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– Administration et libertés
Marie-Xavière Catto, Jeanne de Gliniasty
Dans Revue française d'administration publique 2022/3 (N° 183), pages 887 à 895
Éditions Institut national du service public
ISSN 0152-7401
DOI 10.3917/rfap.183.0246
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IV – ADMINISTRATION ET LIBERTÉS
• Santé
• Sécurité
• Vulnérabilité
• Administration, justice et fracture numérique
• Données personnelles
• Libertés collectives
• Bioéthique
• Environnement
En cette fin d’année parlementaire et après le grand rendez-vous électoral et le changement
de gouvernement qui a suivi, l’actualité des libertés est notamment ponctuée par une série de
rapports d’activités des différentes institutions et autorités administratives.
• Santé
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À l’instar de la chronique précédente, l’actualité de la crise sanitaire reste limitée. Le
médecin urgentiste et désormais ministre de la Santé François Braun a rendu son rapport à la
suite d’une « mission flash » sur les soins urgents et non programmés. L’ensemble des mesures
proposées a été validé par le Gouvernement et mis en place dès l’été sous l’égide des agences
régionales de santé, notamment en ce qui concerne l’objectif de désengorgement des urgences
(priorité au médecin traitant, régulation par l’appel du 15, mobilisation des infirmiers libéraux
et des médecins retraités, augmentation du recours à la télémédecine).
Plus spécifiquement, la (courte) loi no 2022-1089 mettant fin aux régimes d’exception
créés pour lutter contre l’épidémie liée au Covid-19 a été promulguée le 30 juillet 2022, après
validation intégrale par le Conseil constitutionnel. Elle abroge les régimes de l’état d’urgence
sanitaire et celui de gestion de la sortie de crise sanitaire à compter du 1er août, impliquant la
suppression des pass vaccinal et sanitaire, mais sont toutefois maintenus les systèmes d’infor-
mation SI-DEP et Contact Covid créés pour gérer la crise (art. 1er). Dans son avis sur la loi, le
Conseil d’État rappelle également que les prérogatives de police générale du Premier ministre
dans le cadre de la théorie des circonstances exceptionnelles ou celles de police spéciale du
ministre de la Santé prévues dans le code de la santé publique demeurent, conduisant à « un
état du droit peu lisible ». Il a fait part de son regret que n’ait pas été menée à son terme la
réflexion sur le projet d’un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires établissant
un cadre durable de réponse aux crises sanitaires (notamment en matière de traitement de
données à caractère personnel) « alors que la persistance de l’épidémie et le risque de reprises
périodiques la rendent d’autant plus nécessaires » (CE, avis du 21 juin 2022 no 405.549).
Jusqu’au 31 janvier 2023, cette loi prévoit les conditions dans lesquelles le Gouvernement
pourra toutefois imposer par décret aux personnes de 12 ans et plus la présentation d’un test
négatif ou d’une preuve de vaccination contre le Covid-19 aux frontières ainsi que pour les
voyages entre l’hexagone et l’outre-mer (art. 2) – la différence de traitement entre les voyages
à destination du territoire national et de l’outre-mer avait entraîné, sans succès, la saisine du
Conseil constitutionnel. Après tergiversations et suivant l’avis de la Haute Autorité de santé
(no 2022.0044/AC/SESPEV du 21 juillet 2022), le Gouvernement a maintenu l’obligation
vaccinale des professionnels de santé.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État désormais classique (Commune de
Sceaux, no 440057), le tribunal administratif de Nice a suspendu l’arrêté du maire de Nice
imposant de nouveau le masque dans les transports en commun à compter du 11 juillet,
estimant qu’aucune « raison impérieuse propre à la commune » ne rendait indispensable
l’édiction d’une telle mesure qui porte donc « une atteinte grave et manifestement illégale à
• Sécurité
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Les dispositifs administratifs antiterroristes intégrés dans le droit commun par la loi
SILT no 2017-1510 et pérennisés par la loi no 2021-998 relative à la prévention d’actes de
terrorisme et au renseignement font l’objet d’une utilisation croissante, notamment les MICAS
(mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) qui autorisent les visites
domiciliaires, les périmètres de protection conduisant à des contrôles et des interdictions
d’accès, ou les fermetures de lieux de culte. Les mesures contestées ont néanmoins été peu
suspendues par le juge 27. Outre ces mesures, le Gouvernement a étendu la faculté de solliciter
une enquête administrative préalable à une décision de recrutement ou d’affectation pour
certaines fonctions relevant de gestionnaires d’infrastructures de transport et d’entreprises
de transport routier (décret no 2022-770 du 2 mai 2022).
Parallèlement, le bilan 2021 de la délinquance rend compte d’une progression des homi-
cides, mais aussi des violences sexuelles dont la visibilité n’est sans doute pas étrangère au
développement du mouvement MeToo 28.
• Vulnérabilité
27. Cf. 4e rapport au Parlement du bilan annuel de la mise en œuvre de la loi SILT, déposé le 13 juin 2022.
28. Cf. SSMSI, Insécurité et délinquance, bilan statistique, juin 2022.
violences, violant ainsi les obligations à la fois matérielles et procédurales reposant sur l’État
au titre de l’article 3 de la convention (Cour EDH, 7 juillet 2022, no 32715/19, Scavone c/
Italie). C’est enfin au sujet des violences contre les enfants qu’à la suite des rapports de la
CIIVISE et de la CIASE, la Défenseure des droits a appelé à un « changement de culture
radical permettant de faire primer leur intérêt supérieur sur toute autre considération dès
les premiers soupçons de violence » (communiqué de presse du 10 mai 2022).
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du 30 juin 2022, JO du 13 juillet 2022), Dominique Simonnot en appelle à un « fondement
législatif contraignant » pour instaurer un système de régulation carcérale afin que « le taux
d’occupation ne dépasse jamais 100 % » (CGLPL, Rapport d’activité 2021, p. 19-20)
Étrangers
Le Conseil d’État a confirmé la possibilité pour le Gouvernement d’imposer un recours
obligatoire à un téléservice pour l’obtention de certains titres de séjour (étudiants et le
passeport talent), estimant que la démarche n’a « pas pour effet de modifier les conditions
légales auxquelles est subordonnée sa délivrance » (CE, sect., 3 juin 2022, no 452798, § 6) ;
il l’a toutefois conditionné, « eu égard aux caractéristiques du public concerné […] et aux
conséquences qu’a sur la situation d’un étranger […] l’enregistrement de sa demande »
(§ 10), à la mise en œuvre par le pouvoir réglementaire d’un accompagnement et, en cas
d’échec, d’une solution de substitution, le défaut de ces mesures justifiant l’annulation des
textes attaqués. En revanche, les préfets peuvent mettre en place des téléservices mais ne
peuvent rendre obligatoire leur recours en l’absence de texte législatif ou réglementaire (CE,
avis nos 461694, 461695, 461922 du 3 juin 2022). Le tribunal administratif de Montreuil a
donc annulé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis d’imposer un tel recours pour les
demandes de titres de séjour et de naturalisation (TA Montreuil, 6 juillet 2022, no 2104333, 27).
Les nouvelles règles relatives aux ressortissants des pays non membres de l’Union
européenne dispensés de visa, entrées en vigueur avec la publication des décrets no 2022-962
et no 2022-963 du 29 juin 2022, prévoient l’obligation d’obtenir une autorisation de voyage
délivrée par voie électronique (système ETIAS) pour accéder au territoire de l’UE. Elles
modifient également les règles de recours pour les autorisations de voyage et les règles de
contestation des refus de visas, exigeant un recours administratif préalable obligatoire dans
un délai réduit (30 jours) et conférant le contentieux au TA de Nantes. Ces nouvelles règles
ne seront pas applicables aux ressortissants vanuatais qui dans le même temps, après la sus-
pension partielle de l’accord d’exemption de visa entre l’UE et le Vanuatu par le Conseil de
l’UE, le 3 mars dernier, ont vu ces exemptions limitées par le Gouvernement français dans
une série de six arrêtés du 3 mai 2022 dans les dix départements et collectivités d’outre-mer
ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.
Si ces dispositions mettent en œuvre le droit de l’Union, c’est délibérément contre l’arrêt
du 26 avril 2022 de la Cour de justice (aff. C-368/20 et C-369/20), que le Conseil d’État valide
la prolongation au-delà de 6 mois du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures
par le Gouvernement français. Alors que la libre circulation des personnes au sein de l’Union
est l’une de ses principales réalisations (règlement (UE) no 1051/2013 (1)), le rétablissement
des frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure,
qui y fait exception, n’est permise que durant « la période d’une durée totale maximale de
six mois » (CJUE, § 78). Seule une nouvelle mesure peut être adoptée en cas de « nouvelle
menace grave […] distincte de celle initialement identifiée » (§ 81). Le caractère strict des
critères semblait devoir conduire le Gouvernement à renoncer à ces renouvellements, ou le
Conseil d’État à le désavouer, mais, estimant que la guerre en Ukraine amenait une nouvelle
menace de trafic d’êtres humains et que de nouveaux évènements en Syrie comportait une
nouvelle menace terroriste, le Conseil d’État vient de donner au Gouvernement la possibilité
de s’appuyer sur de très nombreux évènements pour justifier la pérennisation de ces mesures
(CE, 27 juillet 2022, no 463850).
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donne lieu pour autant à la sanction disciplinaire d›un magistrat (Rapport d’activité 2021,
conf. de presse, 14 juin 2022). De leur côté, les autorités administratives indépendantes, à
l’instar de la CADA ou de la Défenseure des droits (DDD), ont rendu leur rapport annuel.
Celui de la CADA révèle une augmentation des demandes d’avis et de conseils de 30 %
par rapport à 2020, mais les suites favorables des administrations concernées sont en baisse
constante. La hausse du volume des demandes s’explique selon son président par la hausse des
requêtes groupées des journalistes et ONG. L’augmentation des réclamations devant la DDD
concerne, quant à elle, les relations avec les services publics, les réclamations en matière de
discriminations ainsi que les demandes de protection des lanceurs d’alerte prévues par la loi
du 21 mars 2022. La DDD alerte de nouveau (voir son rapport de janvier 2019 consacré au
sujet) sur les difficultés des administrés dans leurs relations avec les services publics, large-
ment imputées à la dématérialisation de nombreuses démarches qui, associées à leur caractère
obligatoire et à la raréfaction des guichets, posent des difficultés particulièrement aiguës
lorsque cette dématérialisation relève de besoins vitaux (accès au RSA) ou affecte l’exercice
de l’ensemble de leurs droits fondamentaux (étrangers). Le rapport du DDD dénonce alors
cette dématérialisation en ce qu’elle constitue un « renversement d’un des trois principes
du service public, l’adaptabilité », qui repose désormais sur l’usagère ou l’usager, portant
ainsi atteinte au principe d’égalité devant le service public (p. 14, p. 18). Si les règlements
amiables, au niveau individuel, sont régulièrement suivis, « au niveau national, la mise en
place d’alternatives efficientes à la voie dématérialisée ne s’est pas concrétisée » (p. 78).
La dématérialisation de la justice, outre l’enjeu qu’elle représente pour les étrangers
(cf. supra), porte atteinte au droit au recours de manière générale. Le rapport Sauvé déplore
le fait que « la justice n’a plus les moyens de remplir son rôle » et souligne le risque que la
dématérialisation fait peser sur l’égalité d’accès à la justice (Rendre justice aux citoyens –
Rapport du comité des États généraux de la justice, juillet 2022, p. 18). La dématérialisation
des démarches peut certes faciliter le quotidien des citoyens qui ont une certaine maîtrise
des outils informatiques, mais leur caractère obligatoire peut constituer un frein dans l’accès
au droit. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi rappelé que le principe général
d’égalité en droit électoral impliquait, dans le cadre d’élections professionnelles, qu’il revenait
à l’entreprise de prendre « les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin
aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non
desservie par internet » (Soc., 1er juin 2022, no 20-22.860). C’est ensuite la Cour européenne qui
a constaté le 9 juin dernier (Xavier Lucas c. France, no 15567/20) qu’imposer cette démarche
aux « professionnels du droit, qui utilisent largement et de longue date l’outil informatique »
(§ 51) était certes possible, mais violait l’article 6 § 1 de la convention lorsqu’elle se trouvait
associée à un formalisme excessif, non imposé par les exigences de sécurité juridique ou
de bonne administration de la justice, en l’espèce constitué par la décision d’irrecevabilité
opposée à un avocat présentant son recours sur papier, dans un contexte où le formulaire de
recours exigeait de lui l’utilisation de formules juridiques impropres.
• Données personnelles
L’actualité est encore marquée par les dangers de l’intelligence artificielle pour les
droits fondamentaux.
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de réception de notifications de violations de données (CNIL, rapp. annuel, 11 mai 2022). Le
Conseil d’État a, de son côté, confirmé la compétence de l’autorité en matière de sanctions
sur les cookies, même lorsque le responsable de traitement est étranger (en l’espèce Amazon),
dès lors qu’il dispose sur le territoire français d’un établissement impliqué dans les activités
liées au traitement effectué. Il confirme au fond les deux violations de la loi Informatique
et Libertés sanctionnées par la CNIL, le dépôt de cookies sans consentement préalable et
l’information défaillante des utilisateurs, et valide le montant de l’amende (35 millions
d’euros) qu’il ne juge pas disproportionné au regard de la gravité des manquements, de la
portée des traitements et de la capacité financière de la société (CE, 27 juin 2022, no 451423,
Société Amazon Europe Core).
Les ambitions sécuritaires de l’exécutif n’ont en revanche pas fait l’objet de censure, ni
devant le juge constitutionnel, ni devant le juge administratif. S’agissant des réquisitions de
données de trafic et de localisation dans le cadre de l’enquête de flagrance, le Conseil consti-
tutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions qui en confient le contrôle au
procureur de la République estimant que « les dispositions contestées opèrent une conciliation
équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et
le droit au respect de la vie privée » (CC, 20 mai 2022, no 2022-993 QPC, § 14), ce qui paraît
contrevenir franchement à la préconisation de la CJUE impliquant l’autorisation préalable d’un
juge indépendant (par ex. CJUE, 2 mars 2021, aff. C-746/18). De même, il valide le régime
relatif à la réquisition des données informatiques dans le cadre de l’information judiciaire,
reconnaissant que si ces données fournissent des « informations nombreuses et précises,
particulièrement attentatoires à l(a) vie privée (des personnes) », la réquisition intervient
dans ce cadre « à l’initiative du juge d’instruction, magistrat du siège dont l’indépendance
est garantie par la Constitution » (CC, 17 juin 2022, no 2022-1000 QPC, pt 11 et 13).
Concernant cette fois la surveillance fiscale et douanière, le Conseil d’État valide l’expé-
rimentation qualifiée de « Big Brother Bercy » permettant à l’administration la collecte de
données « librement accessibles », c’est-à-dire des sources ouvertes sur les réseaux sociaux,
et rejette le recours de La Quadrature du net dénonçant une surveillance générale et indiffé-
renciée mettant à disposition des services fiscaux des données sensibles susceptibles d’affecter
directement et gravement l’exercice des droits fondamentaux (CE, 22 juillet 2022, no 451653).
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cas d’usages précis avec des garanties au bénéfice des personnes », mais surtout limités « aux
cas les plus légitimes, afin d›éviter une multiplication disproportionnée de ces dispositifs, qui
modifierait notre rapport à l’espace public » (CNIL, actualités, 18 juillet 2022). Semblant
mesurer ces risques, la loi no 2022-1089 précitée prévoit qu’une évaluation du cadre juri-
dique en vigueur, notamment en matière de traitements de données à caractère personnel à
la disposition des autorités publiques pour lutter contre les pandémies sera présentée devant
le Parlement – sans préciser toutefois la date de ce rapport (art. 5 de la loi).
• Libertés collectives
détenues ou contrôlées par elles. Largement utilisées depuis février 2022, 37 arrêtés ont été
pris entre le 1er mai et le 31 juillet par les ministères de l’Économie et de l’Intérieur au titre
des articles L. 562-2 et suivants ou L. 562-3 et suivants du code monétaire et financier.
Les mesures législatives issues de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes
de la République modifiant les lois de 1905 et 1907 obligeant les associations à déclarer leur
caractère cultuel pour bénéficier des avantages liés à cette qualité, renforçant le contrôle de
l’État en ce qu’il peut refuser ou retirer cette qualité et limitant leurs ressources annuelles tirées
de leurs immeubles, étaient quant à elles contestées par l’Union des associations diocésaines
de France et autres. Le Conseil constitutionnel (décision no 2022-1004 QPC du 22 juillet
2022), tout en formulant deux réserves relatives à l’absence de caractère rétroactif des avan-
tages obtenus en qualité d’association cultuelle au moment de la perte de cette qualité (§ 17)
et une autre à l’attention du pouvoir réglementaire quant à la mise en œuvre des dispositions
législatives (§ 31), a déclaré conformes à la Constitution ces mesures justifiées notamment
par le renforcement de « la transparence de l’activité et du financement des associations
assurant l’exercice public d›un culte » (§ 29).
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Liberté d’expression
Une nouvelle affaire des « décrocheurs » de portraits du Président de la République
dans les mairies a conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation à confirmer leur
condamnation à une amende avec sursis affirmant qu’elle « est en mesure de s’assurer que,
bien que l’action menée par les prévenus se soit inscrite dans le cadre d’une démarche
militante et puisse être considérée comme une expression au sens de l’article 10 précité, la
condamnation prononcée n’est pas disproportionnée au regard de la valeur symbolique du
portrait du Président de la République et du refus de le restituer tant que leurs revendications
ne seraient pas satisfaites, ainsi que de la circonstance que le vol a été commis en réunion »
(Cass. Crim, 18 mai 2022, no 21-86.685, FS-B, pt 21).
Par un arrêt Rouillan c/France du 23 juin (no 28000/19), la Cour EDH a jugé dispro-
portionnée la condamnation pour apologie du terrorisme du cofondateur d’Action directe
qui a tenu publiquement des propos laudatifs relatifs aux auteurs des attentats terroristes
dans le cadre d’un entretien journalistique. La cour d’appel de Paris avait aggravé sa peine à
18 mois d’emprisonnement, dont 10 de sursis probatoire et la Cour de cassation avait rejeté
son pourvoi. Si une telle peine, poursuivant un but légitime de défense de l’ordre et de pré-
vention des infractions pénales, était bien « prévue par la loi » au sens de l’article 10 § 2 de
la Convention et devait « être regardée comme répondant, dans son principe, à un “besoin
social impérieux” » (§ 73), la Cour estime qu’elle n’est pas proportionnée ni « nécessaire dans
une société démocratique » (§ 76) et conclut à la violation de l’article 10 de la Convention.
Le Conseil d’État a de son côté validé la sanction de 200 000 euros infligée par l’ARCOM
à CNews pour les propos discriminatoires tenus par un de ses chroniqueurs (E. Zemmour)
incitant à la haine et à la discrimination envers les mineurs isolés dans une émission de 2020.
La chaîne ne lui ayant apporté aucune contradiction sérieuse, l’amende, qui représente 0,5 %
de son chiffre d’affaires (la loi fixe son plafond à 3 %) n’est pas jugée disproportionnée (CE,
12 juillet 2022, no 451897).
de s’y baigner était de nature à créer, d’une part, un dysfonctionnement du service public
et, d’autre part, une inégalité de traitement entre les usagers (Conseil d’État, 21 juin 2022,
no 464648, cf. comm. J. de Gliniasty, RDLF 2022, chron. 33, en ligne).
Dans un arrêt du 25 juillet, le Conseil d’État précise les modalités d’application du
nouvel article L. 422-5-1 du code de l’urbanisme issu de la loi séparatisme obligeant le
maire à recueillir l’avis du préfet sur un projet de « constructions et installations destinées
à l’exercice d’un culte ». S’il refuse de renvoyer les QPC soulevées notamment en ce qui
concerne l’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, il censure
toutefois l’ordonnance de la CAA de Versailles en jugeant que l’obligation de consultation
n’est circonscrite qu’au cas où « la demande dont le maire ou le président de l’établissement
public de coopération intercommunale est saisi porte sur un projet ayant pour effet de créer
ou d’étendre significativement une construction ou une installation destinée à l’exercice
d’un culte ». Il faut dire qu’il s’agissait en l’espèce de la création d’un espace commercial
et d’une réduction des salles de prière pour les femmes et pour les hommes. (CE, 25 juillet
2022, no 463525, Commune de Bagneux).
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• Bioéthique
Le Parlement a autorisé, par la loi no 2022-1032 du 22 juillet 2022, la ratification de
la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, dont l’objet est
d’harmoniser les infractions pénales en la matière, de protéger les victimes et de faciliter la
coopération. Non ratifiée à ce jour, le Gouvernement a émis des réserves (art. 7 à 10) relatives à
la pénalisation de la tentative de commettre les infractions visées (qui concerne les profession-
nels) et à certaines règles de compétences en matière pénale. En matière de bioéthique, c’est
encore le droit du Conseil de l’Europe qui a fait l’objet d’une actualité via sa mobilisation en
matière d’assistance médicale à la procréation. Saisie par les parents d’un homme de 23 ans
décédé d’un cancer qui avait conservé ses gamètes de son vivant, la Cour de cassation a
confirmé le rejet de la demande de restitution des gamètes qui s’était d’abord engagée devant
les juridictions administratives par la voie d’une demande d’en autoriser l’exportation (CE,
JR, 4 décembre 2018, no 425446). La décision de l’AP-HP, en refusant leur restitution, n’est
pas constitutive d’une voie de fait, car « des gamètes humains ne constituent pas des biens
au sens de l’article 1 du protocole additionnel no 1 » à la Convention EDH et « la liberté de
procréer n’entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la
Constitution » (Civ. 1re, 15 juin 2022, FS-B, no 21-17.654). En outre, rappelle la Cour, cette
possibilité s’éteint avec le décès, car « seule la personne peut en disposer ». Si elle s’éteint
avec le décès, elle peut également s’éteindre, ce qui paraît nettement moins évident, avec
le changement de sexe comme le Conseil constitutionnel vient de le confirmer alors qu’il
était saisi d’une QPC transmise par le Conseil d’État à l’occasion d’un recours en excès de
pouvoir contre le décret no 2021-1243 du 28 septembre 2021. L’association contestait, sur
le fondement de l’égalité des sexes, l’exclusion des hommes de l’accès à l’AMP posée par
l’article L. 2141-2 du code de la santé publique issu de la loi relative à la bioéthique, celle-ci
n’étant ouverte qu’aux femmes susceptibles de mener une grossesse (qu’elles soient en couple
avec un homme, avec une femme, ou seules), alors que certains hommes, après un changement
de sexe à l’état civil, se trouvent dans la même situation. Dans une motivation dont la brièveté
ne surprendra plus, le Conseil a estimé que la différence des sexes au regard de l’état civil
pouvait justifier une différence de traitement en matière procréative (Cons. Const., décision
no 2022-1003 QPC du 8 juillet 2022, cons. 8). La bicatégorisation de sexe demeure ancrée,
à tel point que les intersexes n’apparaissent toujours pas dans les nouvelles attributions de
la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et
de l’Égalité des chances (décret no 2022-864 du 8 juin 2022), malgré un premier arrêt rendu
par la Cour européenne qui voyait devant elle contestées les opérations non consenties, non
nécessaires et stérilisantes effectuées sur l’un de ces enfants (Cour EDH, 26 avril 2022, M. c.
France, req. no 42821/18).
• Environnement
Concernant l’impact de l’environnement sur la santé humaine, le TA de Paris a révélé
des « négligences fautives » de l’État qui a autorisé de manière dérogatoire l’usage par
les industriels de la banane en Guadeloupe et en Martinique d’une substance interdite sur
l’ensemble du territoire, le chlordécone. Le refus de retenir le préjudice d’anxiété lié à la
pollution de personnes ayant vécu plus de 12 mois sur ces territoires conduit toutefois à
faire échec à l’engagement de sa responsabilité (TA Paris, 24 juin 2022, nos 2006925/6-2,
2107178/6-2 et 2126538/6-2).
Du côté de l’impact des activités humaines sur les espèces animales, le Conseil d’État a
annulé le refus du ministre chargé de la Chasse de prendre l’arrêté de suspension de la chasse
du grand tétras sur l’ensemble du territoire métropolitain pour une durée de cinq ans et l’a
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enjoint de le faire avant le 15 juillet 2022. Toutefois, par une décision du même jour, la haute
juridiction refuse de retirer le gallinacé ainsi que d’autres espèces menacées de la liste des
espèces de gibier dont la chasse est autorisée (CE, 1er juin 2022, Association France nature
environnement Midi-Pyrénées, no 453232, et Association One Voice, no 445616).
A signaler également : l’avis motivé de la Commission européenne à la France pour
transposition incomplète de la directive sur les lanceurs d’alerte [INFR(2022)0083] et, sur
les questions environnementales, plusieurs lettres de mise en demeure notamment d’empê-
cher les prises accessoires de dauphins communs et d’autres espèces protégées pour
se conformer à ses obligations posées par la directive « Habitats » [INFR(2020)4036],
d’aligner sa législation nationale sur la directive relative à l’évaluation des incidences
sur l’environnement [INFR(2019)2021] ou encore d’améliorer ses règles nationales en
matière d’émissions industrielles dans l’air, l’eau et le sol [INFR(2022)2057] conformément
à la directive 2010/75/UE.