la science du droit, le principe d’officialité, il est possible de tirer une conclusion
essentielle pour l’analyse des problèmes de modification des actes administratifs ayant
force légale, à savoir que l’acte administratif en question, une fois examiné dans toute
sa régularité par le tribunal administratif, ne peut faire l’objet d’un nouvel examen, car
il répond au principe de res iudicata ou de l’autorité de la chose jugée. Cependant c’est
un fait connu qu’il arrive que les tribunaux administratifs, même s’ils ne sont pas liés par
les limites du recours – sur la base de l’article 134 § 1 Uppsa – mais par l’obligation de
statuer en accord avec le principe d’officialité, dans les limites de l’affaire, en traitant le
recours seulement comme une information non-contraignante, une dénonciation auprès
du tribunal administratif d’un acte administratif présumé irrégulier, ne s’acquittent pas

21
Dans le jugement du 9 décembre 2010 (I SA/Op 541/10), (accessible dans la base de données www.
orzeczenia-nsa.pl), le Tribunal Administratif Régional (WSA) à Opole a statué que « (…) dans le cas d’une
décision rejetant le recours (art. 151 p.p.s.a.), l’autorité de la chose jugée inclut le principe que la décision est
conforme au droit, et plus particulièrement, n’est pas entachés d’irrégularités qui exigerait l’anéantissement
de cette décision. Une décision ayant force de droit, « maintenue en vigueur » par le rejet d’un recours par
la juridiction administrative, n’exclut pas une possible de l’annulabilité de cette décision par le biais des
procédures extraordinaires prévues pour les décisions non entachées d’irrégularité (par exemple par voie de
cassation ou de révocabilité ), mais celle-ci ferme aux organes (…) et sujets de droit qui ont droit à entamer
une procédure extraordinaire, la possibilité d’user du droit de priver les décisions entachées d’irrégularité de
leur force de droit, seulement dans la limite des griefs portant sur des irrégularités examinées et sur lesquels
le tribunal administratif a déjà statué (cet élément est soulevé lors du réouverture de procédures administra-
tives ayant parfois lieu malgré que la plainte a été rejetée par le tribunal pour la première fois).
22
J. P. Tarno, Prawo o postępowaniu przed sądami administracyjnymi. Commentaire , Lexis Nexis,
Wydanie 2, Varsovie 2006, p. 292 ; T. Woś, Postępowanie sądowo-administracyjne, Varsovie 1996, p. 195.
23
J. P. Tarno, Op. cit., p. 291.
260 Ewa Szewczyk, Marek Szewczyk

toujours en réalité leurs obligations. Il arrive parfois qu’en ayant constaté que l’acte ad-
ministratif attaqué était entaché de vices suffisants pour l’éliminer du droit en vigueur,
les juges administratifs s’arrêtent sur cette constatation , sans pointer du doigt l’organe
administratif qui a émis cette acte en violation du droit24.
À la lumière de ce principe d’officialité, le fait que le tribunal administratif n’ait pas pris
en considération toutes les violations du droit, devrait justifier un pourvoi en cassation contre
le jugement de la juridiction administrative de première instance sur la base de l’article 134
§ 1 Uppsa. Mais cela n’arrive pas toujours. Le requérant, en obtenant une décision favorable
à son recours, n’analyse pas toujours si dans le jugement de la juridiction administrative de
première instance ont été prises en compte toutes les violations du droit qui pèsent sur cet
acte administratif25. Ce jugement influence, par les instructions qu’il contient pour la procé-
dure à venir, le contenu de la décision qui sera rendue après l’examen du recours et le rejet
de l’acte administratif (les actes administratifs des deux instances). Il est évident que dans
ce cas on ne peut pas dire que l’affaire va être résolue dans le sens approprié26.
Pour ces raisons, on pourrait penser que le problème de la chose jugée dans les dé-
cisions des juridictions administratives sera réglé de façon analogue à celle qui est in-
diquée dans le Kpc (Code de Procédure Civile) pour les juridictions civiles. Dans ce
cas, l’article 366 du Kpc, énonçant que: « La décision ayant force de loi n’ a l’autorité
de la chose jugée que dans l’affaire qui faisait l’objet de la résolution et seulement a et
seulement à l’égard des parties à ce litige » pourrait jouer le rôle de matrice. La force
obligatoire d’un jugement du droit commun ne peut être considérée qu’au moment où
l’affaire examinée est différente de celle pour laquelle on a rendu cette décision et quand
le litige jugé différemment constitue une question préalable27.
Il est évident, que dans la procédure civile, il n’y a aucune obligation liée au principe
d’officialité. Les tribunaux de droit commun n’ont pas non plus l’obligation de rendre
une décision dans les limites de l’affaire. Ils n’ont pas enfin l’obligation d’office de
prendre systématiquement en compte toutes les violations du droit. Au contraire, ils sont

24
Comme statué dans l’arrêt du 14 décembre 2005 à Varsovie par le Tribunal Administratif Régional
(VI SA/Wa 246/05 – lex 200765) « Le contrôle de la régularité des actes de l’organe de l’administration
publique avec le droit doit être effectué dans un ordre défini. Au premier stade, doit être contrôlé la décision
critiquée et la procédure ayant amené cette décision du point de vue de l’éventuelle existence d’irrégularités
pouvant mener à la nullité de cette décision. Au stade suivant, le tribunal devra contrôler le respect des tex-
tes relatifs à la procédure administrative. Le contrôle relatif au respect des normes de droit matériel par les
organes administratifs pourra être effectué seulement au dernier stade. ». Cette juridiction s’est prononcée de
la même façon dans son arrêt du 20 juin 2007 / VIII Sa/Wa 336/07 (lex 480506). Le Tribunal Administratif
Régional s’est prononcé de la même façon dans son arrêt du 20 juin 2007 / VIII SA/Wa 336/07 (lex 480506)
« Le contrôle de la régularité de la décision administrative avec le droit ne peut être effectué dans n’importe
quel ordre mais dans un ordre défini. Le constat de l’existence d’une catégorie d’irrégularité dans la décision
pourra exclure la nécessité de constater l’existence d’autres irrégularités ; ce qui influencera indubitablement
la rationalisation de l’exercice du contrôle par les Tribunaux Administratifs Régionaux ».
25
Le tribunal administratif a l’obligation de statuer sur les griefs exposés dans le recours et ayant motivé
ce même recours mais aussi de souligner les irrégularités ne faisant l’objet ni de la demande ni des conclu-
sions du requérant. Cela signifie que toutes les autres irrégularités analysées par le tribunal ne feront pas
l’objet d’une décision dans le jugement.
26
L’arrêt de la Cour Suprême Administrative (NSA) du 10 septembre 2009 / I FSK 123/09, lex
593552.
27
L’arrêt de la Cour Suprême (SN) du 23 novembre 2010 / I UK 162/10, lex 707409.
La révocabilité des actes administratifs ... 261

liés par les demandes des parties au litige et ces tribunaux doivent seulement statuer
sur ce qui fait l’objet du litige lui-même. Le modèle de fonctionnement de la justice
dans les cas des juridictions civiles est complètement différent de celui qui organise les
juridictions administratives. Toutefoi1 ce modèle ou un autre modèle de juridiction n’a
pas sur cette question une valeur en soi, mais plutôt son échelle de valeurs juridiques en
comparaison des valeurs qui font l’État de droit28.
Dans ce contexte, même s’il existe des différences entre l’organisation des juridic-
tions civiles et des juridictions administratives, on peut dégager le postulat qu’il est
nécessaire d’introduire dans le texte Uppsa une réglementation inspirée de l’article 366
Kpc. Ce texte pourrait sanctionner les situations où les juridictions administratives de 1ère
instance n’exerceraient pas leur pouvoir de contrôle et, de ce fait, l’obligation de prendre
en compte systématiquement toute éventuelle violation de droit lors de l’introduction de
l’acte administratif. Le principe d’officialité est censé avoir un caractère impérativement
obligatoire. Il est obligatoire même si les parties a la procédure juridico-administra-
tive ne l’invoquent pas. Le seul moyen légal actuel qui peut être invoqué pour obliger
au respect de ce principe par les juridictions administratives de 1ère instance est donc
le pourvoi en cassation. Ce pourvoi a toutefois un caractère excessivement formaliste,
particulièrement en ce qui concerne le délai possible pour utiliser ce moyen légal. Pour
perdre la possibilité d’utiliser ce moyen, il suffit de dépasser le délai de 7 jours de dépôt
du pourvoi demandant de justifier la décision de la juridiction administrative de première
instance.
Formuler le principe de res iudicata en s’inspirant de l’article 366 du Kpc contri-
buerait certainement, non seulement à imposer une discipline aux décisions juridico-
administratives sur la base du pouvoir de contrôle des juridictions administratives, mais
aussi à renforcer le contrôle de la légalité sur la délivrance des actes administratifs par
l’accroissement considérable des possibilités de leur modification, même s’ils ont acquis
la force légale.

28
J. R. Mikołajewicz, « Zasada państwa prawnego w orzecznictwie Trybunału Konstytucyjnego, S.
Wronkowska, Polskie dyskusje o państwie prawa »,Varsovie 1991, p. 119.
IV
Les problemès théoriques
de la procédure administrative
A rt ur Gill

Le problème de la vérité
dans la procédure administrative

1. La procédure administrative vise à régler une affaire administrative. Elle consiste


à rendre une décision administrative qui devient ce que l’on appelle une norme indivi-
duelle. La procédure de délivrance d’une décision administrative est formalisée. Elle se
traduit par une suite d’actes engagés par l’organe et les parties (la partie) de la procédure
nommée procédure administrative. Au cours de cette procédure, l’organe définit la loi
applicable dans l’affaire et qui servira de fondement juridique de la décision à rendre. Le
contenu d’une norme juridique doit être décidé compte tenu d’une interprétation des dis-
positions juridiques rendues publiques par les organes (journaux) officiels de promulga-
tion. Au cours de la procédure, l’organe établit aussi les faits qui font apparition dans une
affaire donnée et dont l’incidence sur la décision est substantielle. Finalement, l’organe
affirme si l’état des faits constaté lors de la procédure préparatoire relève des normes
juridiques en vigueur (acte de classification)1. Tirer les conséquences d’une norme du
droit administratif à l’égard du destinataire de la norme constitue le fond d’une décision
administrative.
Établir l’état des faits et l’état légal s’effectue en étroite relation. D’après le Tribunal
Administratif de Cracovie (Wojewódzki Sąd Administracyjny, nommé ci-après TA), les
faits sont établis lors de la procédure administrative afin de décider et ordonner l’ap-
plication d’une norme du droit matériel. Les conséquences juridiques ne se lient pas
automatiquement au fait. Elles ne surviendront que s’il s’avère que l’état des faits cor-
respond à la norme qui doit être appliquée. Dans le droit public, les faits servent avant
tout à répondre à la question si une norme quelconque doit être appliquée, et seulement
après, ils indiquent la façon de son application, si le législateur prévoit plusieurs moyens
de procéder et le choix de l’un d’entre eux s’avère problématique. Démontrer un fait
possède un poids matériel : le choix d’une norme respective en dépend. Pour ces raisons,
dans la procédure administrative, il n’est pas possible de charger les destinataires de la
décision d’expliquer les circonstances de l’affaire conformément à la vérité. En définis-
sant les preuves nécessaires et en les administrant, l’organe de l’administration publique
agit d’office2.

1
Cf. Z. Ziembiński, Logika praktyczna, Varsovie 1984, p. 196.
2
Voir le jugement du 7 avril 2011, numéro du rôle II SA/Kr 241/11, disponible sur le site www.orzec-
zenia.nsa.gov.pl [consulté le 22.07.2011].
266 Artur Gill

2. Ces raisons, aussi bien que le besoin de prendre en considération, outre l’intérêt
particulier, l’intérêt collectif (public, social), résultèrent en l’adaptation du principe de
vérité matérielle (objective) dans la procédure administrative. Ce principe fait référence
à la définition classique de la vérité. Selon la définition classique de la vérité, la vérité de
pensée signifie sa conformité à la réalité3. Par conséquence, une affirmation, une opinion
ou un jugement qui est véritable est conforme à l’état réel. Conformément à ce principe,
après l’adaptation au cadre de la procédure administrative, la décision de l’organe d’ad-
ministration publique devrait être fondée sur l’état des faits réels et conforme à la vérité.
Faire référence à la définition classique de la vérité est un postulat très ambitieux.
Cette thèse est suivie d’une conviction qu’il est possible de connaître la vérité, ce qui est
contredit par les sceptiques. L’épistémologie, autrement dit la théorie de la connaissance,
rejeta la définition classique de la vérité, ce qui résultera en la formulation de définitions
non classiques. Elles identifiaient la vérité de pensée avec sa conformité à des critères4.
Cependant, le doute ne concerne que le fait s’il est possible de connaître la vérité tout
court. En nous basant sur le principe de vérité matérielle, nous supposons qu’il soit
possible d’établir la vérité dans le cadre de la procédure administrative, et ce à l’aide
des instruments processuels tout imparfaits qu’ils soient – comme moyens de preuve. Il
serait ainsi possible de penser que ce point de vue est un peu naïf et que toutes tentatives
visant à découvrir l’unique vérité s’avéreront – dans de nombreux cas – infructueuses.
Le TA de Białystok, dans son jugement du 24 février 2011, démontre que, par exemple,
la vérité matérielle est différente de la vérité formelle et des présomptions du fait qu’elle
est unique et certaine. Ceci est un motif suffisant pour justifier le devoir imposé aux
organes administratifs de rassembler et d’examiner de façon exhaustive tout le corps de
preuves5. Dans le jugement cité, relatif à l’attribution d’une aide financière (paiement à
la surface et autres) concernant la production de plantes fourragères, le Tribunal oppose
la vérité matérielle à la vérité formelle, en indiquant que se référer à un registre cadastral
peut s’avérer insuffisant , car le contenu d’un tel registre ne montre que la vérité for-
melle, celle-ci ne pouvant pas occulter la vérité matérielle.
Le principe de vérité matérielle est absolu – il s’applique à toutes les affaires. Il dé-
coule de la jurisprudence que, même dans le cadre de la reconnaissance administrative,
l’organe ne cesse d’être lié par ce principe6.
Le principe de vérité matérielle découle de l’art. 7 du Code de la procédure admi-
nistrative (loi de 1960, modifiée à plusieurs reprises ; toujours Cpa). L’article, sans être
divisé en unités de rédaction mineures, applicables dans un texte juridique, comprend à
lui seul trois principes qui, bien qu’ils soient autonomes, restent en certaine corrélation.
Premièrement, il s’agit du principe de légalité (au fait, l’article vient le compléter) qui
découle des mots suivants : au cours de la procédure, les organes de l’administration
3
Voir K. Ajdukiewicz, Zagadnienia i kierunki filozofii. Teoria poznania. Metafizyka, Varsovie 2003,
p. 19 et suiv.
4
Ibid. p. 21 et suiv.
5
Numéro du rôle I SA/Bk 575/10, disponible sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le
22.07.2011].
6
Voir par ex. le jugement du TA de Lublin du 31 mai 2011, numéro du rôle III SA/Lu 118/11, disponible
sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le 22.07.2011].
Le problème de la vérité dans la procédure administrative 267

publique veillent à la légalité (art. 7 in principio Cpa). Cette disposition vient compléter
l’art. 6 du Cpa, la principale disposition qui instaure la règle de légalité – les organes
de l’administration publique agissent sur la base des dispositions légales. L’art. 7 in
principe du Cpa explique sur qui repose la charge de respecter le principe de légalité.
Deuxièmement, il s’agit de tenir compte de l’intérêt collectif et individuel – les organes
de l’administration publique entreprennent tous les actes nécessaires pour régler l’affai-
re, compte tenu de l’intérêt social et l’intérêt des citoyens (art. 7 in fine du Cpa). Cepen-
dant, la disposition ne donne pas la primauté à l’un de ces intérêts (la question relève de
la jurisprudence). Troisièmement, il s’agit du principe de vérité matérielle – les organes
de l’administration publique, et ce d’office ou à la demande de la partie, entreprennent
tous les actes nécessaires pour élucider avec exactitude l’état des faits (l’art. 7 in medio
du Cpa). Le principe présenté dans l’art. 7 est développé par l’art. 77 du Cpa dont § 1
dispose que l’organe de l’administration publique est tenu de rassembler et d’examiner
de façon exhaustive tout le corps de preuves.

3. En fait seulement le fragment traitant de l’élucidation exacte de l’état des faits


concerne la vérité matérielle. L’art. 7 in medio se réfère aussi à un autre principe – prin-
cipe d’action d’office (officialité) – qui n’a pas été mentionné dans le chapitre II Cpa
consacré aux règles générales de la procédure (se référer par ex. à l’art. 77 § 1 du Cpa).
Les deux principes sont étroitement liés l’un à l’autre. Il découle du principe d’officia-
lité selon lequel c’est l’organe qui entreprend (d’office ou sur demande) tous les actes
nécessaires pour élucider avec exactitude l’état de l’affaire. C’est l’organe qui définit
les limites de la procédure préparatoire et qui mène la procédure, nonobstant le fait si
elle a été ouverte d’office ou à la demande de la partie, et ce sans se limiter à une simple
appréciation si la partie a prouvé les faits justifiant la requête, car cela chargera la partie
d’élucider l’affaire à son tour7. Dans la procédure fondée sur le principe d’action d’office,
la charge de prouver (onus probandi) repose sur l’organe. Cette opinion prédomine dans
la jurisprudence. La Cour Administrative Suprême (dénommée ci-après CAS), dans son
jugement non publié du 4 juillet 20018 souligne que l’organe de l’administration publi-
que est tenu, et ce de sa propre initiative, de compiler dans les dossier les preuves qui, à
ses yeux, seront nécessaires pour régler l’affaire de façon régulière ainsi que les preuves
indiquées ou fournies par les parties, ces preuves étant importantes pour l’affaire.
D’après la Cour, c’est ce qu’il faut comprendre par le devoir de rassembler tout le
corps de preuves lors de la procédure administrative. Dans un autre jugement rendu le
21 décembre 2000,9 la CAS constate que, conformément à l’art. 7 et l’art. 77 § 1 du Cpa,

7
D’après : La Cour Administrative Suprême dans son jugement du 4 juin 1998, numéro du rôle I SA/
Kr 1052/97, non publié.
8
Numéro du rôle I SA 301/00.
9
Numéro du rôle V SA 1816/00, non publié. De même la CAS, dans son jugement du 29 novembre
2000, numéro du rôle V SA 948/00 non publié, statue que : « le principe d’officialité qui régit la procédure
administrative (…) exige que, durant la procédure, les organes de l’administration publique prennent des
mesures nécessaires pour élucider et régler l’affaire et qu’ils acceptent comme preuve tout ce qui peut
contribuer à son élucidation et ce qui n’est pas contradictoire avec la loi, donc qu’ils administrent d’office
les preuves en vue de définir l’état des faits ».
268 Artur Gill

les organes statuant sont tenus de rassembler et examiner tout le corps de preuves ainsi
que de prendre toute mesure nécessaire pour élucider avec exactitude l’état des faits et
de régler l’affaire.
Dans son jugement du 26 octobre 1999, la CAS explique que le contenu de l’art. 77
§ 1 du Cpa doit être interprété de façon que la charge d’administrer toutes les preuves
nécessaires pour élucider l’affaire repose sur l’organe de l’administration publique qui
mène la procédure en question10.Même dans les situations dans lesquelles le législa-
teur prévoit que la charge de démontrer certaines conditions repose sur le demandeur,
l’organe n’est pas libéré de son devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour
élucider l’état des faits et de régler l’affaire compte tenu de l’intérêt social et l’intérêt
des citoyens11.
En opposition au principe d’action d’office se trouve le principe contradictoire qui
régit le procès durant lequel s’opposent deux parties qui sont mises en mesure d’agir.
C’est sur elles, et notamment sur la partie active, que repose la charge d’établir l’état des
faits. La cour demeure passive et sa participation au procès est limitée à une appréciation
du corps de preuves présenté par les parties. Le juge semble dire à la partie: ad mihi fac-
tum, dabo tibi ius (présentez-moi les faits et je vous conférerai le droit). En opposition au
principe de vérité matérielle se trouve le principe de vérité formelle. D’après le concept
classique du procès reposant sur le principe de vérité formelle, le tribunal (le juge) statue
en fonction des affirmations et des preuves présentées par une partie (Iudex secundum
allegata et probata partium iudicare debet)12.
Dans la procédure administrative, ne s’applique pas la règle définie par l’art. 6 du
Code civil, d’après laquelle la charge de la preuve d’un fait repose sur la personne qui
en déduit des effets juridiques, ce que souligne de façon fondée le TA de Cracovie dans
le sus-cité jugement du 12 mai 2011. La CAS l’associe à l’essentiel de la procédure
administrative dont l’organe administratif n’est pas une partie, mais l’organe statuant
l’est. Dans le cadre des prescriptions du Cpa -continue la Cour- il n’est pas acceptable
de comprendre le concept de procédure probatoire de façon que l’organe administratif se
limite seulement à trancher si la partie a prouvé les faits justifiant sa requête, en rejetant
le devoir d’élucider l’affaire sur la partie.
L’organe qui mène la procédure doit viser à établir la vérité matérielle. Par la suite, il
ne peut pas être lié seulement par les affirmations d’une partie de la procédure. Tenu de
découvrir la vérité objective et d’agir conformément aux dispositions légales (art. 6 et 7
du Cpa), l’organe doit examiner l’essentiel de l’affaire, et ce conformément à la loi en
vigueur applicable à l’état des faits donné13.

4. En appliquant le principe de vérité matérielle en vue d’élucider l’affaire et de défi-


nir son état des faits, l’organe doit d’abord vérifier quels faits sont importants pour régler

Numéro du rôle IV SA 1667/97 non publié.


10

D’après : le TA de Cracovie dans son jugement du 12 mai 2011, numéro du rôle II SA/Lu 1007/10,
11

disponible sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le 22.07.2011].


12
Voir K. Piasecki, Postępowanie sporne rozpoznawcze w sprawach cywilnych, Éd. 2e, Nb 88, Varsovie
2010, p. 74.
13
Numéro du rôle II SA/Kr 1007/10, disponible sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le
22/07/2011].
Le problème de la vérité dans la procédure administrative 269

l’affaire afin de séparer les faits sans importance pour l’affaire. Ensuite, il doit prouver
ces faits. Recevoir à la procédure probatoire les faits et les circonstances sans importance
pour l’affaire serait sans but et contradictoire au principe d’économie processuelle. La
CAS, dans son jugement du 11 mars 2009, affirme que la charge de la preuve ne signifie
pas que l’organe administratif doit reconstruire le déroulement des événements avec pré-
cision «photographique». L’économie processuelle (art. 12 du Cpa) modifie le principe
de vérité matérielle (art. 7 et 77 du Cpa), en permettant à l’organe administratif d’éluci-
der seulement ces faits qui sont nécessaires pour rendre sa décision 14.

5. Dans un premier temps, l’organe est tenu de se baser sur les faits prouvés. Fonder
la procédure sur le principe de vérité matérielle (objective) signifie, d’après le TA de
Białystok (jugement du 17 janvier 2008), que la procédure a pour but d’établir la vérité
sur la base des faits et des circonstances prouvés15. Par principe, les faits et les circons-
tances non prouvés sont traités comme circonstances inexistantes qui ne peuvent pas
constituer un fondement des conclusions, à moins que les dispositions légales permettent
d’employer un moyen substituant une preuve.
La loi constitue avant tout des présomptions légales liant l’organe qui mène la pro-
cédure administrative. Le Cpa ne contient pas de définition de la présomption légale. Il
ne contient même pas une telle expression. Les dispositions particulières font cependant
référence à des présomptions légales, comme par exemple présomption de véracité d’un
acte officiel, présomption de signification d’une lettre et autres. La présomption ordonne
de reconnaître un fait comme prouvé suite à la confirmation d’un autre fait ou d’autres
faits qui demeurent en certaine relation avec ce fait. La présomption juridique prend
deux formes : réfutable qui peut être renversée par une preuve contradictoire ( prae-
sumptio iuris tantum) et irréfutable quand il n’est pas possible d’administrer une preuve
contradictoire (praesumptio iuris ac de iure)16. Le moyen permettant d’établir l’état des
faits peut être le fait de rendre vraisemblable, à chaque fois que la loi prévoit le fait de
rendre vraisemblable à la place d’une preuve – par. ex. le fait de rendre vraisemblable
l’absence de faute d’inobservation d’un délai, le fait de rendre vraisemblable l’existence
des doutes en ce qui concerne l’impartialité d’un fonctionnaire, etc. Le fait de rendre
vraisemblable ne donne pas la certitude. Il ne rend un fait que probable.
Bien que, contrairement au Code de la procédure civile dont l’art. 231 dispose que
le tribunal peut reconnaitre comme établis les faits importants pour l’affaire si une telle
conclusion peut être tirée d’autres faits établis, le Cpa ne contienne pas de fondement
normatif pour appliquer des présomptions de fait (praesumptio hominis seu facti), il
semble que dans la procédure administrative il est aussi possible d’appliquer ce moyen.
La présomption de fait est une forme de raisonnement d’un fonctionnaire (juge) basé
sur le savoir et l’expérience. C’est une conclusion qui peut être tirée à l’appui des règles
de la logique et de l’expérience découlant d’autres faits établis17. Il semble que la pré-

14
Numéro du rôle II OSK 329/08, publié dans LEX no 529956.
15
Numéro du rôle II SA/Bk 649/07, publié dans LEX no 509178.
16
Mała encyklopedia prawa, Varsovie 1959, p. 107-108.
17
Cf. les jugements de la Cour Suprême : du 30 mars 2000, III CKN 811/98, Lex no 51364 et celui du
12 avril 2001, II CKN 410/00, non publiés.
270 Artur Gill

somption de fait constitue un élément d’une libre appréciation des preuves (vide infra),
une méthode employée pour établir le fondement de l’affaire, utile non seulement à
l’occasion de rassembler le corps de preuves, mais aussi lors de son appréciation. Une
présomption de fait peut être réfutée par une démonstration que le raisonnement du fonc-
tionnaire (juge) est incorrect, et non par une preuve contradictoire.
Outre les faits établis par présomption et vraisemblance, ne nécessitent pas de preuve
les faits connus (faits notoires), par ex. informations sur les phénomènes naturels, évé-
nements sociaux, politiques, principales lois physiques et chimiques, etc.18, ou connus
d’office par l’organe devant lequel se déroule la procédure (au titre de la fonction ou du
poste occupé),19 cette dernière possibilité devant être communiquée à la partie. N’appar-
tiennent pas aux moyens de preuve les explications des parties qui ne peuvent pas être
identifiées en tant que preuves par audition de la partie. Les explications des parties ont
un caractère informatif. Elles aident par ex. l’organe à établir quel est le vrai contenu de
la requête de la partie, ce qui peut constituer une source de preuve, etc. Cependant, une
divergence ou une contradiction des explications à caractère informatif avec une décla-
ration de preuve faite par la même partie ne peut pas demeurer sans importance pour
apprécier la crédibilité de cette déclaration de preuve20.

6. La réalisation du principe de vérité matérielle est le but de l’organe, son aspiration


constante, à laquelle devraient être adaptées toutes le formes et méthodes de procéder.
Ce but comprend des règles qui forment le principe de vérité matérielle : le principe
d’immédiateté et le principe de libre appréciation des preuves.
Formulé dans les procédures judiciaires, le principe d’immédiateté s’applique aussi
dans les procédures administratives, même s’il est quelques fois limité. Conformément
à ce principe, l’organe doit avant tout se baser sur les moyens de preuve directs, à l’aide
desquels il est possible de voir clairement (un examen oculaire est un tel moyen). Suppléer
des preuves directes par des preuves indirectes n’est pas autorisé21. En cas de preuve par
document, l’organe doit consulter l’original du document et ne pas se baser sur sa copie.
En revanche, en cas de preuve par audition d’un témoin, l’organe doit se baser sur les
déclarations du témoin oculaire de l’événement concerné, car la valeur probante d’une
déclaration d’un témoin qui a appris les faits par le biais d’un tiers est moins importante.
La procédure préparatoire doit être menée par la même personne, bien que remplacer les
personnes chargées de la procédure, ce qui peut survenir lors de la procédure, n’affecte
pas l’efficacité des actes entrepris avant le remplacement et il n’y a nullement besoin de
les répéter. La possibilité de mener la procédure préparatoire devant un membre délégué
par l’organe collégial permet de déroger au principe d’immédiateté.

18
Voir R. Suwaj, Postępowanie dowodowe w świetle przepisów Kodeksu postępowania administracyj-
nego, Ostrołęka 2005, p. 95-96.
19
Ibid., p. 96.
20
Cf. le jugement de la CS du 15 juin 1973, numéro du rôle II CR 257/73, publié dans Lex no 1655.
21
Cf. le jugement de la CAS du 13 décembre 1988, numéro du rôle II SA 370/88, publié par ONSA
1988/2/95: « Si dans l’affaire, il existe des preuves directes et il n’existe pas d’obstacles pour mener à bien
une procédure probatoire, les suppléer par des preuves indirectes est une violation des dispositions de pro-
cédure » (l’art. 7, 75, 77 § 1 et l’art. 80 du Cpa).
Le problème de la vérité dans la procédure administrative 271

Conformément à ce principe, l’organe mène la procédure préparatoire indépendam-


ment, tout en restant en contact avec les sources de preuve. Cette liaison est cependant
limitée par l’application dans la procédure administrative du principe de procédure écri-
te. La participation des parties ou des témoins peut être limitée, par ex. à présenter des
explications ou faire des dépositions par écrit (se référer par ex. à l’art. 50 du Cpa). Ceci
contredit le principe d’immédiateté, mais est conforme à la forme par correspondance de
la procédure préparatoire. Les explications, les dépositions faites par écrit peuvent être
envoyées par la poste ou déposées dans le bureau de réception auprès de l’organe, ce
qui rend impossible tout contact avec le témoin ou la partie. La même situation résulte
d’une possibilité de présenter des explications non en personne par la partie, mais par le
biais d’un représentant fondé de pouvoir dans l’affaire22. Dans la procédure de recours,
le principe d’immédiateté est limité par ex. à une possibilité réservée à l’organe d’appel
de se baser sur les dossiers de l’affaire tenus par l’organe de première instance et une
possibilité d’ordonner à l’organe de premier ressort de mener une procédure préparatoire
dans un cadre précis.
La jurisprudence indique une corrélation entre le principe d’immédiateté et le prin-
cipe de vérité matérielle. D’après l’opinion du TA de Białystok, présentée dans le ju-
gement du 17 janvier 2008, le principe de vérité objective trace le but de la procédure
probatoire, tandis que le postulat d’immédiateté définit sa méthode. Le principe d’immé-
diateté se réfère à la façon d’administrer les preuves. Elle concerne la forme des mesures
prises lors de la procédure probatoire, notamment la façon par laquelle l’organe statuant
prend connaissance du corps de preuves. Le postulat d’immédiateté signifie l’injonction
adressée à l’organe statuant et l’obligeant de baser ses constations de fait sur les preuves
originelles. Il découle de cette injonction l’obligation imposée à l’organe de prendre
connaissance du corps de preuves de façon que l’excédent de maillons dans la chaîne
d’information soit éliminé. Lors de la construction de l’immédiateté dans la procédure
probatoire, sont prioritaires les preuves directes (originales et originelles), administrées
directement devant l’organe statuant, et ce pour que l’organe prenne connaissance de
tout le corps de preuves dans l’affaire – simultanément et directement23.
7. Conformément au principe de libre appréciation des preuves, l’organe n’est pas lié
par des règles strictes en matière d’appréciation du corps de preuves. L’organe décide
indépendamment si une circonstance donnée peut être reconnue comme prouvée. À cette
occasion, il prend en considération le corps de preuves entier24. La libre appréciation des
preuves rassemblées ne signifie pourtant pas d’acte arbitraire. L’organe se base avant
tout sur les règles de la logique (déduction, vraisemblance et autres), le bon sens, le
vécu, des convictions intérieures. Évidemment, il peut remettre en question la crédibi-
lité d’une preuve. Le cas échéant, il est tenu de présenter les motifs de sa décision25. Le
22
Au sujet du principe d’immédiateté cf. R. Kmiecik (réd.), Prawo dowodowe. Zarys wykładu, Zaka-
mycze 2005, p. 93-100.
23
Voir le jugement sus-cité : numéro du rôle II SA/Bk 649/07, publié dans LEX no 509178.
24
Cf. le jugement de la CAS du 20 août 1997, numéro du rôle III SA 150/96, publié ; III SA 150/96,
publié dans LEX no 30848 : « Il n’appartient pas aux experts, mais à l’organe de l’administration d’apprécier
la crédibilité des dépositions faites par les témoins et d’autres preuves rassemblées, relatives à l’affaire ».
25
Voir le jugement de la CAS du 3 février 1999, numéro du rôle IV SA 1010/97, non publié.
272 Artur Gill

principe de libre appréciation des preuves présenté dans l’art. 80 du Cpa est étroitement
lié à l’obligation de rassembler et d’examiner tout le corps de preuves. La CAS indiqua
cette corrélation dans son jugement du 17 mai 1994. Dans l’opinion de la Cour, la libre
appréciation des preuves doit être conforme aux normes du droit judiciaire et aux règles
de cette appréciation, c’est-à-dire: premièrement, il convient de se baser sur le corps
de preuves rassemblé par l’organe, exception faite des cas prévus par les dispositions
légales ; deuxièmement, l’appréciation doit être basée sur une estimation complexe de
la totalité du corps de preuves ; troisièmement, l’organe doit estimer l’importance et la
valeur des preuves pour l’affaire en cours ; quatrièmement, le raisonnement, suite auquel
l’organe décide de l’existence des circonstances de fait, doit être conforme aux règles
de la logique26. Cette corrélation immanente entre les deux principes est aussi mention-
née dans le jugement du TA de Varsovie du 19 septembre 2008 : « conformément au
principe exprimé dans l’art. 80 du Cpa, l’organe de l’administration apprécie sur la base
de la totalité du corps de preuves si la circonstance donnée fut prouvée. Cette disposi-
tion exprime simultanément le principe de vérité objective ainsi que le principe de libre
appréciation des preuves »27. Certaines institutions judiciaires et les règles de la procé-
dure judiciaire limitent quelque peu cette liberté (présomptions juridiques, obligation de
l’organe statuant de résoudre la question préalable, etc.)28. Cependant, la jurisprudence
rejete fermement la théorie de preuve formelle. D’après la CAS, appliquer la théorie de
preuve formelle en affirmant qu’une circonstance peut être prouvée exclusivement par
des moyens de preuve définis ou par de nouvelles règles d’utiliser les moyens de preuve,
est inadmissible29.
Les constatations faites par l’organe doivent être consolidées dans les motifs de la
décision qui devrait contenir une appréciation de la valeur de chaque moyen de preuve
respectif, ce qui fut démontré par le TA de Cracovie dans le jugement du 18 janvier
2011. Les motifs ne peuvent pas se limiter à une simple citation de dispositions léga-
les qui, d’après l’organe, s’appliquent dans l’affaire et permettent de rendre telle ou
telle décision. Dans l’affaire examinée, dans laquelle la partie réclamait l’attribution du
droit à des prestations pécuniaires à titre des travaux forcés pendant la Seconde Guerre
Mondiale, l’organe se limita à constater que durant cette période, la partie avait subi des
persécutions non prévues par la loi, mais il n’indiqua pas quelles persécutions il reconnut
comme prouvées. Notamment, l’organe n’expliqua pas si la déportation de la plaignante
constitua une persécution ou bien s’il s’agit d’un autre type de persécution. Sur cette
base, il est impossible de définir si l’organe rassembla le corps de preuves et examina
pleinement toutes les circonstances pouvant influencer la décision30.
Le principe de vérité matérielle, appelé le principe des principes, influence de façon
significative toute la procédure administrative, et non seulement les règles qui régissent

Numéro du rôle SA/Lu 1921/93, publié dans LEX no 26517.


26

Numéro du rôle IV SA/Wa 1119/08, disponible sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le


27

22.07.2011].
28
Au sujet du principe de libre appréciation des preuves cf. R. Kmiecik (réd.), Op. cit., p. 89-93.
29
Voir le jugement de la CAS du 9 mars 1989, numéro du rôle II SA 961/88, publié par ONSA
1989/1/33.
30
Numéro du rôle II SA/Kr 1382/10 disponible sur le site www.orzeczenia.nsa.gov.pl [consulté le
22.07.2011].
Le problème de la vérité dans la procédure administrative 273

la procédure préparatoire (probatoire). Il est objectif, absolu et il ne peut pas être abusé.
L’organe ne peut pas, par ex. lors de l’examen de l’état des faits, faire prévaloir l’intérêt
supérieur de la partie et dissiper d’éventuels doutes à son profit. À mon sens, il n’existe
pas de prémisses qui puissent justifier dans l’avenir une dérogation au principe de vérité
matérielle. Les régulations judiciaires en vigueur semblent garantir de façon suffisante
son respect.
A lina Miruć

Les requêtes et les plaintes selon les procédures


du code administratif à la lumière de la doctrine
et de la jurisprudence des tribunaux administratifs

1. Introduction – plaintes, requêtes et pétitions selon


J. S. Langrod, et aujourd’hui.

En dehors de la fiction d’une décision positive, la fiction d’une décision négative,


la dévolution des compétences et la saisine du tribunal administratif pour inaction1, J.
S. Langrod énumérait également la pétition et l’actio popularis2 en tant que moyens de
lutte contre l’inaction des organes administratifs et il les considérait comme une forme
indirecte de cette lutte (étant donné qu’ils provoquaient des réactions dans le domaine de
l’action organisationnelle, et que leur efficacité était évaluée au sein de l’administration).
De surcroit il les voyait comme les moyens les moins efficaces de cette lutte. Langrod
évaluait l’efficacité de ces moyens comme étant minimale et il ne leur accordait pas
d’importante valeur pratique. Cet état de choses résultait sans aucun doute de sa concep-
tion plus large de la notion de partie dans la procédure administrative. En se référant à
la classification des moyens de défense de l’intérêt personnel établie par T. Bigo3, on
peut dire que le professeur Langrod voyait la nature des droits propres à une partie de la
procédure administrative comme se situant plutôt dans la catégorie de la conciliation que
dans celle de l’intervention.
Il est démontré dans le droit administratif que les plaintes et les requêtes se réfèrent
aux voies de recours dites « imparfaites », autrefois connues comme dénonciation ou
observation (remontrance), ainsi qu’au droit de pétition régi par les dispositions de la
Constitution de mars de 19214.

1
J. S. Langrod, O tzw. milczeniu władzy. Studium prawno-administracyjne, Cracovie-Varsovie 1939,
p. 49.
2
Ibid., p. 6.
3
T. Bigo, « Ochrona interesu indywidualnego w projekcie kodeksu postępowania administracyjnego »,
Państwo i Prawo no3/1960, p. 462.
4
K. Chorąży, W. Taras, A. Wróbel (réd.), Postępowanie administracyjne, egzekucyjne i sądowoadmini-
stracyjne, éd 4ème, Wolters Kluwer, Varsovie 2009, p. 185. Le moyen dit « imparfait » est un moyen juridique
dont l’examen dépend de la volonté de l’autorité auprès de laquelle il a été déposé. L’entité l’ayant introduit
ne dispose d’aucun instrument juridique lui permettant d’exiger de cette dernière une prise de position en
rapport avec l’objet du moyen déposé.
276 Alina Miruć

Les plaintes, les requêtes et les pétitions en tant que moyens de lutte contre l’inaction
administrative se trouvent, en fait, en dehors du cadre juridique de la procédure adminis-
trative juridictionnelle. À l’heure actuelle, le droit commun permettant d’introduire des
plaintes et des requêtes auprès des organismes publics répond au droit constitutionnel
résultant de l’art. 63 de la constitution de la République de Pologne : « Toute personne
a le droit de déposer dans l’intérêt public, dans son propre intérêt ou dans celui d’une
autre personne qui y consent, des pétitions, des recours et des plaintes auprès des auto-
rités de la puissance publique, des organisations et des institutions sociales, en rapport
avec les missions de l’administration publique que celles-ci accomplissent. La procédure
d’examen des pétitions, des requêtes et des plaintes est prévue par la loi ». Il s’agit ici
du code de procédure administrative5 qui régit la problématique des plaintes et des re-
quêtes dans la Section VIII intitulée : Plaintes et requêtes. Les dispositions spécifiques
relatives à l’organisation, la réception et au règlement de ces requêtes et ces pétitions ont
été définies dans le règlement du Conseil des ministres du 8 janvier 2002 relatif à ces
questions6.
Aux termes de la Constitution polonaise « toute personne » dispose du droit de plain-
te, de requête et de pétition. Sont considérées comme « toute personne » aussi bien les
personnes physiques (indépendamment de la nationalité polonaise) que les personnes
morales et les entités organisationnelles. Il en résulte que chaque personne physique,
même dépourvue de la totalité de ses droits, dispose du droit de déposer des plaintes, des
requêtes et des pétitions dans l’intérêt public, dans son propre intérêt ou dans celui d’une
autre personne qui y consent. Puisque toute personne dispose du droit de déposer une
plainte, nous pouvons donc observer qu’il s’agit de l’actio popularis7. La notion « d’en-
tité ayant le droit de déposer une plainte, une requête ou une pétition » a une dimension
plus large que celle de « partie » dans la procédure administrative ordinaire, car elle
n’a pas d’obligation de présenter un intérêt juridique, c’est-à-dire de s’appuyer sur une
disposition concrète de droit8. L’intention du législateur a été d’assurer une protection
juridique à tous les intérêts.
Il convient d’observer que le terme de « pétition » n’est présent dans le CPA que dans
l’art. 221. Le code ne précise pas le caractère de ce moyen, il ne régit pas, non plus, le
mode de dépôt et d’examen de celui-ci. Il faut donc considérer que l’objet de la pétition
peut faire double emploi avec le champ d’application des plaintes et des requêtes, sans
oublier cependant que le dépôt d’une pétition s’applique aux questions relevant de l’in-
térêt d’une communauté déterminée9.

5
La loi du 14 juin 1960 – Code de procédure administrative, texte unique de 2000. J. O. N° 98, alinéa
1071, modifié, ci-après abrégé en CPA.
6
J. O. N° 5, alinéa 46, ci-après dénommé RPR.
7
E. Ochendowski, Postępowanie administracyjne ogólne, egzekucyjne i sądowoadministracyjne. Wy-
bór orzecznictwa, TNOiK, Toruń 2008, p. 223.
8
J. Lang, Struktura prawna skargi w prawie administracyjnym, Zakład Narodowy Imienia Ossoliń-
skich, Wrocław 1972, p.109 et 110.
9
N. Banaszak, « Problematyka petycji jako formy kontroli społecznej », Casus 29/ 2003, p. 12 et
suiv. ; J. Lang, « Problemy prawnej regulacji rozpatrywania petycji ze szczególnym uwzględnieniem pety-
cji w sprawach z zakresu administracji publicznej », [in :] Z. Niewiadomski, Z. Cieślak, Prawo do dobrej
administracji. Matériel du Colloque des Chaires de Doit et de Procédure Administrative, Wydawnictwo
Uniwersytetu Kardynała Stefana Wyszyńskiego, Varsovie 2003, p. 73 et suiv.
Les requêtes et les plaintes ... 277

Selon l’avis de B. Banaszak, « la pétition est un terme général qui désigne un ensem-
ble de moyens permettant à un individu ou à un groupe d’individus de s’adresser aux
autorités publiques en leur transmettant certaines informations afin de susciter auprès de
ces dernières des actions dont l’entreprise est attendue par l’entité qui s’était adressée à
ces autorités »10. L’analyse détaillée de cette question n’a pas été traitée dans le présent
article.

2. Les autorités chargées des plaintes et des requêtes

Sont chargées des plaintes et des requêtes les autorités de la puissance publique, les
autorités des collectivités territoriales et les organes d’autogestion locale. Les organes
des établissements administratifs peuvent également être les destinataires des plaintes,
des requêtes et des pétitions.
Par « autorités de puissance publique » il convient d’entendre les autorités d’ad-
ministration publique (art. 5 § 2 CPA), à savoir les ministres, les organes centraux de
l’administration gouvernementale, les voïvodes, les autres autorités d’administration ter-
ritoriales – aussi bien conjointes que disjointes – agissant au nom de ces derniers ou en
leur nom propre, et également (en vertu de l’art. 10 alinéa 2 de la Constitution polonaise)
les organes de pouvoirs législatif (Sejm et Sénat), exécutif (Président, Conseil des minis-
tres) et judiciaire (cours et tribunaux). Conformément à l’art. 224 du CPA, les autorités
des entreprises publiques et des autres entités organisationnelles publiques en font éga-
lement partie. Au groupe des autres entités organisationnelles publiques appartiennent :
les établissements publics à caractère administratif, les agences, les fondations de droit
public et les fonds publics ayant une personnalité juridique.
Les autorités mentionnées dans l’art. 5 § 2 alinéa 6 du CPA, à savoir les autorités de
la commune, du powiat [district], de la voïvodie, les autorités des communautés de com-
munes et des communautés de powiats, le wójt [chef du village], le maire, le président
de la ville, le staroste, le maréchal de la voïvodie et les directeurs de services, d’inspec-
tions et de corps de garde agissant au nom du wójt, du maire, du président de la ville, du
staroste et du maréchal de la voïvodie, et également les autorités des collèges de recours
des autorités locales, font partie des autorités des collectivités territoriales.
Les organisations sociales sont des organisations professionnelles, territoriales, coo-
pératives et les autres organisations de la société civile définies dans l’art. 5 § 2 alinéa 5
du CPA. Ce que le terme « institutions de la société civile » désigne n’est cependant pas
défini de manière certaine. Il s’agira « des mouvements sociaux, des groupes d’anima-
teurs de la vie sociale organisés soit de manière ponctuelle, soit de manière perpétuelle,
n’ayant pas de cadre juridique propre à une organisation de la société civile, et accom-
plissant des tâches dont la réalisation a été réclamée à l’administration publique, sous
formes dépourvues de pouvoir, car n’ayant pas de structure organisationnelle stricte ils
ne peuvent pas se voir confier les fonctions propres à l’administration publique ».
La compétence des autorités chargées de l’examen des plaintes et des requêtes confor-
mément aux dispositions du CPA ne doit pas faire forcément double emploi avec la com-

10
B. Banaszak, Prawo obywateli do występowania ze skargami i wnioskami, Wydawnictwo Sejmowe,
Varsovie 1997, p. 7 et suiv.
278 Alina Miruć

pétence requise pour traiter l’affaire concernée par la plainte. Les autorités compétentes
chargées de l’examen des plaintes sont déterminées, avant tout, dans des dispositions
spécifiques. En règle générale il s’agit des autorités de niveau supérieur ou des autorités
exerçant une surveillance directe sur l’autorité que la plainte concerne. Sauf disposi-
tions spécifiques contraires, les autorités suivantes sont compétentes pour examiner les
plaintes (art. 229 du CPA) : par rapport aux autorités exécutrices des unités territoria-
les d’administration et de leurs présidents, dans les affaires relevant de leurs travaux
d’auto-saisine – les autorités constituantes de ces unités, et dans les affaires relevant de
l’administration gouvernementale – le voïvode. Par rapport aux autorités constituantes
des unités territoriales d’administration – le voïvode, et pour les questions financières –
la chambre régionales des comptes. Par rapport au voïvode, pour les questions traitées
en vertu du code de procédure territoriale – le ministre compétent, et dans les autres
questions – le Président du Conseil des ministres. Par rapport au ministre – le Président
du Conseil des ministres, et par rapport à une autre autorité centrale et à son directeur –
l’autorité à laquelle ils sont soumis »11. Le Code de procédure administrative établit que
l’autorité compétente pour examiner la plainte d’une autre autorité gouvernementale,
d’une entreprise publique ou d’une autre entité publique est l’autorité de niveau supé-
rieur ou l’autorité exerçant une surveillance directe.
Les plaintes adressées aux organisations de société civile doivent être en rapport avec
les tâches (fonctions) que celles-ci exécutent dans le cadre de l’administration publique.
L’autorité compétente pour examiner les plaintes relatives aux tâches et à l’activité rele-
vant d’une organisation de la société civile est l’autorité directement supérieure à cette
dernière, alors que par rapport à l’autorité suprême de cette organisation – ce sera le pré-
sident du Conseil des ministres ou des ministres compétents exerçant une surveillance
de l’activité de ladite organisation. L’autorité directement supérieure peut être établie
conformément aux dispositions de la loi ou conformément aux dispositions statutaires de
l’organisation concernée. Quant à l’autorité suprême, c’est celle qui occupe la plus haute
position dans la hiérarchie de cette organisation.
Le respect de la compétence par l’autorité examinant la plainte exclut, d’une part, la
situation où plusieurs organes mèneraient, simultanément, la même procédure d’examen
et, d’autre part, réduit le nombre de plaintes procédurières. Les autorités ayant l’obliga-
tion d’examiner les plaintes sont tenues d’observer leur compétence d’office.
Les dispositions couvrent également la situation où la plainte serait déposée auprès
d’une autorité non compétente en la matière. Conformément à la règle de non formalisa-
tion, l’autorité ayant reçu la plainte à tort doit la transmettre immédiatement à l’autorité
compétente en informant le plaignant, ou bien elle doit indiquer à ce dernier l’organe
compétent auquel il devrait adresser sa plainte. L’art. 65 § 1 du CPA ne s’applique pas
dans ce cas, le renvoi de la plainte à l’autorité compétente n’étant qu’une simple démar-
che technique12. Le renvoi de l’affaire à l’autorité compétente avec un avis au plaignant
doit s’effectuer dans les sept jours suivant le dépôt de la plainte. Le renvoi de la plainte

11
Z. R. Kmiecik, Postępowanie administracyjne i postępowanie sądowoadministracyjne. Repetyto-
���������
rium, Éd.4e , Zakamycze, Cracovie 2003, p. 194.
12
L’arrêt du WSA (Tribunal administratif de voïvodie) à Kielce, du 28 février 2008, II SA/Ke 669/07,
LEX n° 456739.
Les requêtes et les plaintes ... 279

à une administration de rang inférieur est également prévu par la loi à condition que
la plainte ne contienne pas de grief contre cette administration. La plainte peut être
aussi transmise au supérieur hiérarchique de l’employé dont l’activité fait l’objet de cette
plainte. En toutes circonstances, le plaignant doit être avisé du renvoi de sa plainte à une
autre autorité13.
En revanche, l’autorité compétente (publique, territoriale ou autre, prévue par le
CPA) en matière de traitement d’une requête est celle qui est visée par l’objet de cette
dernière. Une requête adressée à une autorité compétente et renvoyée, en copie, à une
autre autorité, est examinée par l’autorité à laquelle elle a été adressée en premier lieu,
conformément à la compétence de celle-ci. Contrairement aux plaintes (où l’autorité
compétente était une autorité supérieure ou une autorité de surveillance), l’autorité com-
pétente en matière de requête, conformément à l’art. 242 du CPA, est celle dont le champ
d’application se réfère à l’objet de cette dernière. Si l’autorité ayant reçu la requête se
trouve incompétente pour l’examiner, elle est alors tenue de la renvoyer à une autorité
compétente dans un délai de sept jours (art. 243 du CPA).
Le renvoi de la requête est un simple acte technique, non attaquable en justice. Il en
est de même en ce qui concerne la notification de ce renvoi. Le renvoi et sa notification
doivent être effectués simultanément. Aux termes des dispositions de la section VIII du
chapitre 3 du CPA, le transfert de la requête à une autorité compétente ne peut pas être
effectué sous forme d’une décision contre laquelle pourrait être déposée une plainte.
Conformément à l’art. 243 du CPA, l’autorité non compétente est tenue de transférer
la requête à une autorité compétente en en avisant le requérant. En cas d’insatisfaction
quant au traitement de la requête, le requérant dispose du droit de porter plainte, en vertu
de l’art. 246 du CPA.

3. Objet des plaintes et des requêtes

La demande de règlement d’une plainte ou d’une requête ne doit pas être nécessai-
rement fondée sur une norme de droit matériel (comme la demande de statuer sur une
décision) ou de droit procédural (comme celle concernant la délivrance d’une attestation
contraignante pour une autorité). Il en résulte qu’une plainte ou une requête peut être
finalement déposée pour chaque affaire14. Le code ne définit ni la plainte, ni la requête. Il
détermine en revanche leur objet.
L’objet d’une plainte concerne, en particulier, les allégations de négligence, d’irrégu-
larité, d’inégalité, de délai indu ou de règlement bureaucratique des affaires. En revan-
che, l’objet d’une requête s’applique à une amélioration de l’organisation de l’autorité,
à une amélioration de la légalité des actes accomplis par celle-ci, à une amélioration
de son travail ou à la prévention des abus, à une meilleure satisfaction des besoins des
citoyens15. Les deux énumérations ne sont données qu’à titre d’exemple. Il s’agit de dé-

13
M. Wierzbowski (réd.), Postępowanie administracyjne – ogólne, podatkowe, egzekucyjne i przed są-
dami administracyjnymi, éd. 10ème, C.H. Beck, Varsovie 2006, p. 247.
14
Z. R. Kmiecik, op. cit., p.193.
15
M. Wierzbowski (réd.), op. cit., p. 244.
280 Alina Miruć

montrer que la plainte reflète toujours un sentiment d’insatisfaction, alors que la requête
a pour but de proposer des améliorations.
Conformément à l’art. 222 du CPA, seul le contenu de la lettre décide de son carac-
tère et détermine s’il s’agit d’une plainte ou d’une requête, et non pas sa forme exté-
rieure. L’organisme compétent en la matière qualifie l’affaire en fonction de son contenu
et non pas en fonction de son intitulé. Si le contenu de la lettre déposée ne permet pas
à l’organe compétent de trancher sur l’objet de celle-ci, l’organe est tenu de faire appel
au demandeur afin qu’il apporte des explications nécessaires ou complète sa lettre dans
un délai de sept jours, sous peine que sa lettre reste sans examen (§ 8 alinéa 2 du RPR).
Toute plainte ou requête déposée sans préciser le prénom et le nom (dénomination), et
l’adresse du demandeur (§ 8 alinéa 1 du RPR), n’est pas examinée. Les dispositions
détaillées relatives au dépôt et à la réception des plaintes et des requêtes sont détermi-
nées dans le règlement du Conseil des ministres de 2002 susvisé. Aussi bien les plaintes
que les requêtes peuvent être déposées par écrit, par télégraphe ou téléscripteur, par
télécopieur, par courriel électronique, ou oralement avec l’établissement d’un procès –
verbal.
Aux termes du CPA, l’objet d’une plainte concerne, en particulier, les allégations
de négligence, d’irrégularité, d’inégalité, de délai indu ou de règlement bureaucratique
des affaires commis par les organismes compétents. Cette énumération n’est donnée
qu’à titre d’exemple, compte tenu de l’utilisation du terme « en particulier ». On peut
donc considérer que le contenu de la plainte peut concerner chaque cas d’inégalité ou
d’irrégularité observé dans le fonctionnement d’un organisme d’administration publique
(l’expression d’un mécontentement à cause d’un état de choses).
La plainte est donc introduite en rapport avec une action qui a déjà été entreprise par
l’autorité concernée ou, éventuellement, en rapport avec l’inaction de cette dernière, et
elle vise à attirer l’attention des autorités compétentes sur toutes les irrégularités résul-
tant de cette action ou de cette inaction. La plainte évalue toujours négativement les faits
et les actions accomplis, ou ceux qui auraient dû être accomplis, et le contrôle résultant
de cette plainte a toujours le caractère d’un contrôle a posteriori16.
Il a été démontré dans la juridiction, entre autres, que « l’objet de la plainte peut
viser une négligence professionnelle de l’autorité exécutive de la commune qui porte
atteinte aux intérêts de l’habitant de cette commune, et cela non seulement dans un cadre
individuel ». Dans un tel cas la décision du conseil communal en tant qu’autorité com-
pétente pour examiner le fonctionnement de l’autorité exécutive de la commune visé par
la plainte (art. 229 point 3 du CPA) est rendue en tant que décision concernant l’affaire
relevant de l’administration publique, et est donc susceptible de recours aux termes de
l’art. 101 alinéa 1, relatif à l’autogestion locale17. Dans ses arrêts antérieurs, la Haute
Cour Administrative (Najwyższy Sąd Administracyjny, NSA) estimait que les résolutions
des autorités locales rendues suite à une plainte déposée conformément à l’art. 227, ne
sont pas des résolutions relevant de l’administration publique et ainsi elles ne peuvent

16
L’arrêt de la HCA [Haute Cour Administrative] du 19 juillet 1982, II SA 760/ 82, OHCA 2/1982,
alinéa 73 ; décision de la HCA du 10 novembre 1992, II SA2068/ 92, OHCA3/ 1992, alinéa 69 avec glose
probante, B. Adamiak, OSP 10/1994, alinéa 196.
17
L’arrêt de la HCA du 28 février 2002, II SA 2481/01, LEX 81766.
Les requêtes et les plaintes ... 281

pas être attaquées devant un tribunal administratif18. Dans la juridiction (surtout dans la
juridiction récente) c’est la deuxième tendance, parmi les précitées, qui prédomine19. La
procédure de recours en tant que procédure autonome est engagée dans la situation où
la plainte ne permet pas d’intenter une procédure administrative ordinaire ou spéciale,
et ne permet pas non plus de porter l’action en justice, ni de déposer une plainte ou une
requête en vue d’engager des poursuites judiciaires.
Il convient de différencier l’objet de la plainte de son contenu. D’après J. Lang, com-
me contenu d’une plainte il faut considérer « exclusivement le contenu d’une plainte
précise, et plus exactement une demande reflétant une comparaison logique entre une
situation et une structure qualifiante compétente – un ordre juridique, une norme morale,
des principes d’esthétique, des règles de « bon travail », etc. L’individu qui dépose la
plainte est forcément son auteur. Au demeurant, l’objet doit inclure ce que l’on appelle
le petitum de la plainte, c’est-à-dire une demande précise ayant pour but de provoquer
une réaction appropriée de l’autorité concernée. Cette demande doit être exprimée di-
rectement ou résulter d’une objection relative à l’irrégularité observée dans le fonction-
nement des organismes par rapport à leurs salariés. Dans cette perspective, l’objet de la
plainte détermine si ladite demande (qu’elle soit orale ou écrite) constitue une plainte au
sens des dispositions relatives aux plaintes et aux requêtes »20.
L’objet de la requête s’applique, en revanche, au souhait d’améliorer un certain état
de choses existant21. Aux termes du droit en vigueur il peut être question, en particulier,
d’amélioration de l’organisation d’une administration, d’amélioration de la légalité des
actes accomplis par celle-ci, d’amélioration de son travail, de prévention des abus, de
la protection de la propriété ou d’une meilleure satisfaction des besoins des citoyens.
Compte tenu de l’ensemble des affaires précitées pouvant être à l’origine d’une requête
déposée auprès d’un organisme administratif, le caractère de celle-ci sera tranché par cet
organisme en fonction de son contenu22.
L’organisme concerné qualifie la lettre (requête) en fonction de son contenu et non
pas de son intitulé. Le dépôt de la demande entame une procédure administrative simpli-
fiée en une seule instance se terminant par un acte factuel, c’est-à-dire par une notifica-
tion qui ne peut cependant pas être attaquée devant le tribunal administratif de voïvodie.
La requête constitue « une forme d’initiative citoyenne » et contrairement à la plainte,
elle est principalement déposée dans l’intérêt public.
Si la plainte est déposée contre une action exécutée par des organismes administratifs
antérieurement, la requête s’applique, pour sa part, à d’éventuelles actions futures et vise
à les améliorer. Elle inclura toujours une évaluation positive du comportement attendu23.

18
La décision de la HCA du 12 avril 2001, I SA 2668/00, LEX n° 54426 ; décision de la HCA du 23
juillet 2001, II SAB 213/00, LEX n° 54555.
19
La décision du WSA de Gorzów du 16 juillet 2008, II SA/Go 398/08, LEX n° 463959.
20
J. Lang, Struktura prawna skargi w prawie administracyjnym, Zakład Narodowy Imienia Ossoliń-
skich, Wrocław 1972, p. 69.
21
L’article 241 du CPA.
22
L’article 222 du CPA.
23
 ���������������������������������������������������������������������������������������������
J. Lang, « Z rozważań nad istotą postępowania w sprawie wniosku », [in :] Z. Rybicki, M. Gro-
madzka-Grzegorzewska, M. Wyrzykowski, Zbiór studiów z zakresu nauk administracyjnych, Ossolineum,
Varsovie 1978, p.118-119.
282 Alina Miruć

4. Examen et règlement des plaintes et des requêtes

D’après J. Lang il est fondamental de distinguer l’examen du fond de la plainte de


son règlement, lequel peut être traité aussi bien sur le plan formel que matériel, selon
qu’il s’agit de régler la question relevant de l’objet de la plainte, ou de régler la plainte24.
Le Code de procédure administrative introduit simultanément deux actions distinctes,
l’examen et le règlement de la plainte.
L’examen se traduit par un ensemble d’actes préparatoires visant à déterminer le
contenu et l’objet de la plainte, et à préparer toutes les pièces nécessaires à son règle-
ment. En vertu de l’art. 232 du CPA, lesdits actes ne peuvent pas être transmis. Seuls
peuvent être transmis le règlement de la plainte, c’est-à-dire la décision, la transmission
des instructions ou l’adoption des autres mesures appropriées, la suppression des man-
quements et, dans la mesure du possible, la suppression des causes de ces manquements,
ainsi que la notification exhaustive au plaignant portant sur le résultat du règlement.
Le législateur admet le principe de la priorité de la procédure juridictionnelle par rap-
port à la procédure de plainte. S’il résulte de la plainte qu’elle porte sur une affaire trai-
tée par une décision administrative, cette plainte sera alors considérée comme demande
d’ouverture d’une procédure. Le code de procédure administrative exclut expressément
le règlement de la demande d’un citoyen en tant que plainte ou requête, si elle concerne
une affaire personnelle et si elle a été établie par la partie à la procédure ; une telle de-
mande entame une procédure administrative au jour de sa notification auprès de l’organe
d’administration d’État. Si la plainte a été déposée par la partie à la procédure et si elle
n’a pas, en substance, le caractère d’un acte de procédure juridictionnelle, elle devrait
être qualifiée comme un acte approprié de cette procédure et ainsi réglée, conformément
aux dispositions relatives à cette procédure. Si, en revanche, la plainte est déposée par un
individu qui n’est ni partie à la procédure, ni entité au caractère de partie, elle doit être
examinée et réglée comme une actio popularis.
L’ouverture d’une procédure est obligatoire, si la plainte est déposée par une partie à
la procédure. Si elle est déposée par une autre personne, l’organe seul décidera de pour-
suivre ou non les actes d’office.
La disposition de l’art. 234 du CPA s’applique à une affaire par rapport à laquelle une
plainte a été déposée mais également par rapport à laquelle se déroule d’ores et déjà une
procédure administrative ordinaire. Si la plainte est déposée par la partie à la procédure,
elle doit être qualifiée conformément à son contenu. Elle peut inclure, par exemple, une
manifestation de volonté sous forme d’une demande d’exclusion d’un employé du pro-
cessus administratif. Dans son arrêt rendu le 8 novembre 2005, le Tribunal administratif
de voïvodie à Varsovie a admis qu’ « aux termes de l’art. 234 § 1 du CPA, la plainte in-
troduite par la partie à la procédure dans une affaire par rapport à laquelle se déroule une
procédure administrative doit être examinée en instance, conformément aux dispositions
du code. Cela signifie que la réclamation attaquant le contenu de la décision rendue par
l’organe de première instance, introduite dans un délai fixé par la loi, doit être examinée
en tant que recours contre cette décision »25.
24
J. Lang, Struktura prawna,… op. cit., p.143-147 et p. 158-164.
25
I SA/Wa 1742/04.
Les requêtes et les plaintes ... 283

Dans le cas où le plaignant ne motiverait pas suffisamment sa plainte, l’organe saisi


est tenu d’établir le contenu réel de sa demande. Dans plusieurs décisions, les tribunaux
administratifs soulignent la nécessité d’appliquer, dans ce cas, les dispositions de l’art.
9 du CPA. À titre d’exemple, l’arrêt de la Haute Cour Administrative du 22 février 2005
établit ce qui suit : « Puisque la plainte, en vertu des articles 233 et 234, produit des ef-
fets de procédure juridictionnelle, il est donc fondé que l’examen de cette demande soit
effectué par l’organe compétent en la matière. Dans les cas déterminés dans les articles
susvisés, l’organe compétent en matière de règlement des plaintes selon la procédure ad-
ministrative est l’organe ayant le pouvoir d’entamer la procédure, ou l’organe saisi de la
procédure. Pour les cas déterminés dans l’art. 235, il s’agira de l’organe compétent pour
la réouverture de la procédure, l’annulation de la décision ou son abrogation, ou sa modi-
fication. Si la plainte est introduite devant l’organe incompétent en matière de procédure
administrative, il est indispensable que cette plainte soit transmise à l’organe compétent,
conformément aux règles établies ci-dessus. Le transfert de la plainte se déroule en vertu
de l’art. 231 du CPA et non pas aux termes de l’art. 65 § 1 de ce Code »26.
Sont considérés comme règlement de la plainte aussi bien son renvoi, son irrecevabi-
lité, son rejet, ainsi que toutes les formes de sa qualification.
La déclaration d’irrecevabilité de la plainte a lieu quand il n’existe aucune prémisse
permettant d’ouvrir la procédure, quand le contenu de la plainte dépasse son champ
d’application, quand le plaignant n’a pas la capacité de déposer la plainte, quand la
plainte n’exprime pas un intérêt précis, et quand une procédure concernant cette plainte
a déjà été ouverte devant un autre organe. Le rejet de la plainte survient quand cette der-
nière est dénuée de fondements. La plainte est classée dans la situation où elle ne répond
pas aux exigences formelles qui la concernent et quand le plaignant, malgré la demande
de l’organe saisi, n’a pas complété sa plainte dans un délai fixe de sept jours.
Le plaignant doit être avisé de chaque méthode de règlement de sa plainte. Une telle
notification est un acte matériel et technique, établi par écrit. La notification doit compor-
ter : la détermination de l’organe chargé de l’affaire et de la méthode de son règlement,
la signature de la personne compétente en précisant son prénom, son nom ainsi que le
poste occupé. Si la notification a été établie sous forme électronique, elle doit comporter
une signature électronique sécurisée que l’on peut vérifier grâce à un certificat qualifié
valable. La notification portant sur le refus du règlement de la plainte doit, de surcroit,
exposer les moyens de fait et de droit de ce refus.
Le seul moyen dont dispose l’administré pour exprimer son insatisfaction du règle-
ment de sa plainte est le dépôt d’une nouvelle plainte (la procédure de recours se déroule
devant l’instance unique, il n’y a donc pas lieu de porter le recours devant un tribunal
administratif). Une telle position a été adoptée par le Tribunal administratif de voïvodie
à Opole, dans sa décision rendue le 10 décembre 200727 : « L’objectif de la disposition
de l’art. 239 du CPA vise à protéger les organes de l’administration publique des plaintes
à caractère procédurier. Si un citoyen introduit ses demandes à plusieurs reprises sans y
apporter de nouvelles précisions, l’organe de l’administration publique dispose du droit

 OSK 1099/04, LEX n° 165733.


26

27
II SA/ Op. 551/07, LEX 463897.
284 Alina Miruć

de maintenir sa position antérieure, telle qu’exprimée dans sa notification portant sur la


méthode de règlement de la plainte concernée ».
Le code de procédure administrative précise le mode de traitement d’une plainte
procédurière comprise comme étant « une plainte déposée par le plaignant à plusieurs
reprises, présentant le même objet et le même contenu et n’apportant aucune informa-
tion nouvelle, dans la situation où la première plainte déposée a été considérée comme
dépourvue de fondement et rejetée »28.
Par conséquent dans la situation où sera introduite une plainte ayant un caractère
de plainte procédurière, l’organe compétent pour son règlement sera alors autorisé à
appliquer une procédure simplifiée, à condition toutefois que soient remplies conjointe-
ment les conditions suivantes : le caractère infondé de la première plainte, et l’absence
de nouveaux détails afférents à cette plainte. La procédure simplifiée signifie que l’or-
gane concerné maintient sa position antérieure concernant l’application de la procédure
simplifiée à l’examen de la plainte, telle qu’elle figure dans la notification adressée au
plaignant, aussi bien qu’à l’organe suprême29.
Le code exige que le règlement des plaintes soit effectué dans un délai raisonnable, ne
dépassant cependant pas un mois à compter de la date de réception de la plainte par l’or-
gane compétent. En cas de plainte introduite par un député, un sénateur ou un conseiller
en leurs noms ou au nom d’une autre entité, le délai maximal qui s’applique s’élève à
14 jours30.
Si la plainte ou la requête ont été transmises à l’organe compétent par un député,
un sénateur ou un conseiller, ledit organe est tenu d’aviser de la méthode du règlement
prévue pour cette plainte ou cette requête (ou d’aviser du transfert de l’affaire à un
autre organe) non seulement l’administré, mais également le député, le sénateur ou le
conseiller qui a transmis l’affaire. Un processus analogue est appliqué quand la plainte
est transmise à l’organe compétent par la rédaction d’un média, si elle a demandé une
telle notification. Le délai prévu dans la procédure de recours est un simple délai de pro-
cédure, mais en cas de sa violation, l’administré peut introduire une réclamation auprès
d’un organe de l’administration publique supérieur. Le délai d’un mois commence à
courir à partir de la date de réception de la plainte par l’organe compétent pour son rè-
glement. Si la plainte a été transmise à un organe de niveau inférieur, ce délai commence
à courir à partir de la date où la plainte a été reçue par l’organe compétent, et non pas à
partir de la date de son transfert.
En cas de non règlement de la plainte dans le délai fixé s’appliquent les articles 36
à 38 du CPA. L’organe qui a omis de régler la plainte dans le délai fixé est tenu d’en
aviser le plaignant, en précisant les raisons de son retard et en fixant un nouveau délai.
Cette obligation incombe à l’organe concerné indépendamment de la cause du retard, et
elle est donc valable également en cas de retard survenu indépendamment de la volonté
de cet organe. Le plaignant dispose du droit de déposer une réclamation auprès d’une
autorité supérieure, si sa plainte n’a pas été réglée dans le délai fixé dans l’art. 237 § 1

28
R. Kędziora, Ogólne postępowanie administracyjne, C.H. Beck, Varsovie 2008, p. 421-422.
29
Cette obligation ne concerne pas des plaintes examinées par des organes suprêmes aux termes de
l’art.18 du CPA.
30
M. Wierzbowski (réd.), op. cit., p. 248.
Les requêtes et les plaintes ... 285

et 2 du CPA, ou dans la notification qui lui a été envoyée par l’organe compétent. En
considérant la réclamation comme justifiée, l’autorité supérieure fixe un nouveau délai
pour le règlement de la plainte, ordonne l’explication des raisons de ce manquement et
demande de déterminer toutes les personnes qui en sont responsables. En cas de besoin,
elle ordonne également de prendre des mesures préventives afin d’éviter le manquement
aux délais dans l’avenir.
Conformément aux dispositions de l’art. 237 § 4 en rapport avec l’art. 38 du CPA,
l’employé qui pour des raisons non fondées n’a pas réglé la plainte dans un délai d’un
mois ou dans un autre délai fixé par l’organe supérieur suite à une réclamation, ou qui
n’a pas avisé l’administré du non règlement de sa plainte dans le délai prévu, encourt
la responsabilité règlementaire ou disciplinaire, ou bien un autre type de responsabilité
prévu par les dispositions légales.
De même que les plaintes, les requêtes doivent être également réglées dans un délai
raisonnable, ne dépassant pas cependant un mois à compter de la date de réception de la
requête par l’organe compétent. En cas d’impossibilité de régler la requête dans le délai
susvisé, l’organe compétent est tenu, durant ce délai, d’aviser le requérant des moyens
qu’il aurait entrepris pour examiner sa requête et du délai prévu pour son règlement. En
cas de requête introduite par un député, un sénateur ou un conseiller s’appliquent respec-
tivement les dispositions relatives aux plaintes.
Sur la base de l’art. 247 du CPA, les dispositions relatives à la procédure de plainte
s’appliquent, de manière conforme à la procédure de requête31. Afin que leur application
puisse être effectuée « de manière conforme », il est nécessaire de les adapter à la spéci-
ficité de la procédure de requête. Il convient de s’interroger sur la possibilité d’appliquer
l’art. 230 du CPA qui détermine les organes compétents pour le règlement des plaintes
relatives aux tâches et au fonctionnement d’une organisation sociale. La spécificité de
la requête détermine qu’il ne peut être question de l’organe supérieur d’une telle organi-
sation, mais de l’organe dont le champ d’application est concerné par cette requête. En
cas de requête introduite par un député, un sénateur ou un conseiller en leurs noms ou au
nom d’une autre entité, l’organe compétent doit observer un délai de 14 jours pour aviser
le député, le sénateur ou le conseiller « de la méthode de règlement » de la requête, ou
bien « de l’état de l’examen » de cette dernière32. Il ne s’agit pas ici, bien évidemment,
du délai prévu pour le règlement de la requête, mais de celui prévu pour la notification.
La notification relative à la méthode de règlement de la requête doit contenir les mêmes
éléments que la notification relative à la plainte.

5. Organisation de la réception des plaintes et des requêtes

L’obligation de recevoir des plaintes et des requêtes par les organes de l’État, les
autorités territoriales et les autres organes d’administration locale, et par les autorités des
organisations sociales, constitue le corolaire du droit de déposer les plaintes et les requê-

31
Les articles 230, 237 § 2 et 238 du CPA.
32
L’article 237 § 2 du CPA.
286 Alina Miruć

tes. Les dispositions du CPA et du RPR en particulier déterminent de manière détaillée


le mode de réception des plaintes et des requêtes.
Les plaintes et les requêtes peuvent être déposées directement ou indirectement. Le
dépôt indirect se fait par l’intermédiaire d’un député, d’un sénateur et d’un conseiller,
par une rédaction de presse, de radio et de télévision, ainsi que par les organisations
sociales. Aux procédures de plainte et de requête ouvertes suite à une plainte ou une
requête déposée par une rédaction de presse, de radio et de télévision, s’appliquent di-
rectement les dispositions de la Section VIII du CPA, à l’exception du fait que l’autorité
compétente est tenue d’informer dans un délai fixe de la méthode choisie pour le règle-
ment de la plainte ou de la requête, ou du transfert de celle-ci à une autre autorité pour
règlement, la rédaction concernée si celle-ci l’avait demandé (par exemple la rédaction
d’un site Internet). Même si les dispositions du CPA n’énumèrent que ces trois types de
rédactions, rien n’empêche que les rédactions des autres médias aient également le droit
de déposer des plaintes et des requêtes en vertu des dispositions ci-dessus33.
Les plaintes et les requêtes peuvent être déposées indirectement par les organisations
sociales34. Le droit « d’intermédiation » appartient à chaque organisation sociale, indé-
pendamment de son rôle procédural et de la conformité de ses objectifs statutaires avec
l’objet de la plainte ou de la requête. L’organisation sociale peut également demander la
notification relative à la méthode de règlement de la plainte ou de la requête.
En vertu du CPA, la rédaction de la presse dispose des garanties procédurales contre
l’inaction de l’autorité compétente en matière de règlement de la plainte ou de la requête,
ou contre l’inaction relative au transfert de la plainte ou de la requête à un organisme
compétent. Le Code de procédure administrative prévoit le droit de déposer une récla-
mation pour le manquement au règlement de la plainte dans le délai fixé, de déposer une
plainte exprimant une insatisfaction relative à la manière dont la requête a été réglée, et
de déposer une plainte en cas de non règlement d’une requête dans un délai d’un mois
ou dans un autre délai supplémentaire. Ce droit ne s’applique cependant qu’au document
publié et envoyé à la rédaction, et non pas au document transmis.
Les organismes d’État, les autorités d’autogestion territoriale et les autres organismes
d’autogestion locaux, ainsi que les autorités des organisations sociales ont l’obligation
de recevoir les citoyens dans le cadre des plaintes et des requêtes, aux jours et aux ho-
raires qu’ils auront fixés. Les directeurs des unités organisationnelles susvisées ou leurs
représentants sont tenus de recevoir les citoyens dans le cadre du traitement des plaintes
et des requêtes tout au moins une fois par semaine. Les jours et les horaires d’admission
doivent être adaptés aux besoins de la population sachant toutefois qu’au moins une
fois par semaine, à jour fixe, les admissions doivent être ouvertes en dehors des heures
de bureau. Les jours et les horaires d’admission doivent être affichés au siège de l’unité
organisationnelle concernée, ainsi que dans les unités qui lui sont subordonnées.
Selon le RPR « la réception et la coordination de l’examen des plaintes et des re-
quêtes sont confiées à une cellule organisationnelle sélectionnée, ou nominalement à
des employés. Les informations précisant la cellule organisationnelle ou les employés
désignés pour recevoir les plaintes et les requêtes doivent être affichées dans un em-

33
L’article 248 du CPA.
34
L’article 249 du CPA.
Les requêtes et les plaintes ... 287

placement visible au siège de l’unité organisationnelle »35. Le Président du Conseil des


ministres ou le ministre compétent ainsi que l’autorité suprême de l’organisation sociale
peuvent déterminer la méthode, les jours et les horaires d’admission des citoyens dans
le cadre des plaintes et des requêtes par les organes et les unités organisationnelles qui
leur sont subordonnés.
En application du droit en vigueur (art. 254 du CPA) une autre obligation résultant
de la réception des plaintes et des requêtes est celle qui s’applique à leur enregistrement
et à leur conservation « de manière à ce qu’il soit plus aisé de contrôler le déroulement
et les délais du règlement des plaintes et des requêtes concernées »36, comme le précise
le Code.
Un employé ayant reçu une plainte concernant son activité est tenu de la transmettre
sans délai à son supérieur hiérarchique37. C’est la seule initiative qu’il peut entreprendre.
Il n’est donc pas habilité à entreprendre des démarches d’urgence pour une raison d’in-
térêt public ou d’intérêt important des parties. En raison du caractère des requêtes, elles
ne sont pas concernées par ce principe.

6. Contrôle et surveillance de la réception


et du règlement des plaintes et des requêtes

La réception et le règlement des plaintes et des requêtes sont soumis au contrôle et


à la surveillance des autorités suprêmes, des autorités supérieures, des organes de sur-
veillance et des organes compétents supérieurs. Le Conseil national de l’ordre judiciaire
(Krajowa Rada Sądownictwa) supervise la réception et le règlement des plaintes et des
requêtes déposées auprès des tribunaux, tandis que le président du Conseil des ministres
est chargé de celles déposées auprès des autres autorités et unités organisationnelles38.
Cette distinction trouve sa justification dans la séparation du pouvoir judiciaire du pou-
voir exécutif, et dans la nécessité de respecter l’indépendance des deux pôles du pouvoir
public.
Le Code de procédure administrative ne détermine pas les tâches précises ni les droits
et les moyens de contrôle dont disposent les organes cités ci-dessus. En revanche, il
précise l’objet de la surveillance qui est la réception et le règlement des plaintes et des
requêtes39. Selon l’avis de J. Borkowski, la surveillance peut être effectuée aussi bien par
l’organe de surveillance que par les unités organisationnelles qui lui sont subordonnées
et il s’agit, en principe, de la surveillance générale dans le cadre de laquelle il ne peut
être question d’ingérence dans des affaires précises relevant de la réception et du règle-
ment des plaintes et des requêtes40.
35
E. Ochendowski, Postępowanie administracyjne ogólne, egzekucyjne i sądowoadministracyjne. Wy-
bór orzecznictwa., TNOiK, Toruń 2008, p. 227.
36
K. Chorąży, W. Taras, A. Wróbel, op .cit., p. 188.
37
L’article 256 du CPA.
38
 Z. R. Kmiecik, op. cit., p. 198.
39
L’article 257 du CPA.
40
J. Borkowski, [in : ] B. Adamiak, J. Borkowski, Kodeks postępowania administracyjnego. Komen-
tarz, C.H. Beck, Varsovie 1996, p. 895.
288 Alina Miruć

La surveillance et le contrôle de la réception et du règlement des plaintes et des


requêtes dans le système de l’administration publique sont gérés par : « les ministres –
quand il s’agit des plaintes, des requêtes et des pétitions réglées par des ministres et par
d’autres entités organisationnelles qui leur sont directement subordonnées ; les ministres
compétents en la matière en coopération avec le ministre chargé de l’administration –
quand il est question de plaintes, de requêtes et de pétitions réglées par les organes de
l’administration d’État ; les voïvodes – quand il s’agit des plaintes, des requêtes et des
pétitions réglées par les entités organisationnelles supervisées par ces organes, et par les
autorités d’autogestion territoriale et les autorités locales ; les autorités supérieures – en
cas de plaintes, de requêtes et de pétitions réglées par les organes de l’administration
d’État ; le président du Conseil des ministres – quand il est question de plaintes, de re-
quêtes et de pétitions réglées par les collèges autonomes d’appel »41. La surveillance et le
contrôle de la réception et du règlement des plaintes et des requêtes déposées auprès des
autorités des organisations sociales sont effectués par les organes de surveillance statu-
taires de ces organisations, ainsi que par les autorités supérieures. En ce qui concerne les
autorités suprêmes de ces organisations – par l’organe de l’administration d’État chargé
de la surveillance de l’organisation concernée.
Le contrôle et la surveillance courants de la réception et du règlement des plaintes
et des requêtes incluent aussi bien un contrôle systématique que des évaluations pério-
diques42. Les organes de surveillance effectuent périodiquement une évaluation de la
réception et du règlement des plaintes et des requêtes déposées auprès des organes et des
entités qui sont soumis à leur contrôle. En ce qui concerne les voïvodes, ils évaluent tous
les organes de l’administration publique et des autres entités organisationnelles, ainsi
que les organisations sociales exerçant sur leurs territoires respectifs43. Suite aux contrô-
les et aux évaluations périodiques, les organes compétents doivent prendre des mesures
visant, en premier lieu, à supprimer les causes des plaintes déposées et, en deuxième
lieu, à tirer le plus ample profit des requêtes déposées afin d’améliorer le fonctionnement
des organes concernés.

7. Observations finales

À l’heure actuelle, les plaintes et les requêtes se référent aux voies de recours dites
« imparfaites », connues auparavant comme dénonciation ou observation (remontran-
ce), ainsi qu’au droit de pétition régi par les dispositions de la Constitution de 1921.
Il convient de rappeler qu’actuellement les plaintes et les requêtes sont régies par la
Constitution de la République de Pologne (article 63) et que leur normalisation précise
est établie dans le Code de procédure administrative où elles figurent en tant que moyens
de contrôle public du fonctionnement de l’administration publique largement accessi-

K. Chorąży, W. Taras, A. Wróbel, op. cit., p. 188.


41

J. Lang, « Instytucja skarg i wniosków w Kodeksie postępowania administracyjnego », Organizacja –


42

Metody – Technika, 6/1980, p. 21.


43
E. Ochendowski, op. cit., p. 230.
Les requêtes et les plaintes ... 289

bles. Leur objet s’applique à tous les cas d’irrégularité et de délai indu dans les affaires
observés dans le fonctionnement de l’administration publique.
L’analyse des opinions doctrinales et de la juridiction administrative par rapport au
rôle des plaintes et des requêtes dans la lutte contre l’inaction des autorités adminis-
tratives démontre que les droits dont jouissent les entités déposant des plaintes et des
requêtes sont formellement garantis (constitution de la République de Pologne, Code de
procédure administrative, RPR). Dans la pratique, l’efficacité des plaintes et des requê-
tes est limitée, compte tenu du fait qu’il s’agit de moyens indirects, les moins parfaits.
L’objectif de la procédure des plaintes et des requêtes est de protéger aussi bien l’in-
térêt d’un individu que l’intérêt de la société. Le législateur a fait en sorte d’assurer la
protection juridique à tous les intérêts. Le terme d’entité possédant le droit de déposer
une pétition, une plainte ou une requête revêt une signification bien plus large que le
terme de partie dans la procédure administrative ordinaire, étant donné que le plaignant
ou le requérant n’a pas l’obligation de démontrer un intérêt juridique, c’est-à-dire un
intérêt prévu par une disposition de droit précise.
La procédure relative aux plaintes et aux requêtes est une procédure simplifiée, de
même que celle relative à la délivrance des attestations, et elle relève du code de procé-
dure administrative (article 2). Cette procédure est bien moins formelle que la procédure
juridictionnelle44 du fait de trois facteurs. Tout d’abord, il n’existe pas dans cette pro-
cédure de notion de partie. Ensuite, l’autorité administrative publique ne prend pas de
décision, mais avise seulement le plaignant (le requérant) de la méthode du règlement de
l’affaire prévue. Et en dernier lieu, il n’existe dans cette procédure ni d’instance, ni d’in-
troduction de moyens. Étant donné que l’affaire n’a pas pour conséquence de décision
administrative, il n’est donc pas légitime d’introduire une plainte devant le tribunal ad-
ministratif. Dans sa décision rendue le 9 novembre 2006, la Haute Cour Administrative
soulève : « Les actes produits par les organes de l’administration publique conformément
aux dispositions de la Section VIII du Code de procédure administrative (articles 221 à
256) en rapport avec les plaintes et les requêtes ne relèvent pas du champ d’application
régi par l’art. 3 § 2 points 1 à 8 de la loi relative aux procédures devant les tribunaux
administratifs, et ne sont pas soumis à la compétence d’un tribunal administratif »45.

44
R. Suwaj (réd.), Postępowanie administracyjne. Ćwiczenia, Éd.1ère, Lexis Nexis, Varsovie 2009,
p. 367.
45
I OZ 1133/06, LEX n° 321541.
B arto sz R akoczy

Le droit procédural de l'environnement

Parmi les multiples classifications du droit qui fonctionnent dans la théorie du droit,
il existe une division en droit matériel et droit procédural, dit également droit formel1.
Si le droit matériel définit la situation juridique du destinataire d’une norme légale, et
tout particulièrement les droits et obligations de celui-ci, le droit formel sert à protéger
ces droits et à protéger la bonne exécution de ces obligations. Un droit procédural bien
construit garantit la réalisation efficace et correcte des droits et des obligations des sujets
de droit. B. Adamiak souligne à juste titre que « Le manque de réglementation du droit
matériel remet en cause la raison d’être de la procédure administrative en raison du man-
que d’objet de cette procédure »2.
On distingue trois types de procédure fondamentaux, soit les procédures pénale, ci-
vile et administrative. Or, ceci ne veut pas dire que la problématique procédurale ne
s’applique qu’aux questions du droit civil, pénal et administratif. La signification des
dispositions du droit procédural va bien au-delà de la division traditionnelle du droit.
Le caractère universel du droit procédural se manifeste, par exemple, dans le droit de
l’environnement. Actuellement, des discussions doctrinales ont lieu quant à la question
de savoir si le droit de l’environnement est une branche séparée du droit ou non3. Ce-
pendant, indépendamment du déroulement et du résultat de ces discussions, il convient
de reconnaître que le droit de l’environnement n’a pas élaboré de droit procédural spé-
cifique qui le séparerait des autres. Il est vrai que certaines différences procédurales sont
visibles dans des affaires relevant du droit de l’environnement tant civiles qu’adminis-
tratives, mais on ne peut toujours pas formuler une thèse selon laquelle nous aurions
affaire à un droit procédural à part.
Pourtant, il est important de souligner qu’il n’existe, dans la jurisprudence, aucune
recherche sur le droit procédural de l’environnement. Ces aspects sont discutés à l’oc-
casion de l’analyse des questions du droit matériel où l’on démontre la manière dont les
droits et obligations des sujets de droit sont réalisés à travers les dispositions du droit
procédural. Cette situation est partiellement justifiée par les solutions adoptées dans des
1
Voir V. Knapp, Teorie práva, Praha 1995, p. 76.
2
B. Adamiak, [in :] B. Adamiak, J. Borkowski, A. Skoczylas, « System Prawa Administracyjnego »,
T. 9 – Prawo procesowe administracyjne, Varsovie 2010, p. 11.
3
Ces questions sont analysées de plus près, entre autres, par R. Paczuski, Ochrona środowiska. Zarys
wykładu z uwzględnieniem obowiązującego porządku prawnego od dnia uzyskania przez Polskę członko-
stwa w Unii Europejskiej, Bydgoszcz 2008.
292 Bartosz Rakoczy

actes juridiques respectifs où le législateur donne aux dispositions procédurales un rôle


auxiliaire par rapport aux dispositions matérielles, en exposant leur signification prati-
que de manière inappropriée.
Le présent article sera une analyse de concepts théoriques du droit procédural de l’en-
vironnement, particulièrement centrée sur le rôle des dispositions procédurales dans la pro-
tection de l’environnement. Dans cette analyse, nous examinerons les fonctions que rem-
plissent les procédures particulières, soit les procédures civile, pénale et administrative.
Il convient, premièrement, de noter, qu’actuellement, il est injustifié de réduire le
droit de l’environnement aux seules questions du droit administratif. Le droit de l’envi-
ronnement, même s’il a recours le plus souvent aux méthodes administratives de régle-
mentation, utilise bien d’autres instruments juridiques relevant du droit civil et pénal,
et cela avec succès. Dans la littérature juridique, des avis apparaissent selon lesquels
il existe même un droit pénal de l’environnement ou bien un droit commercial de l’en-
vironnement4. Cette caractéristique du droit de l’environnement qui consiste à utiliser,
avec succès, des instruments du droit administratif, civil et pénal, détermine également
l’ensemble des réflexions concernant le droit formel, car le droit procédural de l’environ-
nement est diversifié et ne se limite pas à une seule procédure. Les réflexions concernant
le droit procédural de l’environnement concernent alors l’ensemble des trois procédures,
bien que la prééminence revienne à la procédure administrative. En conséquence de
quoi, les réflexions qui suivront prendront en considération la diversité de l’aspect pro-
cédural du droit de l’environnement.
« On entend par le terme procédure un ensemble d’instructions détaillées concernant
la façon d’exercer une série d’activités qui sont réalisées fréquemment ou systématique-
ment. Il s’agit d’un ensemble d’actes à entreprendre et à accomplir selon un certain ordre
et sous une certaine forme afin d’atteindre un objectif envisagé »5.
Dans le droit de l’environnement, c’est la procédure administrative qui joue le rôle
principal. La littérature juridique concernant le droit administratif procédural fait remar-
quer que la procédure administrative est censée remplir trois fonctions fondamentales, à
savoir la fonction d’organisation, la fonction instrumentale et la fonction de protection6.
La fonction d’organisation « consiste à ce que les dispositions procédurales définis-
sant l’ordre et régissant la séquence des actes de procédure ordonnent les actes de tous
les participants à la procédure7 ».
La fonction instrumentale du droit procédural « s’exprime par l’optimisation de la
voie qui mène à la réalisation de l’objectif du procès. Compte tenu de cela, la séquence
des actes de procédure entrepris par les autorités de décision et par les autres participants
à la procédure doit être formée de manière à ce que l’objectif du procès (la résolution de
l’affaire par voie de décision) soit atteint de façon la plus efficace possible »8.

4
Par exemple, J. Ciechanowicz – McLean, « Penalizacja prawa ochrony środowiska »,Gdańskie Studia
Prawnicze de 2008, t. XIX, p. 10.
5
P. Suwaj, [in :] B. Kudrycka (éd.), B. Guy Peters (éd.), P. J. Suwaj (éd.), Nauka administracji, Varsovie
2009, p. 244.
6
W. Chrócielewski J. P. Tarno, Postępowanie administracyjne i postępowanie przed sądami administra-
cyjnymi Éd. 4ème, Varsovie 2011, p. 23, ci-après dénommés W. Chróścielewski, J.P Tarno, Postępowanie.
7
Ibid, p.23.
8
Ibid., p 23.
Le droit procédural de l’environnement 293

La troisième fonction du droit administratif procédural est celle de protection. Cette


fonction « se manifeste par la protection de l’intérêt individuel et de l’intérêt de la so-
ciété. Le droit procédural en tant qu’instrument de protection de l’intérêt individuel est
d’une importance particulière car l’administration, tant dans le passé qu’à l’heure ac-
tuelle, a l’obligation de protéger l’intérêt public et l’intérêt de la société d’office. (…) Ce
droit met en place nombre d’institutions qui servent à protéger l’intérêt de la société et,
dans la procédure fiscale, l’intérêt public »9.
B. Adamiak et J. Borkowski font remarquer que la protection de l’intérêt individuel
se manifeste sur deux plans. D’abord, la protection de l’intérêt individuel consiste en ce
que « le droit régit la situation juridique d’une partie, donc il définit ses droits et obliga-
tions ; le fait que la situation juridique d’une partie soit réglée par le droit procédural la
rend indépendante, en matière de protection de ses intérêts, de la bonne ou mauvaise foi
de l’organe qui dirige la procédure »10.
En outre, les auteurs signalent que la fonction de protection de l’intérêt des individus
se manifeste également par le fait que le législateur oblige les autorités administratives
à prendre en considération l’intérêt individuel d’office11. « Une partie à la procédure ad-
ministrative a le droit, et non l’obligation de participer à la procédure, et ceci en raison
de la règle de la vérité objective selon laquelle c’est l’autorité administrative et non les
parties qui doit établir les détails d’une affaire. Ce principe ne s’applique pas aux cas où
la partie est appelée à participer aux actes entrepris. […] »12.
La protection de l’environnement, en tant qu’obligation des autorités publiques, est
un bon exemple de l’association des trois fonctions du droit procédural administratif
dans la procédure administrative. Il n’y a aucun doute quant à l’importance particulière
que revêt la fonction de protection, tant dans le domaine de la protection de l’intérêt de
la société que de celui des individus. La protection de l’intérêt de la société est liée à la
protection de l’environnement entendu comme un bien commun, tandis que la protec-
tion de l’intérêt individuel dans la procédure administrative est réalisée sur deux plans
différents. D’abord parce que l’intérêt individuel peut être compromis par le fait que les
droits et libertés des individus se verront restreints en raison de la protection de l’envi-
ronnement, mesure qui s’applique surtout à la restriction du droit de propriété et de la
liberté d’entreprendre13.
Ensuite, la protection de l’intérêt individuel se manifeste par la possibilité d’exploiter
l’environnement qui est accordée à l’individu dans la situation où il est requis d’obtenir
une autorisation, un permis ou une concession.
Ces trois plans de protection de l’intérêt dans la procédure administrative sont très
souvent en conflit l’un avec l’autre en ce qui concerne le droit de l’environnement car,
si, d’un côté, les standards définis de protection de l’environnement imposent un certain

9
B. Adamiak, J. Borkowski, Postępowanie administracyjne i sądowo administracyjne, Éd. 9e, Varsovie
2011, p. 25, ci-après dénommés B. Adamiak, J. Borkowski, Postępowanie.
10
Ibid., p. 26.
11
Ibid., p. 26.
12
Eod. loc.
13
À ce sujet, voir J. Ciechanowicz – Mc Lean, Ochrona środowiska w działalności gospodarczej, Var-
sovie 2003; B. Rakoczy, « Pojęcie gospodarczego prawa ochrony środowiska », Gdańskie Studia Prawni-
cze, t. XXI, 2009, p. 445-455.
294 Bartosz Rakoczy

comportement à l’autorité administrative, d’un autre, un individu peut avoir l’intention


d’exploiter l’environnement, cependant que, d’un troisième côté, l’intérêt des autres in-
dividus pourra subir un préjudice du fait de l’exploitation de l’environnement par l’indi-
vidu susmentionné. Ainsi, l’autorité administrative est souvent obligée d’équilibrer trois
intérêts différents contradictoires.
La résolution de ces conflits d’intérêts nécessitant une protection se voit facilitée grâ-
ce au principe du développement équilibré dont l’essentiel a été exprimé, entre autres,
par le Tribunal Constitutionnel dans le jugement en date du 6 juin 2006 prononcé dans
l’affaire K 23/05 14, où il a constaté dans ses motifs que « les autorités publiques sont
surtout obligées de mener une politique qui assure la sécurité écologique des générations
actuelles et futures » (art. 74 alinéa 1). Cette expression est typique pour la définition des
tâches (principes de la politique) de l’État, pourtant, elle n’entraîne directement aucun
droit in personam des individus. Le terme « sécurité écologique » doit être entendu
comme l’obtention d’un état de l’environnement qui permet à l’homme d’y séjourner
en sécurité et de l’utiliser d’une manière lui assurant le développement. La protection
de l’environnement est un des éléments de la sécurité écologique, mais les tâches des
autorités publiques sont plus étendues encore : elles englobent également les activités
améliorant l’état actuel de l’environnement et programmant son développement ulté-
rieur. La méthode fondamentale à appliquer pour atteindre cet objectif est le principe du
développement équilibré, comme le stipule l’art. 5 de la Constitution, et ce qui fait suite
aux accords internationaux, y compris en particulier la conférence de Rio de Janeiro en
1992 (voir J. Boć, [in :] Constitutions de la République de Pologne et commentaire de
la Constitution de la République de Pologne ( Konstytucje Rzeczypospolitej oraz ko-
mentarz do Konstytucji RP z 1997 r.,édité par J. Boć, Wrocław 1998, p. 24 et suiv.). Le
principe du développement équilibré englobe non seulement la protection de la nature ou
l’aménagement du territoire, mais aussi le soin du développement de la société et de la
civilisation lié à la nécessité de construire les infrastructures appropriées et nécessaires
à la vie de l’homme et des communautés particulières en tenant compte des besoins liés
à la civilisation. L’idée du développement équilibré implique donc de prendre en consi-
dération la diversité des valeurs constitutionnelles et de les équilibrer d’une manière
appropriée ».
L’essentiel de ce principe consiste justement à concilier des intérêts contradictoires
dans le cadre d’une procédure administrative. Le principe du développement équilibré
a donc également un aspect procédural.15
La fonction suivante est la fonction d’organisation, entendue comme une séquence
des actes respectifs entrepris par l’autorité administrative et par les parties de la procé-
dure. En cas de procédures relatives à la protection de l’environnement, la fonction d’or-
ganisation joue un rôle également important. Du point de vue de la protection de l’envi-
ronnement, il est important de savoir qui entreprend des actes particuliers et dans quel
ordre. La fonction d’organisation se manifeste tout particulièrement dans les procédures
menées avec la participation du public en application de la loi sur la mise à disposition

 OTK -A, 2006, cahier 6, rubrique 62.


14

Concernant le principe du développement équilibré, voir, entre autres, Z. Bukowski, Zrównoważony


15

rozwój w systemie prawa, Toruń 2009.


Le droit procédural de l’environnement 295

des informations sur l’environnement. Ce qui compte particulièrement dans les procédu-
res de ce type, c’est non seulement la possibilité du public de contribuer à la protection
de l’environnement grâce à une participation aux procédures, mais aussi la possibilité du
public d’avoir un impact réel sur le dénouement d’une procédure administrative.
En conséquence, la fonction d’organisation dans le droit de l’environnement doit se
faire par l’organisation de la séquence des actes respectifs de manière à donner la pos-
sibilité au public de prendre la parole à une étape de la procédure telle qu’il soit permis
à l’autorité de prendre réellement en considération ses requêtes et remarques. Ceci né-
cessite la prise en considération de deux éléments de procédure, car, d’un côté, le public
doit avoir la possibilité de prendre position sur la totalité du matériel de preuves et, d’un
autre, la possibilité de prendre la parole doit être garantie avant la formulation d’une
décision administrative. En conséquence, le législateur ne peut pas prévoir l’intervention
du public à une étape trop précoce ni trop avancée de la procédure administrative.
La troisième fonction de la procédure administrative est la fonction instrumentale.
L’essentiel de cette fonction consiste en l’économie de la procédure administrative qui
définit surtout son objectif. Donc tous actes de procédure, tant ceux entrepris par les
autorités administratives que par les parties, doivent être orientés vers la réalisation des
objectifs de la procédure. En cas de procédures relatives à la protection de l’environne-
ment, la définition de l’objectif de la procédure auquel seront subordonnés les actes de
procédure n’est pas une tâche simple, car l’essentiel de cet objectif est fort complexe.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, dans les procédures administratives relatives à
la protection de l’environnement, il s’agit d’équilibrer des intérêts variés, qui sont en fait
contradictoires.
Les fonctions de la procédure présentent les mêmes caractéristiques dans la doctrine
de la procédure pénale. J. Tylman fait remarquer que le droit pénal procédural rem-
plit trois fonctions fondamentales, à savoir une fonction d’organisation, appelée aussi
réglementaire, une fonction instrumentale, dite également praxéologique, ainsi qu’une
fonction de garantie16.
La fonction d’organisation (réglementaire) « s’exprime par le fait que le droit régit le
déroulement compliqué de la procédure, définit l’ordre des actes et leur séquence, et joue
le rôle d’un coordinateur des actes de procédure17. La fonction instrumentale consiste à
ce que « le droit pénal procédural, se basant sur l’expérience des siècles antérieurs, orga-
nise la procédure pénale de manière à ce qu’elle puisse atteindre les objectifs fixés de la
façon la plus efficace et la plus appropriée possible ».
Finalement, la fonction de garantie « se manifeste par le fait que, d’un côté, le droit
pénal procédural fixe les limites infranchissables touchant à la restriction des libertés,
limitant ainsi surtout les organes de la procédure, tout en précisant les cadres dans
lesquels ils peuvent accomplir leurs tâches et protéger la bonne administration de la
justice ; d’un autre, il définit positivement les fondements et les limites de défense d’un
individu en rendant sa situation raisonnablement indépendante de la volonté des organes

16
J. Tylman, [in :] T. Grzegorczyk, J. Tylman, Polskie postępowanie karne, Éd. 6e, Varsovie 2007,
p. 45-46.
17
Ibid. p. 45.
296 Bartosz Rakoczy

de la procédure et suffisamment claire et sûre ; il le fait par la définition appropriée et


détaillée des droits et obligations des participants à la procédure18.
En analysant les fonctions de la procédure pénale, nous en concluons qu’elles présen-
tent les mêmes similitudes que celles de la procédure administrative. Pour des raisons
évidentes touchant au format de cet article, il nous est impossible d’approfondir l’analyse
des fonctions respectives. Cependant, nous pouvons noter que ces fonctions sont prati-
quement identiques et que l’élément de droit public est tout particulièrement mis en évi-
dence dans les deux cas. Les aspects concernant la garantie ont une importance différente
dans les deux procédures, mais cela est dû surtout à la différence de leurs objectifs .
Concernant la problématique de la protection de l’environnement, les trois fonctions
de la procédure pénale jouent un rôle important. Cependant, l’importance de la procé-
dure pénale pour la protection de l’environnement ne dépasse pas les cadres généraux de
son objectif. L’environnement et sa protection ne sont qu’une des très nombreuses va-
leurs dont la protection dans l’intérêt public constitue l’objectif de la procédure pénale.
Le trait caractéristique et très important des procédures pénales relatives à la protection
de l’environnement est que ces procédures sont intentées d’office, rendant ainsi la pro-
tection des intérêts privés d’un individu marginale, ce qui est la conséquence du fait que
l'environnement est perçu comme un bien commun.
Les questions procédurales du droit de l’environnement nécessitent également une
analyse des aspects du droit civil car, comme nous l’avons signalé plus haut, on ne peut
pas uniquement limiter la problématique procédurale du droit de l’environnement à la pro-
cédure contentieuse, le rôle du droit civil dans la protection de l’environnement prenant
une importance de plus en plus grande. Le droit civil n’est, évidemment, pas en mesure de
remplacer tous les instruments du droit administratif, il peut cependant, en constituer un
excellent supplément, surtout dans les domaines où le droit administratif s’avère faillible.
Le rôle du droit civil s’accroissant devrait attirer l’attention de la jurisprudence également
sur la fonction et l’importance du droit civil dans la protection de l’environnement.
Un avis intéressant est présenté par H. Dolewski, qui constate que la fonction de la
procédure civile est de protéger l’ordre juridique, raison pour laquelle cette fonction fait
partie des attributions fondamentales de l'État19.
En revanche, Z. Resich fait remarquer que « la fonction de la procédure civile consti-
tue la partie de l’administration de la justice qui consiste à protéger les intérêts indivi-
duels et l’intérêt public dans le domaine des relations publiques, civiles, familiales et de
travail ». Pour le caractériser d’une manière plus détaillée, il convient de constater que
cette fonction consiste à20 :
– concrétiser et réaliser les normes légales relevant du droit civil, du droit de la fa-
mille et de la tutelle ainsi que du droit de travail et de la sécurité sociale,
– délivrer des règlements, exemptions et autorisations ayant une portée juridique,
– exercer des actes de documentation et d’enregistrement,
– exercer tous autres actes affectés au tribunal par une loi »21.

18
Ibid. p. 46.
19
 H. Dolecki, Postępowanie cywilne. Zarys wykładu, Éd. 4e, Varsovie 2011 p. 19.
20
 Z. Resich, [in :] J. Jodłowski et autre, Postępowanie cywilne, Éd. 5e, Varsovie 2007, p. 32.
21
Ibid. p. 32.
Le droit procédural de l’environnement 297

De même, il convient de noter le rapport entre le droit civil procédural et le droit


matériel procédural. « Le lien entre les deux branches du droit se manifeste, entre autres,
par l’utilisation des mêmes termes (p. ex. les personnes physiques, les personnes mora-
les, un entrepreneur). En même temps, il est à remarquer que certains actes de procédure
accomplis dans le cadre du droit civil procédural ont des effets dans le domaine du droit
matériel, définis dans le droit civil matériel »22.
Les opinions tirées de la littérature juridique relative à la procédure civile présen-
tées plus haut permettent d’avancer deux conclusions importantes du point de vue de
notre analyse. Elles mettaient d’abord, l’accent sur le rôle important de la protection de
l’intérêt public dans la procédure civile, et signalaient ensuite le lien strict entre le droit
procédural et le droit matériel.
Il est possible de remarquer que si, dans le cas du droit civil, il est difficile de savoir
si le droit formel joue un rôle auxiliaire à celui du droit matériel ou non, dans le cas du
droit de l’environnement une telle affirmation est entièrement justifiée. L’importance
de la procédure civile dans le droit de l’environnement est déterminée surtout par le
contenu d’une norme du droit matériel. En fait, le législateur a pu remarquer que, dans
certaines situations, il est justifié d’appliquer les instruments du droit civil à la protection
de l’environnement. L’intention du législateur est de pouvoir s’assurer de la protection
de l’intérêt public, qui est la protection de l’environnement, tout en donnant à certains
sujets agissant dans l’intérêt public la possibilité d’intenter des actions en justice en vue
de la protection de l’environnement. L’article 324 de la loi sur la protection de l’environ-
nement est un exemple d’une telle réglementation, stipulant que : « Au cas où une entre-
prise à risque aggravé ou à grand risque causerait un dommage, l’art. 435 § 1 du Code
civil s’applique même si cette entreprise fonctionne grâce aux forces de la nature ».
Ainsi, il est clair que le législateur a équipé les sujets agissant dans l’intérêt public
avec la possibilité de défendre cet intérêt aussi par voie de procédure civile23.
L’autre élément important veut que la procédure civile puisse servir également à pro-
téger l’intérêt public. La définition d’une affaire commerciale dans l’art. 4791 du Code
de la procédure civile est un exemple de la prise en considération de l’intérêt public
dans le cadre de la procédure civile. Cette disposition stipule que : § 1. Les dispositions
de la présente section s’appliquent aux affaires concernant les relations civiles entre les
entrepreneurs dans le cadre de leur activité commerciale (affaires commerciales). Si
une des parties de la relation civile met fin à son activité commerciale, ceci n’exclut pas
l’application des dispositions de cette section.
§ 2. Les affaires commerciales au sens de la présente section sont également celles :
1) concernant la relation entre la société et les associés ou actionnaires ainsi que cel-
les relatives aux prétentions dont il est question à l’art. 291-300 et l’art. 479-490
du Code des sociétés commerciales en date du 15 septembre 2000 (J. O. No 94,
rubrique 1037, modifié),
2) à l’encontre des entrepreneurs pour qu’ils cessent de nuire à l’environnement et
pour un retour à l’état antérieur ou pour qu’ils réparent le dommage qui en résulte-

22
Ł. Błaszczak, [in :] E. Marszałkowska -Krześ (éd.) Postępowanie cywilne, Varsovie 2008 p. 11.
23
Voir B. Rakoczy, « Skarb Państwa i jednostki samorządu terytorialnego jako powodowie w sprawach
z zakresu ochrony środowiska », Gdańskie Studia Prawnicze, 2009, t. XXII, p. 207-215.
298 Bartosz Rakoczy

rait ou bien encore pour interdire ou limiter une activité qui présenterait un danger
pour l’environnement,
3) relevant de la compétence des tribunaux en vertu de la réglementation sur la pro-
tection de la concurrence, du droit de l’énergie, du droit des télécommunications,
du droit postal et des dispositions relatives au transport ferroviaire,
4) à l’encontre des entrepreneurs pour déclarer interdites les stipulations d’un modèle
de contrat »

Il s’ensuit de cette disposition que deux circonstances ont décidé du fait que le légis-
lateur a créé la notion d’une affaire commerciale relevant du domaine de la protection de
l’environnement comme catégorie à part. L’affaire commerciale relevant du domaine de
la protection de l’environnement a été créée principalement à cause du bien qui est censé
être protégé au cours de cette procédure. Ce bien est l’environnement et sa protection,
c’est-à-dire l’intérêt public. L’autre circonstance qui a décidé de la création de ce type
d’affaires commerciales est strictement liée à la première. En fait, le législateur suppose
que ce sont les entreprises qui exposent l’environnement au plus grand risque et, compte
tenu de cela, il a trouvé justifié de définir dans la loi le sujet ayant la capacité d’être attrait
en justice sans définir le sujet ayant la capacité d’intenter une action en justice.
Nous nous trouvons donc, dans le cadre d’une procédure civile, en possession d’une
solution intéressante dégagée par le législateur et qui est de désigner tant les sujets ayant
la capacité d’intenter une action en justice que ceux capables d’être attraits en justice.
Le premier groupe de sujets est défini dans la disposition de la loi sur la protection de
l’environnement citée plus haut tandis que l’autre groupe est défini dans les dispositions
du Code de procédure civile. Ce qui est important, la capacité d’intenter une action en
justice ou celle d’être poursuivi en justice est accordée dans les deux cas en raison de
la nécessité de protéger l’environnement en tant que bien commun, dans le cadre de la
protection de l’intérêt public.
Pour conclure, il convient de constater que les questions procédurales jouent un rôle
très important dans le droit de l’environnement. Prenant en considération les fonctions
que remplissent les procédures respectives, on remarque leur utilité dans la réalisation
des objectifs liés à la protection de l’environnement. À titre d’exemple, les fonctions des
procédures respectives rendent possible l’exécution correcte des tâches liées à la protec-
tion de l’environnement par les autorités publiques. Elles garantissent, tout particulière-
ment, la possibilité de résoudre, dans le cadre de ces procédures, des conflits entre des
valeurs variées et protégées par la loi dont l’une est la protection de l’environnement. De
même, il faut considérer comme importantes les fonctions qui ont trait à la rapidité et à
l’efficacité de l’action des autorités. Enfin, les fonctions qui se rapportent aux garanties
procédurales, et touchant surtout aux droits et obligations des individus, jouent un rôle
également non négligeable.
Mir o sław Sitar z

Les principes de la procédure administrative générale


dans le Code de droit canonique de 1983

Aussi bien dans le système de droit constitué par le gouvernement d’État, que dans
le système de droit canonique, on peut distinguer la procédure administrative générale
et particulière. La procédure administrative générale contient les normes uniformes pour
toute activité administrative. Cependant, la procédure particulière contient les normes
qui définissent la manière d’agir dans les diverses causes. Selon la sorte de ces « causes »
on peut indiquer beaucoup de procédures administratives particulières. Dans le système
du droit canonique « avant-le-code » et dans le CIC/17 il n’existait que des procédures
administratives particulières (can. 632-672; 2147-2194)1.
Le projet de constitution d’une procédure générale dans l’Église, a été initié par La
Commission Pontificale Pour La Révision du Code de Droit Canonique, qui prenant en
considération la doctrine du Concile Vatican II, contenue dans La Constitution dogma-
tique Lumen Gentium (no : 18, 24, 27)2, et corrélativement à l’introduction du contrôle
judiciaire des actes administratifs (en 1967), a proposé de l’admettre comme base du
fonctionnement du pouvoir dans l’Eglise. Elle lui a consacré deux numéros3. La Com-
1
Codex Iuris Canonici Pii X Pontificis Maximi iussu digestus Benedicti Papae XV auctoritate promul-
gatus, AAS 9, 1917, p. 1-593 ; J. Krzemieniecki, Procedura administracyjna w Kodeksie Prawa Kanonic-
znego. Kan. 2142-2194, Cracovie 1925.
2
Concilium Oecumenicum Vaticanum II, Constitutio dogmatica de Ecclesia Lumen gentium, 21 XI 1964,
AAS 57, 1965, p. 5-71 ; Sobór Watykański II, Konstytucje. Dekrety. Deklaracje, Poznań 2002, p. 104-166.
3
Dans le Code futur une question sérieuse reste à résoudre – comment définir et défendre les droits de
la personne humaine. Il y a un seul pouvoir, c’est le Supérieur qui le possède, c’est à dire le Pontife romain
ou les Evêques diocésains. Ce pouvoir est entier dans son domaine (…) mais son usage ne peut pas être
arbitraire. Le droit naturel, le droit divin et le droit ecclésiastique l’interdisent. Il faut reconnaître et défendre
les droits de chaque fidèle, aussi ceux qui sont contenus dans le droit naturel ou le droit positif divin que ceux
qui en découlent, eu égard à la position sociale qu’un fidèle obtient ou possède dans l’Eglise. Et puisque
tout le monde n’a pas la même function dans l’Eglise, et que tout le mond ne jouit pas de la même position,
il est just de proposer que dans le futur Code, compte tenu de l’égalité fondamentale qui devrait exister
entre tous les fidèles, tant en raison de la dignité de la personne humaine que du baptême reçu, une position
juridique commune soit définie avant l’énumération de droits et de devoirs inherent aux diverses fonctions
ecclésiastiques (n6). Il ne suffit pas que la protection des droits soit établie de manière appropriée dans notre
droit. En effel il doit reconnaître les droits veritable propres au sujet, sans lesquels il est impossible de com-
prendre l’ordre juridique de la société ; il faut donc proclamer dans le droit canonique que la principe de la
protection juridique est appliqué à un degré égal envers les supérieurs et les subordonnés, de sorte que tout
soupçon d’arbitraire soit complètement exclus dans l’administration ecclésiale (…) La nécessité est généra-
lement ressentie dans l’Eglise de convoquer des tribunaux administratifs organises selon les degrés et sortes
300 Mirosław Sitarz

mission, en motivant les principes proposés dans la rénovation du CIC, a constaté qu’ils
sont « le fruit de l’étude persévérante et de la considération pénétrante, aussi bien que
les décrets de Concile Vatican II, que les principes généraux du droit, le grand trésor des
prescriptions et de la jurisprudence collectionné pendant les siècles dans l’Église. Ils
prennent en considération aussi l’esprit du droit canonique et la sollicitude œcuménique
pénétrant l’Église » (n. 5919, préface aux principes).
En 1972, elle a élaboré la première version du schéma De procedura administrativa,
qui contenait les deux sections: 1) De procedura administrativa in genere – la procédure
administrative générale et 2) De procedura in parochis amovendis vel transferendis –
la procédure de révocation ou transfert des curés. Dans la version finale du CIC/83, le
législateur n’a pas distingué le livre qui contient les prescriptions concernant seulement
la question du pouvoir administratif, d’autant plus la procédure administrative générale.
Et c’est pourquoi il faut chercher ces normes dans la totalité du Code. La majorité des
prescriptions concernant la procédure administrative est placée dans le Livre I – « Nor-
mes Générales », dans lequel il y a les règlements concernant les actes administratifs
particuliers et dans le Livre VII – «Les Procès» dans lequel il y a les prescriptions qui
déterminent la manière de trancher les litiges administratifs (can. 1732 – 1752).

L’explication des termes

Avant l’analyse des principes de la procédure administrative générale, il faut expli-


quer les termes de base nécessaires aux prochaines considérations.
La procédure administrative désigne les regroupements des principes, mode d’action
des organes du pouvoir administratif pendant l’exécution de ses fins et des missions réga-
liennes. Par la procédure administrative ecclésiastique, il faut comprendre les regroupements
des principes qui organisent l’exercice de ce pouvoir qui n’est ni législatif, ni judiciaire.
Le procédé administratif, par contre, est la série d’activités de l’organe adminis-
tratif visant à rendre l’acte administratif, comme mode et forme d’action. La procédure
administrative concerne l’émission de l’acte administratif et possède deux fins: 1) la
création des principes de fonctionnement des organes d’administration ecclésiastique
pour la réalisation des normes du droit administratif matériel; 2) la protection du fidèle
contre l’arbitraire des organes d’administration ecclésiastique.
La procédure administrative générale (la juridiction, sensu stricto) est la série
d’activités de procédure réglée par le législateur, chargée par les organes dirigeants et
aussi par d’autres sujets de la procédure de résoudre la question administrative sous la
forme de la décision administrative; et aussi la série d’activités de procédure en vue de
vérifier une décision administrative4.
(de causes), de sorte que la defense des droits ait sa propre procedure canonique, conformément aux divers
degrés de pouvoir (…) Il incombera au nouveau Code de determiner quelles affaires seraient examinees par
les tribunaux administratifs, et de préciser les principles de la procedure administrative, ainsi que de créér
des organs permanents qui pourraient examiner les affaires sus-mentionnées. Ce document a été l’object de
débats à l’Assemblée générale du Synode des Evêques du 30 septembre au 4 octobre 1967.
4
J. Izdebski « Ogólne postępowanie administracyjne », [in :] Kompendium wiedzy administratywisty,
réd. S. Wrzosek, Lublin 2008, p. 117.
Les principes de la procédure ... 301

Les principes généraux de la procédure administrative sont les principes de base


contraignants pendant toute la procédure administrative. Ils demeurent valables au-delà
des circonstances de lieu et de temps (AS 55).
Les principes de la procédure administrative générale concernent: 1) l’interprétation
des actes administratifs particuliers (can. 36) ; 2) la forme de leur établissement (can.
37) ; 3) les motifs de nullité (can. 38) ; 4) les conditions essentielles pour la validité des
actes (can. 39) ; 5) les principes de leur exécution et de leur cessation. Ces principes
s’entendent de tous les actes administratifs particuliers établis par les organes du pouvoir
exécutif ecclésiastique pendant toutes les étapes de la procédure administrative: 1) le
procédé préparatoire à la prise de décision administrative; 2) l’émission et la notification
d’un acte administratif; 3) l’interprétation et l’exécution d’un acte administratif; 4) le fait
de causer les effets à part du destinataire5.

Les principes choisis de la procédure administrative

1. Le principe de la légalité

Dans CIC/83 la référence au principe de légalité a été formulée en 557 canons. Le légis-
lateur les formule souvent à l’aide d’expressions comme : légitime, qui est présent 208 fois6,
5
 Tant les organs fondamentaux du pouvoir dans l’Eglise que les organs collégiaux auxilliaires ne peu-
vent pas émettre un acte administratif de manière arbitraire. Le Pape Jean XXIII a constaté dans l’encycli-
que Pacem in Terris : “Les représentants des autorités executives devraient émettre des decisions toujours
conformes au droit, en ayant une bonne connaissance des lois et et après un examen précis de toutes les
circonstances. Ils devraient agir conformément aux normes du droit canonique tant d’origine divine que
purement ecclésiale, c’est à dire aux principles de légalité et de discrétionalité. L’organe compétent pour
émettre un acte administratif est tenu de respecter toutes les formalités et contraintes selon le mode actuel
de règlement des affaires. Imposer certains cadres d’activités aux personnes détenant le pouvoir exécutil est
justifié à beaucoup d’égards et garantit avant tout le respect du droit dans l’Eglise, en évitant l’enfreinte au
droit et l’abus de pouvoir par ces organes, et en outre augmente la correction du fonctionnement de l’admi-
nistration. Selon les principles fondamentaux de fonctionnement (la légalité et le bien commun), chaque or-
gane du pouvoir ecclésial devrait d’abord respecter les exigences définies dans les normes du droit materiel,
c’est à dire entreprendre des activités rationnelles afin de connaître la vérité matérielle (connaître la vérité
objective) et les circonstances axiologiques necessaire pour effectuer convenablement un acte important
dans la réalité ecclésiale concrete.
6
L’expression legitime est présentée dans les canons : 26 ; 34 § 1 ; 47; 49 ; 54 § 2 ; 57 § 1 ; 58 (x2) ;
74 ; 82 ; 85 ; 94 § 2 ; 96 ; 104 ; 105 (x2) ; 112 § 1, 3º ; 120 § 1 ; 128 ; 143 § 2 ; 154 (x2) ; 158 § 1 ; 163 (x2) ;
165 ; 167 § 1 (x2) ; 192 ; 214 ; 220 ; 221 § 1 ; 229 § 3 ; 235 § 2 ; 238 § 1 ; 268 § 1 ; 269, 2º ; 271 § 3 ; 274
§ 2 ; 284 ; 286 ; 290, 2º ; 306 ; 308 ; 309 ; 316 § 2 ; 319 § 1 ; 324 § 2 ; 332 § 1 ; 364, 2º ; 373 ; 377 § 1, §§
3-4 ; 379 ; 382 § 2 ; 388 § 2 ; 395 § 2, § 4 ; 396 § 1 ; 400 § 2 ; 409 § 1 ; 421 § 2 ; 442 § 2 ; 449 § 2 ; 452
(x2) ; 455 § 2 ; 464 ; 477 ; 484, 3º ; 494 § 2 ; 505 ; 515 § 3 ; 525, 1º ; 527 § 2 ; 534 § 1 ; 542. 3º ; 555 § 1 ;
557 § 1 ; 559 ; 561 ; 562 ; 565 ; 588 §§ 2-3 ; 595 § 1 ; 601 ; 608 ; 616 § 1(x2) ; 621 ; 628 § 3 ; 639 § 5 ; 651
§ 1; 656, 5º ; 665 § 2 ; 671 ; 690 § 1 ; 692 ; 696 § 1 (x2) ; 701 ; 702 § 1 (x2) ; 728 ; 740 ; 754 ; 761 ; 774 §
1 ; 776 ; 834 § 2 ; 868 § 1, 1º; 874 § 1, 4º ; 886 § 1 ; 928 ; 950 ; 959 ; 991 ; 1015 § 1 ; 1022 ; 1025 § 2 ; 1042,
1º ; 1044 § 1, 1º, § 2, 1º ; 1057 § 1 ; 1085 § 2 ; 1091 § 1 ; 1119 ; 1123 ; 1137 ; 1138 § 2 ; 1139 (x2) ; 1140
(x2) ; 1145 § 3 ; 1146, 1º ; 1148 § 2 ; 1151 ; 1153 § 1 ; 1163 § 1 ; 1169 § 1 ; 1172 § 1 ; 1177 § 3 ; 1180 § 1 ;
1192 § 1 ; 1219 ; 1222 § 2 ; 1225 ; 1256 ; 1276 (x2) ; 1279 § 1 ; 1281 § 3 ; 1282 ; 1284 § 2, 3º-4º ; 1284 §
1 ; 1291 ; 1293 § 2 ; 1300 ; 1304 § 1 ; 1308 § 3 ; 1321 § 3, 5º ; 1324 § 1, 6º ; 1333 § 4 ; 1371, 2º ; 1375 ;
1381 § 2 ; 1383 ; 1384 ; 1385 ; 1386 ; 1389 § 2 ; 1409 § 2 ; 1415 ; 1422 ; 1444 § 1, 1º ; 1445 § 2 ; 1452 § 1 ;
302 Mirosław Sitarz

ad normam iuris vel ad normam can.7, qui a été utilisé 268 fois, ipso iure et ipso decreto –
47 fois8, ipsa lege – 5 fois9, secundum iuris praescripta, secundum normas, secundum
legem, secundum ritum, secundum ius proprium, etc. – ces expressions sont présentées
dans 57 canons10. L’étendue de ces termes n’est pas précisée par la doctrine. Ils sont
traduits en polonais par « legalność » (la légalité) et « praworządność » (la primauté du
droit). Et c’est pourquoi, on peut proposer la définition suivante du principe de légalité:
le principe de la légalité, c’est la protection et la défense juridique des droits appar-
tenant au sujet dirigeant et dirigé, établis dans les sources du droit canonique, qui
est subordonné à la justice, au bien commun et à la fin de l’Église.
Dans la Constitution Pastor bonus11 le législateur a inséré la disposition suivante:
« Les causes doivent être traitées selon les prescriptions du droit universel ou particulier
en vigueur dans la Curie Romaine, et aussi selon les normes propres de chaque dicastère,
avec un aspect pastoral, en tenant compte de la justice ainsi que du bien commun de
l’Église, prenant en considération, avant tout, le salut des âmes» (PB 15).
En 2004 la Congrégation pour Les Évêques dans Le Directoire pour le ministère
pastoral des Évêques Apostolorum successores, ayant vu rapidement l’observation des

1476 ; 1480 § 1 ; 1492 § 1 ; 1505 §§ 1-2, 2º; 1510 ; 1511 ; 1512 ; 1528 ; 1531 § 1 ; 1548 § 1 ; 1556 ; 1592 §
2 ; 1593 § 2 ; 1620, 6º ; 1622, 1º, 5º ; 1686 ; 1692 § 1 ; 1734 § 2 ; 1741 ; 1743.
7
Le terme ad normam iuris vel ad normam can. a été utilisé dans les canons : 23 ; 30 ; 54 § 2 ; 57 § 3 ;
77 ; 79 ; 92 ; 94 § 1 ; 103 ; 105 § 1 ; 110 ; 115 §§ 2-3 ; 116 § 1 ; 120 § 1 (x2) ; 126; 127 § 1 ; 129 (x2) ; 134
§ 1 ; 136 ; 140 § 2 ; 162 ; 163 ; 176 ; 179 § 2 (x2) ; 183 § 2 ; 189 § 3 ; 192 ; 196 § 1 ; 199, 6º ; 200 ; 221 §
1, § 3 ; 228 § 2 ; 230 § 2 ; 252 § 3 ; 260 ; 268 § 2 ; 269, 3º ; 292 ; 300 ; 305 § 1 ; 307 § 1, § 3 ; 308 ; 309 ;
313 ; 314 ; 315 ; 317 § 2 ; 318 § 2 (x2) ; 319 § 1 ; 323 § 1 (x2) ; 324 § 1 ; 325 § 2 ; 326 (x2) ; 344, 2º-3º ;
346 (x3) ; 348 § 1; 349 ; 384 ; 391 (x3) ; 413 § 3 ; 414 ; 424 ; 429 ; 430 § 2 ; 432 § 1 ; 436 § 1, 3º ; 437 § 2 ;
447 ; 448 § 1 ; 452 § 1 ; 457 ; 460 ; 475 § 1 ; 476 ; 495 § 1 ; 497, 1º-2º ; 500 § 3 ; 507 (x2) ; 510 § 2 ; 519 ;
526 § 2 ; 530, 2º ; 532 (x2) ; 538 §§ 1-2 ; 539 ; 541 § 2 ; 542 (x3) ; 543 § 2, 2º ; 548 § 2 ; 549 ; 555 § 2, 1º ;
561 ; 564 ; 581 ; 600 ; 608 ; 611, 2º ; 615 ; 616 § 1 ; 617 ; 625 § 1, § 3 ; 627 (x2) ; 629 ; 630 § 2 ; 631 § 1 ;
633 § 1 ; 636 § 1; 641 ; 643 § 2 ; 656, 3 º; 668 § 2, §§ 4-5 ; 669 (x2) ; 670 ; 681 § 1 ; 690 § 1 ; 701 ; 703 ;
714 ; 715 § 2 ; 720 ; 723 § 2 ; 729 ; 738 §1 ; 740 ; 741 (x2); 755 § 2; 756 § 2; 765; 832; 833, 8º; 835 § 3; 838
§ 1; 841; 877 § 3; 878; 895; 905 § 1; 910 § 2; 925 ; 961 § 2 ; 962 § 2 ; 966 § 2 ; 967 § 3 ; 968 § 2 ; 1025 § 1
(x2) ; 1027 ; 1030 ; 1031 § 4 ; 1042, 2 º; 1050, 1º ; 1052 §§ 1-2 ; 1054 ; 1071 § 1, 2º ; 1079 § 2 ; 1086 § 3 ;
1105 § 2 ; 1114 ; 1116 § 1 ; 1121 § 2 ; 1127 § 3 ; 1165 § 2 ; 1168 ; 1174 § 1 (x2) ; 1176 §§ 1-2 ; 1182 ; 1197 ;
1202, 3º ; 1211 ; 1238 § 1 ; 1249 ; 1255 ; 1268 ; 1274 § 1 ; 1280 ; 1282 ; 1291 ; 1295 ; 1302 § 2 ; 1331 § 2,
2º ; 1357 § 3 ; 1358 (x2) ; 1413, 2º ; 1439 § 1 ; 1440 ; 1448 § 3 ; 1492 § 1 ; 1501 ; 1506 ; 1507 § 2 ; 1508 §
3 ; 1519 § 1 ; 1542 ; 1546 § 1 ; 1592 § 1 ; 1594, 2º ; 1609 § 5 ; 1615 ; 1622, 5º ; 1624 ; 1629, 2º ; 1634 § 3 ;
1639 § 2 ; 1640 ; 1641, 3º ; 1642 § 1 ; 1644 § 2 ; 1653 § 2 ; 1654 § 2 ; 1657 ; 1659 § 2 ; 1665 (x2) ; 1677 §
1 ; 1679 ; 1686 ; 1692 § 1 ; 1693 § 2 ; 1696 ; 1704 § 2 ; 1718 § 4 ; 1720, 3º ; 1721 § 1 ; 1723 § 1 ; 1729 § 1,
§ 3 ; 1731 ; 1733 § 3 ; 1734 § 3, 3º ; 1736 § 3 (x2), § 4 ; 1737 §§ 2-3 ; 1750.
8
La formule ipso iuris et ipso decreto a été utilisée dans les canons : 85 ; 114 § 1 ; 116 § 2 ; 131 § 1 ;
145 § 2 ; 149 § 3 ; 166 § 3 ; 170 ; 188 ; 192 ; 194 § 1 ; 195 ; 212 § 2 (?) ; 228 § 1 ; 238 § 1 ; 268 § 1 ; 313 ;
333 § 2 ; 340 ; 347 § 2 ; 373 ; 425 § 3 ; 427 § 1 ; 432 § 2 ; 449 § 2 ; 450 § 1 ; 454 § 1 ; 468 § 2 ; 479 § 2 ;
515 § 3 ; 543 § 1 ; 634 § 1 ; 692 ; 693 ; 883 ; 966 § 2 ; 967 § 1, § 3 ; 1191 § 3 ; 1200 § 2 ; 1206 ; 1476 § 2 ;
1521 ; 1626 § 1 ; 1709 § 2 ; 1722 ; 1734 § 3.
9
Le terme ipso lege se trouve dans les canons : 8 (x2); 73 ; 1526 § 1, 1º ; 1584.
10
Les expressions secundum iuris praescripta, secundum normas, secundum legem, secundum ritum,
secundum ius proprium, le législateur les a utilisé dans les canons : 48 ; 63 § 1 ; 112 § 2 ; 120 § 2 ; 193 § 3 ;
196 § 2 ; 209 § 2 ; 226 § 2 ; 228 § 1 ; 229 § 1 ; 236 ; 241 § 2 ; 261 § 2 ; 276 § 2, 3º ; 305 § 1 ; 306 ; 321 ; 346 §
1 ; 364, 4º ; 380 ; 399 § 1 ; 453 ; 471 (x2) ; 535 §1, § 4 ; 537 ; 555 § 1, 3º; 562 ; 598 § 2 ; 601 ; 607 § 2 ; 611,
1º (?) ; 622 ; 667 § 1 ; 716 § 1 ; 724 § 1 ; 739 ; 833 ; 846 § 2; 850 ; 851, 1º; 853 ; 868 § 1, 2º ; 931 ; 1229 ;
1245 ; 1275 ; 1413, 2º ; 1419 § 1 ; 1428 § 3 ; 1441 ; 1462 § 1 ; 1540 § 2 ; 1627 ; 1693 § 2 ; 1733 § 2.
11
Ioannes Paulus PP. II, Constitutio apostolica Pastor bonus, 28 VI 1988, AAS 80, 1988, p. 841-912.
Les principes de la procédure ... 303

résolutions du CIC/83 (voir can. 31-33), a rappelé le principe de la légalité : « Dans la


conduite du diocèse l’Évêque se soumettra au principe de justice et de la légalité, sachant
que le respect des droits de toutes les personnes dans l’Église exige la soumission de
chacun, y compris de lui-même, aux lois canoniques. Les fidèles, en effet, ont le droit
d’être guidés en tenant compte des droits fondamentaux de la personne, des droits des
fidèles et de la discipline commune de l’Église, pour sauvegarder le bien commun et
celui de chaque baptisé » (AS 62). Il est possible de penser que le principe de la légalité
et les exigences de la justice, considérés du point de vue de l’état du fidèle, les soumet-
tent aux obligations de base comme le devoir de la communion et d’obéissance (voir
can. 209 ; 212) et au catalogue des droits fondamentaux contenu dans CIC/83 dans le
titre I du Livre II Le Peuple de Dieu, que l’on peut résumer par : « le droit à l’exercice
légitime et approprié de la fonction hiérarchique ». Le catalogue des droits des fidèles
que contient le CIC/83 n’est pas ample. Ces droits soumettent tout fidèle au droit divin,
non par la concession du pouvoir, mais parce qu’il est un homme, un homme baptisé.
En conséquence, le droit du fidèle à la bonne gestion dans l’Église, à savoir le droit à
la bonne administration, ressort en outre directement du droit divin. Ainsi l’usage
du principe de la légalité dans le procédé administratif doit être compris non seulement
comme l’obligation morale envers Dieu, mais aussi comme l’obligation de la justice
envers les fidèles confiés au ministère des pasteurs12.
L’Évêque doit être conscient que, en dehors d’être le père et le supérieur particulier
de l’Église, il est aussi un frère en Christ et un fidèle chrétien, il ne peut pas se comporter
comme s’il était au-dessus du droit, mais il doit suivre les même principes de justice qui
s’imposent à autrui13. « En vertu de la dimension diaconale de sa charge, l’Évêque évi-
tera les manières autoritaires dans l’exercice de son pouvoir et il sera prêt à écouter les
fidèles et à rechercher leur collaboration et leur conseil, par les moyens et les organismes
établis par la discipline canonique» (AS 66).
Le principe de la légalité concerne l’exercice du pouvoir législatif, exécutif et judi-
ciaire. De manière caractéristique, il se rapporte à l’administration, et en particulier au
fonctionnement du pouvoir administratif pouvant établir des actes administratifs. Dans
l’ordre canonique, les organes du pouvoir administratif sont obligés de le respecter. Les
personnes qui exercent le pouvoir exécutif, ne sont pas au-dessus du droit, mais à l’in-
térieur et elles lui sont soumises. Ainsi, le pouvoir administratif dans l’Église exerce la
fonction de serviteur envers les fidèles, parce que l’édification du Peuple de Dieu est le
but du pouvoir ( 2 Co 10, 8).
Dans le système du droit canonique, le principe de la légalité établit l’un des principes
de base que le législateur recommande d’exécuter pendant l’exercice du pouvoir et l’un

12
En outre la Congrègation, en se référant à la constitution dogmayique Dei Verbum et à l’exhortation
apostolique post-synodale Pastores gregis a indiqué l’exemple suprême de l’obéissance jusqu’ à la mort – et
à la mort sur la croix, celui du Christ, comme celui dont l’aliment était l’obéissance à la volonté du Père.
C’est son obeisance qui a été la cause de notre salut. En prenant le Christ comme exemple, l’Evêque – et
aussi chaque personne qui exerce un pouvoir dans l’Eglise – rend un service inestimable à l’édification de
l’unité et de la communion ecclésiales, en démontrant par sa conduite que nul dans l’Eglise n’a le droit de
commander aux autres s’il ne commence par donner lui-même l’exemple de l’obéissance à la Parole de Dieu
et à l’autorité de l’Eglise.
13
Cf. Saint-Grégoire-le-Grand, Epist. II, 18.
304 Mirosław Sitarz

des symptômes de la nouvelle conscience juridique dans l’Église, formée par le Concile
Vatican II. Et c’est pourquoi, le respect du pouvoir ne peut pas concerner uniquement
son exercice par le pouvoir administratif en application d’une loi ecclésiastique, parce
que l’autorité est contrainte de prendre les décisions par son initiative14. Le devoir et
droit de tous les fidèles, et surtout de l’administration ecclésiastique, est à la base des
initiatives pour le bien de l’Église universelle (PB 13 ; can. 216). Cette activité doit être
exercée selon la volonté du législateur exprimée dans le CIC/83 ou dans une autre loi
(PB 15). En remplissant le pouvoir exécutif on « exerce le droit », mais on ne se limite
pas à l’appliquer parce que les fins du pouvoir administratif exigent parfois le fait d’ac-
complir tels actes juridiques qui n’étaient pas compris dans le règlement de la loi15.
Les organes du pouvoir ecclésiastique, pour fonctionner selon le principe de la léga-
lité, sont contraints de respecter les exigences suivantes : 1. de l’observation des normes
du droit canonique ; 2. de l’établissement des actes administratifs selon les compétences
des sujets particuliers du pouvoir ; 3. de l’observation des normes de la procédure; 4. de
la garantie des moyens appropriés du contrôle judiciaire et surtout de la possibilité pour
les sujets qu’ils dirigent de faire des recours contre les actes administratifs illégaux et de
les résoudre impartialement16.
L’observation du principe de la légalité impose aux organes du pouvoir exécutif le
respect des obligations déterminées dans le procédé d’établissement du droit et de son
exécution17. Et c’est pourquoi dans l’Église, il faut admettre que l’exigence de l’obser-
vation de la légalité dans le domaine d’établissement du droit, signifie la reconnaissance
du CIC/83 comme recueil de base des normes du droit canonique, et du fait que tous
les actes normatifs doivent donc être fondés avec les fondements juridiques détermi-
nés. L’étendue d’application du droit d’exécution, conforme au principe de la légalité,
concerne l’observation par les organes du pouvoir administratif, des prescriptions du
droit constitutionnel, matériel et de la procédure, tant par rapport à leurs compétences
dans le domaine déterminé qu’à la cause de l’action concernée.
Quand ces normes juridiques ne sont pas observées par les organes du pouvoir ec-
clésiastique, l’illégalité de l’action et surtout l’illégalité de l’acte administratif en résul-
tent18.

2. Le principe de la discrétion

Par la discrétion dans la doctrine, on entend une certaine liberté d’appréciation, d’ap-
probation et de décision que le droit laisse aux organes du pouvoir. Ce principe est

M. A. Żurowski, Prawo Nowego Przymierza, Poznań 1989, p. 117.


14

R. Sobański, « Władza rządzenia », [in :] Komentarz do Kodeksu Prawa Kanonicznego. Księga I.


15

Normy ogólne, sous la réd. de J. Krukowski, t. I, Poznań 2003, p. 222.


16
Krukowski, Administracja w Kościele. Zarys kościelnego prawa administracyjnego, Lublin 1985,
p. 132.
17
 Olejniczak-Szałowska, « Zasada legalności…», [in :] Prawo administracyjne. Pojęcia, instytucje,
zasady w teorii i orzecznictwie, réd. M. Stahl, Varsovie 2009, p. 118.
18
Voir M. Sitarz, « Zasada legalności w sprawowaniu władzy administracyjnej w Kościele », [in :] Or-
ganizowanie i funkcjonowanie administracji w Kościele, réd. J. Krukowski, W. Kraiński, M. Sitarz, Toruń,
2011, p. 65-86.
Les principes de la procédure ... 305

nommé le principe de la libre discrétion administrative. L’étendue de cette liberté est


déterminée (par le droit, donc) par le principe de la légalité. Elle garantit aussi aux orga-
nes administratifs un certain degré d’indépendance et d’initiative. Ces sujets du pouvoir
administratif doivent, quand ils entreprennent ces décisions, gouverner non seulement
selon les exigences de la légalité, mais aussi selon leur propre compréhension de ce qu’il
faut faire pour le bien de l’Église dans les circonstances concrètes. Ainsi, l’organe du
pouvoir, prenant une décision dans la situation concrète, doit juger lui-même ce qu’il
faut entreprendre, laquelle entre plusieurs possibilités est objectivement la meilleure et
la plus convenable pour réussir la fin précise. J. Krukowski souligne que l’étendue de
la discrétion est marquée par deux éléments: la fin et les moyens qui y conduisent. La
fin générale de toute activité de l’Église, et surtout de l’activité administrative, c’est le
bien surnaturel de l’homme – salus animarum. De la sorte, l’étendue de la discrétion
ne contient pas la possibilité de choisir la fin essentielle, mais elle doit être dirigée vers
l’activité pastorale de l’Église. La discrétion du pouvoir ecclésiastique concerne le choix
de moyens visant la réalisation de la fin essentielle de l’Église. Le fond de la discrétion
réside dans la possibilité de choisir les moyens conduisant à réussir la fin essentielle,
qui est le bien des âmes. Et c’est pourquoi, l’organe prend la meilleure décision dans la
situation concrète, la meilleure possible, selon des principes de prudence pastorale. Hors
du principe de la discrétion, il y a des éléments de la procédure administrative, qui sont
déterminés par le droit établi19.

3. Le principe de la compétence

Un acte administratif particulier, qu’il s’agisse d’un décret ou d’un précepte, ou qu’il
s’agisse d’un rescrit, peut être émis, dans les limites de sa compétence, par celui qui
détient le pouvoir exécutif (can. 35). Le fondement de ces compétences désignent deux
principes : celui de la hiérarchie et celui de la légalité. L’étendue de ces compétences
dépend de la manière dont l’organe a reçu le pouvoir exécutif c’est-à-dire en vertu de
l’office ou de la délégation.
Au délégué sont concédées les facultés sans lesquelles la fonction elle-même ne peut
être exercée (can. 138). Quand plusieurs personnes sont compétentes pour accomplir
un acte, le fait qu'on s'adresse à l'une d'elles ne suspend pas le pouvoir des autres, qu'il
soit ordinaire ou délégué (can. 139 § 1) » (AS 69). Les limites de ces compétences sont
désignées selon trois critères : matériel (l'étendue des causes déterminées), territorial (le
territoire déterminé), personnel (la catégorie de gens déterminée) [voir can. 476] Quand
l'organe du pouvoir, étant l'auteur d'un acte, dépasse les limites de ses compétences, dans
ce cas, son acte est illégal, et par conséquent illicite et nul20.

19
J. Krukowski, Administracja …, p. 136-140: et aussi id. [in :] Prawo Administracyjne w Kościele,
Varsovie, 2011, p. 358-361.
20
M. Sitarz, Kompetencje organów kolegialnych w Kościele partykularnym w sprawowaniu władzy
wykonawczej według Kodeksu Prawa Kanonicznego z 1983 roku, Lublin 2008.
306 Mirosław Sitarz

4. Le principe de l’interprétation

Le principe de l’interprétation fait référence: 1) au procédé de compréhension des ac-


tes administratifs (can. 36) et 2) à l’étendue de la portée du pouvoir exécutif (can. 138).
Ad. 1. Le législateur dans le can. 36 § 1 établit : « Un acte administratif doit être
compris selon le sens propre des mots et l’usage commun de la langue. En cas de doute,
sont de stricte interprétation les actes administratifs qui concernent les litiges, menacent
d’une peine ou l’infligent, restreignent les droits de la personne, lèsent des droits acquis
ou s’opposent à une loi établie en faveur des personnes privées; tous les autres sont de
large interprétation ».
J. Krukowski remarque que les prescriptions concernant les règles d’interprétation se
référent aux actes normatifs généraux. De plus, dans CIC/83 il y a un ordre pour un acte
administratif qui ne doit pas être étendu aux cas autres que ceux qui y sont (can. 36 § 2).
Cela signifie que la possibilité de prendre la large interprétation de l’étendue d’un acte
administratif concerne ses destinataires dans la situation où ils n’étaient pas indiqués par
leurs noms.
Ad. 2. Le pouvoir exécutif ordinaire et délégué – de plein droit ou par acte adminis-
tratif – pour un ensemble de cas doit être interprété largement, le pouvoir délégué pour
un acte particulier doit être interprété strictement. La raison de cette disposition se trouve
dans le cas où le pouvoir délégué pour des actes particuliers est au bénéfice d’ un sujet,
ce qui empiète d’ une certaine manière sur les règles d’ordre judiciaire (can. 36 § 1). Il
faut toujours constater qu’avec le pouvoir délégué, on reçoit le droit de faire tout ce qui
est nécessaire pour exécuter ce pouvoir.
« Le pouvoir exécutif, non seulement quand il est ordinaire, mais aussi quand il est dé-
légué pour un ensemble de cas doit être interprété dans un sens large. Quand il est délégué
pour des cas particuliers, il doit être interprété dans un sens strict (can. 138)» [AS 69].

5. Le principe du territoire

Le principe du territoire repose sur le fait que :


1. L'Évêque peut édicter les actes administratifs sur ses sujets – même lorsqu'il est
hors de son territoire ou si ses fidèles se trouvent au dehors de son territoire – à moins
qu'il ne s'avère pas par la nature de l'affaire ou une disposition du droit qu'il en va autre-
ment (can. 136).
2. Il peut édicter les actes administratifs sur les voyageurs actuellement présents sur
son territoire, s'il s'agit de la concession de mesures favorables ou de l'application des
lois universelles ou particulières et en ce qui concerne l'ordre public, ou le fait de fixer
les formalités des actes ou concernent les choses immobilières sur le territoire de son
pouvoir judiciaire (can. 136; 13 § 2, 2°; AS 69).

6. Le principe de recherche des informations et des preuves

Le législateur dans le can. 50 constate : « Avant d’introduire un décret particulier,


l’autorité doit recueillir les informations et les preuves nécessaires et, autant que possible,
Les principes de la procédure ... 307

entendre ceux dont les droits pourraient être lésés ». La Congrégation pour Les Évêques
dans le directoire Apostolorum successores, pour assurer l’exécution de la loi (can. 34),
a décidé : « Quand il faut adopter des dispositions extraordinaires dans le gouvernement,
en ce qui concerne des cas particuliers, l’Évêque, avant toute autre chose, cherchera ‘’les
informations et les preuves’’ nécessaires et surtout, dans la limite du possible, il s’em-
pressera d’écouter les personnes intéressées en la matière » (AS 69). Cette règle ressort
du souci du législateur de garder la prudence appropriée dans le fonctionnement du pou-
voir exécutif. Puisque le sujet du pouvoir exécutif ecclésiastique a une étendue large de
la discrétion, qu’il doit utiliser avec responsabilité, ce principe a été émis pour protéger
contre le danger d’édicter des actes administratifs sans la préparation due, d’une manière
spontanée, ce qui pourrait causer leur défectuosité sous le rapport formel et essentiel. Le
principe de recherche des informations et des preuves a été promulgué en ce qui concerne
seulement les actes administratifs particuliers (decretum singulare), qui exigent une me-
sure appropriée de pénétration et de soin. Mais les cas évidents doivent être réglés immé-
diatement pour le bien de l’Église et des personnes intéressées.

7. Le principe de la consultation

« Avant de formuler un décret particulier, l’autorité doit (…) autant que possible,
entendre
Ceux dont les droits pourraient être lésés » (can. 50). L’organe d’administration ec-
clésiastique, selon la volonté du législateur, doit prendre toutes les décisions pour trouver
la vérité matérielle. Et c’est pourquoi, il exige de demander l’avis ou du consentement de
l’organe personnel ou collégial avant l’émission des actes administratifs. Le législateur
dans CIC/83 distingue la consultation facultative et obligatoire (can. 127). La consul-
tation obligatoire se fonde sur l’expression de l’avis ou du consentement par l’organe
indiqué par le législateur dans les situations énumérées. Si l’organe est obligé de prendre
un avis et qu’il ne le fait pas, dans ce cas, l’acte est nul. Mais l’avis d’un organe donnant
son opinion n’est pas contraignant pour un organe décisionnel. Avant d’entreprendre un
acte qui exige le consentement, l’omission de la procédure de l’obtention d’avis ou de
consentement contrairement à la procédure, ou sans la procédure, provoque la nullité
d’un acte.
Le principe de la consultation est le moyen qui doit protéger le règlement de la dé-
cision et en même temps, il est l’une de conditions de la légalité d’une catégorie exigée
d’un acte administratif sous la sanction de la nullité ou la rescision.

8. Le principe de la notification

Le principe de la notification signifie aviser un destinataire d’un décret par un docu-


ment légal (can. 55-56).
Dans le droit canonique on distingue les formes de la notification : ordinaire, extra-
ordinaire et adéquate. La notification ordinaire se fonde sur l’avis au destinataire d’un
acte après la délivrance d’un document légal selon le droit (can. 54 § 2). La notification
extraordinaire se fonde sur la lecture à son destinataire devant un témoin qualifié, soit un
308 Mirosław Sitarz

notaire, ou deux témoins ordinaires. Le procès-verbal de ce fait doit être dressé et signé
par tous ceux qui sont présents, comme document légitime qui sert de preuve (can. 55).
La notification adéquate se fonde sur l’utilisation de la fiction judiciaire selon laquelle
le décret est notifié quand un destinataire dûment appelé pour le recevoir ou l’entendre,
sans juste cause ne s’est pas présenté ou a refusé de signer sans juste cause (can. 56). Le
droit permet cette possibilité pour le décret de produire un effet bien qu’il ne soit pas dé-
livré à son destinataire. La notification est une condition absolue pour pouvoir d’urgence
appliquer un acte administratif particulier qui s’exerce au for externe, et qui produit des
effets juridiques dans l’ordre social de l’Église. Après la notification légale, l’auteur d’un
décret peut revendiquer son application à un destinataire sans égard à l’acceptation ou
sans elle (can. 54)21.

9. Le principe de l’écriture de la procédure

Le législateur, en rapport avec le principe de l’écriture constate dans le can. 37: « Un


acte administratif qui concerne le for externe doit être consigné par écrit ; de même, si
l’acte administratif est donné sous forme commissoire, l’acte d’exécution sera donné par
écrit ». Il ajoute dans le can. 51: « Le décret sera donné par écrit ».
Le principe général de l’écriture de la procédure administrative couvre toutes les acti-
vités du procès du moment du commencement de la procédure jusqu’à la fin. On ne peut
pas limiter ce principe à la dernière étape de la procédure, à l’émission de la décision
administrative. La norme du code qui recommande la forme écrite, doit être considérée
dans une mesure raisonnable aussi quant à la communication d’un organe avec les par-
ties et à l’inverse, la réception des déclarations et explications des parties et les actions
concernant la procédure probatoire.
L’exception à ce principe général de l’écriture de la procédure ne se fonde pas sur
l’omission de fixer par écrit l’exécution de la cause, mais consiste à le faire de manière
simplifiée. Cette exception est basée sur deux prémisses qui doivent être réunies: 1) l’in-
térêt d’une partie doit plaider pour l’exécution orale ; 2) la disposition du droit ne peut
pas être contraire à l’exécution orale.

10. Le principe de la motivation

Le législateur constate dans le can. 51: « Le décret sera donné par écrit avec l’exposé
au moins sommaire des motifs, lorsqu’il s’agit d’une décision ». Il ordonne de présen-
ter les motifs (la motivation) dans le cas où le décret contient la décision, à savoir la
partie décisive. La motivation contient la présentation des bases juridiques, des fonde-
ments factuels et des raisons qui entrainent le pouvoir compétent à prendre les décisions

Pour presser un destinataire à revendiquer l’application d’un décret, le pouvoir ecclésiastique peut
21

appliquer les moyens suivants : une monition canonique, l’imposition de la pénitence ou de la peine expia-
toire (can. 1336-1341). Un Évêque voulant commencer un procès pénal selon la procédure administrative
doit non seulement notifier à l’accusé un acte d’accusation contre lui, mais aussi présenter les raisons de
ses actions pour rendre possible la préparation des contre arguments et les preuves pour sa défense. Voir M.
Sitarz, Notyfikacja, Encyclopèdie Catholique, t. 13, col. 1456.
Les principes de la procédure ... 309

concrètes. La motivation doit être au moins sommaire (ou abrégée, on n’exige pas tou-
jours des explications exhaustives, mais jamais douteuse, partiale ou vague). La moti-
vation indique la rationalité de la décision prise, ce qui doit conduire à une obéissance
raisonnable, exclure les soupçons quelconques (Principia, no 7) et donner un fondement
à la justification d’un recours éventuel22. « L’exercice de l’obéissance devient plus facile,
et même, se renforce, si l’Évêque, autant que possible et conservant toujours la justice
et la charité, manifeste aux intéressés les motifs de ses dispositions » (AS 76). Le prin-
cipe de la motivation est un élément important du respect des droits subjectifs et du bien
public de l’Église. Elle est dictée par les fins suivantes: 1) éviter d’établir des actes en-
tièrement arbitraires; 2) garantir l’objectivité du décret; 3) permettre au destinataire d’un
acte de connaître les motifs par lesquels le supérieur se dirige ; 4) rendre possible de faire
recours si les fondements pour édicter une décision étaient faux. La Congrégation pour
Les Évêques indique aussi (AS 69) : « Dans cet acte, sans léser la bonne renommée des
personnes, les « motifs » devront ressortir avec précision, soit pour justifier la décision,
soit pour éviter toute apparence d’arbitraire et éventuellement, pour permettre à l’inté-
ressé de faire recours contre la décision » (can. 50, 51, 220, 1734, 1737).
L’inaccomplissement de cette exigence constitue le fondement à déposer le re-
cours en nullité (can. 1732-1739). L’émission d’un décret sans les motifs est la cau-
se de sa nullité seulement dans la situation où le législateur de manière précise exige
de donner les motifs par l’auteur sous la sanction de la nullité (par exemple voir can.
699 § 1)23.

11. Le principe du délai

Le principe du délai se fonde sur le fait que l’organe exécutif doit édicter un acte
administratif dans le délai précis, et le silence du supérieur après ce délai provoque les
conséquences définies par le droit, indépendamment de sa volonté. La « gestion rapide »
des questions est une règle d’administration ordonnée et aussi prouve la justice envers
les fidèles (can. 221 § 1; AS 69).
Par rapport au principe du délai, le législateur constate : « À chaque fois que la loi
ordonne qu’un décret soit émis, ou lorsque celui qui y a intérêt dépose légitimement une
requête ou un recours pour obtenir un décret, l’autorité compétente doit y pourvoir dans
les trois mois qui suivent la réception de la demande ou du recours, à moins qu’un autre
délai ne soit prescrit par la loi » (can. 57 § 1). De cette manière le législateur impose aux
organes du pouvoir exécutif ecclésiastique le devoir d’émission d’un décret dans le délai
précis. Si une requête ou un recours a été émis par la personne intéressée, l’organe com-
pétent du pouvoir ecclésiastique à le devoir de décider dans les trois mois qui suivent
la réception de la demande ou du recours, s’il n`y a pas d’autre délai prescrit par la loi.
L’obligation d’édicter des actes administratifs dans le délai précis doit servir à dynamiser
le travail des organes de l’administration ecclésiastique pour être au service de l’Église.
22
J. Miras, « Komentarz do kan. 52 », [ in :] Kodeks Prawa Kanonicznego. Komentarz, réd. P. Majer,
Cracovie 2011, p. 102.
23
J. Krukowski, Komentarz do kan. 51, dans: Komentarz do Kodeksu Prawa Kanonicznego, t. I. Poznań
2003, p. 115.
310 Mirosław Sitarz

Ainsi, le législateur reconnait le droit des fidèles à revendiquer auprès des Évêques le
droit de satisfaire à leurs besoins spirituels. Ce principe admet des exceptions, quand le
législateur détermine un autre délai (can. 57 § 1), dans ce cas le principe général est an-
nulé, conformément au principe général de collision lex specialis derogat legi generali.

12. Le principe du silence administratif

Si le décret n’a pas été émis après le temps prescrit par la loi, il faut présumer une
réponse négative envers l’éventuelle présentation d’un recours ultérieur (can. 57 § 2).
Dans ce cas, le fidèle intéressé a le droit d’introduire des moyens de recours: 1) devant
cet organe, voire l’organe du pouvoir exécutif qui n’a pas examiné l’affaire dans le délai
prescrit par la loi (can. 1734 § 1) ; Ce genre de moyen s’appelle le recours de prépo-
sition ; 2) devant le supérieur hiérarchique de celui qui formule le décret négatif (can.
1737) dans le cas où l’auteur d’un acte n’a pas examiné l’affaire encore une fois dans
le délai prescrit. L’organe du pouvoir est responsable de son silence administratif. Le
législateur ne le libère pas de l’activité future et il impose sur lui les devoirs d’émettre
le décret qu’il néglige dans le délai prescrit et de réparer les dommages éventuellement
causés par le silence administratif (can. 57 § 3, 128). Ainsi CIC/83 reconnait le droit
d’une personne intéressée à déposer une plainte pour obtenir la réparation des dom-
mages dont la cause est le manque d’émission d’un décret, voire le silence admini-
stratif.

13. Le principe de la vérité objective

Le principe de la vérité objective signifie l’exigence pour un organe administratif qui


dirige une procédure de tendre à la reproduction la plus réaliste de l’état réel, sur la base
duquel on doit émettre la décision. La décision de la cause peut se faire quand toutes
les circonstances sont expliquées, et quand toute la vérité est connue. La réalisation du
principe de la vérité objective exige de l’organe administratif de préserver un objecti-
visme complet pendant l’évaluation de la cause et des preuves. La bonne gouvernance
demande au protecteur d’office de rechercher personnellement la vérité de toutes ses
forces. De cette façon il évitera le risque d’adopter des solutions qui sont seulement for-
melles mais qui ne répondent pas à l’essence et à la réalité des problèmes. L’exercice de
chaque office est authentique quand il est enraciné dans la vérité. Le principe de la vérité
est le premier critère par lequel il évalue les opinions et les propositions, mais surtout les
décisions du pouvoir, et en même temps, à la lumière de la vérité il éclaire le chemin de
la communauté humaine, en lui donnant l’espérance et le sens de la vérité (AS 57).

14. Le principe de la personne adéquate au poste approprié

Ce principe impose à l’Évêque diocésain pendant la désignation à un office, le devoir


de se diriger seulement par les critères surnaturels et seulement par le bien spirituel de
l’Église locale. « Tout d’abord c’est pourquoi il faut qu’il ait en vue le bien des âmes,
qu’il respecte la dignité des personnes et qu’il utilise leurs capacités de manière la plus
Les principes de la procédure ... 311

appropriée et la plus utile, au service de la communauté, tout en assignant toujours la


personne adéquate au poste approprié ». (AS 61).
Vu ce qui précédé, l’Évêque doit considérer comme un devoir sacro-saint de connaî-
tre ses prêtres diocésains, leur caractère, leurs aptitudes et leurs aspirations, le niveau de
leur vie spirituelle, leur zèle et leurs idéaux, leur état de santé et leurs conditions écono-
miques, leurs familles et tout ce qui les concerne (AS 77). L’Évêque ayant la connaissan-
ce personnelle des prêtres et prenant en considération les normes du can. 149 24 pendant
la désignation à l'office agira avec la plus grande prudence25, pour éviter le plus petit
soupçon d’arbitraire, de favoritisme ou de pression abusive26. À cette fin, il sollicitera
toujours l’avis de personnes prudentes, et il s’assurera de l’aptitude des candidats même
au moyen d’un examen (can. 521 § 3) ou pendant la consultation avec les organes collé-
giaux. Avant la nomination à certains offices CIC/83 impose la consultation obligatoire
avec les organes collégiaux qui sont compétents pour exprimer leurs opinions dans ce
cas (can. 494 § 2).

15. Le principe de la procédure en deux instances

Ce principe signifie que la décision prise dans la première instance pouvait être sou-
mise à l’organe de la deuxième instance.
Can. 1423 : « § 1 Plusieurs Évêques diocésains, après approbation du Siège Apos-
tolique, peuvent se mettre d’accord pour constituer, à la place des tribunaux diocésains
dont il s’agit aux cann. 1419-1421, un unique tribunal de première instance pour leurs
diocèses ; en ce cas, tous les pouvoirs que l’Évêque diocésain possède à l’égard de son
tribunal reviennent à l’assemblée de ces mêmes Évêques ou à l’Évêque désigné par eux.
§ 2 Les tribunaux dont il est question au § 1, peuvent être constitués pour toutes les cau-
ses ou seulement pour certains genres de causes ».
Can. 1439: «§ 1 Si un unique tribunal de première instance a été constitué pour plu-
sieurs diocèses selon le can. 1423, la conférence des Évêques doit constituer un tribunal
de deuxième instance avec l’approbation du Siège Apostolique, à moins que tous les
diocèses ne soient suffragants d’un même archidiocèse. § 2 La conférence des Évêques
peut, avec l’approbation du Siège Apostolique, constituer un ou plusieurs tribunaux de
deuxième instance, même en dehors des cas dont il est question au § 1».

24
Voir R. Sobański, Komentarz do kan. 149, [ in :] Komentarz do Kodeksu Prawa Kanonicznego, t. I,
p. 239-241.
25
La Congrégations pour Les Évêques rappelle : « Dans l’attribution des charges, l’Évêque jugera avec
équité de la capacité de chacun et il ne surchargera personne d’engagements qui, par le nombre ou l’impor-
tance, pourraient dépasser les possibilités des personnes individuelles et aussi altérer leur vie intérieure. Il
n’est pas bon de placer les prêtres tout de suite dans un ministère trop absorbant, à peine achevée leur forma-
tion au séminaire, mais plutôt graduellement et après une préparation opportune et une expérience pastorale
appropriée, en les confiant à des curés idoines, afin que dans leurs premières années de sacerdoce ils puissent
pour l’avenir développer et renforcer avec sagesse leur propre identité ». (AS 78).
26
Cela concerne aussi la procédure de révocation ou de transfert de l’office ; voir. Z. Grocholewski,
Postup pri prelozeni a advolani farara, Bratislava 1999, p. 31-72.
312 Mirosław Sitarz

16. Le principe du contrôle judiciaire des décisions administratives

Ce principe constate que les décisions pouvaient être accusées de contradiction avec
la loi. Dans la situation dans laquelle le destinataire d’un acte estime que l’acte a été
émis sur la base d’un acte administratif légal, mais contraire à l’acte normatif supérieur,
il pourrait attaquer l’acte administratif au Conseil Pontifical pour l’Interprétation des
Textes Législatifs au titre du désaccord avec la norme comprise dans l’acte hiérarchique
supérieur (PB 158). Il pourrait le faire seulement dans le cas où il a un intérêt judiciaire,
quand cet acte administratif viole son droit subjectif27.

17. Le principe de la permanence d’un acte administratif

Le législateur constate : « L’acte administratif ne disparaît pas en cas d’extinction


des droits de celui qui l’a omis, sauf autre disposition expresse du droit ». Ce principe
signifie d’une part, que la cessation du pouvoir d’une personne physique, qui est l’auteur
d’un acte, ne provoque pas la cessation d’un acte, de l’autre – l’indépendance c’est-à-
dire la séparation entre la personne physique et l’office. Évidemment la personne physi-
que ne peut pas être identifiée à l’office parce qu’elle agit en vertu de l’office qui a une
certaine stabilité. Et c’est pourquoi l’acte reste valide même quand il y a un changement
de titulaire d’office ou lorsque l’office est vacant (can. 44). Quand à ce que la personne
titulaire d’un office a fait en vertu de cet office, cela reste valide même lorsqu’il a perdu
le pouvoir (voir can. 81; 142 § 1)28.

Conclusion

Attribuer à une certaine norme le caractère de principe de la procédure administrative


signifie que cette norme est devenue la norme commune pour la procédure tout entière,
est obligatoire pendant toutes les étapes et sert de directive pendant l’interprétation des
prescriptions de cette procédure. Ces principes n’introduisent pas les institutions auto-
nomes du procès, mais leur concrétisation survient en vertu des régulations juridiques
particulières contenues dans le CIC/83. Elles ont des significations importantes comme
source de l’interprétation des situations juridiques ambiguës ou imprécises. Ces prin-
cipes n’ont pas le caractère seulement d’indications ayant une signification instructive,

27
J. I. Arieta, « Papieska Rada do spraw Interpretacji Tekstów Prawnych », [in :] 25-lecie promulgacji
Kodeksu Prawa Kanonicznego. Obowiązywanie i stosowanie w Polsce, réd. J. Krukowski, Z. Tracz, Łódź
2009, p. 45-58 ; M. Sitarz, « Kompetencje kontrolne Stolicy Apostolskiej względem działalności legislacy-
jnej organów władzy w Kościele partykularnym », [in :] Finis legis Christus. Księga pamiątkowa dedyko-
wana Księdzu Profesorowi Wojciechowi Góralskiemu z okazji siedemdziesiątej rocznicy urodzin, réd. J.
Wroceński, J. Krajczyński, t. 1, Varsovie 2009, p. 725-737.
28
En plus, l’exercice du pouvoir administratif dans l’Église devait être réalisé aussi avec le respect des
principes suivantes : 1) Le principe trinitaire (AS 56); 2) Le principe de la vérité. (AS 57) ; 3) Le principe
de la communion. (AS 58) ; 4) Le principe de la collaboration (AS 59); 5) Le principe du respect des com-
pétences (AS 60); 6) Le principe de justice et de légalité (AS 62) ; 7) le principe de subsidiarité et de bien
commun La Congrégation pour Les Évêques, à la base du CIC/83 a précisé les critères qui obligent pendant
l’exercice du pouvoir exécutif (voir AS 69).
Les principes de la procédure ... 313

mais sont des normes juridiques obligatoires, dont la violation provoque la transgression
du droit.
Pour résumer ces considérations relatives aux principes généraux de la procédure
administrative, il faut constater que ce sujet n’a pas été complètement élaboré et qu’il
dépasse le cadre de cet article. Les recherches à l’avenir exigent non seulement l’analyse
des principes particuliers mais, surtout leur application pendant les étapes concrètes du
procès de prise des décisions.
Jer z y S t elmasiak

L’intérêt individuel et l’intérêt social dans le domaine


de la protection de l’environnement à la lumière
de l’article 7 du Code de procédure administrative

Jusqu’à présent, le rôle de l’art. 7 du Code de procédure administrative (CPA)1 rela-


tif aux relations réciproques entre l’intérêt individuel et l’intérêt social dans le droit de
l’environnement, n’a pas fait objet d’une analyse juridico-administrative approfondie2.
L’un des principes fondamentaux du CPA, qui est en même temps l’un des principes les
plus difficiles à appliquer dans la pratique, oblige les organes d’administration à prendre
en considération l’intérêt individuel et l’intérêt légitime de la partie. D’autre part, en ma-
tière de protection juridique de l’environnement, il semble particulièrement important de
« peser » l’intérêt individuel (intérêt de la partie) et l’intérêt public. Il convient de rappe-
ler que dans différentes époques, on posait pour principe soit une supériorité absolue de
l’intérêt public sur l’intérêt individuel, soit une supériorité absolue de l’intérêt individuel
sur l’intérêt public (doctrines fondées sur le nihilisme étatique), soit enfin différentes so-
lutions intermédiaires3. Il est hors de doute que l’idée selon laquelle l’intérêt social (pu-
blic) est automatiquement prédominant, même en matière de droit de l’environnement,
ce qui date de l’époque de la République Populaire Polonaise, ne saurait être admise4.
En premier lieu, il convient d’admettre que, bien que l’intérêt social doive prendre en
considération les principes fondamentaux de la protection de l’environnement dans les
actes normatifs du droit de l’environnement, il se concrétise sous forme d’actes admi-
nistratifs externes, tels des permis ou des concessions ou exceptionnellement des actes

1
La loi du 14 juin 1960 Code de procédure administrative, J.O. de 2000 No 98, alinéa 1071 modifié.
2
Cf. J. Stelmasiak, Miejscowy plan zagospodarowania przestrzennego jako prawny środek ochrony
środowiska, Lublin, 1994, p.171-269 ; M. Wyrzykowski, Pojęcie interesu społecznego w prawie administra-
cyjnym , Varsovie, 1986 ; M. Zdyb: Prawny interes jednostki w sferze materialnego prawa administracyj-
nego. Studium teoretyczno-prawne, Lublin, 1991 ; J. Stelmasiak, « Wybrane zagadnienia ochrony interesu
indywidualnego w prawie ochrony środowiska (Analyse juridico-théorique) », [in :] Prawne gwarancje
praw jednostki wobec działań administracji publicznej, ouvrage collectif sous la rédaction de E. Ura, Rze-
szów, 2002, p. 465-772.
3
B. Adamiak [in :] B. Adamiak, J. Borkowski, Kodeks postępowania administracyjnego, 11e éd., Var-
sovie 2011, p. 54-63 ; M. Zdyb, J. Stelmasiak, Zasady ogólne kodeksu postępowania administracyjnego.
Orzecznictwo Naczelnego Sądu Administracyjnego z komentarzem, Lublin 1992.
4
L. Klat-Wertelecka, « Relacje interesów w płaszczyźnie procesowej w administracji », [in :] Płaszczyzny
konfliktu w administracji publicznej sous la réd. de M. Tabernacka et Renata Raszewska-Skałecka, Varsovie
2010, p. 94-111.
316 Jerzy Stelmasiak

matériels et techniques. Quelquefois ces différents actes peuvent revêtir la forme d’une
suite d’actions juridiques et matérielles. En outre, conformément à la jurisprudence de
NSA [la Haute cour administrative polonaise], tant qu’il n’y a pas de collision flagrante
et directe entre l’intérêt individuel et l’intérêt social (public)5, l’organe compétent devant
lequel se déroule telle ou telle procédure administrative relevant des compétences de
l’administration publique en matière de protection de l’environnement, doit prendre en
considération l’intérêt individuel.
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’art. 3-13 de la loi sur la protection de l’en-
vironnement, qui reste en rapport avec l’art. 3, alinéa 49 de ladite loi6, tant la pollution
de l’environnement que la violation de l’équilibre naturel ne sont pas subordonnées aux
limites des divisions territoriales, qu’il s’agisse de la division administrative principale
ou des divisions spéciales. De ce fait, des difficultés surgissent fréquemment lors de la
détermination de la compétence territoriale des organes d’administration en matière de
protection de l’environnement. Qui plus est, la notion d’intérêt social (public) englobe
autant l’intérêt national que l’intérêt local en matière de protection de l’environnement.
La question se pose de savoir en quoi consiste l’intérêt social (public) réalisé en matière
de la protection de l’environnement sur tel ou tel territoire. En effet, il serait inacceptable
d’admettre que l’intérêt social (public) ,réalisé conformément à l’art. 7 du CPA, signifie
que les décisions des autorités locales sont conformes ou sont en collision avec l’intérêt
social à portée locale, alors que les décisions des organes d’administration gouverne-
mentale correspondent à l’intérêt national. La protection juridique de l’environnement
est spécifique en ce sens qu’indépendamment des organes dont émane telle ou telle déci-
sion, une collision peut apparaître à l’intérieur de la notion d’intérêt social (public) dans
les relations : intérêt social (public) à portée nationale – intérêt public local (intérêt des
collectivités locales) ou intérêt public d’un groupe de sujets. Dans le dernier cas, il s’agit
de l’intérêt d’un groupe de sujets liés au territoire envisagé, ne serait-ce que potentielle-
ment, tels les membres d’une organisation écologique séjournant sur ce territoire.
À la lumière des exigences posées par la protection juridique de l’environnement,
l’interprétation des notions d’ « intérêt social » et d’ « intérêt légitime des citoyens »
telles qu’elles apparaissent dans l’art. 7 du CPA. n’est pas suffisante. Ces notions tou-
chent à un phénomène juridique qui se laisse décrire, mais qui n’en reste pas moins
dépourvu d’une définition légale. Dans certaines circonstances, l’intérêt social (public)
est une solution optimum au cas où plusieurs intérêts entrent en jeu et où il importe de
tenir compte des valeurs communément admises dans la société. N’empêche que cette
notion reste vague (mal définie). En effet, la disposition du droit administratif matériel
qui renvoie à la notion d’intérêt social comporte une clause générale qui peut prêter à des
appréciations différentes autant de la part d’un organe d’administration publique dont
émane un acte administratif externe en matière de la protection de l’environnement, que
de la part du WSA [le Tribunal administratif pour la voïvodie concernée]7, lorsqu’il est

5
J. Stelmasiak, M. Zdyb, Ochrona środowiska i planowanie przestrzenne w świetle orzecznictwa Na-
czelnego Sądu Administracyjnego, Lublin, 1992, p. 57 et suiv.
6
La loi du 27 avril 2001 Droit de l’environnement, J. O. de 2008 No 25, texte 150 modifié.
7
La loi du 30 août 2002 Droit de procédure devant les tribunaux administratifs, J. O. No 153, texte 1270
modifié.
L’intérêt individuel et l’intérêt social ... 317

compétent pour contrôler la légitimité d’un acte administratif. Ce problème est particu-
lièrement important, étant donné que l’intérêt social (public) reste l’une des principales
circonstances qu’il convient d’examiner dans le cas des décisions administratives dites
décisions à caractère discrétionnaire, qui jouent également un rôle important dans le
droit de l’environnement.
Dans la pratique, cela signifie souvent que le sujet intéressé perd un droit qu’il déte-
nait auparavant par la force de la loi et suite à un acte administratif, et qui représentait
son intérêt individuel, ce droit pouvant être limité ou même retiré en vertu d’un acte
juridique. C’est le cas notamment d’une activité économique, qui peut être limitée ou
interdite, lorsque le territoire sur lequel elle était exercée acquiert un statut de territoire
spécial à caractère écologique. C’est ainsi que peut être réalisé l’intérêt public, dans le
cas notamment d’un parc national, d’une réserve naturelle, d’un jardin paysager, d’un
terrain de paysage protégé ou d’un terrain inscrit sur la liste Nature 2000. Par consé-
quent, l’idée apparaît dans la doctrine selon laquelle la notion d’intérêt social devrait être
interprétée en deux variantes, tenant compte de la relation intérêt national social – intérêt
local, et que l’organe d’administration publique devrait à chaque fois accorder la priorité
à tel ou tel intérêt par un acte administratif8.
Bien évidemment, ces intérêts peuvent être convergents. C’est le cas notamment des
permis d’émission, des taxes et redevances environnementales ou des sanctions fiscales
administratives en cas de dommage causé à l’environnement. Cependant, il existe des si-
tuations juridiques et matérielles où l’on note une divergence de l’intérêt social (public)
national et de l’intérêt public local ou de l’intérêt public d’un groupe de sujets. Cette
divergence apparaît notamment dans le cas de permis de construire, lorsque son objet est
la construction d’une décharge, ou de décisions portant sur l’emplacement d’un investis-
sement d’utilité publique qui peut avoir un impact considérable sur l’environnement.
Il convient de souligner que les décisions des organes d’administration publique re-
latives au droit de l’environnement devraient également tenir compte des circonstances
allant au-delà de la notion d’intérêt social (public) et de celle d’intérêt légitime des ci-
toyens, telles qu’elles apparaissent à la lumière de l’art. 7 du CPA. C’est le cas notam-
ment des décisions relatives à l’aménagement du territoire, lorsque celui-ci n’est sujet à
aucun plan d’aménagement local (p.a.l. )9, ou des permis de construire10, lorsqu’un plan
d’aménagement local a déjà été élaboré pour le territoire en question. Dans les deux cas,
les décisions administratives doivent tenir compte de l’ordre requis dans l’aménagement
du territoire, conformément au principe de développement équilibré.
Cependant, lorsqu’il existe déjà un p.a.l., qui prend bien entendu en considération
les besoins de la protection de l’environnement sur le territoire envisagé, l’intérêt social
(public) est déjà déterminé dans ce plan. Cela est d’autant plus important qu’autant le
p.a.l. en tant qu’acte juridique local que les décisions administratives ayant pour but
la réalisation de l’ordre dans l’aménagement du territoire, sont soumis au contrôle du

8
M. Kulesza: Administracyjnoprawne uwarunkowania polityki przestrzennej, Varsovie, 1987, p. 57 et
suiv.
9
Cf. La note de bas de page no 3 avec la loi du 27 mars 2003 sur l’aménagement du territoire, J. O. No
80, texte 717 modifié.
10
La loi du 7 juillet 1994 Droit de la construction, J. O. de 2006 No 156, texte1118 modifié.
318 Jerzy Stelmasiak

tribunal administratif pour la voïvodie concernée, à condition que les autres moyens
de recours prévus par la législation en vigueur aient été épuisés. Il convient de rappeler
que dans son appréciation, le tribunal administratif se fonde uniquement sur le critère de
légitimité, sans prendre en considération le critère d’utilité, de solidité et d’économie du
point de vue de la protection de l’intérêt légitime du citoyen. Par contre, il est inadmissi-
ble de soutenir que la notion d’intérêt social englobe les intérêts des personnes physiques
ou des groupes sociaux, professionnels ou locaux.
Une telle idée, qui a été formulée dans d’autres circonstances juridiques et matériel-
les, à savoir en l’absence de collectivités locales11, est de lege lata erronée.
Dès lors que les collectivités locales possèdent une personnalité morale, leurs intérêts
sont considérés comme autonomes et indépendants aussi bien par rapport aux intérêts in-
dividuels qu’à ceux de l’État. Le nouveau modèle des organes d’administration publique
devrait donc contribuer à normativiser la notion d’intérêt social (public).
À présent, la notion d’intérêt public englobe autant l’intérêt public de l’État que l’in-
térêt de la collectivité locale donnée, qui constitue une structure constitutionnelle. Il en
résulte l’obligation de «peser» ces deux intérêts, ce qui devrait réduire au minimum les
cas où la notion d’intérêt public est mise à profit afin de réaliser des buts immédiats bien
précis des organes d’administration de l’État. Après l’instauration des collectivités loca-
les, l’idée hégélienne d’un État porteur de généralités, qui est typique de la vision uni-
verselle de l’État, a été profondément bouleversée. Par l’intermédiaire de leurs organes,
les collectivités locales devraient exprimer les intérêts publics à portée locale, indépen-
damment des intérêts nationaux, au moins en ce qui concerne leurs propres obligations,
parmi lesquelles il faut compter l’établissement des plans d’aménagement territorial lo-
cal, à condition toutefois que l’intérêt public local n’enfreigne pas l’ordre juridique en
vigueur. Rappelons ici qu’il en va de même du droit de l’Union Européenne, qui fait
partie de l’ordre juridique national et détermine également l’intérêt social (public) et
l’intérêt individuel dans le droit national de l’environnement.
Les solutions adoptées jusqu’à présent permettent, semble-t-il, d’élaborer une solu-
tion optimum, qui devrait prendre en considération les circonstances suivantes :
Premièrement, il est à présent hors de doute que le principe de prédominance auto-
matique de l’intérêt public (social) par rapport à l’intérêt individuel ne saurait être main-
tenu.
Deuxièmement, il ne semble pas opportun de renoncer à envisager les relations ci-
toyen – État ou citoyen – collectivité locale comme un « jeu à somme nulle », c’est-à-
dire de supposer une absence totale de concurrence (notons par ailleurs qu’un conflit est
envisageable même en l’absence de concurrence)12. Aussi, compte tenu des relations en-
tre l’intérêt de la partie et l’intérêt public (social), dans une procédure administrative fau-
drait-il chercher une solution optimale et renoncer à toutes les solutions qui assureraient
automatiquement la prédominance de l’un de ces intérêts, comme c’était le cas jusqu’à

11
L. Jastrzębski, J. Stelmasiak, Ochrona środowiska i planowanie przestrzenne w orzecznictwie Naczel-
nego Sądu Administracyjnego Varsovie-Lublin, 1989, p. 12-13 et p. 33-34.
12
M. Ušak, « Konflikt dotyczący stref ochronnych ujęć i źródeł wody dla miasta Warszawy – analiza
prawna », [in :] Płaszczyzny konfliktu w administracji publicznej, sous la réd. de M. Tabernacka, R. Raszew-
ska-Skałecka, Varsovie 2010, p. 441-451.
L’intérêt individuel et l’intérêt social ... 319

présent de l’intérêt social. L’interprétation de l’art. 7 du CPA. soulève nombre de doutes


dans la doctrine et la jurisprudence, étant donné qu’il existe différentes relations entre
la notion d’intérêt public et celle d’intérêt de la partie. Il est en effet difficile de délimi-
ter ces deux intérêts d’une manière précise, la limite qui les sépare restant floue même
en cas de collision. À chaque fois, il est donc nécessaire de « peser » ces intérêts, afin
de déterminer le degré de leur similitude et de leur divergence. Cette tâche appartient
à l’organe d’administration publique compétent territorialement et matériellement, qui
engage une procédure administrative adéquate. Cependant différents dangers subsistent.
L’organe compétent peut par exemple interpréter ces notions d’une manière opportunis-
te, accepter uniquement les intérêts qui se laissent « renfermer » dans l’intérêt public ou
même admettre de façon automatique la prépondérance de l’intérêt public par rapport à
l’intérêt des parties. D’autres dangers peuvent apparaître, lorsque l’intérêt public (social)
est considéré comme discrétionnaire ou comme une catégorie autonome.
Un autre problème est lié à l’interprétation de la notion d’ « intérêt légitime de la
partie ». Les questions qui se posent sont les suivantes : peut-on parler d’intérêt juridi-
que illégitime? les intérêts juridiques sont-ils les seuls à être légitimes? Par conséquent,
la question se pose de savoir s’il s’agit uniquement d’intérêts juridiques de la partie, ou
bien d’intérêts de la partie qui, sans être déterminés de façon normative, n’entrent pas
pour autant en collision avec la loi. Dans ces circonstances juridiques et matérielles, il
semble mal fondé d’échafauder une collision, sans que rien ne s’y prête, entre l’utilité
et la légalité ou entre l’intérêt juridique et l’intérêt matériel dans le domaine du droit
administratif. Il va sans dire qu’en ce qui concerne la protection de l’environnement, la
situation juridique et matérielle des destinataires est déterminée par les normes du droit
administratif matériel. Cependant, sur les territoires spéciaux à caractère écologique, qui
sont subordonnés à un régime juridique spécial, cette situation sera différente de celle
que l’on rencontre sur l’ensemble du territoire du pays. Il convient donc d’admettre que
les dispositions de l’art. 7 du CPA protègent les deux intérêts, sans que l’un ou l’autre soit
considéré de façon automatique comme prépondérant. Toute autre acception serait mal
fondée, car elle ferait considérer l’intérêt social (public) comme un axiome social dont le
contenu serait univoque, c’est-à-dire constant et défini une fois pour toutes. Or la notion
d’intérêt social (public), de même que celle d’intérêt de la partie, doivent être à chaque
fois remplies d’un contenu juridique et extra-juridique précis, par exemple à l’aide de
ce qu’on appelle des renvois au-delà du système. De plus, le rejet de la prépondérance
automatique de l’intérêt public ne signifie pas qu’une telle prépondérance est inadmis-
sible. Elle peut résulter des circonstances matérielles auxquelles s’appliquera à chaque
fois une norme juridique, conformément à la constitution de la République de Pologne
ou aux dispositions légales particulières, telle la loi sur la protection de l’environnement,
la loi sur la protection de la nature13, la loi sur la planification et l’aménagement du terri-
toire. Citons également le cas d’un refus d’information publique en matière de protection
de l’environnement14, qui revêt toujours la forme d’une décision administrative.

13
La loi du 16 avril 2004 sur la protection de l’environnement, J. O. No 92, texte 880 modifié.
14
La loi du 3 octobre 2008 sur la libre disponibilité des informations relatives à l’environnement et à sa
protection, la participation des citoyens dans la protection de l’environnement et l’appréciation des modifi-
cations de l’environnement, J. O. No 199, texte 1227.
V
Les problemès théoriques
de la Science de la politiqueadministrative
Jar o sław D obk owski

Des conditions juridiques de la politique administrative


en Pologne contemporaine

La Constitution de la République de Pologne du 2 avril 19971 définit d’une façon uni-


voque les principes du régime constitutionnel. Le régime constitutionnel se base surtout
sur les principes de supériorité de la nation (art. 4), de la démocratie (art. 2 ab initio) et
du pluralisme politique (art. 11), d’autre part le régime intérieur, sur les principes de mo-
dèle républicain de l’État (art. 1), de division, d’ équilibre et de coopération des pouvoirs
(préambule et art. 10) ; le régime social sur le principe de dialogue, de subsidiarité et de
réalisation de la justice sociale (préambule et art. 2 in fine) ; le régime patrimonial, sur
le principe de protection de la propriété et des autres droits réels et droits des obligations
(notamment l’art. 21); le régime économique, sur le principe d’économie sociale de
marché (art. 20); le régime agraire sur le principe du ménage familial (art. 23) ; le régime
administratif à l’échelle de l’État tout entier, sur le principe d’unanimité – d’unité (art.
3) et de subordination de l’administration de l’État au Conseil des Ministres (art. 146
alinéa 3) par contre à l’échelle territoriale il se fonde sur le principe de décentralisation
des pouvoirs publics et d’autonomie des autorités locales (art. 16 alinéa 2). Cependant le
régime juridique se base sur le principe d’État juridique (art. 2 in medio).
Dans le cadre du dernier méta – principe il est possible de distinguer d’autres facteurs,
(règles principales) tels que : le principe de légalité (art. 7), le principe lex fundamenta-
lis et lex superior, de primauté de la Constitution (art. 8), le principe de la rationalité du
législateur et de la présomption de la constitutionnalité des lois (art. 188 en liaison avec
l’art. 191) le principe d’ouverture envers le droit international (art. 9), le principe de res-
pect et de la protection des droits et libertés universelles de l’homme et du citoyen par les
pouvoirs publics et le principe d’admission d’une intervention, indispensable uniquement
par voie de réglementation (art. 30-31), le principe de l’égalité devant la loi (art. 32), le
devoir de respecter la loi par des sujets (art. 83), le principe de constitutionnalisation des
sources de droit (art. 87), le principe de l’indépendance de la jurisprudence ( art. 173), le
principe de justice universelle (art. 177), le principe de contrôle judiciaire de l’activité de
l’administration publique (art. 184), le principe de l’indépendance du juge (art. 178).
L’idée de l’État de droit n’a pas de caractère universel2. C’est une doctrine caractéris-
tique pour la tradition et la culture continentale. Les termes saxo-anglais rule of law et

1
J. O. No 78, texte 483 avec les modifications.
2
P. Przybysz, « Idea państwa prawnego w niemieckiej myśli prawniczej XIX w. », [in :] Problemy
324 Jarosław Dobkowski

due process of law n’expriment pas cette pensée philosophique d’une manière intégrale.
Dans son essence le principe de l’État de droit désigne la maniere de légitimer l’État et
ses organes envers les individus (citoyens). Selon ce principe la République de Pologne
n’est pas un État de droit, mais celui dans lequel le principe de l’État de droit est en vi-
gueur. Excepté le fait notoire, qu’au plan empirique l’État réel et l’État de droit se sont
éloignées l’un de l’autre d’une certaine manière, il vaut la peine de remarquer que l’idée
de l’État de droit dans son principe devrait refléter l’État de la période intermédiaire
qui visait à devenir un État légal3. Malgré cela, le principe de l’État de droit continue à
constituer le fondement du régime juridique des États contemporains.
L’État de droit est ex definitione « l’État des lois »4, dans lequel les normes juridiques
créées sont absolues. Autrement dit l’État de droit est un système de nomocratie. Cette
image positiviste de souveraineté signifie que l’État constitue la totalité de la loi5. L’État
de droit, c’est un État dans lequel le fait d’aboutir à des buts définis ou de réaliser des
fonctions étatiques intervient à l’aide de la loi6. Par l’ordre juridique et selon le principe
de liaison complète (the principle of law fullness) il englobe les actions des autorités na-
tionales. Le seul côté technique de la loi se fixe non pas sur ius licens (droit libre), mais
ius strictum (droit précis). Dans le cadre de la justice et de la juridiction administrative
l’application de la loi en matière individuelle se fonde sur l’idéologie de la décision dic-
tée (le droit détermine complètement les décisions concernant l’application de la loi)7.
Elle ne ressemble que d’une certaine manière à la catégorie de l’État de droit formel,
datant du XXe siècle. Il ne s’agit pas seulement des garanties institutionnelles d’assurer
la légalité d’action de l’appareil d’État.
D’autre part dans cet ordre la loi devient incontestablement le moyen (l’outil) des ac-
tions des autorités. Cela entraine un traitement instrumental de la loi8. Par conséquent ce
modèle d’État qui est diamétralement positiviste (formaliste) n’a pas été définitivement
et complètement accepté dans la pratique de régime. L’État de droit contemporain ne
consiste pas à rejeter définitivement l’idée de l’État de droit. Pourtant une telle utilisation
des ses institutions de base en rapport avec d’autres principes de régime, reflète le carac-
tère multifonctionnel de l’État. Il faut remarquer que l’idée de l’État de droit n’était pas
au début liée à la démocratie, à la subsidiarité, à l’économie sociale de marché ou à la
justice sociale. Le développement de ces derniers a ralenti ou a même bloqué l’aboutis-

współczesnego ustrojoznawstwa. Księga Jubileuszowa Profesora Bronisława Jastrzębskiego, sous la réd. de


J. Dobkowski, Olsztyn 2007, p. 127.
3
Cf. B. Jastrzębski Ustrojowe zasady demokratycznego państwa prawa. Dylematy i mity, Olsztyn 2003,
passim et M. Kordela, « Państwo praworządne i państwo prawne – stosunek pojęć », [in :] Filozofia prawa
a tworzenie i stosowanie prawa, sous réd. De B. Czech, Katowice 1992, p. 413 et suiv.
4
Cf. B. Wasiutyński, « Praworządność », Obóz Wielkiej Polski. Wskazania programowe, Cahier IV,
Varsovie 1927, p. 5 et suiv.
5
W. L. Jaworski, Nauka prawa administracyjnego . Zagadnienia ogólne, Varsovie 1924, p. 183.
6
Cf. M. Zmierczak, « Kształtowanie się koncepcji państwa prawnego », [in :] Polskie dyskusje
o państwie prawa, sous la réd. de S. Wronkowska, Varsovie1995, p. 14.
7
 �������������������������������������������������������������������������������������������������
J. Wróblewski, « Z zagadnień pojęcia i ideologii demokratycznego państwa prawnego (analiza teore-
tyczna) » , Państwo i Prawo 1990, cahier 6, p. 10.
8
W. Lang, « Instrumentalne pojmowanie prawa a państwo prawa », Państwo i Prawo 1991, cahier. 12,
p. 3 et suiv. Voir aussi A. Błaś, « Państwo prawa i polityka administracyjna » [in :] Polityka administracyjna,
sous réd. De J. Łukasiewicz, Rzeszów, 2008, p. 143.
Des conditions juridiques ... 325

sement à l’État de droit. Actuellement l’idée de l’État de droit ne constitue pas de valeur
individuelle et autonome, mais il faut la percevoir comme un des outils de régime9.
En présentant ces remarques dans le cadre des sciences administratives on peut
constater que dans les États contemporains de l’Europe continentale il n’y a pas d’ad-
ministration exclusivement à travers la loi (the principle of administration through law),
bien qu’évidemment la détermination juridique joue un rôle primordial dans le fonction-
nement de l’administration publique. À plusieurs reprises on souligne la limitation de
l’administration par le droit10 bien que d’habitude elle ne soit pas absolue.
Le rapport de l’administration publique avec le droit est exprimé par le principe
constitutionnel de légalité. Le légalisme des autorités administratives, c’est à dire un
état dans lequel elles sont créées et mènent une activité conforme à la loi en vigueur,
constitue son contenu.
Dans l’article 7 de la Constitution nous lisons: « Les organes des autorités publiques
agissent sur la base et dans les limites de la loi ». Il faut souligner l’importance d’un
élément de cette prescription, qui s’exprime en ces mots: « sur la base et dans les limites
de la loi ». L’interprétation de cette locution constitutionnelle reste problématique, en
particulier la réponse à la question : avons-nous à faire à une conjonction, ou bien à une
alternative ? C’est une problématique d’une grande importance pratique. Elle consiste
en la question d’une particularité du fondement juridique (le degré de netteté et de préci-
sion) autorisant l’action de l’organe administratif. Si nous admettons que chaque action
des organes des pouvoirs publics doive se baser sur une prescription juridique et à la
fois se trouver dans les cadres de la loi en vigueur, il en résulte que l’organe des autori-
tés publiques doit à chaque fois prouver sa compétence11. En même temps la forme de
son exécution doit se trouver dans les limites définies par la loi. La nécessite d’établir
son identité par le fondement juridique pourvu d’un caractère important de particularité
sera sa conséquence. Cette conception de liaison de l’administration par le droit, avec
le principe général de la primauté de la loi est un trait caractéristique pour les systèmes
juridiques, dans lesquels il existe une possibilité de porter plainte pour faire constater
l’invalidité d’un acte (indépendamment de son caractère et de sa forme) en raison d’un
abus (d’une transgression) du pouvoir. Dans plusieurs pays européens (y compris la
France avant tout), aussi bien que dans le systèmes de l’Union Européenne, le « recours
pour excès de pouvoir » est un moyen juridique de contrôle du pouvoir. Pourtant en Po-
9
Cf. M. Stefaniuk, Działanie administracji publicznej w ujęciu nauk administracyjnych, Lublin 2009,
p. 280 et suiv.
10
Cf. M. Jaśkowska, Związanie administracji publicznej prawem. Księga pamiątkowa profesora Euge-
niusza Ochendowskiego, Toruń 1999, p. 137-146.
11
Sur la divergence de la conception de la compétence au niveau de la législation générale et de la
science du droit administratif voir par ex. J. Dobkowski, « Kompetencja administracyjna (niektóre uwagi na
kanwie pracy A. Matczaka, Kompetencja organu administracji publicznej », Cracovie 2004), [in :] Studia
z zakresu nauk prawnoustrojowych, vol. I : Minesclinea, sous la réd de. J. Sługocki, Bydgoszcz 2008, s. 109-
116. En Pologne contrairement à ce qu’il en est en Grande Bretagne il n’existe pas de principe intra vires,
selon laquelle seul le parlement constitue un organe souverain du pouvoir étatique. D’autres organes peuvent
constituer le droit positif à la base d’une compétence nette attribuée par le Parlement. Ceci produit un effet
sur la conception générale de la compétence en Pologne qui devrait être perçue non comme une délégation
législative, mais comme un genre particulier de la procuration (titre) pour intervenir dans la sphère des lois
et des libertés individuelles, au titre de la loi.
326 Jarosław Dobkowski

logne l’ « excès » (détournement) du pouvoir ne constitue pas un fondement autonome


de cassation ou de reforme d’un acte administratif12. Puisque – en ce qui concerne le
principe– ce n’est qu’un abus délictueux des pouvoirs formels, prouvé par la décision
d’un tribunal de droit commun, accompagné par des actions, dans ce cadre, au détriment
de l’intéret public ou privé (art. 231 du Code Pénal13) qui cause une révision de la pro-
cédure administrative14.
Par contre en cas d’acceptation d’une interprétation de la formule « sur la base et
dans les limites de la loi » conformément à laquelle nous avons à faire à des autorisa-
tions alternatives, un organe des autorités publiques. en entreprenant des actions concrè-
tes, selon les possibilités d’application des moyens de contrainte d’État, doit établir son
identité par le fondement particulier ou la norme générale de compétence (procuration
générale).
Dans ce contexte l’hypothèse, selon laquelle les organes des pouvoirs publics agis-
sent en application de la loi ou dans les limites de la loi, peut être justifiée. Dans certaines
sphères les organes appliquent la loi, dans d’autres elles la respectent (elles s’adaptent
aux limites définies par la loi). Une différence apparaît entre le fait de concevoir le prin-
cipe de l’art. 7 de la Constitution, non seulement dans le contexte de la légitimité du droit
public, mais d’une légalité formelle comprise dans un contexte plus large. Cette thèse
est justifiée par une nomenclature de la loi fondamentale. Dans maintes prescriptions le
législateur déclare que l’action donnée peut se produire uniquement en application de la
loi. Par exemple, la disposition de la prescription de l’article 90 de la loi 1 de la Consti-
tution statue : « en application de la convention internationale la République de Pologne
peut transmettre à l’organisation internationale ou à l’organe international les compé-
tences des organes des autorités publiques dans certaines affaires ». Conformément à
l’art. 228 de la loi 2 de la Constitution, l’état d’urgence ne peut être introduit que sur la
base d’une loi, par voie d’une disposition soumise à une publication supplémentaire à
titre d’information. D’autre part, conformément à l’art. 92 de la loi 1 la première phrase
de la Constitution : les arrêtés sont pris par des organes indiqués dans la Constitution,
sur la base d’une autorisation détaillée, conclue dans la disposition et dans le but de son
exécution. Aussi les dispositions du Président du Conseil des Ministres et des ministres
sont délivrées sur la base d’une loi (art. 93 de la loi 2 de la Constitution). En outre, les
organes des autorités locales sur la base et dans les limites des autorisations conclues
dans la disposition, établissent les actes de droit local en vigueur sur le territoire des
activités de ces organes (art. 94 de la Constitution). Le régime intérieur des unités des
autorités locales est défini par des organes statuant, dans les limites de la loi (art. 169 de
la loi 4 de la Constitution). Notamment, à la lumière de l’art. 79 de la loi 1 de la Consti-
tution une plainte portée auprès le Tribunal Constitutionnel peut être présentée dans une
affaire de conformité de la disposition ou d’un autre acte normatif, sur la base duquel le
tribunal ou un organe d’administration publique a définitivement statué sur les libertés

12
Voir J. Dobkowski, « Détournement de pouvoir », [in :] Teoria nauk administracyjnych. Księga pa-
miątkowa Jerzego Stefana Langroda, sous la réd de. J. Niczyporuk, Paris 2011, p. 253-274.
13
Loi du 6 juin 1997 – Code Pénal (J. O. No 88, texte 553 avec les modifications).
14
Voir l’art. 145 § 1 alinéa 2 loi du 14 juin 1960 – Code de Procédure Administrative (texte intégral : J.
O. de 2000, no 98, texte 1071 avec les modifications).
Des conditions juridiques ... 327

ou sur les droits de la personne qui porte plainte ou bien sur ses obligations définies
dans la Constitution, c’est à dire a contrario – le tribunal ou l’organe de l’administration
publique statue sur les libertés ou sur les droits de l’homme et du citoyen uniquement
sur la base de la loi. Les exemples cités de régulation constitutionnelle témoignent du
traitement distinct des actions des autorités publiques sur la base et dans les limites
de la loi15.
Il vaut la peine de remarquer que conformément à l’art. 6 du Code de Procédure Ad-
ministrative les organes qui mènent la procédure agissent sur la base de la loi (mais non
pas dans les limites de la loi).
On peut alors supposer qu’au niveau de l’ordre et de règlements, lorsqu’il y a une
intervention concernant les droits de l’homme ou dans la sphère des compétences attri-
buées auparavant, les organes des autorités publiques devraient avoir les compétences
particulières légales, qui indiquent l’état actuel (l’hypothèse) dans lequel ils peuvent
entreprendre une activité concrète et l’étendue, la forme et le caractère juridique de cette
action. Cela se fait généralement par différents actes juridiques – généraux (normatifs) et
individuels (administratifs). Ce qui signifie que les organes des pouvoirs publics formu-
lent et/ou appliquent les prescriptions de la loi. Dans certaines situations la loi n’oblige
pas absolument, mais laisse aux organes eux-mêmes le pouvoir d’appréciation dans le
cadre de l’estimation des preuves pour aboutir à la vérité matérielle ou dans l’interpréta-
tion des prescriptions de la loi, ou bien même en ce qui concerne la nécessité de définir
l’effet juridique.
Néanmoins dans les pays contemporains l’administration exerce aussi des fonctions
publiques dans le cadre de la prestation de services socioculturels pour la population et
gère l’infrastructure élargie et des biens publics ou encore dirige les processus visant le
développement général. Dans ce cadre l’administration agit en se basant sur des titres
juridiques généraux qui indiquent non pas ses compétences, mais les buts qu’elle devrait
atteindre. Elle n’a pas de fonction juridictionnelle, mais une fonction organisationnelle
dans le cadre de laquelle une décision administrative éventuelle a un caractère auxiliaire
ou garantit seulement les intérêts des parties. D’où l’étendue de la limitation de l’admi-
nistration par la loi qui est différente ici, comme l’est le côté technique des prescriptions.
La loi crée des cadres pour le développement de l’activité créative au lieu de donner des
instruments juridiques concrets. À l’occasion l’administration doit prouver sa propre
initiative, car son rôle ne se limite pas à actes juridiques, parce qu’il s’agit ici d’aboutir
à de véritables buts sociaux et de satisfaire les besoins collectifs de la population. Dans
ce contexte les affaires individuelles apparaissent rarement ; les activités générales et
intégrales comptent davantage. Dans ces cas, en général l’administration n’applique pas
seulement la loi. Plutôt elle la crée et la respecte16.
Tout ceci mène à une constatation, à savoir que l’étendue de limitation de l’adminis-
tration publique par la loi en vigueur peut être différente.

15
Plus J. Dobkowski, « Zróżnicowanie charakteru prawnego uchwał rady gminy (uwagi de lege lata) »,
Administracja Publiczna. Studia krajowe i międzynarodowe, No 2 (16), 2010, p. 57 et suiv.
16
J. Dobkowski, « Differentia specifica współczesnego prawa administracyjnego (prolegomena) » ,
Studia Prawnoustrojowe, No 9, 2009, p. 413-422.
328 Jarosław Dobkowski

Les organes d’administration agissent sur la base de la loi, quand, en principe, elles
construisent la loi. La législation administrative n’a pas en Pologne de caractère auto-
nome. Le rôle législatif du parlement n’est pas restreint, comme en France17. En Pologne
il n’y a pas « d’affaires, dans lesquelles la loi définit des principes fondamentaux »18.
Pourtant, bien que le législateur définisse le sujet et l’étendue des affaires transmises aux
organes d’administration pour exécution normative, en donnant souvent des directives
concernant leur essence, c’est pourtant en utilisant les compétences juridiques créatives
que les organes administratifs disposent d’un certain espace d’autorité pour définir le
contenu des normes juridiques. Ce qui est entre autres lié au système accepté par les gou-
vernements. La législation déléguée est en réalité le résultat d’un compromis au niveau
de la Diète et du Conseil des Ministres ou de la Diète et du Président.
Les organes administratifs agissent aussi sur la base de la loi, dans les cas où ils
appliquent la loi. Ils disposent alors d’un certain point-mort décisif- soit dans le cadre
d’une approbation administrative (choix d’un effet juridique dans un cas concret), soit
au moment de définir la signification des notions qui n’ont pas été définies juridiquement
d’une manière suffisante, ou d’une évaluation libre des preuves dans le processus de la
poursuite de la vérité. Ils ont alors le pouvoir d’appréciation par rapport au traitement
des affaires individuelles.
Notamment les organes administratifs agissent dans les limites de la loi quand ils
développent une activité créative dans le cadre des lois, en profitant de la liberté organi-
sationnelle pour réaliser les buts et les fonctions qui leur sont confiés. En parlant « des
limites de la loi » je pense ici à une « limite pour quelque chose » (qui définit quelle est
l’étendue admissible de l’activité donnée)19.
Le légalisme des organes administratifs s’exprimera alors dans ce cas précis dans
le strict respect de la loi en vigueur – par rapport à la conformité aux cadres juridiques
existants.
Les principes mentionnés ci-dessus ont un caractère schématique, car c’est le législa-
teur qui à chaque fois décide de l’étendue de la liaison de l’administration publique dans
une catégorie donnée des affaires publiques.
Ceci complète le système d’organisation de l’administration publique en Pologne.
Elle n’est pas conçue uniquement selon le principe bureaucratique, en se s’inspirant du
facteur professionnel, mais aussi en se basant sur le principe démocratique – avec la
participation du facteur civique qui possède une légitimation sociale plus vaste, pour
résoudre les problèmes de la vie collective.
Les remarques mentionnées ci-dessus mènent à la conclusion qu’une activité libre de
l’administration publique dans le cadre extérieur est exclue en Pologne par principe. Il
n’existe aucun caractère arbitral résultant de l’essence de l’administration. Néanmoins
dans la sphère de la création du droit, aussi bien que de son application ou du respect
pour lui, il y a des espaces qui ne sont pas complément définis par la loi. Dans ces domai-
nes l’administration publique doit mener sa propre politique. À l’occasion elle doit créer

17
L’art. 34 en liaison avec l’art. 37 alinéa 1 de la Constitution de la République Française (La Consti-
tution Française du 4 octobre 1958).
18
L’art. 34 de la Constitution de la République Française.
19
K. Pałecki, Prawo – polityka – władza, Varsovie 1988, p. 105.
Des conditions juridiques ... 329

la réalité, en suivant le bien commun (intérêt public), en prenant en compte les actes de
gestion des pouvoirs politiques, en profitant des mécanismes de la gestion publique, en
initiant une activité organisationnelle raisonnée, et même peut-être en suivant le senti-
ment juridique (rechtsfindung)20.
Il est possible de dire que quand, malgré la régulation juridique (en général nor-
mative, parfois statuée, exceptionnellement habituelle ou de contact) son déficit existe,
s’ouvre un champ pour une action pratique et créative dans le but d’accomplir les lois –
la politique administrative21. Autrement dit, la politique juridique, assumée pour une
catégorie donnée d’affaires, détermine les possibilités de la politique administrative.
Dans le sens où ils déterminent l’activité de l’administration publique – le droit et la
politique administrative constituent un système des vases communicants. Il est possible
aussi de constater que par rapport à des notions telles que « l’État des lois» ou «l’Etat
des juges», une conception de « l’État administratif »22 est de plus en plus souvent pré-
sentée. Existent alors – malgré le multi-centrisme des sources de droit – des limites de
la régulation efficace du processus administratif. La foi aveugle en l’autorité du droit et
en son pouvoir décisif est d’une certaine manière utopique. En outre, le silence du droit
ne constitue pas toujours une manifestation consciente de la politique juridique et il ne
devrait pas être considéré par des personnes qui occupent des postes et exercent des
fonctions publics comme une forme de consentement. Le postulat de rationalité de la
politique administrative engagée en résulte.

20
Au sujet de cette base d’activité des organes publics voir. S. Kutrzeba, Historja źródeł dawnego prawa
polskiego, Cracovie 1987 (réédition Lwów 1925-1926), p. 282, et surtout W. Reiss, Prawo administracyjne
w zarysie, partie 1 : Nauka administracji, Toruń 1946, p. 127. Voir aussi T. Nausbaum-Hilarowicz, « Zasada
Swobodnego Oceniania w nauce administracyi i w prawie administracyjnem austryackiem », Przewodnik
Naukowy i Literacki. Supplément à Gazeta Lwowska, année XLIV, volume XLII, no 3, p. 1047 et 1054 et
suiv., no 4, p. 1133et suiv. Et surtout R. v. Laun, Das freie Ermessen und seine Grenzen, Leipzig-Wien 1910,
p. 5 et suiv.
21
Cf. J. Jeżewski, « O prawnym uwarunkowaniu polityki administracyjnej », [in :] Współczesne
problemy administracji publicznej i prawa administracyjnego, sous la réd. de A. Błaś, Poznań 1999, p. 32
et suiv.
22
 ���������������������������������������������������������������������������������������������
F. Schuppert, « Administracja i prawo administracyjne w kooperatywnym państwie administracyj-
nym », [in :] Prawo publiczne na przełomie, Poznań 2001, p. 139 et suiv.
B eata Jeżyńska

La politique agricole commune.


Perspectives de changements après 2013

Introduction

Le marché intérieur de l’Union Européenne se caractérise par des traits de l’économie


de marché libre, pour cette raison la gestion de la libre circulation des biens, des services,
des personnes et du capital est soumise aux règles de la compétitivité non déformée1.
Dans le cadre de l’intégration on entame des actions qui visent à réaliser des buts autres
que strictement économiques, ce qui peut entrainer l’introduction des restrictions de la
compétitivité. Ces restrictions concernent parfois tous les secteurs de l’économie de la
Communauté2. Et bien qu’il n’y ait pas de doute que pour la plupart des secteurs on a as-
sumé le modèle d’intégration de marché3, le modèle se ramenant à supprimer les limites
à la libre circulation des moyens de production et à conserver la compétitivité libre,
cependant pour certains secteurs élus on a introduit des solutions différentes. L’harmoni-
sation est accomplie comme une forme d’intégration politique (positive) à travers l’har-
monisation des politiques et des législations nationales voire même leur unification sous
la forme de politiques communes (commmon policy) et du marché commun (cammon
market), réalisés directement par des institutions communautaires et à l’aide des actes
appliqués directement dans les pays membres4. Justement ce modèle d’intégration a été
assumé pour le secteur agricole5.
Par rapport au marché européen homogène, la politique agricole se caractérise par
des traits distinctifs nets. La politique agricole commune a fixé des buts qui dépassent
1
Voir V. Emmerich, Prawo gospodarcze Unii Europejskiej, sous réd de M. A. Dauses, R. Skubisz (éd.
polonaise) , Varsovie 1999, p. 641 et suiv.
2
De même V. Emmerich: op. cit., p. 643-644.
3
Nommée par J. Tinbergen le modèle d’intégration négative. L’auteur a distingué aussi l’intégration po-
sitive nommée politique. Voir J.Tinbergen, International Economic Integration, Elsevier, Amsterdam 1954.
La problématique de l’intégration négative et positive a été traitée aussi par W. Molle, Ekonomika integracji
europejskiej. Teoria praktyka, polityka, Gdańsk 1995, p.15, 24 et suiv. (traduction de la deuxième édition du
1994) ; A. Zielińska-Głębocka, Ewolucja integracji gospodarczej w Unii Europejskiej. Wyzwania dla Polski,
Gdańsk 1997, p.10 et suiv.
4
Pour savoir plus sur la théorie d’intégration voir. T. Korbutowicz, Polityka konkurencji Wspólnoty
Europejskiej i Unii Europejskiej w latach 1996-1997, Cracovie 2004, p. 28-32.
5
L’intégration politique concerne aussi : le transport, l’industrie minière et la métallurgie. Pour savoir
plus voir. T. Skoczny, « Prawo konkurencji Wspólnoty Europejskiej », vol. 2, Reguły Sektorowe, Varsovie
2002, p.11.
332 Beata Jeżyńska

considérablement des aspects purement économiques, en prenant en considération la


spécificité de production agricole, les besoins sociaux des producteurs agricoles, la né-
cessité d’assurer un standard de vie convenable, de promouvoir le développement équi-
libré des territoires ruraux et l’unification des différences entre des régions particulières
de production de l’Union Européenne.
Sous cet aspect le marché commun agricole exige une régulation spéciale pour n’ex-
clure aucune possibilité d’agir et d’appliquer des moyens ou des instruments, qui parai-
traient indispensables en pratique pour réaliser des buts envisagés. En conséquence cela
signifie que des régulations de politique agricole commune englobent tout le secteur de
l’agriculture européenne, c’est à dire qu’elles doivent être formées par des institutions
compétentes de l’Union Européenne, en limitant dans cette mesure des compétences de
la législation nationale. La réalisation des buts de la politique agricole commune qui,
considérés séparément, paraissent être en opposition intérieure, exige que des compé-
tences dans ce domaine soient confiées aux institutions compétentes de l’Union, qui
doivent les harmoniser et en cas de besoin admettre la priorité temporaire d’un d’entre
eux, selon des facteurs économiques ou des conditions dans lesquels elles prennent une
décision6. D’où le processus d’européanisation progressive des régulations juridiques7
qui se distingue nettement dans la politique agricole.

1. Évolution de la politique agricole commune

Les principes admis et les instruments de gestion de la politique agricole commune


ont subi une évolution significative au cours des années. La politique agricole commune,
formée à l’origine comme une politique des secteurs – au centre des intérêts de laquelle
il y avait une intensification des processus de production dans l’agriculture – à partir du
milieu des années quatre-vingt-dix du XXe siècle, élargissait nettement la gamme de son
rayonnement sur la zone qui va au delà de production en formant des bases de concep-
tion d’une agriculture multifonctionnelle et équilibrée. En même temps les instruments
d’influence et de gestion de l’agriculture ont subi un changement essentiel. On a accom-
pli leur division en deux piliers qui se complètent mutuellement, dont – actuellement – le
premier englobe des paiements directs et des moyens d’intervention de marché, tandis
que le deuxième dispose des fonds pluriannuels pour le développement des territoires
ruraux.
Les résolutions du Sommet à Luxembourg en juin 2003, précisées ensuite dans la
Stratégie de Lisbonne en 20058, ont apporté les changements les plus significatifs, for-

Voir la décision du Tribunal Européen de Justice Balkan-Import-Export Gmbh contre Hauptzollamt


6

Berlin- Packhof, numéro du dossier 5/73 (1973), ECR 1091.


7
Pour savoir plus voir A. Jurcewicz, B. Kozłowska, E. Tomkiewicz, Wspólna polityka rolna. Zagadnie-
nia prawne, p.40 et suiv. et A. Jurcewicz, « Rola orzecznictwa Trybunału Sprawiedliwości w kształtowaniu
wspólnej polityki rolnej », Studia Iuridica Agraria, vol. 2, Białystok 2001, p.68-81. Voir aussi A. Jurcewicz,
B. Kozłowska, E. Tomkiewicz, « Zasady ogólne prawa europejskiego we wspólnej polityce rolnej », partie
I, Europejski Przegląd Sądowy, 2006, no 4, p.39-47 et partie II, no 5, p. 28-34.
8
La Commission Européenne, Plan działań w zakresie pomocy państwa. Dokument końcowy KOM
2005, Bruxelles le 7.6.2005. www.eurolex.pl [consulté le 10.04.2011].
La politique agricole commune ... 333

mant le caractère multifonctionnel de l’agriculture. La problématique de protection de


l’environnement et du développement et de l’activation des territoires ruraux a été en-
globés par l’objet de régulation de la politique agricole commune.
D’autres changements ont été introduits en raison de la revue de la politique agricole
commune health check. La revue, commencée par un communiqué de la Commission
Européenne9 en novembre 2007, a duré une année et ses résultats ont été présentés dans
un traité du Conseil des Ministres de l’Union Européenne. Ces résultats sont devenus
une base pour approuver et mettre en pratique un paquet législatif, modifiant les instru-
ments actuels de gestion de marché10 et les directives stratégiques de la politique agricole
commune11. Une liste des priorités actuelles a été élargie de soi disant « nouveaux défis »
qui se concentrent sur la lutte contre des changements climatiques, la conservation de
la biodiversité, la promotion de la production de l’énergie renouvelable et l’économie
hydraulique rationnelle. D’autres attentes relatives à la politique agricole commune ont
été formulées dans le Plan Européen pour la Relance Économique12, selon lequel le
développement rural constitue un facteur-clé de lute contre une récession économique.
Des tâches principales dans cette matière seront réalisées par l’introduction des solutions
novatrices dans les domaines de la production, de la société, de l’environnement et du
climat13.
Les priorités indiquées n’introduisent pas d’attentes et d’exigences novatrices, incon-
nues jusqu’ici, dans la politique agricole commune. En revanche elles s’inscrivent dans
la direction de l’agriculture européenne équilibrée et multifonctionnelle14 et qui se forme

9
Bruxelles le 18.11.2010, KOM (2007), 722 version définitive, www.eurolex.pl [consulté le
10.04.2011].
10
En particularité voir: Règlement (CE) no 72/2008 du Conseil du 19 janvier 2009 concernant des
changements dans la politique agricole commune par modification des règlements (CE) no 247/2006, (CE)
no 320/2006, (CE) no 1405/2006, (CE) no 1234/2007, (CE) no 3/2008 et (CE) no 479/2008 et abrogeant les rè-
glements (CEE) no 1883/78, (CEE) no 1254/89, (CEE) no 2247/89, (CEE) no 2055/93, (CE) no 1868/94, (CE)
no 2596/97, (CE) no 1182/2005 et (CE) no 315/2007, J.O. de l’UE L30, du 31.1.2009 p.1 et Règlement (CE)
no 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct
en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de
soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no
378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 J.O de l’UE L 30 du 31.01.2009, p. 16-99 ; Règle-
ment (CE) no 74/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 portant modification du règlement (CE) no1698/2005
concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural
(Feader) J.O de l’UE L 30, du 31.1.2009, p. 100.
11
La décision du Conseil du 19 janvier 2009 modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orienta-
tions stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013)
J.O. L. 30, du 31.01.2009, p. 112-115.
12
Voir point 2.3.2 du Communique de Commission pour Conseil d’Europe le Plan Européen pour la Re-
lance Économique (European Economic Recovery Plan), Bruxelles, le 26.11.2008 COM (2008) 800 version
définitive www.eurolex.pl [consulté le 11.04.2011].
13
Par contre la lutte contre l’exclusion et la marginalisation sociale seront réalisées dans le cadre des
actions novatrices par la popularisation de l’accès à l’Internet à haut débit sur les territoires ruraux. Voir
le Communique de Commission ; « Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable
et inclusive » , Bruxelles le 03.03.2010, Com (210) 2020 version définitive www.eurolex.pl [consulté le
11.04.2011].
14
Au sujet de l’agriculture équilibré et multifonctionnelle voir. A. Szymecka, « Nowe wyzwania Wspól-
nej Polityki Rolnej. Uwarunkowania systemowe », [in :] Ocena prawna health check na przyszłość Wspól-
nej Polityki Rolnej. Zbiór ekspertyz w ramach projektu badawczego, sous la réd. de A.Sokala, B. Rakoczy,
334 Beata Jeżyńska

pendant ces dernières années. Cette direction prévoit l’accomplissement par l’agricul-
ture non seulement de sa fonction élémentaire – production des produits alimentaires,
mais aussi la réalisation des fonctions supplémentaires telles que la protection de l’en-
vironnement – notamment du sol, de l’air, de l’eau et de la biodiversité, la préservation
des paysages et le maintien des traditions et des cultures des territoires ruraux. « Les
nouveaux défis » marquent notamment des plans principaux d’influence de la politique
agricole commune et la direction d’aides financières qui ont été déclarées justifiées pour
des raisons sociales. Ces défis ont contribué à une consolidation des buts de la politique
agricole commune avec les buts plus vastes de la politique socio-économique de l’Union
Européenne. 15

2. Directions des changements de la politique agricole commune après 2013

Des solutions juridiques assumées dans le cadre du paquet législatif, avec des concep-
tions du nouveau budget de l’Union Européenne auront une influence essentielle sur la
forme de la politique agricole commune après 2013. Quoique les décisions définitives
dans ce domaine n’aient pas encore été prises, c’est pourtant les tendances principales et
les domaines des changements futurs qui ont été déjà nettement indiqués. Un communi-
qué de la Commission adressé au Parlement, au Conseil, au Comité Économique et So-
cial et au Comité des Régions PAC jusqu’à 2020 – « répondre aux défis de l’avenir, liés
à l’alimentation, aux ressources naturelles et aux aspects territoriaux » du 18 novembre
201016 résume le débat public, sur une grande échelle, en ce qui concerne les reformés
de la politique agricole commune et indique les directions principales des changements
et les buts à réaliser par la réforme planifiée17.
2.1. Sur la base du matériel ramassé, la Commission a élaboré une position unanime,
dont résultent des conclusions définies. En simplifiant la problématique, les change-
ments se présentent ainsi : 1. La reforme de la politique agricole après 2013 ne devrait
pas endommager la construction principale du fonctionnement de la politique agricole
commune, basée sur deux piliers – l’un du marché et l’autre structurel. 2. Il est néces-
saire de soutenir aussi le potentiel dans le cadre de production d’aliments sur le territoire

Toruń 2010, p. 37-61, du même auteur : « Wielofunkcyjne przedsiębiorstwo rolne w prawie włoskim »,
Przegląd Prawa Rolnego, 2007, no 1, p. 225 et suiv. et la bibliographie citée là-bas.
15
Voir Communiqué de Commission Européenne : Europe 2020…, version définitive.
16
Bruxelles, le 18.11.2010 COM (2010) 672, version définitive www.eurolex.pl. [consulté le
10.04.2011].
17
En train du débat public on avait déposé quelques milliers des opinions et positions des pays membres
concernant l’étendue et les directions de reforme PAC. Le Parlement Européen a assume le protocole relatif
à la forme de politique agricole après 2013 et la consolidation des buts de PAC avec la stratégie Europe
2020. Voir www.europarl.europa.eu. [consulté le 30.01.2011]; Les positions des pays membres constituaient
un élément du débat voir. Ocena prawna wpływu health check na przyszłość Wspólnej Polityki Rolnej. Zbiór
ekspertyz w ramach projektu badawczego, sous la réd. de A. Sokala, B. Rakoczy, Toruń 2010 ; La position
de Pologne contient: Stanowisko Rządu Rzeczypospolitej Polskiej w sprawie przyszłości Wspólnej Polityki
Rolnej Unii Europejskiej po 2013r.www.gov.pl consulté le 1.02.2011] et un cycle des publications initiés par
Le Forum des Initiatives du Développement, qui se sont apparus dans la revue Wieś i Rolnictwo de 2010, no
1-4 rédigée par, entre outres: J. S. Zegar, L. Goraj, oraz W. Poczta.
La politique agricole commune ... 335

de toute l’Union dans le but de garantir aux habitants de l’Europe la sécurité alimentaire
durable et de contribuer à satisfaire la demande croissante d’alimentation, qui selon FAO
augmentera de 70 % jusqu’au 2050. 3. Les changements doivent promouvoir et soute-
nir la production de l’alimentation diversifiée, de haute qualité, produite d’une façon
équilibrée, conformément aux exigences dans le cadre de protection d’environnement,
des ressources d’eau, de santé et du bien-être animalier, de la santé des plantes et de la
santé publique. 4. Une gestion active des ressources naturelles par l’agriculture a été
considérée comme un moyen-clé pour préserver le paysage rural, soutenir la diversité
biologique et adoucir le climat. 5. L’activité agricole devrait constituer une base du déve-
loppement dynamique des territoires ruraux et de leur efficacité économique. Ceci a été
considéré comme un facteur essentiel pour former des postes locaux de travail et pour
incorporer et prévenir de la marginalisation des localités rurales.
Il en résulte que la politique agricole reformée devrait englober le premier pilier, celui
qui est plus écologique et qui est basé sur une division juste des fonds. Tandis que dans
le cadre du deuxième pilier cette politique devrait se concentrer sur la compétitivité, la
diversification et l’innovation de production, la prévention des changements climatiques
et les autres facteurs qui dégradent l’environnement naturel. Elle doit réaliser aussi des
buts liés au développement territorial équilibré. La gestion de l’aide financière, très dis-
cutable dans son état actuel, suite à la réforme devrait n’englober que des agriculteurs
actifs et constituer une forme de rémunération pour des prestations et des services pu-
blics fournis par l’agriculture à la société, surtout liés à la protection de l’environnement
et à la lutte contre les crises mondiales surtout dans le cadre du déficit d’alimentation.
La Commission signale que le fait d’assumer par l’agriculture d’autres fonctions que
celles qui consistent à livrer des produits agricoles est l’un des arguments essentiels qui
justifient les dépenses pour la politique agricole commune. Pourtant il est nécessaire
d’assurer un contrôle efficace de l’utilisation de l’aide accordée et de simplifier des pro-
cédures de son attribution.
2.2. La réalisation de buts tellement définis exige une modification essentielle des
instruments actuels de la gestion de l’agriculture. Malgré les différences nettes dans les
positions présentées par des pays membres, il faut tenir pour acceptés des changements
dans le cadre des aides directes, des actions publiques d’intervention et du système de
quotas de production.
Les adaptations nécessaires des paiements directs concernent surtout les règles de
redistribution de l’aide accordée de telle façon qu’elle soit accomplie d’une manière et
selon une procédure comprises par le contribuable européen. C’est pourquoi on propose
que les moyens financiers soient attribués selon les critères suivants : économique – en
réalisant ainsi une fonction essentielle, c’est à dire le fait de soutenir des recettes des pro-
ducteurs agricoles, et environnemental – comme une rémunération pour le fait de fournir
par l’agriculture des biens publics liés à la protection d’environnement. La Commission
indique que les systèmes actuels de paiements – historique, régional, mixte ou simplifié
devraient être standardisés et en conséquence assumer la forme du paiement homogène
et forfaitaire, qui dépendrait de la surface de la propriété foncière faisant partie de l’ex-
ploitation rurale et qui ne serait attribué qu’aux producteurs agraires actifs. L’importance
de la prestation subira une restriction vu la réception du plafond maximal des paiements
336 Beata Jeżyńska

et la dépendance de son attribution de satisfaction aux conditions géographiques notam-


ment celles définies par cross-compliance18.
Le système d’intervention sur le marché a été considéré comme celui qui exige les
changements les plus urgents indiquant que le catalogue actuel, élargi et développé, des
moyens communautaires et nationaux qui servent à stimuler le marché doit subir une res-
triction au niveau d’un soi-disant « filet de sécurité ». Ce filet ne serait mis en route qu’en
cas des cataclysmes graves ou d’une déstabilisation des marchés. Cependant dans les condi-
tions habituelles de production et d’introduction des produits agricoles sur le marché, les
organisations des producteurs qui agissent dans le cadre des marchés agricoles devraient
réaliser les pouvoirs dans le cadre de la stabilisation des marchés et de la formation de l’of-
fre. Par conséquent dans les positions présentées par des pays membres, relativement à la
perspective des changements ultérieurs de la politique agricole commune après l’an 2013,
l’opinion selon laquelle il faut unifier le système de fonctionnement des organisations
de producteurs agricoles et de leurs associations dans tous les secteurs de production est
dominante. Ce serait réalisé à l’exemple de celles admises dans le secteur des fruits et des
légumes. Les règles unifiées du fonctionnement seraient les plus avantageuses, car elles
ne différencieraient pas la situation juridique des producteurs selon le produit et le groupe
des produits, qui sont fournis. En outre elles stabiliseraient effectivement des marchés de
toutes les branches en passant du but qui consiste à adapter l’offre et la demande par la
taille de la production, le soutien de restructuration des branches particulières et le fait
de prévenir et gérer le risque et les crises.19 En surplus il paraît nécessaire d’élaborer des
règles et des instruments de gestion du risque, admis à l’utilisation dans des situations de
crise – surtout du danger de diminution des revenus, de limitation des investissements ou
de la diminution de compétitivité de production agricole. Des instruments dont on parle
sont surtout des fonds d’investissement spécial et des fonds d’assurance.
18
La Commission dans son communiqué le 18.11.2010 signale que dans les situations justes telles que :
le fait d’effectuer l’activité économique dans les conditions ayant des restrictions naturelles particulières, sur
les territoires englobés par le programme NATURE 2000, ou dans les circonstances autres que justifiées éco-
nomiquement ou socialement, les principes d’attribution des paiements et leur importance peuvent être mo-
difiés ou complétés par autres sources, pour ne pas limiter la vitalité des territoires ruraux et améliorer leur
compétitivité. La problématique du règle de l’accord réciproque a été déjà présentée plus largement. Voir B.
Jeżyńska: « Znaczenie i funkcje zasady cross – compliance w systemie rolniczych dopłat bezpośrednich »,
Studia Iuridica Lublinensia, Volume XIII, Lublin 2010, p. 35-50.
19
Les besoins de tels changements sont fortement soulignés par le gouvernement de France et d’Italie.
Voir. A. Szymecka: Analiza proponowanej reformy Wspólnej Polityki Rolnej (tzw. health check) z punktu
widzenia interesów Włoch [w:] Reforma Wspólnej Polityki Rolnej z 2008r. (health check) z punktu widze-
nia interesów wybranych państw członkowskich, Varsovie 2008, p. 23 24 ; P.Bryła: « Analiza propono-
wanej reformy Wspólnej Polityki Rolnej (tzw. health chec) z punktu widzenia interesów Francji » [in :]
Reforma Wspólnej Polityki Rolnej z 2008r. (health check) z punktu widzenia interesów wybranych państw
członkowskich, Varsovie 2008, p. 117- 124. La Commission Européenne dans son communique convoqué le
18.11.2010 souligne que la participation plus grande des producteurs agricoles influencerait positivement le
fonctionnement du chaine des livraisons d’alimentation. Surtout qu’une tendance à la diminution de parti-
cipation des agriculteurs dans une valeur additive, générée par la chaine des livraisons d’alimentation du 29
% en 2000 au 24 % en 2005 est visible. Tandis qu’en même temps la participation d’industrie alimentaire,
du secteur du commerce en gros et du secteur de distribution ont augmenté. Cf. Poprawa funkcjonowa-
nia łańcucha dostaw żywności w Europie, COM (2009) 591 du 28.10.2009 www.eurolex.pl. [consulté le
11.04.2011].
La politique agricole commune ... 337

Dans le domaine des instruments du marché, englobés par des changements planifiés
il y a aussi des quotas de production, surtout du lait, du sucre, de l’isoglucose. Le retrait
planifié du système des quotas de production sera accompli graduellement et devrait
s’achever en 2015. L’évaluation du fonctionnement des marchés indique qu’une déro-
gation aux méthodes utilisées de limitation de production améliora leur compétitivité et
influencera positivement le développement de ces secteurs de production.
2.3. On peut admettre que la direction présentée des changements soit acceptée
d’avance. Notamment la question de l’étendue, de la voie et des méthodes d’application
des reformes reste ouverte. La Commission Européenne indique trois versions possi-
bles.
La première version a un caractère évolutif. Elle présuppose des changements gra-
duels dans la politique agricole en vigueur. Dans cette version des aspects des règles en
vigueur, estimés négativement, seraient modifiés sans violer pourtant une continuité et
stabilité actuelle de la politique agricole commune.
La deuxième version a un caractère plus radical et prétend réaliser la restructuration
de la politique agricole commune, qui conduit à la rendre plus souple et à accommoder
des buts généraux européens par le renfoncement de l’apport de l’agriculture et des terri-
toires ruraux dans La Stratégie Europe 2010. Elle présuppose la limitation des dépenses,
leur contrôle plus efficace et l’amélioration de l’effectivité de leur utilisation.
La troisième version présuppose la réforme de la politique agricole, et notamment sa
limitation exclusivement aux aspects sociaux, climatiques et ceux du développement des
territoires ruraux. Les zones de l’influence du marché, du soutien des revenus agricoles
et des actions d’intervention dépasseraient le cadre de la politique agricole commune et
seraient dans la gestion de différents pays membres.

3. Remarques finales

Chacune des versions proposées a ses valeurs et ses défauts. Elle a ses partisans et ses
adversaires dans les positions présentées par différents pays membres. Le choix d’une
version de reforme de la politique agricole commune sera effectué dans l’avenir le plus
proche et il sera précédé par une vive discussion . Ce choix est d’une énorme importance
économique et sociale, car il définira la forme de la politique agricole commune et par
conséquent la position de l’agriculture dans différents pays membres pour les années
suivantes. Dans ce contexte l’engagement de la Pologne dans le processus de formation
des reformes de la politique agricole commune, notamment par rapport aux autres pays
européens, paraît être trop faible. Les intérêts de l’agriculture polonaise restant tout le
temps très loin derrière l’avant-garde de l’agriculture européenne et demanderaient plu-
tôt une participation accrue dans la discussion en cours. Et même il faudrait reconnaitre
que les accords concernant l’étendue de la reforme de la politique agricole commune
sont une priorité de la politique polonaise au niveau européen, notamment pendant la
période de la présidence polonaise de l’Union Européenne.
Jan S z reniawski

La politique administrative à la faculté de droit et


d'administration

L’importance et le rôle de la deuxième et de la troisième partie du trio classique


admettant que les connaissances en administration relèvent de l’étude du droit admi-
nistratif, de l’administration et de la politique administrative, dont Fritz Stier-Somlo et
Walter Jellinek sont considérés comme les créateurs ou, du moins, ceux qui l’avaient
introduite dans la littérature, ne se sont fait vraiment remarquer en Pologne qu’à la fin
des années cinquante et au début des années soixante. Dans ce contexte, les publications
des professeurs Jerzy Starościak et Franciszek Longchamps1, sont devenues des référen-
ces importantes des discussions animées à ce sujet, s’appuyant souvent sur la littérature
et sur les contacts en Europe occidentale2. Lors des discussions menées à différentes
occasions, ainsi que pendant les séminaires scientifiques et les rencontres nationales
des universitaires représentant les facultés de droit administratif de toute la Pologne, il
a souvent été constaté que le trio classique se composant en somme des connaissances
en administration, devrait constituer le point de départ des recherches scientifiques dans
le domaine de l’administration et de la formation universitaire des étudiants, futurs em-
ployés administratifs. Les discussions en question avaient également pour objectif de
créer de nouvelles conceptions générales de l’organisation et des principes de fonction-
nement de l’administration de sorte à faire resurgir de la didactique du droit administratif
des disciplines nouvelles et autonomes, telles que : le droit de gestion en économie, la
théorie de l’organisation et de la gestion ou l’histoire de l’administration.
Lors des délibérations à ce sujet, on revenait au passé et on soulignait entre autres que
la généralisation des expériences pratiques et la création de la théorie de l’administration
à la fin du XVIIIe siècle, ont abouti à la conclusion que l’étude du droit administratif ne
donne pas de connaissances complètes, indispensables pour une gestion compétente. Il
a été souvent rappelé que le juriste Lorenz von Stein, à la fin du XIXe siècle cherchait des

1
Il s’agit entre autres des publications du professeur Jerzy S. Langrod qui envoyait à ses collègues
polonais des publications et qui les mettait en relation avec des centres de recherche à l’étranger. Dans sa
fameuse œuvre, intitulée Instytucje prawa administracyjnego, éditée en 1948, il utilise le terme de « poli-
tique administrative » qui peut être utilisé par la suite dans l’évaluation des phénomènes administratifs et
l’association des mesures administratives avec la politique.
2
J. Starościak, Elementy nauki administracji, 1964 ; F. Longchamps, Założenia nauki administracy-
jnej, 1949 ; F. Longchamps, Współczesne kierunki w nauce prawa administracyjnego na zachodzie Europy,
1968.
340 Jan Szreniawski

solutions communes pour les services et types d’administration différents en enchaînant


les réflexions politiques et économiques à la description de l’état réel de l’administra-
tion. Par ailleurs, on affirmait que les recherches des caméralistes et des Polizeiwissens-
chaft (ou des représentants des « sciences de la police ») avaient une forte influence sur
les affaires économiques de l’État et que les études portant sur la loi et son application,
ainsi que sur l’objectif et les méthodes d’ingérence de l’État dans différents domaines de
la vie favorisaient la création de la théorie de l’administration. On se rendait compte que
les théoriciens (entre autres, J. Jastrow) soulignaient le rôle de la théorie de l’administra-
tion, son caractère social et son autonomie croissante par rapport au droit administratif,
en créant ainsi d’une façon assez évidente la notion de la politique administrative. Les
différents interlocuteurs admettaient que les connaissances en administration devaient
répondre à la question : comment, pourquoi et dans quelles circonstances on administre
et, par conséquent, comment devait-on le faire3?
L’étude des synergies et des divergences entre les trois secteurs faisant partie
des connaissances en administration a contribué à la démultiplication des recherches
et à l’exploitation créative de leurs résultats. Il a toujours été question d’attirer l’attention
sur le fait que la création des disciplines autonomes portant sur les structures, les fonc-
tions, leurs liens avec la réalité, la détermination des objectifs, la conception des pro-
jets et des modalités de leur mise en œuvre, allégera l’enseignement et l’étude du droit
administratif par le fait de ne plus s’occuper des questions communes pour toutes les
disciplines de l’administration et des descriptions précisant les principes et les modalités
de fonctionnement, ainsi que les compétences des différents organes de l’administration.
Walter Jellinek a fortement souligné la nécessité de distinguer trois disciplines-clés pour
le développement de la théorie et l’amélioration de la qualité du fonctionnement prati-
que des différentes entités administratives. Il associait le rôle de l’administration en tant
que discipline au besoin d’une description minutieuse de la réalité administrative, aux
recherches des différents conditionnements, entre autres sociaux, économiques, histori-
ques, culturels et relevant des contacts mutuels avec d’autres pays, sans oublier l’acquis
des sciences telles que la statistique ou la sociologie. La politique administrative en tant
science aurait, selon lui, pour objectif d’étudier d’un côté les besoins immuables, de
l’autre évolutifs de la vie et de créer sur cette base des indices permettant de mettre en
question les pratiques administratives courantes en vue de leur amélioration.
Les chercheurs occidentaux ont toujours souligné l’indépendance des différentes
parties de l’administration en tant que discipline en matière des méthodes de recher-
che, sources d’inspiration et d’attentes des résultats.4 La présentation laconique de ces
questions, constituant une sorte de définition, a souvent été ramenée à l’affirmation que
la connaissance du droit administratif se rattache au verbe « devrait » ; à l’étude de
l’administration on associe le verbe « est », et la politique administrative en tant que
discipline se base sur l’expression « cela devrait être ainsi ».
La dissonance remarquable entre le progrès technique, les méthodes traditionnelles
et la culture administrative a généré à la fin du XIXe et au début du XXe siècle la néces-
3
J. Jeżewski, « Polityka administracyjna, zagadnienia podstawowe », [in :] A. Błaś, J. Boć, (réd.)
J. Jeżewski, Administracja publiczna, Wrocław 2002.
4
 Z. Leoński, Nauka administracji, Varsovie 2002.
La politique administrative à la faculté ... 341

sité de concevoir de nouvelles méthodes et de nouveaux principes de fonctionnement


de l’administration. Le besoin de moderniser l’administration a poussé les chercheurs
vers les expériences acquises dans la gestion de l’industrie aux États-Unis et en Europe
occidentale. Les recherches scientifiques se basant sur les savoir-faire entre autres de
Frédéric Tayor, Karol Adamiecki et Henri Fayol, l’acquis théorique de Max Weber, El-
ton Mayo et Abraham Maslov5, le besoin de vaincre la crise économique des années 30,
la première et la seconde guerres mondiales, ainsi que la situation politique et économi-
que de la période après l’année 1945, ont amplifié les efforts pour mettre les principes
théoriques et l’enseignement du droit administratif en corrélation avec la pratique. On
peut tout de même remarquer dans le cadre du trio classique certaines tendances à mettre
en valeur le droit administratif et à repousser au second plan l’apprentissage de l’admi-
nistration et de la politique administrative.
Dans la période suivant la seconde guerre mondiale, s’est fait sentir un fort déficit
des cadres supérieurs et la nécessité de former rapidement des juristes et des adminis-
trateurs connaissant entre autres le droit, ce qui peut justifier un moindre intérêt pour
la théorie de l’administration. Les publications se limitaient le plus souvent à présenter
un aperçu des dispositions légales en évolution constante et les manuels du droit admi-
nistratif ne présentaient que d’une façon laconique, dans les parties à caractère général,
certains principes du fonctionnement de l’administration et de la politique administra-
tive. Peu nombreux étaient les manuels du droit administratif qui ajoutaient à leur titre
« et d’apprentissage de l’administration », ou qui inséraient certains contenus de la poli-
tique administrative aux réflexions portant sur l’apprentissage de l’administration6.
Les changements de la situation générale et politique dans le monde, l’ouverture
de la Pologne au contact avec d’autres pays et la nécessité d’adapter l’administration
aux nouveaux défis, ont encouragé les recherches théoriques portant sur l’administration.
L’influence de plus en plus forte de l’économie, de la politique, du progrès technologi-
que, de la conscience des citoyens et des besoins croissants en terme d’administration,
a dévoilé des lacunes en matière de gestion des processus de développement uniquement
à l’aide des mesures juridiques et a généré un intérêt accru pour les facteurs et mécanis-
mes non issus de la loi. On a commencé à mettre un accent particulier sur la connais-
sance des mécanismes conditionnant le fonctionnement et la construction de l’appareil
administratif, sur ses liens avec la politique de l’État, le rôle des experts ou l’accès à
l’information. Et, on remarquait que les sciences telles que la théorie de l’organisation et
de la gestion, la sociologie, la psychologie ou l’informatique pouvaient fournir un apport
important dans les recherches en administration.
Les années soixante apportent des publications importantes, évoquant de fortes po-
lémiques sur la connaissance réelle de l’administration. Les années quatre-vingt foison-
nent en articles intéressants et inspirants, publiés dans le mensuel Organisation-Métho-

5
J. Kurnal (réd.) Twórcy naukowych podstaw organizacji, Varsovie 1972 ; Z. Martyniak, Prekurso-
rzy nauki organizacji i zarządzania,Varsovie 1989 ; M. Zdyb, Zarys historii myśli organizacyjnej, Lublin
1987.
6
 �����������������������������������������������������������������������������������������������������
J. Szreniawski, « Rola nauki administracji i nauki polityki administracyjnej w kształceniu kadr admi-
nistracji », [in :] Z. Bukowski (réd.) Księga Pamiątkowa Profesora Ryszarda Paczuskiego, TNOiK-Akade-
mia Bydgoska, Bydgoszcz 2004.
342 Jan Szreniawski

des-Technique sous la rédaction du professeur Marcin Jełowiecki, par des théoriciens,


chercheurs et praticiens expérimentés, ce qui éveille un plus grand intérêt, nourrit le
besoin d’approfondir les recherches sur le fonctionnement de l’administration et permet
de préciser les champs d’étude des trois parties constitutives de l’administration comme
discipline7. Dans les années quatre-vingt-dix, de nombreux auteurs signalaient la néces-
sité de distinguer et de préciser les contenus et rôles des trois parties constitutives de
l’administration en tant que discipline. Beaucoup d’effort a été mis à cerner les champs
d’étude et les besoins en précisant que l’administration en tant que science apporte des
informations sur l’état réel de l’administration, la politique administrative par contre
prévoit les conséquences de ses activités et les possibilités d’agir dans le cadre de la loi,
d’évaluer et de vérifier les décisions prises, les méthodes et techniques de travail, ainsi
que de tirer des conclusions en terme de modifications pratiques à apporter. Les domai-
nes spécifiques de la politique administrative concernant par exemple la politique éduca-
tive, sanitaire ou agricole doivent se baser sur le niveau des connaissances de l’ensemble
de la population, le pourcentage des personnes ayant achevé une formation supérieure,
le niveau des écoles, l’état sanitaire du pays, les habitudes hygiéniques d’un citoyen
moyen, la structure des exploitations agricoles, le nombre de personnes travaillant dans
l’agriculture, la productivité, les lois qui déterminent les compétences des différents or-
ganes de l’administration et leur mise en application réelle. L’étude de la politique admi-
nistrative a pour objectif entre autres d’évaluer le rôle de la loi dans la réalisation de la
politique de l’État, de vérifier si cette politique constitue une bonne base pour l’interpré-
tation des normes juridiques et si elle permet d’influencer la société et si les convictions
sociopolitiques de la société ont un impact sur le fonctionnement de l’administration.
Les discussions ont démontré la conviction que les trois parties constitutives créent une
certaine unité, en se complétant mutuellement, et que beaucoup de thèmes rentrent dans
le champ d’intérêt de toutes les trois parties.
Les programmes d’enseignement proposés à la faculté de droit et d’administration,
ainsi que les formations des cadres et employés administratifs repoussent au second plan
les phénomènes dont s’occupent l’administration en tant que discipline et la politique
administrative au profit du droit en tant que tel. Il est possible de démontrer de nombreux
secteurs d’activité de l’État justifiant la nécessité de mener des recherches relevant du
champ d’étude de toutes les trois parties des connaissances en administration. Ainsi, par
exemple, la démocratie, l’État de droit, la décentralisation, la création des chances éga-
les pour tous les citoyens ou l’attitude des employés par rapport aux clients, devraient,
en tant que questions fort importantes pour l’État et pour la vie publique, constituer les
domaines d’études minutieuses et approfondies.
La démocratie, comprise dans le bon sens de ce terme et dont les principes devraient
être réalisés en pratique, est une préoccupation d’une grande importance. Les questions

Entre autres M. Jełowiecki, « Teoria polityki administracyjnej », [in :] Acta Universitatis Wratisla-
7

viensis 1985, Prawo CXLIII ; J. Starościak, Administracja – Zagadnienia teorii i praktyki, Varsovie 1974 ; J.
Szreniawski, Wprowadzenie do zagadnień polityki administracyjnej, Lublin 1978 ; J. Jełowiecki, « Dorobek
nauk administracyjnych w dziedzinie teorii polityki administracyjnej », Organizacja-Metody-Technika, Nº
3/1981 ; J. Wołoch, « Próba zrekonstruowania pojęcia polityki administracyjnej », Studia Nauk Politycz-
nych , Nº 1/1975.
La politique administrative à la faculté ... 343

telles que par exemple la protection des droits des minorités ou les élections considé-
rées comme un instrument important de la démocratie, méritent d’être mises au centre
d’intérêt. Les discussions, connues dès l’antiquité, portant sur l’égalité des votes sont
toujours d’actualité. Le niveau général d’éducation s’améliore, mais il existe toujours
des milieux moins engagés dans la vie sociale, peu actifs et facilement manipulables
par les démagogues, mais dont les voix comptent autant que les voix des membres des
milieux plus engagés et mieux formés. Il s’est avéré que les différentes tentatives d’in-
troduire de nouveaux critères, tels que par ex. le lieu de domicile, le statut financier, le
niveau de formation etc. ont échoué et que l’on revenait à chaque fois au principe qu’un
« électeur égale une voix ». Les études menées dans le cadre de la politique administra-
tive peuvent certainement apporter beaucoup de remarques importantes sur les principes
liés au droit de vote, sur l’application des systèmes majoritaires et proportionnels grâce
auxquels une société populiste peut devenir une sorte de communauté capable de créer
des organes agissant au nom du bien commun, des circonscriptions à un ou plusieurs
mandat(s), des méthodes d’attirer des partisans, des techniques de les contrôler, ce qui
devrait contribuer à renforcer l’influence des citoyens sur le fonctionnement de l’État et
sur la qualité du fonctionnement de l’administration publique. Les questions telles que
l’État de droit, l’égalité des citoyens par rapport à l’État, la prévention des pathologies,
dont la corruption, le népotisme, les relations politiques et personnelles, ainsi que la
qualité des contrôles, la transparence du fonctionnement des organes publics et l’accès
à l’information -si importants du point de vue de la qualité du fonctionnement de l’État-
devraient se retrouver au cœur de le politique administrative.
La politique administrative en tant que discipline se focalise également sur la ques-
tion des cadres dans l’administration. Les citoyens, clients, contribuables, destinataires
des ordonnances et d’interdictions ont le contact avec l’État principalement par l’inter-
médiaire du fonctionnaire, représentant l’État et possédant certaines compétences. Le
lien direct entre le fonctionnement de l’administration publique et la politique de l’État
est une chose naturelle et évidente, car le fonctionnement de l’administration vise la réa-
lisation des objectifs politiques. La transformation du « pouvoir » administratif en « ser-
vices » administratifs et du « client ‘’intrus’’ » en « client conscient de ses droits », la
création des services politiques civils se basant sur le principe que « le pouvoir change,
mais les fonctionnaires compétents restent » et assurant une certaine continuité, voire la
permanence du fonctionnement de l’administration éthique, efficace, utilisant des instru-
ments de travail modernes et joignant les intérêts communs avec les intérêts individuels,
devraient constituer la préoccupation de la politique administrative, montrant les points
faibles et les moyens d’améliorer la situation dans ce domaine8.
Le fonctionnement de l’administration publique, même si celle-ci profite en géné-
ral d’outils de travail modernes, devient ces derniers temps de plus en plus difficile,
8
B. Kudrycka, Dylematy urzędników administracji publicznej, Białystok 1995 ; B. Kudrycka, « Neu-
tralność polityczna urzędników », [in :] Służba cywilna a etyka, Varsovie 1998 ; A. Piekara, « Stosunki
urząd-obywatel i kultura administracji w demokratycznym państwie », [in :] A. Piekara (réd.), Samorząd
terytorialny a jakość administracji publicznej, Varsovie 2002 ; J. Szreniawski, « Z zagadnień prawidłowego
stosunku obywatela z urzędem w demokratycznym państwie prawnym », [in :] Państwo, prawo, myśl praw-
nicza. Księga jubileuszowa profesora Grzegorza L. Seidlera, Lublin 2003.
344 Jan Szreniawski

complexe, compliqué, demande de plus en plus de responsabilité et dépasse les sphères


habituelles de ses compétences. Ceci est lié entre autres à l’accroissement des besoins
et des attentes sociales auxquels les organes de l’administration publique, les différentes
institutions et les fonctionnaires sont censés répondre. Les divers projets des citoyens,
des associations, des collectivités territoriales et autres espèrent avoir une aide concrète
de la part de l’administration publique. Le fondement théorique de son fonctionnement,
le fait d’utiliser les expertises et les opinions, les pronostics ou analyses, devrait rester
en étroite liaison avec la façon d’administrer. La théorie ne devrait pas se limiter unique-
ment à l’évaluation et aux commentaires après la mise en œuvre des décisions prises,
mais elle devrait être prise en compte lors de l’étape de planification des activités.
L’adaptation de l’acquis théorique à la pratique n’est pas facile. Ce qui semble être
très important, c’est le rôle de prévoyance, d’évaluation et de pronostic de la politique
administrative, par conséquent les cadres administratifs devraient le connaître et le met-
tre en application. D’où la nécessité d’un apprentissage de la politique se basant sur
la connaissance de la loi en vigueur et de la réalité, ce qui constitue l’objet d’étude de
l’administration et qui permet d’évaluer le fonctionnement de l’administration en ma-
tière de la politique. Il est certainement difficile de participer dans la création d’une telle
politique, étant donné qu’elle est souvent conçue par des entités d’en dehors de l’admi-
nistration, par différents groupes de représentants, partis politiques, groupes de pouvoir,
diverses institutions de la vie publique et d’autres personnes intéressées. Néanmoins, les
employés de l’administration, en particulier les cadres supérieurs, devraient savoir coo-
pérer avec les hommes politiques en matière de politique administrative. La Constitution
prévoit que les organes du pouvoir politique, élus d’une façon démocratique, prennent
des décisions générales et les organes de l’administration, ayant un caractère semblable,
les mettent en application, en faisant entre autres les meilleurs choix et en adaptant leurs
décisions aux objectifs à réaliser. Les décisions des organes au pouvoir, réunies sous
forme des lois, déterminent les objectifs du fonctionnement de l’administration.
Ainsi, peut-on observer les besoins sociaux en termes de résultats de recherches.
Les chercheurs universitaires, les contacts scientifiques avec des centres étrangers,
les publications, aussi bien théoriques que celles ayant la forme de manuels – même
si la politique administrative est un sujet moins souvent abordé que le droit administratif
et l’administration en tant que discipline – créent un bon point de départ pour l’améliora-
tion des connaissances en administration parmi les personnes liées à l’appareil adminis-
tratif, et en particulier, pour permettre aux écoles supérieures d’illustrer aux étudiants ce
que représente la politique administrative et quels sont ses objectifs, pour mieux préparer
par la suite les acteurs sociaux et les hauts cadres de l’État, former des chercheurs ayant
des savoir-faire indispensables pour la mettre en application. Les cadres universitaires
bien formés, les publications et les manuels portant sur l’apprentissage de l’administra-
tion9 – si responsable et difficile vu le rythme de changements politiques – la politique

9
Entre autres S. Kowalewski, Nauka administracji, Varsovie 1975 ; J. Służewski, Zarys nauki admi-
nistracji , Varsovie 1979 ; M. Jełowiecki, Nauka administracji i techniki administracyjne, Płock 1994 ;
Z. Leoński, Nauka administracji, Varsovie 2004 ; E. Knosala, Zarys nauki administracji, Varsovie 2006 ;
J. Łukasiewicz, Zarys nauki administracji, Varsovie 2004 ; S. Wrzosek, System-administracja publiczna,
systemowe determinanty nauki administracji, Lublin 2008 ; J. Szreniawski, Wstęp do nauki administracji,
La politique administrative à la faculté ... 345

administrative10 de l’État, mais aussi l’intérêt que lui prêtent les étudiants, créent des
conditions favorisant la formation des experts, aptes à répondre aux attentes sociales et
garants de la stabilité de l’État.

Lublin 2004 ; J. Łukasiewicz, (réd.) « Nauka administracji wobec wyzwań współczesnego państwa pra-
wa », Conférence TNOiK Rzeszów 2002 ; R. Stasikowski, Funkcja regulacyjna administracji publicznej,
Bydgoszcz 2009.
10
J. Jeżewski, « Polityka administracyjna. Zagadnienia podstawowe », [in :] A. Błaś, J. Boć (réd.),
J. Jeżewski, Administracja publiczna, Wrocław 2002 ; J. Jełowiecki, « Dorobek nauk administracyjnych
w dziedzinie teorii polityki administracyjnej », Organizacja-Metody-Technika, Nº 3/1981 ; T. Kuta, « Miej-
sce polityki administracyjnej w Rzeczypospolitej nauk administracyjnych i główne kierunki jej rozwoju »,
Organizacja-Metody-Technika, Nº 10/1987 ; J. Szreniawski, « Władza a polityka administracyjna », Orga-
nizacja-Metody-Technika, Nº 5-6/1981. Des discussions intéressantes et créatives concernant le rôle et la
signification de la politique administrative, dans lesquelles ont participé des experts en la matière polonais et
étrangers, ont eu lieu lors de la IVème Conférence scientifique internationale, TNOiK en septembre 2008 ; J.
Łukasiewicz (réd.), Politique administrative, Rzeszów 2008 ; J. Szreniawski, « Niektóre zagadnienia kształ-
cenia prawników i administratorów », [in :] K. Rajchel (réd.), Dylematy jakości ksztalcenia w uczelniach
wyższych, Rzeszów 2008 ; P. Szreniawski, Nauka o polityce administracyjnej, Rzeszów 2008.
A gnies zka Zi ółk o wska ,
A nna G ro nkiewicz

La politique administrative envers les personnes menacées


d’exclusion sociale – une contribution aux réflexions
sur ce thème

La vocation principale de l’administration publique est d’assurer un service aux ci-


toyens en satisfaisant leurs premiers besoins à des niveaux différents de la vie sociale.
Les sujets exerçant des devoirs administratifs; à savoir, les agents administratifs, pro-
viennent souvent d’un milieu scientifique1, ce qui permet de lier les principes théoriques
à la pratique et d’avoir en même temps une influence fondamentale sur l’amélioration
de la qualité de son action. Pour tendre vers le modèle d’une « bonne administration »,
en dehors des législations normatives, on élabore des programmes, des stratégies, des
plans et des projets. Ces derniers indiquent le chemin vers une meilleure réalisation des
attentes qui se présentent devant l’administration moderne, tout en étant en même temps
l’expression d’un processus politique décisif2.
La science d’administration n’est pas une science à part. Bien au contraire, elle entre
en relation avec d’autres disciplines, telles que la politologie ou encore la sociologie.
Dans le cadre de la politique administrative, qui concerne des actions permettant la pré-
vention contre l’exclusion sociale, ce lien entre l’administration et la sociologie est fla-
grant. Et le problème de l’exclusion sociale en tant que tel constitue une préoccupation
majeure aussi bien au niveau de l’Union européenne qu’en Pologne.

La politique administrative

La notion de politique provient du mot grec politiká, politikós, politikon et désigne


un cadre bien déterminé de tâches, par exemple, entre autres, du fait d’exercer des fonc-
tions publiques. Elle désigne encore la capacité de procéder à une réalisation efficace des
buts sociaux dans une société donnée. On peut parler de cette notion dans un contexte

1
Pour en savoir plus: J. Kilias, « Uczeni i politycy – polityka a pole akademickie », [in :] réd.
J.Raciborski, Elity rządowe III RP 1997-2004. Portret socjologiczny, Varsovie 2006, p. 253 et suiv.
2
Pour en savoir plus: R. Herbut, « Proces decyzyjny w polityce – teoria i praktyka podejmowania de-
cyzji » [in :] réd. L.Habuda, Administracja i polityka. Proces decyzyjny w administracji publicznej, Wrocław
2000, p.31 et suiv.
348 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

juridico-formel, behavioral (de comportement), fonctionnel, rationnel ou post-behavio-


ral3.
Dans la doctrine juridique4 on souligne cependant la nécessité de distinguer la politi-
que administrative des autres domaines et on tend à la considérer comme une science à
part. La politique administrative, ou plus précisément l’étude de la politique administra-
tive, tire son origine de la triade traditionnelle de W. Jellinek5, selon laquelle la science
de l’administration est composée de trois parties : l’étude de l’administration, l’étude du
droit administratif et l’étude de la politique administrative. L’objet de cette dernière est
la détermination de programmes d’action qui tendent à atteindre des buts principaux à
l’aide de moyens (juridiques et autres que juridiques), et des méthodes propres à l’ad-
ministration ; de même qu’à évaluer le programme établi ainsi que sa mise en œuvre.
« Dans ce contexte, la politique administrative forme une sorte de complément à l’étude
de l’administration »6. J.S. Langrod a souligné de fortes difficultés dans la distinction
entre l’étude administrative et l’étude de la politique administrative en raison du lien
indissoluble entre elles. Il a mentionné que « certains auteurs s’efforcent de distinguer
la politique administrative comme une discipline autonome, ce qui est justifié au niveau
méthodologique, cela semble pourtant impossible dans la pratique puisque ces deux
points de vues convergent »7. D’autres représentants de la doctrine considèrent la politi-
que administrative comme un élément de l’art8, c’est-à-dire la capacité de l’administra-
tion à assurer une gestion et à atteindre les buts déterminés. Cela reserre encore plus les
liens entre les deux sciences en question. La science de l’administration et la science de
la politique administrative s’occupent de l’administration réelle, telle qu’elle est, et donc
du « monde réel »; du monde des faits sociaux et des jugements qui se rapportent à eux.
« (…) l’étude du droit administratif transpose les acquis de l’étude de l’administration
et de la politique administrative dans une sphère normative en créant par là un niveau
d’obligations normatives. Ce niveau prend en compte, entre autres, le phénomène du
renvoi des organes de l’administration publique à la politique administrative lors de la
réalisation des normes juridiques, tout en formalisant la forme, la procédure et parfois
même l’axiologie des manifestations de cette politique »9.
L’objet de l’étude de la politique administrative est la problématique qui lie les pro-
pos praxéologiques et politiques au fonctionnement de l’administration10. C’est pourquoi
elle se rallie aux autres sciences humaines, à l’économie et à la gestion.

3
Pour en savoir plus : E.Zieliński, Nauka o państwie i polityce, éd.4e Varsovie 2006, p.207.
4
J. Jeżewski, « Uwagi o autonomii nauki o polityce administracyjnej », Praktyka i Teoria Adminis-
tracji, 1968, p.2.
5
J. Starościak a enrichi cette division en histoire administrative et en informatique administrative
(Voir : J.Starościak, « O interdyscyplinarnym charakterze badań nad administracją », [in :] Administracja,
zagadnienia teorii i praktyki, Varsovie 1974, p.284 et suiv.
6
 Z. Leoński, Nauka administracji, éd.5e, Varsovie 2004, p.17.
7
J. S. Langrod, Instytucje prawa administracyjnego, t.1, Cracovie 1948, p.130.
8
T. Bigo, Prawo administracyjne. Instytucje ogólne, t.1, Wrocław 1948, p.1.
9
I. Niżnik- Dobosz, « Pojęcie, formy i podstawy prawne polityki administracyjnej », [in :] réd. J.Boć,
A.Chajbowicz, Nowe problemy badawcze w teorii prawa administracyjnego, Kolonia Limited 2009,
p.372.
10
P. Szreniawski, Nauka o polityce administracji, Rzeszów 2008, p.7.
La politique administrative ... 349

Des liens très forts existent entre la politique et l’administration. L’administration en


tant que telle constitue « une partie intégrale des processus décisifs qui se déroulent au
sein des structures du pouvoir législatif »11. De même, la politique administrative forme
une partie de la politique d’un État et se réalise grâce aux diverses branches de l’admi-
nistration. «Certaines branches du droit administratif constituent une sorte d’expression
formelle et juridique de certains concepts, exprimés dans les conditions de branches
définies de la politique administrative»12. L’institution de la politique administrative est
présente à tous les niveaux du fonctionnement de l’État et par conséquent à tous les
niveaux de la vie sociale, à commencer par le droit de la structure politique, p. ex. la
collectivité territoriale, les exigences concernant les fonctionnaires, et jusqu’au droit
substantiel, p. ex. l’aide sociale, la politique du marché de travail. De même, la poli-
tique administrative estime la valeur des phénomènes administratifs et sur cette base
elle avance des postulats visant l’amélioration et les changements à entreprendre dans
l’administration.
À travers la création des projets et des programmes réalisés par la politique adminis-
trative et du fait que le droit est en lui-même une expression de la politique de l’État,
cette dernière peut être perçue comme étant une politique du droit envers l’administra-
tion. Dans ce contexte la thèse de J.S. Langrod est tout à fait appropriée ; à savoir « la
mentalité des gens qui gouvernent s’appuie sur la pensée juridique ».13 La politique
administrative est étroitement liée au souci d’augmenter la qualité des services assurés
par l’administration. Souvent cela se fait au travers des réformes définies de manière
normative. L’institution de la politique administrative doit répondre à la question : com-
ment dans les conditions actuelles réaliser des missions de l’État.14 Les éléments de cette
politique sont les suivants : déterminer le programme d’action pour l’administration pu-
blique et contrôler ce programme ainsi que les moyens indispensables à sa réalisation15.
La direction de l’action de l’administration est définie par le programme du parti au
pouvoir, par contre les méthodes du fonctionnement, en tant qu’éléments de la politique,
appartiennent à l’administration16. Les programmes et les plans indispensables à la réali-
sation des tâches sont construits dans le cadre de la politique administrative et effectués,
en premier, par l’administration elle-même qui est habilitée à déposer des amendements
et à proposer les modifications nécessaires.
La politique administrative est un ensemble rassemblant les facteurs normatifs et la
politique réelle ;c’ « est une tendance d’action définie, un programme indiquant com-
ment atteindre des buts politiques et pratiques »17. Elle tend vers la prévention des effets
inopportuns « cela se réfère aussi bien au moment d’entreprendre l’action et aux métho-

11
B. Guy Pteters, Administracja publiczna w systemie politycznym, traduit par K. W. Frieske, Varsovie
1999, p.19.
12
J. Szreniawski, Wprowadzenie do zagadnień polityki administracyjnej, Lublin 1978, p. 13.
13
J.S. Langrod, Administrowanie a rządzenie, Śląsko-Dąbrowski Przegląd Administracyjny 1946,
no 3.
14
J. Szreniawski, Wprowadzenie do zagadnień…, p. 8.
15
 Z. Leoński, « Polityka administracyjna (próba określenia) », Ruch Prawniczy, ekonomiczny i socjolo-
giczny, Varsovie-Poznań 1972, cahier 4, p. 56.
16
J. Szreniawski, Wprowadzenie do zagadnień …, p. 10.
17
Ibid., p. 17.
350 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

des employées afin d’atteindre des buts qu’au contenu de l’action »18. Pourtant, ce n’est
pas l’administration qui définit les buts politiques. Sa tâche est de concrétiser des plans.
Et en ce qui concerne le contenu de la politique, il est composé d’une stratégie – des di-
rections d’action et des buts généraux ; d’un programme – la concrétisation générale des
principes stratégiques concernant le niveau des buts plus détaillés ; d’un projet – les tâ-
ches précises démontrant la planification, le financement et des personnes responsables ;
d’un plan19. La doctrine de l’étude du droit administratif distingue les normes juridiques
suivantes, lesquelles déterminent la politique administrative, des normes déterminant les
sujets de la politique administrative et des normes déterminant la procédure de l’enga-
gement de l’acte politique20. Les premières indiquent le type de l’acte politique, p. ex.
le programme, le plan, la stratégie, etc. ; les lignes directrices concernant le contenu de
l’acte ; l’obligation de formuler des principes politiques.
Compte tenu de ce qui vient d’être dit au sujet de la réalisation des principes de la
politique de l’État, dont la politique administrative, il importe d’envisager la probléma-
tique de l’exclusion sociale, ainsi que la politique administrative elle-même, qui tend à
éliminer le phénomène ou à en diminuer les effets.

Personnes menacées d’exclusion sociale – tentative de définition

Les pays démocratiques fondent le statut juridique d’un individu sur la triade: liberté,
égalité, propriété privée. Le modèle moderne des droits de l’homme « contient des lois
universelles assurant le statut juridique de l’individu dans l’État, les libertés de cet indi-
vidu qui garantissent la sécurité juridique, le droit à la participation à la vie publique (…)
aussi bien que les droits sociaux qui obligent l’État à entreprendre des actions servant à
créer des conditions particulières pour les employés, de même que pour les personnes
âgées ou incapables d’effectuer des activités productives »21.
L’exclusion sociale est une situation qui entraine la privation d’un individu de la
participation pleine et ordinaire dans la vie sociale. À la base cet état de choses n’est pas
seulement causé par la pauvreté22, mais peut également l’être par une maladie, l’apparte-
nance à une minorité sociale, l’âge, le degré d’instruction et d’autres facteurs. En 2004,
dans la Stratégie Nationale d’Intégration Sociale pour la Pologne, on essaie d’établir une
définition de l’exclusion sociale ; on admet alors que « c’est un manque ou une privation
de la possibilité de participer, d’influencer et de profiter des institutions publiques de
base et des marchés qui devraient être accessibles à tous, surtout aux pauvres »23. De

Ibid., p. 15.
18

Voir: R. Szarfenberg, « Definicje, zakres i konteksty polityki społecznej », [in :] réd. G. Firlit- Fesnak,
19

M. Szylko-Skocznyy, Polityka społeczna, Varsovie 2007, p.129.


20
I.Niżnik- Dobosz, Pojęcie, formy i podstawy prawne…, p. 378.
21
 O. Hoffe, Etyka państwa i prawa, Cracovie, 1992., p. 64-66, citation d’après E.Zieliński, Nauka
o państwie i polityce, éd.4e, Varsovie 2006, p.65.
22
La comparaison de la pauvrété à l’exclusion sociale-voir : R.Szarfenberg, Definicje, zakres i konteksty
polityki …, p. 325.
23
http://www.funduszestrukturalne.gov.pl/informator/npr2/dokumenty%20strategiczne/Narodowa%20
Strategia%20Integracji%20Spolecznej.pdf, p. 22. [consulté le 26.07.2011]
La politique administrative ... 351

même qu’elle consiste à ne pas entreprendre un parcours de vie habituel et acceptable


par la société, ou à en dériver, ce qui concerne des personnes, des familles ou des grou-
pes de personnes qui:
– vivent dans des conditions économiques défavorables (la pauvreté matérielle) ; sont
touchées par des processus sociaux désavantageux causés par des changements dy-
namiques et massifs, comme p. ex. la désindustrialisation, la crise, la faillite subite
d’un domaine ou d’une région,
– n’ont pas eu droit à une expérience de la vie leur permettant d’avoir une position
sociale normale, un niveau de qualification adéquat, une possibilité d’adhésion au
marché du travail ou encore la possibilité de fonder un foyer.
– n’ont pas accès aux institutions appropriées leur permettant d’avoir une expérience
de la vie ordinaire, assurant un développement et un élargissement. Ce manque
d’accès résulte d’une déficience de ces institutions causée par un manque au niveau
des principes prioritaires de base, un manque au niveau des moyens publics ou en-
core du peu d’efficacité du fonctionnement.
– les personnes en question éprouvent une discrimination due à une défaillance au
niveau de la législation, ainsi qu’aux stéréotypes et aux préjugés culturels. Elles
possèdent des traits de caractère qui entravent l’usage des ressources sociales à
cause d’un handicap, de dépendances, d’une maladie ou d’autres traits personnels ;
et elles font l’objet d’actions destructrices entreprises par d’autres personnes, telles
que la violence, le chantage, l’endoctrinement24.
L’exclusion sociale apparaît comme un problème à plusieurs niveaux. On peut parler
d’exclusion structurelle, influencée par le lieu d’habitation et un bas revenu ; d’exclusion
physique, liée à l’âge et à l’handicap ; d’exclusion normative25 qui concerne des com-
portements et des phénomènes pathologiques, le manque de réglementation normative,
la garde pénitentiaire26.
Étant donné la cause de l’exclusion sociale, ce phénomène se réfère aux groupes tels
que : des sans domicile fixe, des chômeurs, des homosexuels, des personnes avec des
insuffisances professionnelles, des handicapés, des récidivistes, des sortants des établis-
sements pénitentiaires ou des orphelinats, des malades mentaux, des toxicomanes27, des
personnes appartenant aux minorités sociales, des immigrés, des personnes âgées.
Le moyen le plus répandu d’étude de l’exclusion sociale est la méthode adoptée par
un programme de l’ONU au profit du développement, présenté dans Human Develop-
ment Report (Rapport sur le Developpement Humain) en 199728. En raison des différen-
ces entre les pays en voie de développement et les pays développés, on a distingué deux
indicateurs de l’exclusion sociale : HPI-1 et HPI-2.
24
http://www.funduszestrukturalne.gov.pl/informator/npr2/dokumenty%20strategiczne/Narodowa%20
Strategia%20Integracji%20Spolecznej.pdf, p. 21. [consulté le 26.07.2011]
25
Voir plus : réd. A.Turska, Prawo i wykluczenie. Studium empiryczne, Varsovie 2010.
26
L. Frąckiewicz, « Wykluczenie społeczne w skali makro i mikroregionalnej », [in :]Réd. L.
Frąckiewicz, Wykluczenie społeczne, Katowice 2005, p. 12.
27
La dépendance constitue un problème social, juridique et celui de santé. Concernant la toxicomanie
voir : M. Jędrzejko, R. Biskupski, « Narkomania- charakter i skala problemu », [in :] réd. M.Jędrzejko, Pa-
tologie społeczne, Pułtusk, 2006, p.187 et suiv.
28
http://hdr.undp.org/en/statistics/indices/hpi [consulté le 26.07.2011].
352 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

La question des personnes menacées d’exclusion sociale


au niveau de la politique administrative

L’étendue de la politique administrative recouvre toutes les sphères concernant la


question de l’administration publique dans son approche orientée vers le sujet. On peut
essayer de faire une division au sein de la politique administrative, en prenant comme
critère un objet, p. ex. la politique de la santé, la politique de l’éducation ; ou un sujet,
p. e x. la politique de la collectivité territoriale. Dans le champ d’action visant à s’oppo-
ser à la formation du phénomène d’exclusion sociale et la suppression de ses conséquen-
ces négatives, il faut se concentrer sur la politique administrative sociale résultant du
fonctionnement de l’Union Européenne, ainsi que sur la politique administrative réalisée
dans le pays au niveau gouvernemental et collectif, de même que sur le rôle exercé par
les organisations non gouvernementales dans le contexte analysé. Un peu plus bas, nous
présenterons de façon chronologique certains programmes, projets et stratégies, en in-
diquant la direction de la politique administrative qui touche notamment la question de
prévention de l’exclusion sociale.

La politique sociale

Le terme de politique sociale signifie au sens strict une problématique des prestations
sociales telles que les retraites ou les pensions. Au sens large ce terme décrit également
d’autres notions, comme la question de l’aide sociale.
La politique administrative sociale est liée à l’exclusion d’une sécurité sociale, d’un
travail, d’une collectivité locale. À ce niveau le groupe concerné le plus important est
sans doute celui des sans domicile fixe. Dans le cadre de la politique sociale, on exerce
également des activités ayant pour but la prévention de l’exclusion entraînée par le chô-
mage. Ces activités peuvent être classifiées ainsi: la protection des employés contre le
licenciement, l’assurance de la sécurité sociale pour les chômeurs et l’activation des chô-
meurs. Cela est réalisé par l’administration gouvernementale et collective et le program-
me qui lui est consacré est celui de La Stratégie Nationale de l’Emploi 2007-2013.
Au niveau de l’administration gouvernementale le ministère du Travail et de la Poli-
tique Sociale applique le Programme National: La Sûreté Sociale et l’Intégration Sociale
2008-2010, adopté par le Conseil des ministres le 16 décembre 2008. Ce document a été
préparé par le ministère du Travail et de la Politique Sociale en vue de permettre à la
Pologne de prendre part dans une méthode ouverte de coordination de l’Union Euro-
péenne dans le domaine de la sûreté et de l’intégration sociales. Ce programme national
recouvre des tâches concernant l’intégration sociale, le système des retraites ainsi que
des soins de santé et la sécurité à long terme.
À partir du 1er avril 2010, il est réalisé à trois niveaux, le niveau central – Départe-
ment d’Aide et d’Intégration Sociales, le ministère du Travail et de la Politique sociale ;
le niveau régional – Département de la Politique Sociale des Offices Régionaux ; le
niveau local – les sujets constitutionnalisés dont il est question dans l’article 25 paragra-
phe 1 de la loi sur l’aide sociale, le Programme d’Assistance des SDF dans leur Retour
à la Société. Le but de ce programme est l’intégration sociale (grâce aux programmes
La politique administrative ... 353

individuels consacrés aux sans-abris afin de renforcer le potentiel de chaque SDF) et la


lutte préventive contre cette situation précaire (un travail social qui a pour but d’éveiller
les consciences par rapport aux facteurs pouvant conduire à la perte du domicile : les
dépendances, la violence familiale, les maladies mentales, l’handicap ou encore le
chômage).
Il est important de mentionner encore le programme mis en œuvre en novembre
2010, le Programme des Formes Actives de la Prévention de l’Exclusion Sociale édition
2011-2015, qui a pour but de soutenir le développement des formes actives de l’aide. Il
se penche également sur la promotion de l’idée d’un partenariat local.

La politique européenne

La problématique de l’exclusion sociale et de la lutte contre la pauvreté a été ré-


glementée, entre autres, dans la Charte sociale européenne (l’article 30 : le droit de la
protection contre la pauvreté et l’exclusion), ainsi que dans la Charte des droits fonda-
mentaux de l’Union Européenne ( l’article 136)29.
En 2000, le Conseil européen a adopté la Stratégie de Lisbonne dans laquelle le but
principal est défini comme « le fait de devenir la plus dynamiques et la plus concurren-
tielle économie en matière de commerce mondial, celle qui s’appuie sur un savoir, (…)
et avec une cohésion sociale supérieure». L’élaboration de ce document a été précédée
par l’introduction de trois Programmes d’Action Sociale, concernant la marginalisation
et l’exclusion sociale. Le premier d’entre eux suit la résolution du Conseil de l’Union
européenne qui a eu lieu en 1974 et dont le but principal était l’augmentation de l’em-
bauche et des actions au profit de l’intégration des handicapés, ainsi qu’une action contre
la pauvreté. Le second programme réalisé dans les années 1985-1988, toujours dans
le cadre de la communauté européenne, avait pour but la lutte contre la pauvreté. Le
programme suivant a été dirigé vers des actions à moyen terme, qui concernaient l’inté-
gration économique et sociale de groupes financiers et sociaux moins privilégiés de la
société.
La Stratégie de Lisbonne mentionnée ci-dessus, prévoyait un plan sur dix ans, dont
l’aspect social était un appel au « déracinement de la pauvreté au plus tard en 2010 ».
Afin de réaliser le but ainsi déterminé, on a mis en place la Stratégie européenne contre
l’exclusion sociale et les formes de discrimination (Stratégie d’inclusion sociale). Les
projets dénotés dans la Stratégie ont été adoptés par le Conseil européen en 2000 durant
la session de Nice. D’après cette Stratégie, parmi les principaux buts nous pouvons men-
tionner la prévention des risques d’exclusion, la mobilisation à la lutte contre l’exclusion
et la pauvreté.
Le programme européen de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale qui a été
mis en place en 2010, fait partie de la Stratégie Europe 2020 pour la croissance éco-
nomique. Cette Stratégie, tout comme la Stratégie de Lisbonne, a pour but la création
d’une Europe plus propre, plus juste et plus prospère ainsi qu’une Nouvelle Stratégie

29
Après l’entrée en vigueur du Traite de Lisbonne : les articles 151 et 153 du Traite sur le fonctionne-
ment de l’U.E. sont pertinents par rapport à cette problématique.
354 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

européenne pour l’emploi et la croissance30 qui se fixe des objectifs essentiels dans le
domaine de l’éducation, de l’inclusion sociale et de la lutte contre la pauvreté.
L’Union Européenne remarque également les difficultés des immigrés et des han-
dicapés, perçus dans la société comme des sujets menacés d’exclusion, et elle agit afin
d’améliorer leur situation sociale. Le résultat de cette action est, entre autres, l’adoption
le 11 janvier 2005 par le Comité européen du Conseil des ministres, de la Program-
mation pour la politique d’intégration des immigrés en Pologne, dont l’objectif était
d’améliorer la qualité de la politique dans ce domaine. L’adoption en 2006, par le même
Comité, de la Recommandation du Plan d’action pour la promotion des droits et la par-
ticipation des personnes handicapées et l’amélioration de leur qualité de vie en Europe
2006-2015 constitue une autre manifestation de cette prise en considération du problème
de l’exclusion des handicapés au sein de l’Union européenne.

La politique gouvernementale

La politique nationale administrative ne s’élabore pas uniquement sur ; la base de


projets propres et de programmes de prévention de l’exclusion sociale, elle réalise éga-
lement ceux qui résultent de l’appartenance aux structures européennes.
La participation de la Pologne dans la Stratégie d’inclusion sociale était liée à l’adop-
tion du Mémorandum pour l’Intégration Sociale (2003), de la Stratégie Nationale d’In-
tégration Sociale 2004-2010 (2004), du Plan National d’Action pour l’Intégration So-
ciale (on a adopté trois plans de ce type avant 2010 : PNA 2004-2006, PNA 2006-2008,
PNA 2008-2010).
L’année 2010 a été proclamée: Année européenne de la lutte contre la pauvreté et
l’exclusion sociale ; à ce propos. en Pologne, dans les années 2005-2010, le gouverne-
ment en coopération avec des unités des collectivités territoriales et des organisations
non gouvernementales, réalisait la Stratégie Nationale d’Intégration Sociale. Les objec-
tifs et les priorités de la politique sociale pour la prévention de la pauvreté et l’exclusion
sociale pour les années 2008-2010 ont été présentés dans le Plan National pour l’Inté-
gration Sociale, qui fait partie du Plan National de la Protection Sociale et de l’Inté-
gration Sociale pour les années 2008-2010. Les priorités de la politique sociale pour
la prévention de la pauvreté et de l’exclusion sociale ont été présentées dans le PNA/
Intégration pour les années 2008-2010 et elles concernaient trois niveaux : 1. la préven-
tion de la pauvreté et de l’exclusion sociale des enfants ; 2. l’intégration par l’activation
sociale et professionnelle des personnes menacées d’exclusion sociale ; 3. le développe-
ment des services sociaux.
Les programmes servant la prévention de l’exclusion sociale sont financés à l’aide
des moyens du Fonds Social Européen. Le principal outil de leur action est la Priorité
VII du Programme opérationnel Capital humain – « Promotion d’intégration sociale ».
Grâce à ce programme il est possible de réaliser des projets tels que : les cours et les sta-
ges concernant des compétences professionnelles, le soutien psychologique et le conseil

Pour voir plus sur la question de la prévention de l’exclusion sociale : P. W. Zawadzki, « Instytucje
30

międzynarodowe w walce z ubóstwem i wykluczeniem », [in :] Polityka publiczna wobec ubóstwa i wyklu-
czenia społecznego, Varsovie 2010, p. 57-70.
La politique administrative ... 355

en formation professionnelle, le soutien des sujets de l’intégration sociale, les institu-


tions activant des personnes handicapées, la promotion du bénévolat.
Nous ne pouvons oublier le Programme National des Réformes pour les années
2008-2011, pour la réalisation de la Stratégie de Lisbonne, qui a pour but d’introduire
des réformes afin de constituer des bases au développement socio-économique en amé-
liorant le niveau de vie des citoyens.
Au mois d’avril 2010, le Programme de Soutien aux sans-abris lors de leur insertion
dans la société a été mis en place. Il consiste à :
1. apporter une aide ponctuelle dans des situations de crise, afin d’éviter aux person-
nes exclues de séjourner dans « la rue » ;
2. intégrer socialement les sans-abris en leur permettant de retrouver des conditions
normales. Il s’agit donc de l’utilisation de programmes individuels pour renforcer
le potentiel de chaque sans-abri tout en favorisant son insertion professionnelle
qui lui permettra de retrouver sa place sur le marché du travail (subventionné et
ouvert) ;
3. opérer une démarche préventive contre la précarité, comme p. ex. permettre de
prendre conscience des facteurs qui mènent à cette situation, telles que : la dépen-
dance, la violence familiale, les maladies mentales, les handicaps, le chômage.
En novembre 2010, on a lancé le Programme des Formes actives contre l’exclusion
sociale édition 2011-2015, qui se donne comme objectif le soutien du développement
des formes actives d’aide, ainsi que la promotion de l’idée d’un partenariat local. Ce
programme se compose de trois objectifs:
1. le renforcement de la tendance à créer un réseau de partenariats locaux pour mettre
en place des formes actives d’aide ;
2. le renforcement de la coopération entre les centres d’aide sociale, l’office du tra-
vail, les services de réintégration sociale et professionnelle ;
3. la création d’une plate-forme nationale de présentation et de promotion de bonnes
actions des formes actives d’aide.
Il faut également attirer l’attention sur la Stratégie Nationale de cohésion, qui crée des
conditions pour la croissance de la concurrence économique en Pologne, en s’appuyant
sur le savoir et l’entreprenariat et en assurant la croissance de l’embauche et du niveau
de la cohésion sociale, économique et territoriale. Les buts de la Stratégie Nationale
sont effectués à l’aide de programmes (opérationnels), et de programmes régionaux (ré-
gionaux-opérationnels), comme p. ex. le Programme Économie Innovée, le Programme
Capital humain, le Programme Développement de la Pologne de l’Est.
Enfi il importe encore de mentionner la Stratégie du Développement équitable de
Pologne exercée jusqu’en 2025 qui – dans le cadre du développement social – démontre
que, dans les conditions polonaises, il faut tenter d’assurer une assistance sociale aux
personnes âgées, aux handicapés, tout en leur garantissant un minimum social et une
possibilité de vivre en société.
La politique administrative, réalisée au niveau gouvernemental, ne détermine pas
seulement des programmes et des projets généraux, elle établit également des documents
de planification des plus précis. Ces derniers se réfèrent tantôt à un groupe particulier
menacé d’exclusion, et tantôt se concentrent sur un problème concret qui peut être à
356 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

l’origine de l’exclusion. Cela se reflète dans la réalisation de Propositions d’actions de


la création d’une politique d’intégration des étrangers en Pologne, adopté par le Co-
mité européen le 11 janvier 2005. Ce document présente quatre aspects de la politique
d’intégration sur la base desquels se fait la prise de décision en Pologne : l’aspect poli-
tique (qui se réfère aux liens entre la politique d’intégration et la politique de migration,
d’asile, d’anti-discrimination, de santé, d’emploi, d’éducation, etc.) ; l’aspect juridique
(qui concerne l’élaboration des instructions juridiques indispensables dans l’exercice
de la politique d’intégration) ; l’aspect institutionnel (qui est lié à la détermination des
institutions responsables de l’intégration des étrangers) ; l’aspect conceptuel et théorique
(qui porte sur les connaissances du phénomène de l’intégration et les processus corres-
pondants. Les actions exercées dans ce contexte se rapportent au classement des groupes
auxquels s’adresse l’aide d’intégration).
Parmi les documents de planification, qui constituent un reflet de la politique ad-
ministrative dans le cadre de la prévention de l’exclusion sociale et se qui se référent
à des phénomènes précis pouvant influencer le développement de l’exclusion sociale,
on trouve également : le Programme national de la prévention de la toxicomanie 2011-
2016 – le règlement du Conseil des ministres du 22 mars 2011, qui touche entre autres
les questions de la prophylaxie, du traitement et de la réintégration sociale ; ainsi que le
Programme national de prophylaxie et de résolution des problèmes d’alcool prévu pour
les années 2011-2015 – la résolution du Conseil des ministres du 22 mars 2011.

La politique des collectivités

La politique administrative d’un pays est déterminée au niveau central et précisée au


niveau local. Au sujet de la prévention de l’exclusion sociale nous pouvons énumérer les
exemples suivants : le programme régional de l’égalité des chances des personnes handi-
capées et de la prévention de l’exclusion sociale et de l’aide dans la réalisation des tâches
concernant l’emploi des personnes handicapées ; la stratégie régionale de la résolution
des difficultés sociales ; la stratégie régionale de la politique sociale ; les programmes
communaux d’activation socioprofessionnelle pour le logement social ; les programmes
communaux de la protection de la santé psychique ; les programmes communaux de la
prévention de la toxicomanie ; les programmes communaux de la prophylaxie et de la
résolution des problèmes d’alcoolisme. Ces actes ont, avant tout, un caractère objectif et
se référent à un facteur bien défini dont l’apparition et le développement peuvent contri-
buer à l’exclusion sociale du type local ou régional.
Au niveau collectif, un Programme individuel d’intégration des étrangers est ins-
tauré qui a pour but d’indiquer – en un délai de douze mois au maximum – des possibi-
lités permettant d’améliorer la situation des étrangers, d’engendrer des démarches qui
leur assurent par conséquent une indépendance économique et l’intégration sociale. Ce
programme individuel est consulté avec chaque étranger afin de déterminer en fonction
de sa situation, l’étendue et les formes de l’aide qui lui sera attribuée. Dans le cadre du
programme individuel d’intégration, les centres d’aide familiale de chaque district sont
tenus : de donner des informations sur l’aide définie dans le programme; de coopérer
avec les étrangers et de les soutenir dans les relations avec le milieu local ainsi que dans
La politique administrative ... 357

les relations avec le milieu d’aide sociale propre au lieu d’habitation; de contribuer à la
recherche d’un logement; d’exercer des tâches sociales afin de les aider dans leur fonc-
tionnement au sein du milieu social.

La politique des organisations non gouvernementales

Les besoins sociaux dépassent souvent les moyens financiers et d’organisation du


pays. C’est pourquoi, dans le cadre de la politique qui limite l’exclusion sociale, les
sujets placés en dehors de l’administration, exercent un rôle très important. Il n’est pas
facile de décrire toutes les formes d’action et de mentionner toutes les organisations.
C’est la raison pour laquelle nous nous contentons de présenter une sorte de panorama
permettant de confirmer leur rôle à la fois subsidiaire et tellement important.
L’une des organisations non gouvernementales qui réalise la politique administrative
de l’État dans le contexte de la prévention et de la lutte contre l’exclusion sociale, est la
Fondation d’entre-aide « Barka ». Son objectif est de créer un système d’aide qui réunit
des gens délaissés, en leur permettant de construire leurs propres identités, de s’instruire
et de trouver une nouvelle réalité socio-économique.
La Fondation pour le Développement de la Démocratie Locale est une entité qui mène
des actions régulières ayant pour but de soutenir le développement de la démocratie et
des collectivités locales. Elle dirige ses actions vers : agents de commune et conseillers,
représentants des organisations non gouvernementales, journalistes, enseignants, jeunes,
employés et cadre des Petites et Moyennes Entreprises.
La Fondation « Wrzos » s’occupe de la création des centres d’aide aux personnes
âgées et handicapées. Elle porte son attention sur la réhabilitation médicale, l’assistance
maladie et l’amélioration des conditions de vie. Cette fondation soutient les personnes
âgées et les handicapés tout en assurant des conditions leur permettant de participer à la
vie sociale.
Le fait d’accorder une aide professionnelle, matérielle et de soutien organisationnel,
de même que le rétablissement de l’espoir et du sentiment de sécurité chez les personnes
qui se trouvent dans des situations difficiles: les pauvres, les sans-abris, les solitaires
et les délaissés, constitue une mission de l’Association polonaise le Comité de l’aide
sociale.

La Fondation Pro Vitalis porte une aide aux jeunes mamans qui élèvent seules leurs
enfants ainsi qu’aux jeunes mineures enceintes.

L’Association « POMOC 2002 » est un groupe de soutien destiné aux personnes


ayant des dépendances sexuelles et aux homosexuels.

En outre, l’Association d’aide du Saint Frère Albert est un organisme catholique in-
dépendant dont le but consiste à assurer un soutien aux sans-abris et aux plus démunis.

Il est également important de mentionner que ce groupe d’organisations non gouver-


nementales met en place des programmes conseillés par les sujets publics, citons à titre
358 Agnieszka Ziółkowska, Anna Gronkiewicz

d’exemple la Société polonaise de prévention de la toxicomanie à Katowice, qui dès le


début de l’année 2011, met en œuvre le programme national de l’intervention « FreD
goes net » destiné aux jeunes toxicomanes. L’objectif est d’adapter et de propager le
programme de prophylaxie sélective pour les jeunes de 13 à 21 ans qui ne sont pas dé-
pendants des drogues mais qui y touchent, ou encore qui ont été arrêtés pour la première
fois par la police. Ce programme est recommandé par l’Office national de la prévention
contre la toxicomanie.

Conclusion

Pour clore le sujet, il importe de souligner qu’à présent le problème de l’exclusion


sociale a pris de l’ampleur. Cette question constitue certes un sujet de préoccupation
pour le Défenseur des droits civiques, le Défenseur des droits de l’enfant, le mandataire
gouvernemental des affaires des handicapés, le mandataire gouvernemental de l’égalité
de traitement, il manque cependant un coordinateur qui mènerait et surveillerait les ac-
tions ayant pour but d’améliorer le sort des personnes menacées par l’exclusion sociale.
Et c’est aussi pour cela qu’on a nommé, le 12 mai 2011, un mandataire du Président du
Conseil des ministres pour la coordination de la collaboration des organisations non gou-
vernementales et de l’administration publique dans la lutte contre l’exclusion sociale.
La marginalisation des individus ou des groupes de citoyens provoque chez les sujets
exclus des conséquences sociales et psychologique négatives. Elle peut tout de même en-
gendrer des conséquences positives comme p. ex. l’augmentation de l’activité sociale31.
L’exercice des tâches appartenant à la sphère de prévention de l’exclusion sociale
pèse sur l’administration publique dont la fonction principale est de déterminer des ob-
jectifs, indiquer des sujets responsables d’une mise en œuvre de ces objectifs et en-
treprendre une évaluation permettant de modifier et de déterminer de nouveaux buts.
Sans une bonne définition de la politique administrative de l’État, il est difficile, voire
impossible, d’atteindre les buts de l’administration publique. L’un de ces buts est la né-
cessité de satisfaire aux besoins de base individuels ou collectifs dont la prévention de
l’exclusion sociale fait sans doute partie. Chaque plan ou stratégie, de même ceux qui se
rapportent à la prévention des différences sociales menant à l’exclusion, est soumis à une
évaluation effectuée sur la base de critères tels que l’efficacité, la justesse, l’utilité et la
durabilité32. L’évaluation, à son tour, est un domaine des sciences d’administration. De
cette manière, la thèse de J. S. Langrod, mentionnée ci-dessus, concernant les grandes
difficultés pratiques dans la distinction de l’étude de la politique administrative et de
l’étude de l’administration, se confirme. En effet, les deux domaines s’interpénètrent en
constituant un monolithe.

31
Voir plus dans : T. Kowalak, Marginalność i marginalizacja społeczna, Varsovie 1998, p.178.
32
A. Giude, Evaluating UE Expenditure Programmes XIX, Directoire Général, La Commisision Euro-
péenne, janvier 1997, p.18, citer après R. Szarfenberg, « Definicje, zakres i konteksty polityki społecznej »
[in :] réd. G.Firlit- Fesnak, M.Szylko-Skoczny, Polityka społeczna, Warszawa 2007, p.131.

Vous aimerez peut-être aussi